WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Populations et aires protégées en Afrique de l'Est

( Télécharger le fichier original )
par Gaspard RWANYIZIRI
Université Michel de Montaigne-Bordeaux III - DEA Géographie 2002
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Chapitre II

NOUVELLES FORMES D'AIRES PROTEGEES: STRATEGIES ACTUELLES ET QUELQUES CONSIDERATIONS RELATIVES EN AFRIQUE ORIENTALE

Depuis que le concept d'aires protégées existe dans sa forme actuelle, on constate que ses principaux objectifs restent presque les mêmes; ce qu'on essaie d'ajouter au cours de ces dernières années, c'est l'élément de « développement local » en mettant un accent particulier sur les droits et les intérêts socio-économiques des populations autochtones1 et ceux des populations riveraines des espaces protégés.

Depuis les années 1970, l'intégration de ces populations se fait au travers des projets

d' « écodéveloppement », un concept cher aux conservationnistes puisque l'intégration en question leur apparaît, d'une part comme une « nécessité » (dans le but d'éviter que la pauvreté de ces populations n'entraîne pas la dégradation des aires protégées), et d'autre part comme une « opportunité » (en vue de capter des fonds internationaux pour le fonctionnement de leurs projets) (Castellanet C., 1998). Coté acteur-Etat, ces projets sont également considérés comme bénéfiques parce que le tourisme est partout en plein essor. Quant à acteurs locaux, les résultats de ces projets ne sont pas du tout satisfaisants même si des différences subsistent entre les pays.

Face à ces résultats «mitigés » de cette politique de conservation participative, les deux grandes organisations de protection de la nature, l'UICN et le WWF, ont publié un document2 dans lequel on trouve les nouvelles bases conceptuelles préconisées pour les aires protégées de ce nouveau siècle. Comme nous allons le voir dans les paragraphes suivants, ces nouvelles stratégies tiennent compte des intérêts de tous les acteurs en jeu en essayant de relever les défis enregistrés par les Projets Intégrés de Conservation et de Développement durant les deux dernières décennies d'opération.

1.1 Bases conceptuelles des aires protégées pour le 21ème siècle

Outre la préoccupation des questions d'environnement global dans le monde, les nouvelles bases conceptuelles des aires protégées prévues pour le 21ème siècle s'appuient sur l'amélioration des méthodes d'intervention des différents acteurs dans le processus de gestion durable et de participation locale. Dans ce contexte, la nécessité de renforcer les politiques institutionnelles à tous les niveaux (local, national et régional) est considérée comme le pilier de ces nouvelles stratégies.

1 C'est-à-dire tous groupes dont la caractéristique principale est leur mode de subsistance désormais marginal (Chartier D. et Sellato B., op. cit.)

2 WWF/IUCN (1998) Protected Areas for a new millenium. WWF/IUCN, Gland/Suisse.

1.1.1 Projet des aires protégées transfrontalières

Depuis le lancement des PICD dans les régions riveraines des espaces protégés, il y a un peu plus de 20 ans, les conservationnistes croyaient que les populations vivant aux alentours de ces espaces devaient tirer assez de bénéfices pour améliorer leurs modes de vie, ce qui dans la suite allait changer positivement leurs mentalités à l'égard des initiatives de conservation. Cette idée était sage mais sans résultats escomptés comme allait le prouver une première évaluation de ces projets au début des années 1990 (Colchester M., 1998).

Au début de cette dernière décennie, les PICD ont intégré des questions environnementales dans leurs préoccupations en vue de renforcer leurs capacités de participation dans le milieu rural. L'analyse de cette deuxième série de projets a montré que les résultats n'étaient pas à la hauteur des objectifs fixés au départ suite au manque de lien suffisant entre la conservation et le développement. Parmi les raisons de cet échec, les professionnels de la conservation évoquent d'abord le rôle des ONG de protection de la nature comme nous l'avons vu précédemment, puis le manque de cadre institutionnel entre les principaux acteurs de la politique de conservation comme c'est le cas au Zimbabwe et/ou en Zambie. Les enseignements tirés de ces échecs ont montré la nécessité d'améliorer les politiques institutionnelles entre les principaux acteurs de la conservation participative en mettant un accent particulier sur le renforcement des possibilités de participation des communautés locales. Les « Projets des aires protégées transfrontalières » sont donc des PICD de troisième génération en vue de corriger certaines imperfections du passé ( Godwin P., 2001).

Selon le même auteur, ces projets consistent à effacer non seulement des clôtures physiques qui divisent les parcs nationaux et les exploitations privées des populations locales à l'intérieur du même pays, mais surtout de gommer des frontières géographiques entre deux pays pour donner naissance à des « zones transfrontalières protégées », appelées aussi « Parcs de la paix ». Leur but, pour reprendre l'argumentation développée à la fin des années 1990 par la Banque Mondiale, est d'associer les populations locales à la protection de l'environnement. Il s'agit, selon la même organisation, de « montrer aux communautés vivant à coté des aires protégées que la vie sauvage peut leur fournir des revenus, et d'atténuer ainsi le ressentiment que beaucoup de personnes éprouvent en se voyant interdire de cultiver la terre. » Au-delà, beaucoup espèrent promouvoir une « culture de la paix » dans les pays de l'Afrique orientale (et ailleurs) dévastés par les conflits politiques et ethniques.

Ouvert en l'an 2000 ( 12 mai), le « Kgalagali » est le premier parc naturel transfrontalier du genre. Il réunit le Parc national Gemsbok, au Botswana, à celui du Kalahari Gemsbok, en Afrique du Sud. A l'heure actuelle, les initiateurs de ce projet dont le milliardaire sud-africain Anton Rupert (homme d'affaires et président de la section nationale du WWF sud-africain) estiment que cette fusion n'a pas posé beaucoup de problèmes, les deux parcs n'étant séparés que par le lit asséché d'une rivière sans clôture. Après cette réalisation, considérée par les professionnels de la conservation comme la première du 21ème en la matière, les deux pays se sont mis d'accord pour gérer la réserve comme une seule entité écologique, et les visiteurs qui entrent dans un parc peuvent passer librement dans l'autre et revenir, ce qui accroît la fréquentation et la rentabilité de chacun des deux pays.

Ailleurs, les efforts des initiateurs de tels projets portent aujourd'hui sur les tentatives d'unification au sein de la communauté des Etats de l'Afrique australe de plusieurs catégories d'aires protégées (parcs, réserves de chasse, réserves forestières, terres communautaires, etc.).

La première tentative réunira le Parc national Kruger (en République Sud-Africaine), le Parc national de Gonarezhou (au Zimbabwe), et Coutada 16, un immense ensemble de terres nationalisées dans la province de Gaza au Mozambique. A terme de ce projet, elle formera le noyau d'une vaste zone protégée à usage mixte couvrant près de 155.000 Km2. Rappelons que d'autres projets de ce genre sont prévus dans tous les pays de l'Afrique australe dans le cadre de la Communauté de Développement de l'Afrique Australe (SADC: Southern African Development Community).

Coté humain, les initiateurs du projet affirment que la composante humaine est la clé de la réussite finale des projets d'implantation de réserves naturelles transfrontalières. Dans ce domaine, ils comptent beaucoup sur l'expérience du Zimbabwe avec son projet CAMPFIRE pour mettre les choses en ordre. Comme nous l'avons vu dans les pages précédentes, CAMPFIRE est le premier projet qui a véritablement pris en compte deux grands constats (plus ou moins ignorés jusque-là) en matière de conservation. Le premier est que l'essentiel de la faune sauvage du pays vit actuellement en dehors des réserves de chasse sans beaucoup de difficultés. Le second est que les populations locales tirent directement des profits économiques de cette faune selon le plan qu'elles élaborent elles-mêmes. Ceci diminue les risques de braconnage puisque ces populations se sentent comme les premiers gestionnaires de cette ressource. C'est grâce à cette expérience zimbabwéenne que les initiateurs du projet sont aujourd'hui conscients que les populations locales doivent être les premiers bénéficiaires des emplois qui seront créés par la nouvelle réserve. De surcroît, plusieurs infrastructures (énergie, routes, etc.) sont prévues pour ces populations.

Pour ce qui est de l'intégration régionale, l'intérêt de ce type de projets est de mettre en place une politique de conservation qui repose sur l'entente entre les Etats dans la mesure où certaines zones protégées sont contiguës de part et d'autre d'une frontière internationale. Or, il a été constaté que cette coopération n'existe pas ou du moins existe sur papier. L'exemple typique est celui des trois parcs nationaux situés entre le Rwanda, l'Ouganda et la République Démocratique du Congo, à savoir respectivement le Parc National des Volcans, celui de Virunga et Queen Elisabeth, pour lesquels chaque pays assure la sécurité de son aire territoriale sans toutefois se soucier de ce qui se passe de l'autre côté de la frontière. Les conséquences qui en découlent sont bien sûr nombreuses en commençant par les activités de braconnage dont le contrôle reste très difficile, sans oublier aussi les tensions liées aux mouvements armés dont le refuge reste toujours les zones protégées de la région.

Dans ce contexte, l'apport des projets du genre sera d'une grande importance en vue d'éviter toutes ces difficultés. Cependant, des incertitudes demeurent quant à la réussite de ces projets. En effet, certains disent que l'idée même des « parcs de la paix » dépend de la stabilité politique dans une région géographique donnée. Ce qui n'est pas le cas pour le moment si l'on regarde par exemple ce qui se passe au Zimbabwe ou pire encore dans la région des Grands Lacs. De toutes les façons, le projet est déjà lancé et son aire d'influence a tendance à déborder les limites habituelles de l'Afrique australe.

En Afrique orientale par exemple, un « Projet de biodiversité transfrontalier » vient d'être lancé. Financé par le Fonds pour l'Environnement Mondial (FEM) par le biais du Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD), et mis en oeuvre par la FAO et les gouvernements du Kenya, de l'Ouganda et de la Tanzanie, ce projet a pour objectif de « réduire la perte de biodiversité dans les sites transfrontaliers en Afrique de l'Est. » (Rodgers W A.; Persha L.; Nabanyumya R. Et Mupada E., 2002)

Selon ces auteurs, la philosophie du projet est de « travailler à tous les niveaux décisionnels d'utilisation des ressources, du ménage (sensibilisation, autres solutions) au village (arrêtés, pression des pairs, marchés), au District (directives d'utilisation des terres, programmes de financement) et à l'échelon national (politiques et législation). » Les activités centrales du projet sont la mise au point de plans de gestion participative et la promotion d'une cogestion par le gouvernement et les communautés pour conserver les ressources forestières et les utiliser dans une optique durable. Les populations sont considérées ici comme une partie intégrante de la solution au problème. Etant donné que les problèmes, les intérêts et les solutions potentielles diffèrent d'un site à l'autre, les solutions doivent être propres au site, même si l'on peut utiliser des cadres de base pour orienter les actions dans l'ensemble des sites.

Il faut noter que ledit projet repose sur quatre sites d'écosystèmes transfrontaliers de la région (voir la carte n° 8), mais nous allons nous intéresser, au cours de ce travail, sur le site du Nord-Est de l'Ouganda, à la frontière kenyane, là où nous trouvons un « Projet de gestion traditionnelle des ressources naturelles par la communauté Iks du District de Karamoja. » L'encadrement des Iks a soulagé beaucoup de personnes (y compris les conservationnistes) puisqu'ils avaient été victimes, depuis 1962, de la politique coloniale et post-coloniale de conservation dans la région. De surcroît, cette communauté a été choisie par les conservationnistes pour la simple raison qu'elle a fait preuve de grandes connaissances sur les ressources forestières et la gestion de ces ressources par rapport aux autres principaux groupes ethniques du District de Karamoja, à savoir les Karimojong, les Tipes, les Dodos et les Pokos.

En effet, le rapport d'évaluation qui a précédé le projet révèle que les Iks sont les seuls peuples dans la région qui, à la fois dépendent de la forêt pour survivre (sécurité, terres agricoles, eau et revenus) mais aussi qui reconnaissent les dangers qui pèsent sur cette ressource (coupe excessive d'arbres, surpâturage, feux de brousse, etc.). Cette prise de conscience les oblige ainsi à mieux préserver la ressource en question depuis plusieurs années. En abondant dans le même sens, les responsables du Parc national de Kidepo ont tous reconnu que les pratiques des Iks ne perturbent pas la forêt puisqu'ils se contentent de petites activités qui ne causent pas beaucoup de dégâts. Au contraire, ils se préoccupent des feux de brousse allumés dans le milieu environnant par les envahisseurs Turkana et Dodos, qui détruisent leurs moyens d'existence. C'était d'ailleurs pour cette raison que l'idée de participer aux interventions et aux partenariats externes comme le « Projet de biodiversité transfrontalier » les intéresse davantage.

A l'heure actuelle, les Iks ont démarré les activités par les petits travaux qui consistent à tracer et à dégager les bordures de la Réserve forestière Timu avec un minimum d'apports du projet. Chaque groupement d'habitants a pris possession des portions de lisière les plus proches et les membres de ce village s'occupent des arbres témoins plantés par le projet le long de la frontière, les arrosent et les couvrent de paillis durant la saison sèche. En contrepartie, le projet, bénéficiant de fonds supplémentaires du PNUD, a fourni des éoliennes en bordure de la réserve pour pomper l'eau de nouveaux puits, car les Iks devaient souvent parcourir des kilomètres pour aller chercher de l'eau. Les professionnels de la conservation dans la région espèrent que cette première mesure devrait enclencher d'autres contrats sociaux pour la conservation des forêts y compris la prévention des feux et les signalements d'utilisation illicite.

Carte n° 8: Les quatre sites transfrontaliers du Projet « Réduire la perte de biodiversité » en Afrique orientale anglophone

En somme, il faut dire que les Projets Intégrés de Développement et de Conservation de troisième génération, c'est-à-dire les « Zones protégées transfrontalières », donnent l'espoir des changements sociaux qui se produiront dans l'avenir en matière de conservation. Comme le cas des Iks de Nord-Est de l'Ouganda l'illustre, les populations locales ne seront plus considérées comme les bénéficiaires passifs comme l'avaient été dans le passé, mais comme les acteurs ruraux actifs, c'est-à-dire capables de prendre les différentes décisions en matière de gestion des ressources naturelles se trouvant sur leur territoire.

Le problème qui se pose aujourd'hui est que certains gouvernements ne sont pas disposés à céder la propriété de ces ressources à ces populations suite en général à l'ingérence des ONG de protection de la nature qui souhaitent, jusqu'à présent, conserver la quasi-totalité des espaces protégés tel que c'était le cas avant les années 1970. Cela se fait en général dans les pays où, d'une part les gouvernements en place n'ont pas les moyens financiers pour faire démarrer ces projets, et d'autre part là où les revendications des populations locales sont complètement anéanties par les pouvoirs publics. Toutefois, certains gouvernements commencent à reconnaître que les communautés voisines des parcs et réserves ne peuvent être exclues de l'utilisation ou de la région de ces derniers, ce qui nous amène à focaliser notre thème suivant sur la responsabilité de ces populations dans cette nouvelle stratégie de conservation.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery