I.1.2. Revue de littérature : l'intégration
régionale et l'incitation à l'investissement
L'intégration régionale peut affecter les
incitations à l'investissement si les changements de politique
augmentent les perspectives de retour sur investissement ou s'ils font baisser
les coûts. BALDWIN et FORSLID (1996), à travers une étude
sur la perspective du marché unique européen, indiquent que le
taux de rendement du capital peut croître dans tous les pays en cours
d'intégration quelle que soit l'abondance du capital. Ils soulignent que
l'intégration régionale réduit habituellement les
coûts de transaction des produits marchands plus que ceux des produits
non marchands orientant ainsi l'offre et la demande vers le premier type de
produit. Et comme les produits marchands ont généralement une
plus forte intensité en capital, la libéralisation aura pour
effet d'augmenter la demande en capital et donc d'accroître le rendement
de celui-ci. Le taux de rendement élevé augmente alors le montant
du capital que l'on souhaite utiliser, ce qui fait augmenter l'investissement.
En outre, une plus forte concurrence dans les secteurs marchands peut
générer une amélioration de l'efficacité et une
plus grande demande d'intrants dans ces secteurs de telle sorte à faire
croître la demande relative de capital. L'intégration peut
également influer sur le prix des biens d'équipement à
travers la baisse des droits de douane et les coûts de transaction sur
les importations de ces biens, toute chose à même d'augmenter le
taux de rendement et l'accumulation.
Ces arguments avancés ont moins de chance de se
produire dans les pays à faible revenu comme ceux de l'UEMOA. En effet,
à cause des mesures de protection, les biens d'équipement dans
ces pays étaient déjà faiblement taxés et le tissu
industriel est très léger. Dans un tel contexte, il pourrait
même en résulter une baisse de la demande de capital et
d'investissement.
Toutefois, l'intégration qui va au-delà de
l'union douanière peut amener l'efficacité du secteur financier
et stimuler l'investissement à travers la réduction des taux de
prêts bancaires et le coût du financement (SCHIFF & WINTERS,
2003). Cet argument qui semble avantageux pour les petits pays et au cas
particulier de l'UEMOA reste modéré selon certains analystes si
les pays considérés ont les mêmes dotations factorielles et
les mêmes structures de production. Il en est de même s'ils sont
sensibles aux mêmes chocs.
Au regard de ce qui précède, l'argument selon
lequel l'intégration économique augmentera l'investissement est
plus vraisemblable dans le cas des accords Nord-Sud que Sud-Sud. L'augmentation
des investissements reste donc conditionnée par la réalisation
d'un certain nombre de conditions. Au demeurant, DE MELO, MONTENEGRO et
PANAGARIYA (1993) relèvent que les accords d'intégration
africaine comme la CEAO et l'Union Douanière des Etats de l'Afrique
Centrale (UDEAC) ont connu une hausse de leur taux d'investissement
après la mise en oeuvre du processus d'intégration.
Il convient toutefois de souligner que bien que les IDE soient
liés aux mêmes facteurs que tous les investissements, ils
répondent à des caractéristiques propres. Selon la
Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement
(CNUCED), il y a investissement direct étranger lorsqu'un investisseur
basé dans un pays, le pays d'origine, acquiert un actif dans un
INTEGRATION ECONOMIQUE ET STIMULATION DE
L'INVESTISSEMENT DIRECT ETRANGER : Cas de l'UEMOA
autre pays (pays d'accueil) avec l'intention de le
gérer. L'UEMOA souligne que n'est pas considérée comme
investissement direct la seule participation, lorsqu'elle n'excède pas
20% dans le capital de cette société5.
Les accords d'intégration régionale (AIR) vont
chercher particulièrement à attirer les IDE pour la simple raison
que des marchés plus vastes, plus de concurrence et une plus grande
crédibilité politique attireront davantage les investissements ;
ce qui fera augmenter l'intensité du capital dans la production et
contribuer à encourager le progrès technique (SCHIFF et WINTER,
2003). Ainsi, la vente sur les marchés nationaux peut être un
élément essentiel dans le choix des investisseurs internationaux
mais la condition nécessaire à ce type d'investissement est que
le marché national ne soit pas facilement accessible de
l'extérieur du bloc intégré. Les IDE qui touchent aux
politiques protectionnistes ont été analysés par BHAGWATI
(1987) qui fait la distinction entre les IDE « quid pro quo » et les
IDE de « contournement ». Ainsi, les IDE de contournement sont ceux
ayant pour but de contourner les barrières douanières. Quant aux
IDE qui pro quo, ils sont effectués non pas pour contourner les
barrières douanières mais pour prévenir le risque de
protection. Dans ce cas, selon l'auteur, les IDE qui s'accompagnent de
transfert de technologie représentent en quelque sorte un cadeau fait au
pays hôte pour qu'il laisse entrer les produits du pays investisseur.
Les IDE sont également attirés par les facteurs
locaux de production comme la disponibilité d'une main d'oeuvre locale.
Cette raison est d'autant plus plausible s'il s'agit d'un accord Nord-Sud. En
effet, une firme installée dans le pays en développement peut
profiter d'intrants à bon marché tout en ayant accès
à l'économie du pays développé. Cet argument a
été prouvé dans l'Accord de Libre Echange Nord
Américain (ALENA) où le Mexique a connu un afflux d'IDE
certainement à cause des vastes marchés des Etats-Unis et du
Canada.
Enfin, la recherche d'une répartition efficace de leurs
opérations dans les pays membres par les firmes pourrait être un
facteur d'attrait des IDE grâce à l'intégration
régionale. A ce titre, si les dotations factorielles des pays membres
sont différentes, l'intégration pourrait susciter des IDE
verticaux. Cette affirmation s'adapte le plus aux accords Nord-Sud. En effet,
avec un accord préférentiel garanti au marché du Nord, le
pays du Sud pourrait attirer les activités à haute
intensité de main d'oeuvre.
En somme, l'intégration régionale peut
accroître les incitations à investir dans les pays membres car le
processus de coordination des politiques et d'ouverture des marchés ne
sont pas en contradiction avec les facteurs explicatifs des IDE
évoqués plus haut. Il convient donc de s'interroger sur le niveau
atteint par les pays membres de l'UEMOA.
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