II.1.3. La société civile ou
communauté politique
La société politique se forme, dit J. LOCKE,
lorsque les hommes se dessaisissent du pouvoir de juger et de châtier
qu'ils tiennent tous de la nature, et le confient à un magistrat commun.
Il revient à ce dernier d'en assurer la gestion en vue du bien commun
seulement : « protéger les citoyens et ce qu'ils ont en propre
». La société civile repose donc sur l'union des
hommes, décidés à former un seul corps, dans lequel il y
ait un système juridique et judiciaire commun auquel ils peuvent
recourir. Ce système a compétence pour trancher les
différends qui s'élèveront entre eux et punir les
délinquants. La sanction repose sur la détermination des lois
permanentes dont la violation entraîne l'application d'un châtiment
proportionné.
C'est donc pour assurer le respect des droits que chacun tient
de la nature, et pour éviter que l'effort de chacun pour s'assurer la
disposition de sa personne et de ses biens conduise à l'état de
guerre, que tous renoncent au droit de se faire justice selon leur propre
volonté. Ils donnent alors mandat à l'autorité pour
assumer cette charge. Tout en lui reconnaissant la possibilité de
requérir leur propre force à l'occasion d'une action publique. Ce
propos de J. LOCKE est significatif :
« Ceux qui composent un seul et même corps, qui
ont des lois communes établies et des juges auxquels ils peuvent
appeler, et qui ont l'autorité de terminer les disputes et les
procès qui peuvent être parmi eux et de punir ceux qui font tort
aux autres et commettent quelques crimes : ceux-là sont en
«société civile» les uns avec les
autres ; mais ceux qui ne peuvent pas appeler de même à aucun
tribunal sur la terre, ni à aucunes «lois
positives», sont toujours dans «l'état de
nature», où il n'y a point
41J. LOCKE, T.G.C., GF-Flammarion, 1992,
Chapitre VII : De la société politique ou civile § 87, pp.
206-207. 42Idem, § 98, p. 216.
d'autre juge, étant juge et exécuteur
soi-même, ce qui est, comme je l'ai
montré auparavant, le véritable et parfait
«état de nature» »41.
J. LOCKE assimile le pouvoir confié au magistrat par un
artifice des hommes à un pouvoir suprême. Mais, cette
suprématie se distingue de l'absolutisme, et ne se comprend
qu'exclusivement dans son association avec la notion de trust. En
d'autres termes, ce pouvoir n'est suprême que dans le contexte de la
mission qui lui est dévolue. Il ne saurait être arbitraire sur le
bien du peuple, d'autant plus que la propriété doit toujours
être à l'abri. Par conséquent, le pouvoir suprême est
conditionnel, pas absolu. Cette suprématie n'est légitime
qu'à condition que ce pouvoir s'acquitte de sa mission : assurer la paix
et la sécurité, sauvegarder, les personnes, les libertés
et les biens. Le pouvoir suprême ne saurait se concevoir en contradiction
avec sa mission. Si, les responsables à qui est dévolue sa
gestion négligent leur mission ou l'assument mal, il revient
nécessairement, aux mains du peuple, garant de la
légitimité en dernier ressort. La communauté politique est
le véritable juge ; à elle de trancher selon le «
principe de la majorité » si le magistrat doit rester ou
partir. Elle demeure donc le pouvoir suprême. Chez J. LOCKE la loi
fondamentale est la loi de la propriété.
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