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Le développement financier et la croissance économique au Camreroun

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par Nathalie Carine ASSOMO TEUBO
Université de Douala - DEA en Economie Monétaire et Bancaire 2005
  

Disponible en mode multipage

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Introduction générale

« La monnaie est un voile derrière lequel l'action des forces réelles est cachée », (Pigou, 1949). Cette citation de l'économiste classique Pigou décrit bien le sentiment général de ses contemporains quant au rôle de la monnaie dans l'économie.

La monnaie pour eux est un bien résiduel. Sa détention est sans coût et son incidence sur les transactions sans effet. Elle est même au sens de Sidrauski (1967) « super neutre ». Elle n'a d'incidence ni à court terme, ni à long terme sur le niveau de l'activité réelle.

Ainsi la pensée néoclassique attribue à la monnaie l'unique fonction de facilitation des échanges.

Cependant, cette thèse pourtant fondamentale a été remise en cause par les keynésiens et néo-keynésiens qui soutiennent que dans un environnement incertain, les agents économiques ont une certaine préférence pour la liquidité. Ils lui attribuent alors une seconde fonction qui est celle de réserve de la valeur.

Autrement dit, la détention des avoirs liquides pénalise les transactions et la monnaie n'est plus ce voile que Say et Pigou décrivent dans leurs travaux. Tobin en 1965 montre à cet effet qu'en modifiant le portefeuille des ménages, la monnaie influe sur le niveau du PIB. Pour lui, elle doit en conséquence être désormais définie comme un actif financier qui permet à son détenteur de se prémunir contre les risques du marché des biens et services.

Bien plus, l'économie de l'intermédiation financière et bancaire nous amène à définir la monnaie tout simplement comme le crédit bancaire. En effet, une fonction première des intermédiaires financiers et particulièrement de la banque est de créer la monnaie ou tout autre actif financier ayant les mêmes caractéristiques qu'elle.

Cette fonction est d'autant plus importante pour Keynes que la création monétaire constitue un moyen efficace par lequel les autorités étatiques peuvent relancer l'activité économique.

Il démontre à cet effet par le mécanisme du multiplicateur monétaire qu'un accroissement de la masse monétaire induit une augmentation de la production globale via l'accroissement de la demande effective.

Aussi, toutes les thèses qui s'inscrivent dans la même logique que la pensée de Keynes sont en contradiction avec toute la construction de l'équilibre générale élaborée par Arrow et Debreu.

Ces derniers considèrent en effet que le système financier tout entier vient graisser le mécanisme par lequel les équilibres partiels conduisent à l'équilibre général sans en être le moteur.

En d'autres termes, un déséquilibre dans le système financier ne saurait perturber l'équilibre général dont la solidité repose sur des fondamentaux réels.

A ce stade de l'analyse nous pouvons constater que le débat entre classiques et keynésiens sur le rôle de la monnaie a évolué au fil du temps en un débat entre néoclassiques et néo-keynésiens sur la place du système financier dans l'économie.

Tandis que certains auteurs à l'instar de Lucas (1988) pensent qu'une place trop importante est accordée à tort aux facteurs financiers, d'autres, en l'occurrence McKionnon, Levine, Shaw et Hubbard épousent une vision contraire. Celui-ci démontre que l'équilibre sur le marché des capitaux en l'absence d'intermédiaires financiers est sous optimale.

Tous ces débats théoriques sont mis à profit dans les analyses empiriques faites par Collier et Gunning (1997) et Odekun (1996). Alors que les premiers établissent que la relation entre le développement de l'activité financière et celui de l'activité réelle est positive en Afrique, le second montre que ce résultat n'est pas en conformité avec la réalité des faits dans près de 2/ 3 des pays D'Afrique subsaharienne.

Notons que le coeur de toutes ces confrontations sur les plans théorique et empirique est la place que le système financier occupe dans le développement de l'activité économique. Pourrait-on en conclure que le développement de l'activité financière aurait une quelconque incidence sur la croissance économique ?

Ce mémoire est donc une tentative de réponse à ce questionnement dans le cadre spécifique du Cameroun. Si nous nous sommes intéressés à ce pays, c'est parce que nous avons été guidés d'une part par la place de choix qu'il occupe dans la zone CEMAC1(*) et d'autre part par le fait qu'il a connu une succession de crises et de reprises des activités financière et productive.

En effet, au cours de la décennie 1980, le Cameroun comme la plupart des pays d'Afrique subsaharienne a connu une récession économique liée à la mauvaise conjoncture sur le marché international des matières premières et une crise de son système bancaire tout entier.

Pour se sortir de cette situation critique, le Cameroun se lance dès 1988 dans une grande phase d'ajustement structurel qui vise à relancer l'activité économique. Une des réformes importantes imposées par les institutions ²internationales de Bretton Woods est l'assainissement de son système financier.

Cette prescription du FMI est appuyée par les thèses libérales de McKinnon et Shaw (1973) qui démontrent dans leurs travaux que la libéralisation financière a pour conséquence majeure l'approfondissement voire le développement financier. Celui-ci à leur avis permet de « booster » la croissance économique en améliorant la qualité des financements et en conduisant à une plus grande collecte de fonds prêtables.

La libéralisation ainsi enclenchée a permis dans un premier temps d'améliorer les conditions de dépôts, mais dans un second temps, elle a conduit à la baisse drastique des ratios de développement financier. Ces conclusions que nous pouvons tirer de l'observation des faits nous amènent à nous intéresser davantage au sens de la causalité entre le développement du système financier et le phénomène de croissance de l'activité économique.

Cette nouvelle appréhension trouve d'ailleurs ses fondements dans l'observation des faits stylisés. En effet, après la dévaluation du franc CFA en janvier 1994, on observe une certaine reprise d'abord de l'activité économique et ensuite de l'activité financière.

Aussi, l'objet de ce mémoire est d'établir le signe, le sens ainsi que le terme de la relation entre le développement financier et la croissance économique dans le cadre précis du Cameroun.

Pour cela, nous nécessitons d'une méthodologie particulière qui se prête mieux à l'analyse simultanée du terme et du signe de la relation. L'estimation économétrique par l'approche de Engle et Granger présente en effet l'avantage d'extraire le signe de la relation à long terme ainsi que celui de la relation à court terme.

L'estimation du modèle à correction d'erreurs nous permet de faire une analyse dynamique des phénomènes. Et comparativement aux autres méthodes classiques notamment la méthode des moindres carrés ordinaires ou généralisés, cette méthode d'estimation nous renseigne mieux sur les effets des fluctuations simultanées et sur la manière dont les deux phénomènes se retrouvent à long terme sur le même sentier d'expansion.

Le sens de la relation quant à lui nécessite la mise en oeuvre d'un test statistique particulier ; il s'agit du test de causalité au sens de Granger. La causalité est une notion plus adéquate lorsque nous cherchons à déterminer l'impact d'un phénomène sur un autre.

Aussi dans ce travail, nous passerons progressivement de l'étude d'une simple corrélation à celle de la causalité statistique qui trouve ses fondements dans l'analyse théorique.

Pour ce faire, nous analyserons dans un premier chapitre la corrélation entre les indicateurs du développement financier et la croissance du produit par tête. Mais avant tout, il nous importe de savoir si après les premières réformes de 1973, le système financier camerounais s'est effectivement développé.

Dans un second chapitre, nous ferons ressortir les fondements théoriques de cette corrélation. Aussi l'étude des modèles théoriques nous permettra de mettre en relief les canaux par lesquels la Finance influence la croissance à court terme et à long terme.

Le troisième chapitre quant à lui est celui de la modélisation économétrique. Il y sera discuté des propriétés statistiques de nos variables ainsi que celui des tests préalables à la mise en oeuvre de la méthode d'estimation choisie. Entre autres, nous établirons aussi le sens de la causalité entre ces deux phénomènes.

Dans un quatrième chapitre enfin, nous donnerons les résultats finaux de nos estimations et nous proposerons quelques réformes susceptibles d'être envisagées sur les plans institutionnel, réglementaire et purement économique.

Chapitre 1 : Le développement de l'intermédiation financière et son incidence sur la croissance économique au Cameroun

Introduction

Le système financier des pays de la zone CEMAC est placé sous l'autorité et le contrôle des principaux organes de l'UMAC2(*) à savoir la BEAC3(*) et la COBAC4(*). La BEAC est chargée principalement de l'émission monétaire et depuis le 16 octobre 1990, elle a pour mission prioritaire la stabilisation monétaire ; celle-ci passant par le maintien de la parité de change par rapport à l'euro et un contrôle rigoureux du taux d'inflation à l'intérieur de la zone. La COBAC quant à elle a pour tâche principale l'harmonisation des réglementations et le contrôle de l'activité bancaire de la zone. Pour cela, elle censure les banques qui évoluent en marge du système réglementé et est garante des règles prudentielles mises en oeuvre depuis la libéralisation financière des années 1970.

Le Cameroun est le pôle économique de cette zone économique et bénéficie en conséquence de près de la moitié de la masse monétaire qui y est en circulation. Il bénéficie en outre du système financier le plus étoffé. Celui-ci a beaucoup évolué depuis les indépendances (Eze-Eze, 2001). En réalité, le système financier camerounais est un vestige de la colonisation. Il a subi de nombreuses modifications s'accordant avec les exigences économiques et les objectifs de politique monétaire.

Toutefois, sa structure en elle-même n'a pas beaucoup évoluée depuis les années 1960. On y retrouve de manière générale trois compartiments : le premier est constitué des banques commerciales dites de second rang.

Ce compartiment est dominé par les banques multinationales françaises ; notamment SGBC, Crédit Lyonnais et BICEC. Néanmoins on y retrouve quelques banques typiquement camerounaises, en l'occurrence Afriland First Bank ou Amity Bank, et une pléiade d'établissements de micro finance tels que First Trust, Cofinest, CCA ou même Comeci pour ne citer que ceux-là.

Le second compartiment est formé d'organismes spécialisés. Il s'agit principalement des caisses d'épargne, du trésor public, des offices postaux et de quelques entreprises de leasing et de « capital risk ». On peut évoquer à juste titre dans cette catégorie les entreprises telles que Socca Soccabail, Cenainvest ou même Africa Leasing Company.

Le dernier compartiment est celui des banques de développement. Celui-ci a disparu avec l'avènement de la libéralisation financière et la nouvelle orientation des objectifs de politique monétaire pour laisser place au marché financier ouvert sur la place de Douala depuis 2001. Toutefois celui-ci n'étant pas encore opérationnel, il ne fera pas l'objet d'une analyse dans notre travail.

L'objet de ce chapitre est d'établir une corrélation entre l'évolution du système financier et l'évolution de l'activité productive. Pour ce faire, nous analyserons dans notre première section l'évolution de l'économie de l'intermédiation financière telle que vécue au Cameroun et dans une deuxième section, nous envisagerons la pertinence de la corrélation entre les deux phénomènes.

Section 1 : L'économie de l'intermédiation financière au Cameroun : une analyse des agrégats monétaires

La période post coloniale est marquée par une vague de nationalisation des entreprises privées et des banques commerciales en activité. Les taux d'intérêts créditeur et débiteur sont plafonnés et le réescompte spécial des effets des entreprises publiques et parapubliques est instauré. Tout ce dispositif est taxé par les tenants du libéralisme économique de système financier répressif. Cependant avec l'avènement de la globalisation des échanges internationaux et une préférence pour la mobilité des capitaux de plus en plus accrue, les systèmes financiers répressifs ont vite montré leurs limites, et, les systèmes libéralisés se sont imposés comme les meilleurs dans un tel contexte. Aussi, le 16 octobre 1990, le Cameroun et ses voisins de la CEMAC optent pour la libéralisation de leur système financier ; ce qui implique de facto une modification de l'objectif de politique monétaire qui transite vers la stabilisation de la monnaie en circulation d'un point de vue interne et externe (Atouts économiques, 2005).

L'objet de cette section est de procéder à une analyse de l'approfondissement du système financier camerounais. Aussi, notre première sous-section traite de l'évolution des indicateurs de développement financier (A) tandis que la deuxième sous-section envisage l'examen sommaire du réseau bancaire au Cameroun (B).

A. L'analyse des indicateurs financiers au Cameroun

Le développement du système financier ou tout simplement développement financier peut être perçu comme l'enrichissement et l'amélioration du système. Autrement dit le développement financier prend en compte l'accroissement en volume des transactions et services financiers et l'amélioration de la qualité des produits et services fournis par le système financier.

Ce concept est à différencier de celui de l'approfondissement financier définit par Assidon (2004) comme le renforcement d'un système financier peu développé et éclaté ; lequel renforcement passe par un accroissement de l'épargne intermédiée et une augmentation de l'offre des fonds prêtables par les intermédiaires financiers. Ainsi l'approfondissement financier ne traite que de la rentabilisation des fonds investis par les institutions financières en général et les établissements de crédit en particulier.

Le phénomène de développement financier est cependant très difficile à appréhender à l'aide de simples indicateurs, parce que ceux-ci ne rendent pas compte de la qualité du système. Les indicateurs, déjà très discutés, sont peu appropriés pour traiter du concept d'approfondissement financier. Dans notre travail, nous les utiliserons néanmoins pour mesurer le développement du système financier camerounais. Mais auparavant nous envisagerons les problèmes de mesure qui ont fait l'objet d'une grande littérature.

Les problèmes de mesure du développement financier

Le premier indicateur retenu est le taux de liquidité de l'économie M2/PIB. La masse monétaire au sens M2 prend en compte les encaisses détenues par les agents qui ne sont pas comptabilisées par le système bancaire et la monnaie adressée au système bancaire. Cet indicateur a été construit par King et Levine (1993, a). Dans le cadre d'un pays en développement comme le Cameroun, cet indicateur n'est malheureusement pas satisfaisant dans la mesure où une grande partie de la masse monétaire au sens M2 est détenue sous forme d'encaisses par les agents en dehors du système bancaire. Ce ratio mesure beaucoup plus en conséquence le taux d'utilisation de la monnaie plutôt que le taux de bancarisation de l'économie.

Pour palier à cette insuffisance, l'indicateur quasi monnaie /PIB est proposé. Il est calculé à partir du premier indicateur. Il suffit de retirer de M2 toute la monnaie fiduciaire en circulation dans l'économie pour trouver un ratio qui mesure de façon effective l'incidence du développement financier. On s'attend à ce que ce nouveau ratio soit faible dans les pays en développement, matérialisant ainsi la forte préférence pour la liquidité des agents économiques.

Il faut toutefois noter que dans un pays comme le Cameroun, la construction d'un tel indicateur peut poser problème. En effet, les statistiques qui rentrent dans la composition de l'agrégat quasi monnaie ne prennent pas en compte les flux financiers du secteur informel. Aussi, les comptes d'épargne répertoriés par le conseil national de crédit sont tous domiciliés dans les banques et quelque fois dans les autres établissements financiers. C'est à cet effet que Bekolo Ebe (1993) recommande dans le cas spécifique du Cameroun de reconsidérer cette épargne dans celle du système financier. Des efforts considérables de la part des autorités de contrôle ont été faits dans ce sens depuis lors. A nos jours, la plupart des associations d'épargne et de crédit rotatifs logent leurs ressources financières dans des comptes bancaires. On peut ainsi dire que les ressources du secteur informel retrouvent le circuit formel.

Un autre indicateur est le ratio crédit au secteur privé sur PIB. Il a été proposé par De Gregorio et Guidodti (1993). Il a l'avantage de ne prendre en compte que les performances du secteur privé mettant de côté les dépenses gouvernementales. Ainsi, il capte mieux la relation entre finance et investissement, et par conséquent permet d'établir une relation entre développement financier et croissance économique.

King et Levine (1993a) note que tout système qui alloue une grande partie du crédit au secteur privé est plus engagé dans le développement de l'activité réelle ; ce type de système exerce par conséquent un plus grand contrôle sur les projets financés, investit beaucoup plus dans la gestion des risques, facilite les transactions et mobilise davantage l'épargne que les systèmes qui accordent des crédits au secteur public. Cependant dans les pays en développement, et ceci avant la grande vague de libéralisation financière imposée par les institutions de Bretton Woods, l'Etat possède une part prépondérante des investissements ; ce qui implique que pour cette période, notre indicateur est moins pertinent que le ratio crédit bancaire/PIB.

D'autres indicateurs mis en relief dans l'analyse de Levine (1997) ne sont pas pertinents une fois rapportés au contexte africain. Il s'agit entre autres du crédit accordé par les institutions non financières5(*) et du rapport entre le crédit accordé par les banques secondaires et la somme des crédits accordés par la banque centrale et les banques de second rang6(*).

Les indicateurs retenus dans nos travaux sont le ratio de liquidité M2/PIB, le ratio crédit au secteur privé/PIB et dans une moindre mesure le ratio quasi monnaie/PIB. Toutefois il est crucial de noter que l'agrégat « crédit au secteur privé » utilisé par De Gregorio et Guidotti correspond dans leur source de données en l'occurrence l' « International financial Statistics » du FMI à la somme des crédits à l'économie, hors crédits à l'administration centrale. Par conséquent, ce ratio tient compte des crédits alloués aux entreprises publiques et parapubliques (Joseph et al, 1998). Nous pouvons dès lors envisager l'étude de l'évolution de ces différents indicateurs au Cameroun.

L'analyse de l'évolution des indicateurs de développement financier au Cameroun

La période post coloniale est marquée par la bonne santé du secteur primaire camerounais et par de nombreuses opportunités de croissance économique. Dans l'objectif de sortir rapidement du groupe des pays en développement, le gouvernement camerounais entreprend de financer sa croissance économique par expansion monétaire. C'est dans la poursuite de cet objectif que le seul rôle assigné aux institutions nouvellement mises en place est la création monétaire (Atouts économiques, 2005).

Les soubassements théoriques d'une telle politique sont qu'un accroissement de la masse monétaire a un effet multiplicateur sur les revenus et donc sur la production. D'après l'analyse keynésienne, le multiplicateur monétaire est habituellement inférieur à l'unité ; ce qui implique que la production domestique croît moins vite que la masse monétaire. On pourrait par conséquent s'attendre à un accroissement substantiel du taux de liquidité de l'économie représenté par le ratio M2/PIB. Une évolution positive de ce ratio caractérise l'approfondissement du système financier.

L'étude de ce ratio dans le cadre de l'économie camerounaise sur la période 1973 à 2000 (cf. graphique 1.2) nous permet de dire que tout au long de son évolution, le système financier s'est développé. On observe à cet effet une constance du ratio de liquidité autour de 20% jusqu'en 1994. Ceci se justifie à double titre. D'une part, l'accroissement de la masse monétaire est fondé sur l'évolution du produit intérieur comme nous suggère l'observation du graphique 1.1. En dehors des années 1975 et 1979, la décennie1970 est marquée par des taux de croissance de la masse monétaire et du PIB positifs et évoluant de façon colinéaire. Ceci se vérifie d'ailleurs jusqu'en 1989, date à partir de laquelle le paradigme keynésien est remis en cause.

source : banque mondiale, 2002

Pendant les années 1975 et 1979, le Cameroun enregistre un taux de croissance négatif dû à la mauvaise conjoncture internationale. Les chocs pétroliers de 1973 et 1979 ont eu pour effet majeur dans les pays en développement non membres de l'OPEP de détourner une grande partie de la demande des produits primaires qui leur était adressée au profit des produits pétroliers dont les prix se sont subitement multipliés.

Par ailleurs, la période 1973-1994 est celle où prévaut le plafonnement des taux d'intérêt et la gestion réglementée du système financier. Cette période est taxée par les tenants des thèses libérales de répression financière. On pourrait dire que de manière générale, les réformes monétaires mises en oeuvre depuis 1973 ont permis, dans un premier temps, une amélioration de la qualité des services offerts par les banques et une densification du réseau bancaire ; ce qui explique le passage du ratio de liquidité de 15% à 20% que nous pouvons observer dans le graphique 1.2 et, dans un second temps, la main mise de l'Etat sur les principaux canaux de financement de l'économie a conduit à une stagnation du ratio de

source : banque mondiale, 2002

liquidité à 20%. Le système bancaire camerounais a cessé de s'étoffer au cours de la décennie 1980. C'est d'ailleurs pendant la même période qu'on observe la fermeture de plusieurs banques commerciales, notamment les filiales américaines de la Boston Bank ou de la Manhattan Bank ; et la liquidation des principales banques de développement à savoir la Banque Camerounaise de développement et le Crédit Agricole du Cameroun.

La décennie 1990 est quant à elle marquée par deux périodes essentielles comme nous montre le graphique ci-dessus : la première est dite transitoire et la seconde est celle de la libéralisation financière.

La décision de libéraliser le système financier de la zone BEAC a été prise le 16 octobre 1990. Cette libéralisation a consisté à l'abandon du plafonnement absolu des taux d'intérêts créditeur et débiteur et des taux préférentiels appliqués aux crédits publics. Ainsi avant la dévaluation, le taux de croissance du PIB est négatif ; ceci a pour conséquence immédiate un relèvement substantiel du ratio de liquidité jusqu'en 1994. Passé cette période, le taux de croissance du PIB redevient positif mais celui de la masse monétaire reste négatif jusqu'en 1997, date qui marque la fin des restructurations bancaires. On note en conséquence au cours de cette décennie une baisse considérable du taux de liquidité qui passe désormais en dessous du seuil de 15%.

Une autre analyse pertinente est celle de la part du crédit au secteur privé dans la production domestique. Le graphique 1.3 représente l'évolution de cet indicateur de

source : banque mondiale, 2002

développement financier. L'étude graphique nous permet de distinguer trois périodes majeures qui représentent les décennies 1970, 1980 et 1990.

Au cours de la première décennie, on note un accroissement de la part des crédits dans la production intérieure. Cette évolution est conforme avec l'objectif de politique monétaire qui prévaut lors de la mise en place du système. L'économie est essentiellement financée par le crédit bancaire. Les plus grands bénéficiaires de ce crédit sont les entreprises publiques et parapubliques. Elles sont les plus nombreuses et sont à l'origine des grands projets d'investissement et contribuent pour une grande part à la croissance de l'activité productive. Pendant cette période, les entreprises débitrices n'ont pas de réels problèmes pour le remboursement des fonds prêtés.

Cependant, à partir de 1982, les problèmes apparaissent dans le système financier camerounais. L'Etat fait face à des services de la dette extérieure de plus en plus élevés. Ce problème de non respect de l'échéancier de dette est aggravé par ailleurs par la chute des cours des matières premières observé dès l'entrée dans la deuxième décennie. Les entreprises exportatrices de produits de base ont ainsi des difficultés quant au remboursement des crédits bancaires. Et dès 1983, on note une rupture dans le processus de développement financier enclenché depuis 1973. Le ratio crédit au secteur privé/PIB oscille désormais autour de 25% et ceci malgré une légère baisse du taux de croissance.

Ce taux de 25% est encore largement supérieur au taux observé après la libéralisation du système financier. A l'issue de la restructuration bancaire de 1997 cet indicateur descend en dessous du seuil de 10%. Cette chute brutale trouve son explication dans le rationnement des crédits accordés aux entreprises publiques et parapubliques qui ne jouissent pas d'une bonne santé financière. La levée du contrôle absolu des taux d'intérêt par les autorités monétaires permet aux banques d'orienter les crédits essentiellement vers les entreprises financièrement stables. Elles accordent désormais les crédits sur la base des états financiers, et, leurs placements sont couverts par des collatéraux.

Le renforcement des conditions de crédit limite le volume des crédits alloués même si dans une certaine mesure, il permet aux établissements financiers de se prémunir contre les risques d'aléa moral et de « rush bancaire ».

Pour éviter d'essuyer à nouveau une crise systémique comme celle des années 1980, les organes institutionnels mis en place mettent sur pieds de nouveaux mécanismes qui épargnent aux banques les mauvais placements. C'est ainsi qu'une consultation régulière de la centrale des risques évite aux établissements de crédit de constituer des créances à forte probabilité de compromission.

En résumé, pendant la période de libéralisation financière les conditions de crédit sont devenues plus rudes. L'exigence des garanties élevées (en moyenne 150% du montant du crédit demandé) et la méfiance des gestionnaires de portefeuille ont conduit à une baisse considérable de la masse des crédits accordés au secteur privé, et par conséquent à une baisse de l'indicateur de développement financier.

En définitive, l'analyse des ratios du développement financier retenus aboutit au résultat suivant : au cours de la décennie 1970, le système financier s'est plutôt développé ; mais à partir de 1982, la conjoncture économique n'a pas permis que ce développement se poursuive. La décennie 1980 est caractérisée par une grave crise du système bancaire qui a suscité la mise en application des politiques libérales. Seulement, la libéralisation financière opérée depuis 1990 n'a pas eu tous les effets escomptés et le système financier a évolué en marge du développement de l'activité réelle. Il est judicieux de noter que toutes les justifications que nous apportons sont propres aux indicateurs d'approfondissement financier et qu'une analyse du système proprement dit est nécessaire pour compléter l'examen du développement financier. Pour ce faire, nous procéderons à une étude sommaire du réseau bancaire depuis 1973.

B. L'examen sommaire du réseau bancaire camerounais

Tout comme l'activité financière s'est développée depuis les années 1970, le réseau des banques camerounaises a connu de nombreuses modifications qui sont en relation avec les différentes périodes de prospérité économique et de crise systémique. Un examen sommaire du réseau bancaire nous renseigne sur l'amélioration de la collecte de l'épargne par les intermédiaires financiers et sur la place accordée au système bancaire dans l'activité économique. Aussi dans cette sous-section nous envisagerons le processus de développement financier à travers l'étude de l'étendu du réseau bancaire sur la période allant de 1975 à 2004.

Le tableau 1.1 nous donne l'évolution du nombre de banques et d'agences sur les périodes significatives depuis les réformes du système en 1973.

Tableau 1.1 : Evolution du nombre de banques et d'agences

Années

Nombre de banques

Pourcentage (%)

Nombre d'agences

Pourcentage (%)

1975

4

-

88

-

1980

11

175

143

62.5

1987

7

-36

116

-23

1992

11

57

84

-26

1996

8

-27

74

-12

1999

8

0

64

-13.5

2004

10

25

85

33

source : rapport du conseil national de crédit

Du tableau 1.1, il ressort une progression de 175% du nombre de banques et de 62.5% du nombre d'agences entre 1975 et 1980. Cette progression corrobore bien les résultats de notre première sous-section. Ainsi, dans la décennie 1970, le système financier camerounais s'est enrichi. Seulement à partir de 1982, le secteur bancaire subit la conjoncture économique de telle sorte qu'en 1987 on observe une chute drastique du nombre d'agences et de banques qui passent respectivement de 11 à 7 et de 143 à 116. A l'issu de la restructuration bancaire enclenchée dès le début des années 1990, le nombre total des banques est porté à 8 et le nombre d'agences à 64 en 1999.

L'assainissement du système financier camerounais a conduit en 2004 à une expansion de réseau des banques et à la naissance d'un tout nouveau type d'intermédiaires financiers qui sont les établissements de micro finance. Elles occupent désormais une place non moins importante dans le système en ce sens qu'elles offrent des conditions de crédit moins rudes et offrent des opportunités de placement à la hauteur de l'épargne des petits ménages.

Tableau 1.2 : distribution géographique des agences bancaires au Cameroun

Villes

1975

1983

1987

1994

1999

2004

Douala

17

27

47

9

8

15

Yaoundé

13

20

39

7

7

13

Bafoussam

5

7

10

6

6

8

Sous-total

35

54

96

22

21

36

Autres

43

113

90

56

43

49

Total

88

167

186

78

64

85

source : rapport du Conseil National du crédit

Le tableau 1.2 nous montre comment le réseau des principales banques a évolué sur le plan géographique depuis la création de la BEAC. L'analyse de ce tableau nous permet de dire que depuis sa mise en route le système financier camerounais a connu une certaine dichotomie spatiale. On observe dans les principales villes de Douala, Yaoundé et Bafoussam une concentration et une densification du réseau bancaire. La capitale économique bénéficie toujours du plus grand nombre d'agences bancaires.

Cette concentration a une raison d'être économique : les banques cherchent à se rapprocher de la clientèle. Les grandes villes étant réputées pour leur surpopulation et leurs pôles industriels, les fonds prêtables y sont par conséquent facilement mobilisables et les placements financiers comparativement plus rentables.

En définitive, le développement de l'activité bancaire au Cameroun a évolué en droite ligne avec la politique de développement mise en oeuvre depuis les indépendances. Une étude simultanée du taux de croissance économique et du taux de croissance de l'activité financière nous suggère de tabler sur l'existence d'une corrélation entre les deux phénomènes. L'étude de cette corrélation fait l'objet de notre deuxième section.

Section 2 : La corrélation entre le développement financier et la croissance économique au Cameroun

La plupart des études théoriques menées sur le développement financier depuis Goldsmith (1969) portent à croire que celui-ci constitue une variable déterminante dans l'explication de la croissance économique.

Dans le cadre du Cameroun, très peu d'études ont essayé de valider ou d'invalider cette assertion. Une analyse graphique conjointe des deux phénomènes dans ce pays nous permettra probablement d'émettre quelques hypothèses quant à l'existence d'un lien de corrélation entre les deux types de variables.

source : banque mondiale, 2002

Le graphique 1.4 nous montre qu'autour de la crise du système bancaire camerounais de 1989, on observe une décroissance du PIB par habitant. La question que suscite en nous cette observation est celle de savoir si l'évolution de la croissance du secteur réel a une incidence quelconque sur le système financier ou plutôt existe-t-il une relation entre l'évolution de la sphère financière et celle de la sphère réelle ?

Cette section s'atèle à répondre à ces questions qui sont toutes aussi essentielles que la durée de la relation.

Ainsi, nous envisagerons dans notre première sous-section la liaison entre les phases du cycle économique et la fragilité du système financier en général et du secteur bancaire en particulier. Notre seconde section s'épandra sur l'existence d'une corrélation à long terme entre les deux phénomènes.

A. Récession économique et fragilité du système bancaire

A la suite des deux chocs pétroliers, les pays en développement lourdement endettés voient leur service de la dette extérieure augmenter de façon exponentielle en raison de la mise en oeuvre de la nouvelle politique anti-inflationniste américaine. La chute des cours des produits de base vient s'ajouter à cette situation déjà déplorable pour un pays comme le Cameroun. Le début des années 1980 est marqué par une allocation totale des fruits de la croissance au remboursement du service de la dette.

source : banque mondiale

Le graphique 1.5 illustre bien cette assertion. Il nous montre que malgré un accroissement régulier du PIB, le revenu national brut croît à taux décroissant ; les fruits de la croissance ne sont pas redistribués aux populations.

Au cours de la même période, les dépôts bancaires de l'Etat ont considérablement diminué tandis que les crédits accordés à l'Etat ont augmenté. Ceci pourrait laisser supposer qu'ils étaient eux aussi utilisés pour le paiement du service de la dette qu'elle soit extérieure ou intérieure.

source : BEAC

Le graphique 1.6 nous montre qu'à partir de 1983, l'Etat réduit ses avoirs bancaires et augmente son endettement intérieur et ceci jusqu'en 1987, date à laquelle le gouvernement camerounais décrète de façon officielle la crise économique. A cette date, L'Etat est asphyxié et n'arrive plus à honorer ses engagements.

Le retrait des fonds publics et l'accumulation des créances compromises déstabilisent le système financier déjà très fragilisé par la fermeture de quelques grandes banques commerciales et des petites banques financièrement peu structurées qui survient quelques années avant la crise systémique de 1989.

Cette crise est caractérisée par une généralisation dans le système d'une mauvaise position bilancielle bancaire. Ainsi sur les 7 banques encore en activité en 1989, seules les grandes multinationales à savoir SGBC, BIAO, BICIC et SCB Crédit Lyonnais subissent des restructurations, toutes les autres sont liquidées.

La crise du système bancaire est à l'origine de la création de la SCR (Société Camerounaise de Recouvrement) dont la mission principale est le recouvrement des créances douteuses et dans une moindre mesure la liquidation des banques en difficulté.

La crise du système bancaire qui survient au lendemain de la récession économique démontre bien combien le système financier camerounais est fragile et instable. Cette instabilité se perçoit aussi bien à travers les effets positifs et négatifs que peuvent avoir les chocs extérieurs sur l'évolution des agrégats du développement financier.

Tout comme la crise économique influence le système financier, les politiques libérales mises en oeuvre à la suite de la dépression survenue dans le système affectent son évolution. Le graphique 1.7 nous montre qu'au lendemain de la libéralisation et surtout à l'issue de la restructuration, le système financier camerounais s'est enrichi. Les dépôts et les placements bancaires ont tous augmenté ; et ceci conformément à une évolution positive du PIB (cf graphique 1.1).

source : BEAC

Au total, le système financier camerounais évolue de façon colinéaire par rapport à l'activité réelle. Il serait par conséquent opportun de poser quelques hypothèses quant à l'existence d'une corrélation entre les deux phénomènes.

B. La corrélation à long terme entre le développement financier et la croissance économique au Cameroun

L'étude que nous menons sur la corrélation à long terme entre le développement de l'activité financière et celui de l'activité productive constitue une ébauche d'un travail plus élaboré sur le sens de la causalité entre l'amélioration du système financier et la croissance économique.

Aussi, dans cette deuxième sous-section, nous nous intéresserons à la signgificativité des différents coefficients de corrélation de la relation de long terme Finance-croissance. Nous prendrons la peine de les calculer pour une simple régression entre le taux de croissance du PIB par tête et nos indicateurs de développement financier. Nous procéderons pour ainsi dire à une estimation simple des modèles symétriques qui prennent en compte les variables financières retenues plus haut.

y=1.27X-2.7

(0.543905)

R²=0.007725

source : banque mondiale et calculs de l'auteur

Le graphique 1.8 nous montre que dans le long terme, il est difficile d'appréhender la relation entre le développement financier et la croissance économique à partir de la droite de régression. Le coefficient de corrélation calculé entre la croissance du PIB par habitant et le logarithme du ratio crédit au secteur privé/PIB soit 1.27 n'est significatif ni aux seuils de 5% et 10%, ni même au seuil statistique de 20%. En effet, la valeur de la statistique de Student calculée (0.54) est inférieure aux valeurs critiques respectivement égales à 1.96, 1.64 et 1.28.

Néanmoins, le signe positif de la relation nous amène à penser que dans une étude plus élaborée, l'accroissement de la part du crédit au secteur privé dans l'économie contribue à l'amélioration de la production du secteur réel.

De plus, la faiblesse de coefficient de détermination (0.007) nous suggère déjà que le modèle tel que spécifié ne saurait permettre une analyse pertinente. Il est indispensable pour une estimation ultérieure de considérer d'autres variables théoriquement significatives dans notre modèle.

Parallèlement relation inverse entre la part du crédit privé et la croissance du PIB par habitant n'est non plus possible. Le coefficient de corrélation pour cette relation est de 0.006 et la valeur calculée de la Statistique de Student qui lui est associée reste la même.

y= -11.72X+ 31.66

(-2.842464)

R²= 0.175340

source : banque mondiale et calculs de l'auteur

En revanche, le graphique 1.9 nous montre qu'il est toujours possible à long terme de trouver une corrélation entre le développement de l'activité financière et la croissance économique à travers le ratio de liquidité. Le coefficient de corrélation calculée pour cette relation est de -11.72. Ce coefficient est significatif au seuil de 5%, car la valeur de la statistique de Student qui lui est associée soit en valeur absolue 2.84 est supérieure à sa valeur critique au seuil de 5%. La relation inverse elle aussi reste possible. D'après nos calculs, lorsque la masse monétaire augmente de 1%, le taux de croissance du produit par tête diminue de 0.015%.

Le signe négatif qui affecte cette relation trouve une explication dans la formulation du taux de liquidité de l'économie. En effet, le taux de liquidité de l'économie est un rapport entre deux types d'agrégats : un agrégat réel et un autre financier.

En général l'agrégat monétaire soit M2 est utilisé par les autorités étatiques comme instrument de politique économique. Aussi, le but recherché est l'incidence de celui-ci sur le niveau de l'activité réelle.

En théorie économique, les effets sont souvent étudiés une fois que la clause « cétéris paribus » est évoquée. Autrement dit, les effets ne sont étudiés que dans un environnement statique.

Ainsi l'incidence d'une évolution positive du PIB sur le ratio de liquidité est étudiée sous l'hypothèse forte « toute chose égale par ailleurs ». Et, puis que cet agrégat se trouve au dénominateur de notre ratio, ce dernier diminue lorsque le PIB augmente.

Au total, l'évaluation du développement financier mesuré par le ratio crédit au secteur privé sur PIB n'est pas corrélée à la croissance économique. Ce résultat empirique souffre quelque peu de robustesse. Pour cette raison, cette analyse doit être complétée par une étude plus approfondie sur la causalité entre l'amélioration du système financier et le développement de l'activité réelle dans notre troisième chapitre. Cette étude nous permettra de vérifier de façon statistique et empirique les résultats de nos observations.

A l'inverse, le développement financier mesuré par le taux de liquidité de l'économie est négativement corrélé avec la croissance du produit par tête. Il faut néanmoins noter que ce résultat est donné « cétéris paribus ». En effet, l'analyse de la corrélation n'intègre pas la simultanéité de l'évolution des variables considérées. Tout se passe comme si seul le PIB à l'instant t se modifie. Son incidence est par la suite mesurée sur le taux de liquidité et vice-versa.

Cependant dans la réalité la plupart des phénomènes ne sont pas statiques. On observe a contrario une évolution dynamique des phénomènes de telle sorte que les résultats que nous trouvons sont a priori en contradiction avec la réalité des faits. Pour cette raison, notre travail ne se limitera pas à une analyse statique de la relation à estimer ; il se consacrera davantage à l'étude dynamique de la relation entre les deux phénomènes.

Conclusion

L'économie de l'intermédiation financière de manière générale a beaucoup évolué au cours du temps. A la suite de multiples chocs, on est progressivement passé des systèmes répressifs aux systèmes libéralisés. Ces chocs ont été à l'origine de la remise en cause du paradigme fondamental keynésien sur le contrôle et la surveillance étatique. Dans les pays africains et en particulier au Cameroun, la mise en oeuvre d'un tel paradigme a conduit à une forme plus exacerbée de l'interventionnisme étatique qui a entraîné un ralentissement du processus de développement financier enclenché dans la décennie 1970.

La colinéarité des phénomènes d'approfondissement financier et de croissance de l'activité économique a donné une orientation précise à notre analyse. L'existence d'une corrélation possible entre les variables financières et les variables réelles nous suggère de nous intéresser désormais au sens de la causalité entre les deux phénomènes. Bien plus elle nous exige d'identifier la nature de la relation causale ainsi que sa durée.

Mais avant, il est crucial pour nous d'établir le cadre théorique d'une telle relation en situant notre travail dans un paradigme. L'analyse néoclassique de la croissance nous semble la plus pertinente même si elle reste très normative. Ainsi, la question à laquelle nous essaierons de répondre dans notre deuxième chapitre porte sur la dualité de la dynamique Finance-croissance.

Chapitre 2 : Les relations de court terme et de long terme entre le développement financier et la croissance économique : les fondements théoriques

Introduction

Le concept de croissance économique a une origine très ancienne. Il remonte aux travaux précurseurs de Rostow qui l'assimile au concept de développement économique. Celui-ci est définit par les économistes contemporains comme une amélioration de la qualité de vie des agents économiques qui s'accompagne d'un accroissement de la production domestique.

Ce concept se distingue de celui de la croissance économique parce qu'il prend en compte les aspects sociaux et environnementaux qui relève beaucoup plus de la qualité de vie que de l'accroissement de la production.

Ainsi, la croissance économique se définit comme un accroissement progressif et constant de la production globale sur une longue période.

Vu sous cet angle, on pourrait croire qu'une économie peut croître de façon infinie. Les modèles traditionnels de croissance ne sont pas en accord avec cette manière de penser. Partant de l'hypothèse fondamentale de rendements d'échelles décroissants, ces modèles montrent qu'il existe toujours et ceci pour toute économie un point où la production ne peut plus croître.

A l'inverse, les modèles de croissance endogènes garantissent une croissance économique auto-entretenue, redue possible avec l'avancée technologique. La prise en compte du progrès technologique comme variable endogène remet en question l'hypothèse des rendements décroissants qui cède désormais la place à celle des rendements croissants ou constants.

L'incidence du système financier sur la croissance économique n'est mise en évidence qu'avec les travaux pionniers de Goldsmith (1969) qui identifie une colinéarité entre le développement de la sphère financière et celui de la sphère réelle. Partant du constat sur un panel de 35 pays, que les périodes de croissance rapide sont généralement accompagnées d'un accroissement du taux moyen de développement financier, Goldsmith démontre qu'il existe une relation positive entre le développement financier et la croissance économique.

La plupart des développements théoriques faisant suite aux travaux de Goldsmith ont tenté d'identifier les canaux de transmission à court terme et à long terme du développement financier vers la croissance.

Les principaux canaux mis en exergue par Levine (1997) par exemple sont l'accroissement du stock de capital qui passe par une efficience dans la collecte de l'épargne et l'allocation des ressources disponibles par les intermédiaires financiers et l'amélioration du progrès technologique.

L'objet de ce chapitre est d'établir les relations directes et indirectes à court terme et à long terme entre le développement de la sphère financière et celui de la sphère réelle.

Pour ce faire, nous utiliserons les modèles de croissance traditionnels de type néoclassique, en particulier celui de Solow et Swan (1956) et les modèles de croissance endogène, notamment le modèle AK de Romer (1986).

Ces deux types de modèle se distinguent par leur manière de considérer le progrès technologique. Alors que le premier le considère comme exogène, le second le prend en compte comme variable endogène de la fonction de production.

Notre chapitre sera ainsi réparti en deux sections. La première analysera la dynamique de courte période mise en exergue dans le modèle de Solow (section 1), et la seconde fera le tour de la dynamique de longue période qui ne trouve sa raison d'être que dans le cadre d'analyse des modèles de croissance endogène (section 2).

Section 1 : La dynamique de courte période entre le développement financier et la croissance

Les modèles de croissance traditionnels fondé sur le paradigme néoclassique se sont développés en marge des réalités africaines qui sont : un environnement imparfait et une viscosité des prix. Mais ces modèles constituent un repère pour la détermination des facteurs explicatifs de la croissance de manière générale.

Le modèle de Solow et Swan sans progrès technique essaie de déterminer la croissance d'état stationnaire ou mieux celle qu'il faut maintenir pour garantir l'équilibre sur le marché réel.

L'analyse du rôle de la finance est résiduelle dans ce modèle néoclassique car toute l'attention est portée aux effets de l'accumulation du capital sur le niveau de la production d'équilibre. L'objet de cette section tient alors à un examen approfondi du modèle de Solow et Swan (1956) sans progrès technique et à la détection des effets indirects du développement financier sur la croissance de la production par tête.

Autrement dit cette partie essaie de répondre aux questions suivantes : quels sont les différents enseignements que nous pouvons tirer du modèle de Solow (A) et quels en sont les limites une fois rapporté au contexte spécifique camerounais (B).

A. Les enseignements du modèle de croissance de Solow et Swan (1956)

Le modèle de Solow peut être considéré comme modèle de base de l'analyse néoclassique de la croissance économique. Il peut être traité comme tout modèle d'équilibre du marché des biens et services ayant une composante offre et une composante demande.

v La fonction d'offre dans le modèle de Solow

Dans ce modèle, la production globale dépend des facteurs capital et travail. La fonction de production agrégée est caractérisée par des rendements d'échelle constant. L'hypothèse de constance des rendements d'échelle permet de ne pas tenir compte de la taille de l'économie, car elle n'affecte pas la relation entre la production par tête et le capital par tête (Mankiw, 2001).

La production par tête dépend de façon positive du capital par tête et il est important de noter qu'il n'existe aucune relation linéaire entre ces deux variables (De Haas, 2001). La fonction d'offre prend la forme suivante :

Y=f (K, L) (1)

La fonction de production par tête est donnée par :

y=f (k) (2)

avec k= K/L et y= Y/L

La production par tête est caractérisée par une productivité marginale décroissante du capital par tête qui assure la concavité de la fonction de production par tête. Ceci suppose que l'accroissement (marginal) de la productivité par tête diminue plus vite que l'accroissement du capital par tête.

v La fonction de demande globale

Pour Solow, la fonction de demande des biens et services peut être décomposée en deux sous fonctions à agréger : une fonction de demande des biens de consommation C et une fonction de demande des biens d'investissement I. La fonction de demande agrégée prend donc la forme :

Y= C+I (3)

Et la fonction de demande par tête ou par unité de travail est donnée par

y= c+i (4)

avec c= C/L et i= I/L

Solow fait l'hypothèse que la fonction de consommation a la forme linéaire suivante :

c= (1-s)y où s représente le taux d'épargne

v L'équilibre sur le marché des biens et services

L'équilibre sur le marché des biens et services est donné par

y= (1-s)y +i (5)

Ce qui implique que l'investissement par travailleur prend la forme

i= sy (6)

De (6), il ressort que l'épargne qui n'est qu'une fraction du revenu est entièrement affectée à l'investissement.

Un volume de capital par tête élevé induit par conséquent des niveaux de production et d'investissement par unité de travail élevés.

Il est cependant important de noter que le stock de capital se déprécie avec le temps pour une fraction ä et que cette fraction tout comme l'investissement affectent le niveau du stock de capital et de la production par travailleur.

Au total, la variation du stock de capital par tête est donnée par l'équation

Äk= sf(k)- äk (7)

L'équation (7) est dite équation fondamentale du modèle de Solow car c'est elle qui détermine le taux de croissance du capital par tête et donc de la production par travailleur qui garantit l'équilibre de la sphère réelle.

Solow montre qu'il n'existe qu'un seul stock de capital k* qui équilibre investissement et amortissement. Ce stock k* est dit stock d'état stationnaire.

A l'état stationnaire, le stock de capital optimal est tel que l'épargne est égale à la dépréciation du capital et par conséquent, l'accroissement net du capital par tête est nul.

Comme la croissance économique est essentiellement liée à l'accroissement du capital par tête et que celui-ci est nul à long terme, l'état stationnaire est unique et toutes les politiques visant à accroître le stock de capital ne sauraient avoir que des effets éphémères7(*).

Les canaux de transmission de court terme entre le développement financier et la croissance économique.

De l'analyse précédente, il ressort qu'aucune variable n'a d'incidence à long terme sur l'état stationnaire de l'économie. Cependant et ce conformément aux travaux de Solow et Swan (1956) il est possible d'observer à court terme un accroissement périodique du stock de capital par tête.

En effet la convergence conditionnelle centre l'analyse autour de l'évolution du taux d'épargne. A court terme, le développement de l'intermédiation financière agit sur le niveau de l'épargne qui reste supérieur à la dépréciation du capital comme l'indique la figure ci-après :

k0

k*

épargne par tête= sf (k)

« dilution par tête »+ épargne par tête= (n+ä)k

capital par tête

épargne par tête

« dilution par tête »

source : Aghion, 2000, p17

Figure 2.1 : L'état stationnaire dans le modèle de Solow

Les intermédiaires financiers agissent sur le taux d'épargne des ménages via la gamme de produits financiers qu'ils mettent à leur disposition. Ainsi l'amélioration de la qualité des services bancaires participe pour une grande part dans la collecte de l'épargne des agents. Cette épargne qui dans la plupart des cas est liquide est par la suite transformée en « ressources longues » destinées au financement des investissements par ces mêmes intermédiaires financiers. Diamond et Dybvig 8(*)(1983) à travers un modèle d'intermédiation en présence d'asymétrie informationnelle nous montrent comment les banques assurent la liquidité des fonds des déposants qu'ils transforment en capitaux.

De surcroît, les intermédiaires, en garantissant une rémunération adéquate des dépôts, permettent le retour à une épargne intermédiée détournée par la répression subite par les banques.

A cet effet, Mckinnon et Shaw (1973) recommandent vivement une libéralisation des systèmes réprimés qui aboutit non seulement à une meilleure allocation des ressources mais aussi à un accroissement des investissements productifs.

Une telle libéralisation améliore le niveau de l'activité, mais comme le stipulent les modèles traditionnels de croissance, cette amélioration est éphémère ne concerne que le court terme et n'est possible que lorsque le marché de l'intermédiation bancaire est parfait.

Cependant la réalité économique en est toute autre. Les marchés sont essentiellement imparfaits. La raison d'exister des intermédiaires financiers démontre à elle seule à quel point l'asymétrie de l'information rend difficile la réalisation de l'équilibre concurrentiel.

A cette première imperfection nous pouvons ajouter l'existence des barrières à l'entrée sur le marché bancaire. En effet, les lois et la réglementation en vigueur dans les pays constituent une barrière réglementaire de fait à l'entrée de nouveaux établissements dans le secteur.

Toutes ces imperfections sont incompatibles avec le modèle que nous venons d'étudier et oriente la suite de notre travail vers l'analyse des limites du modèle de Solow.

B. Les limites du modèle de Solow et Swan

Le modèle de Solow et Swan est une tentative d'explication des déterminants de la croissance d'état stationnaire. Il nous donne non seulement le niveau de la croissance d'état régulier, mais il nous permet en outre de comprendre les différences du niveau de développement entre les pays.

A l'épreuve des faits, le modèle de Solow et Swan présente des limites qui sont plus liées aux hypothèses fortes sur lesquelles il se fonde qu'à l'explication même qu'il nous donne de la croissance.

Nous envisagerons les limites de ce modèle en deux sous-sections : la première concernera la remise en cause du paradigme néoclassique de l'efficience, qu'elle soit en liaison avec le marché ou technique ; tandis que la seconde soulève la question de l'analyse en autarcie qui n'intègre pas les chocs extérieurs et de la viscosité des prix.

B.1. La remise en cause du paradigme néoclassique de l'efficience

La structuration néoclassique du modèle de croissance de Solow et Swan fonde toute l'analyse sur la toute puissance du marché. Le paradigme néoclassique émet l'hypothèse d'efficience forte du marché des capitaux et des actifs financiers au sens de Fama (1973).

Cette hypothèse fondamentale implique que les prix déterminés sur ce marché en particulier et sur tous les autres marchés en général tient compte de toutes les anticipations possibles des agents de telle sorte qu'aucune force extérieure ne saurait perturber l'équilibre à long terme. Les distorsions observées sur les marchés ne pourraient être que périodiques, ayant des effets éphémères. Pour cette raison, l'équilibre trouvé est unique, optimal et stable.

Ainsi, selon Solow, l'équilibre de toute l'économie est assuré par la seule relation entre l'investissement et l'épargne matérialisée par l'équation (6). L'interprétation que nous donnent les auteurs de cette équation est simple : à l'équilibre, l'investissement désiré est toujours égal à l'épargne désirée. Autrement dit, une fois toute l'épargne constituée, elle est affectée dans son intégralité au financement des investissements.

Cependant la prise en compte des contraintes d'intermédiation bancaire vient invalider cette égalité qui est pourtant le point de départ de l'explication de la croissance d'état stationnaire. L'équilibre sur le marché des capitaux est sous optimal. Il est en effet rare sinon impossible d'affecter toute l'épargne qu'elle soit intermédiée ou non au financement de projets d'investissement.

Pour des besoins de liquidité, les banques ont l'obligation de constituer des réserves pour faire face aux retraits de déposants. L'épargne non intermédiée est celle que les ménages constituent par devers eux pour des motifs de spéculation et de précaution. Seule l'épargne spéculative sert au financement de l'économie.

En conséquence, l'équilibre réel de l'économie est sous optimal et la seule manière de reconsidérer un équilibre optimal est d'ajouter dans le modèle de croissance de Solow une contrainte qui matérialise la perte d'épargne due à l'intermédiation financière ou qui représente l'épargne de précaution constituée par les agents économiques. Cette contrainte a été rajoutée par Pagano (1993) dans le cadre des modèles de croissance endogène que nous étudierons dans la deuxième section de ce chapitre.

Par ailleurs, les systèmes financiers des pays d'Afrique sub-saharienne sont réputés pour leur dualisme (Besley & al, 1990) qui constitue une limite apparente de l'efficience du marché. En effet, d'après la définition de l'efficience forte de Fama (1973), il ne saurait exister qu'un seul marché de capitaux qui satisfasse tous les intervenants ; les prix déterminés sur ce marché sont tels qu'aucun acteur ne peut les modifier.

Autrement dit, si le modèle de Solow et Swan constitue une analyse néoclassique de l'équilibre général, il n'intègre pas une possible coexistence entre le marché formel de l'intermédiation bancaire et le marché souterrain de capitaux.

A côté de l'efficience du marché, plusieurs auteurs notamment Mankiw, Romer et Weil (1992) émettent des réserves quant au niveau d'efficience technique que les pays sont supposés initialement avoir. D'après le modèle de Solow, ce niveau d'efficience technique est indépendant des variables explicatives, ce qui implique qu'il est exogène et inobservable. Cette variable non moins importante est par conséquent absente des régressions ; les résultats obtenus ont de bonnes chances d'être faussés.

De plus, toute l'analyse néoclassique est basée sur l'hypothèse forte de marchés parfaits et d'équilibre de plein emploi. Cette hypothèse ne tient que dans le cadre très précis de l'analyse normative de l'économie. Il est en effet très difficile sinon impossible de trouver dans la réalité un marché qui respecte les cinq conditions d'un marché de concurrence pure et parfaite. Même s'il est possible d'observer dans la réalité l'atomicité du marché, la parfaite mobilité des facteurs de production, la libre entrée et sortie dans le secteur , la transparence du marché et l'homogénéité des produits (Guerrien, 1991) sont des critères irréalistes.

La réalité du marché est telle que les leaders dans l'activité constituent des barrières à l'entrée de telle sorte que pour tout nouveau postulant, les coûts d'entrée sont supérieurs à l'espérance de gain ; ce qui décourage les nouveaux entrants.

La mobilité de facteurs de production quant à elle peut être entravée par des facteurs géographiques, ethniques et même culturels.

La différenciation des produits est devenue la règle d'or dans un contexte où la marque à elle seule est une garantie de qualité. A ce niveau de l'analyse il est clair que l'hypothèse forte de perfection des marchés ne permet pas une analyse positive des déterminants de la croissance économique.

L'asymétrie de l'information est au coeur du débat sur le rôle de l'intermédiation financière dans le financement de l'économie. D'après Levine (1997), la raison d'être des intermédiaires financiers est la réduction des coûts d'acquisition de l'information et des coûts de transaction dans un environnement où les risques liés à l'incertitude sont élevés. Les intermédiaires financiers en assurant la liquidité des déposants et en exerçant un contrôle rigoureux envers les dirigeants réduisent considérablement les risques d'antisélection et d'aléa moral. Pour ce faire, ils disposent d'un arsenal de mesures leur garantissant le remboursement des fonds prêtés ; il s'agit principalement des collatéraux, des relations de long terme entre la banque et sa clientèle (Scialom, 2001).

L'asymétrie de l'information est moins perceptible dans un environnement où l'intermédiation financière est suffisamment développée que dans un contexte où les systèmes financiers sont peu développés et très éclatés, notamment en Afrique subsaharienne. Ces économies sont réputées pour leur extrême vulnérabilité aux chocs extérieurs.

B.2. La viscosité des prix et l'analyse en autarcie

Le modèle de croissance de Solow et Swan raisonne en économie fermée. L'équation de demande des biens et services de ce modèle n'admet pas de composante qui matérialise les relations avec l'extérieur.

Ceci est une limite de ce modèle dans la mesure où de nos jours l'économie se mondialise progressivement, contraignant ainsi les pays à échanger entre eux, ou à se constituer en blocs économiques en vue d'améliorer leur compétitivité sur le plan international. Dans un tel de globalisation des échanges d'imbrication et d'interdépendance des systèmes financiers, le modèle de Solow devient inopérant.

Rappelons d'ailleurs que les chocs extérieurs sont susceptibles de perturber les grands équilibres macroéconomiques et de rendre inopérantes les politiques économiques décidées dans un cadre autarcique.

L'histoire économique nous enseigne que certaines crises financières ont eu des effets symétriques dans les pays où ont débuté la crise et dans les pays en relation avec les premiers. On peut citer à titre d'exemple la crise asiatique de 1997 et la crise mexicaine du début des années 1980.

Aussi, la non prise en compte du secteur extérieur exclut d'office l'incidence de ces phénomènes qui sont pourtant une explication aux modifications des grands équilibres monétaires et réels.

A cela s'ajoute la viscosité des prix sur les marchés. Le paradigme néoclassique admet que l'ajustement entre l'offre et la demande se fait par les prix ; ce qui suppose une parfaite flexibilité de ceux-ci et ce quelque soit le marché.

On observe en effet des rigidités sur le marché de crédit. Alors que la demande de crédit évolue inversement par rapport au taux d'intérêt, l'offre de crédit est rationnée par les intermédiaires financiers.

Ces derniers évoquent comme raison de ce rationnement la structure des dépôts qui sont à majorité constitués de dépôts à cour terme. Ces capitaux sont très mobiles et ne facilitent pas le financement des projets longs.

Une autre raison évoquée par les banques qui rationnent le crédit est la présence dans l'environnement économique des risques idiosyncrasiques et des risques d'asymétrie informationnelle.

Dans le cas particulier du Cameroun, ces risques sont très élevés en raison de la vulnérabilité du pays aux chocs extérieurs. Il faut dire que le Cameroun tire ses réserves en devises essentiellement de la commercialisation des produits de base dont les cours subissent des mouvements spéculatifs sur le marché international des matières premières.

En définitive, le modèle de Solow élabore le cadre théorique d'une croissance constante vers le niveau d'état régulier de la production globale. Mais une fois confronté à la réalité des faits, les hypothèses fortes de base sur lequel il se fonde constituent un véritable blocus pour l'analyse des fluctuations économiques.

Les modèles de croissance traditionnels nous enseignent qu'à court terme le seul canal de transmission du système financier vers la croissance économique est le taux d'épargne. A long terme les seules variables susceptibles d'influer sur le niveau de l'activité sont le taux de croissance de la population et le progrès technique.

Cependant l'avancée technologique reste dans ce modèle un facteur exogène et aucun acteur économique ne peut structurellement modifier son niveau.

Cette manière de penser a été remise en cause par les pères fondateurs des modèles de croissance endogène (Schumpeter, 1911 ; Romer, 1986). Le modèle schumpetérien de base introduit comme variable endogène les innovations technologiques comme facteur explicatif de la croissance soutenue.

Les intermédiaires financiers ont la possibilité d'investir da ns le domaine de la recherche et le développement (R&D). Les innovations générées assurent la continuité de la croissance de la production globale de telle sorte que l'état régulier à la Solow ne définit plus l'équilibre de l'économie.

Les modèles de croissance endogène changent pour ainsi dire toute l'analyse néoclassique de la croissance. Il suppose même a contrario qu'il est toujours possible d'envisager une relation à long terme entre le développement de l'activité financière et celui de l'activité réelle.

Section 2 : La dynamique de longue période entre le développement financier et la croissance économique

L'étude de la dynamique de longue période entre le développement financier et la croissance économique se prêtre mieux à l'utilisation des modèles de croissance endogène selon De Haas (2003).

Le modèle retenu à cet effet par Pagano (1993), Levine (1991,1997) est le modèle AK de Romer (1986).

D'autres auteurs à l'instar de Berthélémy et Varoudakis (1993) utilisent un modèle à générations imbriquées pour établir une relation positive à long terme entre le développement financier et la croissance économique.

Mais ce type de modèle ne prête pas facilement aux calculs économétriques ; d'où notre préférence pour le modèle AK.

L'objet de cette section est de faire ressortir à partir du modèle de croissance endogène choisi la dynamique de long terme entre le développement de l'intermédiation financière et la croissance de l'activité économique en mettant en exergue les principaux canaux de transmission.

Aussi, notre section sera divisée en deux sous-sections. La première sous-section fait le tour sur la présentation du modèle AK tel que envisagée par Pagano et la deuxième analyse les différents canaux de transmission à long terme entre le développement financier et la croissance économique d'après le schéma proposé par Levine (1997).

A. La présentation du modèle AK de Romer (1986) relu par Pagano (1993)

Les travaux pionniers de Goldsmith (1969) sur l'importance du système financier dans le financement de l'économie nous amènent à inférer que celui-ci agit de façon positive sur la croissance à long terme.

L'analyse menée par King et Levine (1993 a et b) conforte cette assertion tout comme l'étude menée par Pagano (1993). Ce dernier auteur s'inspire du modèle de croissance endogène AK de Romer pour établir à long terme la relation entre finance et croissance, et tout comme Levine (1997), il met en évidence les principaux canaux de transmission de longue période.

Le modèle développé par Pagano peut être reproduit comme suit :

Figure 2.2 : Intermédiation financière dans les modèles de croissance endogène

Y=AK

I=ösAK

?K

äK

K

äK

Y

I

ã

source : Pagano, 1993

â

L'analyse du modèle nous permet d'émettre quelques hypothèses dites de base. La première est que la fonction de production est linéaire :

Yt= AKt (7)

Ceci signifie que la productivité marginale n'est pas décroissante. Cette structuration est telle qu'une augmentation du stock de capital améliore de façon continue le revenu national grâce au facteur d'échelle A, qui incorpore le progrès technologique.

La seconde hypothèse nous permet d'obtenir l'équation de l'investissement net :

?Kt= Kt+1 - Kt = It - äKt (8)

On peut tirer de cette équation

It = Kt+1 - (1-ä) Kt (9)

Pagano (1993) suppose qu'une partie de l'épargne nationale (1- ö) est perdue dans le processus d'intermédiation financière ; ce qui implique que l'équilibre du secteur réel s'établit au point

It = öSt avec St = sYt (10)

Les intermédiaires financiers utilisent un pourcentage de chaque unité monétaire de l'épargne pour exécuter la procédure d'intermédiation ; de cette façon, il y a moins d'épargne pour le financement des investissements.

En pratique, cette fuite est exprimée comme un écart entre les taux d'intérêt débiteur et créditeur ou bien comme coût de certaines commissions.

Dépendante de la férocité de la concurrence sur le marché bancaire, cette fuite peut être perçue comme une forme d'inefficience X.

L'importance de l'introduction de la perte d'un montant de l'épargne réside dans le fait que si la procédure d'intermédiation est menée de façon efficiente, l'épargne augmente, générant ainsi un accroissement des investissements, une amélioration quantitative et qualitative du stock de capital et donc une croissance économique entretenue.

Fry (1995) essaye de déterminer pour les intermédiaires financiers l'efficience optimale en recherchant l'écart minimal entre les taux d'intérêt sur le marché. Il aboutit à la conclusion que la minimisation du spread des taux d'intérêt passe par une concurrence accrue entre les intermédiaires financiers. La combinaison des équations (7), (8) et (10), nous permet d'obtenir l'équation (11) :

?Kt= ös (AKt) - äKt (11)

Cette équation nous montre que l'investissement net est égal à l'investissement brut moins la dépréciation du capital ; et parce qu'il n'y a pas de rendements décroissants, la croissance continue est possible tant que l'investissement net est positif. L'état régulier est matérialisé par le taux de croissance du capital. Autrement dit :

g= (Kt+1/Kt) -1 (12)

en introduisant l'équation de l'investissement (9), nous obtenons le résultat suivant

g= (It/Kt)-ä (13)

l'équation (10) nous permet d'écrire

g= (ösYt/Kt)- ä (14)

Finalement, l'état stationnaire de l'économie est matérialisé par l'équation (15)

g = Aös - ä (15)

et alternativement par la différence entre les angles â et ã dans la figure 2.2. Il ressort de ce modèle qu'à long terme l'intermédiation financière peut avoir une influence positive sur la croissance économique par trois canaux à savoir : le taux d'épargne, le développement technologique et la part de l'épargne consacrée au financement de l'économie.

B. Les canaux de transmission à long terme du développement financier vers la croissance économique

L'analyse de Levine (1997) de l'incidence du développement financier sur la croissance à long terme s'intéresse particulièrement aux fonctions des intermédiaires financiers. Levine démontre que les intermédiaires agissent sur la croissance économique par les canaux suivants : accumulation du capital et avancée technologique. Ainsi, la relation entre le développement du système financier et la croissance économique peut être analysée à partir du graphique ci-après (cf figure 2.3).

Les intermédiaires financiers, en remplissant parfaitement leur rôle dans la réduction des asymétries d'information et dans l'assurance de la liquidité des dépôts, peuvent drainer une épargne suffisante pour le financement de l'activité économique. Ceci est d'autant possible à long terme que l'augmentation du stock du capital est permise par les avancées technologiques.

En effet, si une partie des crédits est allouée aux chercheurs, il s'en suit dans ce secteur une augmentation de la production et par conséquent une amélioration des techniques de production et de la qualité des biens et services.

A cet égard, Bencivenga et Smith (1991) s'inspirant des travaux de Diamond et Dybvig distinguent deux grandes étapes dans la transmission du développement financier vers la croissance de l'économie. Dans une première phase, les intermédiaires financiers participent activement à la création de procédés nouveaux de fabrication et la production de machines plus performantes en finançant la recherche. Les banques peuvent être des actionnaires ou tout simplement des pourvoyeurs de fonds dans ce cas.

Dans une seconde phase, toutes les innovations créées servent à accroître la production globale mais aussi à améliorer la qualité des produits mis à la disposition de l'économie. Il devient clair que si les progrès technologiques sont fréquents, la croissance économique qui en résulte est continue sur le long terme.

source : Levine, 1997.

Marchés financiers et intermédiaires

Les coûts du marché

§ Coûts de l'information

§ Coûts de transaction

Fonctions financières

§ Mobilisation de l'épargne

§ Allocation des ressources

§ Monitoring des dirigeants

§ Facilitation de la gestion des risques

§ Facilitation des transactions et de la mise en oeuvre des contrats

Canaux vers la croissance

§ Accumulation du capital

§ Innovations technologiques

Croissance économique

Figure 2.3 : Une approche théorique de la finance et de la croissance

Par ailleurs, comme l'a souligné Fry (1995), la part de l'épargne disponible pour le financement de l'économie joue un rôle non moins important que les deux canaux cités plus haut.

En effet, une manière de jouer sur le niveau de l'activité réelle est de réduire au minimum la perte d'épargne subséquente au rôle d'intermédiation assuré par les banques. Cette perte est matérialisée par la différence entre le taux d'intérêt débiteur et le taux d'intérêt créditeur encore appelé spread de taux d'intérêt.

La concurrence entre les banques et avec les autres intermédiaires non bancaires tend à réduire ce spread, laissant une plus grande part de l'épargne pour le financement des projets productifs.

En somme, la structuration endogène de la croissance nous renseigne sur la dynamique de long terme entre le développement de la sphère financière et celui de la sphère réelle. Les auteurs sus-cités montrent que le développement de l'intermédiation financière en général et en particulier celui de l'intermédiation bancaire a une incidence avérée sur le niveau du développement technologique et sur le niveau de l'épargne, socles de l'activité réelle.

Toutefois cette formulation du modèle AK n'est pas appropriée pour l'estimation économétrique qui impose une forme linéaire par rapport à tous les arguments de la fonction de production. La forme la plus courante de la fonction de production utilisée pour l'estimation économétrique est la forme loglinéaire que nous envisagerons de développer dans notre troisième chapitre.

Conclusion

Contrairement aux modèles de croissance traditionnels, les modèles de croissance endogène étudiés dans ce chapitre nous donnent des arguments pour discuter de l'importance de l'intermédiation financière et nous expliquent comment les banques et les autres intermédiaires financent le développement socio-économique.

Les systèmes financiers quels qu'ils soient, remplissent la fonction principale de transformation de l'épargne des ménages en actifs illiques conformément au modèle de Diamond et Dybvig.

Ils peuvent accroître le volume de fonds prêtables de plusieurs manières : en assurant la liquidité des actifs détenus par les déposants, en réduisant les risques liés à l'asymétrie de l'information et les risques idiosyncrasiques.

Ils détiennent ainsi un volume important de fonds qu'ils peuvent mettre à la disposition des investisseurs rigoureux. Un contrôle régulier des dirigeants et une participation dans les investissements obligent les intermédiaires à allouer de façon efficiente les ressources disponibles.

Les cas de gaspillages de ressources sont par conséquent évités et il s'en suit à long terme un accroissement de la production globale subséquente à l'augmentation des investissements rentables.

Toute cette dynamique est rendue possible avec l'innovation technologique qui remet en question l'hypothèse des rendements décroissants qui fonde toute l'analyse traditionnelle de la croissance.

Chapitre 3 : Développement financier et croissance économique au Cameroun : la modélisation économétrique

Introduction

Les études empiriques portant sur la relation entre développement financier et croissance menées par King et Levine ont contribué à la détermination des leviers de la croissance de l'activité économique. Une revue de littérature spécifiquement empirique fait état d'un nombre considérable des méthodes d'analyse dont les plus récentes sont économétriques.

Les outils économétriques ont l'avantage de rendre les modèles de croissance moins complexes lorsque l'étude porte sur un ensemble de pays à travers la méthode des panels ; d'apporter une plus grande précision de résultats à l'aide de pléthore de tests statistiques requis ; et enfin, de permettre des prévisions à partir de l'histoire des processus et des chocs grâce à l'économétrie des séries temporelles.

Dans ce chapitre nous retiendrons comme modèle de croissance le modèle AK de Romer avec progrès technique endogène.

Les modifications qui y sont apportées nous permettront de mettre en exergue la dualité de la relation entre le développement du secteur financier et la croissance économique d'un point de vue économétrique.

Ainsi notre première section se consacrera à la présentation et à la spécification du modèle économétrique et des variables financières et réelles (section 1) ; tandis que la seconde se focalisera sur les tests statistiques de cointégration et de causalité, et les tests sur les résidus préliminaires à l'estimation de la relation Finance-croissance (section 2).

Section 1 : Présentation et spécification du modèle économétrique et des variables

Le modèle de croissance endogène de Romer revu par Pagano (1993) considère comme argument de la fonction de production le capital et le progrès technique. Le capital est considéré ici comme un élément composite dont les éléments sont le capital physique, le capital financier et le capital humain.

Les développements sur le capital physique et le capital humain ayant fait l'objet de nombreuses recherches ; entre autres celles de Barro, de Solow ou de Sala-i-Martin; notre étude centre la relation autour de la liaison croissance-finance.

Aussi pour des besoins d'estimation, nous apporterons quelques modifications au modèle AK qui sont envisagées dans notre première sous-section (A). Et, dans notre deuxième sous-section, nous traiterons des propriétés statistiques des variables utilisées (B).

A. Le modèle AK revisité

La modélisation économétrique de la relation entre le développement de l'activité financière et la croissance économique a été l'oeuvre des auteurs tels que King et Levine dans leurs travaux datant de 1993 et Levine, 1997. La forme retenue par ces auteurs est la suivante :

G=á + âF(i) + èX + å (16)

Dans cette équation, G représente la variable qui matérialise la croissance économique en terme logarithmique bien entendu. F(i) est utilisé pour les variables financières. Nous discuterons des problèmes de mesure dans le chapitre suivant. X est la matrice des variables de contrôle associées à la croissance économique. Il s'agit entre autres du revenu par tête, de l'éducation, de la stabilité politique, du taux d'ouverture, du commerce, de la fiscalité et même de la politique monétaire (Levine, 1997).

Cette forme de la fonction de production est particulière en ce sens qu'elle met en relief la relation directe entre le développement financier et la croissance de l'activité économique. Seulement d'après Arestis et Demetriades (1993), cette formulation ne nous renseigne pas suffisamment sur les sens de la relation finance-croissance.

Patrick en 1966 établissait déjà une relation biunivoque entre les variables financières et les variables réelles. Le soubassement théorique de cette analyse est que dans une première phase, le développement de la sphère financière contribue dans une grande proportion au développement de la sphère réelle, ceci par le biais des canaux cités dans la première sous-section. Cette phase est celle du « supply leading ».

Dans une seconde phase, la croissance économique générée alimente les innovations financières et contribue au développement du système financier ; cette phase est dite celle du « demand following ».

Aussi Arestis et Demetriades (1993) suggèrent une formulation du modèle sous la forme d'un VAR bivarié.

Cette forme a l'avantage de prendre en compte l'interdépendance des deux sphères et d'analyser le sens de la causalité entre développement financier et croissance économique.

Néanmoins, notre étude ne s'attarde que sur le signe de la relation, elle ne fait malheureusement pas le tour du questionnement sur le sens de la relation ; pour cette raison, nous préférons la formulation de Levine.

Cependant, compte tenu des avancées considérables faites en économétrie des séries temporelles, nous envisageons de modifier cette structuration pour aboutir à une forme plus simple à manipuler et compte tenu des résultats que nous obtiendrons, nous améliorerons le modèle pour le rendre plus satisfaisant d'un point de vue purement statistique. Aussi le modèle qui sert de base à notre analyse est-il le suivant :

LnPIB=á + âLnFIN(i) +å (17)

Dans ce modèle, LnPIB est le logarithme népérien du produit intérieur brut par tête, LnFIN(i) est le logarithme népérien de l'indicateur de développement financier.

Cette équation ne sera utilisée que pour rendre compte de la relation de long terme entre les deux variables. La relation de court terme sera appréhendée à partir du modèle à correction d'erreur que nous présenterons dans le chapitre suivant.

B. Présentation et spécification des variables de développement financier et de croissance économique

La relation que nous étudions met en relation deux types de variables, il s'agit des variables financières et des variables réelles. Les caractéristiques de ces variables seront appréhendées à travers le test de stationnarité que nous mettrons en oeuvre. Il est néanmoins important de préciser le choix de notre source de données et d'en relever les limites.

B.1. Les sources de données

La base de données de la banque mondiale présente comme principal avantage la consistance des séries utilisées. En effet, les séries proposées par cette institution nous permettent de faire des régressions sur une période assez longue de telle sorte que les résultats des tests opérés soient suffisamment robustes pour nous permettre de conclure.

Dans la base de données de la Banque Mondiale les séries sont exprimées en dollar américain ; ce qui facilite la comparaison entre les pays si davantage l'étude est comparative.

Néanmoins les informations fournies par cette institution souffrent de quelques lacunes, notamment en ce qui concerne les données démographiques. En effet, les recensements dans le cadre spécifique du Cameroun sont menés à intervalle de temps irrégulier et les autorités en charge de la collecte de l'information et de la publication des données statistiques démographiques n'ont pas souvent les moyens de vérifier les informations qui leur parviennent.

Ceci implique par conséquent que les informations démographiques que nous utilisons dans nos analyses sont peu fiables et que les résultats que nous obtenons doivent être interprétés avec beaucoup réserve.

Par ailleurs, les estimations concernant la croissance démographique par exemple faites par la Banque Mondiale souffrent d'un manque de réalisme. Elles n'intègrent pas en effet comme variable significative de leur estimation les spécificités propres à chaque pays.

Cette manière de procéder peut conduire à invalider une théorie alors que le contexte de l'étude lui-même est faussé.

B.2. Les caractéristiques statistiques des variables

L'activité réelle porte sur l'ensemble des transactions sur biens et services dans une économie. Elle est perçue par les économistes comme étant l'ensemble de la production des différents secteurs d'activité ; en l'occurrence les secteurs primaire, secondaire et tertiaire. L'indicateur le plus souvent retenu pour mesurer l'importance de l'activité réelle est le PIB réel/habitant. Cet indicateur d'après Arestis et Demetriades (1996) est le moins controversé et le plus significatif ; vu qu'il prend en compte tous les chocs qui affectent les statistiques démographiques. Cet indicateur est déflaté ; ce qui implique qu'il élimine les effets d'une inflation, rendant ainsi la comparaison entre les pays plus aisée d'un point de vue strictement économique.

Les séries que nous analysons débutent en 1961 et se limitent en 2000. Pour des besoins de modélisation économétrique, les séries sont lissées lors de la linéarisation du modèle AK présenté plus haut ; elles sont en conséquence loglinéaires. Une série de tests de racines unitaires ont été effectuées pour rendre nos résultats d'estimation plus fiables. L'objectif recherché est la stationnarisation de nos processus par le biais d'une simple combinaison linéaire appelée cointégration. Pour se faire, les séries analysées doivent être non stationnaires. Les résultats du test de stationnarité « Augmented Dickey-Fuhler 9(*)» pour la principale variable réelle sont donnés dans le tableau ci-après :

Tableau 3.1 : Résultats du test de racines unitaires pour la série loglinéaire du PIB réel/tête

Variables

Nbre de retards10(*)

Statistique ADF

Modèle

Décision

calculé

Tabulé

ln(PIB réel/tête)

3

0.25

-1.95

Modèle 1

Non stationnaire

Äln(Pib réel/tête)

3

-1.53

-1.95

Modèle 1

Non stationnaire

Ä2ln(PIB réel/tête)

3

-3.66

-1.95

Modèle 1

Stationnaire

Modèle 1 est le modèle sans constante ni trend

source : calculs de l'auteur

Les tests ADF appliqués à la série ln(PIB réel/habitant) nous permettent de conclure qu'elle n'est stationnaire ni en niveau, ni en différences premières pour un nombre de retards égal à 3 (les valeurs de la statistique DF calculées sont supérieures à la valeur critique au seuil de 5% soit -1.95). Cette série n'est stationnaire que lorsque deux fois différenciée (la valeur calculée est inférieure à 1.95). Autrement dit ln(PIB réel/tête) est I(2) et Äln(Pib réel/tête) est I(1).

Après la présentation et la spécification de la principale variable réelle, nous envisageons à présent la présentation et la spécification des variables financières susceptibles d'appartenir à notre modèle de croissance.

L'activité financière est très dense et difficile à appréhender d'un point de vue essentiellement quantitatif. Les indicateurs retenus dès notre premier chapitre restent dans notre analyse les plus pertinentes et les plus significatives.

Pour la série ln(M2/PIB), le nombre de retards nécessaire à la mise en place du test est de 14 conformément à l'analyse du corrélogramme. Cependant, la littérature de Mignon et Lardic (2002) nous conseille de prendre comme nombre maximal de retards T/4 avec T le nombre d'observations. Aussi, avons nous choisi d'adopter comme nombre de retards maximal 10. Les caractéristiques statistiques de cette variable sont récapitulées dans le tableau ci-contre :

Tableau 3.2 : Résultats du test de racines unitaires sur la série loglinéaire de M2/PIB

Variables

Nbre de retards

Statistique ADF

Modèle

Décision

calculé

Tabulé

ln(M2/PIB)

10

0.59

-1.95

Modèle 1

Non stationnaire

Äln(M2/PIB)

10

-1.72

-1.95

Modèle 1

Non stationnaire

Ä2ln(M2/PIB)

10

-2.13

-1.95

Modèle 1

Stationnaire

source : calculs de l'auteur

La statistique ADF calculée est supérieure à la valeur critique au seuil de 5% la variable prise en niveau et en différence première. L'hypothèse nulle est donc acceptée conformément à la littérature de Lardic et Mignon. Les séries ln(M2/PIB) et Äln(M2/PIB) ne sont par conséquent pas stationnaires.

Par contre, la statistique ADF calculée pour la série en différence seconde est stationnaire. En effet, la valeur critique du ADF au seuil de 5% est supérieure à sa valeur calculée soit -2.13. La série Ä2ln(M2/PIB) est donc stationnaire.

En somme, la série ln(M2/PIB) est I(2), la série ?ln(M2/PIB) est I(1) et Ä2ln(M2/PIB) est I(0).

Pour la série ln(crédit au secteur privé/PIB), l'observation du corrélogramme de la série en différence première nous suggère une intégration à l'ordre 1 de la série ln(crédit/PIB). Le nombre de retards utilisés pour procéder au test de stationnarité se limite par conséquent à l'unité. Les propriétés statistiques pour cette autre variable sont récapitulées dans le tableau suivant (cf. tableau 3.3) :

Tableau 3.3 : Résultats du test de racines unitaires sur la série loglinéaire du crédit au secteur privé/PIB

Variables

Nbre de retards

Statistique ADF

Modèle

Décision

calculé

Tabulé

ln(crédit/PIB)

1

-0.37

-1.95

Modèle 1

Non stationnaire

Äln(crédit/PIB)

1

-3.68

-1.95

Modèle 1

Stationnaire

source : calculs de l'auteur

La statistique ADF calculée pour la variable en niveau est supérieure à sa valeur critique au seuil de 5%. L'hypothèse de non stationnarité est donc acceptée pour celle-ci.

Par contre, la statistique ADF calculée pour la variable en différence première est inférieure à sa valeur critique au seuil de 5% ; l'hypothèse nulle est donc rejetée au profit de l'hypothèse alternative de stationnarité et, la variable ln(crédit/PIB) est intégrée au premier ordre.

Pour la série ln(quasi monnaie/PIB), le nombre de retards retenu pour l'application du test de stationnarité est 1 conformément à l'observation du corrélogramme. Les caractéristiques statistiques de cette série sont récapitulées dans le tableau 3.4 ci- contre :

Tableau 3.4 : Résultats du test de racines unitaires sur la série loglinéaire de quasi monnaie/PIB

Variables

Nbre de retards

Statistique ADF

Modèle

Décision

calculé

Tabulé

Ln(quasi mon/PIB)

1

0.42

-1.95

Modèle 1

Non stationnaire

Äln(quasi mon/PIB)

1

-3.64

-1.95

Modèle 1

Stationnaire

source : calculs de l'auteur

La statistique ADF calculée pour la variable en niveau est supérieure à sa valeur critique au seuil de 5%. Nous acceptons en conséquence l'hypothèse nulle de non stationnarité. Elle est au contraire inférieure à sa valeur tabulée pour la même variable prise en différence première.

L'hypothèse nulle est donc rejetée au profit de l'hypothèse alternative de stationnarité.

En somme, la série ln(quasi monnaie/PIB) est I(1) et sa différence première est stationnaire.

Ainsi, comme nous venons de le voir dans cette section toutes les variables financières et réelles sont non stationnaires. Aussi une stationnarisation par combinaison linéaire peut être envisageable. Ce type de stationnarisation des séries est encore appelé cointégration.

Section 2 : Les tests statistiques de cointégration, de causalité au sens de Granger et les tests sur les résidus

La relation de long terme entre le développement de la sphère financière et celui de la sphère productive peut être facilement appréhendé à l'aide d'une relation de cointégration entre les deux types de variables. Néanmoins, il faut s'assurer au préalable que les conditions requises sont réunies et qu'il est toujours possible de trouver une relation de longue période entre les variables financières et les variables réelles ; ceci peut être vérifié à partir d'un test de cointégration.

Le test retenu est celui de la trace développé par Johansen11(*) ; il sera mis en oeuvre dans notre première sous-section. Pour une plus grande fiabilité de nos résultats et une bonne interprétation des phénomènes économiques, une série de tests dits de causalité au sens de granger sera elle aussi mise en oeuvre dans cette sous-section.

La deuxième sous-section se consacrera aux tests sur les résidus qui garantissent l'utilisation de la méthode des moindres carrés ordinaires employée pour l'estimation des relations de court et long terme.

A. Les tests de cointégration et de causalité de Granger entre les variables réelles et les variables financières

A.1. Le test de cointégration de Johansen

Les tests de cointégration développés par Johansen sont appropriés pour une spécification VAR des modèles économétriques. Ils nous permettent de connaître le nombre de relations de cointégration possibles entre les variables. Ainsi, la structure VAR de notre modèle prend la forme structurelle suivante :

G=á1 + â1F(i) + å1

F(i)= á2 + â2G + å2

Les valeurs critiques de ce test figurent en annexe ; elles sont données par Osterwald-Lenum (1992). Notons cependant qu'il est très important de spécifier le nombre de retards que nous considérons dans le VAR12(*).

Les résultats des différents tests de cointégration entre la variable du secteur productif et les différentes variables du secteur financier sont donnés dans les tableaux suivants :

Tableau 3.5 : Résultats du test de cointégration entre ln(PIB réel/tête) et ln(M2/PIB)

Nbre de relation de cointégration

Nbre d'obs.

Test de la trace

décision

Coefficients de la relation normalisée

Calculé

critique

R=0

38

24.21

19.96

r>0

Ln(pib)

Ln(m2)

c

1

-3.20

2.09

R=1

38

3.77

9.24

r=1

source : calculs de l'auteur

Les séries loglinéaires du PIB réel par habitant et de l'indicateur de développement financier M2/PIB sont intégrées au second ordre. Aussi, nous avons pu effectuer le test entre leurs différences premières en considérant un seul retard. Le ratio de vraisemblance calculé lorsque r=0 est supérieur à sa valeur critique au seuil de 5% soit 19.96. Le test de la trace est un test unilatéral à droite ; ce qui nous conduit à rejeter l'hypothèse nulle d'absence de relation de cointégration au profit de l'hypothèse alternative. Ainsi, le ratio de vraisemblance calculé pour r=1 est inférieur à sa valeur critique soit 9.24 ; ce qui nous amène à conclure à l'existence d'une relation de cointégration possible. Les tableaux ci-dessus nous donnent les différents coefficients de cointégration.

Il nous importe à présent de savoir s'il est possible de trouver une relation de long terme entre les autres variables financières et le PIB.

Tableau 3.6 : Résultats du test de cointégration entre ln(PIB réel/tête) et ln(crédit/PIB)

Nbre de relation de cointégration

Nbre d'obs.

Test de la trace

décision

Coefficients de la relation normalisée

Calculé

critique

R=0

39

4.23

19.96

r=0

Ln(pib)

Ln(crédit)

c

1

-0.31

-5.66

R=1

39

1.18

9.24

r=0

source : calculs de l'auteur

La série loglinéaire de l'indicateur financier crédit au secteur privé/PIB est intégrée d'ordre 1 ; pour cette raison, le test de cointégration est effectué entre les variables en niveau. Le ratio de vraisemblance calculé (4.23) pour r=o est inférieur à sa valeur critique au seuil de 5% soit 19.96 d'où l'acceptation de l'hypothèse nulle d'absence de relation de cointégration.

Autrement dit, il ne peut y exister une relation à long terme entre le crédit au secteur privé et la croissance économique. Cette conclusion est d'ailleurs en conformité avec l'analyse de la corrélation faite dans notre premier chapitre.

Cette absence de relation de cointégration peut s'expliquer notamment par la faiblesse de ce type de crédit pendant les années qui ont précédé la crise économique et par la réticence des banquiers à financer les projets d'investissement dont la rentabilité n'est effective qu'à moyen ou long terme.

Les résultats du test de cointégration entre notre variable réelle et la variable financière quasi monnaie/PIB sont donnés dans le tableau suivant :

Tableau 3.7 : Résultats du test de cointégration entre ln(PIB réel/tête) et ln(quasi monnaie/PIB)

Nbre de relation de cointégration

Nbre d'obs.

Test de la trace

Décision

Coefficients de la relation normalisée

Calculé

critique

R=0

39

29.39

19.96

r>0

Ln(pib)

Ln(quasi)

c

1

-0.89

-4.74

R=1

39

3.34

9.24

r=1

source : calculs de l'auteur

La série loglinéaire de quasi monnaie/PIB est intégrée d'ordre 1 et la série loglinéaire du PIB est intégrée d'ordre 2 ; il est par conséquent possible d'effectuer un test de cointégration sur les variables en niveau. Le ratio de vraisemblance calculé pour r=0 (29.39) est supérieur à sa valeur critique au seuil de 5% ; ce qui conduit au rejet de l'hypothèse nulle d'absence de relation de cointégration au profit de l'hypothèse alternative. Le ratio de vraisemblance calculé pour r=1 (3.34) est inférieure à sa valeur critique au seuil de 5% ; ce qui nous conduit à accepter l'hypothèse nulle et à conclure à l'existence d'une relation de cointégration possible.

Au total, les tests de cointégration entre les variables de la sphère productive et celles de la sphère réelle indiquent qu'il est possible de trouver à long terme une relation entre le développement du secteur financier et la croissance économique. Cependant, une des questions secondaires auxquelles notre travail tente de répondre est celle du sens de la causalité entre les deux phénomènes.

Aussi une autre série de tests est nécessaire pour résoudre le problème du sens de la causalité ; ces tests sont dits de causalité au sens de granger.

A.2. Les tests de causalité entre variables du développement financier et variables de la croissance économique

Une simple étude de la corrélation entre deux phénomènes d'après Granger (1969) ne suffit pas pour décider de l'existence d'une causalité entre ces deux phénomènes. A travers quelques exemples, Granger montre qu'une corrélation entre deux phénomènes n'implique pas forcément une relation causale.

La causalité peut être étudiée au travers une gamme variée de tests statistiques. On peut citer entre autres, les tests de causalité instantanée, de causalité au sens de Pierce et Haugh13(*), de causalité au sens de Sims14(*) et le test de causalité au sens de Granger.

Ce dernier type de causalité essaie de faire une comparaison entre deux modèles distincts : dans le premier modèle, Granger considère une formulation autorégressive simple du processus étudié ; et dans le second il y ajoute le bloc de la variable explicative retardée sur plusieurs périodes. Pour lui, on ne saurait dire que le processus X cause le processus Y si le second modèle est statistiquement plus significatif que le premier.

L'utilisation du logiciel d'application Eviews nous exige de spécifier le nombre de retards que nous souhaitons intégrer dans les modèles pour effectuer le test de causalité de Granger. Cet auteur propose de considérer un nombre suffisant de retards même s'il est élevé qui correspond au nombre de périodes significatives pour notre analyse. Pour cette étude, nous choisirons un nombre de retards ex-nihilo égal à 5. Les résultats du test de causalité sont donnés dans les tableaux en annexe.

La probabilité associée au test de non causalité entre la variable financière ln(M2/PIB) et la variable réelle ln(PIB réel/tête) est supérieure à 0.05, ce qui nous conduit à l'acceptation de l'hypothèse nulle. La probabilité associée au test de non causalité dans le sens inverse est inférieure à 0.05. Ceci nous amène à rejeter l'hypothèse nulle au profit de l'hypothèse alternative.

Autrement dit, au Cameroun, le taux de liquidité ne saurait être une explication de la croissance économique mais à l'inverse, la croissance économique est un facteur explicatif de l'évolution du ratio M2/PIB.

Ceci est tout a fait compréhensible dans la mesure où les fruits de l'accroissement de la production nationale sont vite convertis en liquidités pour des motifs de transaction et de précaution. Il est facile d'observer le comportement des ménages lorsque les revenus augmentent. Une bonne partie de ces revenus est utilisée dans le but de l'amélioration des conditions de vie. Les agents économiques dépensent leurs revenus dans l'achat des biens immobiliers et des biens d'équipement.

Par ailleurs, la probabilité associée au test de non causalité entre la variable de la sphère productive ln(PIB réel/tête) et celle de la sphère financière ln(quasi monnaie/PIB) est supérieure à 0.05 ; ce qui nous conduit à l'acceptation de l'hypothèse nulle de non causalité.

La probabilité au test de non causalité dans le sens inverse est aussi supérieure à 0.05 et les conclusions tirées sont les mêmes. Ces résultats sont conformes avec la réalité des faits. En effet, il est difficile de voir les ménages placer leur épargne dans des comptes bancaires. Les agents ont dans ce pays une préférence pour les placements tontiniers.

Par conséquent, un accroissement du produit brut par tête a une incidence peu significative sur le volume des quasi liquidités ; et puisque celles-ci ne constituent qu'une petite part de la masse monétaire, elle ne saurait être d'une importance significative dans la détermination des facteurs explicatifs de la croissance économique.

La probabilité associée au test de non causalité entre la variable réelle ln(PIB réel/tête) et la variable financière ln(crédit/PIB) est supérieure au seuil de 0 .05 et très proche de l'unité. Ceci implique que l'hypothèse nulle est la plus probable et la conclusion qui en découle est le rejet de la causalité entre la sphère financière et la sphère réelle. Le test de non causalité effectué dans le sens inverse donne des résultats similaires. La probabilité associée à ce test est elle aussi supérieure au seuil de 0.05 ; ce qui nous conduit au rejet de l'existence de causalité entre le secteur productif et le système financier.

Tous ces résultats sont en conformité avec la réalité des faits. En effet, malgré la légère augmentation des crédits qui survient au lendemain de la libéralisation du système financier, les crédits à long terme ne correspondent qu'à un infime partie de la masse totale des crédits accordés. Les fonds bancaires sont généralement orientés vers le financement des campagnes agricoles, des crédits et remises documentaires, de la trésorerie des entreprises plutôt que vers le financement des grands projets d'investissement susceptibles de générer de grands profits à long terme.

Avec une telle structure de crédit, on ne saurait dire que le système financier soutient la croissance économique. Pire encore, on ne pourrait pas penser à une causalité inverse dans la mesure où les fruits de la croissance économique observée au Cameroun depuis 1997 ne contribuent en rien dans l'accroissement du volume des crédits accordés. Le rationnement du crédit pratiqué par les institutions financières en place a d'ailleurs à cet effet conduit les autorités en charge du contrôle et de la régulation du système à statuer sur les effets pernicieux de la surliquidité bancaire. Si au sens de Patrick (1966), nous nous trouvions dans la seconde phase de la relation soit la phase de « demand following », la coexistence entre une croissance économique soutenue et une surliquidité bancaire serait paradoxale.

En définitive, la causalité au sens de Granger nous permet non seulement d'établir une relation causale entre deux phénomènes mais aussi de statuer sur le sens de cette relation. Ainsi, tel que nous venons de le voir dans cette sous-section nous pouvons dire que dans une logique de long terme, il est toujours possible d'envisager une relation entre la sphère productive et la sphère financière ; mais le sens de la relation tend plus à conforter l'idée selon laquelle la croissance économique est soutenue par la volonté des acteurs économiques plutôt que par le système financier.

Les résultats trouvés jusqu'ici constituent un préalable à l'estimation proprement dite. Dans le but de s'assurer que la méthode d'estimation choisie est bien appropriée pour cette relation, nous allons effectuer une deuxième série de tests statistiques dits tests résiduels.

B. Les tests sur les résidus

Les tests résiduels sont mis en oeuvre pour éviter des régressions fallacieuses et l'utilisation des méthodes d'estimation inappropriées. Il s'agit en l'occurrence du test de normalité des résidus, du test d'autocorrélation de Durbin Watson et du test de White pour témoigner de l'homoscédasticité de nos erreurs.

Les statistiques de Durbin et Watson calculées pour les différents modèles que nous cherchons à estimer sont données dans le tableau ci-contre :

Tableau 3.8 : Test d'autocorrélation des résidus

Modèle

Statistique DW calculée

Croissance - Taux de liquidité

1.385

Croissance - Taux de quasi liquidité

0.223

Croissance - Part du crédit privé

0.176

source : calculs de l'auteur

Pour le premier modèle, les valeurs critiques de Durbin Watson sont D1=1.43 et D2=1.54. La statistique DW calculée pour ce modèle est de 1.385. Cette valeur est située entre 0 et D1 ; ce qui nous amène à inférer la présence d'une autocorrélation résiduelle positive. La cause probable de ce résultat est l'omission d'une variable pertinente. Nous essaierons de confirmer ce résultat à l'aide du test d'omission des variables.

Pour le second modèle, les valeurs critiques de Durbin Watson sont D1=1.44 et D2=1.54. La statistique DW calculée pour cet autre modèle est de 0.223. Cette valeur est comprise entre 0 et D1 ; ce qui nous pousse à conclure de la présence d'une autocorrélation résiduelle. Ce résultat trouve une explication dans la méthode d'estimation qui à priori n'est pas adéquate pour l'estimation de cette relation.

Pour le troisième modèle, les valeurs critiques de Durbin Watson sont D1=1.44 et D2=1.54. La statistique DW calculée pour cet autre modèle est de 0.176. Cette valeur est comprise entre 0 et D1 ; ce qui nous amène à conclure à l'existence d'une autocorrélation positive des résidus. La cause probable de ce résultat est l'omission d'une variable pertinente. Nous essaierons de confirmer ce résultat à l'aide du test d'omission des variables.

Le test de normalité quant à lui nous permet de savoir si les résidus de nos différentes régressions se prêtent à l'estimation par la méthode des moindres carrés ordinaires. Il est mis en oeuvre pour nous assurer que nos résidus sont des bruits blancs. Autrement dit, il nous permet de savoir si les estimations que nous faisons ne sont pas affectées de façon significative par des chocs aléatoires. Il nous donne pour les différentes équations de long terme les résultats suivants :

Graphique 3.1 : Test de normalité sur les résidus de la relation entre la croissance et le taux de liquidité de l'économie

source : calculs de l'auteur

L'observation de l'histogramme nous suggère a priori l'acceptation de l'hypothèse de distribution normale des résidus qui est notre hypothèse nulle. Cette conclusion est confirmée par la probabilité associée au test de Jarque-Bera15(*) qui est supérieure au seuil critique de 0.05 et la statistique elle-même qui se situe en dessous de la valeur critique du Khi-Deux à 2 degrés de liberté soit 5.99.

Graphique 3.2 : Test de normalité des résidus de la relation entre la croissance et le taux de quasi liquidité de l'économie

source : calculs de l'auteur

La probabilité associée à la statistique de Jarque-Bera est faible même si elle reste supérieure au seuil de 0.05. La statistique de Jarque-Bera calculée (2.075) reste elle très inférieure au seuil de 5% à sa valeur critique (5.99) ; ce qui pourrait laisser considérer que les résidus suivent une distribution normale.

Graphique 3.3 : Test de normalité des résidus de la relation entre la croissance et la part des crédits au secteur privé dans l'économie

source : calculs de l'auteur

La probabilité associée à la statistique de Jarque-Bera est elle aussi faible pour les résidus de cette régression. Elle reste néanmoins supérieure au seuil critique de 0.05. La statistique calculée en elle-même (2.82) est inférieure au seuil statistique de 5% à la valeur tabulée du Khi-Deux à 2 degrés de liberté, soit 5.99. En conclusion, les résidus de la régression entre la principale variable financière et le logarithme de la part du crédit au secteur privé dans l'économie suivent une loi normale.

Pour garantir la fiabilité de nos résultats, il est aussi important d'effectuer le test d'hétéroscédasticité. Le test que nous appliquerons sur nos résidus est le test d'hétéroscédasticité de White16(*). Les résultas associés à ce test sont donnés dans le tableau 3.9.

Tableau 3.9 : Résultats du test d'hétéroscédasticité de White

Modèle

Test de White

Prob

Décision

Test d'omission des variables

Prob

Décision

Calculé

Tabulé

Calculé

Tabulé

Croissance - Taux de liquidité

0.484

3.84

0.785

Homoscédasticité

0.226

-

0.798

Omission des variables

Croissance - Taux de quasi liquidité

7.381

3.84

0.025

Hétéroscédasticité

4.186

-

0.023

Pas d'omission de variables

Croissance - Part d crédit privé

0.790

3.84

0.673

Homoscédasticité

0.373

-

0.691

Omission des variables

Pour le premier modèle, c'est-à-dire le modèle Croissance économique - Taux de liquidité de l'économie, la statistique de White calculée nR2=0.484 (n est le nombre d'observations). Cette valeur est inférieure à la valeur critique du Khi-Deux à 1 degré de liberté soit 3.84 ; ce qui nous conduit à l'acceptation de l'hypothèse nulle d'absence d'hétéroscédasticité. La probabilité associée à la statistique F17(*) du test d'omission des variables est suffisamment élevée pour qu'on puisse conclure que des variables explicatives ont été omises dans la transformation de notre modèle AK. Cette probabilité se situe en effet au dessus du seuil statistique de 5%.

Pour notre deuxième modèle, soit le modèle Croissance économique - taux de quasi liquidité de l'économie, la statistique de White calculée (7.381) est largement supérieure à sa valeur critique au seuil de 5%. D'où le rejet de l'hypothèse nulle d'homoscédasticité au profit de l'alternative d'hétéroscédasticité.

Pour notre troisième et dernier modèle, c'est-à-dire le modèle Croissance économique- part du crédit au secteur privé dans l'économie, la statistique de White calculée (0.790) est inférieure à sa valeur tabulée au seuil critique de 5% et la probabilité associée au test d'omission des variables explicatives est supérieure à 5%. Ces comparaisons nous amènent à conclure en l'absence d'hétéroscédasticité résiduelle et en l'omission de variables pertinentes.

En définitive, les tests statistiques que nous avons effectués dans cette dernière section l'ont été dans le seul but de conforter l'analyse économique que nous ferons de la relation finance-croissance dans le cadre spécifique du Cameroun. Les différents tests résiduels nous permettent de choisir à présent la méthode d'estimation de nos différentes relations. Aussi pour les modèles homoscédastiques, la méthode choisie sera les moindres carrés ordinaires ; tandis que les moindres carrés généralisés seront appliqués aux modèles hétéroscédastiques.

Conclusion

La modélisation de la relation entre le développement de l'activité financière et celui de l'activité réelle nécessite une bonne spécification des variables utilisées. En effet, une mauvaise spécification pourrait biaiser les résultats et fausser toute l'analyse qui en découle. Les phénomènes de croissance économique et de développement financier sont très difficiles à appréhender. Les indicateurs retenus dans notre travail comportent tous quelques imperfections qui à notre sens ne sont pas majeures, mais ils essaient au mieux de capter ces différents phénomènes. L'utilisation des tests statistiques nous permet de nous rassurer quant au choix de la méthode de travail, du modèle théorique et des outils d'analyse.

Les résultats trouvés dans ce chapitre nous permettent de dire qu'il est possible d'appréhender la relation entre les deux sphères au moyen d'une équation de cointégration qui évalue la liaison à long terme ; et puisque à toute équation de cointégration correspond toujours un modèle à correction d'erreur ; l'estimation de ce dernier modèle nous donnera des informations sur la liaison à court terme.

Chapitre 4 : Estimation de la relation Finance-croissance et implications de politiques économiques

Introduction

Les travaux de King et Levine (1993), Berthélémy et Varoudakis (1993) et même ceux de Loayza et Ranciere (2005) montrent que dans la plupart des pays développés, l'activité financière constitue une explication significative au niveau de long terme de l'activité productive.

Les développements récents de Bouliba et Trabelsi (2002) sur la Tunisie expliquent l'accumulation du capital à court terme comme à long terme par les contributions majeures d'un système financier libéralisé.

Aussi toutes les thèses néoclassiques de croissance traditionnelle et de croissance endogène sont validées par la réalité des faits.

Dans le cadre spécifique du Cameroun, les travaux de Joseph & al (1998) constituent une référence pour notre analyse. L'utilisation d'une méthodologie similaire nous donne des résultats contradictoires en ce qui concerne le sens de la causalité entre les deux phénomènes.

Ainsi notre quatrième chapitre s'atèle à valider ou à invalider les résultats de l'étude de référence et à y apporter des justificatifs d'un point de vue analytique. Pour ce faire, nous envisageons de diviser ce chapitre en deux sections. La section 1 sera consacrée à l'estimation de la relation Finance-croissance à court terme et à long terme et la section 2 traitera des implications de politique économique.

Section 1 : Estimation de la relation entre le développement financier et la croissance économique au Cameroun

Le Cameroun occupe une position de leader dans la zone CEMAC ; il bénéficie à lui tout seul de près de la moitié de la masse monétaire qui y est en circulation. Pendant les années 1980 il a subit une grave crise qui a d'ailleurs participé de la mise en place des programmes triennaux auxquels il s'est astreint jusqu'à nos jours.

Au cours de cette même période, son système financier tout entier s'est effondré et la principale question qu'a suscitée cette crise profonde a été celle de la liaison entre les deux phénomènes.

Notre travail essaie d'apporter des réponses à ce questionnement et cette section se charge d'évaluer l'incidence du secteur financier sur la croissance économique. Nous avons choisi pour des besoins de structuration de donner dans un premier temps les résultats de l'estimation de la relation de longue période prise en compte par la cointégration (A) avant de d'estimer en second lieu la relation de courte période formalisée dans le modèle à correction d'erreur (B).

A. L'estimation de la relation de long terme

Les résultats du test de la trace de Johansen entre les variables réelles et les variables financières valident pour la plupart l'hypothèse d'existence d'une relation de cointégration. La relation de long terme sera estimée à l'aide de la méthode d'estimation en deux étapes de Engel et Granger. Les tests effectués dans le chapitre précédent nous amènent à considérer comme variables financières pertinentes les ratios M2/PIB et quasi monnaie/PIB qui sont respectivement intégrés d'ordre 2 et 1. Le ratio crédit au secteur privé/PIB est lui aussi pertinent comme instrument d'analyse, mais il n'est pas statistiquement en relation avec la croissance économique. Nous essaierons de confirmer les résultats des tests sur le modèle Croissance économique - Part du crédit privé dans l'économie en testant la stationnarité des résidus de cette régression.

Ainsi, dans cette sous-section nous aurons à estimer la dynamique de longue période entre les variables en différence du secteur réel et du taux de liquidité, puis la dynamique de longue période entre les variables en niveau du secteur réel et du taux de quasi liquidité de l'économie. Ces différentes équations de cointégration seront estimées par la méthode de moindres carrés ordinaires et généralisés comme préconisés par Engle et Granger.

Pour le modèle spécifique Croissance - Part du crédit privé, la méthode des moindres est en notre sens la plus appropriée, mais elle sera complétée par le test de stationnarité des résidus en vue de confirmer ou infirmer les résultats des tests de cointégration et de causalité au sens de Granger qui y sont associés.

Les résultats de nos estimations sont donnés dans le tableau 4.1 ci-après :

Tableau 4.1 : Estimation des différentes relations de long terme

Modèle

Méthode d'estimation

Nbre obs.

Estimations

R2

R2 ajusté

Croissance - Taux de liquidité

Moindres carrés ordinaires

39

Äln(pib)=0.008-0.076Äln(m2/pib)

(0.78) (-0.87)

La valeur critique du Student à 5% est de 1.96

0.02

-0.006

Croissance - Taux de quasi liquidité

Moindres carrés généralisés

40

ln(pib)=6.211+0.179ln(quasi/pib)

(133.17) (6.65)

Les valeurs ( ) représentent la statistique de Student associée au paramètre estimé

0.538

0.526

Croissance - Part du crédit privé

Moindres carrés ordinaires

40

ln(pib)=5.586+O.318ln(crédit/pib)

(30.527) (4.929)

0. 39

0.374

source : calculs de l'auteur

Les résultats du test de stationnarité qui sont spécialement mis en oeuvre pour le troisième modèle sont donnés dans le tableau 4.2 ci-après :

Tableau 4.2 : Résultats du test de racines unitaires sur les résidus du modèle Croissance - Part du crédit au secteur privé dans l'économie

Variables

Nbre de retards

Statistique ADF

Modèle

Décision

calculé

Tabulé

Résidus

2

-0.97

-1.95

Modèle 1

Non stationnaire

source : calculs de l'auteur

Le coefficient de détermination associé à l'estimation de la relation entre la croissance économique et le ratio de liquidité de l'économie est très faible et largement en dessous du seuil de significativité qui est de 75% (R²=0.02). Le R² ajusté quant à lui est négatif. Ces résultats nous confortent davantage dans notre explication de l'autocorrélation résiduelle.

La non significativité des paramètres du modèle nous amène à penser qu'il n'existe pas à long terme de relation entre le développement de l'activité financière mesuré par le ratio M2/PIB et celui de l'activité réelle. Seulement nous nous gardons de tirer des conclusions aussi hâtives et nous proposons d'améliorer ce résultat en rajoutant quelques variables à notre modèle.

En ce qui concerne la relation entre la croissance économique et le ratio de quasi liquidité, l'estimation par la méthode des moindres carrés généralisés nous donne des résultats satisfaisants. En effet, le coefficient de détermination associé à cette régression se situe au de-là de 50% ; et l'ajustement de ce coefficient ne change rien à l'analyse.

Les coefficients estimés de cette relation sont tous significatifs. Ce résultat confirme bien le test de causalité que nous avons effectué au chapitre 3. Le coefficient de corrélation entre le développement de l'activité financière et la croissance économique est de 0.18. Un accroissement du taux de quasi liquidité de 1% entraîne une augmentation du niveau de l'activité économique de 0.18%.

A partir de cette équation nous pouvons conclure que dans une optique de long terme, le développement du système financier agit positivement sur la croissance économique.

Bien que le coefficient de détermination associée à l'estimation de la relation soit suffisamment élevé (39%), le modèle doit être amélioré conformément aux résultats du test d'omission des variables explicatives. Néanmoins les paramètres de cette régression sont statistiquement non nuls (la valeur calculée de Student est supérieure à 1.96) et le signe de la relation est positive.

Autrement dit, le développement de l'activité financière a une incidence positive sur l'activité économique. Lorsque la part du crédit au secteur privé dans l'économie augmente d'un point, l'indicateur de croissance économique s'améliore de 0.318 point.

Cependant, nous ne pouvons pas considérer cette relation comme une relation de long terme, dans la mesure où les résidus de cette régression sont non stationnaires. Ces résultats confortent non seulement les résultats de nos tests de cointégration et de causalité de granger mais aussi l'analyse graphique du chapitre 1.

Le rajout des variables théoriquement pertinentes dans notre premier modèle ne change rien au résultat initial. Le modèle reste globalement peu satisfaisant et les paramètres de ce nouveau modèle sont tous non significatifs.

Par contre la prise en compte de ces nouvelles variables améliore la relation entre la croissance économique et le niveau de développement de la sphère financière mesuré par l'indicateur crédit au secteur privé/PIB. En effet, bien que les coefficients associés à ces nouvelles variables sont tous non significatifs, le paramètre associé à notre indicateur de développement financier est positif et significatif.

De surcroît, les résidus de cette nouvelle estimation sont stationnaires. Et d'après la littérature de Engle et Granger (1987) reprise par Lardic et Mignon (2002), la relation Finance-Croissance estimée représente une relation statique de long terme.

En d'autres termes, une fois les nouvelles variables considérées dans le modèle, il devient possible de trouver une relation de long terme significative et satisfaisante.

Les variables que nous avons rajoutées pour cette nouvelle estimation sont le niveau de la dépense intérieure, l'épargne nationale et la formation de capital. Pour toutes ces variables, les séries débutent en 1965. C'est pour cette raison que le nombre total d'observation est égal à 36. Les propriétés statistiques de ces variables sont récapitulées dans le tableau 4.3 et la nouvelle estimation dans le tableau 4.4.

Tableau 4.3 : Récapitulatif des propriétés statistiques des variables omises

Variables

Niveau de stationnarité

ADF calculé

ADF tabulé

Ln(épargne/pib)

En différence première

-4.51

-1.95

Ln(dépense/pib)

En différence première

-5.90

-1.95

Ln(formation capital/pib)

En différence première

-6.72

-1.95

Tableau 4.4 : Estimation de la relation entre la croissance économique et le développement du système financier avec prise en compte des variables omises

Modèle

Méthode d'estimation

Nbre obs.

Estimation

R² ajusté

Croissance - Taux de liquidité

Moindres carrés ordinaires

35

Äln(pib)=-6.46-

0.09Äln(m2/pib)+1.34ln(dépense/pib)

(-1.035) (0.93)

+0.21ln(épargne/pib)

(0.26)

-0.11ln(formation capital/pib)

(-0.39)

0.27

0.17

Croissance - Part du crédit privé

Moindres carrés ordinaires

36

ln(pib)=9.241+

0.13ln(crédit/pib)-

(1.983)

1.02ln(dépense/pib)

(-0.345)

+0.338ln(épargne/pib)

(0.622)

+0.21ln(formation capital/pib)

(-0.350)

0.72

0.69

sources : calculs de l'auteur

Pour le modèle Croissance économique - Taux de liquidité, les résultats de la nouvelle estimation sont en conformité avec l'analyse de la causalité effectuée dans le chapitre précédent qui aboutit en conclusion à l'absence de causalité entre le développement de la sphère financière mesuré par le ratio de liquidité et la croissance de l'activité économique.

Par contre pour le modèle Croissance économique - Part du crédit privé dans l'économie, les résultats de la nouvelle estimation contredisent les résultats de tous les tests que nous avons préalablement obtenus. Le coefficient de détermination associée à cette nouvelle régression est plus que satisfaisant (72%). Et conformément à la théorie économique et à notre hypothèse fondamentale, le développement de l'activité financière a une incidence positive à long terme sur la croissance économique. Lorsque cet indicateur augmente de 1%, le niveau de l'activité économique s'améliore de 0.13%.

Ce résultat est d'ailleurs similaire à celui de Joseph et ses coauteurs (1998) qui recommandent au gouvernement camerounais d'oeuvrer dans l'amélioration des conditions de crédit ; ceci dans le but de faciliter l'octroi des crédits et de catalyser les relations entre les établissements de crédit et leur clientèle.

En définitive, les seules relations de long terme validées dans notre travail sont celles qui existent entre le taux de croissance et le ratio de quasi liquidité, et, le taux de croissance et la part du crédit privé dans l'économie.

Essayons à présent de voir si ces différentes relations de longue période tiennent aussi une fois qu'elles sont transposées dans la dynamique de courte période.

L'examen de la relation à court terme est appréhendé à travers un modèle à correction d'erreurs. Celui-ci nous permet d'étudier les fluctuations des phénomènes en tenant compte de leur sentier d'expansion.

B. L'estimation de la relation de court terme : le modèle à correction d'erreurs

L'estimation du modèle à correction d'erreurs constitue la deuxième étape de la méthode de Engle et Granger de l'analyse de la cointégration. Cette étape est la plus importante, car elle fait ressortir les variations périodiques du phénomène étudié une fois l'équilibre déterminé. Les résultats de l'estimation de ces différents modèles sont donnés dans le tableau suivant :

Tableau 4.5 : Résultats de l'estimation des modèles à correction d'erreurs

Modèle

Méthode d'estimation

N

Estimation

R² ajusté

Croissance -Taux de quasi liquidité

Moindres carrés ordinaires

38

Äln(pib)=0.003-0.1387z+0.365Äln(pib)(-1)

(0.28) (-2.07) (2.30)

-0.06Äln(quasi/pib)+0.06Äln(quasi/pib)(-1)

(-0.84) (1.004)

0.22

0.13

Croissance-Part du crédit privé

Moindres carrés ordinaires

34

Äln(pib)=0.006-0.322v+0.125Äln(pib)(-1)

(0.58) (-3.67) (0.81)

+0.08Äln(crédit/pib)

(1.18)

0.39

0.31

Dans le premier modèle la variable z représente le résidu de la relation de long terme décalé d'une période. La statistique de Student associé au coefficient qui lui est affecté est supérieure à sa valeur critique au seuil de 5%, soit 1.96. La constante, tout comme les variations du ratio (quasi monnaie/pib) qu'elles soient instantanées ou décalées, est non significative. Seule la variation décalée du PIB a une incidence significative sur le niveau de la croissance économique.

Le coefficient associé à la force de rappel z est négatif et significatif (-0.139) ; il existe donc bien un mécanisme à correction d'erreurs : à long terme, les déséquilibres entre le développement du système financier et celui de la sphère productive se compensent de sorte que les deux phénomènes ont une évolution similaire.

De façon similaire, la variable v représente le résidu de la relation de long terme décalé d'une période et associé au second modèle. La statistique de Student du paramètre de la force de rappel est largement supérieure à sa valeur critique au seuil statistique de 5%. Pour ce modèle aussi, il existe un mécanisme de correction des erreurs qui à long terme ramène les deux phénomènes étudiés sur un même sentier d'expansion.

En revanche, les paramètres associés aux fluctuations de courte période sont tous non significatifs. Cependant la valeur du Student calculée pour le paramètre de notre indicateur financier est supérieure à l'unité. Et, nous suggérons une analyse plus approfondie de cette relation afin de tirer des conclusions plus appropriées. Nous émettons l'hypothèse forte selon laquelle sur une plus grande période d'observation, les fluctuations du ratio crédit au secteur privé/PIB ont une incidence positive sur les fluctuations de l'activité réelle.

Conformément à l'analyse de Joseph et al (1998), la relation de long terme entre les deux phénomènes nous conduit à considérer que les autorités de contrôle et de surveillance du système financier en général et du secteur bancaire en particulier doivent faire davantage d'effort pour renforcer leur crédibilité.

Ce renforcement aura pour effet dans une optique de long terme de stimuler les dépôts longs, facilitant ainsi l'octroi des crédits à moyen et long terme, source importante de croissance économique.

On constate en outre que le taux de croissance de la production intérieure brute dépend positivement de sa valeur retardée. Lorsque celle-ci augmente de 1%, le taux de croissance de la période étudiée s'accroît d'environ 0.14%.

Ce résultat trouve des fondements dans l'analyse de l'équilibre offre globale - demande globale. En effet, l'accroissement de la production de la période précédente entraîne un accroissement des revenus et par conséquent une augmentation de la demande la période suivante. Cette augmentation de la demande est à l'origine de celle de la production de la période suivante.

La non significativité des paramètres associés à la variable quasi monnaie/PIB (retardée et actuelle) est sans doute due au fait que les fluctuations à court terme de ce ratio ne sont pas importantes. Ceci se justifie par le fait que dans le court terme, les agents économiques cherchent à améliorer leurs conditions de vie.

Dans un contexte où une grande partie de la population vie en dessous du seuil de pauvreté, l'accroissement des revenus alimente la consommation plutôt que les placements, comme c'est le cas dans les pays développés. L'épargne individuelle y est peu consistante ne saurait être constituée à court terme que pour des motifs de précaution.

Par conséquent, le système financier ne bénéficie pas à court terme des retombées de l'accroissement des revenus. Cette conséquence peut être aussi justifiée par le fait que le Cameroun est un pays économiquement vulnérable. Les chocs extérieurs affectent significativement son appareil productif de telle sorte que les acteurs économiques ont une préférence pour les actifs liquides plutôt que pour les actifs quasi liquides.

En définitive, les dynamiques de court terme et de long terme entre le développement financier et la croissance économique perçues à travers le modèle à correction d'erreurs sont rendues possibles dans le contexte camerounais avec la modification du modèle théorique AK.

Alors qu'à court terme, les habitudes de consommation et les décisions des ménages sont rigides de telle sorte que la croissance économique est perçue comme un processus autorégressif ; à long terme, l'incidence de l'accroissement du taux de quasi liquidité est positive sur le niveau de l'activité économique.

Une fois le sens et le signe de la relation établis, les questions qui restent à notre avis sans réponse sont celles relatives aux implications de politiques économiques.

Section 2 : Les implications de politiques économiques

Dans la réalité camerounaise, il est peut être difficile de percevoir à court terme une relation franche entre l'amélioration du système bancaire et l'accroissement de la production globale, tout porte même à croire que la relation causale s'établit plutôt entre croissance économique et développement financier ; mais l'histoire économique de ce pays nous amène à penser que le développement de l'activité financière peut avoir une influence indirecte sur le niveau du PIB.

Les successions de crises et reprises de l'activité économique et de l'activité bancaire

nous démontrent à suffisance l'imbrication des deux phénomènes à court terme. Les décideurs politiques et économiques doivent en conséquence intégrer cet aspect dans l'analyse qu'ils font de la croissance économique.

A l'issue de ce travail de recherche, nous sommes à même de proposer quelques mesures dont la mise en application permettrait d'atteindre plus rapidement les objectifs de croissance fixés par les institutions internationales de Bretton Woods et les institutions sous-régionales, en accord avec les autorités camerounaises.

Aussi cette deuxième section fait état des propositions de politique économique et des implications économiques de telles mesures. A cet effet, nous étudierons en premier lieu les mesures institutionnelles et en second lieu les décisions économiques susceptibles d'être adoptées.

A. Les mesures institutionnelles et réglementaires potentielles

L'amélioration du niveau de l'activité économique passe nécessairement par l'amélioration du cadre institutionnel qui l'accompagne. De la même façon, le développement financier ne saurait se faire sans qu'au préalable le cadre institutionnel et réglementaire ne subisse quelques changements structurels.

Il est à noter que lorsque nous parlons ici de développement financier, nous considérons tous les indicateurs d'approfondissement que nous avons étudiés dans le premier chapitre. Ainsi les mesures institutionnelles se réfèrent aussi bien aux dépôts et crédits qu'à la monnaie.

La première mesure que nous proposons est la mise en place au sein de nos établissements de crédit d'un département spécifique de trésorerie. Le rapport de la BEAC de 2001 sur le fonctionnement du système financier établit comme phénomène paradoxal la surliquidité des banques camerounaises dans un contexte où l'endettement extérieur constitue la principale source de financement pour les secteurs dits prioritaires, à savoir, l'éducation et la santé.

Dans la plupart des pays financièrement développés, ce sont les grands groupes financiers et les holdings financiers qui soutiennent ces secteurs. Ils sont soit actionnaires dans les grandes écoles soit la principale source de financement pour des études chères payées mais rentables in fine.

Ainsi, au Cameroun le département trésorerie des établissements aura en charge la rentabilisation des fonds oisifs ; dans la mesure où le financement des projets d'investissement est rendu difficile par l'instabilité de la conjoncture économique qui accroît les risques idiosyncrasiques et les risques d'asymétrie informationnelle.

La construction des écoles et hôpitaux par les intermédiaires financiers est une solution proposée au problème de la surliquidité des banques. Cette solution s'inscrit mieux dans le cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP) et contribue pour une grande part à l'édification de la croissance économique, voire du développement socio-économique.

La seconde mesure institutionnelle concerne la réhabilitation de la cour de justice communautaire. Cette institution régionale a pour tâche première le règlement des conflits intra zone et pour missions secondaires la stabilité politique et la restauration d'un Etat de droit dans tous les pays appartenant à la zone CEMAC.

Cette mesure trouve toute son importance dans la régularité des conflits armés que nous observons depuis quelques années dans les pays voisins, en l'occurrence le Tchad et le Congo, ainsi que dans l'apparition des soulèvements sociaux et politiques qui ont bouleversé le Cameroun au début des années 1990.

A cet effet, il est important de noter que le système financier camerounais ne saurait se développer sans qu'au préalable règne une atmosphère de paix. L'instabilité socio-politique a pour principale conséquence de rendre très incertain l'avenir, élevant ainsi les risques.

L'accroissement des risques conduit les établissements de crédit à rationner les crédits et à limiter leur expansion géographique. Ceci a pour effet le ralentissement des investissements et à terme, la récession de l'activité économique.

En outre, l'instabilité politique a pour effet la réduction de la masse monétaire en circulation. En effet, pendant les périodes troubles, les agents économiques préfèrent thésauriser leurs avoirs. Ce comportement est rationnel, dans la mesure où les placements bancaires et les investissements comportent des risques trop élevés.

La réduction de la masse monétaire et de la masse des crédits alloués conduit l'économie vers une situation de crise qui n'est aucunement souhaitable pour un pays déjà très endetté comme le Cameroun

Il est par conséquent judicieux pour assurer la stabilité socio-politique dans ce pays que la cour communautaire soit réhabilitée et qu'il lui soit attribué la mission prioritaire de prévention des conflits intra pays.

Sur le plan réglementaire, il est crucial que la crédibilité de notre système juridique soit restaurée. Le système juridique camerounais souffre d'un manque d'autonomie véritable. Les autorités politiques ont en effet le pouvoir d'orienter les décisions de justice vers la satisfaction de leurs intérêts personnels.

Il faut noter que pour émettre de telles affirmations, il nous a fallu faire un stage académique dans une institution bancaire dans la ville de Douala en tant que gestionnaire de fonds de commerce.

Le constat que nous avons fait met en relief le fait que la plupart des administrateurs publics possèdent de petites structures soit familiales, soit personnelles. Pour assurer le financement de leurs projets d'entreprise, ils se servent de leur qualité de décideur pour bénéficier du crédit. Par la suite, lorsqu'il leur arrive de ne pas respecter leurs échéances de dette ou tout simplement de ne pas honorer leurs engagements auprès de la banque, ils usent parfois de cette même qualité d'administrateur pour dissuader les autorités juridiques de prendre des décisions susceptibles de les compromettre.

Cette main mise des autorités administratives sur le pouvoir juridique conduit au rationnement de crédit ainsi qu'à l'accroissement du risque d'antisélection qui a un effet néfaste sur l'efficience allocationnelle des intermédiaires et donc sur la croissance optimale de l'économie.

Par ailleurs, la corruption est un fléau social qui mine la société camerounaise. Les acteurs économiques en paient les frais lorsqu'ils possèdent des dépôts litigieux auprès des institutions de crédit. Ceci conduit la plupart des déposants à confier leurs avoirs à la banque sur de courte période, conservant ainsi le contrôle de leur épargne.

Cette attitude des épargnants n'est pas favorable à l'amélioration de l'activité productive en ce sens qu'elle ne permet pas aux institutions bancaires de faire des placements sur de longues périodes ; puisque ne disposant que des avoirs courts. Les projets d'investissement dont la rentabilité est avérée dans le long terme mais conséquente sont ainsi abandonnés au profit de simples crédits de campagne ou des facilités de caisse.

A la réforme du renforcement de la crédibilité du système financier doit s'ajouter celle de l'application effective de la loi sur le blanchiment d'argent. Le non respect d'une telle loi déteint sur la crédibilité du système financier et de manière plus générale sur la renommée du pays.

Il n'est d'ailleurs pas souhaitable pour un pays comme le Cameroun qui bénéficie encore de l'aide des institutions internationales d'abriter des réseaux de blanchiment d' « argent sale ». Un tel constat pourrait geler les relations avec ces institutions et freiner le processus d'assainissement du système financier.

D'un point de vue purement économique, la pratique d'une telle activité au sein du pays peut fausser les résultats attendus de la mise en oeuvre d'une politique sectorielle particulière.

Pour étayer nos propos, imaginons que l' « argent sale » soit blanchi à travers une société écran qui appartienne au secteur industriel. Les profits comptables générés par cette industrie démontre que le secteur industriel se porte bien et n'a en conséquence besoin d'aucune aide quelconque. La réalité économique peut cependant en être toute autre et les décisions de politique qui sont prises sur la base de ces informations sont totalement faussées.

En définitive, les mesures institutionnelles et réglementaires suggérées dans notre travail ont pour objectif principal l'instauration d'un cadre viable propice au développement du système financier et surtout à la croissance économique. Mais à elles seules elles ne sauraient suffire pour garantir une croissance auto-entretenue qui passerait par l'amélioration de la sphère financière. Aussi nous essaierons de compléter l'analyse par les réformes d'ordre économique.

B. Les réformes d'ordre économique susceptibles d'être envisagées

Les réformes économiques se distinguent des réformes institutionnelles et réglementaires en ce sens qu'elles exigent de la part des autorités monétaires et gouvernementales la mise en place d'un dispositif communicationnel important. Elles requièrent en outre un effort de la part des différents acteurs économiques, mais surtout un ensemble d'éléments motivants.

La première réforme que nous proposons est la vulgarisation des moyens de paiement modernes. Cette vulgarisation permettra l'accroissement du taux de bancarisation de l'économie. Celui- ci à son tour contribue à l'amélioration du système financier et donc à l'amélioration de l'activité économique via les différents canaux analysés au deuxième chapitre.

Comment vulgariser ces moyens de paiement modernes ? L'Etat camerounais depuis quelques années a entériné la décision ministérielle portant sur le paiement des salaires des fonctionnaires. Cette décision stipule que pour des appointements supérieurs à 100 000 FCFA, les fonctionnaires doivent recevoir leur salaire par virements bancaires. Cette décision oblige ainsi de nombreux agents économiques à se constituer des comptes bancaires de type compte chèque.

Même si elle n'est pas encore effective dans toutes les régions du pays, la décision ministérielle constitue un pas vers la vulgarisation des moyens de paiement. Elle a d'ailleurs été suivie avec beaucoup d'intérêt par quelques entrepreneurs camerounais qui désormais paient leurs employés dont le salaire se trouve au dessus du seuil sus indiqué essentiellement par virement bancaire.

Mais cette pratique était déjà mise en oeuvre dans la plupart des multinationales implantées au Cameroun pour des employés cadres et minoritairement pour des agents de maîtrise.

Quelle est l'incidence de cette vulgarisation sur le niveau de l'activité réelle ? Si d'ici l'horizon 2010, tous les fonctionnaires et les salariés disposent d'un compte bancaire qu'il soit un compte chèque ou un compte d'épargne, le volume de l'activité bancaire va augmenter. L'utilisation des chèques comme moyen de paiement est plus sécurisant, plus commode et elle facilite les transactions.

De plus, l'ouverture des comptes bancaires par les acteurs économiques accroît la quantité des fonds prêtables et partant donne l'opportunité à de grands projets d'investissement d'être réalisés.

Au total, la vulgarisation des moyens de paiement modernes dans la société permet aux banques secondaires de jouer pleinement leur rôle de création monétaire dont l'incidence sur l'activité réelle trouve ses fondements dans l'analyse keynésienne du multiplicateur monétaire.

Outre cette mesure, nous proposons aux banques camerounaises la diversification des produits de financement. Nous entendons par nouveaux produits de financement de nouveaux types de crédits qui répondent aux besoins d'une économie en développement.

D'après les critères mis en exergue par la Banque Mondiale, le Cameroun est un pays pauvre. Le rapport du PNUD en 2001 atteste d'ailleurs que plus de la moitié de sa population vit en dessous du seuil de pauvreté.

Une grande partie de la population camerounaise vit du petit commerce. Celui-ci a beaucoup de mal à se développer et nécessite pour cela un financement bancaire encore difficilement accessible.

A l'exemple de la « Grammy Bank » du Bangladesh, les institutions bancaires pourraient mettre sur pieds un crédit de petits commerces à taux bonifié pour renforcer et développer ces activités qui sont la source de revenu d'une grande partie de la population.

Ainsi, la demande globale pourra s'accroître conformément aux thèses keynésiennes, générant par conséquent l'accroissement de la production globale.

Une autre manière de booster la demande intérieure est d'offrir aux ménages des crédits de consommation. Mais il est vrai que des conditions de crédit bien ficelées doivent faire l'objet d'une étude plus approfondie.

La descente dans quelques établissements de crédit de la ville de Douala nous a donné de constater que les seuls types de crédit de consommation alloués sont des crédits d'équipements et des crédits automobiles. Encore faut-il noter qu'ils sont accordés à une classe particulière d'individus ; il s'agit en particulier des employés de l'institution et dans une moindre mesure de quelques employés des entreprises partenaires et des cadres de l'administration centrale.

Dans cet ordre d'idée, nous saluons les efforts entrepris par la Société d'aménagement de Douala en partenariat avec le Crédit Foncier du Cameroun qui oeuvre pour l'amélioration des logements des habitants de cette ville.

Cette action a bien entendu des conséquences sur la croissance économique ; dans la mesure où la construction de ces nouveaux logements requiert une demande abondante des matériaux de construction. Elle participe par conséquent à la redynamisation du secteur de l'industrie immobilière.

A côté de toutes ces réformes structurelles, nous recommandons que les mesures déjà envisagées par les autorités camerounaises deviennent effectives. Il s'agit en l'occurrence de la mise sur pieds d'un marché financier dynamique qui permettra aux petites entreprises de trouver le financement pour leurs investissements, et de la légalisation des associations tontinières qui sont le lieu d'un volume conséquent de flux financiers difficiles à percevoir à travers nos différents agrégats macro économiques.

Le marché boursier a l'avantage de présenter la situation financière réelle de chaque acteur qui désire y entrer en cotation. Le entreprises sont en effet obligées de présenter leur structure financière véritable qui dénote de leur crédibilité, afin d'émettre des titres dont les cours auront une évolution favorable.

Le marché boursier en plus d'être un lieu de financement est un lieu d'évaluation des entreprises. Sa réhabilitation permettra à l'Etat camerounais de résoudre le problème d'évasion et fraude fiscale qui est devenu depuis quelques années l'apanage des entreprises camerounaises.

La légalisation des tontines permettra d'autre part d'améliorer la « traçabilité18(*) » des mouvements de capitaux. Ainsi, les agrégats monétaires pourraient être construits sans ambiguïté et les décisions de politique économique auraient les effets escomptés.

En définitive, les mesures à entreprendre par le gouvernement camerounais sont à même de relancer l'activité économique via un accroissement de la demande domestique d'une part et d'autre part d'aider à la poursuite de l'objectif de réduction de la pauvreté d'ici l'horizon 2015 à travers le financement des secteurs jugés prioritaires par les institutions internationales.

Conclusion

Les estimations économétriques auxquelles nous avons procédé dans ce chapitre montrent que le développement de l'activité financière a une incidence positive sur le développement de l'activité réelle. Même si la relation inverse n'a pas l'objet d'une modélisation rigoureuse, tout porte à croire que la relation que nous avons étudiée est biunivoque.

A cet effet, nous avons proposé quelques mesures à mettre en oeuvre sur les plans institutionnel, réglementaire et économique qui vont dans le sens de l'amélioration du système financier. Celle-ci a un effet boomerang puisque le développement de l'activité productive exige un système financier de plus en plus étoffé et performant.

La performance du système financier est perçue à travers l'analyse du taux de liquidité et dans une moindre mesure du taux de quasi liquidité. Ces différents ratios nous renseignent sur le degré de monétisation de l'économie. Et, un système devient de plus en plus performant au fur et à mesure que l'économie devient monétaire.

Cette transformation a l'avantage que les politiques économiques mises en oeuvre peut aisément mouvoir l'économie vers un équilibre. Il reste cependant à établir la stabilité de ce nouvel équilibre. Ce travail est à envisagé dans une étude ultérieure.

Conclusion Générale

Il y a environ 40 ans que Goldsmith a posé les jalons de l'analyse de la corrélation entre le développement de l'activité financière et la croissance économique. Il a été en effet le premier à démontrer de façon empirique que le développement financier a un effet positif sur le développement de l'activité productive.

Depuis lors, de nombreux travaux empiriques et théoriques notamment ceux de Loayza (2005), Levine (1997), abondent dans le même sens. Ils essaient en outre de déterminer les différents canaux par lesquels le développement financier affecte- est affecté par- la croissance économique.

Le sens de la causalité de la relation a lui aussi fait l'objet d'une controverse théorique tranchée par Patrick (1966) qui établit que cette relation finance - Croissance est biunivoque.

Néanmoins, sur le plan empirique, l'estimation de la relation de cause à effet tend à conforter l'idée selon laquelle à long terme c'est l'amélioration de la sphère financière qui impulse celle de la sphère productive à travers l'accroissement des investissements dans le domaine de la recherche et du développement (R&D) et des innovations financières.

D'après Levine (1997), cette conclusion sur la dynamique de long terme Finance - Croissance a un corollaire très important :

Bien que les paniques bancaires et financières ou même les crises économiques ont des effets critiques, le lien à long terme Finance - Croissance survit aux bouleversements et fluctuations de courte période l'affectent.

Cette conclusion est d'autant plus importante dans notre analyse que malgré la succession des crises économique et du système financier camerounais, celui-ci depuis la fin de la restructuration bancaire de 1997 s'étoffe d'un nouvel type d'intermédiaires financiers, à savoir les établissements de microfinance et d'une gamme variée de produits nouveaux impulsant ainsi la croissance économique.

L'objet de ce mémoire est d'établir le signe, le sens et la durée de la relation entre le développement de l'activité financière et la croissance de l'activité économique au Cameroun. Nous avons ainsi pu démontrer que le signe de notre relation était positif.

Mais l'étude de la causalité nous a mené à conclure qu'au Cameroun, c'est plutôt la croissance économique qui influence la qualité des services financiers et la structure du système bancaire.

L'analyse du terme de la relation a quant à elle nécessité une démarche méthodologique rigoureuse. L'utilisation de la méthode d'estimation de Engel et Granger nous a permis de faire ressortir d'une part la relation statique de long terme qui détermine le sentier d'expansion entre nos deux phénomènes et d'autre part la relation dynamique de court terme à travers l'estimation du modèle à correction d'erreurs.

Les conclusions auxquelles nous avons abouti sont les suivantes :

· A long terme, il existe une relation positive entre le taux de quasi liquidité de l'économie et la production globale. Et de la même manière, les crédits alloués au secteur privé sont corrélés positivement avec le niveau de l'activité réelle.

· Par contre, la dynamique de court terme n'aboutit pas aux mêmes conclusions. L'estimation des différents modèles à correction d'erreurs établit que seules les variations passées du PIB ont une incidence sur son taux de croissance. Les chocs en provenance du système financier affectent très peu la structure du comportement des agents économiques.

· A l'inverse, l'observation des faits nous amène à inférer qu'une quelconque variation du revenu des agents affecte leur comportement d'épargne et d'investissement. En effet, la baisse des revenus survenus au cours de la décennie 1980 a été suivie par la baisse des avoirs bancaires. Mais au lendemain de la dévaluation de janvier 1994 qui a engendré un regain de l'activité économique dès 1997, les dépôts bancaires ont connu une nette progression.

Il est néanmoins important de souligner que toutes les conclusions que nous avons pu tirer jusqu'ici ont nécessité la prise en compte dans les relations de long terme d'autres variables explicatives pertinentes. Sans elles, les résultats de nos estimations seraient moins robustes et ne permettraient pas d'en inférer une quelconque analyse. Les nouvelles variables qui ont été considérées dans nos modèles sont les parts de l'épargne, de l'investissement et de la dépense nationale dans la production globale.

Dans ce travail, nous n'avons malheureusement pas discuté des liens théoriques entre ces variables et les indicateurs de croissance économique ; mais d'un point de vue empirique, leurs effets sur le niveau de l'activité économique au Cameroun restent quelque peu ambigus.

A l'issue de tout ce travail analytique, nous avons suggéré quelques propositions de politiques économiques susceptibles d'améliorer la relation. Il s'agit en l'occurrence :

Ø Sur le plan institutionnel

· de la mise sur pieds dans les établissements de crédit d'un véritable département de trésorerie.

· de la réhabilitation de la cour de justice communautaire

Ø Sur le plan réglementaire

· du renforcement de la crédibilité du système judiciaire

· de la mise en application de loi contre le blanchiment d'argent

Ø Sur le plan purement économique

· de la vulgarisation des moyens de paiement modernes

· de la diversification des produits de financement

· du fonctionnement effectif du marché financier

· de l'intégration dans le secteur formel des associations tontinières qui sont devenues au fil du temps un véritable lieu de financement des PME camerounaises

Cette dernière proposition pourrait constituer un approfondissement de ce sujet. Les travaux ultérieures sur la relation entre le développement du système financier et la croissance économique pourraient en effet prendre en compte le secteur informel dans l'analyse. Aussi, la construction d'un nouvel type d'indicateur de développement financier s'avère nécessaire.

* 1 CEMAC : Communauté économique et monétaire de l'Afrique Centrale. Les pays membres de cette zone sont le Cameroun, le Gabon, le Congo, la RCA, le Tchad et la Guinée équatoriale

* 2 UMAC : Union Monétaire de l'Afrique Central

* 3 BEAC : Banque des Etats de l'Afrique Centrale

* 4 COBAC : Commission Bancaire de l'Afrique Centrale

* 5 Les institutions non financières sont presque inexistantes dans un pays comme le Cameroun où le système financier mis en place est encore embryonnaire.

* 6 Le rapport entre le crédit accordé par les banques secondaires et le total du crédit octroyé par le système financier est peu significatif comme indicateur dans un contexte de surliquidité bancaire. Si une banque souhaite se refinancer, elle le fera sur le marché interbancaire plutôt qu'en ayant recours aux concours de la banque centrale.

* 7 L'introduction du progrès technique dans le modèle ne modifie en rien l'analyse de l'incidence du développement financier sur la croissance d'état stationnaire. En effet, le progrès technique pour Solow est une variable exogène, déterminé en dehors de l'économie. Autrement dit il n'est pas possible d'agir sur son niveau au moyen des politiques économiques. Seuls des chocs exogènes pourraient modifier son niveau réel. En supposant qu'il croît à taux constant g, Solow démontre que le stock de capital par tête et la production par tête croissent à ce même taux g. Seulement ce canal de transmission du développement financier vers la croissance économique reste inopérant dans notre cadre d'analyse.

* 8 Diamond et Dybvig ont construit un modèle en 1983 pour montrer comment les banques assurent en tout temps la liquidité des dépôts tout en menant à bien leur rôle de financement de l'activité économique. Scialom en fait un résume succinct dans son ouvrage « Economie bancaire », 2001. Les auteurs partent d'un modèle à deux périodes et démontrent qu'il est toujours plus intéressant pour les épargnants de faire des dépôts longs qui bénéficient d'une forte rentabilité plutôt que des dépôts de court terme dont la rentabilité est plus faible ; et ceci même s'ils doivent s'abstraire au contrôle de leurs avoirs dont la gestion est désormais assurée par le banquier.

* 9La procédure du test ADF (Augmented Dickey-Fuhler) est séquentielle mais très simple. L'idée générale consiste à partir d'un modèle autorégressif d'ordre p dit AR(p) et d'en écrire le modèle dérivé en différence première puis de procéder à son estimation. L'écriture du modèle en différence peut accepter trois formes possibles : un modèle avec trend et constante (modèle 3), un modèle avec constante et sans trend (modèle 2) et enfin un modèle sans constante ni trend (modèle 1).

* 10 Le nombre de retard pris en compte dans le modèle est délicatement choisi. En effet, l'inclusion d'un nombre insuffisant de retards peut affecter le niveau général du test et l'introduction d'un nombre trop élevé de retards réduit le nombre de degrés de liberté et la puissance du test ; ce qui conduit très souvent et de manière erronée à l'acceptation de l'hypothèse nulle (Lardic et Mignon, 2002). Ces auteurs proposent un choix du nombre de retards conforme à l'observation des corrélogrammes des processus en différence première.

* 11 Johansen développe deux types de test de cointégration. Le premier test est dit test de la valeur propre maximale et le second test est dit de la trace. Ce dernier est le pus utilisé parce qu'il permet de connaître le nombre de vecteur de cointégration même s'il ne renseigne pas sur les variables cointégrées. (Lardic et Mignon, 2002)

* 12 La configuration du logiciel (Eviews) que nous utilisons nous oblige à préciser si le test est fait entre les variables en niveau ou en différence. Ainsi lorsque nous introduisons dans le volet lags 0 to 0, ceci signifie que le test est fait entre les variables en niveau et que nous ne considérons aucun retard dans le VAR. Si par contre, nous introduisons 1 to 1, cela signifie que le test est fait entre les variables en différence première et que nous considérons un VAR(1).

* 13 La causalité au sens de Pierce et Haugh (1977) peut être caractérisée par les corrélations des innovations des deux processus X et Y. Dans ce cas un simple test de student sur la significativité du coefficient d'autocorrélation. On conclura à une non causalité lorsque le coefficient sera significativement nul et à une causalité dans le cas contraire.

* 14Sims (1980) propose de considérer dans l'étude de la causalité les valeurs futures des processus. Ainsi, si les valeurs futures de Yt peuvent permettre d'expliquer la valeur présente du processus Xt, alors, X est la cause de Y. De façon similaire, on dira que X cause Y si les innovations de X contribuent à la variance de l'erreur de prévision de Y.

* 15 Jarque-Bera est une statistique qui permet de tester la normalité des erreurs. Elle suit une loi de Khi deux à 2 degrés de liberté. Une probabilité faible associée à cette statistique conduit au rejet de l'hypothèse nulle de normalité des résidus.

* 16 La statistique de White suit une loi de Khi-Deux avec comme nombre de degré de liberté, le nombre de paramètres estimés en dehors de la constante. Pour notre modèle, cette statistique suit un Khi-Deux à 1 degré de liberté.

* 17 La statistique F dont nous parlons est calculée automatiquement lors de la mise en oeuvre du test d'hétéroscédasticité de White. Elle nous indique si d'importantes variables ont été omises dans la spécification du modèle. Il est cependant difficile de déterminer avec exactitude la loi de probabilité de cette statistique. Pour cette raison, nous ne nous servirons que de la probabilité qui lui est associée pour prendre des décisions.

* 18Le terme traçabilité est propre au jargon bancaire ; il désigne la possibilité qu'ont les autorités monétaires et publics à retracer sans difficulté les différents flux de capitaux dans l'économie.






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