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Populations et aires protégées en Afrique de l'Est

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par Gaspard RWANYIZIRI
Université Michel de Montaigne-Bordeaux III - DEA Géographie 2002
  

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2.2.2.2 Famine et misère liées à la dépossession territoriale: cas des Iks du Nord de l'Ouganda

Comme nous l'avons vu précédemment le peuple « Iks » est un petit groupe de chasseurs isolés dans les hautes terres du Nord-Est de l'Ouganda, entre la chaîne de montagne qui sépare ce pays du Kenya et le Mont Murungolé sur le flanc oriental duquel se trouve le parc national de Kidepo où ils ont été chassés par l'administration coloniale anglaise dans les années 60 (Turnbull C, op. cit. ; Tamisier J C, op. cit.).

Avant leur expulsion, la vallée de Kidepo (au pied du Morungolé), était leur principal territoire de chasse et de cueillette, s'étendant sur quelques centaines de Km2 et presque entièrement enclos par Morungolé au Sud et à l'Est, les montagnes Didanga au Nord et les montagnes Niangéa à l'Ouest. C. Turnbull (idem) précise que ces populations sont les meilleurs conservateurs sachant exactement ce qu'ils peuvent consommer, où, et à quel moment. Selon le même auteur, le chasseur « Ik » pense peu au lendemain car il est toujours assuré de trouver sa subsistance au jour le jour dans un territoire qu'il connaît mieux que personne, et qu'il n'essaie pas de dominer. Pour cette société, rappelons-le, le fait de tuer est toujours considéré comme un crime, comme une sorte de péché contre la loi de Dieu et ils ne le font qu'après avoir effectué de longues distances de migrations afin que les troupeaux d'animaux puissent se reconstituer.

Tout cela explique que l'environnement est invariablement l'élément central qui lie les individus les uns aux autres au sein de cette société, ce qui leur donne un sentiment d'identité commune; c'est donc le pivot autour duquel tourne la vie de tous. Ceci est vrai dans le sens que l'environnement fournit ce qui est nécessaire pour ce peuple: nourriture, abri, vêtements; et souvent, on lui attribue une espèce d'existence spirituelle.

Malheureusement cette harmonie n'a pas trop duré parce que depuis 1962, à la veille

de l'indépendance ougandaise, les Iks se sont vus privés de leur territoire d'approvisionnement en gibier, la vallée de Kidepo, par la décision de création du parc national qui porte le même nom. Dès lors, ils ont été transformés en agriculteurs sédentaires mais l'adaptation à ce nouveau mode de vie, dans un environnement de sécheresses fréquentes, a été extrêmement très précaire.

Cette déconnexion du milieu de vie a eu bien sûr des conséquences graves sur l'organisation de la société Iks parce que cette vallée était en même temps un territoire où ils pouvaient trouver facilement de quoi manger mais aussi celui sur lequel ils avaient construit leurs huttes, d'où l'arrivée de la famine au sein de toute la société, de telle sorte qu'en 1964, l'année où l'ethnologue anglais Colin Turnbull les rencontra, ladite société lui paraissait en pleine décomposition.

Dans son célèbre ouvrage «The mountain People », publié en 1972 (traduit en français en 1987), les Iks sont décrits « comme un peuple sans sentiments ni liens sociaux, chez qui l'individualisme et la cruauté gratuite se sont d'abord imposés comme moyen de survivre à la famille, puis sont devenus un mode d'être habituel. »

Chez les Iks toujours, les enfants volent la nourriture jusque dans la bouche de leurs vieux parents, et pire encore, les mères se réjouissent de ce que leur enfant tombe entre les griffes d'un léopard ! Tout ceci montre que cette société vivait (ou vit) une situation matérielle, alimentaire et culturelle exceptionnellement pénible.

Au regard de cette situation inexplicable, les réactions de la part des Iks n'étaient pas nombreuses, sauf quelques actions de braconnage, parce que le Parc de Kidepo était sous la surveillance policière. Mais ce qui est sûr c'est que ce peuple était mécontent de ce qui s'est passé, la preuve est la photo prise par C. Turnbull selon laquelle un groupe d'hommes est assis ensemble entrain de regarder leur ancien territoire, devenu parc national, et selon l'auteur, ils se demandaient si réellement les animaux devaient être préservés alors qu'il y a des hommes qui mouraient de faim. Mais concrètement il faut penser aux différentes réactions traduites par les actes de braconnage qu'ils opéraient sur leur ancien territoire même si cela était en général l'affaire des responsables du parc. Au fait, il semblerait que les policiers sympathisaient assez souvent avec les Iks et qu'ils leur arrivaient de profiter de leur braconnage comme c'est le cas dans la plupart des espaces protégés de l'Afrique orientale.

Après l'étude de Colin Turnbull, il y a plus de trente ans, la communauté internationale commence à s'intéresser à leur mode de vie et surtout à leurs problèmes de survie. C'est dans ce cadre qu'un projet de biodiversité transfrontalier (financé par le PNUD) tente aujourd'hui de les associer à certains travaux de gestion des réserves forestières de la région. Un geste à louer parce ce projet prévoit d'entamer quelques contrats sociaux que pourront bénéficier ces populations (écoles, eau potable, etc.).

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