B. L'épisode congolais : un pan du jeu international
pour la maîtrise des sources d'énergie ?
Ici, l'objectif poursuivi est de savoir si la série des
guerres congolaises de 1990 à 2002 participe du grand jeu international
relatif la domestication des
91B. DEBRE, « L'Afrique convoitée
», in GARAUD, Marie-France, (dir.), L'Afrique acteur ou enjeu
? Géopolitique, n°63, Paris, PUF, octobre 1998, p. 91 ;
également : B. LUGAN, « l'Afrique qui bouge », in,
GARAUD, Marie-France, (dir.), L'Afrique acteur ou enjeu ?
Géopolitique, n°63, Paris, PUF, octobre 1998, p. 18.
ressources naturelles indispensables au fonctionnement des
industries et des économies des grandes puissances. Tour à tour,
il sera examiné la signification de la maîtrise des sources de
l'énergie dans le contexte contemporain (1) et l'incidence des
stratégies de positionnement et de repositionnement des multinationales
sur les guerres du Congo (2).
1. Le sens de la maîtrise des sources
d'énergie
Dans le contexte actuel, la maîtrise des sources de
l'énergie se pose comme un facteur sans lequel le rayonnement,
l'attractivité ou la crainte qu'un acteur international peut inspirer
à ses homologues s'effondreraient comme un château de cartes. Ce
diagnostic de M. BEDJAOUI ne fait que conforter ce constat :
«Depuis toujours, le contrôle des
marchés extérieurs et la recherche des sources
d'approvisionnement en matières premières et en énergie,
ont constitué la trame de l'histoire universelle. C'est pourquoi, il est
peu de conflit, ou de tensions graves dans les relations internationales, sans
racines économiques. C'est que le conflit, c'est-à-dire
l'opposition d'intérêts, semble comme devoir faire
inévitablement partie de l'essence même de l'économie qui,
par définition, antagonise des agents dont les objectifs sont de se
« gagner », de se « vaincre » les uns les autres. Il
apparaît au surplus que les biens matériels sont des signes qui
déterminent les niveaux de puissance ou les rapports de pouvoir, tant il
est vrai qu'il n'est en fin de
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compte de pouvoir qu'économique ».
Cette affirmation montre que contrôler et
maîtriser les sources et les voies de transit de ces agrégats se
pose aux Pays Développés comme un impératif majeur
à un triple point de vue.
Primo, la maîtrise des sources de
l'énergie est une politique de souveraineté. Elle a une incidence
sur la politique interne et sur les ambitions externes d'un Etat. Au plan
interne, cette maîtrise est synonyme de relance de l'industrie et facteur
de stabilité sociale. Dans ce sens, elle contribue à la
prospérité et à la stabilité de la nation. Au plan
externe, la pérennisation de la posture actuelle des Pays
Développés sur la scène internationale est
étroitement liée à cette ressource.
Secundo, tourner le dos à la maîtrise
des sources de l'énergie est une démission. Par cet acte,
l'Occident renoncerait désormais à exercer son influence
92M. BEDJAOUI, Préface, D. ROSENBERG, Le
Principe de la souveraineté des Etats sur les ressources
naturelles, Paris, LGDJ, 1983, p. 20.
sur le monde. Par conséquent, il renoncerait
également à la prospérité économique qui la
caractérise aujourd'hui. Cette attitude est inadmissible. Les seules
alternatives viables qui se dessinent sont celles de s'assurer de la
maîtrise des sources de production, de sécuriser les voies de
transit des approvisionnements, de garder jalousement les sources qui sont sous
contrôle en s'assurant que des intrus ne s'y aventurent, enfin d'aller
chercher ces ressources là où elles se trouvent si la
nécessité le recommande. Les propos de ce stratège
américain traduisent cette détermination des grandes puissances
:
« Une grande puissance comme les USA ne peut accepter
que ses réserves de pétrole soient confisquées. S'il le
faut, ils sont prêts à intervenir en Arabie Saoudite pour prendre
le contrôle des champs pétrolifères. Une grande puissance
ne saurait se laisser prendre en otage de la sorte »93.
Tertio, les idées de rupture ou de
pénurie des approvisionnements et même de menace de rupture des
approvisionnements correspondent à des attitudes qui peuvent engendrer
d'importants changements dans les habitudes d'un Etat. Ces idées sont
particulièrement dangereuses. Pour cela, elles sont redoutées par
les grands pays consommateurs d'énergie. Pour conjurer ce genre
d'attitudes, toutes les manoeuvres, même les plus mesquines et cyniques,
ont souvent cours. Cependant, peut-on affirmer ou infirmer qu'une
compétition était engagée pour la maîtrise des
approvisionnements congolais entre 1990 et 2002 ?
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