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Populations et aires protégées en Afrique de l'Est

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par Gaspard RWANYIZIRI
Université Michel de Montaigne-Bordeaux III - DEA Géographie 2002
  

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1.2 L'émergence des politiques différentes en Afrique orientale ex-anglaise

A l'instar de beaucoup d'autres fonctionnements politiques et sociaux de l'Afrique orientale ex-anglaise, la politique de conservation est aussi profondément marquée par le leg colonial et elle s'est élaborée en continuité avec cet héritage.

Tout commence assez vite au lendemain de l'indépendance de trois Etats au moment où les Britanniques parvenaient à redynamiser leur Communauté Economique Est-africaine faute de pouvoir créer, en raison des protestations africaines, une fédération politique qu'auraient voulu dominer les Anglais du Kenya. Il est normal que grâce à celle-ci, la machine anglaise continuait à marcher sans beaucoup de difficultés.

Cependant, ce poids des Anglais ne sera malheureusement que de courte durée car, au début des années 70, on verra monter l'influence des partis nationalistes, et surtout les divergences politiques entre le Kenya libéral, la Tanzanie socialiste, plus orientée vers la ligne de front australe contre l'Apartheid, et l'Ouganda en proie à l'anarchie depuis la venue au pouvoir du dictateur Idi Amin Dada; ce qui a entraîné la disparition de la communauté en 1977 et par voie de conséquence de la quasi-disparition de l'influence anglaise sur certains Etats. Mais parallèlement à ce changement politique, l'influence environnementale liée à la théorie de la tragédie des communaux gagnaient de plus en plus le terrain.

1.2.1 Opposition entre la politique libérale kenyane et le socialisme tanzanien

Si de sérieuses oppositions caractérisent les politiques kenyanes et tanzaniennes de conservation dès le début des années 70 suite aux idéologies politiques assez différentes, il faut noter cependant que l'héritage colonial caractérisé par la création des aires protégées en excluant les populations autochtones a été bien assumé dans les deux pays. Signalons en effet que cette opposition résidait à la volonté de Nyerere de centrer le développement sur la paysannerie tanzanienne tout en se débarrassant de toute ingérence idéologique de l'occident, alors que les autorités kenyanes, elles, avaient ouvert leur développement vers l'économie de marché, ce qui signifie qu'elles pouvaient bénéficier des investissements de l'occident.

Coté kenyan, la politique de conservation au lendemain de l'indépendance a été caractérisée par le durcissement des projets d'exclusion des peuples Maasai suite aux différentes décisions prises par le gouvernement kenyan au détriment de leurs droits fonciers. Ceci commence dans les années 1970 (et même avant) au moment où l'Etat décida d'étendre les parcs nationaux d'une part, puis de créer des proriétés privées sous forme de « group ranches » sur les zones de parcours de Maasai d'autre part.

Cette réforme foncière a permis au gouvernement en place de définir en sa faveur une gestion des espaces protégés du pays tout en excluant les populations locales. Ceci parce que dans la nouvelle loi (en rapport avec la mise en place des Group-Ranches) « on ne mentionnait nulle part la relation qui devait unir les pasteurs, les animaux sauvages et les zones protégées. » (Péron X., 1995) Ce qui voulait dire que les autochtones étaient déjà exclus de ces terres nouvellement conservées. En plus, en ce qui concerne les rapports rédigés sur la mise en place de ces Group-Ranches, les experts nationaux1 insistaient, eux aussi, sur la nécessité de généraliser le concept de parc national en réclamant même leur agrandissement au détriment des populations locales. C'est ainsi que la mise en pratique de cette loi des Group-Ranches entraîna la nouvelle expulsion des Maasai autour de la Réserve de Maasai- Mara, ce qui a permis dans la suite d'agrandir sa superficie.

Dans le même ordre d'idées et en vue d'affaiblir leur résistance, la réserve d'Amboseli est devenue parc national en 1977. Il faut noter que d'autres espaces protégés avaient été créés dans des circonstances similaires à l'instar de « Ruma National Park » en1966, le « Lake Nakuru National Park » en 1970, et dernièrement en 1995 le « Longonot national Park » (Dufour, C., 2001).

Aujourd'hui, les aires protégées kenyanes sont divisées en trois parties: d'abord les Parcs Nationaux ( réservés au seul usage touristique) qui couvrent 25.624 km2 dont 21.000

1 A majorité d'ethnie Kikuyu au pouvoir et qui s'opposaient à la vie pastorale des Maasai

Carte n° 6: Parcs et réserves du Kenya

km2 pour le seul Parc National de Tsavo (Est et Ouest); ensuite les Réserves Nationales (National Reserves), espaces pouvant faire objet d'une exploitation par l'homme à condition qu'elle ne mette pas en péril l'équilibre écologique. Elles couvrent 17.221km2 de la superficie nationale. Enfin, les Réserves de la biosphère (Biosphere Reserve), qui s'appliquent à 7.965 km2 de la superficie nationale incluant parfois parc ou réserve. Il s'agit en général des sites à grand intérêt scientifique placés sous l'égide de l'UNESCO.

Tous statuts confondus, ces espaces couvrent 44.359 km2, soit 7,6 % de la superficie totale du pays (Grignon, F. et Prunier G., op. cit.). Ils sont sous le contrôle du Ministère ayant l'Environnement et les Ressources Naturelles dans ses attributions et sont gérés soit par le « Kenya Wildlife Service: KWS », un organisme para-étatique semi-autonome créé en 1989 et qui s'occupe de tout ce qui est parc national plus quelques réserves, soit par les « Conseils Régionaux (County Council) » pour la plupart des réserves. Il faut noter que le KWS est surveillé de près par une multitude d'associations de protection de la nature, comme le W.W.F., l'UICN et autres, qui ont en général leur bureau régional à Nairobi.

Cependant, malgré ce potentiel touristique énorme, certains analystes font constater que la « manne » que procure le tourisme du pays est mal répartie entre les différents acteurs de la conservation. En effet, les bénéfices de cette activité ne sont pas bien utilisés « comme en témoignent l'état des pistes à l'intérieur des zones protégées ou bien la difficile survie des communautés vivant en bordure des sanctuaires. » (Dufour C., op. cit.) C'est ainsi que la politique de gestion de ces espaces a pris une autre orientation, depuis 1993, en se dirigeant, comme nous le verrons dans les chapitres suivants, vers les intérêts du développement local.

Comme nous l'avons déjà expliqué, cette politique de protection de la nature au détriment des intérêts de la population locale constitue pour le gouvernement kenyan un enjeu qui est à la fois économique et politique. D'une part l'entrée des devises dans la caisse de l'Etat lui permet de résoudre certains problèmes financiers qui ne manquent pas dans les pays du Sud, et d'autre part, le contrôle de l'espace habité par les Maasai en créant les espaces protégés est une bonne stratégie car il permet de diminuer le nombre de leur bétail et par voie de conséquence de réduire à néant leur principale source de résistance.

En ce qui concerne la politique post-coloniale de protection de la nature en Tanzanie, il faut dire que le gouvernement de Julius Nyerere, qui avait affiché au début un programme anticonservationniste dans le pays, a finalement bien suivi la politique laissée par les Britanniques, « se montrant même, à bien des égards plus royaliste que le roi, moins par démagogie qu'au nom des chiffres: la Tanzanie est une nation pauvre et l'indépendance politique et économique souhaitée par le Président passe par la rentabilisation des rares atouts qu'elle possède; on attend du tourisme qu'il finance le développement. » Baroin C.; Constantin F., op. cit.)

Pour mettre en pratique ce programme et afin surtout d'éviter que la gestion des zones protégées soit aux mains des seuls étrangers, à la différence du Kenya voisin, le nouveau gouvernement a créé un collège de formation spécialisée dans la conservation. Construit à Mweka, au pied du Kilimandjaro, toit de l'Afrique et symbole de l'indépendance tanzanienne « Uhuru », ce collège est devenu désormais l'un des fers de lance de l'industrie touristique du pays.

créées durant l'époque coloniale. C'est notamment la création des Parcs de Ruala et Mikumi en 1964, le Parc de Gombe en 1968, celui de Tarangire en1 971, les Parcs de Kilimandjaro et de Katavi respectivement en 1973 et en 1974 ou tout simplement le Parc national d'Arusha créé sur des terres qui appartenaient depuis plusieurs années aux communautés blanches avant l'indépendance. Parallèlement, de nouvelles réserves de chasse sont établies, comme la Réserve de Maswa au Sud-Ouest du grand Serengeti, ou les réserves de Rungwa et de Kisigo en bordure du parc de Rwaha, etc.

Pour ce qui est de la situation des Maasai, il faut dire qu'elle n'est pas bonne parce que la perte de leurs territoires de parcours va en s'aggravant, « avec d'abord la transformation de la réserve de chasse de Tarangire en parc, puis en 1974, au sein du site de Ngorongoro avec l'interdiction d'utiliser pâturages, salines et points d'eau dans les cratères de Ngorongoro, d'Empakai, et d'Olmoti. » (Baroin C. et Constantin F., op. cit.) A partir de là, le calvaire des Maasai s'enchaîne puisqu'ils ont été contraints d'aller exploiter des terres hostiles à leur activité pastorale ou de se contenter de leurs petites parcelles situées au bord des aires protégées.

En peu de mots, les autorités tanzaniennes ont tout fait pour que les Maasai s'éloignent de bonnes terres du pays car leur activité est en opposition au principal objectif du Président Julius Nyerere, à savoir « centrer le développement du pays » sur les activités agricoles et non sur l'élevage traditionnel comme celui des Maasai, jugé par les autorités tanzaniennes comme improductif. En vue d'écarter ces populations, le gouvernement tanzanien a mis en place dès 1975 une politique de création des villages permanents « livestock development villages », ce qui a permis de privatiser toutes les terres qui appartenaient aux Maasai en les transformant en group-ranches.

Face à cette nouvelle problématique, les spécialistes de la conservation dans le pays affirment que cette politique des autorités tanzaniennes est totalement différente de celle de leurs anciens maîtres. En effet, « alors que les Anglais avaient toléré la présence des pasteurs dans les sanctuaires tant qu'ils demeuraient en leur état de '' sauvagerie primitive'', comme survivance remarquable des temps édéniques. », les nouvelles autorités tanzaniennes ont, quant à elles, un projet de les « civiliser » afin d'éviter qu'ils présentent aux yeux des étrangers une mauvaise image d'un pays pauvre. Ce qui n'est pas le cas au Kenya voisin, là où la civilisation des peuples Maasai est une idée qui remonte du temps de la colonisation.

A l'heure actuelle, on remarque que le gouvernement tanzanien commence à prendre au sérieux le problème des Maasai. En effet, depuis les années 80, les projets d'expropriation nécessitent désormais des compensations financières. En outre, l'analyse de ce problème à l'échelle internationale commence à attirer l'attention de beaucoup d'acteurs nationaux et internationaux, d'où quelques tentatives des projets de conservation qui font appel à la participation de ces populations longtemps exclues de leurs terres ancestrales.

Tout en ignorant les problèmes de manque de terres de la population expulsée lors de la création des aires protégées, à majorité d'ethnie Maasai, la Tanzanie compte aujourd'hui 39 espaces protégés, toutes catégories confondues, soit 14,6% de la superficie nationale (World Bank, 2001) La gestion de ces espaces et de la faune est centralisée au Secrétariat d'Etat de la vie sauvage (Wildlife Division, Ministry of Lands, Natural Ressources and Tourism) dont dépendent le TANAPA ( Tanzania National Parks) qui gère plus spécialement les parcs et la NCAA( Ngorongoro Conservation Area Authority) qui gère le site protégé de Ngorongoro.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand