WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Populations et aires protégées en Afrique de l'Est

( Télécharger le fichier original )
par Gaspard RWANYIZIRI
Université Michel de Montaigne-Bordeaux III - DEA Géographie 2002
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

2.1.2 L'analyse de l'impact de la politique de conservation sur les structures socio-culturelles des populations

Outre les bénéfices économiques, scientifiques ou considérations récréatives, certains disent que les aires protégées ont également des avantages d'ordre social et culturel et qu'elles constituent par-là une autre explication de leur création en Afrique orientale. Dans ce contexte, les défenseurs de cette logique précisent que le tourisme constitue un vrai moteur de cette nouvelle justification au travers le choc culturel qui se crée entre les touristes (ayant beaucoup d'argent) et les populations locales (souvent dépourvues d'argent) et dont tirent profit ces populations. Cependant, il sied de signaler que cette logique n'à rien voir avec la réalité si l'on est au courant de ce qui se passe aux alentours des espaces protégés où les populations expulsées de leurs terres mènent une vie précaire depuis le développement du tourisme dans la région.

2.1.2.1 Le mépris à l'égard des modes de vie des acteurs locaux

Si on regarde un peu en arrière, on constate que les populations locales ont été chassées de leurs terres dès la première implantation des premiers européens en Afrique orientale. Au cours des années qui ont suivi les indépendances jusqu'à nos jours, leur situation de précarité ne cesse de s'aggraver malgré le développement de l'industrie touristique dans la région, ce qui signifie, pour ces populations, que les deux pouvoirs n'ont rien fait pour assurer leur intégration socio-économique et culturelle. Au contraire, les autorités coloniales et post-coloniales n'ont cessé de manifester leur mépris à leur égard. Considérées comme « indigènes » par les colonisateurs en effet, elles sont devenues « traditionnelles » après les indépendances, au sens souvent « de figées, peu enclines aux changements, parfois même ?primitives? par leurs rites sociaux, leur mode vestimentaire ou leur habitat. » (Dufour C., op. cit.)

En faisant un commentaire sur le cas des peuples Maasai du Kenya, X. Péron (1994) explique l'origine de cette polémique. Selon lui, « la lutte opposant depuis près d'un siècle les Maasai à l 'Etat moderne est particulièrement représentative de la domination de l'idéologie occidentale dissolvant une culture unitaire où la terre, don de Dieu, sert à la reproduction de rapports sociaux égalitaires, et lui substituant un mode de vie individualiste, fondé sur le culte de la consommation, une certaine idée de la rentabilité, l'obsession de la croissance techno-économique, et où la terre devient marchandise. »

Il faut rappeler que cet objectif de « civilisation » du peuple Maasai remonte au début du 20ème siècle au moment où les Britanniques considéraient les Maasai comme des peuples « barbares »1, contrairement aux peuples qui ont une « culture » c'est-à-dire les « civilisés ». Dans ce contexte, les peuples qui n'avaient pas de « culture », c'est-à-dire les Maasai, devaient céder leurs terres de parcours à des populations ayant une civilisation (les Européens) ou à d'autres peuples agriculteurs (les Kikuyu et autres) afin que ces terres soient mises en valeur selon le modèle occidental d'exploitations des ressources. En pratique, cette idéologie a été caractérisée par la création des aires protégées et les group-ranches, ce qui a entraîné le rejet des Maasai dans les zones hostiles à l'élevage.

Arrivés au pouvoir au lendemain de l'indépendance, les nouveaux responsables du pays (à majorité originaires des milieux agricoles) ont épousé la même logique afin de « briser la société traditionnelle Maasai » qui, selon eux, pratiquent un pastoralisme destructeur et inefficace, bref nuisible à l'environnement du pays. Il faut rappeler qu' « au lieu d'être reconnu pour leur remarquable savoir-faire dans l'art de façonner l'environnement pastoral favorisant l'épanouissement de la faune sauvage en même temps que la survie de leur bétail, les Maasai n'ont pas cessé d'être prisonniers du cliché mondialement célèbre de « guerriers buveurs de sang », cliché repris par les nouveaux dirigeants, au détriment d'une réalité devenue au fil des années de plus en plus complexe. » (Péron X., 1995)

En dehors des Maasai, l'autre exemple moins connu mais très pertinent est celui de la vie des Batwa forestiers du Rwanda, tel que décrit et commenté par J.B.Mbuzehose (1999). Selon ce dernier, ces populations font partie de la société rwandaise, mais leurs pratiques ne sont pas bien comprises par les communautés non-Batwa (les Tutsi et les Hutu)2. De surcroît, vivant de la cueillette et de la chasse en milieu forestier, les Batwa forestiers sont, depuis l'époque coloniale, victimes de la logique occidentale de protection de la nature. En effet, la course à la rentabilisation a poussé plusieurs acteurs (Etat, particuliers, ONG de protection de la nature, etc.) à se disputer le droit d'usage des ressources des zones de marge qui, jusqu'à l'arrivée des Européens, étaient réservées aux Batwa forestiers et autres populations riveraines de ces zones. Comme conséquences, ils sont aujourd'hui dans une situation très difficile et leurs chances d'être réintégrés sont très minces vu la situation actuelle de la politique de conservation dans ce pays.

Notons enfin qu'une situation pareille existe ailleurs en Afrique orientale où les intérêts des pouvoirs publics écrasent sans pitié ceux des acteurs locaux au seul nom de la protection de l'environnement. Le cas des populations déplacées au Burundi et celui de Iks du Nord de l'Ouganda en sont des exemples concrets.

1 C'est-à-dire peuple à l'état de nature sauvage

2 Selon la nouvelle politique de réconciliation en place au Rwanda, cette notion d' « ethnie » est à oublier afin d'éradiquer les problèmes de haine, d'où nous l'utilisons avec beaucoup de réserves

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon