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La cohérence de la double conditionnalité des institutions de Bretton Woods

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par Cédric LAVERIE
Université Paris X - D.E.A. de Droit des Relations Economiques Internationales et Communautaires 2001
  

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Conclusion : L'avenir de la conditionnalité, des institutions de Bretton Woods et de la souveraineté

La double conditionnalité, tant dans sa dimension interne qu'externe, semble ne pas avoir atteint les objectifs pour lesquels elle avait été élaborée. Cela s'explique en partie par le fait que ces objectifs n'ont été que des « déclaration-écrans » censées dissimuler les véritables buts des institutions de Bretton Woods. L'objectif d'une plus grande coopération entre le Fonds et la Banque cache en fait une recherche de légitimité de la part du FMI. Ce dernier en effet, après l'effondrement du système monétaire au début des années 70 et le développement des marchés internationaux de capitaux qui ont permis aux pays développés de trouver une source de financement alternative pour leurs déséquilibres de balance des paiements, a du reconcevoir son rôle afin de préserver sa place dans le système économique et financier international. La sélection adverse due au développement des marchés financiers a entraîné, pour le Fonds, une limitation des ses «clients» potentiels aux pays en développement. Mais sa marge de manoeuvre était alors réduite car il risquait d'empiéter sur les compétences de la Banque qui, à l'époque, fonctionnait encore sur des postulats keynésiens qui semblaient incompatibles avec l'idéologie du Fonds. La solution est arrivée au début des années 80 avec la crise de la dette et la remise dans le «droit chemin» néo-libéral de la Banque après l'arrivée du gouvernement Reagan aux Etats-Unis. Cette nouvelle compatibilité idéologique a permis au FMI de commencer à intervenir dans les domaines réservés de la Banque, notamment grâce à l'apparition de l'ajustement structurel. Mais ce chevauchement s'est fait au détriment de la Banque dont l'influence a été limitée par la magistrature d'influence du FMI qui lui a fait perdre une grande partie de son contrôle sur les mesures économiques. Cet empiétement correspond à « une stratégie hégémonique qui consiste à élargir le plus possible son champ d'intervention au détriment de celui des autres institutions internationales 151(*)».

Cette coopération déséquilibrée a entraîné la propagation du concept de conditionnalité à la Banque, ce qui simplifiait la répartition des tâches dans l'élaboration des programmes communs. Néanmoins, les risques de chevauchement et de divergences entre les deux institutions n'ont pas été totalement éliminé par la mise en place de cette double conditionnalité. Et les conséquences de la persistance de cet état ont induit un manque de cohérence de l'action pour le développement des institutions de Bretton Woods. Le même constat a été fait par les auteurs du rapport Metzler qui réclament un recentrage du Fonds sur ces activités originelles et donc l'arrêt de tout chevauchement de son action avec celles des institutions de développement : « The IMF should cease lending to countries for long-term development assistance (as in sub-Saharan Africa) and for long-term structural transformation (as in the post-Communist transition economies). The Enhanced Structural Adjustment Facility and its successor, the Poverty Reduction and Growth Facility, should be eliminated. The IMF should write-off in entirety its claims against all heavily indebted poor countries (HIPCs) that implement an effective economic development strategy in conjunction with the World Bank and the regional development institutions152(*)».

De même, dans son nouveau rôle réduit, le Fonds devra renoncer à l'utilisation de la conditionnalité : « there would be no need for detailed conditionality (often including dozens of conditions) that has burdened IMF programs in recent years and made such programs unwieldy, highly conflictive, time consuming to negotiate, and often ineffectual 153(*)».

Ce rapport remet aussi en question le rôle de la Banque qui doit s'orienter vers les pays les plus pauvres n'ayant pas accès aux capitaux du secteur privé et sur la production des biens publics globaux (santé, environnement, infrastructures...) et non plus essayer d'imposer (par le biais de la conditionnalité) des mesures économiques inefficaces.

Il semble donc, en effet, qu'un recentrage des compétences de chacune des institutions de Bretton Woods soit le premier pas vers une action plus cohérente à la fois pour le développement et pour la stabilité du système financier international.

La double conditionnalité a été aussi mise en cause. Si le FMI se recentre sur ses fonctions premières de prêteur de dernier ressort à court terme, de statisticien mondial et de conseil en politique économique, il ne restera plus à priori de conditionnalité qu'à la Banque Mondiale. Mais cette dernière, ayant constaté l'inefficacité de la conditionnalité dans ses derniers rapports d'évaluation154(*), tente de trouver de nouvelles méthodes d'attribution de son aide. Une idée de remplacement est le concept de sélectivité : « Le thème de la sélectivité de l'aide a été mis en avant dans une étude préparée dès 1997 par David Dollar pour la Banque mondiale et qui a abouti à la diffusion d'un rapport au message politique fort en novembre 1998. Sous la problématique d'une évaluation de l'efficacité de l'aide internationale, le document propose de réserver les financements publics aux pays qui entreprennent des réformes et de seulement disséminer des idées et de stimuler le débat dans la société civile dans les autres pays, sans leur fournir d'apport financier. Le rapport préconise ainsi rien de moins que de supprimer toute aide financière aux gouvernements qui n'essaient pas véritablement de développer leur pays 155(*)».

Mais la simple modification de l'instrument qu'est la conditionnalité ne résout pas entièrement les incohérences. En effet, le contenu de la double conditionnalité peut être transférer vers d'autres vecteurs, et notamment dans ce nouveau concept de sélectivité. Ce dernier peut même se révéler encore plus incompatible avec les principes de protection de la souveraineté car il établit un véritable principe de discrimination. Néanmoins la détermination des critères de cette sélectivité reste à faire et ouvre la porte à l'introduction des droits de l'homme dans l'attribution de l'aide.

Andrea Koulaïmah-Gabriel a identifié dans un article sur le Niger et l'aide de l'Union Européenne quelques principes de cette sélectivité au niveau du contenu démocratique  :

· Ne pas prendre des processus démocratiques naissants pour des faits accomplis

· Identifier en commun les éléments essentiels d'un «contrat de démocratie»

· Combiner les critères de besoin et les critères de mérites

· Appliquer les critères de performance de manière flexible

· Adopter une attitude plus cohérente et responsable de la part des bailleurs de fonds

· Clarifier les modalités de suspension de l'aide

· Impliquer les partenaires dans la définition et le suivi des critères de performance156(*)

Ce nouveau concept peut apparaître néanmoins aussi comme un recyclage grossier d'une conditionnalité de moyens en une conditionnalité de résultat/performance. On retrouve ici aussi la combinaison des trois techniques que J.M. Sorel avait défini pour caractérisé la conditionnalité du FMI : les critères de réalisation, l'échelonnement et l'adaptation continue157(*).

De plus, on finit aussi par retrouver le dilemme sur l'ingérence et la souveraineté au travers du choix de ces critères et des risques qu'ils induisent. En effet, cette sélectivité devra être faite sur des critères « universels » et « rationnels » qui, comme on l'a vu, sont la base de l'hégémonie. On peut aussi entrevoir le problème de la hiérarchisation des critères entre les domaines économiques, sociaux et politiques pour déterminer l'attribution, la continuation ou la suspension de l'aide.

Comme au niveau de la cohérence interne de la double conditionnalité où le problème ne réside pas effectivement dans la forme de la conditionnalité mais plutôt dans le combat d'influence entre les institutions de Bretton-Woods quant à l'étendu du contenu de leurs conditionnalités respectives, le problème de la cohérence externe de la double conditionnalité ne réside pas non plus dans sa forme mais plutôt dans le contenu qui lui est donné. En effet, le problème actuel de l'aide au développement réside plus dans la prioritarisation des objectifs des bailleurs de fonds que dans le choix des vecteurs d'attribution de l'aide. Les conséquences économiques et sociales de la conditionnalité traditionnelle ne sont que le reflet du choix fait par les institutions de Bretton Woods de privilégier l'amélioration des grands équilibres macro-économiques et l'insertion des pays en développement dans le schéma néo-libéral du marché mondial.

Le dernier problème à résoudre est celui du dilemme intervention/souveraineté. L'attribution conditionnelle de l'aide est la base de ce débat car quel que soit le vecteur choisi, il existera toujours la question de l'influence des conditions sur la souveraineté du pays. Mais comme l'aide inconditionnelle ne semble pas avoir de très nombreux partisans, le dilemme n'a pas de solutions. Il faut donc faire un choix entre respect de la souveraineté et aide au développement interventionniste. Les pays en développement ayant besoin de cette assistance financière et les pays-bailleurs étant attachés à l'efficacité de leur aide (pour des raisons plus ou moins nobles), il semble que la souveraineté soit en passe, comme l'annonce B. Badie, de devoir modifier son contour, comme elle l'a déjà fait à travers l'histoire, afin que l'ingérence ne soit « plus en contradiction avec l'idée de souveraineté, dès lors qu'elle vise à restaurer les droits de l'homme ou à satisfaire les besoins fondamentaux de l'humanité 158(*)».

* 151 C. Chavagneux et L. Tubiana, « Quel avenir pour les institutions de Bretton-Woods ? Les transformations de la conditionnalité », Développement, Rapports du Conseil d'Analyse économique, 2000, http://www.ladocfrancaise.gouv.fr/BRP/004001728/0000.pdf, 01/11/2001

* 152 Rapport Meltzer, http://www.house.gov/jec/imf/meltzer.htm, 24/05/01

* 153 Ibid.

* 154 World Bank Operation Evaluation Department, «1999 Annual Review of Development Effectiveness: Toward a Comprehensive Development Strategy », http://wbln0018.worldbank.org/oed/oeddoclib.nsf/11d38e62c269811285256808006a0022/0bd1230e97bb5505852568420056a30f/$FILE/99ARDE.pdf, 01/11/01

* 155 C. Chavagneux et L. Tubiana, « Quel avenir pour les institutions de Bretton-Woods ? Les transformations de la conditionnalité », Développement, Rapports du Conseil d'Analyse économique, 2000, http://www.ladocfrancaise.gouv.fr/BRP/004001728/0000.pdf, 01/11/2001

* 156 A. Koulaïmah-Gabriel, « La suspension de l'aide comme sanction de la non-performance: L'Europe et les leçons de la crise nigérienne », http://www.oneworld.org/ecdpm/pubs/wp56_fr.htm, 01/11/2001

* 157 J.M.Sorel, « Sur quelques aspects juridiques de la conditionnalité du F.M.I. et leurs conséquences », European Journal of International Law, http://www.ejil.org/journal/Vol7/No1/art3.html, 22/02/2001

* 158 B. Badie, Un monde sans souveraineté. Les États entre ruse et responsabilité, Fayard, Paris, 1999, p107-08

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote