La possession d'état dans l'avant-projet du code camerounais des personnes et de la famille( Télécharger le fichier original )par Jean Noel TAMEKUE TAGNE Université de Yaoundé II - DEA en droit privé fondamental 2008 |
§2. L'APPRECIATION CRITIQUE DE LA COMPETENCE DELA LOI CAMEROUNAISEBien que la compétence de la loi camerounaise pour régir les conséquences découlant de la possession d'état d'enfant résidant au Cameroun soit justifiée (A), des difficultés peuvent surgir dans sa mise en oeuvre (B). A. LA COMPETENCE JUSTIFIEE DE LA LOI CAMEROUNAISE 112. Le rattachement à la loi camerounaise, à l'exclusion de toute autre, des effets de la possession d'état d'enfant est justifié par l'idée que les effets attachés à la possession d'état ont pour but de protéger la paix des familles. Il faut donc éviter que celle-ci puisse être troublée sur la base de l'application d'une loi étrangère168(*). Cette règle de rattachement a pour objectif prioritaire la protection des situations établies contre la perturbation éventuelle apportée par une loi étrangère rendue applicable du fait de la règle normale de conflit, dès lors que celles-ci sont reconnues par la loi camerounaise et intégrées au milieu social camerounais. 113. En outre, la possession d'état d'enfant résidant au Cameroun est constituée sur le sol camerounais. C'est une situation de fait qui a pris corps dans le milieu social camerounais. C'est tout à fait normal que les rédacteurs la rattachent à l'ordre juridique camerounais, qui apparaît le mieux approprié pour régir le rapport de droit en question. On peut également trouver une justification à la compétence de la loi camerounaise par l'idée de protection des enfants d'immigrés. L'objectif est de faire bénéficier les enfants de parents étrangers des effets de la possession d'état en droit camerounais. Il est à craindre que la loi désignée par la règle normale de conflit n'attache aucun effet à la possession d'état. La mise en oeuvre de la loi camerounaise n'est pas sans difficulté. B. LES EVENTUELLES DIFFICULTES DANS LA MISE EN OEUVRE DE LA LOI CAMEROUNAISE 114. La doctrine française de droit international privé nous offre toute une série d'arguments, permettant d'apprécier le rattachement à la loi camerounaise des effets découlant de la possession d'état d'enfant résidant au Cameroun. Nous sommes d'avis que les reproches faites au sujet de la règle de rattachement posée par l'article 311-15 de la loi française de 1972, peuvent également être faites à l'encontre de la règle de conflit posée par l'article 326 paragraphe 3 de l'Avant-projet de code. 115. En vérité, l'application de la loi camerounaise qu'aux « conséquences » qui « découlent » de la possession d'état laisse subsister l'application de la loi désignée par la règle de conflit bilatérale, aux autres aspects de la filiation. Il est en définitive, effectivement difficile de prévoir comment pourra s'organiser la coexistence de la loi camerounaise pour régir les effets de la possession d'état, et la loi étrangère pour les autres éléments de la filiation169(*). Une critique autorisée affirme d'ailleurs que, les effets de la possession d'état apparaissent trop intimement liés aux règles d'établissement de la filiation pour pouvoir être soumis rationnellement à une loi différente170(*). Selon cette critique, il n'y a véritablement pas de raisons à ce que les effets de la possession d'état d'enfant soient détachés des autres éléments de la filiation, quant à la recherche de la loi applicable. Selon cet auteur, ce n'est pas uniquement les effets découlant de la possession d'état qui devraient être régis par la loi du for, mais par souci de cohérence, la filiation en entier. 116. Une autre difficulté dans la mise en oeuvre de la loi camerounaise est le risque d'inégalité entre enfants. Le rattachement opéré par l'Avant-projet de code risque de conduire à des inégalités entre enfants lorsque ceux-ci résideront dans des pays différents. Celui qui réside seul à l'étranger ne pouvant comme son frère résidant au Cameroun avec ses parents, invoquer le bénéfice de la possession d'état, par exemple pour prouver sa filiation légitime, si la loi désignée par la règle de conflit appropriée ne connaît pas ce mode de preuve171(*). L'Avant-projet de code a désigné la loi camerounaise compétente pour déterminer les conséquences découlant de la possession d'état d'enfant résidant au Cameroun. Qu'en est-il de la loi applicable aux effets de la possession d'état lorsque l'enfant et ses père et mère ne sont ni camerounais, ni résidants au Cameroun ? * 168 J. MASSIP, G. MORIN, J-L. AUBERT, « La loi du 3 janvier 1972 sur la filiation », Défrénois 1972, pp. 523 et ss. * 169 Dans une tentative de simplification, le Sénat français, avait proposé de faire régir, aux conditions de résidence prévues par le projet de loi de 1972, « la filiation ... par la loi française ». V. I. FADLALLAH, op. cit. n° 311, p. 283. * 170 V. A. PONSARD, « La loi française du 3 janvier 1972 et les conflits de lois en matière de filiation », JDI 1972, n° 20, p. 778. * 171 C'est une analyse empruntée à MM. BATIFFOL et LAGARDE. V. en ce sens, H. BATIFFOL et P. LAGARDE, op. cit., p.10. |
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