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L'aventure scripturale au coeur de l'autofiction dans Kiffe kiffe demain de Faiza Guène

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par Nadia BOUHADID
Université Mentouri, Constantine - Magistère en science des textes littéraires 2008
  

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2. Chez soi comme ailleurs ou l'entre deux «bleds» :

Doria, jeune adolescente d'origine marocaine mais née et vivant en France, présente l'exemple parfait du jeune beur perdu entre deux identités culturelles. Entre la France ou le Maroc elle ne sait où se placer.

2-1-Regard porté sur le pays d'accueil :

Ils sont nés en France, mais ils ne sont jamais qualifiés de Français sans l'attribut de l'inséparable origine des parents « français d'origine maghrébine ». Une réalité si amère pour ces jeunes « beurs » qui se trouvent au carrefour de deux mondes différents. Ce malaise s'accroit davantage quand ils réalisent qu'ils sont déniés à la fois par les deux pays « parents ». Examinons cet énoncé :

Quand elle était enfant, Doria jouaient avec des poupées usées : « même leur prénom c'était de la merde : Françoise. C'est la poupée des filles qui rêvent pas » (p.41)

Un lecteur averti pourrait facilement comprendre que Doria faisait allusion à la
France. En effet, le prénom Françoise est très révélateur, cependant, le

1« La doxa, c'est l'ensemble - plus ou moins homogène - d'opinions confuses, de préjugés populaires, de présuppositions généralement admises et évaluées positivement ou négativement, sur lesquelles se fonde toute forme de communication », définition prise de l'encyclopédie Wikipedia en ligne : http://fr.wikipedia.org/wiki/Doxa

2 Encyclopédie Wikipedia en ligne : http://fr.wikipedia.org/wiki/St%C3%A9r%C3%A9otype

substantif« merde » dévoile un regard dévalorisant vis-à-vis de la France car ce substantif plutôt vulgaire est utilisé couramment pour exprimer le caractère d'une chose méprisable et irritante. Ainsi, la France est perçue par la narratrice comme une communauté méprisable, un pays d'exclusion qui tue les rêves. Cette image de la France diffère amplement de celle qu'avaient les immigrés de la première génération. En effet, ces derniers sont souvent montrés fascinés par la beauté d'un pays jusque là exotique :

Le protagoniste Béni dans Béni ou le Paradis privé trouve le prénom de sa copine de classe assez jolie : « France, c'est un joli prénom, comme le pays qui lui aussi est joli. 1»

Azouz Begag montre à travers ce personnage que les représentations du pays d'accueil des immigrés de première génération voire même ceux de la deuxième génération sont plutôt valorisantes.

Le retour au pays d'origine est également vu différemment par les deux générations: « Les enfants, ça a pas dû leur effleurer l'esprit. Mais les parents, eux, ils doivent y penser depuis le premier jour où ils sont arrivés en France. Depuis le jour où ils ont fait l'erreur de foutre les pieds dans ce putain de pays qu'ils croyaient devenir le leur.» (p.58)

Azouz Begag s'est attaché également à montrer cet espoir des parents à rentrer un jour au pays natal : « Fallait pas lui parler de changement... Ou bien du seul qui valait la peine à ses yeux : le retour au pays.2 »

Dans le premier exemple les sèmes « erreur », « putain de pays » dévoile le malaise de la narratrice de Kiffe kiffe demain et son irritation contre le pays d'accueil. En outre, le syntagme « ils croyaient devenir le leur » divulgue, par ailleurs, la frustration des immigrés qui avaient de grands espoirs à s'intégrer aisément dans cette nouvelle société.

Donc, la France valorisée par les premiers immigrés, revêt un autre visage avec ces jeunes souffrant de l'inégalité sociale et du coup de l'exclusion:

1 Begag, Azouz, Béni ou le Paradis privé, Paris, Seuil, 1989, p.43.

2 Begag, Azouz, Dis Ouailla !, Paris, Fayard, 1997, p.22.

« L'identité devient un problème social et on passe d'une identité d'étranger à une identité d'exclu, de marginal dans le monde moderne.1»

Notons toutefois que malgré toute la fureur que porte la narratrice pour la France, elle ne la considère pas comme un pays d'accueil, observons alors le passage suivant :

« Elle m'a dit que la première chose qu'elle avait faite en arrivant dans ce minuscule F2, c'était de vomir. Je me demande si c'étaient les effets du mal de mer ou un présage de son avenir dans ce bled. » (p.21)

Doria a qualifié la France de « bled », terme d'origine arabe, employé souvent pour désigner son pays d'origine. Cet emploi change les point de repère pour la narratrice : la France est considérée également comme son «bled». Djamel Debouz disait à ce sujet : « choisir entre le Maroc et la France c'est comme choisir entre ma mère et mon père2 ». Effectivement, la protagoniste ne manque d'exprimer son affection pour son deuxième « bled » :

En imaginant que l'assistant social a changé de métier, elle dit : « Il passe avec sa camionnette bleu ciel dans les petits villages de la bonne vieille France, le dimanche après la messe, et vend du pain de seigle, du roquefort tradition et du saucisson sec » (p.19)

Le choix du syntagme « bonne vieille France » révèle l'affection qu'à Doria pour la France. Mais vu le caractère de la narratrice, tournant tout ce qui l'entoure en dérision, le lecteur pourrait prendre cette expression pour une forme d'ironie. Une troisième interprétation considérerait l'expression « bonne ville France » comme une expression figée utilisée spontanément pour évoquer le passé et le côté traditionnel du pays. Donc, pouvoir cerner la signification d'un stéréotype « dépend du calcul interprétatif de l'allocutaire et de ses connaissances encyclopédique3 »

Toutefois, il serait naturel que ces beurs considèrent la France comme leur pays car ils sont nés sur le territoire français et ont grandi dans son champs urbain. C'est ainsi qu'ils ne peuvent concevoir leur vie dans un autre pays :

1 http://www.phil.muni.cz/rom/crusinova98.pdf

2 Djamel debouz, spéctacle présenté au zénith, Dvd, 2004.

3 Charaudeau P. et Maingueneau D, Dictionnaire d'Analyse du discours, Paris, Seuil, Paris, p.547.

« Sa vie, il ne pouvait l'imaginer ailleurs qu'à la cité des Pâquerettes, avec ses copains comme balise Argos1»

La France est ainsi « le bled » et le pays d'exclusion car quoique ces jeunes y aient passé la plupart de leur vie, ils étaient toujours considérés comme immigrés plutôt que français à part entière. De plus, « la hantise de l'expulsion fait souvent partie du vécu quotidien des jeunes, menacés d'être reconduits dans un pays où ils n'ont pas vécu2»

Qu'en est-il alors de la position de ces êtres tiraillés entre deux univers face à leur pays d'origine ?

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus