2.2.1.2 Cas de la Forêt naturelle de Gishwati
Lors de sa première protection officielle en 1933, la
Forêt naturelle de Gishwati, 280km2 dans les années 70,
avait comme principal objectif d'être une « réserve
naturelle ». Mais au fur des années cet objectif a
été sérieusement compromis suite aux agressions continues
des agriculteurs et des éleveurs.
La régression de cette forêt se justifie d'abord
par le fait qu'elle soit située dans une région très
densément peuplée. En effet, tous les districts (anciennes
communes) qui lui sont riverains ont une densité brute supérieure
à 400 habitants/ km2 à l'exception du seul district de
Rutsiro de l'actuelle préfecture de Kibuye au Sud avec moins de 400
habitants/ km2 (Twarabamenye, E.; Marara K., 1997).
En plus, il faut dire que certaines activités, à
la limite ou à l'intérieur de la réserve, ont
réveillé les convoitises des agriculteurs de la région.
C'est le cas d'une amputation officielle d'une grande portion de son flanc Est,
effectuée dans les années 70. Il faut noter ensuite, le projet
G.B.K1 de la Banque Mondiale qui a mené quatre actions
successives: déboisement et déssouchage d'un espace
considérable à l'intérieur de la forêt, pour la
culture de pommes de terre sur le sol ainsi libéré, plantation de
Kikuyu grass ensuite sur le même sol, cette fois destiné
à l'élevage bovin et enfin plantation de résineux sur les
bords des endroits déboisés. C'est d'ailleurs à partir de
ce moment que les incursions de la houe dans la forêt se sont
montrées de plus en plus dévastatrices.
1 Projet G.B.K: Gishwati-Butare-Kigali (zones
d'intervention du projet)
Enfin, la dernière phase, sans doute la plus fatale,
est celle du rapatriement des anciens réfugiés de 1959, en 1994,
qui a été l'occasion de faire d'une partie de cette forêt
un site officiellement habité (voir figure n° 1). L'Etat ayant
ouvert la vanne du coté de Kijote (ancienne commune de Nkuli,
préfecture de Ruhengeri), la population a profité de la
brèche pour déboiser massivement de sorte qu'à
présent on peut dire de la forêt de Gishwati ce que l'on a dit de
la forêt de Mukura.
Au début de cette décision massive, les
autorités locales n'ont pas du tout songé sur les destructions
massives qu'allait entraîner cette déforestation sur des sols
forestiers, peu épais, installé sur du granite et des pentes
raides. Les effets sont venus quelques années après, plus
précisément l'an dernier (octobre-novembre) et même cette
année (mois de mai) où on a assisté à des
glissements de terrain sur de vastes étendues, entraînant beaucoup
de morts dans la région: 4 personnes en novembre 2001 et plus de 20
personnes au mois d'avril dernier, sans oublier les cultures de pomme de terres
inondées et même des maisons endommagées (voir les figures
n° 1 et 2).
Figure n°1:
Agglomération (Umudugudu) de Kijote au pied du flanc Nord de la
forêt de Gishwati
Figure n° 2: Glissement
de terrain sur le flanc Nord de la Forêt naturelle de Gishwati (novembre
2001)
En somme, on peu dire que la pression démographique, de
plus en plus croissante dans les pays d'Afrique des hautes terres, est
considérée comme l'un des dangers qui risquent de compromettre
l'avenir des espaces protégés. Avec plus de 300 habitants/
km2, et où toutes les collines sont cultivées jusqu'au
sommet, le Rwanda, l'un des pays densément peuplés de cette zone,
offre un bel exemple de ce qui risque de se reproduire partout ailleurs.
|