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Populations et aires protégées en Afrique de l'Est

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par Gaspard RWANYIZIRI
Université Michel de Montaigne-Bordeaux III - DEA Géographie 2002
  

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1.2.2.2 Le Zimbabwe: le développement rural lié au Projet CAMPFIRE

Le Zimbabwe est sans doute l'un des Etats promoteurs de la politique participative de gestion de la faune sauvage en Afrique. Cette bonne initiative est l'oeuvre de deux chercheurs américains (Massman et Dassmann) qui, dès les années 60, démontrèrent qu'une utilisation bien réfléchie des espèces animales (encore abondantes à cette époque) était plus rentable que l'élevage des bovins dans le pays.

Cette logique sera vite comprise puisque quelques années plus tard, en 1975, le pays s'est doté d'une législation en faveur du commerce des produits dérivés de la faune sauvage. Dès lors, cette nouvelle activité est devenue le point d'attraction de tous les investisseurs zimbabwéens (surtout les Blancs) qui avaient les moyens suffisants pour s'acheter un permis de chasse alors que les populations autochtones (dépourvues d'argent) se livraient de temps en temps aux activités de braconnage. Cette commercialisation a eu dans la suite deux conséquences dans le pays: d'abord l'abandon de l'élevage dans le milieu rural, puis le développement du réseau des trafiquants de l'ivoire, d'où une diminution épouvantable du nombre d'éléphants entre 1975 et 1986.

Cependant, l'année la plus connue de ce pays dans le domaine de gestion participative de la faune sauvage reste 1987 (sept ans après l'indépendance obtenue en 1980) au moment où les populations locales accèdent, elles aussi, aux ressources du pays. Dès cette époque, la faune sauvage est devenue une ressource à part entière pour le développement des populations locales suite aux avantages socio-économiques engendrés par la ressource en question. A l'échelle nationale, l'utilisation de cette ressource est devenue une industrie de premier plan pour l'économie du pays grâce aux exportations de la viande animale et autres produits issus de la faune sauvage. Sur ce, les économistes zimbabwéens abondent dans le même sens en affirmant qu'entre 1986 et 1996, cette industrie a rapporté environ trois fois plus que les exportations de viande bovine ( Sournia G., op. cit.; Rodary E., op. cit.).

Mais le plus grand succès en matière de conservation participative est que les autorités du pays ont pu expliquer le concept d'utilisation rationnelle de la faune sauvage dans les zones communales en le considérant comme un choix potentiel et utile pour le développement de ces zones rurales. Ce qui nous pousse à étudier en long et en large l'origine, les succès et les échecs du Projet CAMPFIRE (Communal Areas Management Program for Indigenous Ressources) dans ce pays.

Comme nous l'avons vu dans les paragraphes précédents, le Projet CAMPFIRE constitue un cas d'école en matière de conservation participative au Zimbabwe depuis les années 1980, même si d'autres projets tels que l' « Opération WINDFALL: Wildlife Industries for All » existaient depuis 1978. Il faut souligner que ladite opération est le résultat d'une action extraordinaire qui date de 1964 dans la région de Chérisa (Nord-Ouest du Zimbabwe) là où la viande produite à la suite de l'abattage d'animaux sauvages pour les besoins du contrôle et de l'étude de la mouche tsé-tsé était distribuée aux populations locales. S'inspirant de ses résultats satisfaisants dans la région, cette action a pris, dès 1978, une forme plus organisée connue sous le nom de l'opération WINDFALL. Quelques années plus tard, en 1981, l'opération WINDFALL sera à son tour, le point de départ de la mise en place du projet CAMPFIRE.

Par ailleurs, tel que nous le connaissons actuellement, ce projet est l'oeuvre du ministère zimbabwéen ayant la gestion des ressources naturelles dans ses attributions qui a voulu agrandir le principe de la libre utilisation des ressources naturelles aux terres communales marginales à faible potentiel agricole. Il faisait allusion ici aux terres de la vallée du Zambèze qui étaient envahies par les mouches tsé-tsé, et où la gestion de la faune sauvage apparaissait comme l'une des meilleures solutions possibles d'utilisation des sols (Ballan C., 1998).

Depuis 1981, le projet possède une structure administrative chargée d'assurer la bonne marche de la conservation et de l'exploitation rationnelle des ressources naturelles au sein des différents districts. Cette structure est composée par les principaux acteurs de la politique de la conservation dans le pays. D'abord les ONG de protection de la nature (considérées comme des acteurs internationaux) qui sont représentées sur le terrain par les experts dans le domaine de développement rural, de socio-économie et de gestion de la faune sauvage. Le rôle de ces ONG est de donner des conseils utiles, de financer certains projets et surtout de veiller à ce qu'i n'y ait pas l'utilisation exagérée des ressources disponibles. Ensuite vient l'acteur-Etat, représenté par le Département des Parcs nationaux. Opérant à l'échelle nationale, son rôle primordial est de faire respecter la loi selon les schémas de gestion en vigueur. Enfin viennent les acteurs locaux, représentés par le Conseil de District et les autorités des différentes circonscriptions dudit district.

De 1981 à 1987, l'objectif principal de CAMPFIRE était essentiellement fondé la valorisation de la grande faune sauvage en zones rurales mais les populations autochtones des zones rurales n'avaient pas le droit d'exploiter directement cette ressource. Depuis 1987, ces populations sont désormais autorisées d'exploiter les ressources à l'intérieur de leurs districts mais selon les quotas de prélèvement établis par le Conseil du district et le Département des Parcs dans la région. Pour éviter qu'il y ait excès d'exploitation, le Département des Parcs organise chaque année des comptages d'animaux sauvages sur les zones communales et établit des quotas d'exploitation en consultation avec les populations rurales et leurs représentants (Kleitz G., 1998)

Au cours de ces dernières années, les principales activités du Projet CAMPFIRE se résument en quatre principales suivantes. Il y a d'abord la chasse pratiquée par les populations locales de chaque Canton (Ward). Dans ce contexte, les chasseurs locaux, regroupés souvent en association, doivent avoir un permis de chasse accordé par les responsables du District local. Ensuite il y a le prélèvement d'animaux sauvages pour la production de viande. Les quotas de prélèvement sont fixés ici pour certaines espèces encore en abondance comme l'impala, le buffle ou l'éléphant. L'objectif de ce prélèvement est de permettre aux paysans

d'avoir de la viande à bas prix. Il faut noter que les opérations de prélèvement se font aux moyens modernes, d'où elles restent le monopole des grandes sociétés qui assurent la chasse sportive. Les restes des animaux abattus (carcasses, peaux, têtes, etc.) sont mis en valeur selon les méthodes qui ont été mises en place (Murombedzi J.C., 1994; Sournia G., op. cit.).

La troisième activité est en rapport avec la chasse sportive ou tout simplement le « tourisme cynégétique. » Elle reste le monopole des grandes sociétés de safaris qui opèrent chaque fois dans plusieurs pays de l'Afrique australe. Les quotas de chasse sont fixés par le Département des Parcs nationaux et 30 % des recettes plus les taxes d'abattage reviennent au District local. Enfin, l'autre activité qui préoccupe le Projet CAMPFIRE est celle de contrôler des animaux qui occasionnent des dégâts importants aux cultures des villageois. Les animaux concernés sont les éléphants et les buffles qui, dans certains villages, détruisent plus du quart des récoltes annuelles des foyers comme c'est le cas dans le District de Guruve située dans la vallée du Zambèze (Kleitz G., 1998).

Pour ce qui est des résultats de ce projet, ils sont en général satisfaisants même si les statistiques sont différentes selon les auteurs et les zones étudiées. En faisant une étude sur le District de Guruve, G. Kleitz (1998) a constaté que les revenus des paysans sont faibles par rapport à ce que gagnent les compagnies de chasse sportive. En plus, les recettes dépendent entièrement de la qualité des cantons comme territoire de chasse, c'est-à-dire de la présence ou non de la faune abondante. Sur une moyenne de 8 ans, il a trouvé par exemple que le revenu varie entre 10 000 FF (1 530 euros) pour 3 000 familles à 300 000 FF (46 530 euros)1 pour 160 familles, ainsi que 26 Kg de viande (de buffles ou d'éléphants) par famille. Ce qui n'est pas du tout beaucoup au regard des dégâts causés par ces animaux. Par ailleurs, le même auteur affirme que ce déficit est compensé par la chasse illégale. En effet, les productions de viande de brousse procurent aux populations locales un revenu annuel par famille variant entre 288 FF (44,3 euros) et 520 FF (80 euros). De surcroît, cette chasse illégale contribue à la ration individuelle de protéines animales pour ces populations.

Sur le plan écologique, tous les auteurs qui ont travaillé sur le projet CAMPFIRE affirment que les résultats sont excellents. Les raisons de ce succès sont attribuées aux changements d'attitudes des populations locales vis-à-vis de la faune sauvage. Considérée avant les années 1980 comme une menace de taille à leur développement à cause de leur expulsion lors de la création des premiers sanctuaires d'animaux sauvages, cette ressource est aujourd'hui perçue comme une propriété qu'il faut gérer jalousement suite aux avantages socio-économiques qu'elle procure, d'où elles se sentent de plus en plus responsables de sa protection. Sur le terrain, cette prise de conscience se manifeste par les accusations répétées contre les organisations des braconniers et souvent par l'organisation des opérations contre ces malfaiteurs.

En faisant un commentaire sur la situation écologique du District de Guruve, G. Kleitz (idem) explique que la faune sauvage de sa zone d'étude a connu une croissance de 20 % depuis le début des années 1980. « Plus de 1700 éléphants, 6000 buffles, tous les grands prédateurs et des populations importantes de grandes antilopes de l'Afrique australe vivent dans ces zones. » L'auteur ne cache même pas ses émotions en disant que « l'objectif de la biodiversité animale en dehors des zones protégées est en voie d'être atteint » compte tenu d'un nombre extraordinaire d'animaux recensés dans sa zone d'étude.

1 10 FF= 6,5 euros (dans ce travail)

Malgré ces réalisations, des critiques à l'égard des projets CAMPFIRE et ADMADE ne manquent pas. En effet, certains disent que les programmes de ce genre (conservation participative) profitent encore principalement à certains professionnels de la conservation, c'est-à-dire les chasseurs internationaux et les agences de safaris. Sur les revenus tirés de la faune par exemple, ils disent que seuls 40 % sont destinés aux programmes CAMPFIRE et ADMADE, le reste étant gardé par ces compagnies. En abondant dans le même sens, G. Kleitz (op. cit.) ajoute que les bénéfices économiques importants du Projet CAMPFIRE reviennent à ceux qui mettent en oeuvre le programme dans le pays et qui, par conséquent, ont la parole. Il s'agit ici des opérateurs de safaris, les gouvernements locaux qui vendent les admonitions, les élus et chefs locaux. En outre, l'auteur signale que ce programme permet aux ONG de conservation de la nature de capter des financements internationaux grâce aux discours qui sont souvent accompagnés par des résultats mitigés.

Face à ces critiques, certains auteurs craignent que la politique de la conservation dans les deux pays puisse être remise en cause. Ce qui n'est pas le cas puisque, accompagnée d'un argument socio-économique au profit des populations autochtones, cette nouvelle approche renforce au contraire le mouvement conservationniste. En plus, cette approche va plus loin parce qu'elle « se place comme un élément indispensable dans son acceptation la plus aboutie », c'est-à-dire le développement durable; un concept à la une, car il touche l'intérêt mondialiste là où «l'intégration des questions environnementales dans la problématique de développement oblige à concilier la sphère économique avec la sphère du vivant. » (Rodary E., op. cit.)

C'est d'ailleurs par cette réussite dans le domaine de la conservation participative que l'Afrique australe est aujourd'hui considérée comme précurseur et spécialiste compétent dans les politiques de gestion durable de la faune sauvage à l'échelle continentale. S'inspirant de ces expériences, les autres pays de l'Afrique sont entrain d'adopter ce système grâce aux appuis financiers des grandes organisations de protection de la nature et autres instances internationales dans ce domaine. Ce qui nous pousse à étudier l'état d'avancement de ce processus dans les pays de l'Afrique de l'Est.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote