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Populations et aires protégées en Afrique de l'Est

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par Gaspard RWANYIZIRI
Université Michel de Montaigne-Bordeaux III - DEA Géographie 2002
  

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2.3.2 Relations entre peuplement démographique et localisation des aires protégées

L'étude du rapport entre peuplement démographique et localisation géographique des aires protégées en Afrique de l'Est est très utile parce qu'elle va nous permettre, d'une part de bien distinguer l'impact de ce peuplement sur les espaces protégés, et d'autre part de disséquer les conséquences liées à la politique de conservation sur les populations riveraines de ces espaces.

2.3.2.1 Répartition géographique de la population

Pour R. Brunet et all. (op. cit.), l'Afrique orientale, c'est-à-dire région des rift valleys, « n'apparaît pas comme un bon axe d'organisation de l'espace, non plus un bon lieu de peuplement ». Si l'on regarde attentivement les cartes de distribution des densités (voir carte n° 4) en effet, on constate que sa topographie aurait même un caractère répulsif parce qu'à côté d'îlots de fortes densités se trouvent de vastes zones faiblement occupées. C'est notamment le cas des déserts et semi-déserts du Nord et de l'Est du Kenya ou la plus grande partie du Centre et Sud de la Tanzanie, où de vastes étendues sont à peu près vides d'hommes. Quant aux fortes densités, la principale concentration s'observe tout autour du lac Victoria, tant en Ouganda (pays Ganda et Soga), qu'au Kenya (pays Luo) et qu'en Tanzanie autour de Mwanza et Bukoba (Battistini R., op.cit.).

A part le pourtour du lac Victoria, les autres principaux noyaux de fortes densités correspondent à des régions de hautes terres: d'abord les hautes terres kenyanes, c'est-à-dire le pays Kikuyu à partir de Nairobi vers le Nord et vers l'Ouest, au pied des Aberdare et du Mont Kenya; ensuite viennent les hautes terres tanzaniennes à savoir les régions d'Arusha et de Moshi, respectivement au pied du Mont Meru et du Kilimandjaro dont les basses pentes méridionales et orientales sont intensément cultivées; et enfin il y a les hautes terres du Sud- Ouest de l'Ouganda où les fortes densités des pays Nyoro, Toro et Kiga se prolongent au Rwanda et au Burundi, sans oublier les montagnes du Kivu congolais.

Cependant, le Rwanda et le Burundi, le District de Kigezi au Sud-Ouest de l'Ouganda et les hautes terres du Kivu congolais constituent un ensemble hors du commun en Afrique de l'Est à cause de l'extension de ces zones de peuplement (Bidou J.E., 1994). Selon le même auteur, cette zone contraste avec les étendues de l'Ouest tanzanien et de la forêt congolaise de Maniéma mais aussi s'isole au Nord du reste de l'Ouganda par « un seuil de densités plus faibles en prenant en écharpe le Karagwe tanzanien et l 'Ankole ougandais. » Ceci nous aide à comprendre une opposition fondamentale dans la répartition des activités, si nette au Kenya et en Tanzanie, entre basses terres pastorales faiblement peuplées et hauteurs ou régions occidentales bien arrosées où l'agriculture trouve sa place.

En ce qui concerne l'origine de ces fortes densités dans les hauts reliefs kenyans et tanzaniens et les rivages lacustres ougandais, kenyans et tanzaniens (surtout les rives du Lac Victoria), deux principales explications sont données: l'une est liée à l'influence du milieu naturel, l'autre au rôle de refuge ( Bidou J.E., 1994 ; Brunet R. et all., 1994). Pour ce qui est de la première explication, R. Brunet et all. précisent que les seules conditions climatiques favorables (pluviométrie abondante) ne justifient pas la présence de ces fortes densités. A cela, d'autres éléments de l'écologie peuvent être soulignés, telle la meilleure qualité des sols d'altitude: l'abaissement des températures atténue l'agressivité des climats tropicaux, la

Carte n° 4 : Distribution des densités de population

décomposition chimique des roches est moins poussée, l'humus est moins vite détruit; de surcroît, sur les pentes, l'ablation rajeunit les sols, éliminant les horizons superficiels les plus appauvris.

Enfin, l'autre explication est celle qui est en rapport avec le rôle qu'on attribue à la montagne, celle-ci est en effet considérée dans de très nombreuses régions d'Afrique et même du monde comme un lieu de refuge lors des périodes de troubles (Bidou J. E., op. cit.), ce qui expliquerait d'ailleurs la présence de fortes concentrations de population sur de sites d'accès difficile et de défense aisée, tels les flancs des montagnes et les îles. Pour ce qui est des périodes de troubles en Afrique de l'Est, R. Brunet et all. (op. cit.) font allusion à ce qui s'est passé sur la côte est-africaine lors de la traite des esclaves qui, en dépit des efforts des Anglais et de leur marine, ne fit que s'amplifier à la fin du 19ème siècle. Contre elle, la seule arme fut le regroupement dans des sites aisément défendables, donc bien souvent des massifs montagneux.

En plus, il faut songer à la peste bovine et à l'épidémie de variole, aux différentes saisons de sécheresses, qui ont frappé les cultivateurs tout autant que les éleveurs en provoquant un mouvement général de repli où les agriculteurs tendirent à se rassembler dans les meilleurs terroirs et surtout dans ceux dont le climat était le plus sûr, donc les hautes terres. A part ces deux raisons, il faut ajouter que les ethnies bantoues du Kenya, en particulier les Kikuyu, les Kamba et les Lulia, avaient été refoulées vers les montagnes lors de la conquête de leur territoire par les Maasai venus du Nord (Huetz de Lemps A., 1998).

Quant à l'origine des fortes densités au Rwanda et au Burundi, plusieurs auteurs qui ont travaillé sur ces pays, dont P. Gourou (1953), précisent que ce phénomène est ancien, et qu'il s'explique en partie par la salubrité relative de ces hautes terres, mais aussi par « l'efficacité de pouvoirs politiques forts qui, en ces derniers siècles, surent assurer la paix intérieure et protéger les populations contre les agressions de l'extérieur » (Gourou P., 1953). Par ailleurs, les mentalités d'une société qui met en honneur les familles nombreuses dans ces deux pays expliqueraient aussi le maintien d'une forte natalité.

En définitive, il faut dire que tous ces noyaux de forte densité de population correspondent à l'implantation de tribus d'agriculteurs, à l'instar des Chagga sur les flancs du Kilimandjaro, les Kikuyu dans les hautes terres kenyanes autour du Mont Kenya, les Kiga du Sud-Ouest de l'Ouganda ou les paysans-agriculteurs des hautes terres rwando-burundaises, qui ont pu créer des types de paysages agraires souvent extrêmement élaborés.

Par contre, les régions à très faible densité de population comme le Nord de l'Ouganda et du Kenya (région située autour du lac Rudolf), l'Est du Kenya, restent le domaine de tribus à dominante pastorale comme les Kamarajong, les Turkana, les Galla et autres, et dans le sud- Ouest du Kenya et le Nord de la Tanzanie, les Maasai. Mais comme nous l'avons vu précédemment, ce contraste entre agriculteurs et éleveurs purs s'atténue progressivement vers l'Ouest, où la vie pastorale pure cède la place aux agri-éleveurs à dominante agricole des basses terres orientales du Rwanda et du Burundi, ou ceux du Sud de l'Ouganda (les Hima) et du Nord-Ouest de la Tanzanie (les Haya). Dans ces petites contrées, l'élevage extensif des années 70 a progressivement cédé la place à des groupes de ranchs (coté rwandais par exemple) combinant agriculture et élevage, de façon que les éleveurs purs soient aujourd'hui à compter du doigt.

En revenant sur le rapport entre peuplement démographique et localisation des aires protégées, nous constatons que toutes les formes topographiques d'occupation du sol (plaines faiblement peuplées ou hautes terres densément peuplées) avaient été aménagées en parcs nationaux ou en réserves analogues lors de l'implantation des premiers européens en Afrique de l'Est. Mais il faut noter que lors de cette délimitation un accent particulier avait été mis sur les zones basses où se trouvaient, non seulement une faune sauvage assez impressionnante, mais aussi là où les épidémies (trypanosomiase, peste bovine, variole,...) limitaient le nombre d'occupation humaine.

Cela se justifie d'ailleurs par les explications de l'ancien Vice-gouverneur du Ruanda- Urundi, puis directeur au sein de l'UICN dans les années 70, J.P. Harroy (1956), à propos de la création du Parc National de l'Akagera dans les savanes de l'Est du pays. Selon lui, rappelons-le, « les Belges avaient pris la décision de protéger une faune et une flore de l 'Akagera parce que ladite région était défavorable à l'occupation humaine, et qu 'à leur arrivée elle leur apparaissait moins peuplée. » Et pourtant, comme nous l'avons vu précédemment, ils ignoraient la présence de quelques chasseurs qui vivaient dans cette savane depuis des années.

Un exemple pareil est à signaler au Kenya et en Tanzanie, là où les savanes étaient depuis longtemps réservées à l'élevage extensif des pasteurs Maasai avant d'être délimitées en parcs nationaux par les Britanniques. Pour justifier cette opération, les colons anglais disaient que celle-ci était fondée sur les bases essentiellement sanitaires, en particulier dans la lutte contre la trypanosomiase car, selon eux, il semblait plus simple de « regrouper les hommes d'un coté et le gibier de l'autre que de gérer leurs interactions, pourtant millénaires. » C'est dans ce cadre que l'administration coloniale procéda à la création de plusieurs parcs nationaux et réserves de tout genre dans les savanes kenyanes (Tsavo, Maasai-Mara, Amboseli, etc.) et tanzaniennes (Serengeti, Réserve de Simanjaro, etc.).

Par ailleurs, il faut signaler que la délimitation des espaces protégés s'est étendue aussi dans certaines zones très peuplées des hautes terres. C'est le cas des zones protégées situées sur les hautes terres tanzaniennes (Monts Kilimandjaro et Meru), kenyanes (Monts Kenya et Elgon), ougandaises (Ruwenzori, Queen Elisabeth), et rwando-burundaises sur la Crête Congo-Nil. Lors de ces délimitations, les Européens avaient au départ un même objectif: protéger les espèces animales et végétales de haute altitude ou celles qui étaient en voie de disparition, à l'instar des Gorilles de montagne sur la chaîne des Birunga au Rwanda, mais plus tard les Anglais finiront par transformer une partie de ces terres en group-ranches en vue de constituer des « White Highlands » car selon eux, ces hautes terres, surtout les terres kenyanes, avaient un climat tempéré par l'altitude, semblable avec celui de l'Europe.

En définitive, il faut dire que la politique coloniale de délimitation des espaces protégés dans les zones habitées par les autochtones a eu beaucoup de graves conséquences sur ces habitants. En effet, ils ont perdu non seulement leurs terres ancestrales, mais aussi le mode de vie qu'ils mènent est devenu très difficile.

Conclusion de la première partie

Au début de leur création, les premières aires protégées étaient, pour la plupart, des zones dont seule une partie des multiples ressources pouvaient être exploitée. Donc la nature était soit sacralisée, à l'instar des forêts sacrées, soit dominée, c'est-à-dire qu'elle était au service de l'homme. Mais cette harmonie entre l'homme et la nature n'a pas duré car elle a vite cédé la place à une nature sauvée, c'est-à-dire là où l'homme est considéré comme un perturbateur. Cette tendance sera illustrée par la création, en 1872, aux Etats-Unis, du premier parc national, Yellowstone, dont l'une de ses caractéristiques essentielles était que cet endroit ne devait en aucun cas être habité ou exploité par l'homme.

Ce modèle américain a rapidement été adopté par les puissances européennes de l'époque qui, sous prétexte des accords et justifications de la création des aires protégées au niveau mondial, ont commencé à délimiter les espaces de ce genre dans les colonies. En Afrique orientale, cette politique coloniale s'est accompagnée par l'exclusion des populations autochtones dans leurs terres; ce qui a suscité de vives réactions à la fin des années 50-début 60 dans certains pays comme le Kenya et la Tanzanie de telle sorte que les populations exclues de leurs terres voyaient l'indépendance de leur pays comme leur avenir.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway