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Foncier en Afrique : quelle législation foncière comme outil de cohésion sociale et de développement économique ?

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par W. Paul DABONE
Ecole Nationale des Régies Financières du Burkina - Inspecteur des Impôts 2008
  

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IV-2- LE CONCEPT D'APPROPRIATION

L'examen des différents modes d'appropriation de la terre et d'exercice du droit de propriété permet de comprendre la conception coutumière de la notion de propriété et partant du concept d'appropriation.

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- La constitution du droit de propriété : elle provient d'une action collective. C'est en effet l'acte posé par un groupe de personnes, ou par une personne mais pour le compte d'un groupe de personnes qui est reconnu par les autres. Ainsi, l'appropriation aussi bien violente que non violente se fait par ou pour plusieurs personnes. Par ailleurs, quel que soit le mode de constitution du droit de propriété (par des actions pacifiques ou violentes), les populations africaines ne perçoivent pas ce droit comme la résultante d'actions humaines uniquement. Une force supérieure invisible est toujours intervenue pour aider la communauté à prendre possession de l'espace terrestre. Voila pourquoi le chef de terre exerce un pouvoir qui ne lui est pas contesté. D'abord parce qu'il tire sa légitimité de sa filiation avec les ancêtres. Ensuite parce qu'il exerce un rôle mettant obligatoirement en présence, au moins deux entités : lui-même en tant que vivant et celui de qui il tire sa légitimité, c'est-à-dire son ancêtre. Les droits exercés sur la terre sont donc originellement collectifs parce que acquis collectivement (directement ou par héritage) et exercés pour le compte d'une communauté. Un chef nigérien exprime avec justesse cette conception lorsqu'il affirme : « à mon sens la terre appartient à une grande famille dont beaucoup de membres sont morts, quelques uns sont vivants et dont le plus grand nombre est encore à naître... »1

- L'exercice du droit de propriété : le caractère collectif de la propriété coutumière détermine le principe fondamental du droit de propriété coutumier : l'inaliénabilité de la terre. Cette inaliénabilité pourrait tirer son explication dans le mode de constitution du droit de propriété et dans la perception que les populations africaines ont de la terre.

L'article 544 du code civil définit le droit de propriété comme « le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois et par les règlements. » Le droit de propriété se présente ainsi comme le droit le plus absolu qui soit sur les biens. Il est exercé par le « propriétaire » du bien. La condition essentielle de l'exercice du droit de propriété est donc d'être le propriétaire du bien. Les communautés africaines considèrent les terres régies par le régime foncier coutumier comme la propriété exclusive d'êtres non vivants ou invisibles (ancêtres et autres êtres surnaturels). Les vivants exercent

1 DARGA Basile, « la problématique de la sécurité foncière au Burkina Faso : constat et perspective. », mémoire de fin d'études, ENAREF mars 1998, page 9.

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sur elles, uniquement un droit d'usage. Le droit d'usage n'étant pas le droit de propriété stricto sensu, les vivants ne peuvent transmettre que ce qu'ils possèdent.

Par ailleurs, la conception africaine du foncier place le caractère sacré de la terre avant tout usage et par conséquent, avant tout droit qui peut être constitué sur elle. Léopold S. SENGHOR la décrira en ces termes : « la première de nos entraves, c'est le titre qui rend la propriété respectable ; c'est la défense faite à l'homme de toucher à ce qui appartient à un autre, sans le consentement du propriétaire... Mais les hommes ont voulu posséder exclusivement ce qu'ils avoient reçu pour en jouir en commun. Il a bien fallu dès lors que l'art inventât des limites, et que la justice les rendît sacrées. Voilà le vrai fondement de la société, et l'objet comme la source de toutes les lois... Leur esprit est de consacrer la propriété : il faut donc que la propriété leur soit antérieure. Mais la propriété elle-même n'a pu être que l'effet d'une société quelconque. D'où il suit qu'il y a dans le monde un principe secret, plus ancien que les lois, indépendant du pacte social ... »1

Selon le dictionnaire le petit Larousse illustré, l'appropriation désigne l'action d'approprier c'est-à-dire de rendre propre à un usage, d'en faire sa propriété2.

Et pour Etienne le Roy, pour passer de l'idée d'appropriation à la propriété privée, il faut que l'on passe d'une conception sacrale de la terre à une conception mercantile3.

C'est dire que tant que l'aspect sacré de la terre existe, l'appropriation telle que définie par la législation foncière moderne n'existe pas dans celle coutumière. Etienne le Roy définira pour ce faire, l'appropriation dans la conception africaine traditionnelle comme « l'affectation de l'espace à un usage »4. Léopold S. SENGHOR abondera dans le même sens lorsqu'il affirmera lors d'une conférence à Strasbourg en 1964 qu'en Afrique noire traditionnelle, la terre ne peut être l'objet de propriété : elle est seulement l'objet d'usufruit.

L'appropriation, pour la législation foncière coutumière, consiste donc à affecter un espace à un usage.

1 `' L'appropriation de la terre en Afrique noire» Editions KARTHALA, Paris, 1991, page 28

2 Le petit Larousse illustré, Paris, 1968, page 78

3 `'L'appropriation de la terre en Afrique noire `', Editions Karthala, Paris, 1983, page 30.

4 `'L'appropriation de la terre en Afrique noire `', Editions Karthala, Paris, 1983, page 30

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SECTION 2 - LES FORCES DE LA LEGISLATION FONCIERE
COUTUMIERE

I - LE RESPECT DES PRINCIPES FONCIERS COUTUMIERS

La législation foncière coutumière a bravé toutes les tentatives de la supprimer, de la période coloniale à nos jours. La dualité des systèmes de gestion des terres s'est imposée à tous les régimes politiques. Même après la suppression légale des droits fonciers coutumiers, l'ensemble de la population burkinabè, décideurs politiques et citoyens ordinaires continuent de faire recours aux autorités coutumières dès qu'ils envisagent acquérir une terre aussi bien pour l'usage communautaire (pour les autorités communales par exemple) que pour l'usage individuel. Cette situation constitue une force de la législation foncière coutumière. En effet, si personne ne permettait aux responsables coutumiers d'exercer leur autorité dans la gestion des terres burkinabè, la législation foncière coutumière s'éteindrait d'elle-même. Mais tout le monde a recours à l'autorité coutumière pour obtenir la terre. «...en effet, dans la pratique, tout le monde y compris ceux-là même, qui sont chargés de concevoir et de faire appliquer la loi se réfèrent aux règles traditionnelles lorsqu'il s'agit pour eux d'accéder à la terre en milieu rural. Le schéma est le même et il consiste à s'adresser, directement ou par l'intermédiaire d'une tierce personne, aux `'propriétaires terriens `'. Ainsi, tous ceux qui s'intéressent au foncier, y compris les intellectuels, accèdent aux conditions à remplir, notamment les offrandes aux ancêtres pour implorer leur pardon et leur protection dans l'utilisation des terres concédées. »1

II - L'OCCUPATION OBLIGATOIRE DE L'ESPACE, UN PREALABLE A
L'ACQUISITION DES DROITS FONCIERS COUTUMIERS

Les conditions d'obtention et d'exercice de tout droit sur la terre constituent de notre point de vue une seconde force de la législation foncière coutumière. En effet,

1 moussaouedraogo@hotmail.com `' Le foncier dans les politiques de développement au Burkina Faso : enjeux et stratégies» OUEDRAOGO Moussa, page 13.

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ni le droit de propriété, ni celui d'usage ne se conçoit dans le régime foncier coutumier sans une occupation effective de l'espace.

A l'heure des spéculations foncières, effets induits de l'approche règlementaire de la question foncière qui ne considère la terre que selon sa valeur économique, l'occupation effective de l'espace comme condition obligatoire de détention de tout droit sur la terre apparaît comme une véritable force de la législation foncière coutumière. Surtout pour un pays comme le Burkina qui tire l'essentiel de ses ressources de la terre exploitée. « L'appropriation, à l'origine ne se conçoit pas sans une mise en valeur, c'est-à-dire sans que les deux conditions suivantes soient remplies : vivre sur la terre et vivre de la terre occupée. Les terres cultivées et les parcours de chasse étaient donc considérés comme occupés par une collectivité et donc appropriés par elle (...) Il faut donc considérer que le `'premier coup de hache» qui confère le droit de propriété, n'était qu'un symbole à travers lequel se manifestaient toutes les formes d'activités qu'exerçait une communauté sur un territoire, et qui lui procuraient ses moyens de subsistances... »1

III - L'EXCEPTION AU PRINCIPE D'INALIENABILITE DU DROIT DE PROPRIETE

L'évolution de certains principes coutumiers tels que celui de l'inaliénabilité du droit d'usage est une force de la législation foncière coutumière. La pratique qui était peu courante à l'époque coloniale a pris de l'ampleur au fil de l'évolution des sociétés africaines. « Les donations vraies se conçoivent comme une forme de contournement de la règle de l'inaliénabilité de la terre en coutume traditionnelle. Elles se faisaient contre des paiements en nature, et plus tard en nature et en espèce. Elles ont conféré les droits de propriété aux bénéficiaires et ces droits n'étaient pas révocables, mais se transmettaient de génération en génération. »2

Cette évolution fait la preuve contraire des appréhensions du colonisateur français, en montrant que le système foncier coutumier africain, comme toute structure sociale évolue et se modèle au gré des exigences sociales et économiques du moment. La `'donation» est un mode de transmission des droits fonciers coutumiers, qui ressemble à s'y méprendre, à la vente.

1 `'Espaces disputés en Afrique noire», éditions Karthala, Paris, 1986, page 42.

2 `'Espace disputé en Afrique noire», éditions Karthala, Paris 1986, page 45.

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