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Pour une remise en cause du maillage politico-administratif français: Exemple de la limite départementale et régionale entre Pau et Tarbes

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par Lionel Dupuy
Université de Pau et des Pays de l'Adour - DEA Géographie - Aménagement 1998
  

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II - La formation des communes, des cantons, des arrondissements et des départements.

La formation des communes, des cantons, des arrondissements et des départements, tels que nous les connaissons actuellement, est le fruit de la Révolution Française. Reprenant les anciens cadres territoriaux en les modifiant plus ou moins selon leurs volontés et leurs idéaux, les constituants ont d'abord créé les départements et les communes, les cantons et les

"Pour une remise en cause du maillage politico-administratif français ? - Exemple de la limite
départementale et régionale entre Pau et Tarbes."- Lionel Dupuy, Mémoire de DEA, 1998.

arrondissements constituant les divisions ultérieures du département.

A) - La formation des départements français.

Succédant plus ou moins aux vieilles provinces de la France d'Ancien Régime qui constituaient les divisions essentielles du royaume depuis l'époque féodale, les départements sont créés par l'Assemblée Constituante en 1789-1790. Ils résultent de la volonté de redécouper l'espace national sur des bases plus égalitaires, c'est-à-dire de mettre fin aux privilèges (des différents territoires présents en France), auxquelles s'ajoute aussi une volonté d'unification et de centralisation. Il s'agit donc, pour les Constituants, de briser les anciens cadres de vie établis depuis de nombreux siècles, formant de véritables territoires géohistoriques.

Le support de l'élaboration de la carte de ces départements est principalement la carte de Cassini au 1/86400 ème (de la dynastie Cassini en réalité), et qui constitue le document cartographique de référence en cette période de Révolution Française.

A l'origine, le nouveau maillage administratif devait être purement géométrique et égalitaire. Les circonscriptions ainsi obtenues "devaient être les ressorts d'un système d'assemblées emboîtées suivant une hiérarchie à trois degrés (départements, districts et cantons) et suivant une progression par multiple de 9 (81 départements, 9 districts par département, 9 cantons par district), chaque instance inférieure étant étroitement subordonnée à l'instance supérieure. Chaque département devait être un carré de 18 lieues de côté, contenant 9 districts carrés de 6 lieues de côté chacun, ceux-ci étant eux-mêmes composés de 9 cantons de 2 lieues sur 2 chacun".

Ce découpage géométrique s'oppose ainsi radicalement aux anciens pays et provinces géohistoriques, dont les limites (ou frontières), plus ou moins floues, étaient le résultat d'une lente évolution qui s'était opérée au fils des siècles. Sieyès est d'ailleurs l'un de ce hommes pour qui "la France ne doit point être un assemblage de petites nations qui se gouverneraient séparément en démocraties".

Finalement, les Constituants décident "d'accorder un assez large respect aux convenances locales, aux anciennes limites et réalités géographiques (topographie, répartition de population, moeurs, etc...) dans les délimitations nouvelles ; cependant, la nécessité de fractionner les provinces en circonscriptions de moindre étendue et à peu près égales est maintenue. La rigidité du modèle géométrique se trouve donc nuancé sur le plan des tracés, mais non pour ce qui est de l'extension des circonscriptions".

Cependant, l'Assemblée Constituante et le Comité de Constitution (des départements) posent une règle importante et à respecter, celle de l'accessibilité aux chefs-lieux : chaque chef-lieu de département doit être accessible de n'importe quel point de ce département, et cela en moins d'une journée de voyage. Or cette règle ne tient pas compte du réseau urbain préexistant. En effet, à l'époque considérée, la ville inspirait de la méfiance et de l'hostilité, d'où le faible intérêt qu'on lui a d'abord porté dans le découpage des départements. Finalement, l'afflux massif de revendications urbaines pour tenir compte du rôle des villes dans la polarisation de ces (futurs) espaces départementaux, contrebalance alors l'idée de départ. D'une géométrie absolue nous passons ainsi à une géométrie relative, plus respectueuse des pratiques socio-spatiales en vigueur, de la mobilité des hommes et des biens.

"Pour une remise en cause du maillage politico-administratif français ? - Exemple de la limite
départementale et régionale entre Pau et Tarbes."- Lionel Dupuy, Mémoire de DEA, 1998.

"La départementalisation apparaît finalement comme le résultat d'un compromis entre plusieurs logiques, ce qui conduit à reconsidérer le reproche d'arbitraire qui lui a souvent été adressé". La part du local a donc été aussi importante que celle du national dans la mise en place de ces découpages. Les mailles de ces nouveaux départements (83 en 1790, et 96 aujourd'hui) retrouvent ainsi souvent celles des anciennes provinces auxquelles ils succèdent, d'où une appropriation et une légitimation relativement rapide de ces espaces, autant par les populations locales que par le pouvoir désormais centralisé.

Par la suite, deux lois de l'an VIII (1799) et l'an IX créent les arrondissements et les cantons. L'arrondissement est ainsi une division du département, sans budget ni assemblée élue, mais dans laquelle l'État est représenté par un sous-préfet (il y en a 329 actuellement). Quant au canton (il y en a 3828 en 1990, selon le R.G.P. de 1990), il constitue une division de l'arrondissement créée notamment en vue des élections à l'assemblée départementale, et aussi un niveau organisationnel de base destiné à la gestion du département (gendarmerie, collège, E.D.F., etc...). Pour chaque canton un conseiller général est élu pour six ans. Le canton est généralement un regroupement de plusieurs communes entières, mais il y a parfois des exceptions (par exemple, les communes urbaines et les grandes villes sont souvent découpées en plusieurs cantons).

B) - La formations des communes françaises.

Le maillage communal français date légalement du 22 décembre 1789. L'Assemblée Constituante créa 44000 communes, premier niveau de l'administration locale française, qui reprennent pour l'essentiel les limites des paroisses d'Ancien Régime et même parfois celles des grands domaines gallo-romains. Succédant ainsi aux paroisses de la période médiévale et moderne, les communes forment la plus petite division administrative française, possédant un budget et étant administrée par un conseil municipal élu pour six ans qui désigne en son sein le maire et ses adjoints. Elles sont aujourd'hui, au recensement I.N.S.E.E. de 1990, au nombre de 36551.

L'institution des communes est donc révolutionnaire. Ainsi, comme le fait remarquer Jean- Louis Guigou, "nation, départements, communes sont des institutions à "sang chaud" qui ont été instituées en période révolutionnaire. Elles renvoient à des territoires historiques, là où il y a eu des morts, de la vie et des traditions. C'est surtout vrai pour la nation et les communes. Les départements apparaissent plus comme des déclinaisons arbitraires de l 'Etat, mais ils sont riches de traditions forgées par deux siècles d'histoire".

Le second Empire et le début de la III ème République parachèvent la définition des pouvoirs et de l'organisation des communes et des départements, qui resteront pratiquement identiques jusqu'aux lois de décentralisation de 1982. De même, les découpages (le maillage donc) des départements et des communes ont peu varié depuis la Révolution Française. C'est d'ailleurs ce maillage qui a permis, jusqu'aux années 1960, au pouvoir central de contrôler et de gérer la quasi-totalité du territoire national, cela en pratiquant une politique où l'essentiel des décisions partaient du centre pour se diriger vers la périphérie.

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III - Pour une gestion et un contrôle optimaux du territoire national par le pouvoir central.

Jusqu'aux années 1960, période où de nombreuses remises en cause se manifestent (politiques, administratives, économiques, sociaux), le maillage politico-administratif français constitue un relais et un instrument au service du pouvoir (centralisé à Paris), permettant ainsi une gestion et un contrôle optimaux (et/ou quasi-absolus) du territoire national.

Fruit de la Monarchie et de plusieurs siècles d'évolution, le centralisme parisien se caractérise par une concentration accrue du pouvoir politique, administratif et de décision, par un poids démographique et économique sans commune mesure avec le reste de la France. Modèle monocentrique (du pouvoir) par excellence, forte hiérarchie et armature urbaine, le pouvoir central et centralisé "a façonné son territoire pour l'adapter à ses modes d'organisation administrative, politique et économique".

Durant cette période, les trois niveaux d'administration (commune, département, État) ont pour but, parmi d'autres, de résoudre les conflits et de créer l'unité, sachant que les relations verticales (ou inter-actions) sont prédominantes, suivant une logique descendante hiérarchique, allant donc de Paris vers le reste de la France. En effet, les relations horizontales (ou inter-relations) sont peu favorisées, l'organisation fonctionnelle du territoire étant dominée par quatre types de hiérarchies :

* hiérarchie urbaine (cf l'étoile de Legrand, 1831), * jacobinisme industriel,

* centralisme administratif,

* élitisme culturel.

Ces hiérarchies, ce jacobinisme, organisent et structurent ainsi l'espace français suivant un autre modèle théorique géographique, aussi de type dialectique, à savoir celui du "centre" et de la "périphérie", mais avec des rapports de force très inégaux. Partant de cette logique, l'État jacobin est "le type même d'un État à forte cohésion et à faible cohérence : deux départements voisins n 'y avaient (n 'y ont) strictement rien d'autre en commun que le fait d'envoyer chacun leurs représentants à une même assemblée et d'être soumis aux même lois que cette assemblée aurait votées".

Dans cette perspective, la fonction de préfet (de département, sans oublier les sous-préfets qui représentent l'État dans le cadre des arrondissements), créée en 1800 par Bonaparte et qui fait suite à celle des intendants de la royauté, est le symbole le plus évident du principe centralisateur qui motive l'État, puisqu'elle se maintiendra avec le pouvoir impérial, royal puis républicain, au cours du XIX° siècle, comme pendant la quasi-totalité du XX° siècle. Le maillage politico-administratif constitue donc, durant la période considérée (grosso-modo de 1789, et même avant, jusqu'aux années 1960), le support de base et l'instrument de l'application du pouvoir de gestion, de contrôle et de décision de l'État français.

Ainsi, "cette organisation spatiale répondait à la volonté politique d'organiser la nation en un État unitaire promoteur du développement économique. On retrouve ici l'idée d'une adéquation entre le fond (le marché, l'administration, les frontières) et la forme

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départementale et régionale entre Pau et Tarbes."- Lionel Dupuy, Mémoire de DEA, 1998.

(l'architecture du territoire), qui a montré son efficacité en faisant de la France une grande puissance économique et politique". De même, comme le fait remarquer Violette Rey, "toute organisation politico-territoriale sur une base étendue doit, en effet, répondre à une double nécessité : découper le tout en parties, "diviser pour gérer... et régner" ; rassembler des parties pour créer un tout, coordonner d'authentiques forces territoriales pour construire l'entité d'un État durable. De cette dialectique émerge un équilibre dynamique qui asseoit la base spatiale de l'État, avec un partage des compétences et des pouvoirs entre chaque niveau".

Or actuellement, et depuis les années 1960, l'équilibre dynamique émergeant de la dialectique développée par l'auteur n'est plus équilibré du tout (la contradiction sémantique de notre part est volontaire). De nombreux éléments remettent en cause l'autoritarisme et le centralisme parisien (l'État français ayant maintenant des bases spatiales très solides, pour reprendre les termes de Violette Rey), tels que l'émergence des revendications régionales (les volontés d'un État plus girondin, décentralisé et d'esprit plus fédéral) et la régionalisation elle même, le début de la décentralisation qui accompagne cette dernière, ainsi que les nombreuses modifications et évolutions de l'espace socio-économique français avec lequel le maillage politico-administratif s'adapte (ou s'articule) de plus en plus mal. En effet, quand le pouvoir central ne s'occupait que de la justice, de la police et de l'armée, le maillage politicoadministratif s'adaptait relativement bien aux prérogatives, aux compétences dévolues à

l'État. Mais aujourd'hui, les compétences de l'État sont plus nombreuses et diverses (avec une intrusion dans le domaine de l'économique et du social, il s'agit du passage de l'Étatgendarme à l'État-providence). Nous assistons alors à un renversement de tendance dans lequel le maillage politico-administratif doit tendre vers un compromis, un nouvel équilibre, ici entre les réalités factuelles de l'espace socio-économique (le terrain) et les prérogatives, les devoirs du pouvoir central (donc de l'État). Le décalage volontaire entre le maillage (ainsi que le nombre important de mailles) que nous étudions et les nouvelles dynamiques géographiques, est à partir des années 1960 de plus en plus controversé, ce dernier ne permettant plus une gestion et un contrôle objectif, cohérent et correct de l'ensemble du territoire national français.

Alors que les finalités du maillage départemental et communal étaient essentiellement politiques et administratives, celles qui découlent de la régionalisation et de la décentralisation (qui touche donc les départements et les communes), bien qu'étant aussi politiques et administratives, sont en plus économiques et sociales. Ainsi, le passage d'une logique à une autre permettra plus tard, peut-être, la mise en place d'un compromis durable entre les forces centripètes (centralisme, jacobinisme) et les forces centrifuges (régionalisme, girondins), en espérant que nous ne passerons pas d'un extrême à l'autre.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus