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Etude socio-anthropologique de la contribution des institutions sociales à  l'allongement de la vie: l'exemple de l'ebeb chez les Adjoukrou

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par Fato Patrice KACOU
Université de Cocody-Abidjan (Côte d'Ivoire) - Diplôme d'Etude Approfondie (DEA) 2005
  

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II.1- SITUATION GÉOGRAPHIQUE

Situé à cinq kilomètres de la ville de Dabou, Débrimou est, de part le découpage colonial des zones en canton, l'un des villages centraux du pays Adjoukrou. Il est la deuxième fédération après la fédération de Boubouri.

Debrimou est entouré au Nord par les villages de Akradjo et vieil-aklodj au Sud par la ville de Dabou; à l'Est par le village de Armébé et à l'Ouest par le village de Orgbaf.

Le village de Débrimou est subdivisé en quatre quartiers que sont: Esré, Adissagne, Djadjème et Gningnikew. Chaque quartier a à sa tête un chef.

Il est actuellement dirigé par les ebebu de la classe d'âge M'Borman; et la chefferie villageoise centrale, qui est une émanation de la volonté coloniale, est tenue par le chef Sel Bédi André. A ce niveau, il est important de savoir que les autorités du village sont les seuls ebebu. La chefferie centrale n'a pas une influence politique majeure.

II.2- HISTORIQUE DU PEUPLE ADJOUKROU

L'histoire explicative de l'origine du peuple Adjoukrou est racontée diversement par les vagues successives qui ont formé l'identité collective Adjoukrou.

On distingue trois souches principales ayant participé à la constitution de l'ethnie Adjoukrou. Nous avons d'abord une souche occidentale avec un rameau primitif qui comprend les villages de Bonn, Boubouri, Débrimou, Armébé, Mopoyem, Lokpou, Agneby, Gaty, Cosrou, Toukpa, Agbaille, Awiya, Youlil, Kaka, Lidj-Nanou, Niam-Niambo et un rameau secondaire comprenant les villages de Orgbaf-Edjem, Kpass, Bodou, et Kpanda. Ensuite nous avons une souche orientale avec un rameau primitif formé des villages de Aklodj-Rogaf et Aklodj et un rameau secondaire qui comprend les villages de Ousrou, Gbadj'n, Yassap, Gbougbo, Okpoyou, et Orgbaf.

Et enfin, nous avons une souche centrale constituée des villages de Lokp-Agninabo, et Tchaha.

Bien que toutes ces souches s'accordent sur une même dénomination (Adjoukrou), le sens de Adjoukrou est polysémique. Un groupe lui donne une étymologie morale: odème krou qui signifie: qui refuse l'injustice. Un autre groupe le dérive de odjème-êgn-krou qui veut dire: qui se croit autosuffisant et ne flatte pas les autres pour vivre. Pour un autre groupe encore, Adjoukrou vient de Sodj et renvoie à l'état de maladie dont l'ancêtre a souffert. Enfin, pour un dernier groupe, l'appellation Adjoukrou est liée au nom de l'ancêtre femme, lodj, qui guérit brusquement (kprou) d'une maladie sur la route de la migration. Cette polémique sur le sens d'Adjoukrou est répétée encore au sujet des récits sur l'occupation du site actuel.

En effet, les récits relatifs à l'occupation du site actuel par les Adjoukrou sont légendaires. Les traditions remontent à leur passage dans le pays Dida, dans la région de Divo. Selon l'histoire, c'est à la suite de conflit avec leur voisin Dida que les Adjoukrou ont quitté le pays Dida pour immigrer au bord de la lagune Ebrié, à Cosrou, puis sur le lieu de leur première installation, appelé Tef, non loin de l'actuel village de Boubouri. L'on situe cette migration vers le milieu ou la fin du dix-huitième siècle.

Cette pénétration a entraîné des conflits entre les Adjoukrou et leurs voisins Ebrié ou alladian déjà présents.

A cette époque, les Adjoukrou avaient pour activité principale la chasse et vivaient dans des campements qui sont à l'origine des villages actuels.

Cependant, une querelle entre deux frères, Amnes et Amnan, scinda les Adjoukrou en deux groupes dont les villages de Boubouri et de Débrimou jouent le rôle de capitales. En effet, Boubouri et Débrimou sont les capitales des deux confédérations que forment les villages Adjoukrou.

II.3- HISTORIQUE DE L'INSTITUTION DE L'EBEB

Situé à quatre kilomètres de Dabou, Armébé est un village Adjoukrou du canton de Boubouri. Selon l'histoire, les Adjoukrou sont arrivés entre le dix-septième et le dix-huitième siècle à Armébé en provenance du pays Dida. C'est au cours de cet exode que Akmétché Lock, soeur du chef de la communauté, offrit en sacrifice son fils quand il fallut traverser le fleuve `'Go'' situé entre Grand-Lahou et Fresco. D'oû la justification du système matrilinéaire en pays Adjoukrou.

En effet, le chef Akmétché Yro, en reconnaissance de l'acte de sa soeur décida que ses héritiers seraient les enfants de celle-ci, ses neveux.

Dès leur arrivée, les Adjoukrou se sont installés à Cosrou. Cependant, au cours d'une bataille qui opposa les Adjoukrou à leur voisin, le chef Akmétché Yro a été tué. Pour le venger, sa soeur Akmétché Lock s'allie aux autres villages pour combattre l'ennemi. Après la victoire, elle offre un boeuf à ses alliées. Du boeuf offert, les aînés d'Armébé ont exigé d'avoir certaines parties de l'animal notamment la hanche et la mandibule. Toutes choses qui vont fonder l'origine de la fête de l'ebeb qui signifie la prise du pouvoir. Ce pouvoir est géré pendant une période de huit ans non renouvelable par un ensemble de personnes liées par l'appartenance à une même classe d'âge. La première fête de l'ebeb aurait eu lieu au dix-neuvième siècle précisément en 1834. Dès son institution par le village de Armébé, les autres villages Adjoukrou voyant sa portée, vont l'emprunter et le fonder comme moyen de légitimation du pouvoir exécutif.

II.4- STRUCTURES SOCIALES ADJOUKROU

II.4.1- Les classes d'âge

Le système des classes d'âge est l'organisation sociale fondamentale. Elle a un rôle social, politique, économique et militaire. Chaque citoyen Adjoukrou appartient pendant toute la durée de sa vie à une classe d'âge bien déterminée. On accède aux classes d'âge après une cérémonie initiatique appelée `'low''. Chaque classe d'âge et chaque sous-classe d'âge ont à leur tête un chef appelé `'milow''.

II.4.2- Le système de parenté: les lignages

L'Adjoukrou appartient de par ses ascendants masculins à un lignage paternel (eb) et de par ses ascendantes féminines à un lignage maternel (bosou sougon).

Le rôle du patrilignage apparaît plus dans la vie politique et sociale. Il est de la responsabilité du père de tout mettre en oeuvre pour la célébration de la fête de génération de sa progéniture.

Le matrilignage quant à lui est une unité économique. Elle a, à sa tête le plus âgé de la famille. En effet, c'est le matrilignage à travers le doyen qui détient le capital et les richesses traditionnelles constituées d'or, de pagnes, de bijoux, de numéraires, de plantation et de palmeraies. Jadis, par un système de contrôle étagé des oncles sur les neveux, le patriarche au sommet de la hiérarchie détenait l'autorité supérieure et supervisait le travail de tout le groupe. Il était le garant de la gestion des palmeraies de la famille et il répartissait les fruits du travail selon les besoins des membres du groupe. Toutefois, il prélevait une redevance qui servait plus tard à couvrir les charges de la célébration de l'angbandji des membres de la famille. Cependant, le contexte d'occidentalisation a fait évoluer ces institutions et la structure économique s'est profondément modifiée. Ainsi, la liberté d'entreprendre et l'école conventionnelle ne permettent plus aux jeunes de travailler collectivement dans les palmeraies sous l'autorité du doyen. En dépit de tout, il y a une survivance du rôle du doyen. Il détient encore les richesses familiales et justifie du capital angbandji des membres de la famille.

Ce rôle déterminant du matrilignage tient du fait que la succession est matrilinéaire.

II.5- CROYANCES RELIGIEUSES ADJOUKROU

A l'image de beaucoup de sociétés, le peuple Adjoukrou croit de façon hiérarchisée à l'existence de forces surnaturelles à l'origine des choses. Si le contexte moderne les amène à être monothéistes, il faut dire qu'au départ, ce peuple était polythéiste. Et il y a aujourd'hui encore une survivance des croyances anciennes et un mélange de pratiques religieuses (le syncrétisme).

Le peuple Adjoukrou croit à l'existence d'un être suprême, Nyam, à l'origine de la genèse de l'univers, afr'nunu, et de tout ce qu'il renferme. A cet être, l'on rend un hommage le plus souvent lors des cérémonies, en évoquant qu'il a créé le ciel, afr, et la terre, ouss.

A un stade secondaire, les Adjoukrou croient en l'existence de petites divinités, les génies, hémisse, qui animent et habitent les éléments de l'univers. Ainsi, avons-nous les génies de la forêt, de l'eau, des cours d'eau, de l'arbre... . Ces entités surnaturelles ont des fonctions dialectiques. Les génies protègent la société contre l'ennemi et la sanctionnent en cas de rupture d'équilibre ou de transgression. Dans la conception des Adjoukrou, ce sont les génies qui sont à la base de la fertilité du sol, de la fécondité, de la réussite de la pêche ou de la chasse et de la sécurité. En cas de courroux, selon que la faute a été commise par un individu, une famille ou le village, ils sanctionnent les fautifs en les privant de leurs bienfaits. Par exemple, le génie de la fécondité en cas de transgression peut infliger la stérilité.

A un troisième niveau, on trouve chez les Adjoukrou, les mânes des ancêtres. En effet, les Adjoukrou pensent que leurs parents morts revivent dans un autre monde. Ainsi, gardent-ils les liens avec eux à travers le culte des morts matérialisé par l'exposition des photos des parents décédés, et membres de la classe d'âge qui célèbre son ebeb, l'offrande de repas sur les tombes. En retour, ils reçoivent de leurs ancêtres la bénédiction et la protection.

Quel que soit le niveau, les cultes sont présidés exclusivement par les aînés sociaux de la communauté ou de la famille selon que le culte concerne tout le village ou uniquement la famille. Enfin, il y a dans les consciences, l'existence de sorciers, ag'nu. Les sorciers sont des individus, membres de la société, qui possèdent des pouvoirs surnaturels. L'on distingue deux types de sorciers. D'une part, il y a les sorciers maléfiques qui consomment `'les âmes'', provoquent les maladies terribles, freinent l'ascension sociale des individus, créent des conflits, et empêchent les récoltes abondantes. En un mot, ils perturbent l'ordre social. D'autre part, il y a les sorciers blancs, ag'mann, qui selon l'imaginaire, protègent les membres du groupe et font obstacle aux projets des forces surnaturelles maléfiques.

Cependant, on constate en pays Adjoukrou, une prédominance du christianisme. Nous avons notamment, les confessions religieuses catholique protestante, harriste et évangélique.

II.6- ACTIVITES ECONOMIQUES

Les atouts du climat et de l'environnement géographique ont favorisé chez les Adjoukrou l'utilisation de ressources multiples.

Cependant, traditionnellement, les Adjoukrou n'étaient pas des cultivateurs et leur économie avait pour fondement la cueillette et la chasse.

Grâce aux commerces avec les populations lagunaires (Ebrié et Alladian), les Adjoukrou se sont adaptés aux techniques de pêche et à la culture du manioc pour donner `'l'attiéké''.

Saisissant la richesse du sol et les vertus de la forêt, ils ont développé la culture du palmier; et la palmeraie hier comme aujourd'hui, reste la principale source de revenu aussi bien pour des particuliers, les familles ou le village. L'importance accordée à la palmeraie lui vaut autour d'elle, l'organisation des rapports sociaux de production et la structuration des rapports de parenté. En effet, la gestion des palmeraies familiales relève de l'autorité du doyen d'âge du matrilignage, c'est-à-dire le plus âgé de la famille. Le doyen d'âge a pour fonction de répartir le travail, de veiller à l'exécution effective des tâches et de redistribuer les revenus engrangés par la palmeraie.

Notons aussi qu'avec l'introduction des cultures de rente, les Adjoukrou sont de plus en plus engagés dans l'hévéaculture. En marge de ces principales activités culturales, ils s'intéressent aux cultures vivrières et la commercialisation de l'attiéké.

TROISIÈME PARTIE

PRÉSENTATION ET

ANALYSE DES DONNEES:

Les fondements socio-anthropologiques de la valorisation des personnes âgées

III. LA PRESENTATION ET LA FONCTION DES STRUCTURES SOCIALES D'INTEGRATION

A l'issue de l'observation directe et du guide d'entretien administré aux sujets, nous avons recueilli des données que nous décrivons et interprétons.

III.1- LA SOCIETE ADJOUKROU: UNE SOCIETE A CLASSE D'AGE (oworan)

En pays Adjoukrou, la célébration de la fête de génération ou `'low'' permet à l'individu d'être accepté comme membre de la société. Elle confère une identité sociale à l'individu et atteste de la maturité du jeune homme passé de l'enfance à l'âge adulte. C'est le fondement de la vie sociale.

Dès cette initiation, le membre peut prendre part aux rencontres et posséder au moins une portion de terre pour ses activités culturales.

Elle est une fête collective pour toute une sous-classe d'âge donnée et a lieu entre l'âge de 21ans et 23 ans. Par exemple, la dernière fête de génération qui a eu lieu en 2006 a concerné la strate des M'Bédié-Odjogba. Celle qui aura lieu en 2008 concernera la strate des M'Bédié-Bago. La fête du low est célébrée tous les deux ans, pendant les années paires.

Dans la fédération de Débrimou, nous avons sept classes d'âge (oworan) comprenant chacune quatre sous-classes d'âge. Ce qui nous donne un nombre total de vingt huit sous-classes d'âge structurées de la façon suivante:

Odjogba

Bago

Kata

Boman

3. N'Djurman

Odjogba

Bago

Kata

Boman

1. Bodjl

Odjogba

Kata

Boman

4. Abrhman

Bago

Odjogba

Bago

Kata

Kata

Boman

2. Sêtê

Odjogba

Bago

Kata

Boman

5. M'Bédié

Odjogba

Bago

Kata

Boman

6. M`Borman

Odjogba

Bago

Kata

Boman

7. Nigbessi

Figure 2-Représentation des classes d'âge et de leurs sous-classes

A l'intérieur de chaque génération, les Odjogba sont les aînés, les Bago sont les puînés, les Kata sont les cadets et enfin les Boman sont les benjamins.

Il convient de préciser que dans la fédération de Boubouri, il est admis trois sous-classes. La dernière sous-classe, c'est-à-dire celle des Boman est considérée comme la sous-classe des esclaves.

L'accession au pouvoir se fait de façon cyclique, entre les différentes générations et la mobilité sociale donne à la génération cadette d'aujourd'hui d'être l'aînée de demain. Ce fonctionnement donne aux classes d'âge de renouveler leur cycle tous les cinquante six ans.

Au moment de l'enquête, la classe d'âge au pouvoir à Débrimou est celle des M'Borman qui a succédé à la classe d'âge M'Bédié; et la classe d'âge M'Borman aura pour successeur en 2011, la classe d'âge Nigbessi ainsi de suite. Actuellement les investitures dans tous les villages qui célèbrent l'ebeb, concerne la classe d'âge M'Borman.

M'Bédié

Abrhman

N'Djurman

Sêtê

Bodjl

Nigbessi

M'Borman

Figure 3- Représentation cyclique de l'accession au pouvoir politique à Débrimou

L'insertion de l'individu dans l'une des classes d'âge permet à la communauté de prendre en charge ses membres. Plus encore, c'est le cadre de socialisation par excellence dans la société Adjoukrou, le lieu où l'on apprend les préceptes de vie, développe les notions de solidarité, et de discipline. Aussi, l'individu apprend-t-il à défendre sa communauté contre les ennemis et acquiert la maîtrise des outils et des techniques culturales. Autrement dit, la célébration de la fête de génération (low) présente les nouveaux membres comme des hommes accomplis capables de contribuer au développement de la société dans l'observance des normes et dans le respect des valeurs.

Figure 4- Initiation des jeunes au low. Ils ont acquis ainsi la maturité sociale.

Source : Memel-Fotê, le système politique de lodjoukrou, 1980.

La fête de génération donne à l'individu deux droits majeurs:

le droit à la vie sociale (participer aux rencontres, mariage),

-le droit économique (l'individu peut exercer à son compte des activités économiques).

Pour tout dire, la célébration du low est le point de départ nécessaire à l'acquisition des prestiges sociaux.

Ainsi, dès la fête de génération, les nouveaux membres vont-ils se mettre au service de la communauté de sorte à créer des richesse et partant à accéder à l'angbandji.

III.2- LA CELEBRATION DE L' ANGBANDJI OU FETE

DE RECONNAISSANCE

En pays Adjoukrou, après la célébration de la fête de low qui est le premier niveau fondamental, il y a un second niveau intermédiaire, la fête de l' angbandji. A la différence de la fête de génération qui est une fête collective, la fête de reconnaissance ou encore fête de noblesse, l'angbandji est une fête individuelle qui dépend des capacités financières du postulant.

Elle est une occasion de réjouissance, où l'individu exprime à toute la communauté sa reconnaissance, reconnaissance pour le soutien, reconnaissance pour ses biens (traditionnellement: terre, plantation, or, argent et pagne), reconnaissance pour avoir fondé une famille, reconnaissance pour la vie. Et l'expression de cette reconnaissance implique implicitement que l'individu fasse parade de richesse et d'opulence. Cette opulence va consister pour lui, à nourrir tout le village et tous les convives; à s'habiller en vêtement de qualité (osso-kogba) son épouse et lui, à se parer d'or et à se promener dans le village en passant par les principales artères. Lors de son passage qui se fait sous un parapluie tenu de façon générale par un membre de sa famille ou de la famille de son épouse, l' angbandji reçoit tout au long de son parcours, à son honneur, des jets de pièces de monnaie toutes neuves.

Figure 5- Célébration de l'angbandji. Le couple récipiendaire richement vêtu

Source : Fraternité Matin du 31 Octobre 2006.

Cet honneur, l'individu le partage avec sa famille. C'est pourquoi, quand un membre n'a pas la capacité financière suffisante, la famille lui prête main forte pour s'épargner l'infamie.

En effet, avant de célébrer l'angbandji, l'individu doit justifier son capital, appelé le capital angbandji. Et c'est avec ce capital qu'il paie un droit de cent mille francs CFA.

Dans l'époque ancienne, le doyen d'âge était celui qui détenait le patrimoine économique, l'«adja» de la famille. Cet adja se composait de pagnes, de bijoux, d'or et de plantation. Et cet adja était le fruit du travail de tous les membres de la famille. Les palmeraies étant la source principale de richesse, les jeunes filles et les jeunes garçons partaient y travailler pour subvenir aux besoins de la famille. Les récoltes vendues, ils remettaient l'argent au doyen d'âge de la famille, le plus vieux, qui à son tour assurait la redistribution selon les besoins de la famille et des individus. Et de ces biens, il dégageait les moyens financiers et matériels nécessaires à la célébration de l'angbandji des membres de la famille. De ce qui précède, on constate que les jeunes, gagnés par la noble tentation de gravir les échelons sociaux, investissaient leur force de travail pour accroître la richesse de la famille. Et le doyen d'âge par sa sagesse et son autorité garantissait à tous les membres une équitable redistribution.

Aujourd'hui, même si le contexte d'occidentalisation a transformé la société, il est constaté que le doyen d'âge reste dans les familles le garant du patrimoine économique familial (l'adja). N'empêche que la liberté d'entreprendre ne peut plus permettre le travail collectif. Toutefois, le travail individuel (société organique) est orienté dans le sens de tout mettre en oeuvre pour célébrer l'angbandji non sans le concours de la famille.

Au sortir de cette fête, le célébrant acquiert le nom prestigieux d'angbandji et « obtient la gloire d'un nom tambouriné et le droit au tam-tam lors de ses funérailles »((*)37). De façon générale, le tambour implore la grâce de Dieu, il salue les ancêtres du village, il salue le village, il rend hommage à la famille de l'angbandj, et aux personnalités. Autrement dit, désormais le récipiendaire a son nom inscrit au panthéon de l'histoire de sa société. Car le tambour((*)38) est aux sociétés africaines, ce que le livre est aux sociétés occidentales. Il est le lieu fidèle et crédible de la mémoire collective du peuple.

Dans d'autres villages Adjoukrou, le non angbandji s'incline avant de prendre la parole en public. Or, cette posture peut être comprise comme un signe d'allégeance, de petitesse ou d'insignifiance.

Puisque l'angbandji est une initiative privée, le temps de sa célébration est laissé à la volonté et au choix de l'individu; c'est seulement qu'elle ne peut être célébrée qu'après avoir été admis dans une classe d'âge.

Aussi, bien qu'elle soit une initiative privée, elle est une phase impérative avant la célébration de l'ebeb.

III.3- LE FONCTIONNEMENT INSTITUTIONNEL DE L'EBEB

III.3.1- L'accession à l'ebebu

La célébration de l'ebeb est le dernier niveau que tout individu en pays Adjoukrou doit franchir. De même qu'elle a été instituée par le village de Armébé et que Débrimou a été la première à la lui emprunter, de même c'est le village de Armébé qui ouvre la première la série des fêtes relatives à l'ebeb suivi du village de Débrimou.

L'expression ebeb signifie en Adjoukrou le village, la terre; c'est la fête. Eb, la racine, désigne la culture et la société. Et ebebu veut dire propriétaire de terre. La fête de l'ebeb consacre la prise du pouvoir. Elle investit comme détenteur du pouvoir exécutif et suprême pendant une période de huit ans non renouvelables, tous les individus membres d'une classe d'âge donnée. De façon générale, tous les postulants ont un âge qui varie entre soixante et soixante huit ans. Pendant les huit années que dure l'exercice de leur pouvoir politique, les ebebu ont pleine autorité sur toutes les décisions qui engagent le village: ils détiennent le pouvoir suprême.

Actuellement à Débrimou, les ebebu sont au nombre d'environ trois cent. Ce chiffre est en très nette progression, car dans les temps anciens, il y avait très peu d'ebebu du fait des calamités et des conditions de vie précaires. Ce qui poussait certains quartiers à s'attacher les services des ebebu venus des autres quartiers voisins.

La célébration de l'ebeb à Débrimou a lieu tous les huit ans au cours d'une année impaire située après la célébration du low de la sous-classe d'âge Kata. La fixation du jour exact est du seul ressort de la classe entrante. Mais par habitude elle est célébrée dans le mois de décembre.

Mais comment les ebebu sont-ils investis ?

III.3.2- le rite et les étapes de l'investiture des ebebu

La fête de l'ebeb satisfait à trois étapes: l'étape de la consécration des ebebu, l'étape du défilé ou le yoro-oubaure, et l'étape de l'adisséhi des ebebu. Il y a de cela quarante ans, le rite comprenait les deux premières étapes.

III.3.2.1- La première étape: l'étape de la consécration des ebebu

Elle consiste pour les futurs ebebu à se réunir simultanément dans leurs quartiers respectifs sous l'arbre à palabre (êdjême) ((*)39). Sous l'exigence des ebebu sortants, les futurs ebebu remettent à chacun une bouteille de liqueur (ma-totuor) et une somme de cent francs CFA((*)40) . Ils achètent ainsi, pendant une période de huit ans la terre «eb» et le pouvoir suprême. Ces deux éléments symbolisent les frais du droit d'acquisition de la terre. Les ebebu, en s'acquittant de ces droits, traduisent ainsi l'intérêt et le prix qu'ils attachent au village qu'ils aspirent gouverner. Lors de ce rassemblement, les ebebu sortant, notamment ceux qui appartiennent aux sous-classes d'âge odjogba et kata, passent le flambeau en imposant du kaolin pétri sur le front de leur successeur et l'appliquent également sur le bras gauche. En effet, dans la tradition, il n'y a que les odjogba et les kata qui président la libation, qui ouvrent et clorent les réunions parce qu'elles constituent les sous-classes d'âge nobles.

Le front sur lequel est imposé le kaolin, est selon l'imaginaire populaire de ce peuple, le siège de toute la personnalité de l'être, il est la puissance, et l'endroit où l'on peut décrypter l'identité et l'intelligence de l'homme.

Ce premier acte marque l'ouverture des festivités de l'ebeb. Ainsi, les postulants dès lors appelés ebebu, s'habillent de grands pagnes blancs « osso-kogba » avec une chemise blanche, et se parent de bijoux argentés durant une semaine. En d'autres termes, cette première étape permet aux futurs ebebu de communier avec les habitants des quartiers dont ils sont issus, de recevoir leur approbation et de bénéficier de la bénédiction et du soutien de leurs prédécesseurs. A cet effet, ils font le tour du village, ils rendent visite aux familles et ils se promènent dans tout le village.

Le kaolin qui sert à matérialiser l'acte et qui est une argile blanche est symbole de pouvoir, de prospérité, de bonheur et de pureté. A travers le blanc, l'on chasse les esprits maléfiques, l'impur et l'on fait appel au Divin et au Bien. Les esprits maléfiques sont trompeurs et ils peuvent corrompre le fonctionnement normal de l'exercice du pouvoir. Autrement dit, les individus du troisième âge à qui l'on confie le pouvoir politique sont des exemples et l'exercice de leur pouvoir doit assurer le bien-être social à toute la communauté. C'est dans cette même optique que les futurs ebebu sont vêtus de blancs.

III.3.2.2- La deuxième étape: l'étape du défilé ou le yoro-oubaure

Au cours de cette étape, les ebebu quittent les vêtements blancs et les parures en argent pour se revêtir de grands pagnes kita, d'anneaux et de chaînes en or. Une façon d'exposer la richesse de la famille.

Ils font ensuite le tour des quartiers à la fois avec les ebebyow sous des chants et des danses. Le premier sens attribué à ce défilé, est une visite du domaine de compétence des ebebu, la reconnaissance des limites de son pouvoir qui ne peut s'exercer que dans son village. Autrement dit, ils se présentent à la communauté comme étant les nouveaux élus qui gouvernent pour sa gloire.

Figure 6- La procession d'entrée. Les ebebu et les ebebyow richement vêtus en pagne uniforme, signe d'unité, parés de perles de valeur et de bijoux en or.

III.3.2.3- La troisième étape: ou l'étape de l'adisséhi des ebebu

Elle constitue l'apothéose du sacre des ebebu. A ce stade, tous les nouveaux ebebu de tous les quatre quartiers de Débrimou se réunissent sur la place publique centrale, sous l'arbre à palabre (êdjême)((*)41). Là, l'un d'entre eux le milow((*)42) de la sous-classe d'âge des odjogba, c'est-à-dire le chef de tous les membres de la classe d'âge, reçoit de façon symbolique du milow des ebebu sortant, une canne (kpaman), un chasse-mouche (saye), il lui met un chapeau (toufê) après l'avoir coiffé, et il l'habille d'un grand pagne (osso-kogba). Aussitôt, le milow sonne pour proclamer son élection qui est suivie d'un discours magistral.

Figure 7- La cérémonie du sacre. Le milow des MBorman au nom de ses

pairs a reçu tous les attributs du pouvoir : le chapeau, la canne, le chasse-mouche et le kaolin au front.

La canne signifie le bâton de commandement, le bâton du berger qui doit orienter et rassembler tous les membres de la communauté villageoise. Elle est symbole de stabilité, une source de motivation quand la faiblesse physique et l'indécision s'installent. En effet, elle est un appui sûr pour la marche. La canne dans la main de l'ebebu renvoie au berger qui oriente son troupeau sur les voies salutaires. C'est la canne de commandement et de discipline. C'est d'ailleurs le cas dans la religion catholique où lors de l'intronisation de l'évêque à la tête d'un diocèse, il reçoit une mître sur la tête et une crosse à la main. Contrairement aux Adjoukrou du village de Armébé, chez les Adjoukrou de Débrimou, la canne n'a pas un pouvoir mystique, elle n'est pas un pouvoir de malédiction, mais elle rappelle aux ebebu qu'ils sont les seuls tenants du pouvoir; et comme tel, ils leur revient en cas de divergence de points de vue de nature à rompre le consensus social, d'imposer avec fermeté la décision.

Ce qui suppose un sens de la sagesse et du devoir dont le chasse-mouche est le signe.

Le chapeau sur la tête rappelle le oint, le chef de la communauté.

Le port de nouveaux vêtements signifie la rupture avec l'homme ancien, avec le commun des mortels; c'est accepter par là d'être un mis à part pour faire sienne la bienséance qui caractérise les chefs et les grands hommes. Pendant une semaine supplémentaire, les ebebu qui le désirent, peuvent encore faire le tour du village, avec des ornements riches.

Il convient de relever ici que la célébration de l'ebeb entraîne une mutation sociale génération. En effet, ce jour là, toutes les classes d'âge changent de position et même de rôle. Ce qui confère un caractère majeur à la célébration de l'ebeb qui lui-même renforce les prestiges sociaux des ebebu.

III.4- LES PRESTIGES SOCIAUX LIES A LA DIGNITE D'EBEBU

Dans le système socio-politique Adjoukrou, le statut d'ebebu réserve des privilèges aux personnes du troisième âge. Le signe extérieur de ce prestige, c'est d'abord la distinction quotidienne des ebebu du commun des hommes. Ils ont ensuite le droit, eux et leurs prédécesseurs, de porter des chapeaux même lors des séances publiques. Ils ne descendent pas leur pagne de l'épaule. Les non ebebu sont tenus de garder la tête naturelle et de ramener le pagne qu'ils portent au niveau de la ceinture.

Toutes les séances de prise de décision, toutes les rencontres dans le village sont présidées absolument par les ebebu; ce sont eux qui ouvrent solennellement les séances et les clorent. Ils ne sont pas soumis à des cotisations, et ne vont pas en guerre. Dans certains villages, ils sont exemptés de travaux champêtres. A Débrimou par compte, parallèlement à l'exercice du pouvoir, les ebebu peuvent exercer des activités économiques. Cette particularité est due à la pratique de l'école conventionnelle et à l'exode rural des jeunes.

Or, en Côte d'Ivoire, la pension des retraités affiliés à la CGRAE (La Caisse Générale de Retraite des Agents de l'Etat) est soumise à l'impôt.

Tous les ebebu jouissent pendant l'exercice de leur pouvoir d'une immunité. Ce qui implique que quelle que soit la faute commise de façon collective ou individuelle, il n'y a pas de sanction et d'abrègement du pouvoir.

Au plan économique, la communauté s'organise pour subvenir aux besoins des ebebu. C'est ainsi qu'à Débrimou, il y a une plantation d'hévéa dont les bénéfices de la vente sont répartis entre les ebebu et leurs prédécesseurs.

Sous l'arbre à palabre, l'annonce de l'arrivée d'un ebebu commande de facto au non ebebu, c'est-à-dire aux individus ayant célébré le low ou l'angbandji de garder le silence jusqu'à ce que l'ebebu prenne place et les autorise à poursuivre leur communication.

Dans la société traditionnelle Adjoukrou, lorsque le chasseur venait à abattre un animal, il offrait sans contrainte aucune le thorax (poitrine) de l'animal à un ebebu. Par ce geste, le donateur demandait implicitement des prières de bénédiction pour des récoltes abondantes et pour une vie harmonieuse.

En outre, la distribution des dons au sein de la communauté obéit à deux règles. La première concerne les dons en espèce (argent). Lorsque ce type de don est fait, la distribution se fait de façon égale à commencer par les milacme jusqu'aux ebebu. La deuxième concerne les dons en nature. Lorsqu'un don en nature (un animal) est fait, la distribution est soumise au droit d'aînesse. Ainsi, les ebebu reçoivent-ils moins que leurs prédécesseurs.

Lors des assemblées, les ebebu et leurs prédécesseurs ont des places spéciales qui leur sont réservées et ils reçoivent des non ebebu des salutations, chapeaux ôtés.

La dignité de l'ebebu lui confère de garder à l'épaule l'autre bout du pagne qui le recouvre lorsqu'il doit intervenir en public. Or, obligation est faite aux non ebebu d'ôter du dessus de l'épaule le bout du pagne qui les recouvre et de ramener le pagne autours des reins.

A la mort d'un ebebu, en plus des privilèges réservés aux funérailles de l'angbandji, les fils du quartier de l'ebebu défunt font le tour du village le jour de son enterrement. Et l'on exécute une danse guerrière appelée yaye. Le septième jour après son enterrement, l'on danse dans la cour du défunt l'êtêkprê. Les ebebu defunts ont droit à l'hommage du tambour parleur `'attigbani''. Ces honneurs rendus à la mémoire des ebebu défunts rappellent dans la société moderne les honneurs rendus aux grands hommes d'Etat disparus. Aussi, faut-il ajouter que les ebebu à la retraite bénéficient à leurs funérailles de la danse du fusil appelé agbo-êdje.

Les ebebu, dans la gestion des affaires du village ont directement sous leurs ordres et leurs services les générations plus jeunes.

III.5- LES AUXILIAIRES DES EBEBU

Nous distinguons trois classes d'âge qui aident directement les ebebu dans l'exercice de leur fonction. Ce sont: les miridi-ekun, les observateurs et les mabêssê.

Par exemple, la génération qui suit immédiatement la génération des ebebu au pouvoir et qui est appelée spécifiquement «miridi-ekun», détient le pouvoir de la parole lors des assemblées. C'est à cette génération qu'il revient d'ouvrir les séances de réunion, de diriger les tables de séance, d'assurer le rôle de modérateur sous la présidence évidemment des ebebu. Ce sont eux qui passent la parole aux ebebu; ils ont aussi la possibilité de faire des propositions aux ebebu. Les miridi-ekun ont pour équivalent dans la société moderne, les secrétaires. Ils préparent de la sorte leur accession prochaine à la dignité d'ebebu. En effet, les miridi-ekun sont de la classe d'âge qui succède aux ebebu après les huit années de pouvoir. Ce sont des dauphins.

Après les miridi-ekun, nous avons une classe d'âge qui les suit. Cette classe d'âge en raison de son statut n'a pas un nom qui lui confère une identité. Ou du moins son identité est d'être sans appellation. Cela tient du fait qu'elle a un rôle de neutralité, un statut strict d'observateur. Elle observe tout ce qui se déroule dans la société, et tout ce qui se passe lors des séances publiques. Ils sont en apprentissage car après huit ans passés dans cette fonction d'observateur, les membres de la génération deviennent des miridi-ekun.

Figure 8- l'investiture de la classe d'âge des ouvriers. Le milow de la classe d'âge des sêtê brandit la machette; il a sur son épaule la flèche. Désormais, elle doit travailler pour le développement du village: c'est la classe d'âge militaire et ouvrière.

Après les observateurs, viennent les mabêssê, appellation qui signifie: les `'hommes de machette''.

Les mabêssê sont les soldats du village, ils ont une fonction militaire. Ils travaillent sous la direction des miridi-ekun. A leur tour, ils ont sous leur domination et leurs ordres toutes les autres générations qui viennent après. Par souci de compréhension nous faisons une illustration à travers le schéma suivant:

Ebebu

M'Borman

Miridi-ekum

Nigbessi

M'Bédié

Classes d'âge sous la dépendance des mabêssê

Abrhman

Bodjl

Observateurs

Sêtê

N'Djurman

Mabêssê

Figure 9- Représentation des fonctions sociales des différentes classes d'âge

Avec cette représentation graphique, nous constatons qu'à l'heure actuelle, les ebebu sont les individus issus de la génération M'Borman, les miridi-ekun sont les individus appartenant à la génération des Nigbessi, les `'Neutres'' ou les observateurs sont les individus appartenant à la génération Bodjl, les mabêssê sont les individus issus de la génération Sêtê. Les mabêssê ont la charge traditionnelle de promouvoir le développement du village. Symboliquement, l'on leur remet la machette en leur donnant pour mission de subvenir aux besoins matériels aussi bien des ebebu en fonction que des ebebu à la retraite. Après huit années de gestion politique, les ebebu à la retraite sont toujours intégrés dans le système social et ils participent toujours à la cohésion sociale. Ce qui leur donne de conserver certaines prérogatives sauf le pouvoir exécutif.

III.6- LES DISTINCTIONS POST-EBEBU

Après huit ans d'exercice de pouvoir, les ebebu sortis (les ebebu à la retraite) accèdent tous les huit ans à d'autres classifications ou dignités honorifiques. Ces différentes distinctions sont aux nombres de quatre.

III.6.1- La distinction des lêlêssel

La première distinction est celle des lêlêssel qui signifie « les hommes de papier » ou encore les « patriarches ». Les individus de cette classe ont au moment de leur promotion un âge qui varie entre 68 ans et 76 ans. Ils quittent cette distinction à un âge compris entre 76 ans et 84 ans. Leur titre de lêlêssel fait allusion à leur capital culturel. Ils sont des personnes ressources que consultent régulièrement les ebebu avant les prises de décision si besoin est. Ces consultations obéissent au souci que les décisions prises par les ebebu sont en conformité avec les normes et les valeurs qui président au fonctionnement normal de la société. Après la catégorie des lêlêssel, vient celle des lakpiky.

III.6.2- La distinction des lakpiky

La deuxième distinction est celle des lakpiky qui signifie « pilier de la clôture ». L'âge des individus à l'entrée de cette classe varie entre 76 ans et 84 ans. Ils quittent la distinction à un âge compris entre 84 ans et 92 ans. Du point de vue accumulation de connaissance, ils sont au-dessus des lêlêssel. C'est la raison pour laquelle en cas de blocage ou de limite, les lêlêssel les consultent pour recueillir leur avis avant de faire des propositions aux ebebu. Dans le respect de la hiérarchie de la connaissance qui est liée à l'âge de l'individu, jamais les ebebu n'outrepassent les lêlêssel pour s'adresser aux autres classes supérieures.

La classe des lakpiky comme le nom l'indique, est celle qui assure la stabilité de l'édifice social en terme de restitution des normes, des valeurs et de l'enseignement du patrimoine culturel. Les lakpiky à leur tour ont pour aînés les nênici.

III.6.3- La distinction des nênici

La troisième classe est celle des nênici qui veut dire la molaire. De façon générale, les individus de cette classe ont un âge qui se situe à l'entrée entre 84 ans et 92 ans. Ils quittent cette distinction à un âge compris entre 92 ans et 100 ans. En cas de difficulté dans les prises de décision, les lakpiky à leur tour consultent les nênici. Leur appellation qui signifie la molaire, est symptomatique du rôle central qu'ils jouent dans la société en dépit du poids de l'âge. Les molaires sont en effet, les dents qui à la différence des canines et des incisives, sont très résistantes, grosses, qui se situent dans le fond et déploie leur force. En effet, ce sont les molaires qui comme une machine, broient les aliments et les mâchent soigneusement dans le but de faciliter la digestion et de nourrir l'organisme humain. Le plus souvent, quand l'homme est édenté, il peut avoir encore quelques molaires pour mâcher les aliments.

III.6.4- La distinction des milacme

Après les nênici, nous avons la dernière classe, celle des milacme qui a pour signification: la cendre. Les individus de cette classe ont un âge qui varie à l'entrée entre 92 ans et 100 ans.

Ils sont à leur tour sollicités à titre consultatif par les nênici.

La cendre est le résidu de toute combustion. Cette classe se présente comme la classe des individus qui ont pu subsister, qui ont pu traverser toutes les étapes et toutes les épreuves de la vie. Ce sont eux qui restent de la société.

La cendre, loin de traduire une insignifiance, traduit un exploit, un modèle de vie et de longévité dont les autres membres de la société doivent pouvoir s'inspirer.

Figure 10- Image d'un doyen d'âge. Le doyen d'âge, un nênici ayant un âge compris entre 84 ans et 100 ans.

Source : Memel-Fotê, le système politique de lodjoukrou, 1980.

Les quatre distinctions post-ebebu que nous venons de décrire, apparaissent comme des organes consultatifs dont les ebebu sont l'exécutif. Elles indiquent que quelque soit l'âge l'individu est utile à la société.

L'ordre des consultations se fait des ebebu aux lêlêssel, des lêlêssel aux lakpiky, des lakpiky aux nênici, et des nênici aux milacme et jamais en sens contraire. Voilà un prototype de société qui instaure une culture du vieillissement loin des approches pathologiques de la vieillesse.

Aussi, cette description montre l'utilité de la personne âgée et son intégration en pays Adjoukrou. Dans certaines sociétés lorsque la personne âgée au pouvoir manifeste des signes physiques de faiblesse, elle est mise à mort. C'est le cas chez les Shilluk du Soudan((*)43), où le roi est mis à mort dès les premiers signes de dégradation physique.

Age à l'entrée

Age à la sortie

Milacme

Nênici

Lakpiky

Lêlêssel

Ebebu

60 ans à 68 ans

68 ans à 76 ans

68 ans à 76 ans

76 ans à 84 ans

76 ans à 84 ans

84 ans à 92 ans

84 ans à 92 ans

92 ans à 100 ans

92 ans à 100 ans

Plus

Figure 11- Tranche d'âge des différentes catégories à partir des ebebu

0 10 20 30 40 50 60

Naissance Fête de Fête de l'angbandji fête de l'ebeb

Génération

(low)

Figure 13 : le parcours de vie sociale normale de l'Adjoukrou

Milacme

Nênici

Lakpiky

Lêlêssel

Ebebu

Angbandji

Low

Figure 12- L'échelle graduelle d'honneur

Les représentations graphiques de la tranche d'âge des différentes catégories à partir des ebebu et l'échelle graduelle d'honneur, nous donnent de faire ressortir l'essentiel pour l'Adjoukrou c'est-à-dire le parcours de vie sociale normale schématisé de façon suivante:

III.7- LA PERCEPTION DE LA VIE ET DE LA LONGEVITE

CHEZ LES ADJOUKROU

La vision Adjoukrou de la longévité est fondamentalement théologique non sans exclure les facteurs socioculturels et environnementaux.

Pour l'Adjoukrou, de même que l'auteur de la vie-naissance est Dieu en tant que Origine Première des choses, de même seul Dieu `'Nyam`' décide de la durée de vie de l'individu. C'est pourquoi les actes de bienfaisance sont récompensés par une bénédiction stipulant la longévité: `'Ké niagne ongue sel pkap'', - que Dieu t'accorde une longue vie -.

Cependant, certains comportements dans la société peuvent soit favoriser un allongement de la vie, soit réduire la durée de vie de l'être. Comme éléments à mettre au compte des facteurs favorisant, nous avons le respect des prescriptions divines qui sous-entend le respect des lois de la nature, l'observance des normes et des valeurs dont les personnes âgées en sont les garants. Respecter la nature est très utile pour l'homme, car les Adjoukrou comme la plupart des sociétés africaines, pensent que dans l'univers, chaque élément de la nature (la terre, l'eau, le vent, l'arbre...) est animé par des génies qui ont le pouvoir, dans leur courroux d'infliger le malheur au déviant. C'est s'attirer le malheur que de ne pas observer le jour de repos des génies, tout comme de manquer de tenir ses promesses envers les dieux ou les génies. Dans ces cas, les forces surnaturelles retirent à l'individu leur protection et leur bienveillance. Ainsi, devient-il la cible des sorciers `'ag'nu'' et les projets de vie connaissent des controverses.

Avoir de l'égard pour les personnes âgées, c'est témoigner du prix pour les ancêtres et avoir un intermédiaire entre l'individu et les divinités. En effet, les offices religieux telles que les libations sont présidés par les ebebu, et les doyens d'âge. C'est d'ailleurs ce qui justifiait le fait que dans la société traditionnelle Adjoukrou, les chasseurs offraient aux ebebu le thorax du gibier et que les cultivateurs leur offraient les prémices de leur récolte. Ces actes de générosité leur valaient en retour des prières de bénédiction et de prospérité. Plus encore, le comportement de l'homme obéissant amenait les vieilles personnes à lui enseigner les secrets de vie qui consistaient dans une large part à se défendre contre l'adversité. De ce qui précède, nous décelons que vivre longtemps ou vouloir vivre longtemps commande un respect des lois de l'univers qu'on peut résumer dans cette trilogie non exclusive:

-respecter Dieu (Nyam)

-respecter la nature (les génies)

-fréquenter les vieux.

C'est dans la fréquentation des personnes âgées que l'on rentre dans l'intimité de Dieu et obtient la connaissance de la nature.

A côté des facteurs favorisant, nous avons aussi les facteurs défavorisant qu'il nous convient d'appeler les nuisances sociales.

Il s'agit des actes et des comportements déviants qui rompent l'équilibre entre l'individu et sa famille ou sa communauté, entre l'individu et les divinités ou les forces surnaturelles. Les conduites déviantes et les actes répréhensifs sont des fissures qu'exploitent les forces maléfiques et les sorciers, pour jeter des sorts à leurs ennemis.

Selon les données, recueillies sur le terrain, l'un des actes déviants les plus réprimés est le vol. voler dans la société Adjoukrou, c'est risquer sa vie et jeter l'infamie sur toute sa famille. Parfois, les victimes à travers des incantations recommandent l'inconnu voleur à la mort et à la malédiction extrême. Généralement, l'on pense que ce sont de ces actes déviants que découlent les maladies graves qui font appel à l'intervention des dévins-guérisseurs.

Tout ceci concourt à déterminer la longévité par des facteurs socioculturels qui ont une dimension horizontale et une dimension verticale. La dimension horizontale réside dans les rapports entre l'individu et la société. Et la dimension verticale met en relief les rapports entre l'individu et Dieu (Nyam) d'une part et entre l'individu et la nature d'autre part.

Ces deux facteurs induisent inéluctablement deux typologies de vieillissement. Le vieillissement réussi et le vieillissement pathologique.

Le vieillissement réussi qui signifie exclusivement l'absence d'un état pénible de vieillesse notamment les maladies séniles graves, est accordée aux individus qui ont montré de l'intérêt pour les normes et les valeurs de la société. Et l'Adjoukrou manifeste sa reconnaissance envers Dieu à l'occasion de la célébration de l'ebeb, fête dont les bases ont été posées depuis plus de quarante ans. A cet effet, tenant compte des contextes modernes et traditionnels, les ebebu participent aux cultes d'action de grâce dans leur Eglise respective, tout en participant aussi à des cérémonies de libation.

En revanche, le vieillissement pathologique entremêlé de souffrance et de maladies dégénératives, est une sanction contre les individus asociaux.

III.8- LES ASPECTS INTEGRATIFS DE L'EBEB

Contrairement aux Sociétés Occidentales qui internent les personnes âgées dans les asiles et les hospices, la société Adjoukrou, à travers l'ebeb couvre de laurier les vieilles personnes. Et la première palme qu'elle offre aux personnes âgées, est la plus haute et honorifique fonction de gouvernant (ebebu). De même tous les attributs du pouvoir: le kaolin, la canne, le chasse-mouche et le chapeau, tendent à un culte de la personne âgée puisqu'ils se réfèrent au champ sémantique religieux.

Au plan horizontal, l'ebebu est le premier des Adjoukrou et au plan vertical le prolongement des ancêtres, en ce sens qu'il détient le patrimoine culturel de la société. Que ce soit au sein de sa famille, au sein de son quartier et au sein du village, ses actes et ses avis sont déterminants. Les prestiges que requiert son statut lui sont reconnus dans les autres villages Adjoukrou. Toutes choses qui motivent l'homme Adjoukrou non seulement à vouloir atteindre l'âge d'accession à l'ebebu, mais aussi à accéder aux autres strates post-ebebu((*)44). Et cette recherche de la longévité va passer nécessairement par l'observance des normes et des valeurs qui elles-mêmes s'acquièrent lors de l'initiation (low).

Ainsi donc, par l'ebeb, l'on célèbre la prise du pouvoir, mais la prise du pouvoir par des vieilles personnes. Au cours de la cérémonie d'investiture, un accent est aussi mis sur l'âge des célébrants, preuve que tout est mis en oeuvre pour magnifier l'âge avancé eu égard aux épreuves de la vie. Il ressort de l'enquête que pour l'Adjoukrou, la longévité, « sel pkap » est un don de Dieu « Nyame ».

Figure 14- Le soutien de la communauté aux ebebu. Les ebebu et les ebebyow accompagnés par leurs familles et leurs amis sous des ovations et des chants se dirigent vers la place publique «êdjême».

Mais ce don est une récompense qui sanctionne le respectueux de l'éthos. C'est pourquoi, le milow des M'Bédié lors de la cérémonie d'investiture des M'Borman à Yassap dit en se rendant sur la place publique que s'il n'y a pas de calamité, seul Dieu peut accorder à l'individu la grâce d'atteindre l'âge de l'ebebu.

Figure 15-La mendicité rituelle. les ebebu assis, les assiettes devant eux reçoivent des dons en espèce provenant des amis, des connaissances et de la famille. Cet acte est loin de la mendicité. En effet, tous ces ebebu ont célébrés leur angbandji. C'est-à-dire qu'ils appartiennent à la catégorie des Hommes Riches.

Les ebebu, à travers la mendicité rituelle `'sisme akpe`' matérialisée par les assiettes servant à recueillir les dons, évaluent leur côte de popularité et jugent l'estime qu'ils ont auprès de la communauté.

Toutes choses qui témoignent de l'intégration de la personne âgée et qui se présentent comme un stimulant de la quête de longévité. En effet, comme certaines études et certains faits l'ont montré, l'isolement social de l'individu est dans certains cas une cause de mortalité. Car, il se pose à l'individu le problème de son utilité, sans oublier que un individu exclu peut être envahi d'angoisse. C'est d'ailleurs les conclusions auxquelles parviennent les travaux de Emile Durkheim((*)45) sur le taux de suicide dans la France de son temps. Il déduit que le taux de suicide « varie en raison inverse du degré d'intégration des groupes sociaux dont fait partie l'individu.». Quand la société se désintègre, l'individu se sent plus isolé et davantage porté au suicide égoïste. Quand au suicide altruiste, fondé sur une individuation insuffisante, il se produit dans les moments de rupture entre l'individu et le groupe auquel il s'identifie. Il se produit aussi dans les cas d'identification totale de l'individu à un groupe qui idéalise la mort volontaire. Le suicide anomique enfin se produit lorsqu'il y a une rupture de l'équilibre social. « Toutes les fois que de graves réarrangements se produisent dans le corps social, qu'ils soient dus à un soudain mouvement de croissance ou à un cataclysme inattendus, l'homme se tue plus facilement.». Autrement dit, mettre les vieilles personnes en marge de la société sous le prétexte qu'elles sont vulnérables, serait précipiter leur mort. En revanche, les considérer comme des acteurs sociaux indispensables au développement social, sera une force vitale vectrice de santé.

CONCLUSION

Le dépérissement du statut des personnes âgées, nous a conduit à fonder notre problématique sur la longévité à travers le thème spécifique de `' l'étude socio-anthropologique de la contribution des institutions sociales à l'allongement de la vie: l'exemple de l'ebeb chez les Adjoukrou''. L'objectif de la présente étude était une: mettre en évidence la contribution d'une institution sociale - l'ebeb - à l'allongement de l'espérance de vie, dans le double contexte paradoxal de l'augmentation exponentielle du nombre des personnes du troisième âge et de l'effritement de leur prestige eu égard au rôle structurant des aînés sociaux dans la société traditionnelle. Ainsi, avons-nous mené nos investigations dans une microsociété Adjoukrou, le village de Débrimou, qui de par ses structures sociales et son fonctionnement accorde la primauté aux âges avancés.

Au terme de cette étude, que révèle l'analyse des données ? Que peut suggérer le modèle Adjoukrou ?

L'enquête de terrain a révélé trois institutions fondamentales interdépendantes.

La première institution, le low ou la catégorie des Citoyens, est le fondement qui confère à chaque membre de la société une identité et partant une autorisation à une vie sociale normale.

La seconde institution, l'angbandji, ou la catégorie des Hommes Riches confirme l'initiation reçue en terme de réussite sociale, matérialisée par les capitaux économique, culturel, et social des récipiendaires. Ces capitaux attestent à leur tour l'aptitude de l'homme' à diriger la communauté.

Ce qui nous amène à la troisième et prépondérante institution, l'ebeb, ou la catégorie des Grands Hommes. L'ebeb est célébré en général par la classe d'âge regroupant des individus ayant un âge compris entre 60 ans et 68 ans. Cette institution confère aux célébrants pour une période de huit années non renouvelables, l'exercice du pouvoir exécutif. Ils sont ebebu, c'est-à-dire les gouvernants, les propriétaires de la terre. Toutes les aspirations de l'homme Adjoukrou tant au niveau individuel qu'au niveau collectif ont une unique fin: être investi du titre d'ebebu. Or, ce sacre commande obligatoirement l'initiation au low et la célébration de l'angbandji dans un intervalle de 60 ans.

Par l'acquisition du titre prestigieux d'ebebu, les individus trouvent renforcé leur statut. Au plan politique, non seulement ce sont les ebebu qui décident et légifèrent, mais ils disposent aussi du droit de veto symbolisé par la canne.

Au plan économique, ils ont des ressources additionnelles qui proviennent des palmeraies. Ils sont, dans certains villages, exemptés de travaux champêtres.

Au plan social, ils sont toujours distingués par leur accoutrement notamment lors des assemblées. Dans la répartition des biens, ils sont prioritaires et aucune entreprise ou initiative n'est possible sans leur approbation. Ils détiennent le pouvoir religieux et sont les intermédiaires entre les membres de la société et les ancêtres.

Tous ces rôles sociaux font qu'ils sont entourés de sollicitude et de respect. Et cette intégration constitue d'une part une force vitale pour le maintien de la santé des vieilles personnes, et d'autre part elle est un mobile de la quête de longévité pour les générations plus jeunes.

Au terme des huit années de pouvoir, les ebebu sont à la retraite. Cette retraite n'est pas une mise en fourrière. Ils sont classés tous les huit ans dans des strates sociales et ils participent à la vie sociale en jouant le rôle d'organe consultatif. Ils conservent leurs prestiges sociaux hormis le droit de veto.

Ce culte des âges avancés est une réponse aux paradigmes du déclin dont parle Richard Lefrançois((*)46). En effet, les paradigmes du déclin présentent la vieillesse comme un état de finitude. Or, à travers la société Adjoukrou, nous découvrons que la vieillesse est noble, qu'elle est un âge d'or qui requiert respect et considération. En d'autres termes, dans le processus du développement, les personnes âgées sont une frange à prendre en compte non seulement en terme d'assistance, mais aussi en terme de catégorie sociale active, c'est-à-dire capable de par ses expérience à contribuer au fonctionnent de la société.

L'image valorisante de la vieillesse est liée à la perception que l'Adjoukrou a de la longévité. En effet, pour l'Adjoukrou, la longévité est un don divin que favorise l'observance des normes et des valeurs. Ainsi donc, les personnes âgées sont perçue comme les élus de Dieu. Les admirer attire la bénédiction et les marginaliser c'est s'auto damner. Cette représentation de la vie et de la longévité rejoint les études de Pascal Wolber((*)46) sur les centenaires en Côte d'Ivoire. Comme la présente, ces études lient la longévité de l'être humain à la providence divine dans les rapports de l'homme avec la société et la nature. C'est la providence divine ou les forces de la nature qui maintiennent et pourvoient la société et c'est encore elles qui font exister la nature.

Cette organisation sociale Adjoukrou est un modèle d'intégration de la personne âgée qui peut servir de tremplin à l'instauration, à l'échelle nationale, d'une politique sociale soutenue en faveur du troisième âge.

Ainsi, à l'image des pays occidentaux qui parlent de quatrième âge et qui comptent avoir dans les décennies à venir des centaines de milliers de centenaires, la Côte d'Ivoire gagnerait à s'inspirer de ce modèle de réussite en matière d'intégration sociale des personnes du troisième âge, pour inventer son propre modèle en tenant compte de ses spécificités socioculturelles, mais dans une optique unique: l'intégration des personnes âgées.

GLOSSAIRE

Adisséhi : il s'agit de la troisième étape du sacre des ebebu.

Afr: le ciel

Afr nunu : l'univers

Agbo-êdje : danse du fusil en l'honneur d'un ebebu qui est à la retraite et qui est décédé.

Ag'nu : le sorcier

Ag'mann : le sorcier bienfaiteur

Angbandji : c'est une fête de reconnaissance qui donne au récipiendaire d'accéder à la classe des Hommes Riches, ou nobles.

Attigbani: désignation du tambour parleur. Il est réservé aux cérémonies traditionnelles, aux célébrations de l'angbandji, de l'ebeb, aux funérailles d'un ebebu, d'un angbandji; il exécute l'êtêpkrê. L'Attigbani se différencie du tambour ordinaire que l'on nomme brem.

Attiéké : préparation traditionnelle de la farine de manioc.

 

Brem : appellation du tambour ordinaire.

Dédiakpo : célébration de l'âge de la puberté chez les jeunes filles Adjoukrou

(à partir de 14 ANS).

Eb : il s'agit de la société, de la terre ou de la culture.

Ebeb : cérémonie marquant la prise du pouvoir exécutif en pays Adjoukrou.

Ebebyow : féminin de ebebu. (Les femmes ne dirigent pas le pouvoir).

Ebebu : titre donné au tenant du pouvoir exécutif.

Edjême : nom donné aux séances publiques, aux rencontres publiques et aux réunions sous l'arbre à palabre.

Êtêkprê : danse exécutée dans la cour d'un ebebu au septième jour de sa mort.

Hémisse : le génie

Kpaman : désignation de la canne.

Lakpiky : ce sont les individus de la deuxième classe d'âge à la retraite. Ils ont un âge compris entre 76 ans et 84 ans et entre 84 et 92 ans.

Lêlêssel: ce sont les patriarches ou encore les individus appartenant à la dernière classe d'âge ayant quitté le pouvoir. Ils ont un âge compris entre 68 ans et 76 ans et entre 76 ans et 84 ans.

Low : c'est une cérémonie d'initiation qui donne aux individus le droit d'appartenir à une classe d'âge.

Mabêssê : c'est le nom donné à la classe d'âge qui détient le pouvoir de la machette, elle assure la fonction militaire.

Ma-totuor : désignation des liqueurs.

Milacme : ce sont les individus de la quatrième classe d'âge à la retraite.

Ils ont un âge compris entre 92 ans et 100 ans et entre 100 et plus ans.

Milow : c'est l'appellation donnée au chef de classe d'âges.

Miridi-Ekun : appellation donnée à la classe d'âge qui précède les ebebu et qui détient le pouvoir de la parole.

Nênici : ce sont les individus de la troisième classe d'âge à la retraite. Ils ont un âge compris entre 84 ans et 92 ans et entre 92 ans et 100 ans.

Nyam : appellation de Dieu.

Osso-kogba : nom donné aux grands pagnes de qualité qui recouvrent

les ebebu.

Ouss : la terre

Oworan : appellation donnée aux classes d'âge.

Saye : le chasse-mouche. 

Sisme akpe : c'est la mendicité rituelle qui se fait lors des fêtes du low et de l' ebeb.

Toufê : désignation du chapeau.

Wawrouoka: célébration pendant trois mois du premier né d'une jeune mère.

Yaye : danse guerrière exécutée à la mort d'un ebebu.

Yoro-oubaure : c'est la deuxième étape de la fête de l'ebeb, ou l'étape du défilé.

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8. LABURTHE-TOLRA (Philippe) et WARNIER (Jean Pierre).

- Ethnologie Anthropologie (Paris, PUF, 1993, 412 p).

9. MEILLASSOUX (Claude). - Anthropologie économique des Gouros de côte d'Ivoire. De l'économie de subsistance à l'agriculture commerciale (Paris Mouton, 2 ème Edition, 1970, 382 p).

10. MEMEL-FOTE (Harris). - Le système politique de Lodjoukrou (Présence Africaine, les Nouvelles Editions Africaines, 1980, 479 p).

III. LES OUVRAGES SPECIFIQUES A LA LONGEVITE

11. CARADEC (Vincent). - Sociologie de la vieillisse et du vieillissement (Paris, Nathan, 2001).

12. LEFRANÇOIS (Richard). - Les nouvelles frontières de l'âge (Québec, Presse Universitaire de Montréal, 2004, 333 p).

IV. LES THESES - LES MEMOIRES, LES COURS ET LES RAPPORTS SUR LA LONGEVITE ET LE PEUPLE ADJOUUKROU

13. Centre universitaire de recherches de développement. - Croyances et coutumes Adjoukrou (par Laurent Lassm, Université d'Abidjan 1972, N° 1971/1, pp 43-52.).

14. Nations Unies. - Deuxième Assemblée Mondiale sur le vieillissement, Madrid du 8 au 12 avril 2002 (New York, 2000).

15. Nations Unies. - Le vieillissement dans le monde: à la recherche d'une société pour tous les âges (New York, 2001, 122 p).

16. Organisation Mondiale de la Santé. - Plan d'action international sur le vieillissement: rapport sur la mise en oeuvre (Genève, 2002).

17. Organisation Mondiale de la Santé. - Rapport sur la santé dans le monde

(Genève, 2004).

18. WOLBER (Pascal). - Les centenaires en Côte d'Ivoire (thèse, faculté de médecine, Université de Cocody-Abidjan, 1993-1994, 60 p).

V. LES ARTICLES PORTANT SUR LA LONGEVITE

19. « Combien de temps pouvez-vous vivre ? », in Réveillez-vous!mai 2006, volume 87, n° 5, pp 3-9.

20. « le vieillissement des populations du Sud », in medicus mundi, Avril 2000 n°76.

21. NINON (Renaud). - « pour vivre longtemps, vivons sainement », in la vie, 17 juin 1999, n° 2807, pp 54-59.

VI. DICTIONNAIRES

22. BIROU (Alain). - Vocabulaire pratique des sciences sociales (Paris, les Editions ouvrières, Edition Economie et Humanisme, 1966, 314 p).

23. FOULQUIE (Paul). - Vocabulaire des sciences sociales (Paris, PUF, 1978, 378 p).

24. MORIN (Yves). - Larousse Médical (Paris, Larousse, 2001, 1203 p).

25. THINES (Géorges) et LEMPEREUR (Agnès). - Dictionnaire général des sciences humaines (Paris, Editions universitaires, 1975, 1034 p).

TABLE DES MATIERES

Pages

Avant-propos ........................................................................................... III

Liste des figures ....................................................................................... IV

Introduction ................................................................................................ 5

PREMIERE PARTIE : CONSIDERATIONS METHODOLOGIQUES .................... 6

I.1- Justification du choix du thème .................................................................. 7

I.2- Problématique ....................................................................................... 7

I.3- Revue de littérature ...................................................................................... 13

* (37) Harris Memel-Fotê, le système politique de Lodjoukrou, Présence Africaine, les Nouvelles Editions Africaines, 1980.

* (38) Niangoran Bouah, introduction à la drummologie, Société d'Imprimerie Ivoirienne, 1981.

* (39) A ce stade, les femmes de la génération restent à la maison, mais elles rentrent dans l'acquisition du pouvoir. En effet, les femmes n'ont pas de droit de décision. Et seuls les hommes sont consacrés.

* (40) Les ebebu actuellement au pouvoir, ont payé un droit de sol de 500 F CFA. Dans les temps encore plus reculés, ce droit était de 5 F.

* (41Les femmes qui appartiennent à la génération qui sera sacrée sont présentes sur la place publique.

* (42) Chaque sous-classe a un leader qu'on appelle le Milow. Il n'est pas forcement le plus âgé.

* (43) Philippe Laburthe-Tolra. , Jean Pierre Warnier, ethnologie anthropologie, PUF , Paris 1993, p.131.

* (44) En France, pendant la période de canicule, des milliers de personnes âgées meurent dans l'indifférence. Nations Unies, Deuxième Assemblée Mondiale sur le vieillissement, Madrid du 8 au 12 avril 2002, New York, 2000.

* (45) André Jacob, encyclopédie philosophique universelle, les oeuvres philosophiques, PUF, p2383

* (46) Richard Lefrançois, les nouvelles frontières de l'âge, Presse Universitaire de Montréal, Québec,

2004, pp 195-200.

* (46) Pascal Wolber, les centenaires en Côte d'Ivoire, thèse, faculté de médecine, Université de Cocody-Abidjan, 1993-1994, pp 55-58.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille