V.3. Finalité du paradigme lockien du
libéralisme
La théorie des droits ou de la propriété
représente le summum de l'anthropologie politique de J. LOCKE. Elle a
une finalité double, et à travers elle, son auteur se bat sur
deux fronts. Il lutte aussi bien contre l'absolutisme que contre les
dogmatismes qui s'imposent par voie d'autorité. C'est-à-dire, le
scepticisme et l'autoritarisme dont étaient réputés le
XVIIème , son époque, et contre lesquels il formule un
plaidoyer en bonne et dû forme, en faveur de la liberté et de la
tolérance.
V.3.1. Le rejet des dogmatismes et de l'absolutisme
J. LOCKE estime qu'il faut permettre à l'homme de
concentrer tous ses pouvoirs sur la découverte des vérités
nécessaires à son existence et qui se trouvent celles qu'il peut
effectivement atteindre. L'homme n'a pas à se plaindre de
l'étroitesse de son entendement, puisqu'il est adapté aux fins
qu'il a à poursuivre et à atteindre123. Etant
donné les facultés que Dieu a données aux hommes, il est
raisonnable de les appliquer aux fins auxquelles elles sont le mieux
proportionnées. Notre compétence ici bas, n'est pas de
reconnaître toute chose, mais celles-là seulement, qui concernent
notre conduite.
La morale est donc la propre science et la propre affaire de
l'humanité en général, et non de quelques individus
susceptibles d'imposer leurs opinions aux autres. Le parallélisme avec
E. KANT ici est important. Ce dernier en abolissant le savoir, pour laisser
libre court à la croyance, condamnait les prétentions de la
raison spéculative à atteindre les vérités
situées au-delà de la pensée. Il s'attaquait aussi bien
aux préjugés insoutenables d'une métaphysique dogmatique,
qu'à l'incrédulité et aux tendances sceptiques
préjudiciables à la moralité, qui ne paraissaient pas
suivre le triomphe de l'Aufklärung.
Le T.G.C. de J. LOCKE est une réflexion
rigoureuse sur les limites de l'action politique légitime, fondée
sur la connaissance de la loi naturelle. Ainsi, il
combat les Tories qui soutenaient l'action politique
de la Cour (entendue la Cour des STUARTS), et qui légitimaient son
inspiration idéologique dans les termes même de R. FILMER. Dans
cette perspective, toute autorité légitime, qu'elle s'exerce sur
les hommes ou sur les biens, est conçue comme une
propriété privée. Elle confère droits d'user, de
mésuser ou d'aliéner. De la même manière que tout
propriétaire légitime possède sur toute sa maison un
pouvoir de droit divin et absolu, ainsi en est-il du souverain sur l'ensemble
de ses sujets et sur sa famille.
C'est en réalité contre cette position de R.
FILMER que J. LOCKE dirigeait sa critique. Il se propose de fonder en
théorie la légitimité du droit de résistance,
pierre angulaire du programme Whig. Dans cette même critique en
termes de la loi naturelle, il visait également H. GROTIUS et S.
PUFENDORF, qui venaient d'utiliser le concept normatif de droit naturel pour
défendre et illustrer l'absolutisme124, le même
absolutisme précédemment légitimé par MACHIAVEL
(1469-1527, Le Prince, 1513).
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