I.1.3. La tendance Whig
S'appuyant sur les arguments des monarchomaques
réfugiés aux Pays- Bas, les Whigs prennent le
contre-pied des Tories. C'est ainsi qu'ils n'ont pas
hésité à justifier les guerres et les révolutions,
respectivement sous Charles Ier STUART et Jacques II STUART. Leur
message est celui de la tolérance, du pluralisme confessionnel et
politique. Pour eux, la tolérance apparaît comme un droit naturel
au même titre que la liberté individuelle et la
propriété. J. LOCKE, dans ses différentes L.T. de
1664 à 1689 et dans son T.G.C., se fait tout à la fois
l'écho et le guide de cette tendance contestataire. A côté
de lui, se trouvent d'autres auteurs comme : S. ALGERNON (1622-1683), le
poète MILTON (1608-1674), E. COKE (1552-1634), etc.
Ces auteurs ont exercé une profonde influence sur la
maturation de l'opinion anglaise en matière politique. Les Anglais ont
effectivement revendiqué et exercé le droit de juger face
à l'arbitraire de ses monarques au XVIIème
siècle. Il y eut une rébellion contre Charles Ier
STUART en 1642 et une révolution contre Jacques II STUART en 1688/89. La
dernière particulièrement changea même les normes de
succession au trône, en adoptant une importante loi11 qui
limitait les pouvoirs du roi. C'est à cette loi que S. E. BARKER fait
allusion quand il dit :
« Une loi fut également votée, loi
particulièrement importante et connue sous le nom de Déclaration
des droits des citoyens, qui limitait les pouvoirs du roi. La monarchie
était dorénavant une monarchie limitée. Et, étant
donné que ces limites étaient déterminées par un
document constitutionnel, nous pouvons lui donner le nom de monarchie
constitutionnelle »12.
Une telle tendance est essentiellement républicaine et
démocratique. Elle prône la liberté par la loi
promulguée et connue de tous, et l'idée de la balance des forces
au sein du corps politique. Elle est également favorable à la
politique de la représentativité du peuple au parlement par les
élus locaux, à travers laquelle ses promoteurs voient un moyen
pour le peuple de s'autogérer. Comme nous pouvons le voir, de cette
pensée, il se dégage des thèses constitutionnalistes, qui
expriment un contexte doctrinal qui est déjà celui des
démocraties occidentales modernes, et même contemporaines.
Le summum de cette réflexion est incarné par G.
SAVILLE (1633-1685), marquis de Halifax (Lord) et par J. TYRELL, avocat, deux
auteurs qui ont exercé une profonde influence sur la pensée
politique de J. LOCKE. Le T.G.C. en porte des marques. Lord Halifax,
est l'auteur de The character of a trimmer (1688). Dans cet ouvrage,
l'auteur retrouve l'intuition aristotélicienne du « juste
milieu » en assimilant l'action du gouvernement civil à celle
du capitaine de navire, le trimmer, qui en agissant sur le gouvernail,
maintient le navire en équilibre. C'est-à-dire en excluant les
extrêmes : ni trop à bâbord, ni trop à tribord. Donc
ni républicanisme démocratique que risque de gangrener
l'intérêt et la passion, ni absolutisme monarchique parce que
tenté par l'arbitraire. Le trimmer symbolise le gouvernement
mixte où se conjuguent l'autorité du prince et la liberté
des sujets.
Quant à lui, J. TYRELL est l'auteur de The
Patriarcha unmonarched (1681), une réplique à l'ouvrage de
R. FILMER plus haut indiqué (page 8). L'ouvrage de J. TYRELL trace
déjà le contexte doctrinal dans lequel s'inscrira le
traité politique de J. LOCKE qui, non seulement combat l'absolutisme
dans toutes ses manifestations, mais aussi, conceptualise un plaidoyer pour la
monarchie constitutionnelle.
Enfin, il convient de mentionner qu'à côté
de ces deux grandes tendances, figuraient également d'autres mouvements
protestataires difficilement catégorisables. Ces mouvements
étaient plus ou moins associés à certaines «Eglises
dissidentes». C'est le cas des Levellers (niveleurs),
Diggers (bêcheurs), Seeckers (chercheurs),
Ranters (divagateurs) qui, malgré des procédés et
objectifs divers, se
rejoignaient tous dans un unique dessein : subvertir le statu
quo, la société aristocratique et les croyances
établies.
|