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Le Discours fondateur des droits de l'homme dans l'anthropologie politique de John LOCKE : essai de compréhension de l'apport lockien dans la Déclaration universelle des droits de l'homme

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par Sédard-Roméo NGAKOSSO-OKO
Université de Yaoundé I - Maîtrise en Philosophie 2001
  

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IX.3. L'expérience exceptionnelle de la culture occidentale

L'idéologie des droits de la personne est tributaire du mouvement philosophique qui voit le jour à l'age de la Raison. Elle se fonde sur l'idée que tous les êtres humains possèdent une nature universelle qui est conforme à cette Raison. Dans sa première expression (XVIIème siècle à la première moitié du XXème siècle), cette théorie a beaucoup plus été marqué par l'apport de la civilisation judéo- chrétienne et par la philosophie politique et juridique occidentales. C'est dans ce sens qu'il paraît raisonnable d'affirmer que, telle qu'elle nous est présentée aujourd'hui, la philosophie des droits de l'homme s'ancre dans l'humanisme de la renaissance. LOCKE, ROUSSEAU... en lesquels on voit généralement les pères des droits de l'homme n'ont fait en réalité que prolonger les raisonnements de GROTIUS, HOBBES, et de PUFENDORF, les illustres représentants de l'Ecole moderne du droit naturel.

C'est avec ces derniers qu'est apparue l'idée que l'homme naît avec des droits. Qu'il les tient de sa propre nature, de sa complexion propre et qu'il ne les doit ni à une volonté divine, ni à une volonté humaine. La théorie des droits de l'homme n'est donc que le prolongement de la théorie des droits subjectifs. Elle est née dans le sillage de ce qu'on appelle la théorie moderne du droit. Les droits de l'homme dont elle fait la promotion se donnent à voir comme non dérivés et non attribués ; ils sont attachés à l'ontologie de l'homme. Leur irréductible spécificité réside dans leur indépendance à l'égard de tout pouvoir et leur transcendance à toute volonté. Ils sont antérieurs au pouvoir et au droit positif. Celui-ci ne les crée pas, il ne peut que les constater, les déclarer ou les violer. Mais à les violer, il perd son fondement et sa légitimité.

Cette théorie des droits de l'homme s'accompagne de la laïcisation du droit, et est en rupture avec le legs théologique du Moyen Age. Plus précisément la rupture consiste en un dépassement. La théologie a été la condition théorique de possibilité de l'humanisme de la renaissance et de la théorie des droits de l'homme.

Sans la pensée de saint THOMAS, qui elle-même s'enracine dans la philosophie grecque, une telle théorie n'eut peut être pas été possible.

Un pareil modèle d'humanisme était déjà présent chez les sophistes, ces champions des droits de l'homme. En décrétant que « l'homme est la mesure de toutes choses », les Sophistes l'ont pour la première fois placé au coeur de la réflexion philosophique, sociale, économique, culturel, éthique et politique. Tous les mécanismes sociaux doivent s'associer et converger pour réaliser son épanouissement intégral. En dépit de leur précieux apport, les plus belles pages de cet humanisme sont l'oeuvre des tenants du stoïcisme.

Le stoïcisme est un courant de pensée fort ancien qui s'est développé au temps d'EPICURE (341-270 av. i-C.). Ses promoteurs : ZENON de Citium (335-264 av. i-C.) et CHRYSIPPE (280-206 av. J.-C.) ont développé une conception globale de la morale, de la nature, de la connaissance et une logique très moderne que l'on redécouvrit au XXème siècle (1935). De ce stoïcisme, il ne reste plus que des fragments qui décrivent notre univers parcouru par une tension divine qui donne la fin à l'enchaînement rationnel des causes ou destin. La sagesse selon eux, consiste à s'accorder à la nature, en donnant son libre assentiment à cette tension. L'on retrouve ainsi l'unité de soi et du monde. La raison logos est un principe d'ordre des choses. Elle se retrouve dans le monde et chez l'homme. Et Dieu est conçu comme raison pénétrant et unifiant le monde auquel cette dernière est immanente.

C'est à cette conception propre du stoïcisme en général que EPICTETE (vers 50-vers 125-130 ap. i-C.), un des représentants de cette école à l'époque impériale, ajoute la notion d'un Dieu, Père des hommes. Cette parenté est établie par la Raison. Ainsi, tous les hommes sont raisonnables La raison s'identifie en même temps à la faculté de juger et à un principe divin qui anime, ordonne et gouverne l'univers. Tous les hommes sont liés par le logos, la raison du monde, et ainsi rattachés à Dieu. Ils appartiennent d'autant plus au monde et à Dieu qu'ils ont la raison. Les hommes sont du monde, ils sont des êtres raisonnables, ils sont des citoyens d'un même monde et fils d'un même père, Dieu :

« Si ce que les philosophes ont dit de la parenté de Dieu et des

hommes est vraie, que nous reste-t-il quand on nous demande, de quel pays

est-tu ? Si ce n'est de répondre non pas je suis d'Athènes ou de Corinthe, mais, comme SOCRATE, je suis du monde. Pourquoi dirais-tu, en effet, que tu es d'Athènes et non du petit coin seulement où ton misérable corps a été jeté quand il est né ? N'est-il pas clair que, si tu t'appelles athénien ou corinthien, c'est que tu tires ton nom d'un milieu plus important, qui contient non seulement ce petit coin et toute ta maison, mais encore cet espace plus large d'où est sortie toute ta famille jusqu'à toi ? Pourquoi donc celui qui comprend tout gouvernement du monde, celui qui sait que, de toutes les familles, il n 'en est point de plus grande, de plus importante, de plus étendue que celle qui se compose des hommes et de Dieu, et Dieu a laissé tomber »170.

Il se dégage un cosmopolitisme dans le stoïcisme. Ce cosmopolitisme se comprend comme le refus d'appartenance au groupe social le plus immédiat. L'homme est citoyen du monde, partout il est chez lui. Le caractère raisonnable de tous les hommes et leur appartenance à Dieu en qualité de fils, fondent l'égalité naturelle et formelle entre eux. Une fraternité universelle. Par conséquent les pratiques comme l'esclavage, l'exploitation, etc., sont pour les Stoïciens, contraires à la Raison. Ce sont des traitements qu'un homme ne doit pas administrer à un autre homme, son frère.

Les Stoïciens récusent formellement l'esclavage et tous les autres traitements analogues. En aucun cas, un homme n'est fondé à traiter son semblable comme un simple instrument pour sa commodité en l'aliénant. On est esclave ni par nature, ni par conquête. Voici comment EPICTETE interpelle un maître asservi à ses passions qui s'irrite contre son esclave : « Esclave, ne veux-tu pas supporter ton frère ? Comme toi, il est issu de DIEU »171. Il montre qu'il est possible d'instaurer entre eux, des relations d'homme à homme. L'égoïsme naît de la passion, qui détourne à son profit la solidarité naturelle des hommes.

Les Stoïciens, PLUTARQUE (vers 50-vers 125 ap. J.-C.) l'avait déjà bien compris, ont écrit une ébauche des principes d'une république très admirée. La maxime est que, les hommes ne doivent pas se séparer en cités et en peuples ayant chacun ses lois particulières. Tous les hommes sont des concitoyens et des frères. Il y a pour eux une seule vie, un seul ordre des choses (cosmos), comme un troupeau uni sous la règle commune. Ils voulaient réunir comme un caractère tous les

peuples. Ils ont ordonné que tous considèrent la terre comme patrie, tout le monde comme des parents et des frères.

Avant de conclure cette section, permettons-nous de livrer quelques observations. La première qui se dégage est que touts ces textes relatifs aux différents peuples de la terre que nous venons d'évoquer et d'analyser, résument l'expérience de leurs différentes civilisations et cultures. Ces civilisations et cultures ont compris un fait, celui de la contingence, la vulnérabilité de l'existence de l'homme ; ou encore le rattachement de la vie de l'homme au Tout-Autre. D'où la nécessité de le protéger contre toute atteinte à sa personnalité, lesquelles atteintes avaient atteint un degré sans précédent au milieu du siècle dernier devant l'horreur

d'HITLER et de MUSSOLINI172.

En effet HITLER et MUSSOLINI avaient dévoilé la vulnérabilité de l'homme devant la conscience mondiale. Ils ont montré qu'il pouvait être détruit industriellement et qu'il était possible d'anéantir purement et simplement l'espèce humaine. Un tel comportement, qui révèle le refus manifeste de la reconnaissance de l'autre, ne pouvait pas ne pas laisser, la conscience de l'humanité indifférente. Il fallait trouver non seulement des mesures curatives, mais aussi des mesures préventives. C'est dans ce sens que, sous la mouvance des Occidentaux au lendemain du second grand conflit mondial, la mobilisation de l'humanité fut très importante. A travers cette mobilisation, elle se proposait aussi bien de lutter contre la tyrannie et ses corollaires, qu'elle préconisait prévenir d'autres horreurs analogues dans l'avenir. Les ressources dont elle disposait pour atteindre pareils objectifs : les expériences de tous les peuples du monde. Ces expériences incarnent la nécessité de la reconnaissance de l'autre. C'est ici qu'il convient de reconnaître le génie de la civilisation occidentale, dans cette mesure qu'elle a pu reprendre tout ce matériau et le réorganiser en un système qui puisse à la foi désamorcer et prévenir la violence, la tyrannie, la barbarie, les dogmatismes, etc.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon