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Le Discours fondateur des droits de l'homme dans l'anthropologie politique de John LOCKE : essai de compréhension de l'apport lockien dans la Déclaration universelle des droits de l'homme

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par Sédard-Roméo NGAKOSSO-OKO
Université de Yaoundé I - Maîtrise en Philosophie 2001
  

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II.2. L'aspect polémique des traités politiques de J. LOCKE

II.2.1. Polémique vis-à-vis de T. HOBBES

Très souvent J. LOCKE est présenté comme un critique de T. HOBBES. Le raisonnement est sommaire jusqu'à l'erreur. Il convient ici de lever l'équivoque. Il est malaisé de constater d'emblée que le nom de l'auteur du Léviathan, n'apparaît nulle part dans le traité politique de J. LOCKE. Sauf son livre, Léviathan, qui y est mentionné une fois42.

Aussi, la pensée politique de J. LOCKE n'a pas toujours été encline au libéralisme comme cela se dit. En d'autres termes, J. LOCKE a lui aussi connu une période absolutiste. C'est précisément quand il était jeune. En effet, le jeune LOCKE

est l'auteur de quatre textes inédits. Les deux premiers, des poèmes43 sont une louange en l'honneur de O. CROMWELL (1599-1658), un usurpateur-tyran. Les deux derniers, des essais44, dans lesquels répondant à un libellé de son ami étudiant, E. BAGSHAWE, J. LOCKE se réjouit successivement de la restauration de Charles Ier STUART et défend avec fougue l'autorité des rois et l'obéissance des sujets. Comme nous le relevons, à cette époque, la pensée de J. LOCKE exprime une nette proximité avec la philosophie politique de T. HOBBES. C'est d'ailleurs l'avis de S. GOYARD-FABRE et de plusieurs autres commentateurs de la pensée politique de J. LOCKE :

« Il (J. LOCKE) a donc bien traversé une époque anti-libérale, et lors même qu'il récusait l'étiquette de «hobbiste» et se défendit toute sa vie d'en avoir subi l'influence, l'ombre de HOBBES planait à cette époque sur sa réflexion politique »45.

Le dépassement de la tentation hobbienne se fait sentir dès 1664 avec les Essays on the law of nature et se précise dans l'Essai sur la tolérance de 1666 avant de prendre sa formulation définitive dans le traité politique de 1690. Non sans avoir emprunté à T. HOBBES l'idée selon laquelle c'est le contrat qui est non seulement, l'acte générateur de la souveraineté, mais aussi, l'acte fondateur de la société civile. Au reste, J. LOCKE lui sait aussi gré d'avoir su distinguer un état où les hommes sont hostiles les uns vis-à-vis des autres, l'état de nature, et un autre état, l'état civil, où les hommes sont régis par des lois publiques (Common law). Il ressort clairement que le système de J. LOCKE est bien tributaire de la pensée politique de T. HOBBES.

43Composé en 1653-1654 : l'un en vers anglais et l'autre en vers latin. Pendant cette période, CROMWELL était devenu le personnage le plus important de la République. Sur ces deux poèmes, voir C. BASTIDE, J. LOCKE, ses théories politiques et leurs influences en Angleterre, Leroux, 1906, p. 13.

44Composé en 1660 : l'un en anglais, Wether the civilis magistrtate may lawfully imposes and determines the use of indifferents things in reference to religious worship. L'autre en vers latin, An magistratus civilis possit res adiaphoras in divini cultus ritus asciscere, eosque populo imponere ? Sur ces deux textes, cf. R. POLIN, «Locke et le libéralisme», Appendice de La Politique morale de J. LOCKE, P.U.F, 1960, pp. 237-250 ; et dans l'introduction à la L.T., P.U.F., 1993, pp. LXVII-LXXXIII.

45 S. GOYARD-FABRE, Introduction au Traité du gouvernement civil de J. LOCKE, GF-Flammarion, 1992, p. 19. C'est aussi l'avis de R. POLIN, «J. LOCKE et le libéralisme», Appendice de La Politique morale de J. LOCKE, P.U.F, 1960, pp. 237-250. Egalement, Y. MICHAUD, LOCKE, Bordas, 1986, pp. 14-17. De Richard ASHCRAFT, La Politique révolutionnaire et les deux traités du gouvernement de John LOCKE, P.U.F. 1999, p. 82, nous lisons : « Ces manuscrits établissent clairement qu'un nombre considérable d'éléments que nous identifierons comme le noyau de la pensée politique de LOCKE sont absents de ses écrits politiques antérieurs à 1667. C'est-à-dire que, au début des années 1660, LOCKE est prêt à accorder au magistrat civil un pouvoir absolu et arbitraire sur les actions des individus à l'intérieur de la société ; il ne souscrit pas à une théorie des droits naturels ; il est opposé à la tolérance de la dissidence religieuse ; il ne croit pas que la primauté du parlement soit une concrétisation du pouvoir législatif de la société ; il n'expose pas dans ses écrits une théorie de la propriété ou de son importance dans les origines de la société civile. Enfin, il rejette l'idée que le peuple ait le droit de résister à ses gouvernants ».

46T. HOBBES, Léviathan, Partie I, Chapitre XIV : Des deux premières lois naturelles et des contrats, Sirey, 1983, p.129.

Cependant, l'oeuvre de J. LOCKE, par certains côtés, entretient une polémique par rapport à celle de T. HOBBES. Cette polémique se situe en terrain purement philosophique, et se développe à deux niveaux. Premièrement, en ce qui concerne la conception de l'état de nature (ci-dessus pages : 19-20) d'une part, en ce qui concerne celle de l'acte générateur de la société civile et instituteur de l'autorité politique (ci-dessus pages : 20-23) d'autre part. Deuxièmement en ce qui concerne la conception et la compréhension de l'autorité politique elle-même (ci-dessus pages 3-4 et dessous pages : 26-47). En outre, pareille polémique ne signifie nullement une opposition, ni même une critique, mais plutôt un dépassement.

Chez l'auteur du Léviathan, l'acte fondant et instituant la communauté et l'autorité politiques est le résultat d'un calcul de la raison, qui, tournée vers l'avenir, détermine les conditions nécessaires à la sauvegarde des hommes. La raison ici procède par mathématiques et technique. De la simple sommation arithmétique des entités insulaires que sont les individus, elle parvient à la mise sur pied d'un homme artificiel, en qui résidera l'essence de la république. Par un ensemble de lois civiles qu'il édictera, il substituera la paix à la guerre, et, par la contrainte, il effacera la crainte. Voici la quintessence de ce calcul téléologique d'intérêts :

« De cette loi fondamentale de nature, par laquelle il est ordonné aux hommes de s'efforcer à la paix, dérive la seconde loi : que l'on consente, quand les autres y consentent aussi, à se dessaisir, dans la mesure où l'on pensera que cela est nécessaire à la paix et à sa propre défense, du droit que l'on a sur toute chose ; et qu'on se contente d'autant de liberté à l'égard des autres qu'on en concéderait aux autres à l'égard de soi-même. Car, aussi longtemps que chacun conserve ce droit de faire tout ce qui lui plaît, tous les hommes sont dans l'état de guerre. Mais si les autres hommes ne veulent pas se dessaisir de leur droit aussi bien que lui-même, nul homme n'a de raison de se dépouiller du sien, car ce sera là s'exposer à la violence (ce à quoi nul n'est tenu) plutôt que de se disposer à la paix »46.

Les conséquences suivantes s'imposent. L'autorité publique, pourtant issue du pacte social, n'est pas partie prenante de ce pacte. Sa puissance, il la tient de l'accumulation de tous les droits que les individus ont abdiqués. Cette formidable puissance, c'est ce qu'on appelle l'état (Commonwealth), qui se caractérise par son

empire. En cette dimension superlative, il est puissance souveraine telle qu'il n'y a pas plus grande qu'elle. C'est cette supériorité qui fait la souveraineté de l'Etatléviathan, lequel peut aussi bien s'incarner dans une Assemblée que dans un homme. L 'Etat-léviathan se distingue aussi par sa proximité avec l'autorité ecclésiastique. Sa finalité est de mettre fin par la contrainte, aux violences de l'état de nature. Le souverain, issue de ce contrat n'est pas lui-même obligé par la loi, tandis qu'avec J. LOCKE, c'est tout le contraire (pages 3-4 ; 20-23 ; 26-47). En définitive, T. HOBBES apparaît comme enclin à l'absolutisme. C'est le point de démarcation avec le vieux J. LOCKE, désormais tourné vers le libéralisme politique. Contrairement à T. HOBBES, il plaide pour la séparation des pouvoirs spirituel et temporel. La L.T. en fait foi :

« Mais afin que personne ne donne pour prétexte à une persécution et à une cruauté peu chrétienne le souci de l'Etat et le respect des lois ; et afin, au contraire, que d'autres, sous le couvert de la religion, ne cherchent pas la licence des moeurs et l'impunité de leurs crimes ; afin, dis-je que personne, soit comme sujet fidèle du prince, soit comme croyant sincère, n'en impose, ni à lui-même, ni aux autres ; j'estime qu'il faut avant tout distinguer entre les affaires de la cité et celles de la religion et que de justes limites doivent être définies entre l'Eglise et l'Etat »47.

Aussi, méthodologiquement et stylistiquement, la démarche de T. HOBBES est distincte de celle de J. LOCKE. A proprement parler, cette distinction, repetons-le, moins une opposition, qu'un dépassement. S. GOYARD-FABRE l'a si bien caractérisée quand elle dit, en substance, que T. HOBBES, en effet, élabore en termes généraux et abstraits une science politique. Sa démarche est logique et déductive48. Cette démarche est en grande partie tributaire de son pessimisme anthropologique, selon lequel la nature humaine est fondamentalement méchante et stable. La même auteure estime, par ailleurs que J. LOCKE ne croit pas en une science du politique. Car les mots dans leur fixité ont une sémantique arbitraire49 et la démarche rationnelle et déductive ne rend pas compte de la complexité des situations humaines (la nature humaine est complexe, dynamique). Le souci de J. LOCKE est de

47J. LOCKE, L.T., P.U.F., 1993, pp. 9-11.

48S. GOYARD-FABRE, Introduction au De cive, GF-Flammarion, 1982. Egalement dans, Le droit et la loi dans la philosophie de T. HOBBES, Klincksieck, 1975.

49J. LOCKE, E.P.C.E.H., Vrin, 1998, Livre III, chapitre II : De la signification des mots, § 08, p. 327 ; Chapitre IX : De l'imperfection des mots §§ : 21, 22, & 23, pp. 395-397, enfin, l'intégralité du chapitre X : De l'abus des mots, pp. 397-413.

 

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50Sur cette doctrine politique cf., P. CARRIVE, La Philosophie anglaise. Passions, pouvoirs et liberté : de HOOKER à HUME, P.U.F., 1994, pp. 37-72 ; S. GOYARD-FABRE, introduction au T.G.C. de J. LOCKE, GFFlammarion, 1992, pp. 47-58 ; P. LASLET, Introduction et notes , in R. FILMER Patriarcha or natural power of kings, Edition LASLET, 1949. P. LASLET y a adjoint d'autres livres de l'auteur. Enfin, l'excellent ouvrage de F. LESSAY, Le Débat Locke FILMER, P.U.F., 1998.

51P. CARRIVE, Op. Cit., pp. 33-34.

52E.B.J., Romain, XII, 2.

53R. FILMER, cité par J. TULLY, LOCKE droit naturel et propriété, P.U.F., 1991, p. 92.

54Ibid., p. 91.

55J.LOCKE, T. G.C., Flammarion, 1992 : Chapitre V : De la propriété des choses, § § : 52-76.

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J. LOCKE, Op. Cit., chapitre IX : Des fins de la société politique et des gouvernements, § 123, pp. 236-237 ; L. T., P.U.F., 1993, p. 11. Il en ressort que la propriété n'est pas seulement le droit que l'on a sur ses possessions, mais c'est aussi et surtout, le droit qu'on a sur sa vie, sa liberté, son corps. La même préoccupation est présente chez PUFENDORF, Op. Cit., Livre IX, § 03 : «Le bien du peuple est la souveraine loi. C'est aussi la maxime générale que les puissances doivent avoir nécessairement devant les yeux, puisqu'on ne leur a confié l'autorité suprême qu'afin qu'elles s'en servent pour procurer et maintenir le bien public, qui est le but naturel de l'établissement des sociétés civiles ». En un mot, ce sont toutes sortes de droits ; c'est d'ailleurs l'usage que le XVIIème siècle faisait de cette notion.

59J. LOCKE, T.G.C, GF-Flammarion, 1992, Chapitre XIX : De la dissolution des gouvernements, § 216, p. 302. 60Idem, Chapitre XIX : De la dissolution des gouvernements § 211, pp. 298-299.

61Idem, Chapitre XIX : De la dissolution des gouvernements § 212, pp. 299-301. 62Idem, Chapitre XIX : De la dissolution des gouvernements § 221, p. 305.

63C. BECKER, La Déclaration d'indépendance, Nouveaux Horizons, 1970, pp. 261-262. Nous avons d'ailleurs consacré un petit commentaire à ce document ( pages 57-58).

64On pourrait ici reconnaître la similitude avec LA BOETIE, Discours sur la servitude volontaire, GFFlammarion, 1978, pp. 176-178.

65Article 38c, fixant les violations des principes généraux du droit reconnus par les nations civilisées.

donner une explication positive du fait gouvernemental. Dans cette optique, il émancipe le politique des a priori de la raison spéculative. Mais la polémique la plus virulente fut celle qu'il a développée envers l'ouvrage de R. FILMER (cité en page 8). Examinons à présent la substance de cette polémique.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore