B. Des divergences dans la
convergence ?
L'ajustement structurel a été vu comme la
panacée, du moins jusqu'au début des années 90. Il est
apparu à cette période que les objectifs propres des deux
institutions n'étaient pas forcément réalisables au niveau
d'une politique commune.
Un premier biais se trouve au niveau du manque d'harmonisation
qui provient pour une large part de ce que l'adéquation entre la
politique au niveau macro-économique et la politique au niveau
micro-économique est difficilement réalisable à cause de
la connaissance insuffisante des rapports socio-économiques. En effet,
la prévisibilité des conséquences macro-économiques
sur les objectifs micro-économiques est très imparfaite (et
inversement). Cela est dû à l'utilisation, par le Fonds et la
Banque, de modèles mathématiques trop généraux et
donc trop restrictifs dans leurs hypothèses qui entraînent souvent
des corrélations erronées. De plus, l'information sur la
structure socio-économique des pays en développement,
indispensable à l'alimentation de ces modèles, est souvent
limitée du fait du manque de moyens de ces pays.
Il existe quelques exemples simples de ce
phénomène. Le FMI demande souvent la dévaluation de la
monnaie des pays en ajustement pour favoriser la compétitivité
des entreprises exportatrices. Cela semble être une mesure de bon sens
économique mais les résultats peuvent être contraire en
fonction de la structure socio-économique. En effet, la
dévaluation aboutit aussi à une augmentation des prix de produits
d'importation essentiels, pour l'agriculture par exemple, tels que les
pièces de rechange, les engrais et le matériel agricole, ce qui
peut porter un coup à la production locale et au développement
des capacités productives de ces secteurs qui peuvent être
prometteur pour l'action de la Banque. Il faut donc au préalable
connaître la structure du secteur et sa dépendance aux
importations, ce qui semble difficile à établir notamment dans
des systèmes d'agriculture familiale. Un autre exemple concerne la
privatisation des entreprises d'Etat ou parapubliques pour accroître leur
efficience et leur compétitivité. En effet, certains secteurs
(para)publics peuvent être gangrenés par une nomenklatura locale
proche du pouvoir dont les salaires ne sont en fait qu'une rente et où
l'entreprise n'a pas besoin d'être productive. Ces mesures sont donc
théoriquement souhaitables. Mais cette politique de privatisation peut
connaître des résultats inverses en remplaçant seulement le
monopole étatique par des monopoles privés. En effet, un certain
manque de transparence, que connaissent certains pays en développement,
peut aboutir à prendre des nouveaux investisseurs privés locaux
qui ne sont que la partie privée du pouvoir public en place. Il faut
donc ici connaître la structure socio-économique de la relation
entre le pouvoir politique et économique, ce qui semble également
difficile en raison du manque de transparence des organisations
hiérarchiques de certains pays en développement.
Ce biais pose des problèmes importants mais il
résulte uniquement d'imprécisions dans la programmation et ne
remet pas vraiment en cause la poursuite commune de l'ajustement structurel.
Un deuxième biais dans la convergence des objectifs des
deux institutions de Bretton-Woods est plus grave car il concerne des
divergences d'objectifs court terme - long terme.
Le démantèlement des services publics et de
l'investissement public par le FMI pour réduire les déficits
budgétaires (donc à court terme) peut entraîner des
conséquences négatives sur le développement de certains
secteurs économiques à potentiel (donc à moyen/long terme)
pour la Banque.
Par exemple, la privatisation des banques publiques
spécialisées dans certains secteurs et offrant des prêts
préférentiels ou encore le dégraissage dans les services
publics destinés à l'éducation ou à
l'investissement dans certaines structures peut amener à compromettre le
potentiel de ces secteurs.
Un autre exemple dans le sens inverse est la politique
productiviste basée sur les secteurs exportateurs prônés
par la Banque. En effet, de nombreux pays en développement sont
concurrents sur les mêmes secteurs de matières premières.
Et donc la logique productiviste de la Banque et la volonté de
conquérir des parts de marché incitent à une concurrence
internationale féroce qui amène inexorablement à des
baisses de cours de ces matières. Lorsque la baisse de cours est
proportionnellement plus grande que la hausse de production, ce qui arrive
souvent, les revenus d'exportations du pays diminuent et de là
même, la balance des paiements du pays se retrouve touchée.
On se retrouve donc ici devant une divergence grave entre les
objectifs des deux institutions.
La logique de développement de la Banque et la logique
de stabilité financière du Fonds, même
insérées dans l'idéologie commune du libéralisme ou
dans l'objectif commun de la réduction de la dette, montrent leurs
limites en terme de compatibilité. En tant que vecteur de ces objectifs,
les conditionnalités vont se trouver elles aussi tiraillées par
ces divergences ce qui explique que il existe vraiment une double
conditionnalité dans les programmes et non pas simplement une
conditionnalité conjointe.
Une solution à ce problème peut être bien
entendu une plus grande collaboration mais cela est il suffisant ?
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