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La cohérence de la double conditionnalité des institutions de Bretton Woods

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par Cédric LAVERIE
Université Paris X - D.E.A. de Droit des Relations Economiques Internationales et Communautaires 2001
  

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Section 2 : La réalité des atteintes à la souveraineté

C'est au travers du biais de l'économisme que les institutions de Bretton Woods portent atteinte au respect de la souveraineté des Etats qui demandent leur aide. Et ces atteintes se situent à la fois dans le libre choix d'un régime et dans le libre choix de politiques. On se trouve donc dans le cadre d'un non respect des principes de non-discrimination et non-intervention. Mais ces deux dimensions sont liées car la double conditionnalité de par son étendue induit forcément une modification des structures du régime en place et crée en même temps un carcan dans lequel les politiques nationales doivent se placer. Il faut donc s'attacher à démontrer le processus par lequel l'économisme du Fonds et de la Banque est en fait une pression illégitime sur les gouvernements pour qu'ils modifient leur régime et adaptent leurs politiques selon les critères du consensus de Washington en échange de l'aide.

Paragraphe1 : Les atteintes au libre choix d'un régime

Les institutions de Bretton Woods se veulent neutres quant au régime intérieur des pays qui demandent leur aide. Cependant, l'ensemble des conditions que l'on retrouve le plus souvent dans les programmes d'ajustement structurel représente un véritable modèle de gouvernance économique. Un pays soumis à l'ajustement sera donc obligé d'adapter les structures de son régime au modèle du consensus de Washington. Cela revient, en fait, à conditionner l'aide à la modification du régime ce qui est en contradiction avec le principe de non-discrimination. Il faut donc déterminer comment, dans la pratique, la conditionnalité dans son ensemble permet sous couvert de technicité et de neutralité économique de forcer les pays à modifier leur régime politique, économique et social.

A. Intervention et discrimination dans le choix d'un régime politique

Comme on l'a vu précédemment, l'ajustement structurel est essentiellement composé d'un panier de mesures que l'on retrouve toujours et dont on a établi les liens avec le consensus de Washington. Il faut donc déterminer quels sont les systèmes politiques compatibles avec ces mesures. Au niveau du contenu démocratique du système, les institutions de Bretton Woods ont été et restent encore très tolérantes.

La Banque a, par exemple, continué à prêter à l'Afrique du Sud sous l'apartheid. De plus, on peut remarquer que ses prêts pour le Chili de Pinochet ont été assez importants alors qu'elle n'avait rien prêté sous la période d'Allende. Le même processus est visible au Brésil si l'on compare les prêts au gouvernement démocratiquement élu de Goulart et la période de dictature militaire qui lui a succédé.

Le Fonds, quant à lui, a suivi plus ou moins la même vision neutraliste en accordant son aide à des nombreuses dictatures tant en Afrique qu'en Asie ou qu'en Amérique Latine tout en oubliant parfois certains régimes jugés non acceptables par ses principaux bailleurs.

Il a, de même, continué à fournir une assistance financière (notamment en 1982) à l'Afrique du sud malgré la résolution de l'ONU. Il a cependant modifié sa vision en 1983 sous la pression des Etats-Unis en considérant que l'apartheid avait des conséquences économiques. En effet « the practice of apartheid results in severe constraints on labor and capital mobility and other highly inefficient labor and capital supply rigidities which contribute to balance-of-payments deficits in direct contradiction of the goals of the International Monetary Fund89(*) ».

On peut néanmoins remarquer que « seuls les pays jugés "politiquement corrects" par les créanciers sont admis pour un allégement. Cela signifie que des pays de la liste PPTE, comme par exemple le Soudan, n'auront pas accès à l'initiative (car il n'est pas un pays "ami") ... l'Ouganda, allié stratégique des Etats-Unis en Afrique, est le pays recevant les meilleures conditions d'allégement (c'est d'ailleurs le seul pays à être arrivé au terme de l'initiative début 2001) 90(*)».

Cette toute relative neutralité sur la dimension démocratique du système politique s'explique facilement par le fait qu'aucune des deux institutions de Bretton Woods n'a de compétences dans ce domaine. Cependant, il semble que cela soit aussi dû au fait que la démocratie ne soit pas encore un concept économique (bien qu'il tende à le devenir). En effet, Le Fonds exerce des atteintes au libre choix politique sur d'autres dimensions du systèmes qu'il proclame être économiques. Le FMI et la Banque, sous couvert de technicité économique, proposent des mesures qui prisent individuellement peuvent être justifiées par un certaine rationalité économique mais qui dans leur ensemble représentent une véritable orientation du système politique.

Les atteintes les plus flagrantes au libre choix d'un système politique sous couvert d'efficience économique sont les notions de décentralisation, de gouvernance et de lutte contre la corruption fréquemment employées par les institutions de Bretton Woods. Une dimension de la bonne gouvernance est le besoin d'un environnement économique sûr. Sous couvert de cette appellation économique, le FMI91(*) propose la remise en forme du système juridique (notamment sur la propriété et les contrats), l'amélioration de l'ordre c'est à dire la protection contre des menaces extérieures mais pas seulement vis à vis d'une possible menace militaire ou de racket mais aussi des menaces économiques et sociales. De même, il faut renforcer la crédibilité du gouvernement ce qui peut être traduit par le fait que le gouvernement doit instaurer les structures voulues par les investisseurs (Banque Centrale indépendante, signature d'accords sur la protection de l'investissement...). La modification du système juridique ou de structures comme la banque centrale est bien directement liée au régime politique choisi par l'Etat. Des pressions pour modifier ces aspects peuvent donc bien être considérées comme des atteintes au libre choix d'un régime politique et la réalisation de ces modifications comme un préliminaire à l'obtention de l'aide une atteinte au principe de non-discrimination.

On retrouve la même volonté de modification du système politique dans les documents de la Banque Mondiale. Cette dernière va même plus loin puisqu'on trouve dans ses thèmes officiels d'intervention92(*) : l'architecture du secteur public (allant de la structure du gouvernement et des attributions des ministères ou la reforme des législations sur les services publics), la corruption, la décentralisation, le fonctionnement des services publics.

* 89 J.J. Polak, "The Changing Nature of IMF Conditionality", OECD Technical Paper No. 41, août 1991, p29

* 90 A. Zacharie, « Les dix limites de l'initiative PPTE », http://users.skynet.be/cadtm/pages/francais/limitesppte.htm

* 91 FMI, « Toward a market economy : structure of governance », Working Paper WP/97/11, http://www.imf.org/external/pubs/ft/wp/wp9711.pdf

* 92 World Bank's Administrative and Civil Service Reform Website, http://www1.worldbank.org/publicsector/civilservice/index.html

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo