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Découvrir le rôle de la vierge Marie dans l'Incarnation et la Nativité du seigneur : Ex. Sp. (101-117 ; 121-126).

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par Antoine BASUNGA Nzinga.
ITCJ -  2009
  

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Découvrir le rôle de la vierge Marie dans l'Incarnation et la Nativité du seigneur : Ex. Sp. (101-117 ; 121-126).

Par BASUNGA Nzinga, sj. (ITCJ)

Introduction.

Relire la présence « participative » de la Vierge Marie à l'oeuvre du salut sera la ligne directrice cette réflexion. Cette relecture voudrait se réaliser à travers les Ex. Sp. de Saint Ignace. Il ne s'agit pas de parcourir « ce rôle-présence » à travers tous les Ex. Sp. Nous avons opéré un choix. Notre approche s'enracinera davantage dans la première contemplation de la deuxième semaine : celle de l'incarnation Ex. Sp.(101-109). Une contemplation qui est déterminante dans la poursuite du rôle évident de la Vierge Marie dans notre histoire du salut. Il s'agit de conjuguer le lien étroit entre « l'incarnation et l'annonciation » (Lc 1, 26-38). Car nous pensons, à la suite de Rahner que, « Si l'on essaie de détacher du récit de l'annonciation la vérité de l'incarnation du Logos [vis versa], on tombe fatalement dans le danger d'exténuer cette vérité qui est essentiellement communication, pour en faire une spéculation abstraite purement métaphysique »1(*).

Le rôle de la Vierge Marie dans les Ex. Sp. est pour ainsi dire christique. Un rôle qui s'actualise réellement dans cette communication où la réalité divine, en la personne du fils, vient réellement habiter la nature humaine et prend chair à travers une mère humaine. La Vierge Marie demeure pour nous un modèle du service à imiter dans la suite du Christ. Non pas seulement en s'armant d'une audace spirituelle mais aussi et surtout en restant ouvert à la grâce des qualités maternelles dont Marie a témoigné dans l'accomplissement de notre rédemption. Toutefois, soulignons que la première intervention de Notre Dame dans les Ex. Sp. est déjà manifeste dans le troisième exercice de la première semaine Ex. Sp. (63) : « Notre Dame est médiatrice d'une grâce car elle est, tout à la fois, pure grâce de Dieu, elle-même («  la grâce... de son Seigneur ») et associée à l'oeuvre de cette grâce pour nous (« la grâce de son Fils »). »2(*) Pas à pas, au rythme des Ex. Sp., et dans la fidélité créatrice, nous quêterons la présence discrète de la Vierge Marie depuis l'annonciation comme préfigurant l'incarnation Ex. Sp.(101-109), avant toute considération de leur complicité avec la nativité du Seigneur (Ex. Sp. 110-117 ; 121-126).

Pour ce faire, nous avons opté pour une méthode. Nous nous pencherons davantage vers l'herméneutique même des textes des Ex. Sp. (Cf. Exercices Spirituels, DESCLEE DE BROUWER, Bellarmin 1986). Ceci, tout simplement dans le but de « nous originer » dans un texte plus au moins proche de l'original et de faire appel aux intuitions originelles de Saint Ignace lui-même. Une prétention, bien sûr, mais c'est cela justement le bien fondé de la méthode herméneutique qui est « un art d'interpréter » à entendre Schleiermacher3(*). A chaque étape de notre développement nous veillerons d'abord à la description du texte des exercices ensuite, nous soulignerons le but et le fruit attendus de l'exercice et enfin nous ferons quelques allusions aux données bibliques et théologiques afférentes à l'exercice.

I. Marie dans l'annonciation du Seigneur.

Nous avons souligné que le rôle de Marie dans les Ex. Sp. est essentiellement christique. Marie est celle que Dieu a choisie pour que par elle, nous soit parvenu son Fils bien aimé. Ainsi donc, le rôle de Marie dans l'annonciation trouve son plein sens dans l'incarnation du Seigneur. Marie s'est ouverte en notre nom à tous à l'oeuvre du salut décidée par Dieu et proposée à son acceptation. Son consentement est caractérisé par l'humilité devant Dieu et par l'action de grâce4(*).

Ainsi, l'obéissante décision du Dieu-Fils fait homme précède l'annonciation au-delà du caractère complémentaire qui leur est intrinsèque. C'est peut être là, la raison pour laquelle Saint Ignace souligne davantage l'aspect incarnation cf Ex.Sp.(101-109) dans lequel il développe ensemble « l'incarnation et l'annonciation ». Il s'agit d'un mystère où le Dieu amour se donne à Lui-même en se donnant à nous (ses créatures) nécessairement et essentiellement5(*).

I.1. La description du texte.

La contemplation de l'incarnation Ex. Sp. (101-109) comprend la prière préparatoire, trois préambules, trois points et un colloque.

1.1. La prière préparatoire.

Ignace renvoie à la prière préparatoire habituelle cf. Ex. Sp. (46). Il s'agit de la préparation immédiate dans laquelle l'exercitant demande « à Dieu notre Seigneur sa grâce pour que toutes (ses) intentions, actions et opérations soient purement ordonnées au service et à la louange de sa divine Majesté ».

Il est un sage qui conseille d'écouter le Seigneur plutôt que de prendre soi-même l'initiative de lui adresser la parole. « car Dieu est dans les cieux et toi, sur la terre ». Avant de prier, il faut contrôler ses passions et se demander avec discernement quelle demande ou quelle louange il serait bon d'adresser discrètement à Dieu (Qo 5, 1-2).

1.2. Le premier préambule Ex. Sp (102).

Ce préambule fait appel à la mémoire de l'histoire de ce que j'ai à contempler ; « C'est, ici comment les trois Personnes divines regardaient toute l'étendue ou la circonférence du monde entier, pleine d'hommes, et comment, en voyant qu'ils descendaient tous en enfer, elles décident en leur éternité que la deuxième Personne se fasse homme pour sauver le genre humain. Et ainsi, quand la plénitude de temps fut venue, elles envoient l'ange saint Gabriel à Notre Dame (n°262). » Le préambule replace tout l'univers sous le regard saint de Dieu. L'un des caractéristiques du regard de Dieu est d'être ce regard qui rachète l'homme par delà toutes choses.

Il s'agit d'un regard perçant qu'aucune obscurité ne pourrait arrêter. Car il (ce regard) est lumière qui éclaire notre marche vers l'humanisation en Dieu, ce point oméga de notre quête, comme dirait Teilhard de Chardin. C'est cela le sens de la visitation de la Vierge Marie, par l'ange, par Dieu. Le préambule n'est que l'histoire. Il s'agit de l'histoire de la rencontre de Dieu et de l'humain. Mais une rencontre très déterminante car elle vient déjà en prélude d'une nouvelle alliance qui enveloppe l'humanité en la personne d'une femme.

1.3. Deuxième préambule.

Il s'agit de la composition de lieu, « ce sera, ici, voir la grande extension et circonférence du monde où se trouvent des peuples si nombreux et si différents ; de même voir ensuite plus particulièrement la maison et la chambre de Notre Dame, dans la ville de Nazareth, dans la province de Galilée ». De la circonférence du monde en Galilée, derrière ce périple, se cache une grâce particulière dont Galilée semble être le « centrifuge ».

C'est par le consentement de celle que Dieu s'est choisie que cette grâce est rendue possible : le salut de l'humanité. Le préambule que propose Ignace est un grand événement. Dieu embrasse l'espace et le temps, il prend l'habit humain pour nous sauver (Schillebeeckx). Dieu nous sauve selon la mesure de ses dons. Il s'agit d'un si grand amour qui vient embrasser ce qui est de plus bas, la faiblesse humaine pour révéler ce que l'humain a de noble : la capacité de porter le divin.

I.2. le but et le fruit attendus de l'exercice (Ex. Sp. 104).

Le but poursuivi se résume dans ce qu'Ignace appelle le troisième préambule. C'est donc la grâce à demander. Au terme de cet exercice6(*) l'exercitant doit arriver à « une connaissance intérieure du Seigneur qui pour lui s'est fait homme », afin qu'il l'aime et le suive davantage. L'on ne peut pas ne pas prendre conscience des bienfaits dont on a été bénéficiaire. Encore qu'il s'agisse des bienfaits d'en haut! Lorsqu'on a réellement goûté à l'expérience profonde de l'amour, on en ressort transformé. L'amour transforme.

L'amour que l'on attend ici du priant est un amour non sans cause. Il part d'une conscience intérieure sous le regard de Dieu, à reconnaître le Christ comme effectivement son sauveur. C'est d'une prise de conscience réelle de l'expérience du Christ dans ma vie que ressurgit au fond de moi le plus grand amour dans son caractère réciproque. L'amour nous porte comme dans un rendez-vous du donner et de recevoir. L'amour appelle l'amour. C'est la grâce à laquelle la Vierge mère de Dieu est parvenue. Dans la poursuite de cet objectif, selon Saint Ignace, le priant doit considérer trois points durant sa prière. Cette considération s'achèvera par un colloque.

2.1. Le premier point (Ex. Sp. 106).

Puisqu'il s'agit de contempler les circonstances de l'incarnation du Seigneur Jésus- Christ, Ignace invite premièrement à voir les personnages qui y participent, notamment les humains. Il s'agit de les voir dans leur condition réelle, dans leur différence, tant physiologique que vestimentaire. Dans leurs différences de peaux, cohabitant dans la paix comme dans la guerre, dans la richesse comme dans la pauvreté, dans la joie comme dans les pleures. Les uns en bonne santé les autres malades, les uns mourant, les autres naissant. Ce regard contemplatif dans le deuxième moment sera considéré en parallèle avec les trois Personnes divines.

Ignace demande de voir « comme sur leur siège royal où trône leur divine Majesté ; comment elles regardent toute la face et la circonférence de la terre, et tous les peuples en si grand aveuglement, et comment ceux-ci meurent et descendent en enfer ». Ignace se sert de la représentation sociale de son époque pour nous aider à considérer la Sainte Trinité. Au-delà du caractère moins digne que cette image peut représenter face à la réalité de notre relation avec Dieu, il est bon de retourner à l'intuition initiale d'Ignace.

Plus qu'un ensemble de guetteurs à distance de la réalité humaine, Ignace voudrait souligner la grandeur de Dieu dont l'amour demeure inconditionnel. Surtout face à la situation des humains. Qu'elle (la Sainte trinité) nous regarde du haut de son trône, ce regard est en réalité signe de la présence permanente de Dieu au milieu de nos réalités. C'est en vertu de cette présence constante de Dieu au milieu humain que Saint Ignace invite dans un troisième moment à considérer Notre Dame et l'ange qui la salue. Ignace conseille de réfléchir sur ces différentes rencontres de Dieu et de l'humanité, afin d'en tirer un plus grand profit spirituel.

2.2. Le deuxième point.

De la contemplation de différences au premier point, autrement dit, du regard, Ignace passe à l'ouïe. Il invite donc à entendre de quoi parlent les personnes sur la face de la terre. Entendre de quoi parlent les personnes divines. Tandis que les humains sur terre s'écartent de la volonté de Dieu par des injures et des blasphèmes, Ignace invite à écouter la profonde bonté qui jaillit du dire des personnes divines : « Faisons la rédemption du genre humain, etc. » Entendre aussi les paroles de l'ange et de notre Dame.

Il s'agit de réfléchir à cet instant grandiose qui fut au départ du renouvellement de l'humanité en Dieu : le fiat d'une servante dépouillée et totalement vouée à l'accomplissement de la volonté du Seigneur. Réfléchir afin de tirer profit à cette préfiguration de la rencontre de grâce entre Dieu et l'humain.

2.3. Le troisième point.

Au troisième point, Ignace revient sur le regard. Si dans le premier point l'on a regardé les différents personnages dans leurs différences et qu'au deuxième point on a entendu leur dire, au troisième point Ignace nous appelle à regarder leur « agir » non seulement par rapport à la vie morale mais surtout dans la conformité à la volonté de Dieu. Ici l'idéal d'agir nous est présenté dans la volonté de racheter l'humain qui, par contre, continue à collaborer à la destruction de la création (une lecture encore plus actuelle). Au regard du monde actuel, où des guerres terrifiantes, des génocides et autres combines (corruption, injustice, terrorisme...) malsaines prolifèrent. C'est dans ce monde en ébullition que Dieu passe à l'acte du rachat de l'humanité. Et tous les hommes et femmes de bonne volonté derrière Dieu, à la suite l'ange et de Notre-Dame.

En adjoignant la scène de Nazareth, où l'ange salue la Mère bénie, à l'intercession des préoccupations de Dieu (de sauver l'humanité) et l'ego humain (qui nous mène tous en enfer), « Ignace ajoute une norme qui sert d'intermédiaire entre les deux extrêmes. [Ignace] l'avait déjà fait auparavant, dans la première semaine, dans le colloque avec le Crucifié. De cette manière, la méditation sur l'incarnation donne corps à un principe structurel qui réconcilie les divisions et les contraires... »7(*). Toutefois, devant Cette réalité confuse de l'agir humain, l'humanité devrait s'humilier en rendant grâce à la divine majesté d'avoir trouvé une issue pour son rachat.

2.4. Colloque.

A la fin de la contemplation sur l'incarnation, Ignace propose à l'exercitant de faire un colloque aux trois personnes divines : « ou au Verbe éternel incarné, ou à la Mère et Notre Dame ». Le rôle de la Vierge est davantage souligné dans le triple colloque (Ex. Sp. 63). Marie est essentiellement la mère de toute réconciliation avec Dieu. Elle est celle en qui nous retrouvons le chemin de la volonté divine, chemin que les choses mondaines et vaines ont tenté d'obscurcir. Pour plusieurs commentateurs, la prière du triple colloque prend la place d'une profession de foi dans l'économie du salut.

C'est Dieu qui s'est choisi Marie pour collaboratrice pour étendre sur nous sa coopération. La médiation de Marie n'est pas cependant un à côté à l'unique et définitive médiation du Christ. Comme intercesseur et « médiatrice », Marie « l'est en tant que liée au Fils et en dépendance de Lui ; et son intervention, bien que reliée à la sienne, ne peut pas se confondre avec elle, mais doit s'en détacher comme une étape première et préparatoire. C'est pour avoir par elle accès au Fils, seul et unique médiateur auprès du Père, qu'Ignace s'adresse à Marie ; mais parce qu'il sait l'union qui existe entre Notre Dame et «  son Fils et Seigneur », le colloque qu'il lui adresse est habité déjà par la certitude de rejoindre le Fils et, par Lui, le Père.»8(*) Loin d'être une chaîne de médiations qui conditionneraient l'accès à Dieu, le triple colloque est au-delà des controverses9(*) théologiques un achèvement de l'icône de la Vierge par Ignace10(*).

Dans son colloque, le priant confie aux trois personnes divines, notamment à la Vierge, son désir de « suivre et d'imiter davantage notre Seigneur, ainsi nouvellement incarné. Dire un Pater noster» (Ex. Sp. 109). Au-delà de toute vérité humaine, il sied tout de même de savoir, et cela vaut d'autant plus dans la culture africaine, que « Le recours à des êtres dont la parole est efficace suggère qu'il ne s'agit pas seulement de demander, mais d'obtenir et de prendre pour cela les moyens de chercher Dieu, mais de le trouver. »11(*)

I.3. Les données bibliques et théologiques.

« Selon ce qu'écrit saint Luc, au chapitre 1, 26-38 » cf. (Ex. Sp. 262), la contemplation sur l'incarnation trouve son fondement scripturaire dans le message biblique de l'annonciation où « le « oui » de Marie est l'élément grâce auquel le Logos est devenu homme. Là se rencontre d'une manière insurpassable l'action de Dieu et celle de l'homme. »12(*). Au premier contact avec le texte de Luc, l'on est frappé par l'initiative de Dieu qui vient à Marie et à travers elle, l'humanité toute entière. Il s'agit d'une initiative nourrie de tant de motifs comme nous l'avons souligné chez Saint Ignace. La rencontre avec Dieu est un fait bouleversant car à l'approche du plus grand, l'on est saisi d'effroi. Il en fut de même pour la Vierge Marie. Toutefois, Dieu le maître de la paix, en appelle au calme (vv. 29-30). C'est le message du salut de l'humanité qui s'en suit.

Marie prend conscience de l'urgence du message. D'où sa question  factuelle : « comment cela se fera-t-il puisque je suis vierge je ne connais point d'homme ? » (v.34). Question à laquelle « l'ange répond d'une manière tout aussi factuelle : « l'Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du très haut te couvrira de son ombre ; c'est pourquoi celui qui va naître sera saint et sera appelé Fils de Dieu » (Lc 1, 35). Rien de superflu dans ce langage, rien d'un langage amoureux qui retourne le coeur, mais la simple annonce faite à Marie, de la part de Dieu, de ce qui va s'accomplir en elle. »13(*) Marie entre ainsi dans le mystère d'amour de Dieu en prenant conscience de sa pureté initiale. Plus qu'un simple jeu d'humilité, il s'agit d'un acquiescement sincère au grand projet d'amour divin. Telle la signification théologique de sa réponse à Dieu : « je suis la servante du Seigneur. Que tout se passe comme tu l'as dit ! » « Et l'ange la quitta » (v. 38).

II. Marie dans la nativité du Seigneur (Ex. Sp. 110-117 ; 121-126).

Les circonstances historiques qui environnèrent la venue du Seigneur sur terre furent exigeantes non seulement en soi, mais surtout pour une jeune femme qui devait enfanter pour la toute première fois. Outre le poids de la grossesse portée pendant neuf mois, Marie et son époux, conformément à loi, doivent partir de Nazareth à Bethléem pour payer l'impôt et pour le recensement que César imposa à toutes ses régions. C'est à Bethléem dans une crèche que la Vierge enfanta le Christ.

II. 1. La description du texte.

Le texte des exercices à propos de la nativité du Seigneur est fait d'une structure identique à celui de l'incarnation. Autrement dit, il comprend la prière préparatoire, trois préambules, trois points et un colloque.

1.2. La prière préparatoire.

Ignace installe l'exercitant dans la même dynamique de motivation et de disposition totale en Dieu. La prière préparatoire reste le même cf. (Ex. Sp. 46). Comme dans la contemplation sur l'incarnation, le priant doit demande la grâce d'embrasser pleinement la volonté du Seigneur dans toutes ses intentions, actions et opérations. Il s'agit de ce désir d'épouser, par la grâce du Seigneur, sa volonté et d'en faire une seconde nature.

Au fond, cette prière préparatoire nous livre en quelque façon le secret de la Vierge Marie. Cette volonté pleinement remplie du Seigneur que nulle autre préoccupation ne pourrait ébranler. C'est dans ce sens que Marie a espéré contre toute espérance dans la réalisation de la volonté de Dieu.

1.3. Le premier préambule (Ex. Sp 111).

Dans premier préambule de cet exercice, Ignace veut nous situer dans le contexte historique dans laquelle l'événement-Christ a vu le jour : «  ce sera, ici, comment partirent de Nazareth Notre Dame enceinte de presque neuf mois, assise sur une ânesse comme on peut pieusement le méditer, Joseph, ainsi qu'une servante emmenant un boeuf, pour aller à Bethléem payer le tribut que César imposa à toutes ces régions » (Ex. Sp. 264). Au coeur de ce préambule, ressurgit un désir: celui de l'obéissance.

Il s'agit d'obéir à la loi de césar comme pour prédire les paroles du Christ même : « rendez à César ce qui est à César... » (Lc 21, 25). Il est aisé de contempler en cette famille comblée de grâces, notamment en Marie, une ouverture d'esprit. Il s'agit d'une ouverture qui s'enracine déjà dans son « fiat » donné au Seigneur. L'obéissance au Seigneur n'est en rien un prétexte d'un repli égoïste sur soi. Bien au contraire, elle est possibilité d'ouverture dans la réalisation de la volonté du Seigneur à travers les hommes et, femmes de bonne volonté qui y collaborent. Ainsi la sainte famille obéissait aussi à l'ordre social de son temps.

1.4. Le deuxième préambule (Ex. Sp. 112).

Si dans le premier préambule, l'on s'est rappelé l'histoire, le contexte qui a vu naître Jésus, ici, Ignace en appelle à une actualisation de cette histoire même. Il s'agit de faire une composition de lieu : « Ce sera ici, voir avec la vue de l'imagination le chemin de Nazareth à Bethléem, en considérant la longueur, la largeur de ce chemin, s'il est plat, s'il passe par des vallées ou s'il monte. De même regarder le lieu ou la grotte de la Nativité, si elle est grande ou petite, basse ou haute et comment elle était arrangée». Une grande place est accordée à l'imagination.

Car elle rend présent ce qui est absent. Au moyen de l'imagination, Ignace nous amène à « restituer à la vie du Christ à jamais historiquement passée toute sa vérité humaine, à travers sa chair et dans son coeur ... »14(*) et avec elle (l'histoire de la vie du Christ), celle de la vie Marie aussi. Seule l'imagination peut nous aider à actualiser l'histoire ancienne dans l'aujourd'hui de notre vie. Loin de pousser à la simple curiosité imaginative (cf. la longueur, la largueur du chemin de Nazareth), ce qui importe pour Ignace c'est d'assurer le sentiment d'une présence de l'Evangile (puisqu'il s'appuie sur Lc 2, 1-14) comme d'un événement se réalisant ici et maintenant.

II. 2. Le but et le fruit attendus ou le troisième préambule (Ex. Sp. 113).

Le troisième préambule a la même forme que dans la contemplation de l'incarnation (Ex. Sp. 104). L'exercitant doit, par la grâce du Seigneur et par sa pleine liberté dans l'amour et dans la suite du Seigneur, arriver à une connaissance intérieure du Christ qui pour lui s'est fait homme. Dans la poursuite de ce but, l'exercitant sera mis en présence réelle de l'enfant Jésus. C'est cette réalité qui est décrite à travers les points, chemin qu'Ignace propose au retraitant.

2.1. Le premier point (Ex. Sp. 114).

Le priant est en face de l'enfant nouveau né en compagnie de Notre Dame, Joseph et la servante. Puisque le retraitant a conscience de la grandeur du Seigneur dans l'enfant Jésus, Ignace l'invite à prendre complètement sa place d'homme. Devant l'homme-Dieu, il sied de savoir quelle attitude doit revenir à l'humain. Tout indigne qu'il soit, l'homme est cependant appelé à prendre part à la réalité du paradoxe d'un-Dieu-fait-homme.

Ignace invite à une plus grande humilité et révérence : « me faisant, moi comme un petit pauvre et un petit esclave indigne qui les regarde, les contemple et les sert dans leurs besoins comme si je me trouvais présent, avec tout le respect et la révérence possibles ». Un fait certes, épatant pour l'homme d'être admis à un si grand événement divin. Dès lors, l'homme doit prendre conscience de la valeur coopératrice qui lui est accordée par Dieu et se mettre déjà à l'oeuvre.

2.2. Le deuxième point (Ex. Ep. 115).

De manière très sombre, Ignace demande d'observer et de contempler ce que dit la famille sainte. Il s'agit d'entendre Marie, Joseph, la servante et pourquoi ne pas entendre des sons émus par l'enfant Jésus, le centre même de cet événement ! Pour peu qui nous concerne, c'est l'attitude de la Vierge qui nous intéresse. Elle qui voit se réaliser la volonté de Dieu.

Il nous est bon de ne pas trop bavarder au sujet de celle qui n'a presque pas parlé et dont nous savons peu de choses. Cependant, cela ne nous empêche pas d'entendre du fond du coeur de la Vierge les mêmes paroles qu'elle a eues dans le « magnificat » : Les paroles de joie pour le regard que le Seigneur a porté sur son humble servante (cf. Lc 1, 47-49). Marie est la mère de la reconnaissance des bienfaits divins sur l'humanité.

2.3. Le troisième point (Ex. Sp. 116).

Ignace appelle à regarder ce que la sainte famille fait (voyager et peiner pour que le Seigneur vienne à naître dans la plus grande pauvreté). Mais il met davantage l'accent sur ce qu'expérimente Jésus-Christ. Un parcours plein d'embûches. : « Qu'au terme de tant de peines, après la faim, la soif, la chaleur et le froid, les outrages et les affronts, il meure en croix ; ».

Si Ignace nous appelle à regarder ce parcours jalonné de peines et de souffrances, ce n'est pas en ce qu'il porte d'éprouvant en lui-même. Mais plutôt pour ce qu'elle a dans sa finalité, le but pour lequel le Dieu Fils endure une telle souffrance : mon salut. Le fait qu'Ignace poursuit est justement dans cette prise de conscience : c'est pour moi que Dieu s'est fait homme, c'est pour moi que la Vierge a dit oui au projet de Dieu.

2.4. Le colloque.

« Terminer avec un colloque, comme dans la contemplation précédente, et par un Pater noster » (Ex. Sp. 117). Ignace invite de nouveau à reconsidérer la réalité du Dieu le Fils qui a pris chair. Il veut que l'exercitant, dans son dialogue amical, garde présent à l'esprit la dimension du « verbe éternel-incarné ».

Il s'agit de prendre part à la joie de la rencontre de Dieu avec l'humanité en ce Jésus de Nazareth dont Marie est la mère charnelle. Dans ce colloque Marie apparaîtra davantage comme la lumière éclairant le retraitant à la suite de son fils qui entre dans notre réalité.

II. 3. Les données bibliques et théologiques (Ex. Sp 264).

Ignace commence par dire, « selon ce que dit saint Luc, au chapitre 2, 1-14. ». Decloux, tombant dans l'admiration de la lecture qu'Ignace fait de l'évangile de la nativité, écrit : « il en résulte une manière de voir Marie unie à son Fils, non seulement comme n'importe quelle mère peut être unie à son enfant, mais unie à Lui dès le départ en tant qu'impliquée personnellement dans le chemin de pauvreté et d'humiliation où s'engage, en venant vivre parmi nous, le sauveur du monde, notre sauveur : »15(*) La participation à l'oeuvre de Dieu appelle à un engagement total. L'engagement responsable de la Vierge à ce projet est à relire dans la dimension événementielle de sa vie même. Ainsi il en va de ses actes de bravoure et d'adhésion fidèle à la promesse de Dieu. Marie a pris part à la peine, à la pauvreté, à l'humiliation de Dieu. Elle est non seulement la mère de la gloire mais aussi la mère de la peine.

A entendre Rahner, « Du point de vue théologique, cette méditation n'est en son fond qu'une répétition de celle sur l'incarnation du Logos »16(*). Ainsi, il met davantage l'accent sur l'épiphanie de Dieu dans la chair où le Christ se faisant petit, ne ménage aucun effort pour risquer sa divinité dans nos conditions historiques. La divinité loin d'être un bijou aux contentements égoïstes, s'est faite totalement don. Un don qui fait du Christ « un être avec » par excellence. La centralité de l'amour de Dieu communiqué en nous est mise au devant de la réalisation de son dessein : Dieu est véritablement amour.

Conclusion.

Au terme de cette réflexion qui s'est fixé pour objectif de relire le rôle de la Vierge dans la contemplation de l'incarnation et dans la nativité du Seigneur, nous volons rappeler le caractère « médiateur » et intercesseur de Marie auprès du père. Ce rôle complètement enraciné dans le Christ n'est pas un à côté de l'unique et définitif rôle médiateur de Jésus-Christ. La Vierge est présente dans ces contemplations comme le signe efficace, autrement dit, le sacrement de la nouvelle réconciliation dont le Christ est l'accomplissement total. Mère d'une nouvelle alliance, Marie est celle qui nous montre le Fils, par qui nous sommes sauvés.

Ayant pris part et goûté personnellement à la pauvreté du Dieu fait l'homme, Marie est pour nous la mère qui a espéré contre toute espérance. Elle n'est pas tout simplement la mère du Fils, la mère des hommes, mais aussi notre modèle de fidélité et d'obéissance en Dieu. Elle est l'icône de la femme accomplie et puissance de l'humanité en Dieu. En elle, l'humanité peut réellement se dire d'être capable de Dieu. Elle est donc pour nous le modèle du « Magis » auquel Ignace veut nous identifier, en nous identifiant à son Fils Jésus-Christ.

Bibliographie.

- Rahner (K.), Le Dieu plus grand, Paris, Desclée de Brouwer, 1971.

- Kolvenbach (P. H.), Fous pour le Christ. Sagesse de Maître Ignace. Bruxelles, Lessius, 1998.

- Schleiermacher (Fr.), Herméneutique, trad. Et Introd. de Marianna Simon, avant-propos de Jean Storobinski, Genève, Labor et Fides, 1987.

- Monier, Exercices Spirituels. Paris, Nouvelle Cité, 1996.

- McIntyre (J.), Les « Exercices Spirituels » d'Ignace de Loyola. Paris, Cerf, 1999.

- Demoustier (A), Les Exercices de S. Ignace de Loyola. Facultés Jésuites de Paris, 2006.

- //- //- « La Contemplation et l'apparition du Christ à Notre Dame » In Christus n°33 (1986) pp. 143-159.

- Decloux (S.), « Notre Dame dans la spiritualité Ignatienne ». In CIS n° 58-59 (1988) pp. 11-147.

- Yves Raguin, « Le Livre de Marie ». In Vie chrétienne n° 259, (1982).

- Ngoy Kalumba (L.), « Deux textes anciens sur l'apparition du Ressuscité à la Vierge Marie », In Telema, nn° 117-118 (2004) pp. 91-105.

- Rouwez (R.), Le premier jour. L'apparition à Notre-Dame [218-225], en Un commentaire littéraire et théologique, Bruxelles, 1990, pp. 387-394.

* 1 Karl Rahner, Le Dieu plus grand, Paris, Desclée de Brouwer, 1971, p. 81.

* 2 Peter-Hans Kolvenbach, Fous pour le Christ. Sagesse de Maître Ignace. Bruxelles, Lessius, 1998, p. 102.

* 3 Cf. Fr. Schleiermacher, Herméneutique, trad. Et Introd. de Marianna Simon, avant-propos de Jean Storobinski, Genève, Labor et Fides, 1987, p. 104.

* 4 Simon Decloux, « Notre Dame dans la spiritualité Ignatienne ». In CIS n° 58-59 (1988) p. 123.

* 5 Monier, Exercices Spirituels. Paris, Nouvelle Cité, 1996, p.175.

* 6 Le mot, transposition latine du terme grec « ascèse », remonte à une tradition millénaire, celle des Pères du désert, des « ascètes », C'est-à-dire des « exercitants » cf le mot grec « askein ». La vision d'Ignace du mot exercice dégage d'une comparaison avec les exercices physique. Ainsi l'exercice désigne une manière de progresser dans un domaine particulier d'activité ou de savoir, en utilisant consciemment une méthode qui fait ses preuve. Ici il s'agit bien de progresser dans les choses de Dieu.

* 7 John McIntyre, Les « Exercices Spirituels » d'Ignace de Loyola. Paris, Cerf, 1999, p. 98.

* 8 Simon Decloux, « Notre Dame dans la spiritualité Ignatienne ». In CIS n° 58-59 (1988) p. 116.

* 9 Telle l'appellation « colloque trinitaire » chez Adrien Demoustier. Cf « Que notre Dame, figure de l'Eglise, soit mise en place du Saint-Esprit est conforme à la tradition théologique et liturgique. Elle est remplie de l'Esprit Saint. Cette équivalence structurelle répond encore à un besoin pédagogique. Dans la mesure où les exercices ignatiens invite en imaginant à donner figure aux personnes que l'on contemple ou que l'on prie,... » Cf. Adrien Demoustier, Les Exercices de S. Ignace de Loyola. Facultés Jésuites de Paris, 2006, pp. 123-124.

* 10 Kolvenbach Peter-Hans, Fous pour le Christ. Sagesse de Maître Ignace. Bruxelles, Lessius, 1998, p.101.

* 11 Adrien Demoustier, Les Exercices de S. Ignace de Loyola. Facultés Jésuites de Paris, 2006, pp. 123.

* 12 Karl Rahner, Le Dieu plus grand, Paris, Desclée de Brouwer, 1971, p. 90-91.

* 13 Yves Raguin, « Le Livre de Marie ». In Vie chrétienne n° 259, (1982) p. 8.

* 14 Peter-Hans Kolvenbach, Fous pour le Christ. Sagesse de Maître Ignace. Bruxelles, Lessius, 1998, p. 71.

* 15 Simon Decloux, « Notre Dame dans la spiritualité Ignatienne ». In CIS n° 58-59 (1988) p.124.

* 16 Rahner Karl, Le Dieu plus grand, Paris, Desclée de Brouwer, 1971, p. 93.






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