2.1.1.1 Potentialités et supériorité
de l'industrie touristique kenyane
Le Kenya est devenu un grand pays touristique grâce
à deux pôles d'attraction: la côte et ses plages de part et
d'autre de Mombasa et les parcs nationaux ou réserves analogues dans les
hautes terres et les savanes de l'intérieur. Au cours de ce travail,
nous allons nous intéresser seulement au tourisme qui se fait dans les
aires protégées terrestres de ce deuxième pôle
d'attraction.
Le développement de cette industrie s'explique, d'une
part par la variété et la beauté des paysages de ce pays,
et surtout par la richesse de la faune de grands animaux que l'on peut venir
observer dans un grand nombre de parcs et réserves (une cinquante
environ sur 8 % de la superficie totale du pays), et d'autre part par la
politique libérale choisie par ce pays, qui lui permet de
bénéficier, depuis l'indépendance, de gros investissements
de l'occident développé.
L'historique de l'évolution touristique commence
réellement au lendemain de la seconde guerre, en 1948, au moment
où les trois territoires est-africains alors sous la couronne
britannique (Kenya, Ouganda et Tanganyika), se partagèrent les
différents services. Ceux-ci furent essentiels pour le fondement de
l'industrie touristique car ils regroupaient toutes les infrastructures de base
pour le transport des touristes, comme la Société Est-africaine
des chemins de fer et des transports maritimes, la Société
Est-africaine des transports aériens, celle des Postes et
Télécommunications, de l'Immigration et des douanes. De
surcroît, les autorités coloniales s'attachèrent à
mettre en place des mesures législatives de gestion des aires
protégées et du tourisme (Dufour C., op. cit.).
Dans les années 50, trente à quarante mille
visiteurs se rendirent par an au Kenya. Ce chiffre était en
général lié aux changements qui s'effectuaient en Europe
occidentale en matière du travail. En effet, les conditions du travail
(la législation) commençaient à s'améliorer de
telle sorte que les droits et les intérêts des travailleurs
étaient de plus en plus reconnus et protégés. C'est ainsi
qu'à travers l'Organisation International du Travail, une grande partie
de la communauté des travailleurs accéda aux congés
payés et au droit de se déplacer vers les pays du Sud, surtout
vers leurs colonies. Mais il faut préciser ici que ce privilège
ne concernait bien sûr que quelques familles aisées comme c'est le
cas même aujourd'hui pour ce qui est du tourisme à
l'étranger1.
Après l'indépendance, la situation est devenue
très favorable car le nombre de touristes s'élevait de 61.352
à 117. 000 en 1967. Depuis les années 1970 jusqu'à nos
jours, les aires protégées kenyanes ont connu un flux de
mouvements touristiques sans précédent. Comme conséquence,
le nombre des touristes est passé de 421.000 en 1976 à 804.000 en
1991. Ce qui est énorme par rapport à ce qui se passe dans les
autres pays de l'Afrique orientale où les problèmes
d'insécurité ou d'orientations économiques mal choisies
entravent le développement de ce secteur.
Par ailleurs, il faut signaler que l'époque de
l'indépendance s'est caractérisée aussi par la croissance
du nombre d'infrastructures d'accueil. En effet, 5.840 lits étaient
recensés en 1963 contre 42.000 lits en 1988. Ce qui montre que le
dispositif hôtelier devient de plus en plus puissant au fur et à
mesure que le pays se dote d'autres moyens pour attirer le plus grand nombre de
touristes. On pense ici à la construction des routes,
l'amélioration de la sécurité dans les parcs, la
création des agences de tourisme, etc.
Tous ces efforts ont fini par payer parce que le tourisme
représente la première source de devises du pays, avant le
thé et le café, et que son évolution reste satisfaisante
depuis l'époque coloniale jusqu'à nos jours, même si les
professionnels du tourisme affirment que les attentats du 11 septembre 2001 aux
Etats-Unis commencent à freiner le déplacement des occidentaux
vers les pays du Sud au profit du tourisme de proximité,
c'est-à-dire à l'intérieur du pays ou dans les pays
voisins.
1 Tourisme à l'étranger= tourisme
à l'extérieur du pays par opposition au tourisme de
proximité
Tableau n° V: L'évolution du tourisme
international au Kenya (1946-1991)
Année
|
Nombre de visiteurs
|
Revenues annuelles en millions de K pound
|
1946
|
16.090
|
-
|
1956
|
40.460
|
4,20
|
1966
|
106.520
|
12,10
|
1976
|
426.200
|
41,10
|
1986
|
604.000
|
250,00
|
1989
|
730.000
|
432,00
|
1990
|
801.000
|
530,00
|
1991
|
804.600
|
594,00
|
Source: Wildlife conservation and tourisme in
Kenya; D. Musili Nyeki, Nairobi, 1999 ( repris par C. Dufour, op. cit.)
En outre, il participait à hauteur de 3,1 % du PIB du
pays en 1979 et 4,1 % en 1984; sans oublier le nombre de personnes qui
travaillent dans le secteur touristique (agences de voyages, restaurants et
hôtels,...). En 1977 par exemple, il était estimé à
62.600 et en 1990 ce nombre dépassait 100.000 personnes. Aujourd'hui, on
recense plus de 200.000 salariés qui travaillent dans l'industrie
touristique kenyane.
Comme nous l'avons signalé au début, ce
succès est lié, d'une part à une relative réussite
libérale de développement depuis l'indépendance, et
d'autre part à une stabilité politique qu'a connu ce pays par
rapport aux pays voisins, sauf la Tanzanie, malgré les problèmes
rencontrés ces dernières années par le régime du
Président Arap Moi tels les revendications démocratiques au
début des années 1990, la crise de la croissance
économique de ces dernières années, les élections
tronquées à plusieurs reprises selon les partis d'opposition,
conflits ethniques, etc.
Malgré ces petits problèmes, le Kenya est
aujourd'hui considéré comme le pays préféré
par les touristes étrangers même s'il doit faire face, dans les
jours à venir, à concurrence farouche du tourisme tanzanien en
pleine résurrection. Mais il faut signaler que ce succès a
été atteint au prix des populations locales, chassées de
leurs terres lors de la création des aires protégées, ce
qui est à la base de l'éclatement de certains problèmes
fonciers dans le pays.
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