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Populations et aires protégées en Afrique de l'Est

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par Gaspard RWANYIZIRI
Université Michel de Montaigne-Bordeaux III - DEA Géographie 2002
  

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Troisième partie

L'AVENIR DES AIRES PROTEGEES EN AFRIQUE ORIENTALE: VERS UNE POLITIQUE DE CONSERVATION COHERENTE

Depuis la création des parcs et réserves en Afrique orientale au début du 20ème siècle, la politique coloniale et post-coloniale dans ce domaine a été caractérisée par le rejet de la société pour deux principales raisons: d'une part c'est l'expulsion des populations locales qui accompagne leur création, et d'autre part c'est que les bénéfices que procure le tourisme n'atteignent pas ces populations comme en témoigne la difficile survie des communautés vivant en bordure de ces espaces.

Face à ce problème, les solutions récentes convergent sur un même point: « trouver le moyen de préserver la nature tout en s'assurant que cette dernière contribue au bien-être des populations locales. » Nous allons donc nous attacher dans cette partie à faire le point sur l'état d'avancement et les réformes à faire afin que les aires protégées de l'Afrique orientale puissent être à la base du développement local.

Chapitre I

LA NOUVELLE POLITIQUE DE CONSERVATION COMME ELEMENT DE L'EVOLUTION SOCIALE

Après plus d'un demi-siècle d'une politique répressive au détriment des populations locales, les professionnels de la conservation ont finalement pris conscience qu'une meilleure politique dans ce domaine serait celle qui s'adapte à une société en pleine évolution, c'est-àdire une politique qui veille au respect des besoins et des droits des populations vivant à l'intérieur ou aux alentours des aires protégées. Bref, elle doit essayer de faire correspondre les objectifs de conservation à ceux de développement de la société.

1.1. Les principales approches de l'évolution de la politique de Conservation

Pour passer de l'ancienne gestion des parcs et réserves (inspirée en premier lieu par les concepts de l'écologie classique) à la forme actuelle de gestion de ces espaces, nous allons voir comment les conservationnistes se sont appuyés sur les sciences sociales, y compris la géographie, en vue de faire entrer la « valeur humaine » dans la nouvelle politique de conservation.

1.1.1 De l'écologie classique à la considération de la valeur humaine

Depuis plusieurs années, l' « écologie » a été considérée comme une science qui pouvait justifier les principes occidentaux de « séparation conceptuelle ancienne entre l'homme et la nature, entre la civilisation et la nature à l'état sauvage. » (Colchester M. (1996) A cette époque, les occidentaux considéraient la nature sauvage comme un lieu habité par les mauvais esprits et dont la conquête saisonnière (à travers la chasse) était seule activité qui pouvait s'y faire. En dehors de la chasse, cette nature sauvage était interdite à toute autre activité humaine.

En s'inspirant de cette logique liée à la culture occidentale traditionnelle, les scientifiques (surtout les écologistes) d'alors ont constaté que « la meilleure façon de protéger la nature consistait à séparer encore plus nettement l'homme de la nature et donc de créer les espaces naturels à l'état sauvage », un principe qui allait totalement à l'encontre des intérêts des populations locales puisque l'angle sous lequel ces écologistes envisagent la nature faisait allusion à leur expulsion. Les exemples sont nombreux mais celui de l'expulsion des Indiens Shoshone, Crow et Brackfoot, lors de la création de Yellowstone, est le plus significatif car il marque le début de l'élaboration des lois qui devaient dans la suite définir les caractéristiques essentielles du premier parc moderne au monde.

Depuis lors, la notion de « parc national » s'est étendue dans tous les continents et, avec elle, le principe préalable selon lequel, « pour être conservée, la nature doit être écartée des actions de l'homme. » Dans un document publié dans les années 1960 lors du 2ème congrès mondial des parcs nationaux, l'UICN abondera dans le même sens en définissant un parc national comme « une zone relativement étendue, où un ou plusieurs écosystèmes n'ont pas

été sensiblement altérés par l'exploitation de l'occupation humaine; où les espèces végétales et animales, les sites géomorphologiques et les habitats présentent un intérêt spécial du point de vue de la science, de l'enseignement ou de la recréation; ou bien où il existe un paysage de grande beauté. » (Colchester M., 1994)

Pour faire respecter ces nouvelles règles, l'UICN a fait appel aux plus hautes autorités des pays du Sud à adopter des mesures visant à prévenir et à éliminer le plus rapidement possible l'exploitation et l'occupation humaines et à imposer le respect des caractéristiques écologiques et autres qui déterminent une zone protégée. Ce qui a été vite fait (ou refait) puisque grâce à des campagnes menées par les associations de protection de la nature ou leurs interlocuteurs, plusieurs lois ont été votées à l'encontre, non seulement de la conception de la nature qu'ont bon nombre de populations autochtones, mais aussi à l'encontre du droit international par exemple les conventions 107 et 169 de l'Organisation Internationale du Travail.

Ces deux conventions stipulent en effet que les populations autochtones ont des droits reconnus tels que le « droit à la propriété collective de leurs terres ancestrales; à l'aménagement de leurs ressources naturelles sur leurs territoires, à l'exercice de leurs droits coutumiers et à être représentés par leurs propres institutions. » En outre, ces deux conventions ajoutent que ces populations ne peuvent pas être expulsées de leurs terres sauf dans des situations convaincantes. Là aussi, elles précisent que les concernés doivent être indemnisés en terres pour la perte de leurs territoires. Cependant, il a été constaté que ces droits ont été sérieusement négligés et violés par les projets de protection de la nature et mis en oeuvre par les Etats indépendants. Rappelons que ces derniers cèdent facilement, par le biais de l'aide financière, aux pressions des conservationnistes, ce qui a comme conséquence le refus systématique des droits fonciers des peuples autochtones.

En Afrique de l'Est, il faut rappeler que deux cas de ce genre de choses se sont produits, et restent des références de ce qui se passe (ou s'est passé) dans cette région. Le premier concerne l'expulsion des éleveurs autochtones Maasai dans le Parc national de Serengeti, l'oeuvre du professeur Bernard Garzimek qui a réussi à convaincre l'opinion internationale afin que cette dernière fasse pression au gouvernement tanzanien. Dans ses déclarations, il affirme qu'« parc national doit rester à l'état sauvage primitif pour être efficace. Aucun humain, pas même les populations locales, ne doit vivre dans ses limites. » Aujourd'hui, cette expulsion a entraîné de graves difficultés au sein de ces populations puisque ces derniers ont vu leurs droits d'accès aux ressources limités.

L'autre exemple est celui du calvaire des Batwa forestiers du Rwanda qui, en dehors de la loi du 26 avril 1974 relative aux modalités de leur expulsion dans les zones de marges du pays, ont subi, dès le début des années 1980, des effets de la campagne menée contre eux par la naturaliste américaine Dian Fossey dans le Parc National des Volcans. C'est d'ailleurs ce qu'affirme elle-même dans son ouvrage paru en 1984: « dans le Parc des Volcans, je découvris des Batwa... C'était des chasseurs... Ils récoltaient le miel sauvage. Leurs méfaits devaient avoir par la suite des répercussions notables sur mes activités. » (Fossey D., 1984; cité par J.B. Mbuzehose, 1999)

Par la suite, les Batwa furent exclus du parc pour laisser la liberté à ce chercheur. Après avoir contribué à la mise hors jeu des usagers locaux de la forêt, D. Fossey ne s'inquiétait d'ailleurs pas de l'avenir des Batwa qui ont vécu depuis des milliers d'années et qui étaient poussés dans la galère à cause des principes de l'écologie classique. Cependant, il

sied de signaler qu'il existe des autres exemples où des conservationnistes ou naturalistes sont sympathiques auprès des populations locales. C'est l'exemple de Jane Goodall de «Fundation Roots and Shoots » qui organise, de temps en temps, des journées de reforestation avec les écoliers tanzaniens dans la Réserve de Gombe en Tanzanie et leur explique l'importance de son travail et la pertinence de la conservation de la biodiversité (Baroin C., Constantin F., op. cit.).

Grâce à ces deux exemples, on constate que l' « approche écologiste classique » a donc tendance à renforcer les divisions existentes entre les communautés autochtones et les autorités administratives en aggravant l'aliénation et les conflits, au lieu d'envisager des solutions durables. A partir de là, les inconvénients peuvent être lourds pour la politique de conservation car la résistance des populations locales aux espaces protégés imposés se manifeste la plupart des fois par des actions ignobles telles que les feux de brousse, l'abattage des animaux sauvages ou le défrichement des forêts; d'où certains professionnels de la conservation se demandent si, à long terme, cette approche dure de la conservation de la nature atteint ses objectifs. Le plus souvent non, affirment les mêmes experts.

Selon toujours ces derniers, elle finit au contraire par renforcer un conflit social et politique qui entraîne, comme nous venons de le voir, une dégradation de l'environnement sans toutefois atteindre des objectifs des intérêts de la communauté internationale pour la conservation. Néanmoins, affirment-ils, l'Etat ne saurait être perdant étant donné que, même si les objectifs de conservation ne sont pas atteints, il peut réussir à accroître par la force sa capacité de gouverner, et par-là de contrôler les populations de son territoire comme on l'a vu pour le cas du Kenya.

Face à cette nouvelle problématique, les spécialistes de la conservation essaient depuis peu de trouver des approches plus appropriées qui prennent suffisamment en compte les besoins et les intérêts des populations locales afin d'éviter le pire. C'est ainsi que l'une des résolutions du 3ème congrès des parcs nationaux, à Bali (Indonésie) en 1982, s'est penchée sur l'aide à apporter aux populations locales concernées par la mise en place des aires protégées. On pensait spécialement à des mesures compensatoires fondées sur les pertes d'usage subies par ces populations et la création, au niveau du pays, des projets à caractère de développement local.

Dix ans plus tard, en 1992 à Caracas (Venezuela), le 4ème congrès des parcs nationaux abondait dans le même sens en se penchant également sur cette nouvelle initiative en matière de conservation. L'un des sujets abordés lors de ce congrès consistait à chercher les voies et les moyens par lesquels les espaces protégés peuvent satisfaire aux besoins des populations locales. Il s'agissait de donner aux espaces protégés un rôle imminent en matière de promotion de la société. Pour y arriver, seule l'approche qui s'appuie sur la meilleure connaissance des sociétés locales est jugée plus efficace contrairement à la politique planifiée longtemps menée par les experts venus de l'extérieur.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard