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La cohérence de la double conditionnalité des institutions de Bretton Woods

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par Cédric LAVERIE
Université Paris X - D.E.A. de Droit des Relations Economiques Internationales et Communautaires 2001
  

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Cédric Lavérie

D.E.A. de Droit des Relations Economiques Internationales et Communautaires

Année universitaire 2000-2001

La cohérence de la double conditionnalité des institutions de Bretton Woods

Mémoire réalisé sous la direction de M. Alain Pellet

INTRODUCTION 4

PREMIÈRE PARTIE : LA COHÉRENCE INTERNE DE LA DOUBLE CONDITIONNALITÉ 10

CHAPITRE I : LA COHÉRENCE INSTITUTIONNELLE 12

Section 1 : Des institutions indépendantes 13

Paragraphe 1 : Des évolutions différentes 13

A. L'évolution du rôle du Fonds Monétaire Internationale 14

B. L'évolution du rôle de la Banque Mondiale 18

Paragraphe 2 : La convergence des objectifs 21

A. L'ajustement structurel comme apogée 21

B. Des divergences dans la convergence ? 24

Section 2 : Les relations entre les institutions de Bretton-Woods 27

Paragraphe 1 : La collaboration entre les institutions de Bretton-Woods 27

A. La relation structurelle 28

B. Une collaboration progressive 31

Paragraphe 2 : Une relation déséquilibrée 34

A. La domination programmatique du FMI 34

B. La présence matérielle de la Banque 37

CHAPITRE 2 : LA COHÉRENCE DES CONDITIONNALITÉS 40

Section 1 : La conditionnalité en tant qu'instrument juridique 41

Paragraphe 1 : La création de la conditionnalité par le FMI 41

A. La création conceptuelle de la conditionnalité 42

B. La mise en forme de la conditionnalité 45

Paragraphe 2 : La consolidation des conditionnalités 48

A. La forme actuelle de la conditionnalité du FMI 48

B. La propagation à la Banque Mondiale 52

Section 2 : La conditionnalité en tant qu'instrument de politique économique 55

Paragraphe 1 : L'idéologie commune des institutions de Bretton-Woods 55

A. L'orthodoxie néo-libérale : le consensus de Washington 56

B. Le modèle de développement par l'intégration aux marchés mondiaux 60

Paragraphe 2 : Les différences de mise en oeuvre de la double conditionnalité 63

A. Le FMI et la conditionnalité macro-économique 63

B. La Banque Mondiale et les conditionnalités micro-économiques et sectorielles 67

DEUXIÈME PARTIE : LA COHÉRENCE EXTERNE DE LA DOUBLE CONDITIONNALITÉ 71

CHAPITRE I : LA COHÉRENCE PAR RAPPORT AUX PRINCIPES DU «DROIT DU DÉVELOPPEMENT» 73

Section 1 : La protection de la souveraineté étatique 74

Paragraphe 1 : La création des principes 75

A. Le principe de non-discrimination 75

B. Le principe de non-intervention 78

Paragraphe 2 : La prise en compte des principes par les institutions de Bretton Woods 80

A. L'affirmation du respect des principes par les institutions de Bretton Woods 80

B. Un respect biaisé par l'hégémonie de la doctrine économique dominante 83

Section 2 : La réalité des atteintes à la souveraineté 86

Paragraphe1 : Les atteintes au libre choix d'un régime 86

A. Intervention et discrimination dans le choix d'un régime politique 87

B. Intervention et discrimination dans le choix d'un régime économique et social 90

Paragraphe 2 : Les atteintes au libre choix des politiques 93

A. L'intervention dans les politiques économiques 93

B. L'intervention dans les politiques sociales et culturelles 96

CHAPITRE 2 : LA COHÉRENCE PAR RAPPORT AUX PRINCIPES DES DROITS DE L'HOMME 99

Section 1 : La double conditionnalité et les droits économiques, sociaux et culturels 100

Paragraphe 1 : L'impact de la double conditionalité sur l'économie 100

A. L'impact sur la croissance 101

B. L'impact sur la pauvreté 104

Paragraphe 2 : La dimension sociale des conséquences de la double conditionnalité 107

A. L'impact social 107

B. L'impact sur le secteur social 111

Section 2 : Vers de nouvelles conditionnalités « humanisées » ? 114

Paragraphe 1 : Des avancées pour les droits de l'homme 114

A. Un nouveau modèle de développement économique 115

B. La prise en compte du développement social 118

Paragraphe 2 : De nouveaux risques pour la souveraineté ? 121

A. Vers un principe de discrimination dans l'attribution de l'assistance financière ? 121

B. Vers un principe d'ingérence pour le développement ? 126

CONCLUSION : L'AVENIR DE LA CONDITIONNALITÉ, DES INSTITUTIONS DE BRETTON WOODS ET DE LA SOUVERAINETÉ 129

Sigles utilisés

BAfD : Banque africaine de développement

BERD : Banque européenne pour la reconstruction et le développement

BIRD : Banque internationale pour la reconstruction et le développement

CIJ : Cour internationale de justice

CSCE : Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe

CSLP : Cadre stratégiques de lutte contre la pauvreté

DCPE : Documents-cadres de politique économique

DSRP : Document stratégique de réduction de la pauvreté

FAS : Facilité d'ajustement structurel

FASR : Facilité d'ajustement structurel renforcée

FMI : Fonds Monétaire International

FRPC : Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance

GATT : General Agreement on Tariffs and Trade

OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques

OMC : Organisation Mondiale du commerce

OMS : Organisation mondiale de la santé

ONU : Organisation des Nations Unies

OTAN : Organisation du traité de l'Atlantique nord

PECO : Pays d'Europe centrale et orientale

PESF : Programme pilote d'évaluation du secteur financier

PPTE : Pays pauvres très endettés

SDN : Société des Nations

UE : Union européenne

UNICEF : Fonds des Nations Unies pour l'enfance

UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture

Introduction

Le terme double conditionalité est apparu au milieu des années quatre-vingt avec la création de la facilité d'ajustement structurel par le Fonds Monétaire International. En effet cette dernière a marqué un nouveau pas dans la relation entre les institutions de Bretton-Woods puisque qu'elle officialise leur collaboration dans l'élaboration et le suivi de ces programmes.

Cette avancée institutionnelle pose néanmoins la question d'un double contrôle sur les pays qui bénéficient de la FAS, de la FASR ou de l'initiative PPTE. La conditionalité des institutions de Bretton-Woods, et notamment celle du FMI, avait déjà été l'objet de multiples critiques concernant les objectifs, les méthodes et surtout l'ingérence dans les affaires intérieures des pays concernés. La double conditionalité pose non seulement les mêmes problèmes « en double » mais aussi ceux de l'adéquation entre les objectifs et de méthodes du FMI et de la Banque Mondiale.

C'est pourquoi cette double conditionalité mérite d'être analysée sous l'angle de sa cohérence, et tout d'abord de façon interne à la relation entre les deux organisations..

Il faut en effet comprendre comment deux institutions indépendantes, aux objectifs distincts, se retrouvent impliquées dans les mêmes programmes avec chacune leur propre conditionnalité. Depuis leur création, ces institutions ont bien sûr évoluées dans leurs attributions, se rapprochant progressivement, si bien que certains auteurs, comme D.Carreau1(*), ont pensé à leur fusion.

Sans aller jusque là, on peut néanmoins constater que leurs évolutions ont conduit à un certain chevauchement de compétences qui est à l'origine de l'ajustement structurel et de ses avatars. Ce chevauchement est aussi à l'origine de la collaboration croissante entre les deux institutions.

Mais le rapprochement n'étant pas total, il peut exister encore des divergences d'objectifs, et donc de conditionnalité, dans ces programmes.

De plus, les spécificités de chacune des organisations font qu'il existe un risque de déséquilibre dans la relation entre un FMI faible en personnel et en présence sur le terrain et une Banque Mondiale dont l'influence conceptuelle, au moins sur l'ajustement structurel, reste à la traîne du FMI.

En effet, le concept même de conditionalité a été inventé par le FMI. Sa justification juridique et sa définition «Le mot conditionalité se rapporte aux politiques économiques que le Fonds souhaite voir suivre par les pays membres pour qu'ils puissent utiliser les ressources du Fonds conformément aux objectifs et aux dispositions des statuts.2(*)» ont été théorisé par les services du FMI et notamment par J.Gold.

Mais la conditionalité reste quand même, à l'image des outils du Fonds, un concept évolutif. Il a évolué en fonction de l'environnement économique et financier international mais aussi en fonction des destinataires de la conditionalité.

Le vecteur de cette conditionalité a trouvé sa consécration dans les accords de confirmation qui permet cette adaptabilité au travers de trois phases que sont «les critères de réalisation, l'échelonnement et l'adaptation continu3(*)».

La forme actuelle de la conditionalité du FMI a été reprise par de nombreuses organisations internationales, dont la Banque Mondiale, ceci afin d'assurer une garantie dans le succès de leurs opérations particulièrement dans le passage d'une logique projet à une logique programme ainsi que pour se donner une crédibilité vis à vis des bailleurs de fonds.

Le terme conditionalité, si l'on suit la définition, se rapporte aux politiques économiques que les organisations souhaitent voir suivre. Là aussi, il faut voir quel est le degré de cohérence entre le FMI et la Banque Mondiale. Au niveau de l'idéologie économique, il ne semble pas se poser trop de problèmes en apparence puisque les deux institutions se sentent les garantes d'une orthodoxie néo-libérale et ont longtemps suivies toutes deux un modèle de développement basé sur les exportations.

La question de la cohérence se pose surtout sur des points plus précis des conditionalités. En effet, le FMI de par sa magistrature d'influence dans le domaine idéologique s'occupe essentiellement des grands agrégats macro-économiques tandis que la Banque Mondiale, de par sa forte connaissance du terrain, s'attache plus aux problèmes micro-économiques. Le problème qui peut se poser est l'existence d'un niveau méso-economique, à la fois influencé par les décisions macro-économiques et micro-économiques , qui peut devenir le concentré des divergences des politiques économiques en place.

L'analyse de la cohérence de la double conditionalité n'a abordé, pour l'instant, que les question d'ordre interne. Il faut considérer que la double conditionalité, au travers de l'ajustement structurel, pose aussi des problèmes en terme de cohérence externe c'est à dire au niveau de sa relation avec d'autres concepts du droit international.

Les institutions de Bretton Woods ont, en effet, été largement critiquées pour leurs actions envers les pays en développement. Un argument récurrent est la véritable tutelle imposée aux Etats par le FMI et la Banque Mondiale.

Ce risque a pourtant été pris en compte, à la demande des pays en développement, par l'ONU qui a généré des principes pour l'aide au développement. Deux de ces principes sont la non discrimination et la non intervention. Le premier assure que l'aide ne sera pas subordonnée à un régime politique économique ou social particulier. Le second empêche toute ingérence dans les politiques ou les structures socio-économiques.

Ces principes sont intégrés, plus ou moins directement, dans les statuts des institutions de Bretton Woods et sont réaffirmés continuellement par ces mêmes organisations.

Cependant à la vue des critiques concernant les programmes d'ajustement structurels, on ne peut que s'interroger sur l'étendu réelle du respect de ces principes.

En effet, si l'on regarde de plus près les modalités d'attribution de l'aide, on remarque que le choix d'un régime politique économique ou social influence généralement l'obtention de l'aide.

De même, malgré l'opacité des institutions de Bretton Woods, on peut constater de nombreuses contradictions entre la thérapeutique du FMI ou de la Banque Mondiale et les politiques volontaristes de certains états. Bien qu'accuser le FMI ou la Banque d'être à l'origine de tous les maux puisse être une facilité pour certains gouvernements, il convient néanmoins de réaliser que ces états perdent une grande marge de manoeuvre dans l'élaboration et la conduite de leurs politiques économiques et sociales.

Les critiques adressées aux institutions de Bretton Woods ne seraient pas si répandues si l'action de ces dernières avait produit des résultats importants en terme de développement.

On peut donc tenter d'évaluer juridiquement ces résultats au travers du respect des droits économiques, sociaux et culturels.

Pour cela, il faut s'attacher à l'évolution des conséquences de la double conditionalité à la fois sur les domaines économiques, sociaux et culturels. Au niveau économique, il faut dissocier deux facteurs que sont la croissance et la pauvreté. En effet, la croissance seule n'est pas un bon indice de développement. Il faut lui rattacher la notion de pauvreté ou de répartition de revenus pour en analyser les conséquences en terme de développement humain.

Ce dernier dépend aussi des conséquences sociétales de la double conditionalité. Là encore, on peut distinguer deux facteurs. Le premier est direct et correspond à l'orientation de la double conditionalité concernant le secteur social. Mais il existe aussi un effet indirect, consécutif aux mesures à priori uniquement économiques, sur la structure sociale et culturelle du pays.

Le flux incessant d'attaques contre le Fonds et la Banque dans les domaines sociaux et politiques laisse à penser que l'impact de l'ajustement structurel n'est pas neutre dans ces secteurs. Bien qu'elles aient été assez longtemps insensibles à ces critiques, ces institutions ont récemment commencé à développer des modèles alternatifs de conditionalité. D'un coté, on assiste à une remise en question non pas de l'idéologie libérale mais du modèle de développement par les exportations et de ses corollaires. D'un autre coté, on peut aussi déceler une prise en compte grandissante des facteurs sociaux et culturels au travers, entre autres, de ce que l'on appelle la conditionalité sociale ou la conditionalité démocratique.

Ces avancées vers un plus grand respect des droits économiques, sociaux et culturels sont applaudies dans le milieu des ONG. Cependant les états concernés leur réservent un accueil plus distant. Bien qu'une plus grande démocratie ou une meilleure répartition des revenus puissent faire peur à certains régimes peu fréquentables, il semble que la crainte de la plupart de ces états soit l'accroissement exponentiel des attributions des organisations internationales d'aide au développement et en particulier de « l'hydre à deux tètes » de Bretton Woods.

En effet, la prise en compte du niveau de démocratie ou des structures socio-économiques par le Fonds et la Banque leur donnerait à la fois un pouvoir de discrimination en fonction des régimes en place. De plus, une fois un régime déclaré fréquentable, cela permettrait d'établir une tutelle complète sur presque l'ensemble des politiques nationales des états concernés. On se trouve donc devant un risque de disparition des principes de non discrimination et de non ingérence. On peut même aller plus loin en imaginant, vu que la souveraineté des états n'est plus tellement à la mode, à la création d'un principe de discrimination et d'un principe d'intervention (ou d'ingérence).

La double conditionalité des programmes d'ajustement structurel peut donc trouver ses limites au niveau de sa cohérence tant interne qu'externe.

Première partie : La cohérence interne de la double conditionnalité

Par cohérence interne de la double conditionnalité, il faut entendre le processus de coexistence de deux conditionnalités au sein de programmes communs de la part d'organisations distinctes. Pour cela, il faut, avant d'aborder la question même de la coexistence des conditionnalités, s'attacher à analyser comment et pourquoi ces deux institutions indépendantes que sont le FMI et la Banque Mondiale ont pu se retrouver dans ces programmes communs. Deux facteurs principaux semblent être la solution de ce problème. D'un coté, un facteur externe qui est l'évolution de l'environnement économique et politique qui a largement modifié les possibilités d'actions de ces institutions et entraîné donc une redéfinition de leur champ d'action (qui s'est trouvé être le même). D'un autre coté, un facteur interne qui est la connotation idéologique des principaux membres de ces organisations. Ce facteur a en effet abouti à une convergence des modèles économiques utilisés par ces deux institutions et donc à un rapprochement des techniques employées. Cette convergence générale s'est traduite par un plus grand besoin de collaboration de la part des institutions de Bretton-Woods tant pour préserver leur existence que pour assurer la cohérence et l'efficacité de leurs actions. Cette collaboration progressive, au fur et à mesure de leur convergence, a abouti à la mise en place de l'ajustement structurel, tout d'abord de façon séparée puis commune. Cependant, même si cette collaboration est indéniablement un point positif, elle a aussi engendré un déséquilibre dans la relation entre les deux organisations et donc un biais dans la cohérence des programmes.

Une fois cette dimension institutionnelle appréhendée, il faut étudier la coexistence des deux conditionnalités au sein des programmes communs. Pour cela, il faut s'intéresser tout d'abord à leurs différences et similitudes tant juridiques qu'économiques. Au niveau juridique, la différence marquante est le cheminement des historiques de chacune des conditionnalités. C'est en effet le FMI qui est à l'origine du concept de conditionnalité et qui l'a formalisé depuis les années 50. La Banque, par contre, n'a utilisé cette technique que beaucoup plus tard quand elle est passée d'une logique projet à une logique programme notamment avec l'ajustement structurel. Il faut donc étudier la création de la conditionnalité dans le FMI et analyser comment elle a pu se propager à la Banque Mondiale et comment les deux conditionnalités s'articulent entre elles. Ensuite, au niveau économique, les conditionnalités sont les vecteurs d'une même idéologie néo-libérale qui est la base de l'ajustement structurel et de son modèle de développement. Cependant, c'est concernant l'application de ce modèle qu'apparaissent les différences. Deux des conséquences de la collaboration ont été le partage des tâches et le déséquilibre dans la relation. Cela a abouti à des différences de mise en oeuvre des conditionnalités en tant qu'instruments de politique économique. Il faut donc étudier l'adéquation de cette séparation des tâches et son influence sur l'efficacité globale du programme, et donc sur la cohérence interne de la double conditionnalité.

Chapitre I : La cohérence institutionnelle

La question de la cohérence interne passe inévitablement par l'analyse de la relation entre les deux institutions de Bretton-Woods. Comment, en effet, des organisations distinctes aux objectifs séparés ont pu se retrouver engagées dans le même champ d'action, puis dans des programmes communs, tout en gardant chacune leurs spécificités et en assurant la cohérence de ces programmes ? L'étude des évolutions du Fonds et de la Banque permet d'expliquer, en partie, la convergence du champ d'action. Le cheminement chaotique de l'économie et des relations politiques au cours du dernier demi-siècle a achevé l'ordre de Bretton-Woods et entraîné une auto-redéfinition des compétences de chacune des organisations. C'est cette redéfinition sous contrainte de disparition qui a amené le Fonds comme la Banque a s'orienter vers les seuls pays qui pouvaient avoir besoin de leur aide, c'est à dire les pays en développement. C'est ensuite l'idéologie dominante du néolibéralisme, consolidée dans les années 80 par les changements de gouvernements anglais et américain, qui a aboutit à une convergence en termes de technique d'aide à ces pays au travers du développement de la doctrine de l'ajustement structurel. Ce rapprochement s'est traduit par une plus grande relation entre les institutions de Bretton-Woods afin à la fois de préserver leur rôle et d'assurer une certaine cohérence à leur action.

C'est ce cheminement qui est à l'origine de l'apparition de la double conditionnalité. En effet, le Fonds et la Banque étaient déjà liés structurellement depuis leur création mais leur convergence a entraîné un approfondissement de ces liens. Afin d'éviter un doublon intégral et la possibilité d'une fusion, les deux organisations ont néanmoins cherché à garder une certaine spécificité en tentant de définir leurs compétences propres et de créer une complémentarité de façade au travers d'un processus de collaboration. Mais aucune relation n'étant parfaite, il est apparu assez vite une sorte de déséquilibre dans la collaboration. Le FMI a, en effet, profité de sa magistrature d'influence pour prendre le "leadership" de l'ajustement structurel au niveau de la définition des programmes plaçant ainsi la Banque dans un carcan programmatique tout en profitant de sa puissance matérielle.

Section 1 : Des institutions indépendantes

La conférence internationale monétaire de Bretton-Woods en 1944 a donné naissance à deux organisations aux objectifs distincts. Le FMI était en charge de la mise en place et du contrôle d'un ordre monétaire stable alors que la BIRD devait financer la reconstruction de l'Europe d'après guerre et aider au développement. Les aléas de l'environnement économique et politique ont entraînés une évolution du rôle de ces deux institutions qui a abouti à un entrelacement de leurs domaines de compétences. L'apogée de cette convergence des champs d`action et des objectifs s'est traduit par la mise en place des programmes d'ajustement structurel. Les institutions de Bretton-Woods se sont donc trouvées, au travers de ces programmes, dans une même logique d'aide par la modification des structures économiques et sociales et à destination des mêmes pays. Cela a entraîné une plus grande collaboration entre le Fonds et la Banque mais a aussi laissé apparaître des divergences quant aux priorités de l'ajustement structurel et des conditionnalités qui y sont attachées. En effet, l'économie est un tout et il est impossible de séparer les différents niveaux d'actions. Le Fonds et la Banque ont donc été confrontées aux divergences consécutives aux interactions réciproques de leurs programmes.

Paragraphe 1 : Des évolutions différentes

Les institutions de Bretton-Woods ont nettement évolué dans leur rôle depuis la conférence internationale de 1944. De leurs objectifs initiaux, certains ont disparu, comme la fixité des parités pour le FMI ou le rôle de reconstruction de la Banque Mondiale, en raison des évolutions de l'environnement économique et politique. Chaque organisation s'est adaptée pour conserver son rôle dans l'ordre économique international et a modifié son champ de compétence en fonction de la situation. C'est en raison de cette flexibilité aux changements permanents de l'économie et de la politique que les deux institutions, initialement aux objectifs distincts, se sont retrouvées à devoir oeuvrer dans le même secteur de l'aide aux pays en développement.

A. L'évolution du rôle du Fonds Monétaire Internationale

Le Fonds Monétaire International a été fondé officiellement le 27 décembre 1945, après que 29 pays eurent ratifiés ses Statuts, qui avaient été adoptés à la conférence monétaire internationale tenue à Bretton-Woods (New Hampshire, Etats-Unis) du 1er au 22 juillet 1944. Ses activités opérationnelles ont débuté le 1er mars 1947.

A l'origine, le FMI a été crée pour mettre en place un ordre monétaire international stable pour l'après guerre. Pour cela, il a été doté de deux séries d'objectifs que sont la stabilité des changes «Promouvoir la stabilité des changes, maintenir entre les Etats membres des régimes de change ordonnés et éviter les dépréciations concurrentielles des changes4(*)» et la convertibilité des monnaies et la liberté des changes «Aider à établir un système multilatéral de règlement des transactions courantes entre les Etats membres et à éliminer les restrictions de change qui entravent le développement du commerce mondial5(*) ». .
Concernant la stabilité des changes, pendant les premières années d'existence du FMI, tous les Etats membres s'engageaient, au moment de leur adhésion, à utiliser la même méthode pour calculer la valeur de change de leur monnaie; à savoir le système dit des parités fixes. Les pays membres maintenaient la valeur de leur monnaie à l'intérieur d'une marge de 1 % de part et d'autre de la parité et, s'ils estimaient qu'une modification du régime de change pouvait être profitable à leur économie, ils étaient tenus d'en discuter avec les autres pays membres par l'intermédiaire du FMI et d'obtenir leur consentement avant d'agir. De plus, les Etats devaient maintenir l'unicité de ce taux.

Pour ce qui est de la convertibilité des monnaies, les Etats membres s'engageaient à assurer la libre convertibilité de leur monnaie dans les autres monnaies et à éliminer progressivement les restrictions de change.

Le système fonctionna correctement jusqu'au début des années 70. Mais, lorsque le système d'étalon de change-or théorique, que les pays avaient adopté suite à Bretton-Woods, trouva sa limite dans le déficit constant de la balance des paiements des Etats-Unis conjugué au prix fixe de l'or, il commença à vaciller. Le point d'équilibre or-dollar fut atteint en 1959. Si l'on rajoute à cela la guerre du Vietnam, le choc pétrolier et l'inconstance monétaire américaine, on arrive à la déclaration de Nixon du 15 août 1971 mettant fin au régime d'étalon de change-or.

La disparition de ce système entraîna dans les années qui suivirent des vagues de spéculation qui provoquèrent un flottement généralisé des monnaies et donc la fin du régime de parité. Cette situation monétaire allait être avalisée lors du second amendement aux statuts de FMI qui laisse un très large choix aux pays de leur système de change et donc, indirectement, autorise les changes flottants.

Les années 70 ont marqué aussi une deuxième déconvenue pour le FMI en ce qui concerne son rôle d'assistance financière dans la poursuite de ses objectifs. En effet, l'afflux massif de pétrodollars a permis aux pays qui désiraient rétablir leur balance des paiements de trouver des financements plus importants et à de moindres conditions auprès des marchés financiers internationaux. Cependant, il faut bien voir que les marchés ne prêtent pas à tout le monde et le FMI s'est retrouvé dans un processus de sélection adverse où il a "perdu" les pays développés et conservé uniquement le tiers monde. Les années 70 ont donc marqué un effondrement progressif de la capacité du FMI à remplir son rôle originel. Mais au lieu de dépérir et disparaître, ce dernier, grâce à des interprétations de ses statuts, a réussi à se reforger une crédibilité et un rôle important dans la communauté financière internationale.

Déjà, à partir de 1963, le Fond a commencé à créer des facilités spécifiques pour répondre aux difficultés de ses Etats-membres. Certaines sont déjà entièrement destinées aux pays en développement de par leurs objectifs, comme par exemple la facilité de financement compensatoire qui s'adresse aux pays dont la balance des paiements dépend fortement de l'exportation d'une matière première.

Cette utilisation de la théorie des pouvoirs implicites par le Fonds a même été officialisée lors des amendements des statuts qui désormais lui permettent d'adopter « des politiques d'utilisation de ses ressources générales, notamment en matière d'accords de confirmation ou d'arrangements similaires et peut adopter, pour des problèmes spéciaux de balance des paiements, des politiques spécifiques qui aident les Etats membres à surmonter les difficultés qu'ils ont à équilibrer leur balance des paiements, conformément aux dispositions des présents Statuts, et qui garantissent de manière adéquate le caractère temporaire de l'utilisation des ressources générales du Fonds6(*). ».

La réorientation du Fonds vers les pays en développement ainsi que ses nouveaux mécanismes se sont dirigés vers «les créneaux financiers laissés inoccupés par la Banque Mondiale7(*)».

Le Fonds s'est même spécialisé plus tard sur certaines régions (bien qu'il ne le reconnaisse pas en tant que tel) comme les PECO avec la facilité de transformation systémique. Ce créneau pose potentiellement des problèmes de coexistence avec la BERD dont le rôle est d'aider à la transition économique et démocratique de cette région.

Le FMI a aussi regagné de l'influence grâce à son pouvoir de contrôle. En effet, la surface financière du Fonds devenant de plus en plus limitée en comparaison des transactions économiques internationales, il a su, en quelque sorte, vendre son pouvoir de contrôle aux institutions bancaires internationales. En effet, les prêts bancaires internationaux aux pays en développement dépendent de plus en plus souvent de la mise en place de programmes de stabilisation du FMI8(*).

Le Fonds s'est donc transformé passant d'une organisation monétaire internationale garante de la stabilité des changes à une organisation d'assistance financière aux pays en voie de développement ce qui va influencer le fonds et la forme de sa conditionnalité

B. L'évolution du rôle de la Banque Mondiale

Le Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD), tout comme le Fonds, a été fondée à la conférence monétaire internationale tenue à Bretton-Woods (New Hampshire, Etats-Unis) du 1er au 22 juillet 1944. Ses activités opérationnelles ont débuté le 25 juin 1946.

Destinée par Keynes, dans son aspect reconstruction, à être l'institution en mesure de prêter des capitaux aux pays qui avaient été dévastés par la guerre pour leur permettre de relever leurs économies, la Banque, du moins au début, aurait dû se concentrer sur la reconstruction européenne. Mais la Banque n'a en fait pratiquement pas participé à la reconstruction de l'Europe d'après-guerre. C'est le plan Marshall, mis sur pied par les Etats-Unis seuls, qui a rempli ce rôle. La Banque a destiné seulement quatre prêts à la reconstruction pour un total de 497 millions de dollars tandis que le plan Marshall avait transféré 41,3 milliards de dollars. En tant qu'organisation internationale pour la reconstruction, la Banque n'a donc quasiment pas existé.

Concernant l'aspect développement, la Banque est chargée d'assurer le «développement des ressources productives des Etats membres, contribuant par-là à améliorer, sur leurs territoires, la productivité, le niveau de vie et la condition des travailleurs9(*).».

Les économistes de la Banque mondiale des années 60 appartenaient au même milieu et partageaient le même credo réformiste que les gouvernements de J.F. Kennedy et L. Johnson. Et ce, non seulement parce que l'économie du développement était une ramification de l'économie keynésienne, mais aussi parce que le keynésianisme servait de base idéologique à ces économistes qui voyaient dans l'intervention administrative dans l'économie la solution aux problèmes économiques. Jusqu'en 1973, le raisonnement de la Banque a été que les pays en développement devaient être soutenus dans leurs efforts de croissance. Or l'aide publique au développement (APD) accordée par les pays développés était (et est encore) totalement insuffisante. La Banque devait donc intervenir dans cette situation pour prêter des sommes importantes aux pays en développement pour qu'ils atteignent un rythme de croissance et des revenus suffisants pour rembourser leurs dettes.

A partir de 1973, suite à l'augmentation du prix des produits pétroliers, le raisonnement tenu par la Banque peut être résumé de la manière suivante : en empruntant, les pays en développement vont pouvoir développer leurs infrastructures, augmenter leur production d'énergie et accroître leur production destinée à l'exportation. Prenant comme hypothèse que les prix des produits exportés par ces pays sur le marché mondial allaient augmenter, les recettes d'exportation allaient donc croître de façon importante grâce à l'augmentation cumulée des quantités et des prix. Cela devait permettre aux pays en développement de payer le service de la dette et de réinvestir une partie de leurs revenus dans l'amélioration de leur industrie d'exportation. Ce raisonnement a été contredit par la réalité avec la chute importante des prix des produits exportés dans les années 80 conjuguée à la progression exponentielle des taux d'intérêt dans la même période

Cette stratégie prit donc fin avec l'explosion de la crise de la dette mais aussi avec l'arrivée de R. Reagan au pouvoir en 1981. L'arrivée d'une équipe néo-conservatrice à la Maison Blanche plaça la Banque mondiale en porte-à-faux idéologique avec Washington, à un moment où l'endettement du tiers monde remettait en cause ses pratiques expansionnistes. Elle fut alors perçue comme une bureaucratie dépensière désireuse de se substituer au secteur privé et fut donc « remise sur le droit chemin ».

L'économie restant la science majeure du développement, une nouvelle génération d'économistes, proches de l'école de Chicago, prit la relève. Les concepts libéraux, qui voient dans les acteurs publics des parasites attachés à leurs privilèges et entravant le fonctionnement harmonieux des marchés, deviennent la ligne officielle. Les équipes d'économistes furent changées et les anciennes considérées comme «manquant des compétences économiques et techniques appropriées et restant attaché aux pratiques étatistes du passé 10(*) ».

La révolution libérale de la Banque se caractérisa aussi par un changement dans les techniques employées. En effet, la Banque va aller au-delà de son approche traditionnelle, qui était auparavant essentiellement basée sur le financement de projets, pour se diriger vers une approche de financements de programmes.

Ce qu'on a appelé le consensus de Washington, et qui va orienter l'ensemble des politiques économiques mondiales vers les objectifs d'austérité budgétaire et de libéralisation du commerce et des capitaux, refléta la convergence des stratégies adoptées par ces nouveaux économistes, les néo-conservateurs, et les milieux financiers. La nouvelle idéologie de la Banque et les politiques d'ajustement structurel traduiront ces intérêts en termes de développement. De plus, après 1982, avec le tarissement total des prêts des banques commerciales aux pays en développement, la Banque se retrouve en position de force, celle du prêteur préférentiel et donc capable d'imposer ces nouvelles conditions qui vont au-delà de son champ d'action précédent. La Banque va donc utiliser cette nouvelle position afin de mettre en place sa propre conditionnalité qui va alors s'ajouter à celle du FMI pour créer la double conditionnalité.

Paragraphe 2 : La convergence des objectifs

L'évolution des rôles des deux institutions de Bretton-Woods a donc abouti à ce qu'elles jouent plus ou moins sur le même terrain de l'aide aux pays en développement. Cette convergence des rôles sur la scène internationale conjuguée à la mise en place dans les années 80, avec les arrivées de M. Thatcher et R. Reagan, d'une idéologie axée sur le néolibéralisme, a entraîné l'utilisation de la seule théorie du développement compatible, c'est à dire l'ajustement structurel. Cette technique d'aide va vite devenir la panacée car, au surplus, elle déresponsabilise les deux organisations de leurs résultats médiocres antérieurs (voire de leurs erreurs grossières d'appréciation) en affirmant que seul le structurel aurait pu empêcher la crise. Mais derrière l'appellation commune de l'ajustement structurel, il semble persister des différences notables dans les visions qu'a chaque organisation des priorités structurelles des pays concernés, notamment au niveau de la coordination micro-macroéconomique.

A. L'ajustement structurel comme apogée

Il n'y a pas de définition officielle de l'ajustement structurel mais on peut le définir par son objectif qui est de rétablir à court terme l'équilibre entre les revenus et les dépenses d'un pays par des mesures économiques au niveau national. À plus long terme, ces programmes doivent également aboutir à une restructuration économique telle que les secteurs à potentiel soient renforcés. Certaines mesures se situent au niveau macro-économique: rétablissement de l'équilibre de la balance des paiements, ajustement des cours de change, limitation du déficit budgétaire, stimulation des investissements productifs, amélioration de l'environnement d'investissement, suppression des obstacles au libre marché, etc. D'autres se situent au niveau micro-économique ou sectoriel avec le développement de l'infrastructure pour les secteurs prometteurs, l'aide à la gestion, l'optimisation des débouchés, etc.

C'est la Banque Mondiale qui a, en premier, mis en place l'ajustement structurel. En 1979 R. McNamara, alors président de la Banque, proposa l'ajustement structurel comme voie de développement dans un discours devant les Nations Unies. En 1980, la BIRD créa les prêts à l'ajustement structurel avec un prêt de 200 millions de dollars à la Turquie.

Le FMI la suivit quelques années plus tard, en 1986, avec sa facilité d'ajustement structurel destinée à ses «pays membres à faible revenu qui connaissent des difficultés persistantes de balance des paiements ne pouvant être corrigées que par des programmes d'ajustement macro-économique à moyen terme.11(*)». Cependant, dès 1974, le FMI avait mis en place le mécanisme élargi de crédit qui devait aider les pays membres qui rencontraient des problèmes structurels de balance des paiements. C'est donc en quelque sorte l'ancêtre de l'ajustement structurel.

Mais c'est la crise de l'endettement qui a donné son véritable envol à l'ajustement structurel. En effet, la dette est un phénomène structurel puisqu'elle résulte de l'addition des déficits budgétaires. Les deux institutions de Bretton-Woods ont été quelque peu responsable de cet état de par leurs politiques mais surtout n'ont pas su prévoir l'éclatement de cette crise.

La Banque dans son rapport annuel sur le développement dans le monde de 1981 expliquait que « Ces tendances indiquent qu'il sera plus difficile pour les pays en voie de développement de gérer leur dette, mais elles n'annoncent pas de problème généralisé, ce que confirment les projections de balance des paiements établies pour les années 1980 en fonction des scénarios probables12(*)» et garda son optimisme en 1982 et même en 1983 alors que la crise mexicaine avait déjà éclaté.

Le Fonds, lui aussi, a connu les mêmes problèmes d'interprétation des signes avant-coureurs de la crise de la dette.

Cette responsabilité indirecte, conjuguée au fait que la crise remettait en cause leurs politiques précédentes et même leurs légitimités respectives, a fait que les institutions soeurs ont opté pour l'ajustement structurel. Son double avantage était de les dédouaner de la situation puisque cela relevait de problèmes structurels dont elles ne s'étaient pas occupées jusqu'alors mais aussi de leur donner un nouvel outil les mettant en position de force dans la poursuite de leurs objectifs respectifs.

En effet, la Banque disposait ainsi d'un formidable outil de développement tant dans sa nouvelle orientation de financement de programmes puisqu'elle pouvait ainsi influer sur la structure même du système socio-économique, que dans son ancienne orientation financement de projets puisqu'elle pouvait modifier plus facilement l'environnement des projets. Le Fonds, quant à lui, disposait ainsi d'un formidable outil de régulation des problèmes structurels de balance des paiements.

De plus, l'ajustement structurel va se révéler être également un formidable vecteur de la nouvelle idéologie économique des institutions de Bretton-Woods.

Les programmes d'ajustement structurels vont donc se développer au sein du Fonds et de la Banque à partir des années 80 et 90. La FAS qui impliquait déjà les deux institutions va se transformer en Facilité d'Ajustement Structurel Renforcée (FASR) dès 1987 puis va s'orienter spécifiquement vers la dette avec l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) de 1997 prononcée conjointement par les directeurs du Fonds et de la Banque.

On assiste donc, au travers de l'ajustement structurel, à une véritable convergence des politiques des institutions de Bretton-Woods. On pourrait même aller plus loin en parlant de convergence des objectifs pour ces deux institutions. Et cela va se traduire par le fait que l'ajustement structurel va devenir le terrain privilégié de la double conditionnalité. Cependant, l'ajustement structurel peut cacher dans une même politique des divergences d'objectifs.

B. Des divergences dans la convergence ?

L'ajustement structurel a été vu comme la panacée, du moins jusqu'au début des années 90. Il est apparu à cette période que les objectifs propres des deux institutions n'étaient pas forcément réalisables au niveau d'une politique commune.

Un premier biais se trouve au niveau du manque d'harmonisation qui provient pour une large part de ce que l'adéquation entre la politique au niveau macro-économique et la politique au niveau micro-économique est difficilement réalisable à cause de la connaissance insuffisante des rapports socio-économiques. En effet, la prévisibilité des conséquences macro-économiques sur les objectifs micro-économiques est très imparfaite (et inversement). Cela est dû à l'utilisation, par le Fonds et la Banque, de modèles mathématiques trop généraux et donc trop restrictifs dans leurs hypothèses qui entraînent souvent des corrélations erronées. De plus, l'information sur la structure socio-économique des pays en développement, indispensable à l'alimentation de ces modèles, est souvent limitée du fait du manque de moyens de ces pays.

Il existe quelques exemples simples de ce phénomène. Le FMI demande souvent la dévaluation de la monnaie des pays en ajustement pour favoriser la compétitivité des entreprises exportatrices. Cela semble être une mesure de bon sens économique mais les résultats peuvent être contraire en fonction de la structure socio-économique. En effet, la dévaluation aboutit aussi à une augmentation des prix de produits d'importation essentiels, pour l'agriculture par exemple, tels que les pièces de rechange, les engrais et le matériel agricole, ce qui peut porter un coup à la production locale et au développement des capacités productives de ces secteurs qui peuvent être prometteur pour l'action de la Banque. Il faut donc au préalable connaître la structure du secteur et sa dépendance aux importations, ce qui semble difficile à établir notamment dans des systèmes d'agriculture familiale. Un autre exemple concerne la privatisation des entreprises d'Etat ou parapubliques pour accroître leur efficience et leur compétitivité. En effet, certains secteurs (para)publics peuvent être gangrenés par une nomenklatura locale proche du pouvoir dont les salaires ne sont en fait qu'une rente et où l'entreprise n'a pas besoin d'être productive. Ces mesures sont donc théoriquement souhaitables. Mais cette politique de privatisation peut connaître des résultats inverses en remplaçant seulement le monopole étatique par des monopoles privés. En effet, un certain manque de transparence, que connaissent certains pays en développement, peut aboutir à prendre des nouveaux investisseurs privés locaux qui ne sont que la partie privée du pouvoir public en place. Il faut donc ici connaître la structure socio-économique de la relation entre le pouvoir politique et économique, ce qui semble également difficile en raison du manque de transparence des organisations hiérarchiques de certains pays en développement.

Ce biais pose des problèmes importants mais il résulte uniquement d'imprécisions dans la programmation et ne remet pas vraiment en cause la poursuite commune de l'ajustement structurel.

Un deuxième biais dans la convergence des objectifs des deux institutions de Bretton-Woods est plus grave car il concerne des divergences d'objectifs court terme - long terme.

Le démantèlement des services publics et de l'investissement public par le FMI pour réduire les déficits budgétaires (donc à court terme) peut entraîner des conséquences négatives sur le développement de certains secteurs économiques à potentiel (donc à moyen/long terme) pour la Banque.

Par exemple, la privatisation des banques publiques spécialisées dans certains secteurs et offrant des prêts préférentiels ou encore le dégraissage dans les services publics destinés à l'éducation ou à l'investissement dans certaines structures peut amener à compromettre le potentiel de ces secteurs.

Un autre exemple dans le sens inverse est la politique productiviste basée sur les secteurs exportateurs prônés par la Banque. En effet, de nombreux pays en développement sont concurrents sur les mêmes secteurs de matières premières. Et donc la logique productiviste de la Banque et la volonté de conquérir des parts de marché incitent à une concurrence internationale féroce qui amène inexorablement à des baisses de cours de ces matières. Lorsque la baisse de cours est proportionnellement plus grande que la hausse de production, ce qui arrive souvent, les revenus d'exportations du pays diminuent et de là même, la balance des paiements du pays se retrouve touchée.

On se retrouve donc ici devant une divergence grave entre les objectifs des deux institutions.

La logique de développement de la Banque et la logique de stabilité financière du Fonds, même insérées dans l'idéologie commune du libéralisme ou dans l'objectif commun de la réduction de la dette, montrent leurs limites en terme de compatibilité. En tant que vecteur de ces objectifs, les conditionnalités vont se trouver elles aussi tiraillées par ces divergences ce qui explique que il existe vraiment une double conditionnalité dans les programmes et non pas simplement une conditionnalité conjointe.

Une solution à ce problème peut être bien entendu une plus grande collaboration mais cela est il suffisant ?

Section 2 : Les relations entre les institutions de Bretton-Woods

La relation entre les institutions de Bretton-Woods est caractérisée par une grande proximité. Elles sont en effet issues de la même conférence, ont leur siège dans la même ville, organisent leur assemblée annuelle ensemble et ont un modèle d'organisation assez proche. Cette dimension structurelle est renforcée par les liens statutaires qui les lient et par la mise en place de comités communs. Mais c'est la convergence des objectifs de ces organisations qui va être le déclencheur de l'approfondissement de la relation. L'apogée de l'ajustement structurel va se traduire par une véritable collaboration dans la gestion des programmes et des compétences respectives. Mais cette dimension commune va aussi entraîner une définition du rôle de chacune au sein du couple. Et c'est à ce niveau que s'est créée une autre limite dans la relation du fait du déséquilibre dans le leadership de l'ajustement structurel. Il semble, en effet, que le FMI ait réussi à asseoir une certaine domination sur la conception des programmes laissant la Banque uniquement s'exprimer dans un carcan prédéfini. Ce leadership ne tient pas compte, en outre, du fait que c'est la Banque qui a la puissance matérielle nécessaire au succès de ces programmes notamment grâce à sa présence sur le terrain.

Paragraphe 1 : La collaboration entre les institutions de Bretton-Woods

L'historique de la collaboration entre le FMI et la Banque Mondiale montre une certaine irrégularité dans l'approfondissement des relations entre les institutions de Bretton-Woods. En effet, leur relation est immédiate du fait de leur création commune lors de la conférence monétaire internationale de juillet 1944. Il existe donc une part structurelle dans leur relation dont une grande partie est inhérente aux liens juridiques issus de Bretton-Woods que ce soit au travers des statuts les liant ou encore de la similitude dans leur mode de fonctionnement.

Ce caractère structurel s'est ensuite approfondi légèrement au cours de leur histoire par la mise en place de divers organes conjoints. Mais l'essentiel de l'avancée de la relation repose sur une collaboration progressive dont l'ajustement structurel a été un formidable accélérateur. La mise en place de programmes communs a en effet «forcé» ces institutions à développer une véritable collaboration afin, notamment, de se répartir les compétences et donc, par ce processus, de différencier leur conditionnalité..

A. La relation structurelle

La relation structurelle entre les deux institutions remonte bien évidemment à leur création commune lors de la conférence de Bretton-Woods. Les statuts des deux institutions sont les parties d'un même plan global de reconstruction d'un ordre économique et financier international. La troisième partie de ce plan était la création d'une Organisation Internationale du Commerce qui finalement ne vit pas le jour et aboutit au GATT.

Le Fonds et la Banque sont des organisations internationales distinctes avec chacune un statut juridique propre, bien que certaines dispositions négociées pour les statuts du Fonds lors de Bretton-Woods aient été incorporées à ceux de la Banque13(*). De plus, une autre similitude est que les organes directeurs des deux institutions ont été crées sur le même modèle14(*) et tiennent leur assemblée annuelle ensemble.

De plus, il existe des liens juridiques entre les deux institutions. En effet, l'appartenance à la Banque Mondiale n'est possible statutairement que pour les pays déjà membres du FMI15(*). De plus si un pays membre de la Banque quitte le FMI, son appartenance cesse dans les trois mois à moins d'un vote avec majorité des ¾ lui permettant de rester16(*).

Les statuts du FMI contiennent aussi un principe de collaboration avec les autres organisations internationales : «Le Fonds collabore, dans le cadre des présents Statuts, avec les organisations internationales de caractère général ainsi qu'avec tout organisme international public ayant des fonctions spécialisées dans des domaines connexes. 17(*)». Les statuts de la Banque comprennent aussi un principe identique18(*). La notion de domaine connexe renvoie explicitement à la relation entre les institutions de Bretton-Woods.

Au-delà de ces liens juridiques initiaux, la relation structurelle s'est développée aussi grâce à la mise en place de comités conjoints ou «joint committees» sur des questions spécifiques.

En 1974 fut crée le Comité ministériel conjoint des Conseils des gouverneurs de la Banque et du Fonds sur le transfert de ressources réelles aux pays en développement pour conseiller les conseils des gouverneurs des deux institutions sur les questions de développement. Ce comité conjoint est devenu le Comité du Développement. Les deux institutions de Bretton-Woods ont aussi crée l'Institut multilatéral d'Afrique (avec la BAfD).

Il existe aussi d'autres comités plus administratifs comme le comité mixte ad hoc chargé des dispositions pour l'Assemblée annuelle des Conseils des gouverneurs de la Banque et du Fonds, le comité mixte de la procédure et le secrétariat commun (pour les assemblées) ou encore le comité conjoint chargé d'examiner la rémunération des administrateurs et des administrateurs suppléants.

Un dernier point intéressant de la relation structurelle entre les institutions soeurs a été la définition des attributions de chacune sur les problèmes communs avec les mémorandums parallèles de la Banque et du Fonds de 1966. Ces derniers établissent les règles de coopération et de responsabilité des deux institutions afin de garantir une certaine cohérence entre elles. Les paragraphes 4 et 5 définissent les responsabilités premières de chaque institution19(*). Le Fonds est responsable des taux de change, des déséquilibres de balance des paiements et de l'évaluation et de l'assistance dans les programmes de stabilisation. La Banque, quant à elle, est responsable de l'élaboration des programmes et projets de développement. Chaque institution s'engage à ne pas critiquer les positions de sa consoeur sur ses responsabilités premières. Ce mémorandum fut complété par le premier mémorandum conjoint du Fonds et de la Banque en février 1970.

Ces principes furent développés dans le concordat de 198920(*) et dans le «Report of the Managing Director and the President on Bank-Fund Collaboration» de 1998.

Il existe donc bien une relation structurelle entre ces deux institutions, seulement on peut se sentir déçu de son manque de développement avec la convergence croissante des objectifs et des politiques des deux institutions. En effet, les deux institutions semblent être en conflit pour maintenir leurs attributions et même les accroître. Une trop grande relation structurelle semble en effet être une menace de fusion des institutions comme cela avait déjà été proposé lors de la conférence de Bretton-Woods puis plus récemment par le rapport Meltzer21(*) ou par D.Carreau22(*). C'est donc pourquoi le Fonds et la Banque se sont engagées dans une collaboration progressive plus informelle et plus flexible.

B. Une collaboration progressive

Après les mémorandums de 1966 et 1970 qui reconnaissaient le besoin de collaboration pour gérer les enchevêtrements de compétences, les institutions de Bretton-Woods ont dû mettre en application cette collaboration de façon progressive, pour répondre à l'accroissement de leurs chevauchements.

Le véritable chevauchement, et donc la véritable collaboration, arrive avec l'ajustement structurel. Le premier mouvement significatif vient du FMI avec la création en 1974 du mécanisme élargi de crédit qui place les pays en développement comme premiers "clients". Le second mouvement vient de la Banque qui en 1979 crée les prêts à l'ajustement structurel et se lance donc dans l'approche programmatique. Ce chevauchement aboutit en 1986 à ce que le FMI crée la FAS dont l'élaboration des programmes et leur évaluation sont mises en place par collaboration entre les services du FMI et de la Banque Mondiale. Cet aspect de la FAS est novateur car il «officialise la collaboration des deux institutions de Bretton-Woods23(*)». La collaboration entre les deux institutions va se poursuivre dans la mise en place des documents-cadres de politique économique (DCPE) avec la création de la Facilité d'Ajustement Structurel Renforcé (FASR) en 1987. C'est cette programmation commune qui va être la base de la mise en place de la double conditionnalité.

Dans le secteur financier et bancaire qui est un secteur de compétences partagées, la collaboration est passée par la création, en septembre 1998, d'un comité de liaison chargé d'accroître les échanges d'informations entre les deux institutions et d'assurer une meilleure coordination de leurs programmes pour optimiser l'utilisation des ressources. En mai 1999, le comité a lancé un programme pilote d'évaluation du secteur financier (PESF) dont l'objectif est d'améliorer la couverture et l'analyse des systèmes financiers des pays membres par une collaboration plus étroite entre la Banque mondiale et le FMI.

Mais l'apogée de la collaboration va se trouver dans le redéploiement de la FASR vers la réduction de la dette avec l'initiative PPTE. Cette dernière a été prise conjointement par le Directeur Général du FMI et le Président de la Banque Mondiale en 1996.

Son objectif est « de ramener l'endettement de ceux qui poursuivent de bonnes politiques économiques à un niveau soutenable, afin d'éviter que le poids élevé de leur dette et des charges de services excessives ne compromettent leurs efforts d'ajustement et de réformes24(*)» et va marquer un nouveau pas dans la relation entre les institutions de Bretton-Woods, puisqu'il s'agit d'une collaboration pour l'ensemble du programme en non plus seulement pour le DCPE. On passe donc à un stade supérieur pour la double conditionnalité car cette dernière s'élargit donc à l'ensemble de la programmation.

Cette collaboration a été renforcée avec l'instauration d'un comité de coordination chargé de s'assurer de la prise en compte, dans les programmes du FMI, des conséquences sociales des programmes d'ajustement et, dans les programmes de la Banque, de leur cohérence avec le cadre macro-économique.

En septembre 1999, le Comité du développement a mis en place un programme plus large visant à renforcer l'initiative. La base de ce nouveau programme est la réduction de la pauvreté sous la forme de Cadre Stratégiques de Lutte contre la Pauvreté (CSLP). Ce programme a entraîné la transformation de la FASR en Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC). Ce cadre est de nouveau commun aux deux institutions.

En effet, dans l'élaboration des CSLP «les services du FMI et de la Banque mondiale devront agir en étroite concertation pour présenter aux autorités nationales une approche globale cohérente, en se concentrant respectivement sur leur domaine de compétence traditionnel25(*)».

La répartition des compétences est la suivante : la Banque prend l'initiative pour tout ce qui a trait aux problèmes de pauvreté, tandis que le Fonds se concentre sur les aspects macro-économiques. Cependant, le risque de chevauchement ou même de compétition entre les organisations est abordé même dans les documents officiels prouvant que cette collaboration n'est pas entièrement naturelle. En effet, dans un document sur les questions opérationnelles précisant les attributions de chacun, il est précisé que « cependant, conformément aux points de vue exprimés par le Conseil, les services du FMI ne chercheront pas à ajouter ou à substituer leurs travaux à ceux la Banque en matière d'analyse de la pauvreté ou d'élaboration des politiques sociales26(*) ».

Et c'est cette différenciation partielle des objectifs et des rôles qui explique l'existence d'une double conditionnalité en lieu et place d'une conditionnalité commune.

Cependant, la collaboration entre les deux institutions est indéniablement une avancée positive, mais il reste à analyser si la balance de pouvoir dans cette relation est équilibrée et permet à chacune d'atteindre ses objectifs.

Paragraphe 2 : Une relation déséquilibrée

La collaboration entre les institutions de Bretton-Woods, en dépit de ses limites, est une avancée non négligeable. Cependant, les relations équilibrées sont parfois les plus dures à mettre en oeuvre. Ceci n'implique pas forcément un jugement de valeur mais plutôt une prise en compte des spécificités de chacune. En effet, de par leurs objectifs respectifs et comme conséquence de l'approfondissement de leur collaboration, chaque institution s'est trouvée une place. Le problème ici est qu'il semble plus que la Banque ait pris la place qui lui restait dans la le champ de la relation qu'elle n'ait elle-même déterminé son rôle dans le couple. Le FMI a, en effet, grâce à sa plus grande influence auprès des pays développés et des grands bailleurs de fonds, pris une certaine ascendance au niveau de la détermination des programmes. Cette domination sur l'approche globale lui a, de plus, conféré une sorte de droit de regard sur la partie de la Banque sous prétexte de mieux prévoir les interactions ou divergences possibles. Par contre, le FMI n'ayant pas les moyens matériels, financiers et humains, d'assurer la mise en oeuvre et le suivi de ces programmes, il a laissé à la Banque une grande partie de l'analyse et du contrôle des programmes sur le terrain.

A. La domination programmatique du FMI

Sur l'exemple de la lutte contre la pauvreté, la répartition théorique des compétences est clairement établie. «Les services du FMI auront l'initiative dans les domaines qui relèvent traditionnellement de leur compétence. Cela comprend les efforts visant à promouvoir l'adoption de politiques macro-économiques prudentes, les réformes structurelles connexes, portant par exemple sur le taux de change et la politique fiscale, et les questions relatives à la gestion des finances publiques, à l'exécution du budget, à la transparence des finances publiques ainsi qu'à l'administration fiscale et douanière. Les services de la Banque seront en première ligne pour conseiller les pouvoirs publics dans l'élaboration des stratégies de lutte contre la pauvreté, notamment en ce qui concerne le nécessaire travail de diagnostic sous forme d'évaluations de la pauvreté et de suivi des indicateurs pertinents, la mise au point de stratégies sectorielles, les réformes visant à renforcer l'efficacité et la capacité de réaction des institutions ainsi que la mise en place de dispositifs de protection sociale; ils devront aussi aider les autorités à évaluer les dépenses prioritaires visant à produire des résultats précis en matière de lutte contre la pauvreté27(*)». Cette répartition peut sembler, à première vue acceptable et représentant les attributions de chacun. Cependant, il faut s'attacher aux interactions possibles entre les deux domaines de compétences. En effet, si la Banque doit donc mettre en place des politiques sectorielles, améliorer le fonctionnement des institutions publiques ou encore créer une protection sociale, comment peut elle le faire quand c'est le FMI qui dicte la gestion des dépenses publiques ou la politique fiscale ?

La Banque se retrouve donc dépendante des mesures macro-économiques du FMI ce qui a crée des dissensions dans la collaboration des deux institutions.

En effet, M. James Wolfensohn, président de la Banque a déclaré dans un discours en 1998 : «Nous avons appris que, s'il est essentiel à tous égards d'élaborer des plans macro-économiques bien adaptés, assortis de politiques budgétaires et monétaires efficaces, les plans financiers ne suffisent pas (...), le développement n'est pas simplement une question de budget et de saine gestion financière. (...) Le développement n'est pas simplement une question de remèdes de technocrates (...), combien de fois avons-nous adopté un point de vue trop étroit des transformations économiques nécessaires, pour nous concentrer sur les résultats macro-économiques ou sur les grandes réformes telles que la privatisation, sans prêter attention à l'infrastructure institutionnelle fondamentale sans laquelle aucune économie de marché ne peut fonctionner ? (...) combien de fois avons-nous poursuivi un objectif purement économique, sans nous arrêter suffisamment sur les aspects sociaux, politiques, environnementaux et culturels ?28(*) ». Ceci ressemble à une critique peu déguisée de l'action du FMI pour le développement et contre la pauvreté. Il semble donc que ce soit l'aspect macro-économique qui prime sur le micro-économique et le sectoriel.

La Banque doit donc «opérer dans les limites d'un ensemble de paramètres devant satisfaire le FMI29(*)». Le FMI possède donc, au travers de son objectif de stabilisation macro-économique, un outil de contrôle des politiques de la Banque. Il existe donc une sorte de priorité idéologique et programmatique donnée au Fonds. De plus, la magistrature d'influence du FMI lui donne un autre avantage dans la conception des programmes puisque de plus en plus de programmes font intervenir d'autres bailleurs de fonds internationaux et c'est sa validation qui sera aussi suivi par ces derniers. Les banques privées30(*), les Etats et les autres organisations internationales31(*) posent en effet souvent comme pre-requis à leur aide ou à leur participation dans un programme la mise en place d'un plan de stabilisation établi par le FMI.

B. La présence matérielle de la Banque

Une simple comparaison de chiffres peut rendre compte du déséquilibre qui existe dans la présence matérielle des deux institutions de Bretton-Woods. En effet, au 31 décembre 1999, le FMI32(*) comptait 2.297 employés: 693 agents auxiliaires et 1.604 cadres (dont deux tiers d'économistes) reparti dans 4 pays alors que la Banque33(*) avait des bureaux dans 67 pays et employait environ 10 600 personnes.

De plus l'implication financière des deux institutions dans les projets communs est inégale.

Pour l'initiative PPTE34(*), la Banque assure un financement de 6.3 milliards de dollar alors que le FMI seulement de 2.3.

Sur l'ensemble de ces activités pour l`année 2000, le Fonds a autorisé l'utilisation de 6.3 milliards de DTS alors que la Banque en a prêté plus de 15 milliards.

Toujours à la fin de l'exercice 2000, l'ensemble des engagements en cours pour la Banque était de 118 milliards de dollars pour un portefeuille de 1608 opérations alors que le Fonds ne totalisait qu'un peu moins du quart (58.9 milliards de DTS) mais pour seulement une cinquantaine d'accords.

A la lumière de ces chiffres, on peut donc se demander comment fait le FMI pour exercer une domination programmatique alors que c'est la Banque Mondiale qui est présente sur le terrain et qui a le pouvoir financier. C'est effectivement la magistrature d'influence du FMI et la répartition des tâches qui entraînent ce résultat . Il faut donc regarder de plus près cette répartition aussi bien au travers de l'exemple de la FRPC citée précédemment que des CSLP. «Le personnel du Fonds s'occupera surtout des questions relevant de ses responsabilités de son mandat et traditionnels, s'efforçant de promouvoir des politiques macro-économiques prudentes ; des réformes structurelles dans les domaines connexes, tels que le régime des changes et la politique fiscale ; et l'amélioration de la gestion des finances publiques, de l'exécution du budget, de la transparence budgétaire et de l'administration fiscale et douanière. Le personnel de la Banque s'occupera des activités de diagnostic, telles que les évaluations de la pauvreté et leur suivi, la formulation de stratégies sectorielles, les réformes visant à mettre en place des institutions plus efficaces et plus en phase avec les besoins de la population, et l'établissement de filets de protection sociale. Enfin, il aidera les autorités à estimer le coût des dépenses prioritaires de réduction de la pauvreté axées sur des objectifs particuliers. Il donnera également des conseils sur la manière d'améliorer l'efficacité des dépenses publiques et leur utilité pour les pauvres (au moyen d'examens des dépenses publiques, par exemple) et sur d'autres réformes structurelles, telles que la privatisation et la réforme de la réglementation35(*)». On remarque effectivement que les tâches de la Banque sont conditionnées aux reformes du FMI comme vu précédemment mais aussi qu'elles demandent un plus grand investissement, tant au niveau de la présence sur le terrain (au travers de la réalisation des évaluations et du conseil auprès des autorités) que financièrement au travers de l'ampleur de son secteur d'expertise. La relation entre les deux institutions de Bretton-Woods est donc, bien que déséquilibrée, un reflet des potentialités de chaque organisation. En effet, la Banque n'aurait pas la crédibilité suffisante auprès des marchés financiers pour mettre en place des réformes de politique économique au niveau macro-économique et ainsi assurer une certaine stabilité des changes et de la balance des paiements. De même, le Fonds n'aurait pas les moyens ni l'expertise pour assurer une présence sur le terrain au niveau des reformes micro-économiques et sectorielles. Enfin, la répartition représente déjà une extrapolation large des statuts et objectifs des deux organisations (surtout pour le FMI). Le rapport Metzler a justement largement critiqué cet élargissement du champ d'action. Le déséquilibre n'est donc que la conséquence du chevauchement de compétences entre les deux institutions. On peut toutefois remarquer que c'est l'institution qui a le plus élargi ses compétences qui a pris le leadership. Toutefois cela n'a pas que des avantages puisque c'est justement le FMI qui est le plus critiqué dans son action justement, entre autres, du fait de son manque de connaissance du terrain. Sa conditionnalité est considérée par certains auteurs36(*), comme étant pire en raison de cet argument. Pour aller plus loin, il faut donc analyser quelles sont les conditionnalités des deux organisations et comment se différencient elles tant du point de vue juridique qu'économique.

Chapitre 2 : La cohérence des conditionnalités

La question de la cohérence des conditionnalités du Fonds et de la Banque se pose en termes de compatibilité et d'efficacité de l'agrégation de ces deux instruments au sein de la double conditionnalité des programmes communs. La cohérence institutionnelle à travers la collaboration ne pouvant être considérée comme un gage de complémentarité ou même de compatibilité, il semble légitime de s`interroger sur la coexistence de deux instruments distincts au sein de programmes communs et de leurs interactions réciproques. Pour cela, il faut déterminer quelles sont les différences entre ces deux conditionnalités tant au niveau de leur construction juridique qu'en tant qu'outil de politique économique. L'historique de la conditionnalité de chacune des deux institutions de Bretton-Woods est très différente puisque c'est le FMI qui a la paternité du concept et que la Banque ne l'a adopté que beaucoup plus tard par nécessité ou suivisme avec l'arrivée de l'ajustement structurel. Et c'est justement au niveau de ces différences, tant temporelle que factuelles, que pourraient apparaître des incohérences.

Parallèlement, la conditionnalité est aussi (ou surtout) un instrument de politique économique et donc un deuxième niveau d'incohérence pourrait apparaître au travers des politiques que ces institutions souhaitent voir suivre. La compréhension de cette cohérence politique passe par plusieurs niveaux d'analyse. Il faut, en effet, la mettre en perspective dans une idéologie plus globale de construction sociétale pour déterminer son application en tant que modèle de développement économique et social. A partir de là, il sera plus facile de déterminer quelles sont les différences entre chaque conditionnalité tant au niveau de leurs applications en fonction des objectifs et compétences de chacune des organisations qu'au niveau de leur coexistence et leurs interactions réciproques. Cette analyse tant juridique qu'économique est aussi en quelque sorte une illustration du résultat de la collaboration entre ces institutions.

Section 1 : La conditionnalité en tant qu'instrument juridique

La conditionnalité est avant tout un instrument juridique créé de toutes pièces par le FMI pour pouvoir exercer un pouvoir de contrôle sur l'utilisation de ses ressources au regard de ses objectifs. Le concept en lui-même ne remonte pas à la création de l'institution. Il est le fruit d'un long débat qui a commencé avant la conférence de Bretton-Woods et qui continue encore. L'émergence de la notion de conditionnalité a été progressive au sein du FMI tout comme sa formalisation au travers d'instruments juridiques. Et même une fois le concept ancré, l'instrument est resté très évolutif grâce aux techniques qui le composent et dont les combinaisons permettent l'application d'une conditionnalité graduée. La force de cet instrument a entraîné son utilisation par d'autres organisations comme la Banque Mondiale. Elle a dû néanmoins l'adapter au regard de ses statuts et de ses objectifs et ainsi créer sa propre conditionnalité avec son propre vecteur juridique et ses techniques spécifiques.

Paragraphe 1 : La création de la conditionnalité par le FMI

La conditionnalité a été engendrée par le débat qui régna à la création du FMI sur l'utilisation conditionnelle ou inconditionnelle de ses ressources. La position américaine de la conditionnalité a lentement pris le dessus. Ce processus s'est traduit d'abord par une interprétation restrictive des statuts du Fonds puis par une introduction implicite pour finalement aboutir à la véritable création du concept de conditionnalité. Une fois ce processus achevé, il a fallu mettre en forme le concept afin qu'il devienne un véritable instrument juridique. Sa formalisation a trouvé son aboutissement dans l'accord de confirmation qui a donné à la conditionnalité sa force au travers de ses éléments constitutifs comme les critères de réalisation, l'échelonnement ou l'adaptabilité.

A. La création conceptuelle de la conditionnalité

Le problème de l'utilisation conditionnelle ou inconditionnelle des ressources du Fonds est un débat qui remonte à la conférence de Bretton-Woods. Le plan Keynes penchait en faveur d'une logique inconditionnelle pour favoriser la croissance et le plan White favorisait l'approche conditionnelle pour préserver les ressources du Fonds. Le débat n'a pas été tranché directement. «La première pierre effective à l'édifice de la conditionnalité37(*)» fut la décision du 10 mars 1948 qui donne une interprétation de l'article V section 3 a) qui établissait la déclaration du pays qui avait besoin de fonds. Cette décision permet la contestation de cette déclaration de besoin et elle sera suivie le 17 mars 1948 par une autre décision qui précise l'article I v) et énonce que le terme garanties adéquates utilisé dans cet article peut être une condition à l'obtention de l'aide. A ce stade, la notion de conditionnalité reste encore floue mais la seconde pierre à l'édifice arriva quatre ans plus tard. Le principe de conditionnalité fut, en effet, introduit implicitement dans les politiques du FMI par la décision du Conseil d'Administration du 13 février 195238(*). Cette dernière établit le tirage inconditionnel sur la tranche-or et donc, implicitement, établit aussi le tirage inconditionnel sur les autres tranches. De plus cette décision créa l'assurement de tirage (qui deviendra l'accord de confirmation) qui sera le «principal vecteur de la conditionnalité39(*)»

Le FMI officialisa cette pratique par la décision du Conseil d'Administration du 20 septembre 1968 puis l'intégrât en 1969, grâce au premier amendement, à ses statuts. Les modifications apportées établirent clairement que l'utilisation des ressources du Fonds (en dehors de la tranche-or) étaient soumises à conditions comme le montre l'ajout du point (d) à l'article V section 3 des statuts du Fonds lors du premier amendement : « A representation of a member under (a) above shall be examined by the Fund to determine whether the proposed purchase would be consistent with the provisions of this Agreement and with the policies adopted under them, with the exception that proposed gold tranche purchases shall not be subject to challenge. ».

Le second amendement aux statuts du Fonds ne modifie pas la notion de conditionnalité mais l'étend indirectement avec l'officialisation de politiques spécifiques à certains problèmes de balance des paiements. L'article V section 3 a) fait désormais référence aussi aux assurements de tirages.

La troisième pierre à l'édifice fut la décision du 2 mars 197940(*) sur l'utilisation des ressources générales du Fonds et les assurements de tirage. Cette décision explicite les moyens de la conditionnalité. Le paragraphe 1 établit que les membres doivent prendre des mesures correctives au commencement de leurs problèmes de balance des paiements ou pour les prévenir. Les consultations prévues à l'article IV seront l'occasion pour le FMI de vérifier leur concordance avec ses objectifs et ainsi lui donner la possibilité de mettre en place un assurement de tirage. Le paragraphe 7, quant à lui, établit que le Fonds approuvera une demande d'utilisation de ses ressources quand il jugera que le programme du pays est en accord avec ses statuts et objectifs et que le pays doit prendre des mesures correctives avant l'assurement de tirage. Ces préconditions établissent donc la conditionnalité initiale du Fonds.

Le paragraphe 6 définit la conditionnalité effective durant le programme. Il établit les clauses de performance et d'échelonnement pour les tranches de crédit au-delà de la première.

Le paragraphe 11 établit la conditionnalité a posteriori pour les utilisations ultérieures de ses ressources avec l'analyse et l'évaluation de performance.

La décision du 20 mars 1979 établit aussi la portée de la conditionnalité. Le paragraphe 9 définît l'encadrement des critères de performance et les limites aux variables macro-économiques et à ceux nécessaires à la mise en place de provisions spécifiques des statuts ou des politiques qui s'y rattachent. La portée de la conditionnalité semble déjà être assez étendue mais le Fonds a rajouté dans le paragraphe 4 un droit de regard sur les objectifs sociaux et politiques intérieurs, les priorités économiques ainsi que sur les causes des problèmes de balance des paiements. Ceci élargit considérablement le pouvoir de contrôle du FMI dans l'approbation de l'utilisation de ses ressources. Mais J.Gold reconnaît que les termes utilisés dans ce paragraphe sont larges et peuvent prêter à débat41(*).

La décision du 20 mars 1979 pose donc la base formelle de la conditionnalité et de son utilisation et c'est pourquoi elle est aussi appelée directive sur la conditionnalité. Elle est d'ailleurs toujours appliquée ce qui prouve, du fait des changements fondamentaux d'orientation du FMI dans les quinze dernières années, qu'elle était très large et flexible.

Elle a cependant été améliorée par des décisions additionnelles en particulier au niveau procédural42(*).

B. La mise en forme de la conditionnalité

Jusqu'en 1952, le Fonds pratiquait une seule technique, celle de la vente à réméré, c'est-à-dire la vente au comptant contre un rachat à terme. Il s'agissait d'une technique assez rigide qui ne permettait pas au Fonds de réagir de manière suffisamment flexible pour faire face aux besoins d'un Etat. C'est pour pallier ce défaut que la technique des accords de confirmation fut mise en place. L'expression accord de confirmation provient de son appellation anglaise : stand by arrangement qui fut traduite au début par assurement de tirage avant que l'expression accord de confirmation ne l'emporte dans le langage du Fonds. On trouve la définition de l'accord de confirmation dans les statuts du Fonds « Par accord de confirmation, il faut entendre une décision par laquelle le Fonds donne à un Etat membre l'assurance qu'il pourra, conformément à ladite décision, effectuer des achats au Compte des ressources générales pendant une période spécifiée et jusqu'à concurrence d'un montant spécifié43(*)».

Le Fonds affirme qu'il ne s'agit pas d'un accord international ni même d'un document contractuel dans le paragraphe 3 de la décision de 1979. Au contraire, D. Carreau estime qu' «il s'agit là de véritables accords internationaux, et non seulement de simples décisions internes du F.M.I., dont les termes lient et le Fonds et l'Etat membre intéressé44(*)».

Ce caractère apporte de nombreux avantages au Fonds. Les accords n'ont pas à être enregistrés auprès des Nations-Unies comme prévu à l'article 102 de la Charte45(*) ce qui préserve leur confidentialité.

Ces accords ne sont pas soumis aux procédures constitutionnelles des Etats membres46(*), ce qui signifie une absence contrôle parlementaire et évite ainsi des problèmes pour le gouvernement. Enfin, ni les Etats ni le Fonds47(*) n'engagent leur responsabilité internationale si ils ne respectent pas leurs engagements.

L'accord de confirmation est composé par «la combinaison de trois techniques : les critères de réalisation, l'échelonnement et l'adaptation continue48(*)».

La première phase est la lettre d'intention énonçant les objectifs et politiques suivies par le pays pour obtenir l'aide du Fonds. Cette lettre est le plus souvent rédigée en collaboration avec les services du FMI lors des périodes de consultations et d'établissement des préconditions. Le Fonds reprend alors les objectifs de la lettre et les transforme en critère de réalisation dans l'accord de confirmation. Il n'y a donc pas de lien direct entre la lettre et l'accord. Ces critères de réalisation ont été définis dans la décision du 20 mars 1979 dans les paragraphes 6 et 9.

De plus, l'intégralité de la somme prévue dans l'accord de confirmation n'est pas versée en une fois. C'est l'échelonnement selon un calendrier prévu par le Fonds qui détermine les versements et permet ainsi de faire respecter la conditionnalité tout au long du programme en fonction du respect des critères de réalisation. Le Fonds peut suspendre les versements en cas de non-réalisation.

Et c'est dans ce cas qu'apparaît, entre autres, la technique de l'adaptation continue. En effet, le Fonds et le pays entrent alors en consultation pour redéfinir les critères de réalisation. Mais cette technique s'est aussi développée avec l'apparition des nouvelles politiques du Fonds. En effet, l'allongement de la durée des programmes a entraîné l'allongement de la durée de l'accord de confirmation. Ce dernier, selon la décision du 20 mars 1979, a une durée normale de un an qui peut être étendue à trois ans. Mais l'arrivée de l'ajustement structurel a aboutit à ce que tous les accords aient une durée de trois ans (renouvelable) et donc il semblait difficile d'établir des critères de réalisation pour une période aussi longue. Les critères sont donc établis annuellement ce qui permet une adaptation des programmes chaque année mais aussi de maintenir et de faire évoluer la conditionnalité sur toute la longueur du programme.

La conditionnalité a donc trouvé son vecteur et sa forme dans l'accord de confirmation. De plus, le caractère souple et évolutif de l'accord a permis à la conditionnalité de se consolider non seulement pour atteindre sa forme actuelle mais aussi pour se propager dans d'autres organisations internationales.

Paragraphe 2 : La consolidation des conditionnalités

Une fois la conditionnalité structurée juridiquement par le FMI, ce dernier a amélioré sa forme pour répondre aux besoins de plus en plus importants de contrôle et de flexibilité avec l'arrivée de l'ajustement structurel. Il a donc créé de nouvelles variantes de vecteurs de conditionnalité que ce soit au niveau des accords eux-mêmes ou des outils de gestion et de suivi de la mise en oeuvre des conditions. La force de la conditionnalité du FMI et son caractère évolutif et flexible ont donné des idées aux autres organisations internationales à vocation économique. La Banque Mondiale, mais aussi la BERD ou l'UE, se sont engouffrées dans le créneau de la conditionnalité. C'est ainsi qu'avec la mise en place de programmes communs, principalement entre la Banque et le Fonds, on arrive à la notion de double conditionnalité. Cependant, il faut s'intéresser à l'adaptation qu'a fait la Banque de la conditionnalité du FMI et analyser comment elle a intégré ce concept dans ses procédures de prêts et de contrôle.

A. La forme actuelle de la conditionnalité du FMI

Le champ de la conditionnalité du FMI s'est nettement étendu avec l'arrivée des programmes d'ajustement structurel. Il est, en effet, passé d'une simple conditionnalité macro-économique chargée de rétablir la balance des paiements, à une conditionnalité chargée de résoudre des problèmes structurels.

L'accord de confirmation a donc aussi connu certaines modifications avec l'apparition de l'ajustement structurel et a connu de nouveaux avatars.

Le premier fut le mécanisme élargi de crédit, établi en 1974, pour assurer une assistance à moyen terme. Il diffère peu de l'accord de confirmation pour la conditionnalité et l'échelonnement.

Les seconds furent la facilité d'ajustement structurel et la facilité d'ajustement structurel renforcée, mises en place respectivement en mars 1986 et decembre1987 pour répondre aux problèmes d'ajustement structurel macro-économique. La principale différence est que la lettre d'intention est ici accompagnée d'un DCPE et que la conditionnalité est plus forte notamment dans la facilité renforcée avec des révisions semestrielles.

La dernière forme d'accord de confirmation est la facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance, établie en 1999 et qui a remplacé la facilité renforcée. Le DCPE est remplacé par Document stratégique de réduction de la pauvreté (DSRP). La conditionnalité est encore renforcée avec la possibilité de révisions trimestrielles.

L'évolution de la conditionnalité passe aussi par le développement des outils de contrôle. En effet, la mise en oeuvre de la conditionnalité repose sur le lien entre le contrôle de la mise en place des politiques souhaitées et les paiements des sommes prévues.

Ce contrôle passe en premier lieu par les critères de réalisation prévus dans l'accord et qui permettent au Fonds d'observer si le pays peut recevoir le prochain paiement échelonné. Ces critères sont soit des limites quantitatives soit des mesures spécifiques. Cet outil correspond aux préconditions prévues au paragraphe 6 de la directive sur la conditionnalité de 1979.

Un autre outil de la conditionnalité sont les mesures préalables (prior actions) qui se sont largement développées dans les années 90. Ces mesures sont celles que le pays accepte de mettre en oeuvre avant la décision du Fonds d'approuver l'utilisation des ressources ou la mise en place d'un programme. Cet outil correspond aux préconditions prévues au paragraphe 7 de la directive sur la conditionnalité de 1979.

Un outil, qui lui n'est pas mentionné dans la directive de 1979, est le repère structurel (structural benchmark) qui a été introduit dans les années 80 avec l'ajustement structurel. Ces repères précisent les différentes étapes dans la mise en oeuvre d'une mesure. Leur réalisation est un indicateur pour le Fonds. Le fait qu'un repère ne soit pas atteint ne signifiera pas l'arrêt du programme, mais si plusieurs repères considérés comme importants ne sont pas réalisés, on peut arriver à un processus de révision.

Le dernier outil est donc la révision de programme (program review) qui fournit un cadre pour l'évaluation de l'ensemble du programme au-delà des seuls critères. Cela permet d'analyser le degré d'évolution des repères et des mesures dont le déroulement n'a pas pu être entièrement défini ex ante et de mettre en place la prochaine étape du programme.

C'est donc l'ensemble de ces outils au sein de l'accord de confirmation qui forme la conditionnalité. Le jeu entre les différents outils permet de modifier le degré de conditionnalité d'une mesure.

L'encadré suivant montre un exemple de l'association des ces outils dans un programme.

Box 12. Monitoring the Introduction of a VAT in Mauritania 49(*)

In Mauritania the introduction of a value added tax (VAT) was one of the pillars of the 1995-98 ESAF-supported program. 1/ The process of making the VAT operational was monitored through a series of detailed steps, most of which were prior actions or structural benchmarks. In addition, the letter of intent for the second annual arrangement contained a list of, and timetable for 23 specific actions for strengthening the tax administration and the operation of VAT (EBS/96/60); the status of these measures was discussed in the subsequent letter of intent (EBS/96/171).

VAT-Related Structural Conditions During the 1995-98 ESAF Arrangement

Measure

Condition

Arrangement

1. Introduction of VAT

SB

First

2. Request IMF technical assistance to evaluate the implementation and administration of VAT

PA

First, midterm review

3. Provide information on VAT to the 50 largest taxpayers through individual visit

PA

Second

4. Start refunds of VAT credits and establish procedures and choose the forms needed for the refunds

PA

Second

5. Establish a monthly statement of VAT data (assessment, collection, arrears, and credits) and provide monthly to the IMF

PA

Second

6. Harmonize the taxpayer identification codes

SB

Second

7. Shorten the procedures for pursuit of delinquent taxpayers

SB

Second

8. Adopt an investment tax credit system SB Second

SB

Second

9. Communication of definitive VAT statements for January-August 1996

 

Second, midterm review

10. Regular communication of monthly VAT data to the IMF

PA

Third

11. Appointment of the VAT audit team

PA

Third

12. Approval of an annual program of targeted VAT audits and specification of monthly audits arrears

PA

Third

13. Establishment of a list of VAT arrears to be written off

PA

Third

14. Establishment of a monthly schedule for collection of recoverable VAT

PA

Third

15. Initiate drafting of legislation on the transfer of collection function to the General Directorate of Taxation

SB

Third

16. Produce final version of legislation on the transfer of collection function to the General Directorate of Taxation for incorporation in the Budget Law

PC

Third

17. Collection of amounts from the first VAT audits

SB

Third

18. Strict implementation of the schedule for monthly collection of recoverable arrears

 
 

19. Regular reporting to the IMF of monthly VAT data, including the results of on-site audits and collections based on these results

SB

Third midterm review

Notes: Structural benchmarks, prior actions, and performance criteria are abbreviated as SB, PA, and PC, respectively.

B. La propagation à la Banque Mondiale

La création conceptuelle et la formalisation de la conditionnalité est l'oeuvre du FMI. Cependant, les avantages de ce modèle ont rapidement intéressé d'autres organisations internationales économiques dont notamment la Banque Mondiale. Cette dernière a commencé à appliquer une certaine conditionnalité à partir de son passage à une logique programme. La première esquisse de conditionnalité arriva avec la facilité de financement supplémentaire proposée par la Banque dans les années 60 mais qui ne connut pas une grande réussite en raison du manque de soutien des principaux bailleurs de la Banque. La conditionnalité de la Banque commença donc réellement en 1979 avec l'initiative des programmes de prêts à l'ajustement structurel.

Le passage d'une logique projet à une logique programme a demandé à la Banque d'atteindre un plus grand niveau de contrôle sur les actions des Etats au sein des programmes afin de spécifier les étapes des programmes et leur contrôle. Cela s'est traduit par la pratique de la lettre de politiques de développement (Letter of Development Policies) ou sectorielles (Letter of Sectorial Policies) dans laquelle la structure et les étapes du programme sont détaillées. Les accords de prêt de la Banque font explicitement référence à ces lettres. La Banque définit ces lettres dans son manuel des politiques opérationnelles comme ceci « For a structural adjustment loan or sector adjustment loan, the Letter of Development (or Sectoral) Policy sets out the salient elements of the proposed adjustment program and the borrower's commitment to carry out the program. The contents of this letter are defined as "the Program" and are incorporated by reference in the Loan Agreement. Receipt by the Bank of this letter, duly executed, constitutes a condition of Board presentation of the loan50(*)»

Le parallèle avec la lettre d'intention des accords de confirmation du Fonds semble donc assez évidente. De plus, la Banque pratique aussi l'échelonnement en fonction de la réalisation d'un certain nombre d'indicateurs qui sont les préconditions au déboursement suivant51(*). On retrouve donc déjà ici deux des trois techniques de l'accord de confirmation du Fonds. La troisième, qui est «l'adaptation continue», existe aussi dans les techniques de la Banque. En effet, elle prévoit aussi le cadre des modifications et des dispenses pour la réalisation de la conditionnalité52(*).

Au niveau des outils, on retrouve les mêmes types d'indicateurs mais avec des noms différents. La Banque définit ces catégories d'indicateurs comme suit53(*): «on peut classer les indicateurs dans deux grandes catégories : intermédiaires et finaux. Lorsqu'un indicateur mesure un but final ou l'effet d'une intervention sur le bien-être des personnes, on l'appelle un indicateur "d'impact" ou "de résultat" -- en un mot, un indicateur "final". Par exemple, l'alphabétisme peut être considéré comme un but final, de sorte qu'un indicateur servant à le mesurer -- disons la proportion de personnes d'un certain âge qui peuvent lire un texte simple et écrire leur nom -- serait un indicateur final. Lorsqu'un indicateur mesure un facteur qui détermine un résultat ou contribue au processus menant à un résultat, il est qualifié "d'intrant" ou "d'extrant", en fonction de l'étape à laquelle se trouve le processus -- en un mot, un indicateur "intermédiaire". Par exemple, il faut beaucoup de choses pour accroître les niveaux d'alphabétisation : davantage d'écoles et d'enseignants, davantage de personnes qui suivent les cours, et ainsi de suite. La mesure des dépenses publiques consacrées aux salles de classe et aux enseignants pourrait être un indicateur d'intrant, alors que celle du nombre de classes construites et d'enseignants formés serait un indicateur d'extrant.»

On retrouve donc une très grande similitude dans la forme de la conditionnalité entre le Fonds et la Banque.

Certains auteurs54(*) ont cependant vu une grande différence quant aux fondements de la conditionnalité. En effet, la conditionnalité de la Banque Mondiale peut être considérée comme se rapprochant plus de celle d'une banque privée que celle du FMI. La Banque n'est pas, au contraire du Fonds, la garante d'un code de conduite. Sa conditionnalité est plus régie par des considérations pratiques car avant d'être prêteuse elle est aussi emprunteuse.

La Banque doit donc s'assurer une certaine crédibilité au travers de ses actions et notamment au travers des remboursements pour préserver sa capacité d'emprunt auprès des investisseurs publics et privés. La conditionnalité peut être donc vue ici comme un moyen d'optimiser ses ressources tant par sa capacité à emprunter que par le choix de l'utilisation de ses ressources limitées.

Néanmoins, vu le développement croissant des programmes où les deux institutions collaborent, il semble que cette vision soit dépassée et que tant la Banque que le Fonds utilisent la conditionnalité à la fois pour assurer leur crédibilité vis à vis de leurs bailleurs et pour assurer un code de conduite pour le développement économique.

La conditionnalité s'est donc propagée à la Banque Mondiale sur modèle formel assez proche. Les différences existantes tiennent en effet plus au mode de fonctionnement de ces institutions qu'à de réelles différences de conception de la conditionnalité en tant qu'instrument juridique pour assurer la réalisation de leurs objectifs respectifs.

Cette similitude est un avantage dans le rapprochement des activités des deux institutions puisqu'il permet à la double conditionnalité de s'exprimer dans un vecteur semblable, et donc de permettre l'établissement de conditions sous la même forme pour les pays soumis aux programmes conjoints.

Section 2 : La conditionnalité en tant qu'instrument de politique économique

La conditionnalité en tant qu'instrument juridique, n'est qu'un moyen tandis que dès que l'on déplace sur le terrain de la politique économique, elle devient un véritable vecteur d'une idéologie. En effet, la conditionnalité de chacune des organisations et donc plus encore la double conditionnalité des programmes communs représente une réelle volonté d'uniformisation des structures économiques mondiales. L'environnement idéologique des institutions de Bretton-Woods est celui des ses membres les plus importants et donc il se caractérise par un fort néolibéralisme. Cet environnement se traduit donc dans les modèles de développement proposés aux pays concernés. La voie vers le rattrapage économique passe donc par une plus grande place donnée aux mécanismes de marchés.

Il n'est donc pas étonnant que l'on retrouve souvent les mêmes mesures dans la plupart des programmes d'ajustement. Seulement, les deux organisations soeurs gardent encore des attributions distinctes et doivent donc se partager la tâche. Le FMI va donc, en toute logique, s'occuper des programmes de réformes macro-économiques voire même un peu plus, en raison de sa fâcheuse tendance à élargir son champ d'action pour prendre en compte les interactions micros. La Banque se concentre donc plus sur les réformes des structures socio-économiques en mettant en place les réformes micro-économiques et sectorielles.

Paragraphe 1 : L'idéologie commune des institutions de Bretton-Woods

En tant qu'instrument de politique économique, la conditionnalité des institutions de Bretton-Woods est caractérisée par une grande cohérence idéologique. En dépit de certains errements de la Banque Mondiale avant les années 80, les deux organisations soeurs partagent un modèle unique de pensée (voire un modèle de pensée unique). Cette idéologie commune a été caractérisée au niveau de la politique économique par ce qu'on appelle le consensus de Washington. Cette idéologie n'est qu'une partie du programme global néo-libéral. Ceci n'est en rien étonnant puisque parmi les pays qui suivent cette idéologie se trouvent les plus gros membres des institutions de Bretton-Woods.

Une autre aspect du néolibéralisme et du consensus de Washington se situe au niveau du modèle économique de développement employé par le Fonds et la Banque. Ce dernier se caractérise par la croyance en l'omnipotence du marché comme unique facteur de développement. Les pays en développement ne pourront donc améliorer leur situation que par une plus grande intégration aux systèmes mondiaux des marchés. C'est ce dogme qui domine les programmes communs d'ajustement structurel des deux organisations.

A. L'orthodoxie néo-libérale : le consensus de Washington

L'ensemble du fonds politico-économique du FMI et de la Banque est mieux connu sous le terme de «consensus de Washington». L'expression est née, au début des années 90, sous la plume de l'économiste britannique John Williamson, pour définir le modèle économique libéral prôné par M. Thatcher et R. Reagan. Le consensus est résumé par cet auteur en une série de dix principes de base55(*) :

1. Discipline fiscale ;

2. Réorientation des dépenses publiques vers l'éducation, la santé et les infrastructures ;

3. Réforme fiscale caractérisée par un élargissement de l'assiette et une réduction des taux marginaux d'imposition ;

4. Taux d'intérêt déterminés par le marché et positifs (mais modérés) en termes réels ;

5. Taux de change compétitifs ;

6. Libéralisation commerciale avec remplacement des restrictions quantitatives par des droits de douanes faibles et uniformes ;

7. Ouverture de l'économie à l'investissement direct étranger ;

8. Privatisations ;

9. Dérégulation, c'est-à-dire, d'une part, abolition des obstacles à l'introduction de la concurrence à l'exception de ceux qui sont justifiées par la sécurité, l'environnement et la protection des consommateurs, et, d'autre part, mise en place d'une surveillance prudentielle des institutions financières ;

10. Protection légale des droits de la propriété.

Si l'on étudie les conditions les plus fréquentes imposées par l'ajustement structurel, on retrouve56(*) :

· Lever les quotas à l'importation qui correspond au principe 6 et 9 du consensus

· Améliorer les stimulants à l'exportation qui correspond aux principes 5, 6,7 et 9

· Réformer le budget ou le système fiscal qui correspond aux principes 1 et 3 (voir 8)

· Revoir les priorités d'investissement public qui correspond au principe 2

· Réduction radicale ou élimination des subventions et des mesures de contrôle des prix qui aboutissaient à des distorsions des prix intérieurs d'un certain nombre de biens et de services qui correspond aux principes 6 et 9

· Taux d'intérêt élevés pour combattre l'inflation, encourager l'épargne et allouer les capitaux aux plus offrants qui correspond aux principes 4 et 7

· Privatisation des entreprises d'État qui correspond au principe 8

· Promotion tous azimuts des exportations par la dévaluation de la monnaie qui correspond au principe 5

· Réduction du rôle de l'Etat, non seulement dans l'économie, mais aussi pour la fourniture de services sociaux comme la santé, l'éducation et la sécurité sociale ce qui par contre contredit en partie le principe 2

Mais l'ajustement structurel est plus qu'une simple combinaison de mesures macro-économiques au niveau interne. Il est pour certains la «"courroie de transmission" pour faciliter le processus de mondialisation qui passe par la libéralisation, la déréglementation et la réduction du rôle de l'État dans le développement national57(*)». Il est par contre pour les équipes des institutions de Bretton-Woods, et plus particulièrement celles du FMI, le seul modèle de développement viable et souhaitable pour ces pays.

Le consensus de Washington a cependant connu récemment de sévères critiques suite aux crises asiatiques et russes et au mécontentement latent consécutif aux piètres résultats de l'ajustement structurel. Les critiques répétées de J. Sachs et M. Friedman, la démission de J. Stiglitz, économiste en chef de la Banque et de R. Kanbur, coordinateur du rapport de la Banque sur le développement, le rapport Metzler ou encore les manifestations anti-mondialisation ont sérieusement entaché la crédibilité de cette doctrine. Seulement, les alternatives proposées par les contestataires ne vont pas dans le même sens. Certains critiquent le manque de libéralisme et l'interventionnisme, d'autres le trop plein de libéralisme et le laisser-aller économique. Le consensus de Washington n'est donc pas encore mort et il tente même de revivre sous d'autres appellations plus neutres. De plus son vecteur d'application existe toujours au sein de l'ajustement structurel avec le modèle de développement par l'intégration aux marchés mondiaux.

B. Le modèle de développement par l'intégration aux marchés mondiaux

Le corollaire des principes du consensus de Washington est le modèle de développement par le libre-échange. Il peut être résumé par le slogan «trade not aid». Son attrait est d'autant plus fort qu'il est en théorie la solution aux problèmes de la dette car les revenus d'exportations permettront de payer le service de la dette et d'améliorer la balance des paiements.

L'idée fondamentale des programmes d'ajustement est donc de sortir de la crise grâce à une intégration plus étroite aux marchés mondiaux, en accordant moins d'attention aux productions nationales destinées aux besoins intérieurs, en réduisant le rôle de l'État et de la planification et en permettant aux forces du marché de jouer un rôle accru dans le développement.

L'ouverture de l'économie sur l'extérieur serait, du moins pour les institutions de Bretton-Woods, le meilleur gage de capacité à tirer parti des progrès technologiques réalisés dans les pays développés, que ce soit à travers l'importation ou à travers la connaissance des nouveaux produits et techniques offerts sur les marchés internationaux.

L'exemple de l'Egypte et de son secteur agricole est caractéristique de cette pensée : « These external forces must carry out not simply adjustments to the existing system but what the World Bank in 1980 called a "qualitative transformation" of Egyptian agriculture. New capital investment, new irrigation methods, improved seed varieties, mechanization, and the switch to export crops such as vegetables and cut flowers to bring in the foreign capital required to finance such technologies were the principal means to achieve this transformation. 58(*)».

L'ouverture extérieure semble être aussi le seul moyen pour les entreprises d'accéder aux marchés avec des débouchés importants, c'est à dire ceux des pays développés, ce qui est une nécessité pour améliorer l'efficacité de la production en bénéficiant des économies d'échelle. Dans le même ordre d'idées, l'ouverture extérieure est également indispensable pour assurer le développement de comportements concurrentiels de la part des entreprises59(*).

L'ouverture extérieure doit cependant être complétée par un ensemble d'autres mesures de politique économique qui assurent un environnement propice à une croissance fondée sur l'intégration à l'économie mondiale. En particulier, l'ouverture extérieure doit s'accompagner de politiques qui assurent la compétitivité de l'industrie.

La première phase de ce modèle d'accompagnement de l'ouverture est la dévaluation qui permettra de rendre plus compétitive les exportations du pays en renchérissant les importations créant ainsi une contraction de la demande.

Ensuite, il faut améliorer la compétitivité même des entreprises nationales. L'investissement prive étant considéré comme la meilleure solution, il faut améliorer l'environnement d'investissement. Cette approche nécessite donc l'élimination des obstacles par la dérégulation des législations sur le travail, l'environnement, les mouvements de capitaux et la réduction du rôle de l'Etat.

Cela passe donc par les privatisations des entreprises nationales qui s'inscrivent aussi dans le cadre d'un rééquilibrage entre le secteur public et le secteur privé. Ce processus s'inscrit dans un cadre plus large qui vise à réformer le fonctionnement du système économique dans une optique de transition vers l'économie de marché et d'application de politiques conformes aux objectifs de la stratégie de développement par l'intégration à l'économie mondiale.

De plus, il faut bien voir que ces entreprises nationales sont le plus souvent de véritables "mines d'or" pour les investisseurs étrangers, notamment dans les domaines des matières premières, des «utilities» (eau, électricité) ou des télécommunications.

Mais pour attirer l'investissement étranger, il faut, au préalable, déréguler les mouvements de capitaux. En principe, la suppression des contrôles des mouvements de capitaux est censée procurer des avantages économiques. Ces derniers doivent provenir d'une augmentation des opportunités d'arbitrages intertemporels (les préférences pour le présent et pour la liquidité diffèrent d'un pays à l'autre) et de diversification des portefeuilles vers ces pays (coûts de financement plus bas pour ces pays et perspective de rendements plus élevés pour les épargnants donc incitation à l'investissement)60(*).

Un autre point connexe est le développement du système financier car plus une économie est développée et dynamique, plus la demande de services d'intermédiation financière est forte. De plus, la structure du système financier peut exercer également un impact direct non négligeable sur l'accumulation du capital. C'est en effet au travers du système financier que l'épargne se forme, et que celle-ci est allouée de manière plus ou moins efficace aux différents projets d'investissement.

Enfin, le système financier est une autre mine d'or pour les investisseurs lors des privatisations.

Pour finir, il existe aussi une multitude de mesures pouvant améliorer l'intégration aux marchés mondiaux qui vont de la libéralisation des prix intérieurs (pour accroître les revenus des entreprises privatisées) à la mise en place de taux d'intérêt élevés (pour attirer les capitaux, encourager l'épargne et engraisser le secteur financier) en passant par la réduction des impôts (pour attirer les entreprises et investissements).

On retrouve donc, dans les grandes lignes, les points de consensus de Washington. Les deux institutions de Bretton-Woods appliquent toutes deux ce modèle de développement. Mais du fait de leurs spécificités et objectifs propres, elles ne le mettent pas forcement en place de la même façon. De plus, en raison de leur collaboration progressive elles ont dû se répartir les taches.

Paragraphe 2 : Les différences de mise en oeuvre de la double conditionnalité

Même si elles partagent une idéologie commune, les institutions de Bretton-Woods ont dû opérer une répartition du champ de la conditionnalité en raison de leurs objectifs respectifs, de leurs domaines d'expertise et de leur présence matérielle. La répartition qui a été faite et qui a été détaillée précédemment revient grossièrement à donner la partie macro-économique au FMI et les parties micro-économiques et sectorielles à la Banque Mondiale. Même si l'on a déjà étudié que cette répartition était déséquilibrée et pouvait mener à des divergences entre ces deux organisations, il faut maintenant s'intéresser à la réalité des champs d'application de la conditionnalité pour chacune des institutions. Il faut étudier quels sont les secteurs macro-économiques dont le FMI s'occupe et par le biais de quelles mesures. Il faut aussi étudier comment le FMI gère les répercussions possibles des actions micro-économiques et sectorielles de la Banque Mondiale sur ses objectifs. Ensuite il convient de s'attarder sur l'immensité du champ d'application de la conditionnalité de la Banque. Cela permet de voir à quel point l'ajustement structurel est vraiment structurel. Au travers d'une base d'exemples de secteurs de conditions, on pourra mieux appréhender l'ampleur des réformes engagées mais aussi leur intrusivité.

A. Le FMI et la conditionnalité macro-économique

Le FMI est principalement responsable des conditions macro-économiques. Les secteurs de compétences où il intervient le plus souvent sont les suivants.

· Le système de change par le biais de la dévaluation et de l'unification des taux de change.

· Le régime du commerce par l'abaissement des obstacles tarifaires et quantitatifs

· Le régime des mouvements de capitaux avec l'élimination des restrictions à certains types de capitaux et les mesures favorisant l'investissement direct notamment par le biais des taux d'intérêt.

· Le système de prix interne en libéralisant la fixation des prix, en supprimant les subventions et ouvrant les monopoles et les filières de distribution étatiques.

· La réforme et la restructuration du secteur public en rationalisant leur fonctionnement

· Les privatisations

· Le système fiscal en réformant à la fois l'impôt et la dépense publique. Cela passe par la modification de la structure de l'impôt et sa réduction. La réforme des dépenses publiques passe par la réduction de l'emploi public

· Le système de sécurité sociale est réformé pour en théorie assurer sa viabilité ce qui passe le plus souvent par la baisse des prestations, la reforme du système de couverture-santé, la rationalisation de la protection sociale et par la mise en place de fonds de pension

· Le secteur financier est réformé par la restructuration du secteur par des fusions et privatisations, des changements de régulation, la réforme de la banque centrale et l'amélioration des marchés financiers.

· Le secteur agricole passe par la suppression des subventions, l'arrêt des réformes agraires et la libéralisation des prix

· Le marché du travail est reformé par l'abaissement des obstacles à sa flexibilité comme la reforme des législations sur le travail, le rôle des syndicats et les normes sociales.

· L'aide au calcul statistique

· Les reformes systémiques comprennent tout ce qui touche le cadre institutionnel comme la reforme des législations sur le commerce, la faillite, la concurrence mais aussi la bonne gestion et la transparence.

Le graphique ci-dessous montre que la plupart de ces secteurs de conditionnalité sont partagés avec la Banque (ou d'autres institutions de développement) voire pour certains entièrement dominés par la Banque.

Cependant cela n'empêche pas le Fonds de poser des conditions. Malgré l'intensification de la collaboration entre les institutions, le Fonds n'a pas limité l'étendue de sa conditionalité.

Le FMI explique cela lui-même61(*) et le justifie par l'absence d'un cadre formel pour la double conditionnalité. Pour cela il impose une conditionnalité pour certains points qui sont en dehors de son aire d'expertise mais qui représentent un intérêt majeur pour son programme macro-économique car il considère que la conditionnalité de la Banque est trop faible et n'apporte pas les mêmes garanties que la sienne. C'est pourquoi le Fonds maintient une conditionnalité sur des secteurs comme les privatisations ou le système de sécurité sociale pour protéger sa politique fiscale ou encore sur les fixations des prix et le commerce pour assurer l'amélioration de la balance des paiements.

B. La Banque Mondiale et les conditionnalités micro-économiques et sectorielles

La Banque s'occupe donc principalement des conditions micro-économiques et sectorielles dans les programmes. Le FMI ayant tissé le cadre macro-économique et même un peu plus parfois, la Banque superpose sa conditionalité sur ses thèmes de compétences. Les conditions imposées par la Banque sont plus nombreuses et plus spécifiques car elles couvrent un à un l'ensemble des secteurs de compétence. Outre les thèmes de compétences «partagées» vues précédemment, on trouve entre autres62(*) :

· La décentralisation et le développement local c'est à dire le transfert d'autorité et de responsabilités de fonctions publiques, de l'administration centrale, vers les organisations gouvernementales subordonnées ou quasi autonomes et/ou vers le secteur privé. On en trouve plusieurs types dont la décentralisation politique, administrative, la décentralisation des finances et la décentralisation du marché.

· Le développement du secteur privé est pris en compte par la Banque au travers de l'amélioration de l'environnement économique, la gestion et la réforme d'entreprises, l'accès aux capitaux internationaux et le développement de l'infrastructure.

· Le développement rural et agricole qui comprend, entre autres, la gestion des ressources naturelles, la compétitivité du secteur, l'autosuffisance, ou encore l'infrastructure rurale.

· Le secteur de l'électricité et autres énergies par biais de la dérégulation des marchés, l'amélioration des économies d'énergies et le développement d'énergies renouvelables.

· La gestion et réforme de l'éducation pour assurer une éducation plus large à moindres coûts par le biais de la décentralisation et de l'implication du secteur privé.

· La gouvernance et gestion du secteur public

· La promotion des marchés de capitaux,

· La protection sociale avec une attention particulière pour la pauvreté, l'éducation, la santé, l'emploi et le milieu rural.

· La gestion des terres et de l'immobilier

· Les transports (en tant qu'infrastructure pour le commerce)

· Les réformes sectorielles et cross-sectorielles

· La participation des ONG et de la société civile

Ceci n'est qu'un petit aperçu de l'étendu de l'action de la Banque. Mais il prouve déjà la portée immense du champ de la conditionnalité. Certains auteurs comme Loxley63(*) la considèrent même comme plus pénétrante, envahissante, et soutenable sur le long terme que celle du FMI en raison de son enracinement dans les structures socio-économiques du pays.

Afin de mieux appréhender la conditionnalité de la Banque, il faudrait se pencher sur un contrat de prêt. Seulement, ces documents étant pour la plupart secrets, il semble plus facile de se servir des documents des pays comme les lettres de politique de développement ou comme ici un document intérimaire de stratégie de réduction de la pauvreté64(*) auxquels il est fait référence dans les véritables contrats

DOCUMENT INTÉRIMAIRE DE STRATÉGIE DE RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ PRÉPARÉ PAR LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE DE GUINÉE

Matrice des stratégies et politiques de réduction de la pauvreté (document reproduit partiellement)

OBJECTIF GENERAL

OBJECTIFS DETAILLES

STRATEGIES /

ACTIVITES

INDICATEURS

ET BUTS

Politique budgétaire

Améliorer la gestion

des finances

publiques

Amélioration du niveau des recettes, en

particulier les recettes non minières

Améliorer l'efficience de l'allocation

des ressources publiques

Assurer la discipline budgétaire

Renforcer le cadre de contrôle des

dépenses

Améliorer l'efficacité et la compétitivité de la passation des marchés

Améliorer l'administration de l'impôt en restructurant les services fiscaux de Conakry et de l'intérieur /

Renforcer la gestion de la TVA en particulier par le transfert systématique des informations de la DND à la DNI.

Contrôler plus efficacement le recouvrement de l'impôt par la mise en place d'indicateurs et

d'incitations pour les agents de recouvrement.

Améliorer le recouvrement des recettes douanières par (i) le renforcement de la coordination entre les

services des Douanes et la SGS, (ii) le redéploiement et formation du personnel, et (iii) la réduction et le renforcement du suivi des exonérations.

Renforcer le cadre de dépense à moyen terme (CDMT) en mettant l'accent sur : (i) la mise à jour régulière des stratégies et des objectifs sectoriels, (ii) le renforcement de la capacité d'exécution et de suivi du CDMT, (iii) la décent. de la gestion des ressources

budgétaires, et (iv) l'application à tous les secteurs.

Produire les données détaillées sur l'impact desnouveaux projets sur les dépenses récurrentes.

Améliorer les prévisions à moyen terme des dépenses et allocations intersectorielles en assurant la compatibilité avec le cadrage macro-économique.

Produire pour chaque exercice des comptes

budgétaires définitifs vérifiés (loi de règlement) au plus tard dans les 6 mois suivant la fin de l'exercice.

Mettre en place une base de données sur les coûts unitaires pour les catégories courantes de matériels et de travaux.

Renforcer la préparation, l'exécution et le suivi des projets.

Adopter un nouveau système pour la gestion des contributions locales relatives aux projets financés par l'IDA. / Faire préparer des audits indépendants des passations de marché de chaque ministère sectoriel.

Suivre les dépassements de délai au stade de la signature des marchés et des paiements y afférents.

Appliquer les procédures budgétaires et

réglementaires et harmoniser textes y afférent

Réorganiser la Direction nationale du Trésor.

Réaliser un excédent brut intérieur de 3% du PIB en 2002

Faire passer les recettes non minières de l'équivalent de 7,8% en 99 à 10% en 2002

Développement rural

1. Améliorer

l'alimentation et la

sécurité alimentaire.

2. Augmenter les

revenus des

populations en milieu

rural

Agriculture

Augmenter la production et la productivité agricole et permettre la

transformation et la commercialisation

des produits

Promotion de techniques améliorées de production et de conservation.

Développement des infrastructures de base : transport, eau, etc.

Amélioration du cadre institutionnel juridique et réglementaire : code foncier et domanial, en

particulier, améliorer l'accès à la terre des groupes défavorisés ou fragilisés.

Augmenter l'accès au micro- crédit.

Protection de l'environnement et gestion rationnelle et durable des ressources naturelles : réglementation, amélioration des connaissances (ex : foyers améliorés).

Renforcement de l'organisation paysanne pour consolider les capacités des agriculteurs.

Taux de croissance du PIB agricole de 10% par an en 2010.

Taux d'accroissement des rendements et des récoltes des différentes cultures.

Quantité de calories disponibles

par habitant.

Volume d'importations de riz.

Superficie mise en défense.

Nombre de groupements créés et

encadrés.

 

Pêche

1. Maximiser les bénéfices

économiques de l'exploitation

rationnelle des ressources halieutiques et aquacoles et augmenter la production

piscicole

2. Augmentation des revenus des pêcheurs et création d'emplois

Participation des communautés (création et soutien comités de développement des débarcadères),

Amélioration des installations (débarcadères et pistes rurales).

Approvisionnement en équipement (moteurs, filets pièces détachées) grâce à la réduction des taxes à l'importation du matériel de pêche et à des avantages fiscaux.

Traitement et mise en valeur des produits.

Facilitation de l'accès au crédit.

Protection des ressources halieutiques et exploitation rationnelle et durable des ressources.

Appui à la pêche artisanale.

Gestion rationnelle de la flotte industrielle

Gestion des pêcheries continentales

Promotion de la crevetticulture

Gestion des ressources humaines

Taux de croissance du PIB du

sous- secteur.

Consommation annuelle par

habitant de 13 kg en 1997 à 17 kg en 2007.

Quantité de poisson capturé.

Recettes d'exportation tirées des produits de la mer.

Le nombre d'emplois créés et le revenu distribué

Secteur minier

Accélérer la

croissance

économique par

l'exploitation du

potentiel minier du

pays.

1. Réduire les charges et améliorer

la compétitivité du secteur

2. Promouvoir les investissements

privés et mieux valoriser les

produits du secteur

Poursuivre les plans de réduction des coûts pour CBG, Friguia et SBK,.

Adopter les nouvelles mesures de restructuration pour SBK.

Réduire la part de l'Etat dans le capital de Friguia et/ ou recourir à une concession privée.

Promulguer les décrets d'application qui permettront d'harmoniser les dispositions du code minier avec celles des autres textes législatifs.

Améliorer le dispositif institutionnel et mettre en place une politique de développement intégré en vue de la transformation de la bauxite en aluminium.

Associer le secteur privé à la gestion des services géologiques, et restructurer ces services.

Taux de croissance du secteur

(en % par an)

CDMT et Secteurs prioritaires

Augmenter l'impact

des dépenses

publiques sur la

réduction de la

pauvreté grâce à une

meilleure allocation

des ressources.

1. Améliorer l'efficience de l'allocation

des ressources publiques.

2. Amélioration de la qualité des prestations par les services publics

3. Renforcer la transparence dans la gestion des dépenses

Renforcer le cadre de dépense à moyen terme(CDMT) en mettant l'accent sur la mise à jour

Revue des stratégies et des objectifs sectoriels, amélioration des prévisions à moyen terme des dépenses, allocations prioritaires des dépenses, renforcement de la capacité d'exécution et de suivi du CDMT ,

Adoption du CDMT par tous les secteurs.

Renforcer les ressources humaines et le cadre institutionnel pour améliorer la prestation du service public.

Améliorer la communication entre prestataires et bénéficiaires des services.

Mettre en place des systèmes d'incitation appropriés et axés sur les résultats et instituer les sanctions.

Adopter un système d'audit des marchés publics et des projets d'investissement

Elaborer et diffuser les indicateurs de performance

Elaborer les lois de règlement sur base annuelle pour revue par l'Assemblée

Part du budget alloué aux

secteurs prioritaires

Part des dépenses de réduction

de la pauvreté / total dépenses

Part des dépenses allouées aux

structures déconcentrées

On peut donc supposer qu'une partie des mesures proposées ici par le gouvernement de Guinée (en collaboration avec les services de la Banque bien évidemment) seront reprises par la Banque Mondiale sous forme de conditionnalité que ce soit en tant qu'indicateurs intermédiaires ou finaux, d'intrants ou d'extrants, dans le contrats de prêt.

Les institutions de Bretton Woods ont donc tenté de séparer leurs domaine d'intervention au sein de l'ajustement structurel. Cependant, cette dichotomie macro-économie/micro-économie reste artificielle car elle en tient pas compte des vastes interactions entre les deux niveaux ou même de l'existence d'un niveau méso-économique. Si la double conditionnalité, dans sa forme juridique, a réussi à assurer une cohérence des méthodes, elle a ,par contre, été à l'origine d'incohérences et de chevauchements en tant qu'instrument de politique économique. Cela s'explique notamment par le déséquilibre de la relation entre les deux institutions. Et ce dernier est la conséquence directe de la réorientation du Fonds vers l'assistance financière au développement consécutive à la crise monétaire et économique des années 70.

Il reste maintenant à analyser la cohérence externe de la double conditionnalité.

Deuxième Partie : La cohérence externe de la double conditionnalité

Par cohérence externe de la double conditionnalité, il faut entendre le processus de coexistence entre les conditionnalités du FMI et de la Banque dans les programmes communs et leur environnement juridique international. En effet, le modus operandi et les conséquences des programmes et de leur conditionnalité, notamment pour l'ajustement structurel, peuvent entrer en contradiction avec certains principes du droit international.

Concernant le mode de fonctionnement de ces programmes, la conditionalité a été fortement critiquée comme portant atteinte à la souveraineté des pays bénéficiaires des programmes. Il faut donc s'attacher à démontrer en quoi la double conditionnalité est un facteur restrictif pour la souveraineté. Pour cela, il faut déterminer son adéquation vis à vis des règles internationales régissant la coopération économique entre Etats et en particulier l'assistance au développement. C'est notamment dans le cadre de l'ONU qu'a été formé, au travers d'une série de résolutions pour protéger la souveraineté, ce cadre spécifique des relations économiques internationales. L'aboutissement de ce cadre a été l'apparition de principes définissant les limites de la relation entre le bénéficiaire de l'aide et le « créancier ». Les lignes directrices des ces principes sont que l'aide ne doit pas être liée à l'existence de certains régimes politiques, économiques ou sociaux dans le pays ni que la fourniture de l'aide soit le prétexte à une intervention dans les affaires internes de l'Etat bénéficiaire. Il faut donc déterminer comment les institutions de Bretton Woods ont intégré ces principes et comment leur conditionnalité peut y porter atteinte.

Au niveau des conséquences, les principales critiques ont porté sur la détérioration du respect des principes des droits de l'homme dans les pays soumis à la double conditionnalité des institutions de Bretton Woods. Il faut donc s'attacher à comprendre en quoi le FMI et la Banque sont responsable de cette situation et en quoi l'impact de leurs programmes porte atteinte à la réalisation des droits de l'homme particulièrement dans leur dimension économique, sociale et culturelle. La prise de conscience croissante de cette situation par le FMI et la Banque a amené à une considération progressive des droits de l'homme, d'abord en tant qu'externalités des programmes à gérer puis en tant que part intégrante de la réalisation des programmes. Il faut néanmoins aussi se demander si cette prise en compte, considérée comme une avancée, n'est pas en fait, dans le même temps, une nouvelle atteinte à la souveraineté des Etats bénéficiaires.

Chapitre I : La cohérence par rapport aux principes du «droit du développement»

La double conditionnalité, en tant que conditions « posées » par le FMI et la Banque en contrepartie de leur aide au développement, est en relation directe avec le droit du développement (si il en existe réellement un). Les pays en voie de développement ont souvent eu une attitude contradictoire vis à vis des institutions de Bretton Woods et de l'aide au développement plus généralement. D'un coté, ces pays ont voulu un véritable droit au développement qui prenne en compte leurs spécificités, d'un autre coté ces pays ont toujours voulu protéger leur souveraineté (souvent acquise depuis peu). Ce système dans une optique d'aide inconditionnelle est réalisable mais dès que l'on entre dans la mise en place de conditions, la contradiction apparaît. En effet, la prise en compte des spécificités dans la conditionnalité entraîne inévitablement un lien avec la situation intérieure du pays et donc de son régime et de ses politiques. Et c'est à ce niveau que se trouve la base de l'intervention ou de la discrimination. Une partie de ce combat contradictoire a été la pression de ces pays au sein de l'ONU pour mettre en place des règles protégeant leur souveraineté dans le cadre de l'assistance au développement et plus largement dans la coopération financière internationale. Cette demande a abouti à la création des principes de non-discrimination et de non-intervention.

Le FMI et la Banque conscients de cette contradiction et des risques qu'elle entraînait pour eux ont mis en place un schéma de pensée neutraliste les dédouanant de toute volonté d'ingérence ou de discrimination mais leur donnant la possibilité de prendre en compte les spécificités du pays. Mais sortir d'une contradiction pareille n'a pu se faire qu'au prix de l'établissement d'un biais dans ce schéma. La base de ce solution «tronquée» est la neutralité de l'approche économique et sa séparation de toute considération politique. Et c'est à partir de là que les institutions de Bretton Woods vont justifier leurs atteintes à la souveraineté. De par l `étendue de ces conditionnalités économiques « neutres » , elles vont exercer un véritable "diktat" sur la mise en place de régimes ou de politiques purement indépendantes au plan national que ce soit au niveau politique, économique, ou social.

Section 1 : La protection de la souveraineté étatique

La souveraineté étatique est un pilier du droit international. Son importance dans l'aide au développement a été soulignée par la création de principes afin de la protéger des tentations interventionnistes ou discriminatoires liées à l'obtention de l'aide. Ce sont les Nations Unies, à la demande des pays en développement, qui ont développé ces barrières pour éviter que l'assistance au développement ne se transforme en néocolonialisme. Les institutions de Bretton Woods sont bien évidemment un des récipiendaires de ces principes et elles ne s'en cachent pas, réaffirmant constamment leur respect. Cependant, la rhétorique utilisée par le FMI et la Banque ne suffit pas à cacher la réalité des atteintes à la souveraineté consécutives à la mise en place des programmes d'ajustement structurels et de la double conditionnalité inhérente à ce processus.

Paragraphe 1 : La création des principes

Le doit international s'est préoccupé de l'asymétrie de pouvoir qui existe entre le donneur et le receveur de l'assistance financière. Afin d'assurer une certaine équité dans les règles de la coopération économique internationale, des principes ont été établis pour rétablir l'équilibre et préserver la souveraineté des Etats bénéficiaires. Les Nations Unies ont alors progressivement mis en place des principes gérant l'aide économique internationale. Les deux principes les plus importants sont la non-discrimination qui empêche de lier l'obtention de l'aide à l'existence d'un type de régime précis et la non-intervention qui empêche que l'obtention de l'aide soit le prétexte à la modification de politiques nationales.

A. Le principe de non-discrimination

Ce principe énonce que l'aide doit être accordée sans discrimination politique, économique ou sociale. Ce principe est «le corollaire du principe d'autonomie constitutionnelle , en vertu duquel chaque Etat est libre de choisir son régime politique, économique et social 65(*)» et ce principe d'autonomie constitutionnelle est «le résultat de l'indifférence du droit international à l'égard des formes politiques internes 66(*)».

La Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la Charte des Nations Unies (résolution 2625 (XXV)) énonce que « chaque Etat a le droit de choisir et de développer librement son système politique, social, économique et culturel ».

De même la CIJ affirme clairement ce principe du libre choix du régime dans l'affaire du Sahara Occidental « Aucune règle de droit international n'exige que l'Etat ait une structure déterminée67(*) » et du Nicaragua « L'adhésion d'un Etat à une doctrine particulière ne constitue pas une violation du droit international coutumier ; conclure autrement reviendrait à priver de son sens le principe fondamental de la souveraineté des Etats sur lequel repose tout le droit international, et la liberté qu'un Etat a de choisir son système politique, social, économique et culturel68(*) ».

La non-discrimination implique donc pour les deux institutions de Bretton Woods l'impossibilité de lier leur aide à l'existence dans un pays d'un régime défini. Cependant « il paraît assez évident que l'octroi ou le refus d'une assistance financière est politique par nature et que l'appréciation de la situation économique d'un pays et du bien fondé des mesures économiques qu'il envisage est forcément fonction de critères politiques et idéologiques 69(*) ». C'est sur un postulat identique que l'Assemblée Générale des Nations Unies a voté la résolution 31/91 qui considère le refus ou la menace de refus d'assistance au développement économique comme une forme d'intervention indirecte.

Cependant, auparavant, la CIJ dans l'affaire du Nicaragua, sur la question de la suppression de l'aide économique des Etats-Unis au Nicaragua comme étant une sorte d'intervention, avait conclu que « En ce qui concerne la forme d'intervention indirecte que constituerait selon le Nicaragua l'adoption de certaines mesures de caractère économique à son encontre par les Etats-Unis, la Cour dit ne pas pouvoir, en l'espèce, considérer ces mesures comme des violations du principe coutumier de non-intervention70(*)».

Néanmoins, il semble probable, notamment concernant l'aide bilatérale pour laquelle certains pays affichent clairement la menace de suppression de leur aide économique si un changement de système politique dans un pays ne leur convient pas, que des considérations d'ordre politique entrent en compte dans la mise à disposition de l'assistance financière. Le problème de la discrimination au niveau des organisations internationales est plus difficilement décelable notamment pour les institutions de Bretton Woods en raison de leur opacité et de leur apolitisme de façade. Cependant on peut noter un certain développement d'une nouvelle doctrine qui accepterait la discrimination en fonction de critères démocratiques ou de respect des droits de l'homme qui remettrait en cause la non-discrimination.

B. Le principe de non-intervention

La base du principe de non-intervention est l'article 2, paragraphe 7, de la Charte de Nations Unies (successeur de l'article 15, paragraphe 8, du Pacte de la SDN) qui prévoit que « Aucune disposition de la présente Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un Etat ni n'oblige les Membres à soumettre des affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente Charte; toutefois, ce principe ne porte en rien atteinte à l'application des mesures de coercition prévues au Chapitre VII ».

Ce paragraphe 7 de l'article 2 qui est relativement vague a été précisé par des résolutions des Nations Unies. On peut citer la Déclaration de l'inadmissibilité de l'intervention dans les affaires intérieures des Etats et la protection de leur indépendance et de leur souveraineté (résolution 2131(XX)) et la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la charte des Nations Unies (résolution 2625 (XXV)) qui proscrivent sous le même énoncé « toute forme d'ingérence ou toute menace dirigée contre la personnalité d'un Etat ou contre ses éléments politiques, économiques et culturels 71(*)». On peut citer aussi la Déclaration d'inadmissibilité de l'intervention et de l'ingérence dans les affaires intérieures des Etats (résolution 36/103)

Il existe aussi une série de textes onusiens proscrivant l'intervention indirecte comme les résolutions 1803 (XVII), 2158 (XXI), 2542 (XXIV) sur l'intervention indirecte au travers de sociétés étrangères ou de mouvements de capitaux72(*) ou encore la résolution 31/91 qui considère le refus ou la menace de refus d'assistance au développement économique comme une forme d'intervention indirecte.

Ce principe a été réaffirmé par la CIJ dans l'affaire du Nicaragua73(*) où elle énonce que « L'importante doctrine de la non-intervention dans les affaires des Etats est tout aussi essentielle pour la paix et le progrès de l'humanité puisqu'elle est indispensable au bien-être de la communauté internationale. Le principe de la non-intervention doit être considéré comme une règle de droit absolue et sacrée» et précise ses éléments constitutifs74(*) « L'intervention interdite doit donc porter sur des matières à propos desquelles le principe de souveraineté des Etats permet à chacun d'entre eux de se décider librement (choix du système politique, économique, social et culturel et formulation des relations extérieures, par exemple). L'intervention est illicite lorsque à propos de ces choix, qui doivent demeurer libres, elle utilise des moyens de contrainte,... ».

Toutefois, malgré sa réaffirmation et ces précisions, ce principe reste difficile à apprécier. En effet, en particulier dans le domaine de l'aide, la séparation entre la coopération et l'interventionnisme semble assez mince. Et c'est cette mince séparation qui donne au principe de non-intervention lui-même une dimension politique et idéologique. En effet, l'interventionnisme peut être vu soit comme une excuse facile pour certains gouvernement pour faire « passer la pilule » à la population pour des mesures impopulaires ou au contraire utiliser la coopération comme un moyen d'ingérence.

Paragraphe 2 : La prise en compte des principes par les institutions de Bretton Woods

Ces principes de protection de la souveraineté dans le cadre de l'obtention de l'assistance financière concerne en premier lieu les relations bilatérales mais il s'applique aussi aux organisations internationales. Les pays fournisseurs d'aide ne les respectent que très peu mais le FMI et la Banque, en tant qu'organisations internationales se doivent de s'y conformer. Elles ont pour cela mis en place une rhétorique basée sur le consensus et la neutralité afin d'échapper à toute attaque contre elles au niveau de l'intervention et de la discrimination. Mais cette rhétorique est biaisée dans sa conception par le postulat de neutralité de l'économie et de l'expertise fournie par ces institutions.

A. L'affirmation du respect des principes par les institutions de Bretton Woods

Les institutions de Bretton Woods se doivent elles aussi de respecter ces principes, car en tant qu'organisations internationales elles sont soumises au droit international comme l'a rappelé la CIJ dans l'affaire de l'Interprétation de l'accord du 25 mars 1951 entre l'OMS et l'Egypte.

D'ailleurs, elles affirment au travers de leur littérature le respect de ces principes et la protection de la souveraineté de leurs Etats membres.

Le Statut de la Banque comporte même un article75(*) de son statut qui lui interdit de se laisser influencer dans ses décisions par l'orientation politique de ses Etats membres.

Le Statut du FMI n'interdit pas explicitement la prise en compte de considérations politiques mais néanmoins son analyse par J. Gold76(*) conclut à leur interdiction pour l'accès aux ressources du Fonds.

La conditionnalité est au centre du débat sur le respect par les institutions de Bretton Woods de la souveraineté des Etats concernés par leurs programmes. Le Fonds et la Banque voient dans la conditionnalité un instrument consensuel mais elle peut être vue comme un instrument d'ingérence comme dans la définition donnée par Killick77(*) qui la perçoit comme un élément coercitif et non pas consensuel qui consiste en l'usage du pouvoir financier pour promouvoir les objectifs du donneur. C'est à dire que la conditionnalité impose une action de la part des gouvernements sans laquelle l'aide ne sera pas donnée ou renouvelée ce qui peut aboutir à des actions faites uniquement pour satisfaire les volontés du prêteur.

Pour P. Dhonte78(*), la conditionnalité a été à ses origines le fruit d'un consensus entre les membres du FMI sur les problèmes de balance des paiements et les moyens d'y remédier. La conditionnalité reflétait uniquement ce consensus et donc ne portait en aucun cas atteinte à la souveraineté des membres. Il conçoit cependant que, à partir des années 70, le consensus s'est effrité et la conditionnalité a commencé à apparaître comme une imposition. Mais la perception de la conditionnalité a de nouveau changé dans les années 90 avec le développement de l'économie de marché dans la plupart des pays réconciliant les modèles économiques des pays et le contenu de la conditionnalité. La conclusion de P.Dhonte est que la conditionnalité est redevenue consensuelle car elle est redevenue une volonté partagée et représente un élément important de la crédibilité de ces pays vis à vis des marchés financiers.

La Banque79(*), quant à elle voit la conditionnalité comme « an evolving process in support of a policy compact based on mutual commitment » et elle doit donc être considérée comme « a credible indicator of commitment by the Bank and its partners to support a mutually agreed reform process, not an attempt to force externally designed policy changes on unwilling governments». La conditionnalité n'est donc en rien coercitive et ne représente que le soutien de la Banque aux reformes engagées par les pays. On retrouve aussi le concept de crédibilité vis à vis de l'extérieur que donne la conditionnalité au travers du support de la Banque. La conditionnalité est donc la base d'une solution gagnant-gagnant pour la Banque et le pays (bien que des auteurs comme Killick la perçoive comme une solution gagnant-perdant au profit des prêteurs).

La vision des institutions de Bretton Woods de la conditionnalité est donc consensuelle. Le pays désire mettre en oeuvre des reformes et il est soutenu financièrement, techniquement et en terme de crédibilité par le Fonds et/ou la Banque.

Le coté technique est aussi assez important dans l'affirmation du respect des principes de la souveraineté. Il représente, en effet, les moyens pour arriver à l'objectif « consensuellement » défini. Le coté technique est un élément central de la défense des institutions de Bretton Woods, il leur permet d'utiliser la neutralité de ce terme pour justifier le contenu de la conditionnalité. J.M.Sorel définit ainsi la rhétorique de l'action du Fonds: « Le Fonds se cantonne à des règles d'action (« policies»)  sans se préoccuper de l'aspect «politique» de celles ci («political») ou de son essence «politique» (« politics ») 80(*)».

L'action se différencie donc de son but, tout comme l'élément économique se différencie de son origine politique. C'est cette séparation qui permet aux institutions de Bretton Woods de justifier la neutralité de leurs conditions.

C'est donc la combinaison du consensus et de la neutralité qui doit empêcher les institutions de Bretton Woods de sombrer dans l'interventionnisme et la discrimination.

B. Un respect biaisé par l'hégémonie de la doctrine économique dominante

Le Fonds, tout comme la Banque, dissimule ses atteintes à ces principes derrière la pseudo-neutralité d'une vérité économique absolue. Un exemple frappant en est la remarque de M.Guitian81(*), membre éminent du Secrétariat du Fonds, que « coincidence of ideas and policy augurs well for ... the acceptance of conditionality »

On peut expliquer le biais dans leur approche grâce au concept d'hégémonie de l'idéologie dominante (notamment l'approche gramscienne). En effet, « le cercle des idées dominantes accumule un pouvoir symbolique qui décrit et classifie le monde pour les autres. Cette classification se fait non seulement au travers de la contrainte du pouvoir dominant sur les autres modes de pensée mais aussi du pouvoir passif qu'il acquiert en créant des habitudes. Elle devient l'horizon du réel c'est à dire ce qu'est le monde est et comment il fonctionne, dans toutes se formes applicables. Ces idées dominantes peuvent supplanter les autres conceptions en posant la limite de ce qui peut apparaître comme rationnel, raisonnable et crédible mais aussi exprimable et pensable, au travers d'une rhétorique donnée des motifs et opportunités offerts à tous 82(*)».

La doctrine néo-libérale et monétariste est devenue ce cercle des idées dominantes qui donne au monde son explication. Tout étudiant en économie sera imprégné de cette théorie et la perpétuera au travers d'un mode pensée habituel qu'il aura internalisé. La littérature des institutions de Bretton Woods tout comme l'essentiel de la vulgarisation économique au travers des médias présente la doctrine libérale comme étant la seule approche rationnelle et donc crédible des relations économiques et qui de plus donne à tout être l'opportunité d'y participer à son plus grand profit. Cette doctrine devient donc neutre au travers de son hégémonie. Les institutions de Bretton Woods ne se sentent donc pas coupables d'interventionnisme en la mettant en place, tout pays critiquant cette approche ne pouvant être que rétrograde et irrationnel. On retrouve cette analyse, entre autres, chez C.Castoriadis pour qui l'unification des modes de consommation « est la traduction concrète, visuelle d'une homogénéisation internationale des critères de décision et de jugement sous l'égide d'une rationalité universelle qui est celle de l'économie et que le Fonds s'emploie précisément à promouvoir dans les pays en développement 83(*)».

Et cette stratégie semble avoir fonctionné puisque les pays en développement eux même remettent en question leur ordre social face à la vérité absolue économique. P.Bennefont souligne cette homogénéisation des critères au niveau du développement de l'Afrique en remarquant que « trop rarement, les facteurs culturels ont été pris en compte par les experts occidentaux tandis que trop souvent, les dirigeants africains les ont occultés, comme si leurs traditions leur paraissaient surannées 84(*)». On retrouve cette même soumission dans la plupart des déclarations remettant en cause les effets de l'ajustement structurel. Ces critiques ne porteront pas sur la doctrine dominante elle même et son remplacement mais plutôt sur la mise en place de structures diminuant les effets négatifs. Ce qui finalement ne fait que renforcer la dimension unique et universelle de « l'économique ». Un exemple frappant est la déclaration de Copenhague sur le développement social qui peut paraître au premier abord comme une véritable critique de l'action pour le développement des institutions de Bretton Woods mais qui se révèle être, en fait, une énième réaffirmation de l'hégémonie économique. En effet l'engagement 3 paragraphe k) n'est que la perpétuation du système actuel qui prône «la coopération internationale dans le domaine des politiques macro-économiques, nous accélérerons la libéralisation du commerce et de l'investissement en vue de favoriser la réalisation d'une croissance économique durable ...85(*) ». La libéralisation, thème central de la doctrine néo-libérale, fait partie ici de l'horizon réel. Elle entre dans ce que P.Bourdieu considère faisant partie de l'hégémonie car consistant en des choses qui vont sans être dites car étant axiomatiques, et ces choses, étant des présupposés partagés, n'ont normalement pas à être le sujet d'explication ou d'argumentation86(*).

Le vecteur principal de cette hégémonie de l'économique et de sa doctrine est « l'expert » et son expertise dont les institutions de Bretton Woods se targuent d'être remplies. L'expert est un personnage a priori neutre en raison de son expertise « scientifique ». Mais le travail des experts est l'origine du biais puisqu'ils « essaient de limiter toute rupture, d'encadrer et de définir le monde qu'ils espèrent mesurer et analyser. Mais dans l'acte même d'encadrer, ils sont confrontés à la difficulté de tracer des limites et de transférer avec succès les conflits politiques vers l'emplacement limité des calculs qu'ils ont réalisés 87(*)». L'expert, notamment l'économiste, réduit le champ explicatif des phénomènes qu'il traite et en même temps le transforme en fonction de son présupposé doctrinal. C'est à ce niveau que se développe l'hégémonie puisque l'appréhension de nombreux facteurs passe désormais au travers de ce filtre. C'est ce que T.Mitchell critique aussi dans le rôle de l'expert et son rôle vis à vis du pouvoir en remarquant que « les sciences sociales, en reliant des événements particuliers à une raison universelle, et en considérant les interactions humaines comme données imitent et renforcent cette forme de pouvoir 88(*)».

Le filtre de l'économie représente donc en quelque sorte « l'arme absolue » des institutions de Bretton Woods puisqu'elle leur permet donc de justifier, en partie, tout ce qui pourrait paraître être un atteinte aux principes qui protègent la souveraineté des Etats.

Section 2 : La réalité des atteintes à la souveraineté

C'est au travers du biais de l'économisme que les institutions de Bretton Woods portent atteinte au respect de la souveraineté des Etats qui demandent leur aide. Et ces atteintes se situent à la fois dans le libre choix d'un régime et dans le libre choix de politiques. On se trouve donc dans le cadre d'un non respect des principes de non-discrimination et non-intervention. Mais ces deux dimensions sont liées car la double conditionnalité de par son étendue induit forcément une modification des structures du régime en place et crée en même temps un carcan dans lequel les politiques nationales doivent se placer. Il faut donc s'attacher à démontrer le processus par lequel l'économisme du Fonds et de la Banque est en fait une pression illégitime sur les gouvernements pour qu'ils modifient leur régime et adaptent leurs politiques selon les critères du consensus de Washington en échange de l'aide.

Paragraphe1 : Les atteintes au libre choix d'un régime

Les institutions de Bretton Woods se veulent neutres quant au régime intérieur des pays qui demandent leur aide. Cependant, l'ensemble des conditions que l'on retrouve le plus souvent dans les programmes d'ajustement structurel représente un véritable modèle de gouvernance économique. Un pays soumis à l'ajustement sera donc obligé d'adapter les structures de son régime au modèle du consensus de Washington. Cela revient, en fait, à conditionner l'aide à la modification du régime ce qui est en contradiction avec le principe de non-discrimination. Il faut donc déterminer comment, dans la pratique, la conditionnalité dans son ensemble permet sous couvert de technicité et de neutralité économique de forcer les pays à modifier leur régime politique, économique et social.

A. Intervention et discrimination dans le choix d'un régime politique

Comme on l'a vu précédemment, l'ajustement structurel est essentiellement composé d'un panier de mesures que l'on retrouve toujours et dont on a établi les liens avec le consensus de Washington. Il faut donc déterminer quels sont les systèmes politiques compatibles avec ces mesures. Au niveau du contenu démocratique du système, les institutions de Bretton Woods ont été et restent encore très tolérantes.

La Banque a, par exemple, continué à prêter à l'Afrique du Sud sous l'apartheid. De plus, on peut remarquer que ses prêts pour le Chili de Pinochet ont été assez importants alors qu'elle n'avait rien prêté sous la période d'Allende. Le même processus est visible au Brésil si l'on compare les prêts au gouvernement démocratiquement élu de Goulart et la période de dictature militaire qui lui a succédé.

Le Fonds, quant à lui, a suivi plus ou moins la même vision neutraliste en accordant son aide à des nombreuses dictatures tant en Afrique qu'en Asie ou qu'en Amérique Latine tout en oubliant parfois certains régimes jugés non acceptables par ses principaux bailleurs.

Il a, de même, continué à fournir une assistance financière (notamment en 1982) à l'Afrique du sud malgré la résolution de l'ONU. Il a cependant modifié sa vision en 1983 sous la pression des Etats-Unis en considérant que l'apartheid avait des conséquences économiques. En effet « the practice of apartheid results in severe constraints on labor and capital mobility and other highly inefficient labor and capital supply rigidities which contribute to balance-of-payments deficits in direct contradiction of the goals of the International Monetary Fund89(*) ».

On peut néanmoins remarquer que « seuls les pays jugés "politiquement corrects" par les créanciers sont admis pour un allégement. Cela signifie que des pays de la liste PPTE, comme par exemple le Soudan, n'auront pas accès à l'initiative (car il n'est pas un pays "ami") ... l'Ouganda, allié stratégique des Etats-Unis en Afrique, est le pays recevant les meilleures conditions d'allégement (c'est d'ailleurs le seul pays à être arrivé au terme de l'initiative début 2001) 90(*)».

Cette toute relative neutralité sur la dimension démocratique du système politique s'explique facilement par le fait qu'aucune des deux institutions de Bretton Woods n'a de compétences dans ce domaine. Cependant, il semble que cela soit aussi dû au fait que la démocratie ne soit pas encore un concept économique (bien qu'il tende à le devenir). En effet, Le Fonds exerce des atteintes au libre choix politique sur d'autres dimensions du systèmes qu'il proclame être économiques. Le FMI et la Banque, sous couvert de technicité économique, proposent des mesures qui prisent individuellement peuvent être justifiées par un certaine rationalité économique mais qui dans leur ensemble représentent une véritable orientation du système politique.

Les atteintes les plus flagrantes au libre choix d'un système politique sous couvert d'efficience économique sont les notions de décentralisation, de gouvernance et de lutte contre la corruption fréquemment employées par les institutions de Bretton Woods. Une dimension de la bonne gouvernance est le besoin d'un environnement économique sûr. Sous couvert de cette appellation économique, le FMI91(*) propose la remise en forme du système juridique (notamment sur la propriété et les contrats), l'amélioration de l'ordre c'est à dire la protection contre des menaces extérieures mais pas seulement vis à vis d'une possible menace militaire ou de racket mais aussi des menaces économiques et sociales. De même, il faut renforcer la crédibilité du gouvernement ce qui peut être traduit par le fait que le gouvernement doit instaurer les structures voulues par les investisseurs (Banque Centrale indépendante, signature d'accords sur la protection de l'investissement...). La modification du système juridique ou de structures comme la banque centrale est bien directement liée au régime politique choisi par l'Etat. Des pressions pour modifier ces aspects peuvent donc bien être considérées comme des atteintes au libre choix d'un régime politique et la réalisation de ces modifications comme un préliminaire à l'obtention de l'aide une atteinte au principe de non-discrimination.

On retrouve la même volonté de modification du système politique dans les documents de la Banque Mondiale. Cette dernière va même plus loin puisqu'on trouve dans ses thèmes officiels d'intervention92(*) : l'architecture du secteur public (allant de la structure du gouvernement et des attributions des ministères ou la reforme des législations sur les services publics), la corruption, la décentralisation, le fonctionnement des services publics.

B. Intervention et discrimination dans le choix d'un régime économique et social

Les institutions de Bretton Woods, si elles n'ont pas de prise directe sur le système politique, ont par contre des compétences importantes en ce qui concerne le régime économique.

J.M. Sorel énonce que « l'intervention - ou son degré supérieur : l'ingérence - découle d'un modèle économique que le Fonds cherche à imposer pour intégrer (ou réintégrer) les économies des pays en développement dans un schéma libéral 93(*)». Les termes schéma et modèle économique démontrent que l'intervention ne porte pas ici sur telle ou telle politique économique mais sur un ensemble qui n'est en fait que le choix d'un régime économique.

Un régime économique est l'ensemble des structures dont dépend la distribution des richesses. Le système politique joue un rôle indirect dans le régime économique ce qui permet aux institutions de Bretton Woods d'y exercer une influence comme on vient de le voir. Mais il a aussi un rôle direct dans l'économie sur lequel les programmes d'ajustement structurels peuvent faire peser une menace. Au niveau du régime économique et social, c'est à dire sans parler des politiques qui seront traitées plus loin, l'Etat a pu mettre en place des structures de gestion, de contrôle voire même d'administration de l'économie qui peuvent se révéler en contradiction avec les objectifs affichés de l'ajustement structurel. Si la modification de ces structures est requise comme un présupposé à l'obtention de l'aide par les institutions de Bretton Woods, que ce soit au travers des mesures préalables aux programmes d'ajustement structurel ou encore lors de la première étape de l'initiative PPTE ou bien même lors d'une révision de programme, on se retrouve dans une situation de discrimination.

On peut déterminer dans les grandes lignes quels sont les secteurs où les atteintes au libre choix d'un régime économique et social peuvent se produire.

Un premier secteur est celui des entreprises publiques. De nombreux pays en développement (mais aussi développés mais ces derniers ne craignent pas la conditionnalité) ont mis en place une gestion publique de certains biens et services. On peut penser notamment à la gestion de la distribution de l'eau, de l'électricité ou encore à la production de certaines matières premières. L'existence de telles entreprises peut se justifier par une volonté de contrôle sur les ressources naturelles ou bien à des fins de redistribution économique et sociale. Cependant, le grand credo des institutions de Bretton Woods est la privatisation qu'elles justifient par la plus grande efficience du secteur privé et par l'avantage de la régulation par les règles de marché et de concurrence. Si l'on prend l'exemple du Cameroun et des mesures dans ce secteur qu'il a dû prendre pour accéder au bénéfice de l'initiative PPTE94(*), on trouve la libéralisation complète des secteurs du cacao, du café, du pétrole, de la foret et du transport maritime et ferroviaire et la privatisation des entreprises publiques de cuivre, de sucre, d'eau, d'électricité, de téléphone et de transport.

Un deuxième aspect est celui de la régulation et de l'administration des prix par l'Etat afin de permettre à la population l'accès à certains biens et services considérés comme importants. Là encore, les services du Fonds et de la Banque y voit une contradiction avec leurs principes du développement par l'intégration aux marchés. Si l'on prend encore l'exemple du Cameroun et des mesures qu'il a du prendre pour être considéré pour l'initiative PPTE, on trouve l'élimination du contrôle des prix pour la plupart des produits mais aussi ce qui semble un peu plus surprenant dans le même paragraphe la libéralisation du code du travail (peut être une sorte d'élimination du contrôle des prix sur les salaires et licenciements).

Un troisième aspect possible des atteintes au régime économique et social se situe au niveau du secteur bancaire et financier. Ce dernier est d'un importance stratégique pour un Etat puisqu'il permet de réguler l'épargne et l'investissement et c'est pourquoi il mérite d'être considéré comme un aspect à part. Toujours dans le cas du Cameroun, on trouve la suppression de la législation qui imposait que un tiers du capital des banques soit détenu par des intérêts nationaux, la libéralisation de la concurrence entre les banques et l'élimination du contrôle des prix sur les transactions bancaires, la privatisation des banques détenues par l'Etat et la refonte de la législation bancaire et financière.

On voit bien, au travers de ces trois aspects qui ne représentent en rien une liste exhaustives des atteintes possibles, que les institutions de Bretton Woods ont les moyens de faire modifier son régime économique et social à un pays que ce soit de son plein gré ou sous la contrainte de l'obtention d'une aide financière.

Paragraphe 2 : Les atteintes au libre choix des politiques

Les programmes des institutions de Bretton Woods au travers de la double conditionnalité impose un véritable carcan à la mise en place de politiques nationales. La restriction du libre choix des autorités nationales quant aux politiques internes revient à imposer une série de politiques desquelles le pays ne peut pas sortir. La conditionnalité, en conditionnant les politiques futures représente un véritable outil interventionniste. Son champ d'action ne se limite pas uniquement aux politiques économiques mais a tendance à s'étendre de plus en plus aux politiques sociales que ce soit indirectement par le biais de conditions économiques ou même, depuis peu, en conditionnalisant certaines parties des politiques sociales.

A. L'intervention dans les politiques économiques

L'orthodoxie néo-libérale et l'austérité des programmes d'ajustement structurel peut être assimilée à une intervention car elle empêche toute politique tant économique que sociale en contradiction avec ces principes.

Il devient impossible de protéger sa production nationale contre les produits importés car il faut lever les quotas à l'importation et de plus les taux d'intérêt élevés (pour combattre l'inflation) vont rendre plus difficile toute expansion de la production interne en renchérissant le coût de l'investissement.

De même il devient impossible de protéger sa consommation intérieure puisque le but des programmes est d'améliorer les stimulants à l'exportation et donc de détourner de la consommation intérieure ce qui peut être exporté.

Il est tout aussi impossible de mettre en place une politique de relance puisqu'elle ne pourra être financé par le budget de l'Etat qui doit être reformé tout comme le système fiscal et de plus l'Etat doit revoir ses priorités d'investissement public ce qui empêche toute politique de « grands travaux » que l'on pourrait trouver dans un modèle de relance keynésienne.

Le rapport Metzler dénonce cette attitude « The IMF wields too much power over developing countries' economic policies. The use of IMF resources and conditionality to control the economies of developing nations often undermines the sovereignty and democratic processes of member governments receiving assistance. IMF staff often admit (with pride) that the executive branch of borrowing nations likes to use IMF conditions to exact concessions from their legislatures. While this mechanism may sometimes work to achieve desirable reforms, it often does so by shifting the balance of power within countries in ways that distort the constitutionally established system of checks and balances. A related complaint, often voiced by union advocates, is that the IMF's policies interfere with the rights of workers in developing countries by promoting "labor-market flexibility" as a condition for assistance. The critics regard these policies as inimical to the growth of trade unions in developing nations95(*) »

Ce carcan idéologique imposé aux économies des pays bénéficiaires fonctionne car la double conditionnalité crée le cadre de toute politique économique future. Sous couvert de la neutralité des instruments économiques et de leur technicité, les institutions de Bretton Woods agissent comme « juge et partie » dans la conception des programmes économiques et dans leur appréhension par l'extérieur en terme de crédibilité, notamment auprès des marchés. Toute tentative de sortie du carcan établi par la double conditionnalité est sanctionnée soit par la non réalisation des critères qui entraîne la révision de l'aide soit par l'impact sur la crédibilité du pays par le biais des communications du FMI, et dans une moindre mesure de la Banque, qui servent de référence aux marchés et aux autres bailleurs de fonds résultant ainsi en une détérioration des anticipations des agents économiques qui influence directement les indicateurs économiques et de la même la réalisation des critères de réalisation.

Les pays concernés n'ont donc plus le libre choix de leurs politiques économiques, et cela bien au delà du simple respect des limites posées par la conditionnalité.

Il y a donc bien une véritable atteinte au principe de non-intervention. On peut même aller plus loin en caractérisant cette situation comme étant une sorte de condominium économique des institutions de Bretton Woods sur les pays soumis à l'ajustement structurel.

B. L'intervention dans les politiques sociales et culturelles

L'intervention des institutions de Bretton Woods dans les secteurs sociaux et culturels se fait principalement par le biais de la considération économique de ces secteurs. On peut aussi noter les différences d'appréciation entre le Fonds et la Banque. Le FMI a longtemps rejeté toute responsabilité sociale et refusait d'introduire des objectifs sociaux dans ses programmes. Il a ensuite revu légèrement sa position en acceptant de prendre en compte les conséquences sociales de sa conditionnalité macro-économique mais tout en continuant de refuser l'introduction de critères sociaux dans la conditionnalité même, c'est à dire les critères de réalisation. Cependant cette neutralité sociale n'est que factice car les conditionnalités macro-économiques du Fonds visent souvent les politiques sous couvert d'efficacité économique globale. Les réductions imposées du budget de l'Etat pour parvenir à la stabilisation de la balance des paiements remettent forcément en cause la continuation de politiques sociales ou culturelles coûteuses comme l'accès gratuit à la santé ou à l'éducation ou encore le maintien de protections sociales pour le chômage ou la vieillesse. Tout comme l'introduction de l'économie de marché peut remettre en cause un système culturel (donc de choix de valeurs) non adapté à la logique d'entreprise et de profit.

Mais le Fonds se refusait a en entendre parler puisque « c'est aux pays membres qu'il appartient de décider des choix sociaux qu'impliquent l'ajustement96(*) ». Cependant un changement de cap va s'opérer à partir de 1986 avec l'intensification de la collaboration avec la Banque au travers de l'élaboration commune des programmes avec les DCPE. Le Fonds va accepter la prise en compte de critères sociaux mais ne pouvant statutairement l'intégrer dans ses programmes, il va « opérer un report sur la Banque Mondiale ou d'autres organisations qui ne possèdent pas les mêmes limites statutaires 97(*)». On trouve donc désormais dans les programmes conjoints des préoccupations sociales dès la conception du programme. En avril 1997 dans le document préparé par le Fonds et la Banque "Cap Paper for the Preliminary HIPC Initiative Documents for Bolivia, Burkina Faso, Côte d'Ivoire and Uganda" on peut lire que "While it had originally been thought that social sector issues and possible monitoring criteria would be treated more extensively in the final HIPC document, in view of the strong interest in these issues, staff now intend to present a fuller treatment of these points in future preliminary HIPC documents." Cela semble même ouvrir la porte à une véritable conditionnalité sociale.

C'est donc principalement au travers de l'action de la Banque que la double conditionnalité va exercer directement son pouvoir sur les politiques sociales et culturelles. La Banque s'est occupée assez tôt des secteurs sociaux après l'échec relatif du rattrapage et des grands projets et la mise en oeuvre de la lutte contre la pauvreté. Mais sa conception des secteurs sociaux a elle aussi évolué. Elle se contentait au départ de construire les structures (écoles et hôpitaux) puis elle s'est progressivement dirigée dans ce qu'elle a qualifiée d'assistance technique c'est à dire la réalisation même des programmes, la formation des enseignants et médecins et leur contrôle c'est à dire plus la gestion du service public. Cette gestion du service public s'est caractérisée par une approche principalement économique des secteurs sociaux en terme d'efficacité et de rentabilité (financière mais aussi du capital humain). Cela est assez réducteur car « the rhetoric of management, financial soundness, and market forces depoliticized these complex issues. Programs for decentralization and cost recovery transformed questions of social inequality and powerlessness into issues of efficiency and control.98(*) ».

Mais c'est encore ce type d'approche biaisé par la « rationalité » économique omniprésente qui fait que l'action de la Banque représente une véritable intervention dans les politiques sociales et culturelles. En effet, dans ses projets et ses conditions, la Banque ne laisse plus au pays la latitude suffisante pour prendre en compte ses aspects sociaux et culturels propres et mettre en place son véritable secteur social. C'est par exemple au travers d'exemple comme « la Banque démontrant que l'éducation privée ou en tout cas payante est plus « efficace » l'éducation publique gratuite , on a le sentiment très clair qu'un grand nombre de données politiques et sociales (sinon culturelles) sont ignorées99(*)».

On peut donc dire qu'il y a une véritable intervention des institutions de Bretton Woods dans le libre choix des politiques sociales et culturelles que ce soit directement par le rôle de la Banque dans la double conditionnalité ou indirectement par le biais de la gestion des services publics ou du budget et de la balance des paiements.

Chapitre 2 : La cohérence par rapport aux principes des droits de l'homme

Au niveau de la cohérence externe de la double conditionnalité, il faut aussi s'intéresser à la relation qui existe entre les conditionnalités en tant qu'instruments de politiques économiques et le respect des droits de l'homme. Cette analyse se scinde en deux tendances qu'ont connues les institutions de Bretton Woods. Jusqu'à une période récente, le FMI, et la Banque dans une moindre mesure, ont ignoré les conséquences sur les droits de l'homme de leurs programmes. Elles considéraient, en effet, qu'elles n'étaient responsables que de ce qui rentrait directement dans leurs programmes, et qu'il était du ressort des pays bénéficiaires d'étudier l'impact des mesures soutenues et de mettre en place les structures nécessaires pour limiter les externalités négatives. Toutefois, l'augmentation du nombre des pays sous ajustement structurel conjugué à la diffusion progressive des résultats de ces programmes, par des ONG, des universitaires et même les institutions de Bretton Woods elles même, ont entraîné des critiques insistantes demandant la prise en compte des droits de l'homme dans ces programmes. Face à l'ampleur de la critique et à la dégradation de leur image qui en a découlé, les instituions de Bretton Woods ont commencé à se préoccuper des dimensions humaines dans leur programme avec l'apparition de la lutte contre la pauvreté et des nouvelles conditionnalités qui s'y rattachent.

On se situe donc maintenant dans une phase transitoire de prise en compte progressive des droits de l'homme dans les programmes des institutions de Bretton Woods. Les concepts de développement social et de bonne gouvernance sont les prémisses d'une nouvelle tendance qui aboutira à l'intégration des droits de l'homme dans la conditionnalité. On entend déjà parler de conditionnalité sociale et démocratique. Mais cette avancée n'est pas sans risque pour les institutions de Bretton Woods. En effet, il semble que ces nouveaux principes soient difficilement conciliables avec le respect de la souveraineté des pays concernés et que de plus le FMI et la Banque ne pourront plus se cacher derrière la « neutralité » de l'approche économique pour justifier cette nouvelle tendance.

Section 1 : La double conditionnalité et les droits économiques, sociaux et culturels

La double conditionnalité a un impact direct sur le respect des droite économiques, sociaux et culturels. En effet, les conséquences des programmes d'ajustement structurel (et de leur conditionnalité) modifient directement et indirectement les conditions économiques, sociales et culturelles de la vie des habitants des pays concernés. L'amélioration des conditions économiques est un objectif statutaire des institutions de Bretton Woods et devrait donc être en conformité avec le respect des droits économiques. Cependant, il faut constater que l'amélioration globale de l'activité économique ne se traduit pas forcément par une amélioration proportionnelle des conditions économiques de tourtes les classes de la population. Et c'est à ces deux niveaux qu'il faut étudier l'impact des conditionnalités. Mais ces mesures économiques ont aussi, bien souvent, des répercussions sur les conditions sociales et culturelles de la population. Et là encore, il faut s'attacher à déterminer quel est le rôle des institutions de Bretton Woods dans le respect des droits de la population bien que certaines de ces considérations aient été ignorées par les instituions de Bretton Woods, et en particulier par le FMI, jusqu'à une période récente

Paragraphe 1 : L'impact de la double conditionalité sur l'économie

Le but premier des institutions de Bretton Woods est l'amélioration des conditions économiques des pays qui demandent leur assistance. On pourrait s'attendre au moins dans ce domaine à une réussite de la double conditionnalité. L'impact des programmes sur le développement économique peut être appréhendé sous plusieurs aspects. Le premier est l'impact sur la croissance économique du pays. Cet indicateur est basé sur l'évolution du PNB (voir du PIB) et donne un indicateur de l'évolution globale de l'économie sans tenir compte de la répartition sectorielle ou sociale de cette amélioration des conditions économiques. Un second aspect peut être l'évolution de la répartition de la richesse nationale entre les diverses composantes humaines du pays. Cet indicateur a l'avantage de pouvoir déterminer à qui profite de la croissance (ou qui est touché par la récession). Il permet de mieux analyser l'impact du développement au niveau de la répartition des revenus et donc des possibilités économiques offertes aux différentes couches de la population.

A. L'impact sur la croissance

La croissance est un objectif indirect du FMI inscrit dans ses statuts. Il doit en effet « faciliter l'expansion et l'accroissement harmonieux du commerce international et contribuer ainsi à l'instauration et au maintien de niveaux élevés d'emploi et de revenu réel et au développement des ressources productives de tous les Etats membres, objectifs premiers de la politique économique100(*) ». C'est par contre un des objectifs direct de la Banque Mondiale101(*).

Il semblerait donc logique que sur ce point, les deux institutions de Bretton Woods soient en parfaite harmonie et donc on pourrait s'attendre à des résultats probants.

Il n'en est rien, dans une étude de 1992 intitulée « Les prêts de la Banque Mondiale à l'ajustement et les performances économiques de l'Afrique subsaharienne dans les années 80 : Comparaison avec d'autres pays à faible revenu », La Banque admet que sur six pays présentés comme des exemples de réussite des politiques d'ajustement, quatre ont enregistré une détérioration de leur taux d'investissement et deux ont affiché des taux de croissance négative du PIB dans les périodes où ils ont appliqué des programmes d'ajustement102(*).

En 2000, dans son rapport sur l'Afrique intitulé « L'Afrique peut-elle revendiquer sa place dans le XXIème siècle ? », la Banque admet que: « Il faut reconnaître que l'ajustement en Afrique a été fortement contesté et que les réformes restent incomplètes. (...) Plusieurs études ont trouvé un rapport limité, voire inexistant, entre les réformes et la réussite tant sur le plan de la croissance que de la réduction de la pauvreté. Puisque la conception des réformes était laissée aux conseillers extérieurs, on a assisté à une érosion de la capacité interne de gestion économique et la responsabilisation des gouvernements africains à l'égard des résultats économiques s'en est trouvée amoindrie 103(*)».

Le Fonds est lui aussi montré du doigt pour son manque de résultat dans sa part des programmes d'ajustement. Le rapport Meltzer dénonce ce résultat « IMF interventions---both long-term structural assistance and short-term crisis management---have not been associated, on average, with any clear economic gains to recipient countries. Numerous studies of the effects of IMF lending have failed to find any significant link between IMF involvement and increases in wealth or income104(*) ».

De même, une étude de 1990105(*) portant sur la période 1973-1988 montre que le taux de croissance est significativement plus faible dans les pays adoptant un programme du Fonds. Cette diminution est évaluée à 0.7% du PNB par an ce qui représente par exemple une baisse de 6% du PNB pour un pays qui aurait été pendant 6 ans sous un programme du Fonds.

Il faut cependant prendre ces chiffres avec des précautions puisque d'autres études commandées par le FMI comme le « Report of the Group of Independent Persons Appointed to Conduct an Evaluation of Certain Aspects of the Enhanced Structural Adjustment Facility »  montrent qu'au contraire il y a une augmentation du PNB pour les pays sous programmes d'ajustement structurel en comparaison aux autres pays. Cependant, ces études reconnaissent un échec relatif sur certains programmes au niveau de la croissance mais qui est compensé par l `amélioration d'autres indicateurs macro-économiques comme le montre le tableau suivant :

Table 1. Bangladesh: Comparison of Pre-Adjustment and Mid- and Post-Adjustment by Macro Key Indicators106(*)

 

Pre-Adjustment

Mid- and Post-Adjustment

 

Sample

Mean (in percent)

Standard

Deviation

Sample

Mean (in percent)

Standard

Deviation

Real GDP growth rate Current account/GDP Investment/GDP Exports/GDP

Inflation(CPI) Government deficit/GDP

11

11

11

11

11

6

4.5

-4.1

11.7

5.7

10.1

-8.9

0.03

0.018 0.019 0.007 0.043

--

9

9

9

9

9

9

4.0

-1.1

15.2

9.6

6.4

-6.7

0.01

0.022

0.023

0.023

0.033

--

Note: All the above figures are calculated based upon the data from the IMF's International Financial Statistics.

Malgré le doute qui plane sur la véracité des chiffres fournis par les différentes études, on peut quand même conclure que les programmes d'ajustement structurels mis en place par le Fonds et la Banque se sont assez peu efficaces au niveau de l'amélioration de la croissance dans les pays en développement concernés.

B. L'impact sur la pauvreté

Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels a été adopté le 16 décembre 1966, il est entré en vigueur le 3 janvier 1976. Ce texte pose plusieurs principes relatifs à la pauvreté.

L'article 11 reste général sur les attributs de la pauvreté en reconnaissant  « le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu'à une amélioration constante de ses conditions d'existence ».

Au niveau du droit au travail dans son article 6, il expose que « Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit au travail, qui comprend le droit qu'a toute personne d'obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail librement choisi ou accepté, et prendront des mesures appropriées pour sauvegarder ce droit »

Au niveau de la rétribution du travail son article 7 a) ii) prévoit que

« Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit qu'a toute personne de jouir de conditions de travail justes et favorables, qui assurent notamment:

a) La rémunération qui procure, au minimum, à tous les travailleurs: ;

ii) Une existence décente pour eux et leur famille conformément aux dispositions du présent Pacte »

On retrouve la même préoccupation dans l'article 23 de la déclaration universelle des droits de l'homme qui énonce que « 1. Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage. 3. Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu'à sa famille une existence conforme à la dignité humaine et complétée, s'il y a lieu, par tous autres moyens de protection sociale.».

L'accès au travail et à sa rémunération est un problème essentiel de la lutte contre la pauvreté car il représente l'essentiel du pouvoir d'achat des pauvres. Mais l'ajustement structurel remise cette considération au second plan derrière des objectifs plus « prioritaires ».

En effet, pour réduire l'inflation les institutions de Bretton Woods préconisent la déflation salariale. Cet effet est accru par un deuxième objectif qui est d'attirer l'investissement étranger par le biais de salaires toujours plus bas et par la détérioration de la protection du travail.

Ces conséquences sur la pauvreté ont été étudiées par un rapport de l'UNICEF qui en donne quelques exemples intéressants. Un d'entre eux est que, pendant la période 1981-83 au Chili alors sous programme d'ajustement, la part des revenus des revenus des 40% les plus pauvres de la population a baissé107(*). Au delà de cet exemple, Cette étude établit que les programmes d'ajustement structurel ont augmenté la pauvreté, c'est à dire le nombre de personnes vivant au dessous du seuil de pauvreté108(*)

De même, J.M. Sorel109(*) note qu'au Mexique, le peuple et les classes moyennes souffrent de paupérisation et que les revenus salariaux ont chuté de 50 % en 7 ans.

Selon l'OIT, dans la plupart des pays d'Afrique, par exemple, les salaires réels ont baissé de 50 à 60 % depuis le début des années 80 et, alors que le pourcentage de pauvres a pratiquement doublé dans plusieurs pays appliquant des PAS, la part du revenu national allant à la couche la plus riche de la population a nettement augmenté au cours des 15 dernières années110(*).

Entre 1978 et 1995, 72% des pays sur lesquels l'OIT a publié des statistiques ont vu leur chômage augmenter pendant les années où ils ont reçu des financements du FMI111(*).

De même, une étude empirique de F. Stewart montre que les programmes d'ajustement des années 80 ont contracté le revenu par habitant (70% des pays d'Afrique et d'Amérique Latine sous ajustement), augmenté le chômage et la pauvreté urbaine112(*).

Plus généralement, l'ajustement a eu un impact négatif sur la pauvreté comme le note le rapport E/1990/81 du Secrétariat Général des Nations Unies « adjustment policies in many cases have aggravated the situation of the poor. Real wages have dropped, access to health and to education has been reduced, and in some countries the decline in infant mortality has slowed down or has stopped entirely 113(*)».

De même, au début des années 2000, « une étude de l'économiste de la Banque mondiale William Easterly a montré que les pays n'ayant pas suivi les programmes d'ajustement ont obtenu de meilleurs résultats en matière de lutte contre la pauvreté que ceux ayant appliqué les réformes du FMI et de la Banque mondiale 114(*)».

Il semble donc assez évident que la conditionnalité en tant que vecteur de politique économique a été à l'origine d'un impact négatif sur l'état de la pauvreté dans les pays qui ont bénéficié des programmes d'ajustement structurels des institutions de Bretton Woods.

Ces conséquences sont en complète opposition avec les principes du Pacte des droits économiques, sociaux et culturels de 1966 (bien que cela ne leur soit pas opposable vu qu'elles ne sont pas signataires du Pacte).

Paragraphe 2 : La dimension sociale des conséquences de la double conditionnalité

Les conditionnalités ou la double conditionnalité dans la plupart des programmes d'ajustement structurel des institutions de Bretton Woods ont eu un impact négatif non négligeable sur le domaine social. Pourtant, les composantes essentielles de ce domaine font partie des droits sociaux défendus par les droits de l'homme. L'impact des programmes du FMI et de la Banque Mondiale peut être subdivisé en deux catégories que sont l'impact indirect des mesures sur les conditions sociales des habitants des pays concernés et l'impact direct qu'ont ces programmes sur le secteur social en lui-même. Les conséquences sociales de l'ajustement structurel ont été longtemps négligées par les institutions de Bretton Woods mais l'ampleur des dommages causés à ces pays et les répercussions de ces détresses sociales ne peut être ignorée.

A. L'impact social

Les conditions sociales sont aussi largement défendues au travers de différents textes des droits de l'homme et notamment par le Pacte de 1966.

On trouve dans ce dernier plusieurs articles avec lesquels la double conditionnalité peut notamment entrer en conflit. L'article 11 précité sur les attributs de la pauvreté reconnaît un droit à la nourriture et au logement.

L'article 12 traite de la dimension sanitaire et énonce

« Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu'elle soit capable d'atteindre »

On retrouve la même préoccupation dans l'article 25 de la déclaration universelle des droits de l'homme qui énonce que «Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires »

Concernant la malnutrition, la Commission des droits de l'homme montre par exemple que « Des faits probants montrent que le niveau nutritionnel a baissé dans les couches défavorisées de la population par suite de la suppression des subventions alimentaires. La montée du chômage a des conséquences analogues. La réorientation des politiques agricoles, qui consiste essentiellement à remplacer des productions vivrières destinées à la consommation intérieure par des cultures de café, de tabac ou de coton afin de générer des ressources en devises, a entraîné, avec le recul considérable des disponibilités alimentaires, une baisse des niveaux nutritionnels et la malnutrition ». L'UNICEF115(*) a aussi étudié cette composante des conséquences de l'ajustement structurel et a démontré que sur dix nations étudiées, huit d'entre elles avaient connu une hausse de la malnutrition. Et cet état s'explique par l'élimination des subventions alimentaires, la baisse du pouvoir d'achat et la hausse des prix des produits alimentaires qui a crée une baisse de l'apport alimentaire touchant 20 à 40% de la population selon les pays.

Le droit au logement est aussi touché par l'ajustement structurel. En effet, la baisse du pouvoir d'achat ou même des salaires conjuguée à la montée du chômage pose le problème du maintient d'un logement décent pour les classes les plus touchées de la population.

La Commission des Droits de l'Homme précise qu'en plus « le niveau élevé des taux d'intérêt met définitivement fin au rêve de ceux qui auraient souhaité être propriétaires d'un logement, et la dévaluation de la monnaie entraîne un renchérissement des matériaux de construction. Comme l'État cesse de fournir directement des logements ou des allocations de logement aux pauvres et que le marché de l'immobilier locatif n'est plus réglementé, les pauvres sont exploités par les propriétaires de logements privés et le loyer absorbe souvent plus de la moitié de leurs maigres ressource 116(*)».

L'aggravation des conditions sociales cumulée à l'augmentation de la pauvreté crée par le respect de la double conditionnalité des institutions de Bretton Woods a été à l'origine de nombreux troubles sociaux dans les pays soumis à l'ajustement dans de nombreux pays117(*).

Au Soudan , en octobre-novembre 1987 , la dévaluation de la monnaie et la hausse des prix résultant des programmes du FMI et de la Banque mondiale ont conduit à des manifestations d'environ 15000 personnes à Khartoum, dénonçant les conséquences de l`ajustement structurel et ses initiateurs.

En Algérie , en octobre 1988 , plus de 200 personnes on été tuées dans des manifestations contre le niveau des prix et le chômage à la suite des programmes des institutions de Bretton Woods.

En Jordanie , en Avril 1989 , des manifestations contre l'augmentation du prix des denrées alimentaires ont commencé dans le sud de la Jordanie peu de temps après l'approbation d'un PAS par le FMI. Cinq manifestants au moins ont été tués par la police.
Et en Août 1996 , des manifestations ont éclaté à Karak et dans le sud du pays après que le FMI ait demandé un arrêt des subventions, triplant en cela le prix du pain.

Mais cela peut même aller plus loin que de simples troubles. Certain auteurs comme Michel Chossudovsky118(*) voient une relation entre l'ajustement et la déclenchement des conflits. Au travers de l'exemple du Rwanda, il explique cette relation par la suppression des filets de protection relevant de l'Etat et les politique économiques du Fonds et de la Banque qui ont laissé l'économie rwandaise en ruine après l'effondrement du marché international du café et les dévaluations successives. L'aggravation de la misère consécutive aux PAS, d'après Chossudovsky, a préparé le terrain sur lequel a pu germé la guerre civile et le génocide.

B. L'impact sur le secteur social

Au delà des simples conditions sociales, le Pacte de 1966 reconnaît un droit à l'existence de structures afin d'assurer un niveau minimum de prestations sociales.

Son Article 9 traite de ce que les institutions de Bretton Woods appellent les « filets sociaux » et énonce le droit de toute personne à la sécurité sociale, y compris les assurances sociales.

L'article 13 reconnaît un droit à l'enseignement et notamment :

« a) L'enseignement primaire doit être obligatoire et accessible gratuitement à tous;

b) L'enseignement secondaire, sous ses différentes formes, y compris l'enseignement secondaire technique et professionnel, doit être généralisé et rendu accessible à tous par tous les moyens appropriés et notamment par l'instauration progressive de la gratuité;

c) L'enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés et notamment par l'instauration progressive de la gratuité;

d) L'éducation de base doit être encouragée ou intensifiée, dans toute la mesure possible, pour les personnes qui n'ont pas reçu d'instruction primaire ou qui ne l'ont pas reçue jusqu'à son terme »

L'article 12 sur les conditions sanitaires, déjà cité, traite dans son paragraphe d) des structures médicales : « d) La création de conditions propres à assurer à tous des services médicaux et une aide médicale en cas de maladie »

L'austérité budgétaire imposée au travers de la conditionnalité des politiques d'ajustement structurel a porté un coup sévère aux services sociaux de base et par là même au respect des droits économiques, sociaux et culturels des citoyens des pays concernés.

Au niveau de l'éducation, l'UNESCO a fait étudier ce phénomène et l'enseignement primaire a été le plus durement touché et de graves dérapages se sont produits en Afrique subsaharienne. Le pourcentage d'enfants de 6 à 11 ans scolarisés est tombé de 55 % en 1979 à 45 % en 1995119(*).

En Amérique Latine, on a assisté à une baisse cumulée de 40% des dépenses de santé par habitant entre 1980 et 1984 en Bolivie, Guatemala, République Dominicaine et entre 15% et 40% au Salvador, Chili, Barbade, Jamaïque, Costa Rica, Honduras, Argentine et Uruguay. Tous ces pays étaient sous programme d'ajustement durant cette période120(*).

L'étude de l'UNICEF sur l'ajustement structurel a démontré, de manière identique, que dans les 42 pays les plus pauvres, les dépenses de santé avaient chuté de plus de 50% dans les années 80 et que les dépenses d'éducation avait baissé de plus de 25%121(*).

La chute des dépenses de santé a des conséquences importantes comme au Vietnam où « désormais, en zone rurale, la moitié des dépenses de santé doivent être supportées par le patient. A Hanoi, des coupes sévères sont effectuées dans les dépenses de santé : l'utilisation de produits anti-moustiques a été arrêtée, le programme d'amélioration des hôpitaux est stoppé... Ainsi, des maladies qu'on pensait éradiquées réapparaissent : le typhus, la dengue, le choléra, la malaria... De même, les salaires du personnel de santé sont faibles. Celui-ci doit donc exercer une double activité ou part travailler dans le secteur privé122(*) »

La chute des dépenses d'éducation a aussi été à l'origine de troubles comme au Bénin123(*), en janvier-juin 1989 , où les étudiants de l'Université de Cotonou ont fait la grève pendant six mois afin de protester contre le non-paiement des bourses depuis plusieurs mois et l'intention du gouvernement d'arrêter de les payer entièrement en 1989 en raison des réformes préconisées par le PAS. Une grève des professeurs s'est ajoutée en avril avec comme revendications le paiement de leurs arriérés de salaires et l'annulation de la baisse de leurs salaires de 50% prévue par le PAS.

Section 2 : Vers de nouvelles conditionnalités « humanisées » ?

L'échec relatif de l'assistance fournie par les institutions de Bretton Woods a entraîné de nombreuses critiques de leur action et a conduit à une vague de propositions soit pour limiter les conséquences négatives soit pour proposer un véritable cadre alternatif de développement. Le FMI, et la Banque Mondiale dans une moindre mesure, sont longtemps restés sourds à ces appels. Cependant, ils ont du admettre au bout d'un moment que leurs résultats étaient insuffisants et que cela représentait une menace pour leur crédibilité et donc pour la subsistance de leurs rôles. La conditionnalité a été un élément central de ces critiques. Les institutions de Bretton Woods se sont alors engagées dans un processus de modification de leur modèle initial de développement. Mais ce processus présente de nouveaux risques pour la Banque et le Fonds car il remet en cause les principes de souveraineté, dont le respect était déjà difficilement justifié par les institutions de Bretton Woods. Cette nouvelle tendance, même si elle n'est pas encore considérée comme une norme, commence à faire son apparition dans certaines organisations internationales et fait l'objet d'un grand intérêt de la part des milieux académiques et de la société civile. Cette tendance est bien évidemment le droit d'ingérence appliqué à l'aide au développement et ses corollaires que sont les conditionnalités sociales et démocratiques.

Paragraphe 1 : Des avancées pour les droits de l'homme

Au regard des résultats au niveau du respect des droits de l'homme de l'ajustement structurel, les institutions de Bretton Woods ont modifié quelque peu leur modèle tant au niveau économique que dans la prise en compte des facteurs sociaux. L'élargissement de l'action de la Banque et du Fonds tente de répondre aux critiques répétées quant aux conséquences de leurs actions. Cependant, il semble que cette évolution ne soit pas encore achevée et que de nouvelles tendances qui sont apparues dans la société civile sont en phase d'être intégrées au modèle de développement proposé par les institutions de Bretton Woods. Ce mouvement est amplifié aussi par les prises de position successives d'Etats et d'organisations internationales pour remédier aux problèmes du développement. Le Fonds et la Banque sont donc sur la voie de la construction d'un nouveau modèle d'assistance pour leurs membres qui prend en compte les erreurs passées et qui recentre son intérêt sur l'homme en tant que principal acteur et bénéficiaire du développement.

A. Un nouveau modèle de développement économique

Depuis quelques années, on peut noter un certain infléchissement, en particulier de la part du FMI, quant au modèle de développement économique de référence. La stratégie du tout-libéral et du tout-exportation semble remise en cause et on assiste à une réorientation progressive par le biais de l'introduction de nouveaux critères économiques. Les résultats catastrophiques des années 80 et 90 en terme de développement et même de stabilité monétaire ne sont pas pour rien dans cette réorientation.

La caractérisation de ce changement s'est manifestée par le remplacement, le 26 septembre 1999, de la Facilité d'ajustement structurel renforcée (FASR) par une facilité nouvelle, la Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC). La nouvelle facilité a pour objectif de «soutenir les programmes destinés à renforcer de manière substantielle et continue la position de la balance des paiements et de contribuer à une croissance durable, qui conduise à des niveaux de vie plus élevés et à une réduction de la pauvreté124(*)». Cela implique une nouvelle stratégie, notamment pour le FMI qui devra prendre en compte que « les politiques macro-économiques devront être mieux intégrées aux objectifs sociaux et sectoriels, afin de garantir que les plans se renforceront mutuellement et qu'ils seront conformes à un ensemble commun d'objectifs d'accélération de la croissance et de réduction de la pauvreté 125(*)».

La double conditionnalité sera donc modifiée dans ses objectifs mais aussi dans sa forme et sa répartition entre les deux institutions de Bretton Woods. En effet, le passage à la FRPC prévoit aussi « Une étroite coordination avec la Banque dans un contexte où toutes les opérations de prêt découleront du CSLP est de nature à éviter un chevauchement de la conditionnalité et du suivi des opérations de prêt du FMI et de la Banque, le but étant de rendre le suivi du programme réalisé par les deux institutions plus transparent, plus responsable et plus efficace 126(*)».

Néanmoins cette «étroite coordination» semble être encore plus factice que réelle. Si l'on prend le cas du Cameroun , on remarque toujours un décalage entre les documents issus soit du CLSP soit de l'initiative PPTE et les lettres d'intentions fournies au FMI (en particulier celles du 6/12/2000 et 28/06/2001). Ces dernières traitent presque uniquement des réformes macro-économiques « habituelles » et ne font que des référence à ces programmes sans développer leur contenu et leur cohérence avec les réformes macro-économiques envisagées. Le processus de réorientation des objectifs et de la conditionnalité n'en est qu'à son début, il faudra sûrement attendre un peu plus longtemps pour voir apparaître les premiers résultats des nouveaux programmes des institutions de Bretton Woods.

Cependant, le nouveau cadre n'est peut être pas suffisant car il repose encore en partie sur l'ancien modèle. Pour répondre véritablement aux problèmes des pays concernés, la double conditionnalité devrait entrer dans un nouveau modèle alternatif dont les éléments pourraient être127(*)  :

· Un nouveau cadre théorique qui romprait avec le monétarisme néoclassique

· La conditionnalité devrait être spécifique a chaque pays pour prendre en compte les réalités sociales et politiques

· Les politiques à court terme devraient être cohérentes avec celles à moyen et long terme

· Des politiques meso-économiques devraient être incorporées au cade macro-économique afin d'assurer la croissance et la protection des groupes vulnérables

· La conditionnalité devrait se concentrer sur l'amélioration des liens inter et intra sectoriels

· Les politiques sectorielles devraient se recentrer sur la restructuration des secteurs productifs qui renforcent l'emploi, la création de revenus et la productivité dans les secteurs à faible revenu.

· Le secteur social devrait être restructuré afin d'augmenter son équité et son efficacité

De même, elle pourrait s'inspirer des recommandations de la commission des droits de l'homme qui sont entre autres128(*) :

· L'investissement accru dans les infrastructures rurales et un plus large accès des groupes défavorisés aux actifs productifs tels que la terre et le crédit

· La restructuration de l'activité économique de façon à privilégier une transformation de l'agriculture paysanne, en transférant vers ce secteur une part suffisante des ressources nationales

· Accorder la priorité à la production et à la distribution de vivres et de produits d'origine animale (y compris pour l'exportation) et veiller non seulement à ce que des aliments soient disponibles, mais également à ce que la population ait les moyens de se les procurer

· L'appui au secteur non structuré

B. La prise en compte du développement social

Parallèlement à l'infléchissement du modèle économique de référence, on assiste aussi à une plus grande prise en compte des facteurs sociaux au sens large. Les institutions de Bretton Woods se retrouvent prise dans le flot récent de déclarations concernant le développement social. Elles sont, par exemple visées dans l'article 92 de la Déclaration de Copenhague sur le développement social de 1995.

92. Les institutions financières internationales devraient contribuer à la mobilisation des ressources nécessaires à l'application de la Déclaration et du Programme d'action. À cet effet, les institutions compétentes sont instamment invitées à prendre les mesures ci-après :

a) La Banque mondiale, le Fonds monétaire international, les banques et fonds régionaux et sous-régionaux de développement et toutes les autres organisations financières internationales devraient intégrer davantage les objectifs du développement social dans leurs politiques, programmes et opérations, notamment en donnant un rang de priorité plus élevé, s'il y a lieu, aux prêts destinés au secteur social dans leurs programmes de prêt;

b) Les institutions de Bretton Woods et autres organisations et organismes des Nations Unies devraient collaborer davantage avec les pays intéressés pour étudier avec eux la politique à suivre et trouver des solutions nouvelles pour que les programmes d'ajustement structurel favorisent un développement économique et social soutenu, une attention particulière étant accordée à l'incidence de ces programmes sur les populations pauvres et les groupes vulnérables;

c) L'Organisation des Nations Unies, agissant en coopération avec la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et d'autres institutions multilatérales de développement, devrait étudier les incidences des programmes d'ajustement structurel sur le développement économique et social et aider les pays qui procèdent à un ajustement structurel à créer des conditions propices à la croissance économique, à la création d'emplois, à l'élimination de la pauvreté et au développement social.

Cette même déclaration insiste sur les modifications suivantes de l'action du Fonds et de la Banque en proposant :

À cette fin, au niveau national :

a) Nous encouragerons les dépenses et programmes sociaux de base, en particulier les dépenses et programmes en faveur des pauvres et des groupes vulnérables de la société, et les protégerons des réductions budgétaires tout en augmentant la qualité et l'efficacité des dépenses sociales;

b) Nous examinerons les incidences des programmes d'ajustement structurel sur le développement social, y compris, le cas échéant, en réalisant des études d'impact social selon le sexe ou en ayant recours à d'autres méthodes pertinentes, afin d'élaborer des politiques visant à atténuer les effets pervers de ces programmes et à en accroître les effets positifs; les pays intéressés pourraient demander la coopération des institutions financières internationales pour cet examen;

c) Nous encouragerons, dans les pays en transition, une approche intégrée du processus de transformation tenant compte des conséquences sociales des réformes et des besoins concernant la mise en valeur des ressources humaines;

d) Nous renforcerons les composantes relatives au développement social de tous les programmes et politiques d'ajustement, y compris ceux liés à la mondialisation des marchés et au progrès technologique rapide, en élaborant des politiques visant à ouvrir plus largement et plus équitablement l'accès aux revenus et aux ressources;

e) Nous veillerons à ce que le coût de ces processus de transition ne pénalise pas les femmes de façon disproportionnée.

Le Fonds et la Banque ont pris en compte, en partie, certains aspects du développement social. Le passage de l'ajustement structurel à la lutte contre la pauvreté est le symbole majeur de cette prise en compte. De plus, consécutivement au sommet du G-7 de Halifax en juin 1995, les principaux membres des institutions de Bretton Woods ont poussé à la prise en compte de reformes de « deuxième génération » censées répondre aux critiques sur concernent la protection de l'environnement, les aspects sociaux et les conditions politiques de l'ajustement.

Un document conjoint des deux institutions concernant la modification de l'initiative PPTE prévoit l'introduction de critères sociaux pour déterminer l'accès aux phases avancées du programme : « Les services identifieraient avec le gouvernement les réformes ou mesures structurelles et sociales -- y compris dans le domaine macro-économique -- qui témoigneraient de progrès importants vers un développement durable. De la date d'application de ces réformes, dont la mise en oeuvre serait suivie de manière transparente, dépendrait celle du point d'achèvement 129(*)».

Ces réformes concernent, par exemple, les filets sociaux car « Si les politiques qui encouragent la croissance économique sont un pilier central de l'allégement de la pauvreté, les mesures de protection sociale ont un rôle à jouer dans l'atténuation de la vulnérabilité et la protection du bien-être des pauvres 130(*)» comme les interventions liées au marché du travail (retraite, chômage, droit du travail), les dispositifs de sécurité sociale, les programmes de réduction du travail des enfants et la création de fonds sociaux:

Ou encore de la santé particulièrement au niveau des dépenses publiques (niveau macro), de l'amélioration du fonctionnement du système de santé (niveau sectoriel) et de diverses interventions ciblées(niveau de l'action)

Et aussi l'éducation qui a « une double importance dans l'analyse de la pauvreté :

· L'absence d'enseignement est un déterminant premier de la pauvreté dans les revenus.

· L'enseignement en lui-même est une dimension importante de la pauvreté, dans l'acception large du terme qui comprend la pénurie de capacités 131(*)»

On commence aussi à percevoir des conceptions démocratiques au travers de la gouvernance comme :

· « Règles concernant la recherche et la tenue d'office public

· Procédés d'élections nationales transparents et justes,

· Partage du pouvoir pour assurer la stabilité dans des sociétés hétérogènes,

· Surveillance par les adversaires politiques,

· Surveillance parlementaire au moyen d'institutions suprêmes de contrôle,

· Institutions saines de représentation locale 132(*)»

Et aussi sur l'environnement car « les conditions de l'environnement produisent des effets majeurs sur le santé, la vie et la sécurité des populations pauvres 133(*)» et les femmes car « Il est de plus en plus évident que des stratégies de développement de sensibilisation envers les distinctions entre les sexes contribuent en grande partie à la croissance économique et à l'efficacité ainsi qu'aux objectifs égalitaires en assurant que tous les secteurs du monde de la pauvreté reçoivent les bienfaits du programme sans aucune distinction 134(*)»

Paragraphe 2 : De nouveaux risques pour la souveraineté ?

La nouvelle tendance vers des conditionnalités humanisées par l'intégration des droits de l'homme ne va pas sans poser de problèmes. En effet, la « sanctification » de ces nouvelles valeurs ouvre la porte à l'apparition de nouveaux principes et à la remise en cause d'anciens. Une première tendance, qui est déjà apparue dans certaines organisations, est la prise en compte de ces valeurs pour déterminer l'éligibilité des pays à l'assistance financière au développement. La seconde est l'extension du principe d'ingérence humanitaire au développement par la création d'une sorte de droit d'ingérence pour le développement. Ces deux tendances ne sont pas sans risque pour le respect de la souveraineté des Etats concernés car, au delà de leur application théorique qui touche déjà la souveraineté, apparaît le spectre de l'utilisation de ces principes à des fins détournées.

A. Vers un principe de discrimination dans l'attribution de l'assistance financière ?

La tendance actuelle d'une demande de prise en compte plus importante au niveau international de facteurs internes aux pays que ce soit au niveau des conditions politiques ou économiques représentent un élément de risque pour le maintien du principe de non discrimination. Bien que le libre choix d'un régime politique, économique et social reste encore pour le droit international une attribution souveraine des Etats, on assiste progressivement à une volonté d'incorporation de valeurs soi-disant universelles qui remettraient en cause ce principe. Déjà certaines organisations internationales ont intégré certaines de ces valeurs (la démocratie et/ou l'économie de marché) en tant que principes comme la BERD, la CSCE, l'OTAN (dans son acte fondateur sur ses relations avec la Russie) ou encore l'Union Européenne135(*).

Les institutions de Bretton Woods n'ont pas franchi le pas mais la même tendance se fait sentir dans certaines de leurs déclarations et de leurs documents sous couvert de considérations économiques. La bonne gouvernance partait du constat qu'un environnement favorable au marché n'était pas une condition suffisante du développement et qu'il fallait aussi prendre en compte le mauvais fonctionnement des administrations, la corruption, le laxisme dans la gestion des affaires publiques et l'existence de certains types de régimes clientélistes.

Comme le montre un rapport du Conseil d'Analyse Economique, « la Banque mondiale a d'abord pris la voie d'une vision minimaliste s'appuyant sur la recherche d'un ordre juridique pouvant accompagner la promotion du secteur privé devenue l'objectif premier du développement 136(*)».

De ces considérations à dominante économique, en termes de réformes du secteur public, de crédibilité et d'organisation institutionnelle, les institutions de Bretton Woods sont passées à l'importance de la dimension politique notamment sous couvert de participation et de décentralisation (et d'une sorte d'efficience du marché politique).

La tendance vers une conditionnalité politique se fait de plus en plus présente : « In a recent World Bank paper, Richard Feinberg, of the Oversees Development Council, expects these elements of political conditionality to spill over to other multilateral lending institutions. Citing both the 1990 World Development Report and the Managing Director of the Fund, he foresees that in the 1990s both institutions will be under pressure to incorporate into their conditionality considerations of social equity as well as political variables such as the quality of economic governance, the avoidance of corruption and the observance of human rights. 137(*)»

Le rapport précité du Conseil d'Analyse Economique, analysant le World Development Report de 1997, remarque que la Banque « ne se prive pas de s'interroger également sur les processus de légitimation politique des États. Le choix est clairement indiqué en faveur de la démocratie politique dont il est de la responsabilité de l'État d'assurer les conditions d'établissement et de bon fonctionnement138(*)» et tente de « donner une dimension politique à sa mission de développement» par son rapprochement avec l'ONU.

L'introduction de principes de gestion politique (« démocratiques » et respect des droits de l'homme) au travers de la gouvernance pourra aboutir à la possibilité de décider de l'éligibilité d'un pays à un programme ou de sa reconduction en fonction de son système politique, économique et social. Cette solution est soutenue par certaines ONG qui proposent que « First, in the evaluation of eligibility, it has been argued repeatedly that consideration be given to measurements of poverty, education, health, and other factors that provide an indication of the quality of life in a country139(*)».

Et la Banque a commencé à envisager ce cheminement comme le montre l'extrait de ce mémorandum : « violation of political rights may (...) reach such proportions as to become a Bank concern, either due to significant direct economic effects or if it results in international obligations relevant to the Bank, such as those mandated by binding decisions of the United Nations Security Councils 140(*)»

On pourrait même penser a l'introduction du respect de la démocratie et des droits de l'homme dans les statuts du Fonds et de la Banque afin qu'ils puissent choisir a quel type de régime doivent être accordées les aides. On a déjà aperçu ce phénomène avec la Yougoslavie qui ne s'est vu accorder des aides de l'UE, de la Banque et du FMI qu'après le départ de Milosevic141(*).

La démocratie n'est pas le seul principe « universel » qui semble en voie de sanctification, il y a aussi l'économie de marché. Là encore, on se retrouve dans le processus hégémonique de la pensée dominante. Tout comme la démocratie, l'économie de marché semble en passe de devenir un concept universel duquel on ne peut sortir, tout autre système économique acquérant par de la même une connotation négative.

La justification juridique de ces principes va se faire autour du même biais que les institutions de Bretton Woods ont utilisé pour justifier leurs précédentes atteintes à la souveraineté, c'est à dire la neutralité de ces concepts. M.F. L'Heriteau142(*) parlait de « rupture analytique » pour qualifier la différenciation faite entre l'élément économique et l'élément politique (qui lui est inférieur). La même rupture va s'effectuer entre les concepts de démocratie et d'économie de marché qui vont sortir de la sphère de l'appréciation politique pour devenir des principes uniquement justifiés par la raison. Une fois cette qualification acquise, ces deux concepts vont pouvoir être intégrés à l'action des institutions de Bretton Woods qui pourront alors s'en prévaloir dans la conception de leurs programmes sans risque d'atteinte à la souveraineté de leurs Etats membres. L'étape supérieure sera bien évidemment la mise en place d'un principe de discrimination vis à vis des pays qui ne respecteraient pas ces concepts neutres et rationnels. Ce cheminement se fait progressivement par le biais d'études, réalisées notamment par la Banque143(*) sous couvert d'améliorer l'efficacité de l'aide, qui prônent la mise en place du concept de sélectivité qui est de réserver l'aide aux pays qui souhaitent l'utiliser à bon escient.

Mais déjà, des critiques apparaissent quant à l'idée même ces expérimentations conceptuelles.

W. Oyatambwe, dans un article sur la bonne gouvernance et la conditionnalité démocratique en Afrique, « invite les bailleurs des fonds internationaux à adopter une ligne de conduite moins hypocrite dans leurs relations avec l'Afrique. De cette manière, ils pourraient contribuer à promouvoir en Afrique un développement effectif, plutôt que de procéder sans cesse à des hasardeuses expérimentations idéologiques ou autres. Car, avant qu'il n'existe un marché, il y a d'abord des êtres humains 144(*)».


B. Vers un principe d'ingérence pour le développement ?

La notion devoir d'ingérence est apparue à la fin des années 80 sous la plume de Mario Bettati et de Bernard Kouchner145(*) et s'appliquait uniquement au domaine humanitaire pour les pays sortant d'une catastrophe naturelle ou en guerre. Cette notion semble bien entendu contraire au principe de souveraineté. Mais le droit international évolue et a commencé à tenir compte de cette possibilité d'intervention dans des cas extrêmes de détresse des populations. Des exemples146(*) de cette avancée sont la résolution 688 de l'ONU qui insiste « pour que l'Irak permette un accès immédiat des organisations humanitaires internationales à tous ceux qui ont besoin d'assistance » ou encore l'arrêt de la CIJ dans l'affaire du Nicaragua qui énonce que « la fourniture d'aide strictement humanitaire à des personnes ou à des forces se trouvant dans un autre pays ... ne saurait être considérée comme une intervention illicite ». Cependant, le principe n'est pas accepté par tous. De nombreux pays refusent encore cette idée d'intervention humanitaire et veulent continuer a se référer à la Charte des Nations-Unies uniquement, sentiment qui a été renforcé par la récente intervention humanitaire au Kosovo147(*).

Néanmoins, parmi les pays occidentaux, « la formule a vite fait recette, particulièrement avec l'avènement d'un nouvel ordre mondial sensé replacer au premier rang des priorités des valeurs comme la démocratie, l'Etat de droit et le respect des droits de la personne humaine148(*) ». Ces valeurs ressemblent étrangement à celles que les institutions de Bretton Woods commencent à intégrer dans leurs programmes. On peut donc se demander si, au delà de leur inclusion comme critère d `éligibilité à l'assistance financière que l'on a vu précédemment, le FMI et la Banque ne vont pas se servir de cette notion de devoir d'ingérence pour justifier leur action future pour les pays en développement. L'arrivée de la bonne gouvernance dans la rhétorique des institutions de Bretton Woods conjuguée à la demande pressante des organisations des droits de l'homme pour que le FMI et la Banque prenne en compte les droits de l'homme dans leurs programmes fait que l'utilisation d'un droit d'ingérence pour le développement ne semble pas exclu. La bonne gouvernance qui est déjà intégrée dans la double conditionnalité pourrait s'étendre et dépasser alors la limite actuelle de sa justification économique. On se trouverait alors dans un cadre où les institutions de Bretton Woods aurait un contrôle complet sur la sphère politique, sociale et culturelle. La progression des idées de conditionnalité sociale ou démocratique ne fait que renforcer la probabilité de cette nouvelle tendance. De plus, l'opposition entre la souveraineté et l'ingérence ne fait que renforcer l'intérêt de ce principe pour les institutions de Bretton Woods pour qui, selon le dogme du consensus de Washington, la souveraineté de l'Etat représente un frein au développement. Le développement ne passe plus par l'Etat mais par les « droits » des populations et leur défense. Cette théorie est défendue par le prix Nobel d'économie Amartya Sen149(*).

Malgré l'attrait évident de cette théorie au niveau de la prise en compte des droits politiques, sociaux et culturels des populations, elle présente le même risque de dérapage que l'ingérence humanitaire. Tous deux peuvent apparaître comme une simple couverture à des formes cyniques de volonté hégémonique. Le risque le plus grand de la part des institutions de Bretton Woods (comme de la part de l'OTAN pour l'ingérence humanitaire) serait l'utilisation de ce concept contre la souveraineté dans son sens politique c'est à dire contre la nation et la politique en tant que tels et cela au profit du marché. Cela ne résoudrait en rien le problème du développement ou plus généralement les problèmes contre les quels est censé lutter ce devoir d'ingérence. La souveraineté de l'Etat n'est pas un concept dépassé même si il a beaucoup souffert depuis la deuxième guerre mondiale. Mais comme Hannah Arendt150(*) le rappelle, ce n'est pas l'Etat-nation qui est à l'origine des guerres et des haines mais au contraire le dépérissement de cet Etat-nation et la diminution de sa sphère d'influence au profit d'intérêts privés. Il ne faudrait donc pas que ce droit d'ingérence ne soit que le prétexte à une opération idéologique visant dessaisissement du citoyen de ses droits politiques fondamentaux au profit de la régulation économique.

Le droit d'ingérence pour le développement et ses corollaires que sont les conditionnalités sociales ou démocratiques pose donc de larges problèmes au niveau du respect de la souveraineté tant dans sa conception juridique que politique. Le même problème se pose pour l'introduction d'une clause sociale à l'OMC. Il reste à voir comment les institutions de Bretton Woods vont gérer cette nouvelle tendance et comment l'ONU va tenter de délimiter la portée de ces nouveaux principes.

Conclusion : L'avenir de la conditionnalité, des institutions de Bretton Woods et de la souveraineté

La double conditionnalité, tant dans sa dimension interne qu'externe, semble ne pas avoir atteint les objectifs pour lesquels elle avait été élaborée. Cela s'explique en partie par le fait que ces objectifs n'ont été que des « déclaration-écrans » censées dissimuler les véritables buts des institutions de Bretton Woods. L'objectif d'une plus grande coopération entre le Fonds et la Banque cache en fait une recherche de légitimité de la part du FMI. Ce dernier en effet, après l'effondrement du système monétaire au début des années 70 et le développement des marchés internationaux de capitaux qui ont permis aux pays développés de trouver une source de financement alternative pour leurs déséquilibres de balance des paiements, a du reconcevoir son rôle afin de préserver sa place dans le système économique et financier international. La sélection adverse due au développement des marchés financiers a entraîné, pour le Fonds, une limitation des ses «clients» potentiels aux pays en développement. Mais sa marge de manoeuvre était alors réduite car il risquait d'empiéter sur les compétences de la Banque qui, à l'époque, fonctionnait encore sur des postulats keynésiens qui semblaient incompatibles avec l'idéologie du Fonds. La solution est arrivée au début des années 80 avec la crise de la dette et la remise dans le «droit chemin» néo-libéral de la Banque après l'arrivée du gouvernement Reagan aux Etats-Unis. Cette nouvelle compatibilité idéologique a permis au FMI de commencer à intervenir dans les domaines réservés de la Banque, notamment grâce à l'apparition de l'ajustement structurel. Mais ce chevauchement s'est fait au détriment de la Banque dont l'influence a été limitée par la magistrature d'influence du FMI qui lui a fait perdre une grande partie de son contrôle sur les mesures économiques. Cet empiétement correspond à « une stratégie hégémonique qui consiste à élargir le plus possible son champ d'intervention au détriment de celui des autres institutions internationales 151(*)».

Cette coopération déséquilibrée a entraîné la propagation du concept de conditionnalité à la Banque, ce qui simplifiait la répartition des tâches dans l'élaboration des programmes communs. Néanmoins, les risques de chevauchement et de divergences entre les deux institutions n'ont pas été totalement éliminé par la mise en place de cette double conditionnalité. Et les conséquences de la persistance de cet état ont induit un manque de cohérence de l'action pour le développement des institutions de Bretton Woods. Le même constat a été fait par les auteurs du rapport Metzler qui réclament un recentrage du Fonds sur ces activités originelles et donc l'arrêt de tout chevauchement de son action avec celles des institutions de développement : « The IMF should cease lending to countries for long-term development assistance (as in sub-Saharan Africa) and for long-term structural transformation (as in the post-Communist transition economies). The Enhanced Structural Adjustment Facility and its successor, the Poverty Reduction and Growth Facility, should be eliminated. The IMF should write-off in entirety its claims against all heavily indebted poor countries (HIPCs) that implement an effective economic development strategy in conjunction with the World Bank and the regional development institutions152(*)».

De même, dans son nouveau rôle réduit, le Fonds devra renoncer à l'utilisation de la conditionnalité : « there would be no need for detailed conditionality (often including dozens of conditions) that has burdened IMF programs in recent years and made such programs unwieldy, highly conflictive, time consuming to negotiate, and often ineffectual 153(*)».

Ce rapport remet aussi en question le rôle de la Banque qui doit s'orienter vers les pays les plus pauvres n'ayant pas accès aux capitaux du secteur privé et sur la production des biens publics globaux (santé, environnement, infrastructures...) et non plus essayer d'imposer (par le biais de la conditionnalité) des mesures économiques inefficaces.

Il semble donc, en effet, qu'un recentrage des compétences de chacune des institutions de Bretton Woods soit le premier pas vers une action plus cohérente à la fois pour le développement et pour la stabilité du système financier international.

La double conditionnalité a été aussi mise en cause. Si le FMI se recentre sur ses fonctions premières de prêteur de dernier ressort à court terme, de statisticien mondial et de conseil en politique économique, il ne restera plus à priori de conditionnalité qu'à la Banque Mondiale. Mais cette dernière, ayant constaté l'inefficacité de la conditionnalité dans ses derniers rapports d'évaluation154(*), tente de trouver de nouvelles méthodes d'attribution de son aide. Une idée de remplacement est le concept de sélectivité : « Le thème de la sélectivité de l'aide a été mis en avant dans une étude préparée dès 1997 par David Dollar pour la Banque mondiale et qui a abouti à la diffusion d'un rapport au message politique fort en novembre 1998. Sous la problématique d'une évaluation de l'efficacité de l'aide internationale, le document propose de réserver les financements publics aux pays qui entreprennent des réformes et de seulement disséminer des idées et de stimuler le débat dans la société civile dans les autres pays, sans leur fournir d'apport financier. Le rapport préconise ainsi rien de moins que de supprimer toute aide financière aux gouvernements qui n'essaient pas véritablement de développer leur pays 155(*)».

Mais la simple modification de l'instrument qu'est la conditionnalité ne résout pas entièrement les incohérences. En effet, le contenu de la double conditionnalité peut être transférer vers d'autres vecteurs, et notamment dans ce nouveau concept de sélectivité. Ce dernier peut même se révéler encore plus incompatible avec les principes de protection de la souveraineté car il établit un véritable principe de discrimination. Néanmoins la détermination des critères de cette sélectivité reste à faire et ouvre la porte à l'introduction des droits de l'homme dans l'attribution de l'aide.

Andrea Koulaïmah-Gabriel a identifié dans un article sur le Niger et l'aide de l'Union Européenne quelques principes de cette sélectivité au niveau du contenu démocratique  :

· Ne pas prendre des processus démocratiques naissants pour des faits accomplis

· Identifier en commun les éléments essentiels d'un «contrat de démocratie»

· Combiner les critères de besoin et les critères de mérites

· Appliquer les critères de performance de manière flexible

· Adopter une attitude plus cohérente et responsable de la part des bailleurs de fonds

· Clarifier les modalités de suspension de l'aide

· Impliquer les partenaires dans la définition et le suivi des critères de performance156(*)

Ce nouveau concept peut apparaître néanmoins aussi comme un recyclage grossier d'une conditionnalité de moyens en une conditionnalité de résultat/performance. On retrouve ici aussi la combinaison des trois techniques que J.M. Sorel avait défini pour caractérisé la conditionnalité du FMI : les critères de réalisation, l'échelonnement et l'adaptation continue157(*).

De plus, on finit aussi par retrouver le dilemme sur l'ingérence et la souveraineté au travers du choix de ces critères et des risques qu'ils induisent. En effet, cette sélectivité devra être faite sur des critères « universels » et « rationnels » qui, comme on l'a vu, sont la base de l'hégémonie. On peut aussi entrevoir le problème de la hiérarchisation des critères entre les domaines économiques, sociaux et politiques pour déterminer l'attribution, la continuation ou la suspension de l'aide.

Comme au niveau de la cohérence interne de la double conditionnalité où le problème ne réside pas effectivement dans la forme de la conditionnalité mais plutôt dans le combat d'influence entre les institutions de Bretton-Woods quant à l'étendu du contenu de leurs conditionnalités respectives, le problème de la cohérence externe de la double conditionnalité ne réside pas non plus dans sa forme mais plutôt dans le contenu qui lui est donné. En effet, le problème actuel de l'aide au développement réside plus dans la prioritarisation des objectifs des bailleurs de fonds que dans le choix des vecteurs d'attribution de l'aide. Les conséquences économiques et sociales de la conditionnalité traditionnelle ne sont que le reflet du choix fait par les institutions de Bretton Woods de privilégier l'amélioration des grands équilibres macro-économiques et l'insertion des pays en développement dans le schéma néo-libéral du marché mondial.

Le dernier problème à résoudre est celui du dilemme intervention/souveraineté. L'attribution conditionnelle de l'aide est la base de ce débat car quel que soit le vecteur choisi, il existera toujours la question de l'influence des conditions sur la souveraineté du pays. Mais comme l'aide inconditionnelle ne semble pas avoir de très nombreux partisans, le dilemme n'a pas de solutions. Il faut donc faire un choix entre respect de la souveraineté et aide au développement interventionniste. Les pays en développement ayant besoin de cette assistance financière et les pays-bailleurs étant attachés à l'efficacité de leur aide (pour des raisons plus ou moins nobles), il semble que la souveraineté soit en passe, comme l'annonce B. Badie, de devoir modifier son contour, comme elle l'a déjà fait à travers l'histoire, afin que l'ingérence ne soit « plus en contradiction avec l'idée de souveraineté, dès lors qu'elle vise à restaurer les droits de l'homme ou à satisfaire les besoins fondamentaux de l'humanité 158(*)».

Bibliographie

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* 1 D.Carreau, Why Not Merge the International Monetary Funds (IMF) with the International Bank for Reconstruction and Development (World Bank) ?, Fordham Law Review, 1989, 62

* 2 J. Gold, Conditionality, International Monetary Fund, Washington D.C., 1979, p 1

* 3 J.M.Sorel, Sur quelques aspects juridiques de la conditionnalité du F.M.I. et leurs conséquences, European Journal of International Law, http://www.ejil.org/journal/Vol7/No1/art3.html, 22 février 2001

* 4 Article I iii) des statuts du FMI

* 5 Article I iv) des statuts du FMI

* 6 Article V section 3 a) des statuts du FMI

* 7 D.Carreau, P.Juillard, Droit international économique, LGDJ, 1998, p 634

* 8 Dominique Carreau, Bernard Shaw, dirs., La Dette Extérieure, Académie de Droit International de La Haye, Matinus Nijhoff Publishers, 1995, p 217-313

J.Gold, «Relations between banks, loan agreements and Fund Stand-by arrangements», International Financial Law Report, September 1981

* 9 Article I (ii) des statuts de la BIRD

* 10 Devesh Kapur, John P. Lewis et Richard Webb, The World Bank. Its First Half Century, The Brookings Institution, Washington, D.C., 1997, p1193

* 11 D.Carreau, P.Juillard, Droit international économique, LGDJ, Paris, 1998, p 622

* 12 Cité dans, Eric Toussaint, «Banque Mondiale et FMI : Des origines à aujourd'hui », www.lagauche.com/lghebdo/2000/2000-45-01.html , 16/04/2001

* 13 J. Gold, «The relationship between the International Monetary Fund and the World Bank», Creighton Law Review, Volume 15, 1981-1982, Number 2, p 506

* 14 Article V section 5 a) des statuts de la BIRD et Article XII section 2 a) des statuts du FMI

* 15 Article II section 1 des statuts de la BIRD

* 16 Article VI section 3 des statuts de la BIRD

* 17 Article X des statuts du FMI

* 18 Article V section 8 a) de la BIRD

* 19 J. Gold, « The relationship between the International Monetary Fund and the World Bank », Creighton Law Review, Volume 15, 1981-1982, Number 2, p 514

* 20 Mémorandum from the Managing Director and the President on Bank-Fund Collaboration in Assisting Member Countries, March 30, 1989.

* 21 Rapport Meltzer, http://www.house.gov/jec/imf/meltzer.htm, 24/05/01

* 22 D.Carreau, «Why Not Merge the International Monetary Funds (IMF) with the International Bank for Reconstruction and Development (World Bank) ?», Fordham Law Review, 1989, 62

* 23 D.Carreau, P.Juillard, Droit international économique, LGDJ, Paris, 1998, p 623

* 24Banque Mondiale, « L'Initiative PPTE: Objectifs et principaux éléments », http://www.worldbank.org/hipc/french/fr-overview/fr-overview.html, 27/07/2001

* 25 FMI, « Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC) - Questions d'ordre opérationnel », http://www.imf.org/external/np/pdr/prsp/fre/poverty2.htm#IIB, 27/07/2001

* 26 FMI, « Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC) - Questions d'ordre opérationnel », http://www.imf.org/external/np/pdr/prsp/fre/poverty2.htm#IIB, 27/07/01

* 27FMI, « Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC) - Questions d'ordre opérationnel », http://www.imf.org/external/np/pdr/prsp/fre/poverty2.htm#IIB, 27/07/2001

* 28 Cité dans le rapport d'information de la Commission des finances de l'Assemblée nationale sur les activités et le contrôle du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, p 124

* 29 Bruno Sarrasin, Ajustement structurel et lutte contre la pauvreté en Afrique : la Banque Mondiale face à la critique, l'Harmattan, 1999, Paris, p 47

* 30 J.Gold, « Relations between banks, loan agreements and Fund Stand-by arrangements », International Financial Law Report, September 1981

J.D Guenther, « The role of Commercial Banks in the Adjustment Process », dans Adjustment, Conditionality and International Financing dirigé par J.Muns, IMF, 1984, p 184-214

* 31 Dominique Carreau, Bernard Shaw, dirs., La Dette Extérieure, Académie de Droit International de La Haye, Matinus Nijhoff Publishers, 1995, p 217-313

* 32 Rapport annuelle 2000 du FMI, http://www.imf.org/external/pubs/ft/ar/2000/fra/index.htm, 13/08/01

* 33 Rapport annuelle 2000 de la Banque Mondiale, http://www.worldbank.org/html/extpb/annrep/content.htm, 13/08/2001

* 34 FMI, « Debt Relief for Poverty Reduction: The Role of the Enhanced HIPC Initiative », August 2, 2001, http://www.imf.org/external/pubs/ft/exrp/debt/eng/index.htm#2, 13/08/2001

* 35 Banque Mondiale, « Rapports d'avancement sur l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) et les Cadres Stratégiques de Lutte contre la Pauvreté (CSLP) », 15/04/2000, http://wbln0018.worldbank.org/DCS/devcom.nsf/(documentsattachmentsweb)/April2000FrenchDC200010(F)/$FILE/DC-2000-10F-HIPC-PRSPs.pdf, 13/08/2001

* 36 Scandinavian Institute of African Studies, The IMF and the World Bank in Africa : Conditionality, Impact, and Alternatives, Almquist & Wiksell International, Stockholm, 1987, p 15-16

* 37 J.M Sorel, Les aspects juridiques de la conditionalité du Fonds Monétaire International, Thèse de Droit Public, Université Paris 13, 13 septembre 1990, p 166

* 38 Manuel Guitián, Fund conditionality : evolution of principles and practices, International Monetary Fund, Washington D.C., 1981, p 13-14

* 39 J.M Sorel, Les aspects juridiques de la conditionalité du Fonds Monétaire International, Thèse de Droit Public, Université Paris 13, 13 septembre 1990, p 173

* 40 Décision reproduite dans J. Gold, Conditionality, International Monetary Fund, Washington D.C., 1979, p 39-48

* 41 J. Gold, Conditionality, International Monetary Fund, Washington D.C., 1979, p 23

* 42 «Misreporting and non complying purchases under Fund arrangements - Guideline on corrective action» ou encore «Relationship between performance criteria and phasing of purchases under Fund arrangements - Operational guidelines », cités dans E. Denters, Law and Policy of IMF conditionality, Kluwer Law International, Boston, 1996, p 103

* 43 Article XXX b) des Statuts du FMI

* 44 D.Carreau, P.Juillard, Droit international économique, LGDJ, Paris, 1998, p 612

* 45 J. Gold, Conditionality, International Monetary Fund, Washington D.C., 1979, p 19-20

* 46 J.M.Sorel, « Sur quelques aspects juridiques de la conditionnalité du F.M.I. et leurs conséquences », European Journal of International Law, http://www.ejil.org/journal/Vol7/No1/art3.html, 22 février 2001

* 47 J.M Sorel, Les aspects juridiques de la conditionnalité du Fonds Monétaire International, Thèse de Droit Public, Université Paris 13, 13 septembre 1990, p 932-959

* 48 J.M.Sorel, « Sur quelques aspects juridiques de la conditionnalité du F.M.I. et leurs conséquences », European Journal of International Law, http://www.ejil.org/journal/Vol7/No1/art3.html, 22 février 2001

* 49 IMF Policy Development and Review Department, « Structural Conditionality in Fund-Supported Programs », IMF, February 16, 2001, p 67

* 50 The World Bank operational manual, Lending Operations: Choice of Borrower and Contractual Agreements, article 16

* 51 «The proceeds of structural adjustment loans (SALs) and of rehabilitation loans are disbursed to borrowers deposit accounts upon compliance with effectiveness and tranche release conditions set out in the legal agreements », The World Bank operational manual, Disbursement, article 6

* 52 «Conditionality should refer to reforms that are within the competence of the borrower to bring about, and not to economic performance as outcome of policy changes. If circumstances beyond the control of the borrower compliance with a condition unreasonable, Bank staff should propose appropriate amendments or waivers on the basis of midcourse reviews before tranche releases. Such midcourse adjustments are normally expected to apply only to macroeconomic conditionality. », The World Bank operational manual, Adjustment lending policies, article 48

* 53 World Bank, Poverty Reduction Strategy Sourcebook, Monitoring and Evaluation, http://www.worldbank.org/poverty/french/strategies/srcbook/m&e1nov.pdf, 13/08/2001

* 54 Irving Friedman dans Scandinavian Institute of African Studies, The IMF and the World Bank in Africa : conditionality, impact, and alternatives, Almquist & Wiksell International, Stockholm, 1987, p 115-120

* 55 Rapport d'information de la commission des finances de l'assemblée nationale sur les activités et le contrôle du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, p 238

* 56 Bruno Sarrasin, Ajustement structurel et lutte contre la pauvreté en Afrique : la Banque Mondiale face à la critique, l'Harmattan, 1999, Paris, p 58 et Commission des droits de l'homme, Rapport de l'expert indépendant M. Fantu Cheru, « Effets des politiques d'ajustement structurel sur la jouissance effective des droits de l'homme » , p 40

* 57 Robert W. Cox, Production, Power, and World Order, Columbia University Press, New York, 1998; James Mittelman, Globalization Critical Reflections, Lynne Reinner Publishers, Boulder, 1996 cité dans Commission des droits de l'homme, Rapport de l'expert indépendant M. Fantu Cheru, Effets des politiques d'ajustement structurel sur la jouissance effective des droits de l'homme, p 31

* 58 T. Mirchell, The Rule of Experts, ouvrage non encore paru

* 59 OCDE, «Quelles politiques pour un décollage économique ? », Cahiers de politique économique n°12, 1996, http://www.oecd.org/dev/PUBLICATION/cahiers/cahier12.pdf, 28/08/2001

* 60 OCDE, « Vers la liberté des mouvements de capitaux », Cahiers de politique économique n°4, 1992, http://www.oecd.org/dev/PUBLICATION/cahiers/cahier4.pdf, 28/08/2001

* 61 Policy Development and Review Department, « Structural Conditionality in Fund-Supported Programs », IMF, February 16, 2001, p 84

* 62 Site de la Banque Mondiale, Secteurs et Thèmes, http://www.banquemondiale.org/secteurs.htm

* 63 Scandinavian Institute of African Studies, The IMF and the World Bank in Africa : conditionality, impact, and alternatives, Almquist & Wiksell International, Stockholm, 1987, p 15

* 64 Reproduction partielle de la matrice des stratégies de « Guinea: Interim Poverty Reduction Strategy Paper », http://poverty.worldbank.org/files/guinea_iprsp_fr.pdf, 28/08/01

* 65 P. Daillier et A. Pellet, Droit International Public (Nguyen Quoc Dinh), LGDJ, Paris, 1999, p 1024

* 66 P. Dailler et A. Pellet, Droit International Public (Nguyen Quoc Dinh), LGDJ, Paris, 1999, p 428

* 67 Affaire du Sahara occidental, Avis consultatif du 16 octobre 1975, http://www.icj-cij.org/cijwww/cdecisions/csummaries/csasommaire751016.htm, 01/11/2001

* 68 Affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique) [fond] , Arrêt du 27 juin 1986, http://www.icj-cij.org/cijwww/cdecisions/csummaries/cnussommaire860627.htm, 01/11/2001

* 69 A. Pellet cité dans J.M Sorel, Les aspects juridiques de la conditionalité du Fonds Monétaire International, Thèse de Droit Public, Université Paris 13, 13 septembre 1990, p 39

* 70 Affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique) [fond] , Arrêt du 27 juin 1986,

http://www.icj-cij.org/cijwww/cdecisions/csummaries/cnussommaire860627.htm, 01/11/2001

* 71 Paragraphe 1 de la résolution 2131 (XX) et troisième principe alinéa 1 de la résolution 2625 (XXV)

* 72 J.M Sorel, Les aspects juridiques de la conditionalité du Fonds Monétaire International, Thèse de Droit Public, Université Paris 13, 13 septembre 1990, p 996

* 73 Affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique) [fond] , Arrêt du 27 juin 1986,

http://www.icj-cij.org/cijwww/cdecisions/csummaries/cnussommaire860627.htm, 01/11/2001

* 74 P. Dailler et A. Pellet, Droit International Public (Nguyen Quoc Dinh), LGDJ, Paris, 1999, p 439

* 75 Article IV section 10 des statuts de la BIRD : « The Bank and its officers shall not interfere in the political affairs of any member; nor shall they be influenced in their decisions by the political character of the member or members concerned. Only economic considerations shall be relevant to their decisions, and these considerations shall be weighed impartially in order to achieve the purposes stated in Article I. »

* 76 J. Gold, « Political Considerations are prohibited by Articles of Agreement when the Fund considers requests for the use of resources », IMF Survey, 1983

* 77 T.Killick, R.Gunatilaka and A.Marr. Aid and the Political Economy of Policy Change. Overseas Development Institute, London, 1998, p10-11

* 78 P. Dhonte, « Conditionality as an Instrument of Borrower Credibility », FMI, février 1997, http://www.imf.org/external/pubs/ft/ppaa/ppaa9702.pdf, 15/08/2001

* 79 W.Branson, N.Hanna, « Ownership and Conditionality », OED Working Paper Series No. 8, World Bank, summer 2000, http://www-wds.worldbank.org/pdf_content/00009494600101105374280/multi_page.pdf

* 80 J.M Sorel, Les aspects juridiques de la conditionalité du Fonds Monétaire International, Thèse de Droit Public, Université Paris 13, 13 septembre 1990, p 973-74

* 81 Cité dans P. Dhonte, « Conditionality as an Instrument of Borrower Credibility », FMI, février 1997, http://www.imf.org/external/pubs/ft/ppaa/ppaa9702.pdf

* 82 Stuart Hall, Marxism and interpretation of culture, ed. Cary Nelson and Lawrence Grossberg, University of Illinois Press, Urbana, 1988, p44 (traduction personnelle)

* 83 Cité dans Le Droit International du Développement Social et Culturel, sous la direction de A. Pellet et J.M. Sorel, L'Hermes, Paris, 2000, p199

* 84 Ibid., p. 199

* 85 Engagement 3 k) de la Déclaration de Copenhague sur le développement social, http://www.agora21.org/smds/smds06.html

* 86 P. Bourdieu, Outline of a Theory of Practice, Cambridge University Press, Cambridge, 1977, p 94

* 87 Michel Callon, "An Essay on Framing and Overflowing: Economic Externalities Revisited By Sociology," in The Laws of the Markets, ed. Michel Callon, Blackwell, Oxford, 1998, p 244

* 88 T. Mitchell, The Rule of Experts, ouvrage non encore paru

* 89 J.J. Polak, "The Changing Nature of IMF Conditionality", OECD Technical Paper No. 41, août 1991, p29

* 90 A. Zacharie, « Les dix limites de l'initiative PPTE », http://users.skynet.be/cadtm/pages/francais/limitesppte.htm

* 91 FMI, « Toward a market economy : structure of governance », Working Paper WP/97/11, http://www.imf.org/external/pubs/ft/wp/wp9711.pdf

* 92 World Bank's Administrative and Civil Service Reform Website, http://www1.worldbank.org/publicsector/civilservice/index.html

* 93 J.M Sorel, Les aspects juridiques de la conditionalité du Fonds Monétaire International, Thèse de Droit Public, Université Paris 13, 13 septembre 1990, p 1099

* 94 IDA/IMF, « CAMEROON : Preliminary Document on the Enhanced Initiative for Heavily Indebted Poor Countries », 23 mai 2000, http://www.worldbank.org/hipc/country-cases/cameroon/Revised_CMR_Prel.pdf

* 95 Rapport Meltzer, http://www.house.gov/jec/imf/meltzer.htm, 24/05/01

* 96 Rapport Annuel pour 1989 du FMI, p 47, cité dans J.M. Sorel, « Les conséquences sociales et culturelles des activités opérationnelles du FMI » dans Le Droit International du Développement Social et Culturel, sous la direction de A. Pellet et J.M. Sorel, L'Hermes, Paris, 2000, p189

* 97 Ibid., p190

* 98 T. Mitchell, The Rule of Experts, ouvrage non encore paru

* 99 A.A. Fatouros, « Les incidences sociales et culturelles des activités de la Banque Mondiale » dans Le Droit International du Développement Social et Culturel, sous la direction de A. Pellet et J.M. Sorel, L'Hermes, Paris, 2000, p210

* 100 Article I (ii) du FMI

* 101 Article I (iii) de la BIRD, « To promote the long-range balanced growth of international trade and the maintenance of equilibrium in balances of payments by encouraging international investment for the development of the productive resources of members, thereby assisting in raising productivity, the standard of living and conditions of labor in their territories. »

* 102 Exemple cité dans Commission des Droits de l'homme,  Rapport de l'expert indépendant M. Fantu Cheru, «Effets des politiques d'ajustement structurel sur la jouissance effective des droits de l'homme», p16

* 103 Exemple cité dans Rapport d'information de la Commission des finances de l'Assemblée nationale sur les activités et le contrôle du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, par 198, http://www.assemblee-nat.fr/rap-info/i2801.asp, 01/11/2001

* 104 Rapport Meltzer, http://www.house.gov/jec/imf/meltzer.htm, 24/05/01

* 105 Exemple cité dans J.J. Polak, "The Changing Nature of IMF Conditionality", OECD Technical Paper No. 41, août 1991, p50

* 106 IMF, « Report of the Group of Independent Persons Appointed to Conduct an Evaluation of Certain Aspects of the Enhanced Structural Adjustment Facility », June 1998, p42, http://www.imf.org/external/pubs/ft/extev/esaf2.pdf, 16/05/2001

* 107 G.A. Cornia, R. Jolly, F. Stewart, L'ajustement à visage humain, Economica, Paris, 1987, p135

* 108 Ibid., p66

* 109 J.M. Sorel, « Les conséquences sociales et culturelles des activités opérationnelles du FMI » dans Le Droit International du Développement Social et Culturel, sous la direction de A. Pellet et J.M. Sorel, L'Hermes, Paris, 2000, p194

* 110 Commission des Droits de l'homme,  Rapport de l'expert indépendant M. Fantu Cheru, «Effets des politiques d'ajustement structurel sur la jouissance effective des droits de l'homme», paragraphes 63/71

* 111 Ibid., par 59

* 112 Scandinavian Institute of African Studies, The IMF and the World Bank in Africa : conditionality, impact, and alternatives, Almquist & Wiksell International, Stockholm, 1987, p 19 et 33

* 113 Cité dans Commission des Droits de l'Homme,  « Realization of economic, social and cultural rights », Second progress report prepared by Mr. Danilo Türk, Special Rapporteur, 18 July 1991, par 92

* 114 A. Zacharie, « Vers quelles institutions financières internationales ? », http://users.skynet.be/cadtm/pages/francais/quellesifi.htm, 01/11/2001

* 115 G.A. Cornia, R. Jolly, F. Stewart, L'ajustement à visage humain, Economica, Paris, 1987, p25-28

* 116 Commission des Droits de l'Homme,  Rapport de l'expert indépendant M. Fantu Cheru, «Effets des politiques d'ajustement structurel sur la jouissance effective des droits de l'homme»,24 février 1999, para 65 c), http://www.unhchr.ch/Huridocda/Huridoca.nsf/0811fcbd0b9f6bd58025667300306dea/03e75916da6d5a298025675100387ea6?OpenDocument#Introduction, 01/11/2001

* 117 Agir ici pour un monde solidaire, «Brève histoire des résistances à l'ajustement structurel», http://www.globenet.org/ifi/savoir/ajustement/histoire.htm

* 118 Cité dans Commission des Droits de l'Homme,  Rapport de l'expert indépendant M. Fantu Cheru, «Effets des politiques d'ajustement structurel sur la jouissance effective des droits de l'homme», par 83

* 119 Commission des Droits de l'Homme,  Rapport de l'expert indépendant M. Fantu Cheru, «Effets des politiques d'ajustement structurel sur la jouissance effective des droits de l'homme», para 65 b)

* 120 Scandinavian Institute of African Studies, The IMF and the World Bank in Africa : conditionality, impact, and alternatives, Almquist & Wiksell International, Stockholm, 1987, p33

* 121 G.A. Cornia, R. Jolly, F. Stewart, L'ajustement à visage humain, Economica, Paris, 1987, p30

* 122 Agir ici pour un monde solidaire, « Ajustement structurel et santé», http://www.globenet.org/ifi/savoir/ajustement/sante.htm

* 123 Agir ici pour un monde solidaire, «Brève histoire des résistances à l'ajustement structurel», http://www.globenet.org/ifi/savoir/ajustement/histoire.htm

* 124 FMI/Banque Mondiale, « Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC) -- Questions d'ordre opérationnel », http://www.imf.org/external/np/pdr/prsp/fre/poverty2.htm

* 125 Ibid.

* 126 Ibid.

* 127 Scandinavian Institute of African Studies, The IMF and the World Bank in Africa : conditionality, impact, and alternatives, Almquist & Wiksell International, Stockholm, 1987, p20

* 128 Commission des Droits de l'Homme,  Rapport de l'expert indépendant M. Fantu Cheru, «Effets des politiques d'ajustement structurel sur la jouissance effective des droits de l'homme», par 131

* 129 Development Committee, « Modification de l'initiative en faveur des pays pauvres tres endettés (PPTE) », http://www.worldbank.org/hipc/Modification_French.pdf, 28/10/2001

* 130 Banque Mondiale, Recueil de références sur les stratégies de réduction de la pauvreté, http://www.worldbank.org/poverty/french/strategies/frtoc.htm

* 131 Ibid.

* 132 Ibid.

* 133 Ibid.

* 134 Ibid.

* 135 P. Dailler et A. Pellet, Droit International Public (Nguyen Quoc Dinh), LGDJ, Paris, 1999, p 430

* 136 C. Chavagneux et L. Tubiana, « Quel avenir pour les institutions de Bretton Woods ? Les transformations de la conditionnalité », Développement, Rapports du Conseil d'Analyse économique, 2000, http://www.ladocfrancaise.gouv.fr/BRP/004001728/0000.pdf, 01/11/2001

* 137 J.J. Polak, "The Changing Nature of IMF Conditionality", OECD Technical Paper No. 41, août 1991, p 60

* 138 Ibid.

* 139 Social Justice Committee , « Social conditionality and the HIPC Debt Initiative », http://www.s-j-c.net/new_page_44.htm, 25/04/2001

* 140 Memorandum of the legal counsel of the World Bank of 21 December 1990, Sec. M91-131.

* 141 Le Monde, « La communauté internationale accorde une large aide financière à Belgrade », 30/06/2001, http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3214-3783-203752-VT,00.html, 01/11/2001

* 142 Cité dans J.M Sorel, Les aspects juridiques de la conditionalité du Fonds Monétaire International, Thèse de Droit Public, Université Paris 13, 13 septembre 1990, p 974

* 143 Etudes citées dans C. Chavagneux et L. Tubiana, « Quel avenir pour les institutions de Bretton-Woods ? Les transformations de la conditionnalité », Développement, Rapports du Conseil d'Analyse économique, 2000, http://www.ladocfrancaise.gouv.fr/BRP/004001728/0000.pdf, 01/11/2001

* 144 W. Oyatambwe, « Implications et ambiguïtés de la « bonne gouvernance » en Afrique », Demain Le Monde n°47, octobre 2000, http://www.congonline.com/Forum1/Forum08/Oyatambwe03.htm, 25/08/2001

* 145 M. Bettati and B. Kouchner (eds.), Le devoir d'ingérence, Denoël, Paris, 1987, 300 p

* 146 Exemples cités dans P. Dailler et A. Pellet, Droit International Public (Nguyen Quoc Dinh), LGDJ, Paris, 1999, p 445

* 147 Voir N. Chomsky, Le nouvel humanisme militaire, Editions Page deux, Lausanne, 2000, 293p

* 148 O. Corten, « Les ambiguïtés du droit d'ingérence humanitaire », http://www.unesco.org/courier/1999_08/fr/ethique/txt1.htm, 15/09/2001

* 149 A. Sen, Development as freedom, Oford University Press, Oxford, 1999, 366p

* 150 H. Arendt, The origins of totalitarism, World Publishing Company, Cleveland, 1962, 520 p.

* 151 C. Chavagneux et L. Tubiana, « Quel avenir pour les institutions de Bretton-Woods ? Les transformations de la conditionnalité », Développement, Rapports du Conseil d'Analyse économique, 2000, http://www.ladocfrancaise.gouv.fr/BRP/004001728/0000.pdf, 01/11/2001

* 152 Rapport Meltzer, http://www.house.gov/jec/imf/meltzer.htm, 24/05/01

* 153 Ibid.

* 154 World Bank Operation Evaluation Department, «1999 Annual Review of Development Effectiveness: Toward a Comprehensive Development Strategy », http://wbln0018.worldbank.org/oed/oeddoclib.nsf/11d38e62c269811285256808006a0022/0bd1230e97bb5505852568420056a30f/$FILE/99ARDE.pdf, 01/11/01

* 155 C. Chavagneux et L. Tubiana, « Quel avenir pour les institutions de Bretton-Woods ? Les transformations de la conditionnalité », Développement, Rapports du Conseil d'Analyse économique, 2000, http://www.ladocfrancaise.gouv.fr/BRP/004001728/0000.pdf, 01/11/2001

* 156 A. Koulaïmah-Gabriel, « La suspension de l'aide comme sanction de la non-performance: L'Europe et les leçons de la crise nigérienne », http://www.oneworld.org/ecdpm/pubs/wp56_fr.htm, 01/11/2001

* 157 J.M.Sorel, « Sur quelques aspects juridiques de la conditionnalité du F.M.I. et leurs conséquences », European Journal of International Law, http://www.ejil.org/journal/Vol7/No1/art3.html, 22/02/2001

* 158 B. Badie, Un monde sans souveraineté. Les États entre ruse et responsabilité, Fayard, Paris, 1999, p107-08






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