Section II. Pertinence et viabilité du processus
de reconstruction post- conflit
La finalité poursuivie par cette section est de
ressortir les chances de réussite de cette entreprise de
reconsidération des sources de la richesse nationale. En effet, pour
qu'elle produise réellement les effets attendus, elle ne saurait exclure
d'une part, un volet installation des conditions de retour à la paix et
la mise en place d'un très bon mécanisme de redistribution de la
richesse nationale (A), et d'autre part, de poser clairement la
problématique de la sécurité et de l'avenir du Congo avec
les ressources naturelles stratégiques (B).
A. L'équation interne : l'enjeu
sécuritaire
Pour être confiant en la capacité des Congolais
à entreprendre tout en extirpant de ce cauchemar de ces dernières
années le nécessaire travail de guérison, il est
impérieux d'engager une pédagogie en direction de tous ces jeunes
qui ont trouvé une raison de s'intégrer dans la
société depuis que la violence est devenue un argument politique.
Si à cet effort de retour à la paix est lié la relance des
activités économiques (1), il n'en demeure pas moins que la
problématique de la sécurité au Congo ne devrait plus se
poser uniquement comme une simple équation interne (2).
1. Le retour à la paix : une épineuse
question
Le retour à la paix est une problématique
très importante dans le contexte actuel du Congo. Par conséquent,
sa pertinence et sa viabilité devraient présenter des garanties
satisfaisantes, étant donné que sur elle repose désormais
le destin, non seulement de toute la population congolaise, mais aussi, en
partie, celui des voisins avec lesquels le Congo est engagé depuis peu
dans la dynamique de l'intégration.
En effet, le processus destiné à
réinstaurer cette atmosphère est engagé dès octobre
1997, c'est-à-dire quelques temps après la victoire des forces du
PCT sur celles de l'UPADS. Elle a connu des temps forts : le forum national du
15 octobre 1997 qui a consacré la promulgation de l'Acte fondamental, la
nouvelle base juridique du pays ; les accords de Pointe-Noire et de Brazzaville
des 16 novembre et 29 décembre 1999 ; le dialogue national sans
exclusive et toutes les autres étapes qui ont conduit à la
série des élections de 2002. Le retour à la paix est
destiné à susciter la confiance en la capacité des
Congolais à entreprendre tout en leur permettant de se soustraire du
cauchemar de ces douze dernières années.
On peut convenir que les dés sont jetés avec les
Accord du 16 novembre à Pointe-Noire et le 29 décembre 1999
à Brazzaville. Signés par toutes les parties en conflit, ces
Accords ont relancé le processus de la restauration de l'État de
droit et du retour aux institutions démocratiques. Ils consacrent, entre
autres, la fin de la guerre, le retour des déplacés, l'amnistie
des belligérants, la réinsertion des combattants, la
libération des personnes encore détenues : miliciens, militaires
et autres. Aussi, stipulent-ils que les combattants militaires de
carrière doivent rejoindre leur corps d'origine. Les étapes de
Pointe-Noire et de Brazzaville sont très significatives dans ce
processus de pacification et de réinstauration d'une nouvelle
atmosphère sociale et politique au Congo. Car, les militaires, les
miliciens et divers autres mouvements engagés dans le conflit ont
décidé de tourner le dos à l'affrontement et de renouer
avec la vie ordinaire.
Cependant, les autres entrepreneurs politiques adversaires du
pouvoir actuel depuis leur exil en Occident -- l'ancien Président de la
République, monsieur Bernard KOLELAS ou encore monsieur NGUILA
MOUNGOUNGA-NKOMBO -- ont
jusqu'alors rejeté toutes ces initiatives de
pacification. Si le premier continue toujours de se considérer comme le
chef d'État «constitutionnel » du Congo, en refusant de
reconnaître l'actuel exécutif, le deuxième, plus radical
encore rejette simplement la validité de ces accords de paix, avant de
problématiser, la légitimité des chefs de guerre (leurs
propres partisans) qui ont participé aux dits Accords.
La deuxième étape de ce processus a
été le dialogue national sans exclusive d'avril 2002, sous
l'égide du gouvernement et du médiateur international, le
Président El Hadj Omar BONGO ONDIMBA, le chef de l'Etat gabonais. Vaste
espace de concertation, ce dialogue national se voulait sans exclusive, parce
que ouvert à l'ensemble des composantes et des sensibilités de
toute la société : aussi bien à l'élite, aux
politiques, à la société civile qu'aux populations
rurales104. Centré exclusivement sur le projet de
constitution, il a visé à en améliorer les termes, non
à débattre de la légitimité du pouvoir issu de la
guerre du 05 juin 1997, reconnu aussi bien par la grande majorité des
Congolais que par la Communauté Internationale, sauf par l'opposition en
exil, laquelle n'a d'ailleurs pas été conviée à
cette concertation105. Commencé dans les districts puis les
chefs-lieux de régions, il a culminé à Brazzaville en une
réunion qui a synthétisé, au palais du Parlement, les
propositions d'amélioration du texte présenté par le
gouvernement.
Enfin, l'autre grande étape c'est successivement la
préparation et la tenue de la série des élections de 2002
qui aux présidentielles, ont confirmé la victoire du
général SASSOU N'GUESSO à la tête de l'Etat depuis
octobre 1997. Parallèlement à tout cela, il faut
reconnaître qu'un impressionnant travail de pédagogie est
désormais orienté dans le sens de la promotion d'une
véritable culture de la paix, particulièrement, en direction de
tous ces jeunes qui ont servi jadis en qualité de
104Cependant, les autres entrepreneurs politiques plus
haut cités n'étaient pas conviés.
105L'opposition en exil a bien voulu prendre part
à ces assises. Mais, cela n'était pas de l'avis des
organisateurs, le gouvernement en place à Brazzaville. La
conséquence de cet acte c'est qu'elle n'a jamais accepté les
décisions issues de cette concertation, a refusé de
reconnaître les institutions en place à Brazzaville et continue de
se considérer comme le gouvernement légal du Congo. La question
qui s'impose ici, la problématique d'un véritable retour à
la paix au Congo, ne doit-elle pas rassembler autour d'une même table
tous les acteurs de la scène politique nationale, y compris ceux qui
sont en exil ? Indéniablement, ces exclusions ont une incidence sur la
paix, car il y a lieu de craindre l'instrumentalisation des chefs de guerre
restés sur place par cette opposition. C'est effectivement ce qui est en
train de se passer avec le pasteur NTUMI dans la région du Pool.
milicien auprès des entrepreneurs politiques.
L'objectif poursuivit ici consiste à leur faire comprendre que la
période des turbulences est passée et que désormais la
tâche qui s'impose à eux consiste à travailler la main dans
la main afin de négocier leur place et celle de leur pays dans le
concert des peuples et des nations du XXIème
siècle.
Aujourd'hui, cette dynamique de pacification semble convaincre
bon nombre de personnes qui étaient d'abord pessimistes. La convergence
de diverses initiatives en faveur de la paix rend peu à peu cette
dynamique irréversible. Les ex-miliciens sortent progressivement de
leurs maquis dans les régions sud du pays et promettent solennellement
de ne plus faire la guerre, le pays est de nouveau en grâce avec la
communauté financière internationale avec laquelle il vient de
conclure un accord, qui à terme, pourra le confirmer dans le giron des
PPTE.
Si on ne peut pas encore affirmer qu'il existe une paix
véritable au Congo, il sied de mentionner que beaucoup d'efforts sont
déployés dans ce sens. C'est dans cette optique que,
comparé à la majorité des pays qui ont connu une situation
similaire, le cas du Congo paraît singulier. Car, aujourd'hui, l'on
croirait à peine l'idée que ce pays sort d'une série de
conflits armés particulièrement violents et qui ont
profondément bouleversés les habitudes des populations et des
institutions. La paix est certes là, tangible et le chemin pour
l'instaurer est tracé. Mais, elle paraît encore très
fragile et demande à être consolidée. Car, certains aspects
de ce retour à la paix restent encore en suspens.
Il reste en effet en suspens la question du désarmement
et de la réinsertion des jeunes qui ont jadis servi en qualité de
miliciens auprès des entrepreneurs politiques. Depuis le printemps 2003,
le processus de retour à la paix dans le Département du Pool
piétine. Les plans d'aide, qu'ils soient pour la réinsertion des
ex-combattants ou pour le retour des populations déplacées dans
leurs villages d'origine ne sont toujours pas opérationnels. Le Pool
reste une zone d'insécurité. Les incidents multiples ciblant les
trains de fret et de passagers entre Pointe-Noire et Brazzaville perturbent les
activités économiques tant dans la capitale que dans le Pool. Les
acteurs humanitaires présents dans la zone sont à plusieurs
reprises
victimes de pressions, d'intimidations, de vols et de
violences de la part d'excombattants. C'est également le cas avec
l'affaire des disparus du Beach qui n'est pas toujours pas
réglée et qui ne cesse de saper l'équilibre entre les
ethnies106 ; l'épineuse question de la redistribution
équitable de la richesse nationale entre tous les ayants droits reste
encore un véritable cauchemar.
En outre, des coups d'Etats sont désamorcés
régulièrement ; les questions liées au statut des anciens
chefs de guerres et politiques, aussi bien ceux qui sont sur place que ceux qui
sont en exil restent entières ; de temps à autres, des
affrontements continuent dans certaines provinces du pays, comme dans le Pool,
avec pour corollaires des villages détruits, des déplacements de
populations sans compter des dizaines de morts et d'autres sortes d'exactions.
Dans ces conditions, on constate que c'est très difficile d'attirer les
investisseurs, lesquels se soucient avant tout de la prospérité
de leurs affaires et de la sécurité de leurs avoirs. Cependant,
doit-on continuer à concevoir la sécurité du Congo comme
une question interne (quand bien même les véritables menaces
proviendraient de l'intérieur), et par conséquent minimiser cette
problématique au plan sous- régional ?
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