Première partie : La cohérence interne de la
double conditionnalité
Par cohérence interne de la double
conditionnalité, il faut entendre le processus de coexistence de deux
conditionnalités au sein de programmes communs de la part
d'organisations distinctes. Pour cela, il faut, avant d'aborder la question
même de la coexistence des conditionnalités, s'attacher à
analyser comment et pourquoi ces deux institutions indépendantes que
sont le FMI et la Banque Mondiale ont pu se retrouver dans ces programmes
communs. Deux facteurs principaux semblent être la solution de ce
problème. D'un coté, un facteur externe qui est
l'évolution de l'environnement économique et politique qui a
largement modifié les possibilités d'actions de ces institutions
et entraîné donc une redéfinition de leur champ d'action
(qui s'est trouvé être le même). D'un autre coté, un
facteur interne qui est la connotation idéologique des principaux
membres de ces organisations. Ce facteur a en effet abouti à une
convergence des modèles économiques utilisés par ces deux
institutions et donc à un rapprochement des techniques employées.
Cette convergence générale s'est traduite par un plus grand
besoin de collaboration de la part des institutions de Bretton-Woods tant pour
préserver leur existence que pour assurer la cohérence et
l'efficacité de leurs actions. Cette collaboration progressive, au fur
et à mesure de leur convergence, a abouti à la mise en place de
l'ajustement structurel, tout d'abord de façon séparée
puis commune. Cependant, même si cette collaboration est
indéniablement un point positif, elle a aussi engendré un
déséquilibre dans la relation entre les deux organisations et
donc un biais dans la cohérence des programmes.
Une fois cette dimension institutionnelle
appréhendée, il faut étudier la coexistence des deux
conditionnalités au sein des programmes communs. Pour cela, il faut
s'intéresser tout d'abord à leurs différences et
similitudes tant juridiques qu'économiques. Au niveau juridique, la
différence marquante est le cheminement des historiques de chacune des
conditionnalités. C'est en effet le FMI qui est à l'origine du
concept de conditionnalité et qui l'a formalisé depuis les
années 50. La Banque, par contre, n'a utilisé cette technique que
beaucoup plus tard quand elle est passée d'une logique projet à
une logique programme notamment avec l'ajustement structurel. Il faut donc
étudier la création de la conditionnalité dans le FMI et
analyser comment elle a pu se propager à la Banque Mondiale et comment
les deux conditionnalités s'articulent entre elles. Ensuite, au niveau
économique, les conditionnalités sont les vecteurs d'une
même idéologie néo-libérale qui est la base de
l'ajustement structurel et de son modèle de développement.
Cependant, c'est concernant l'application de ce modèle qu'apparaissent
les différences. Deux des conséquences de la collaboration ont
été le partage des tâches et le déséquilibre
dans la relation. Cela a abouti à des différences de mise en
oeuvre des conditionnalités en tant qu'instruments de politique
économique. Il faut donc étudier l'adéquation de cette
séparation des tâches et son influence sur l'efficacité
globale du programme, et donc sur la cohérence interne de la double
conditionnalité.
Chapitre I : La
cohérence institutionnelle
La question de la cohérence interne passe
inévitablement par l'analyse de la relation entre les deux institutions
de Bretton-Woods. Comment, en effet, des organisations distinctes aux objectifs
séparés ont pu se retrouver engagées dans le même
champ d'action, puis dans des programmes communs, tout en gardant chacune
leurs spécificités et en assurant la cohérence de ces
programmes ? L'étude des évolutions du Fonds et de la Banque
permet d'expliquer, en partie, la convergence du champ d'action. Le cheminement
chaotique de l'économie et des relations politiques au cours du dernier
demi-siècle a achevé l'ordre de Bretton-Woods et
entraîné une auto-redéfinition des compétences de
chacune des organisations. C'est cette redéfinition sous contrainte de
disparition qui a amené le Fonds comme la Banque a s'orienter vers les
seuls pays qui pouvaient avoir besoin de leur aide, c'est à dire les
pays en développement. C'est ensuite l'idéologie dominante du
néolibéralisme, consolidée dans les années 80 par
les changements de gouvernements anglais et américain, qui a aboutit
à une convergence en termes de technique d'aide à ces pays au
travers du développement de la doctrine de l'ajustement structurel. Ce
rapprochement s'est traduit par une plus grande relation entre les institutions
de Bretton-Woods afin à la fois de préserver leur rôle et
d'assurer une certaine cohérence à leur action.
C'est ce cheminement qui est à l'origine de
l'apparition de la double conditionnalité. En effet, le Fonds et la
Banque étaient déjà liés structurellement depuis
leur création mais leur convergence a entraîné un
approfondissement de ces liens. Afin d'éviter un doublon intégral
et la possibilité d'une fusion, les deux organisations ont
néanmoins cherché à garder une certaine
spécificité en tentant de définir leurs compétences
propres et de créer une complémentarité de façade
au travers d'un processus de collaboration. Mais aucune relation
n'étant parfaite, il est apparu assez vite une sorte de
déséquilibre dans la collaboration. Le FMI a, en effet,
profité de sa magistrature d'influence pour prendre le "leadership" de
l'ajustement structurel au niveau de la définition des programmes
plaçant ainsi la Banque dans un carcan programmatique tout en profitant
de sa puissance matérielle.
Section 1 : Des
institutions indépendantes
La conférence internationale monétaire de
Bretton-Woods en 1944 a donné naissance à deux organisations aux
objectifs distincts. Le FMI était en charge de la mise en place et du
contrôle d'un ordre monétaire stable alors que la BIRD devait
financer la reconstruction de l'Europe d'après guerre et aider au
développement. Les aléas de l'environnement économique et
politique ont entraînés une évolution du rôle de ces
deux institutions qui a abouti à un entrelacement de leurs domaines de
compétences. L'apogée de cette convergence des champs d`action et
des objectifs s'est traduit par la mise en place des programmes d'ajustement
structurel. Les institutions de Bretton-Woods se sont donc trouvées, au
travers de ces programmes, dans une même logique d'aide par la
modification des structures économiques et sociales et à
destination des mêmes pays. Cela a entraîné une plus grande
collaboration entre le Fonds et la Banque mais a aussi laissé
apparaître des divergences quant aux priorités de l'ajustement
structurel et des conditionnalités qui y sont attachées. En
effet, l'économie est un tout et il est impossible de séparer les
différents niveaux d'actions. Le Fonds et la Banque ont donc
été confrontées aux divergences consécutives aux
interactions réciproques de leurs programmes.
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