IV.2. Originalité et philosophie politique de la
D.U.D.H.
La D. U.D.H. institue un nouveau pacte moral entre
les hommes. Ce pacte est fondé sur le respect mutuel, la
sécurité, l'égalité et la dignité
inhérents à la nature de la personne. Dans ce sens, elle
constitue un jalon dans l'histoire de l'humanité. Elle classe, pour la
première fois, la seconde catégorie des droits parmi les droits
humains les plus fondamentaux. Pour la première fois aussi, elle
définit dans un document international, l'expression «droits de
l'homme» jusque là laissée à la discrétion des
philosophes et de certains Etats seulement. Ainsi, nous apprenons
103Sur ces droits de la troisième
génération, voir H. de DECKER, «Droits de l'homme et droits
au développement, concurrence ou complémentarité», in
Droits de l'homme en Afrique centrale, dir., D. MAUGENEST & P.-G.
POUGOUE, U.C.A.C./KARTHALA, 1995, p. 208. Egalement, A. ABDELFATAH,
«Droits de l'homme au développement», in COLLECTIF,
Effectivité des droits fondamentaux dans la communauté
francophone, A.U.P.E.L.F.-U.R.E.F., Bruylant, 1994, p. 109. Egalement,
CONSEIL PONTIFICAL JUSTICE ET PAIX, Le droit au développement,
Librairie édition Vaticane, 1991, p. 11. Egalement, K. MBAYE,
«Droits de l'homme et pays en développement», in
Humanité et droit international, Mélanges
Réné-Jean DUPUY, édition A. PEDONE, 1991, p. 220.
Enfin, B. R. GUIMBO (sic), «Droit au développement et
dignité humaine», in dir., Y-J. MORIN, Les droits fondamentaux
: Actes des 1ères journées scientifiques du
réseau droits fondamentaux de l'AUPELFUREF, Tunis, 9-12 octobre 1996,
Bruylant, 1997, pp. 73-89.
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104Sur ce statut de la D.U.D.H., cf. : J.
GLEN & J. SIMONIDE, Op. Cit., pp. 129-141.
105B.-B. GHALI, «Discours inaugural de la
conférence mondiale sur les droits de l'homme», 1993, cité
par A. ABDELFATAH, «Rapport introductif», in (dir.), Y-J. MORIN,
Op. Cit., p. 37.
que peu importe que nous soyons homme, femme ou enfant, notre
langue, religion, opinion politique, etc., nous jouissons des même
droits.
Depuis son adoption, la D. U.D.H. a été
traduite dans plus de deux cent langues, intégrée dans la
C.I.D.H. et arrimée aux constitutions de nombreux pays. Ce qui
lui confère valeur de loi sur le plan juridique, en dehors de la simple
fonction morale qu'elle avait au début104. De plus en plus,
un mouvement dynamique, d'envergure internationale, en faveur des droits de
l'homme gagne du terrain. Ce mouvement incite au changement des
mentalités, à la culture de la paix, au respect de l'autre moi et
à la pratique de la tolérance. Sa finalité est la
réalisation d'un monde apaisé, l'affirmation du progrès de
l'humanité vers une véritable société des personnes
et la foi dans un idéal de justice.
Une certaine doctrine sur les droits de l'homme va plus loin.
Elle recourt à la notion de « droit d'ingérence
» ou de « devoir d'ingérence » ; elle
présuppose une conception des droits de l'homme en rapport avec le
principe de la souveraineté des Etats. Pareille conception en appelle
à l'établissement de nouvelles constructions juridiques. Les
droits de l'homme, estime-t-elle, abolissent la distinction traditionnelle
entre l'ordre interne et l'ordre international, et sont créateurs d'une
perméabilité juridique nouvelle. Il s'agit donc de ne les
considérer ni sous l'angle de la souveraineté absolue, ni sous
celui de l'ingérence politique. Au contraire, il faut les comprendre
comme impliquant la collaboration, la coordination des Etats et des
organisations internationales. L'Etat est ainsi non seulement le meilleur
garant des droits de l'homme, mais c'est aussi à lui que la
communauté internationale a, à titre principal,
délégué les soins de la protection des individus, et peut
réclamer des comptes à cet effet :
« La question de l'action internationale doit se
poser lorsque les Etats se révèlent
«indignes» de cette mission, lorsqu'ils
contreviennent aux principes fondamentaux de la Charte et lorsque, loin
d'être les protecteurs de la personne humaine, ils en deviennent les
bourreaux »105.
106H. PALLARD, «Personne, culture et
droits», in dir., Y-J. MORIN, Op. Cit., p. 125.
107J.-S. ZA'ABE, Fondements philosophiques des
droits de l'homme, Presses de l'U.C.A.C., 2000, p. 08.
Le fondement des droits de l'homme repose incontestablement
sur un principe existentiel : « vivre au moindre mal possible
»106. Ce qui caractérise l'existence
humaine c'est la recherche du bonheur et du plaisir, la fuite de la souffrance.
A partir de ce principe, la D. U.D.H. entend fonder la liberté,
l'égalité et le droit à la vie. Elle démontre que
certaines pratiques comme l'excision, les scarifications, etc., sont contraires
au principe du « vivre au moindre mal possible », donc
condamnables.
Dans la même optique, devant l'altérité et
la diversité de ses manifestations, J.-S. ZA'ABE107
retrouve-lui aussi dans ce concept des droits de l'homme, une
normativité susceptible de réprimer l'agressivité humaine.
Cette normativité institue un nouvel ordre social et juridique
fondé sur le respect de la personne, et traduit le désir
légitime d'un minimum d'éthique pouvant être
universalisé. L'éthique ne tolère pas que l'on fasse
souffrir de façon arbitraire et inhumaine des êtres humains.
Devant la souffrance, nous voyons apparaître un sentiment spontané
d'indignation qui est la manifestation d'une pulsion morale
élémentaire transformable en une position éthique. C'est
ce minimum d'éthique que nous retrouvons dans les droits de l'homme. La
théorie des droits de l'homme suppose une nature humaine, elle
suppose connaissable l'essence de l'homme. Enfin que cette nature est
siège de valeurs, que l'on puisse en inférer des normes.
Il faut, par ailleurs, signaler que la D. U.D.H.
n'est pas le seul document en son genre qui parle des droits de l'homme. Il
existe plusieurs autres traités analogues qui l'ont
précédé, en dépit de leur portée uniquement
nationale. La section suivante essaie de les énumérer. Toutefois,
la D. U.D.H. reste le traité le plus important et le plus
décisif en la matière, dans la mesure où, elle mobilise
toute la communauté humaine.
108 C. BECKER, La Déclaration
d'indépendance, Nouveaux Horizons, 1992, pp. 261-262.
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