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Populations et aires protégées en Afrique de l'Est

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par Gaspard RWANYIZIRI
Université Michel de Montaigne-Bordeaux III - DEA Géographie 2002
  

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1.2.3 Etat actuel de la conservation participative en Afrique de l'Est. Etude des cas

L'initiative de la politique de conservation participative en Afrique orientale date de plus de 10 ans. Elle est liée au fait que le monde de la conservation est aujourd'hui conscient que la préservation des ressources naturelles ne saurait se passer d'une participation des populations vivant en bordure des espaces protégés. Cette prise de conscience et de changements d'attitude en faveur de la conservation rationnelle des ressources naturelles est le résultat des expériences qui ont été faites dans les pays d'Afrique australe grâce au soutien financier des Anglo-saxons et des Scandinaves. Dans la suite, des projets de ce genre ont été étendus progressivement dans les pays anglophones de l'Afrique de l'Est en commençant bien sûr par le Kenya, pays phare en matière de conservation dans la région, puis par la Tanzanie, et très récemment par l'Ouganda.

Au Kenya, cette prise de conscience concerne les acteurs politiques (gouvernement, fonctionnaires locaux, élus locaux) et les conservationnistes, représentés comme il se doit par une multitude d'ONG de protection de la nature (en particulier le WWF dont le siège se

trouve à Nairobi1). Grâce aux financements de ces organisations notamment la Banque mondiale et le WWF, cette nouvelle politique de conservation s'oriente de deux façons vers les populations locales. En premier par la sensibilisation des populations riveraines des aires protégées dans des centres éducatifs créés pour cette circonstance et gérés par le Kenya Wildlife Service (KWS). Cette sensibilisation concerne également des écoliers au moyen des voyages-études à l'intérieur des parcs. Et enfin, grâce à l'arbitrage du KWS, un programme de distribution des revenus tirés dans le tourisme est en cours. Les bénéficiaires sont les populations locales qui exploitent les terres collectives (group ranches) jouxtant les aires protégées.

Par ailleurs, le KWS a adopté, depuis 1993, une politique de « récolte » de gibier dans les réserves où certains animaux sont en surnombre. Ceci permet aux paysans de bénéficier à bas prix une ration en viande animale comme c'est le cas en Zambie et au Zimbabwe. En plus, un projet du commerce de la viande et des peaux dans les grandes villes (et si possible vers l'extérieur) devrait voir le jour très prochainement comme le font constater F. Grignon et G. Prunier (op. cit.). Ces auteurs affirment que le KWS envisage le « rétablissement de la chasse sportive dont les bénéfices sont, trois à quatre fois supérieurs au tourisme photographique pour un impact moindre sur le milieu. » Enfin, le KWS encourage les associations des populations locales en qui concerne la promotion du tourisme local. Ceci se fait en général au bord des aires protégées les plus visitées (la Réserve de Maasai-Mara ou le Parc national d'Amboseli) où ces populations tirent certains bénéfices liés au tourisme, ainsi qu'un plan sélectif du gibier dont la viande est distribuée dans les écoles les plus proches.

Pour les spécialistes de la conservation, les changements qui s'opèrent dans la biosphère d'Amboseli constituent un bel exemple de ce qui pourrait être l'une des solutions aux différents conflits auxquels sont confrontés les gestionnaires des aires protégées. Cette réserve se trouve en effet à la frontière entre le Kenya et la République-Unie de Tanzanie, dans une zone semi-aride connue pour la diversité et l'abondance de sa faune sauvage. Sa superficie est d'environ 300.000 ha, bien que le chiffre exact reste à déterminer étant donné que la réserve doit inclure tous les pâturages parcourus par la faune migratrice en provenance du Parc national de Serengeti en Tanzanie (Hadley M., 1994).

Selon le même auteur, la zone centrale de cette réserve est constituée par le Parc National d'Amboseli (39.200 ha), avec des zones tampons et des zones de transition, qui constituent ensemble ce que l'on appelle les « zones de dispersion », qui sont entre les mains des pasteurs Maasai locaux de la communauté Mbilikani. Depuis les années 1970 jusqu'au début des années 90, suite à l'accroissement de la population humaine (les Maasai) et animale, les conflits liés à l'utilisation des ressources, ainsi que la concurrence entre le bétail et la faune sauvage pour l'eau, l'herbe, et l'hostilité des Maasai à l'égard de la faune sauvage, avaient pris une grande ampleur. Mais la création du K.W.S., dans les années 1990, a sauvé la situation. Parmi les nouveautés introduites par cet organe, il faut citer le partage des revenus tirés des droits d'entrée dans le parc avec la population locale vivant à la périphérie du même parc.

En 1993, la part qui revenait à la population locale, et qui représentait 25 % des droits d'entrée dans les parcs, lui était versée sous forme de services communautaires (écoles, dispensaires, eau et bains pour le bétail). En dehors de cela, il faut rappeler que ladite

1 Avant les années 1990, le WWF partageait le même siège avec l'UICN à Gland (Suisse)

population tire les bénéfices de son village culturel, de la rente locative d'un champ pour touristes, ainsi que d'un plan de prélèvement sélectif du gibier dont la viande est distribuée dans les écoles les plus proches comme nous l'avons vu en haut.

En ce qui concerne les retombées écologiques liées à cette nouvelle politique, les professionnels de la conservation dans le pays se réjouissent du progrès atteint en la matière. En effet, on constate ces dernières années une forte réduction des actes d'hostilité des Maasai à l'égard des animaux sauvages; ce qui donne l'espoir que cette politique de gestion des ressources naturelles en associant les populations locales pourrait aboutir à des résultats satisfaisants. Ainsi, après des années d'errance, le gouvernement kenyan semble choisir la voie d'une politique cohérente inspirée des expériences menées depuis longtemps dans les pays d'Afrique australe, à savoir le Zimbabwe et la Zambie, même si beaucoup de choses reste à faire en ce qui concerne l'intégration des populations chassées de leurs terres lors de la création de ces sanctuaires.

Pour ce qui est de la Tanzanie, il sied de signaler que des efforts en faveur des communautés locales sont là mais qu'ils sont encore très lents par rapport à ce qui se passe au Kenya voisin. Ils sont la simple conséquence d'une prise de conscience de la part des conservationnistes tanzaniens, mais surtout occidentaux opérant dans le pays, qu'une gestion efficace des espaces protégés passe nécessairement par une participation des populations locales. L'exemple à l'appui est celui de l'extraordinaire réussite de la protection des derniers rhinocéros résidant au fond du cratère de Ngorongoro qui dépend en grande partie de la présence de quelques communautés Maasai qui peuvent aider à localiser, voire à capter les braconniers avant qu'ils ne pénètrent dans le cratère.

A partir de cet exemple, plusieurs associations de protection de la nature collaborent aujourd'hui avec les autorités tanzaniennes en vue d'établir des programmes de conservation participative (Community Conservation Program). Pour C. Baroin et F. Constantin (op. cit.), l'expérience de ce programme a été faite dans la Réserve de Selous au Sud du pays là où les populations locales, en collaboration avec les gestionnaires de cette réserve ont mis en place un projet de gestion de la faune sauvage. L'objectif de ce projet est donc d'assurer la protection des villages contre certains animaux destructeurs de cultures ( buffles ou éléphants) ou prédateurs du bétail ou d'hommes (les lions par exemple) en abattant certains d'entre eux d'une part; puis d'assurer une ration alimentaire en viande animale et un revenu monétaire au moyen des ventes de toutes sortes de produits (peaux, carcasses, viandes, etc.) à l'instar de ce qui se passe en Afrique australe d'autre part.

Comme principales conséquences de ces projets dans le pays, les experts affirment qu'il y aura d'abord une nette régression des tensions conflictuelles qui existent depuis l'époque coloniale entre les populations locales et les gestionnaires des aires protégées. Ensuite ces projets seront une grosse occasion de responsabiliser ces populations au travers les structures administratives de base dont elles sont responsables mais aussi suite aux différents avantages liés à la gestion de la faune sauvage sur leur territoire. Cette motivation les poussera sans doute à mener quelques opérations contre les malfaiteurs, d'où l'augmentation des animaux sauvages dans la région.

En ce qui concerne les résultats qui ont été atteints dans ces dix dernières années, les mêmes experts estiment qu'il est encore très tôt pour donner le bilan mais que le pays est dans le bon chemin compte tenu des progrès réalisés par le sanctuaire de Ngorongoro dans ce domaine. En effet, ce sanctuaire est exemplaire sur tout le territoire tanzanien puisqu'il

génère des revenus sans cesse croissants depuis 1990, ce qui donne beaucoup d'espoirs aux conservationnistes du pays. Cependant, les observateurs affirment que les présupposés bénéficiaires de ces projets (les Maasai chassés de leurs terres lors de la création de ces espaces) ne gagnent presque rien malgré leur bonne volonté de participation. Comme nous l'avons vu en haut, la principale cause de cette incohérence est due au fait que les initiateurs de tels projets (les ONG de conservation) les élaborent en mettant en avant les intérêts de la conservation. Ce qui bloque le plus souvent le développement socio-économique de la région concernée.

En faisant une étude sur le cas de la Tanzanie, C. Baroin et F. Constantin (op. cit.) ont constaté que ces projets mènent les opérations de vaccination du bétail des Maasai contre la peste bovine et la pleuropneumonie en partie pour éviter la contamination des herbivores sauvages (buffles et gnous en particulier) alors que rien n'est fait pour éradiquer la maladie de la theilériose chez le cheptel domestique ou tout simplement pour combattre la malnutrition dont souffrent de nombreux enfants Maasai. En peu de mots, les deux auteurs ont pu remarquer que les problèmes des populations locales en Tanzanie ne suscitent l'attention des conservationnistes que dans la mesure où leur mécontentement pourrait menacer l'existence des zones protégées, comme c'est le cas durant ces dernières années.

Pour ce qui est de l'Ouganda, l'autre pays de l'ancienne communauté est-africaine britannique, il faut rappeler que l'interminable guerre civile (1972-1986 en Ouganda, 1990- 1994 au Rwanda et depuis 1996 en République Démocratique du Congo) et l'insurrection persistante dans le Nord sont les deux causes principales du retard de ce pays en matière de conservation associant les populations locales. Mais les conservationnistes restent optimistes suite à un projet de conservation et d'écotourisme qui vient à peine d'être lancé dans la Réserve forestière de Budongo au Nord-Ouest du pays. D'après les consultants de l'Union Européenne (organisme qui a financé le projet) dans la région, ce projet permettrait, d'une part au pays de gagner des recettes en accueillant des visiteurs passionnés par le milieu forestier, et d'autre part aux communautés locales de bénéficier quelques avantages (chasse, cueillette, etc.) de la forêt ( www.newafrica.com, 2002).

En outre, deux exercices de planification forestière participative sont prévus sur le territoire ougandais dans le cadre du « Projet de biodiversité transfrontalier ». Comme nous le verrons dans le chapitre suivant, ces projets permettront aux communautés locales, à l'instar des Iks du Nord-Est du pays, de bénéficier de quelques avantages du projet comme l'eau salubre et surtout d'exercer certaines activités à l'intérieur des forêts protégées comme c'était le cas avant leur classement.

En ce qui concerne le Rwanda et le Burundi, cette nouvelle politique de conservation participative est loin d'être adoptée. Au lieu même d'y penser, les autorités des deux pays procèdent au renforcement des systèmes de protection des anciennes aires protégées, soit en transformant les anciennes réserves forestières en parcs nationaux, comme c'est le cas depuis le mois d'Avril 2001 pour l'ancienne réserve naturelle de Nyungwe au Rwanda; soit en clôturant de nouveau les anciens parcs nationaux. De toutes les façons, ces nouvelles mesures s'avèrent aujourd'hui très archaïques en matière de conservation durable des ressources au regard des changements qui s'opèrent dans les pays les plus réputés en la matière comme le Kenya ou la Tanzanie. Au contraire, elles accentuent les conflits entre les populations locales et les gardes de ces espaces.

Au Rwanda par exemple, I. Ndahimana (2001) souligne l'ampleur du conflit qui oppose depuis 1997 les éleveurs aux gardes locaux aux alentours du Parc National de l'Akagera. D'après ses recherches, ce combat aboutit souvent à des pertes des vies humaines tant du côté des éleveurs que du côté des gardes. Quoique la culpabilité revienne souvent aux éleveurs qui ne respectent pas les lois régissant les parcs et les réserves naturelles au Rwanda, il convient de signaler que le gouvernement rwandais est dans l'obligation d'adapter ses lois aux nouvelles politiques de conservation en cours afin de résoudre les problèmes de ce genre sur son territoire.

Ainsi, comme le montrent des projets réalisés au Kenya et en Tanzanie, moins encore en Ouganda, on constate que la politique de conservation reste un enjeu économique et, de ce simple fait, ne rime pas nécessairement avec une utilisation sage, en termes à la fois écologique et sociologique, des ressources. Après des années d'errance, les anciennes colonies de l'Afrique orientale anglaise, le Kenya à la tête, sont aujourd'hui dans la bonne voie d'une politique cohérente de conservation suivant les expériences menées depuis les années 1980 dans les pays d'Afrique australe. A contrario les cas du Rwanda et du Burundi sont très inquiétants. Au lieu d'adopter la politique de conservation en associant les populations locales, les deux pays sont entrain de renforcer les mesures d'exclusion en créant de nouveaux parcs. Ce qui comporte beaucoup de risques au point de vue socio-économique des populations expulsées de leurs terres.

En définitive, nous venons de voir que depuis la fin de l'époque où seule « l'écologie classique » était considérée comme la principale approche de la politique de conservation (avant les années 1970), il y a eu beaucoup de changements dans ce domaine. L'un des changements majeurs concerne le mariage entre le développement et la politique de conservation qui a donné naissance aux fameux Projets Intégrés de Développement et de Conservation (PIDC). Le but primordial de ces projets, grâce à l'approche participative, est de faire en sorte que les populations locales tirent le maximum de profit dans les aires protégées qui les entourent. Plusieurs expériences ont été réalisées en Afrique australe avec les programmes CAMPFIRE (Zimbabwe) et ADMADE (Zambie) mais beaucoup reste à faire compte tenu des pays qui ignorent encore les résultats de ces expériences en Afrique de l'Est.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon