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Rapports interethniques et différenciation identitaire en milieu rural : Cas d'Aboudé-Mandéké dans le département d'Agboville.

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par Karamoko KONE
Université Cocody-Abidjan - DEA 2007
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE DE COCODY

UFR SCIENCES DE L'HOMME ET DE LA SOCIETE

INSTITUT D'ETHNO-SCIOLOGIE

ANNEE ACADEMIQUE

2007-2008

MEMOIRE DE DEA

RAPPORTS INTERETHNIQUES ET DIFFERENCIATION IDENTITAIRE EN MILIEU RURAL : Cas d'Aboudé-Mandéké dans le département d'Agboville.

Sous la Direction de :

Prof. DEDI SERY :

Maître de recherche

Sous la codirection de :

Prof. Roch YAO GNABELI :

Maître de conférences

Présenté par :

KONE Karamoko

SOMMAIRE

SOMMAIRE................................................................................2

DEDICACE..................................................................................3

REMERCIEMENTS......................................................................4

SIGLES ET ABBREVIATIONS........................................................5

INTRODUCTION.........................................................................6

CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE..................................8

I- LA PROBLEMATIQUE...............................................................8

II- LA REVUE DE LA LITTERATURE.............................................21

III- LES OBJECTIFS.......................................................................40

IV- LE MODELE D'ANALYSE.......................................................40

V- LA DELIMITATION DU CHAMP DE L'ETUDE...............................42

VI- LES TECHNIQUES DE COLLECTE DE DONNEES.........................47

VII- LES DIFFICULTES RENCONTREES.........................................49

PREMIER PARTIE : CONSTRUCTION DES ENTITES SOCIO-

CULTURELLES ET DELIMITATION DES GROUPES............50

CHAPITRE I : ITINEARAIRE MIGRATOIRE ET HISTOIQUE DES

COMMUNAUTES ETHNIQUES..................................52

CHAPITRE II : PARTAGE DE L'ESPACE ET DOUBLE PROCESSUS

D'HOMOGENEISATION IDENTITAIRE.......................59

DEUXIEME PARTIE : MARQUAGE SOCIAL PRODUCTION DE LA

DOMINATION SYMBOLIQUE..........................67

CHAPITRE III : LA REPRODUCTION DES INSTITUTIONS DE

CONTROLE..........................................................70

CHAPITRE IV : LES DETERMINANTS SOCIOCULTURELS DE LA

DOMINATION SYMBOLIQUES.................................78

TROISIEME PARTIE : LES DYNAMIQUES INSTITUTIONNELLES ET

REPRODUCTION CONFLICTUELLE DES RAPPORTS

INTER- ETHNIQUES..........................................................84

CHAPITRE V : EVOLUTION DES PROCEDURES DE CESSION ET

REPERAGE DES LOGIQUES PROPRIETARISTES.........86

CHAPITRE VI : CRISE ECONOMIQUE ET PRODUCTION

CONFLICTUELLE DES RAPPORTS INTER ETHNIQUES.......91

CONCLUSION GENERALE...............................................................101

BIBLIOGRAPHIE.....................................................................103

TABLE DES MATIERES.............................................................110

DEDICACE

A mon père feu KONE TIEMIKRY,

A ma mère feu KONE SIATA,

A ma grand-mère feu SOUMAHORO MATOGBA à qui je rends un grand hommage du fait du rôle de mère qu'elle a joué pour moi.

Que vos âmes reposent en paix et qu'ALLAH Le Tout Puissant vous garde à ses cotés.

Enfin à tous mes parents, amis, frères et soeurs pour leurs soutiens moraux et spirituels.

REMERCIEMENTS

Cette étude a pu être réalisée grâce à l'assistance et la collaboration de personnes que nous tenons à remercier.

Il s'agit du Professeur ROCH YAO GNABELI, notre Directeur de mémoire et Directeur du Laboratoire de sociologie économique et d'anthropologie des appartenances symboliques (Laasse) qui a bien voulu accepter la direction scientifique de ce travail. Sa disponibilité, ses conseils et surtout son amour pour la recherche scientifique a permis que nous réalisions cette étude sans entraves. Qu'il trouve ici l'expression de mes sincères remerciements.

Je tiens également à remercier mes collègues du Laasse notammant Soho Rusticot DROH De Bloganqueaux, Sagbo Jean-Louis Lognon, Bouaki Kouadio Baya sans oublier Dr LIDA ainsi que Monsieur BADOU, Secrétaire Général de la Chefferie d'Aboudé-Mandéké ainsi que toute sa famille de m'avoir hébergé pendant la durée de l'enquête. Il m'a fourni les informations nécessaires et m'a également permis d'avoir accès aux personnes sollicitées pour l'enquête. Je souhaite lui adresser mes sincères remerciements pour ces gestes sans lesquels ce travail n'aurait pu voir le jour.

Je n'oublie pas SAWADOGO Amadou pour sa franche collaboration.

Qu'il me soit enfin permis de remercier trois personnes à savoir BADOBRE Valéry pour son aide, ANDREDOU Elie Franck, mon ami et frère qui m'a toujours soutenu et encouragé, et surtout SANGARE Zéinabou a qui j'octroie la palme d'or des remerciements. Merci pour ton soutien du point de vue logistique que moral, pour ton dévouement dans la saisie et les corrections répétitives de ce travail. Trouve ici l'expression de ma profonde reconnaissance.

SIGLES ET ABREVIATIONS

ADIACI : Association pour la Défense des Intérêts des Autochtones

de Côte d'Ivoire

AOF : Afrique Occidentale Française

ARSO : Autorité pour la Région du Sud-ouest

AVB : Autorité pour l'Aménagement de la Vallée du Bandama

BNETD : Bureau National d'Etude Technique et de Développement

CAE : Commission des Affaires Economiques

CAS : Commission des Affaires Sociales

CJCS : Commission Jeunesse - Culture - Sport

CERAP : Commission de Recherche et d'Adoption pour la Paix

FPI  : Front Populaire Ivoirien

IES  : Institut Ethnosociologie

INADES  : Institut National de Développement Economique et Social

IRD  : Institut de Recherche de Développement

PDCI  : Parti Démocratique de Côte d'Ivoire

RDA  : Rassemblement Démocratique Africain

RDR  : Rassemblement des Républicains

RGPH  : Recensement Général de la Population et de l'Habitat

RNA  : Recensement National de l'Agriculture

SIGS  : Société Internationale de Gestion et de Service

S/P  : Sous-préfecture

SODEPALM : Société de Développement du Palmier à Huile.

INTRODUCTION

En côte d'Ivoire, la réalisation de l'économie de plantation depuis le début du siècle dernier a vu la participation de migrants venus d'horizons divers. Dans le département d'Agboville et plus précisément à Aboudé-Mandéké, l'on retrouve divers groupes ethniques dont les Aboudé, groupe autochtone, les Baoulé, les Agni et les Dioula, groupes allochtones et les Guinéens ,les maliens et les Burkinabé qui représentent les groupes étrangers ou allogènes.

Notre étude cherche à comprendre les processus sociaux de reproduction des entités ethniques et la construction de la différenciation identitaire à l'oeuvre dans ce village.

Notre objectif est donc de saisir les logiques qui sous-tendent la différenciation identitaire et les causes des conflits entre Aboudé et certains migrants. Ainsi nous avons émis l'hypothèse selon laquelle L'évolution du cadre institutionnel d'expression des rapports inter ethniques prédispose à la différenciation identitaire.

Pour vérifier cette hypothèse, notre étude s'articule autour de trois (03) parties :

La première analyse la construction des identités socioculturelles et la délimitation des groupes. Il s'agit d'abord pour nous de rappeler les fondements historiques du peuplement autochtone et l'itinéraire migratoire des groupes migrants avant de dire en quoi le partage de l'espace est-il l'objet d'un processus double d'homogénéisation et de différenciation entre Aboudé et migrants.

La deuxième partie intitulée marquage social et production de la domination symbolique fait ressortir les mécanismes instrumentaux de production identitaire et d'affirmation de l'autochtonie à travers l'analyse des institutions de contrôle et les déterminants socioculturels locaux.

Enfin la troisième partie examine les dynamiques foncières et la production conflictuelle des rapports interethniques. Elle élucide d'abord l'évolution des procédures de cession et le repérage des logiques propriétaristes des autochtones avant de rendre comte des formes expressives des conflits interethniques et les itinéraires locaux de résolution.

CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE

I - LA PROBLEMATIQUE

« La Côte d'Ivoire est uns pays de tradition hospitalière disait Félix HB1(*). Se fondant sur l'idéologie panafricaniste il a favorisé après les indépendances en Cote d'ivoire l'accès des migrants (internes et externes) à la terre, notamment à travers le slogan «  la terre appartient à celui qui la met en valeur ». Cette rhétorique houphouetienne, guidon de la politique agraire de l'administration poste coloniale a joué un rôle déterminant dans la conception et la production des rapports interethnique entre migrant et autochtones en milieu rural.

Cependant, le contexte socioculturel de la production des rapports autochtones migrants présuppose tantôt une homogénéisation des rapports qui puise ses racines dans la perception positive de l'image de l'«étranger source de prospérité économique'', Schwartz A Martinet F et al2(*). Tantôt la perception négative des l'image de l'«étranger envahisseur'' Dozon3(*) par les autochtones donne lieu à des pratiques de discrimination et de différenciation sociale. C'est ce dernier aspect qui constitue l'objet de la présente étude.

En opérant le choix de ce thème nous comptons contribuer à la compréhension des rapports interethnique en milieu rural. Cette dernière nécessitant la mise en oeuvre d'étude de cas multiples. Ce qui nous amène à opter pour Aboudé Mandéké, village krobou situé dans le département d'Agboville. En effet, le caractère conflictuel de la question ethnique en Côte d'Ivoire nécessite qu'on examine les problèmes à l'origine des identifications identitaires en milieu rural.

L'ouverture du champ d'accès aux ressources foncières en milieu rural préconisée par les pouvoirs coloniaux et post-coloniaux qui devrait permettre une homogénéisation identitaire donne lieu à Aboudé Mandéké à une forte ségrégation interethnique souvent marquée par des violences communautaires. Les raisons de cette contradiction méritent donc d'être connues.

En outre les spécialistes du monde rural sont unanimes sur une instrumentalisation politique de l'identité ethnique en milieu rural (Babo A 2006)4(*). Cependant les éléments concrets qui favorisent cette manipulation ethnique restent peu élucidés.

Pourquoi les autochtones et migrants se reconstruisent- ils différemment alors que les dispositions égalitaires d'accès aux ressources des politiques administratives présupposent une homogénéisation sociale ?

Selon Durkheim5(*), expliquer un phénomène social, c'est en rechercher la cause efficiente. Notre étude vise ici à montrer les raisons fondamentales de ces pratiques de démarcation des entités ethniques dans le cadre restreint du village d'Aboudé Mandéké.

Ces observations qui s'opèrent à partir de la mise en oeuvre de l économie de plantation pendant la période coloniale à nos jours sont fondées sur quatre grandes hypothèses d'explication des séparatismes identitaires.

Les fondements historiques de la différenciation, la base idéologique, le cadre institutionnel et les enjeux économiques.

I-1 Les fondements historiques de la différenciation sociale en milieu rural.

La Côte d'Ivoire est caractérisée par une diversité ethnique et culturelle liées aussi bien à son peuplement autochtone qu'aux migrations étrangères héritées de l'histoire coloniale.

Ø Les divisions ethno-régionales comme modèle d'occupation du territoire.

La Côte d'Ivoire est le point de contact de quatre principaux groupes ethniques issus d'aires culturelles et géographique différentes. C'est un carrefour où se rencontre les grandes civilisations de l'Ouest africain.

Les voltaïques qui sont : les sénoufo, installés entre les deux groupes malinké, les Koulango et les lobi qui se succèdent ou cohabitent dans le Nord et le long des frontières Burkinabé et Guinéenne.

Les malinké qui viennent primitivement des bords du Niger sont divisés en deux parties : l'une au Nord-ouest occupe la région d'Odienné et l'autre est à l'Est de l'axe routier Niakara-Ferké appelé communément groupe Dioula. A l'ouest, sous le groupe malinké, sont repartis les Mandé sud qui sont les dan ou Yacouba, les Gouro ou Kouéné et les Gagou.

Les krou dans le sud-ouest viennent du Libéria anglophone. Ils englobent les Guéré, les Wébè, les Gnaboua, les Neyo, les Bété, les Godié ainsi que les Dida.

En fin les Akans subdivisés en Akan lagunaires et Akan de l'intérieur sont : les lagunaires, arrivés en plusieurs vagues du Ghana et reunit plusieurs sous groupes dont les Ali, Fanti, Ebrié, Abouré, Attié, Abè, Abidji, et les Krobou. Pour ceux de l'intérieur venus plus tard et essentiellement regroupés dans les régions centre ou les Baoulés font frontière avec les Gouro à l'ouest et les Agou au sud et le long de la frontière ghanéenne depuis Bondoukou jusqu'à Aboisso.

Comme on le voit ces données historiques de la répartition spatiales des ethnies en Côte d'Ivoire préfigurent une différenciation identitaire en milieu rural. Et cela semble être appropriés et exploités par les consciences individuelles et collectives aux fins d'identification sur tout que ces entités ethniques ne sont pas closes. Etant donnée, la fluidité relative des frontières ethniques et vu le brassage interethnique à la suite des flux migratoires, les différences de pratiques et de comportements doivent-elles s'expliquer par les différences d'appartenance ethno régionale.

Ø Les effets de la mobilité spatiale.

· Les migrations internes

Les migrations internes sont très souvent motivées par des raisons d'ordre économiques et de recherche de bien être. Aussi les populations à l'intérieur du pays s'orientent-elles en fonction des potentialités économiques des différentes régions ; c'est ainsi que la mise en oeuvre de l'économie de plantation dans la boucle du cacao (le sud-Est notamment) va donner lieu à des courants migratoires en provenance des régions Nord et Centre.

Entamés depuis la période coloniale, les migrations interrégionales se maintiennent après la deuxième guerre mondiale et surtout celles du centre et du sud vers l'ouest. A cette époque, on assiste également au développement des mouvements migratoires sénoufo et malinké vers toutes les régions ivoiriennes propices à la pratique des cultures d'exportation et du commerce urbain. Après l'indépendance de la Côte d'Ivoire et tout particulièrement avec la mise en oeuvre des grands projets de développement comme l'autorité pour la région du Sud - Ouest (ARSO) et l'autorité pour l'aménagement de la vallée du Bandama (AVB) à partir de 1968, ces mouvements vont s'accentuer.6(*)

Dans le département d'Agboville, c'est à partir de 1950-1951 que la région voit affluer les Baoulés et les Agni venus s'ajouter aux Dioula déjà installés aux cotés des autochtones. Contrairement à ces derniers les Baoulés et Agni se sont établis dans les campements à la recherche de forêts à défricher. Cette période coïncidant avec les hauts cours du café.7(*)

Comme ont le voit, la migration interne a pu rassembler dans les zones pionnières de l'économie de plantation divers groupes ethniques ayant des pratiques socioculturelles distinctes, ce qui préfigure une différenciation sociales liées aux sentiments individuelles et collectif d identifications.

· Les migrations externes

Cette forme de migration vers la Côte d'Ivoire a commencé véritablement avec la mise en valeur des ressources du pays par la métropole. Cette mise en valeur va nécessiter une main d'oeuvre abondante. En vue de satisfaire ces besoins en main d'oeuvre, différentes mesures ont été prises pour favoriser la migration externe et particulièrement celle des voltaïques et de l'ancien Soudan (Mali).

D'abord en 1932 cinq cercles de la Haute Volta seront annexés au profit de la Côte d'Ivoire, ce qui ne change rien dans le mouvement migratoire des ressortissants de ces contrés vers la basse Côte d'Ivoire. Dans ce cadre, il sera instituée par le gouvernement provisoire Français la même année la réquisition obligatoire remplacée après son abolition par le SIAMO (syndicat inter -professionnel pour l'acheminent de la main-d'oeuvre) dont les activités permettrons de recruter 59000 personnes en 1952.

Cette migration étrangère va continuer et s'accroître au-delà de l'indépendance de Côte d'Ivoire et des pays d'origine des migrants. En 1975 les populations issues de la migration externe représentent 22% de la population totale pour atteindre les proportions connues à ce jour dont 51,5% des migrants sont Burkinabé, 23,50% maliens et 7 ,4% Guinéens8(*) qu'on retrouve principalement dans les zones rural d'économie de plantation. On trouve ainsi dans ces zones des entités venues de divers horizons chacune ayant sa pratique culturelle propre, semblable à celle de sa société d'origine.

Ces observations laissent penser que la différenciation entre autochtones et migrants provient de cette différence de culture d'origine. Tout se passe comme si chaque migrant se déplaçait avec son arsenal culturel qu'il redéploie dès son établissement.

Cependant par quels mécanismes sociaux la diversité culturelle reproduit-elle la différenciation ? 

A Aboudé Mandéké, les Burkinabé, les Maliens ainsi que les Dioula sont établis au sein du village pendant que les Baoulé et Agni sont principalement sédentarisés dans les campements bien que ces derniers soient issus du groupe Akan tout comme les Aboudé. Et les propos tels « eux, c'est un peuple de campement » attestent des rapports distants qu'ils entretiennent avec les Aboudé. Ce qui sous-entend que la différenciation interethnique ne tient pas uniquement aux processus historiques d'établissement des groupes,mais elle a des origines idéologiques.

I - 2 La base idéologique de la différenciation

L'identité nationale de Côte d'Ivoire selon Dozon JP (1997)9(*) s'est largement faite autour de l'économie de plantation. La problématique de la différenciation autochtone migrant est intimement liée à la question récurrente des revendications autochtones à l'égard d'une politique coloniale de construction identitaire sur fond de disqualification de l'autochtone et de valorisation de l'allogène. En effet, pour le colonisateur, la région forestière regorgeait autre fois de nombreuses opportunités naturelles.

Cependant, les habitants de ladite région possédaient des attributs tout à fait contraires à ses yeux. Selon le classement colonial, cette région était occupée par des « peuplades » jugées primitives et parfaitement arriérées, surtout à l'ouest ou le colon considérait que les pratiques « anthropophagiques » sacrificielles et fétichistes n'étaient pas compensées comme au centre et à l'est par des activités commerciales. Pour résoudre ce hiatus entre une région potentiellement riche et des populations réputées primitives le colonisateur eut recours à ces propres préjugés et considérait que les gens du Nord, particulièrement les Malinké ayant une forte tradition commerciale devraient en grand nombre migrer vers le sud. En plus des Malinké, les Sénoufo devraient être aussi amenés à migrer par ce qu'il étaient considérés comme de « solides cultivateurs »  et constituaient une main d'oeuvre agricole. L'Etat colonial organisa d'autant mieux l'implantation des Baoulé, des Sénoufo, des Dioula et des migrants étrangers présents dans ces forêts10(*).

Bref au moment où se constituait la Côte D'Ivoire en tant qu'entité géographique, la région sud fut l'objet d'une disqualification de ses autochtones et d'une valorisation des migrants.

La réaction à cette politique marginalisant de l'Etat colonial suscite dès les années 1930 la création de l'ADIACI qui incarne une sorte de conscience nationale de revendication à l'égard des étrangers et surtout à l'égard des Dioula et des baoulé qui ne se satisfaisaient plus de leurs activités commerciales ou leur rôle de main d'oeuvre, mais s'appropriaient selon l' ADIACI les terres des autochtones.

Comme on le voit l'identité ivoirienne s'est nouée autour du rapport à l'allochtone et à l'étranger11(*). Ce qui présuppose la différenciation entre autochtones et migrants dans les régions forestières, surtout que cette logique coloniale à été reconduite avec l'avènement de l'administration post-coloniale qui à permis et favorisé l'implantation des Baoulé au détriment des autochtones dans les zones d'économie de plantation12(*). Ainsi donc l'idéologie d'une autochtonie spoliée qui prévalait au moment de la mise en oeuvre de l'économie de plantation a généré des méfiances interethniques qui se sont soldées par des pratiques de différenciation et d'exclusion de l'autre.

Outre cette différenciation fondée sur l'idéologie de l'autochtonie, on assiste avec l'ouverture du marché politique à une différenciation fondée sur une recomposition de l'espace sociopolitique pendant l'occupation du territoire ivoirien. On a assisté en effet à la formation de grandes aires culturelles qui ont étaient exploitées depuis l'ouverture politique. Cette ethno- régionalisation qui se fait autour des leaders est le produit d'un travail politique. On assiste alors à la formation de trois ethno-régions à savoir la coalition Akan autour du pouvoir d'Etat pendant le règne du PDCI-RDA, la coalition autochtone qui regroupe les populations d'origine des zones de l'économie de plantation supposé spoliée par l'administration et favorable au FPI et à son président et enfin l'union sacrée du Grand Nord qui a manifesté sa solidarité à Alassane Dramane Ouattara suite à l'entrée de celui-ci en scène politique consacré par la création du RDR13(*) .

Comme on le voit l'idéologie de l'autochtonie se superpose sur une idéologie politique de division ethnique. Ce qui accroît les sentiments d'inégalité de disqualification qui produisent la différenciation sociale en milieu rural comme c'est le cas à Mandéké.

L'idéologie aurait certes créé des sentiments de frustration des autochtones, mais les propos du genre « le krobou, c'est une ethnie à part, la seule qui soit venue du ciel (......), il faut la préserver » attestent d'une logique bien différente. Elle s'apparente à celle d'un désire de construction identitaire fondée sur la supériorité imaginaire des krobou. Et cela est matérialisé dans la structuration des rapports.

Mais quels sont les matériels symboliques de ces idéologies?

I - 3 La base institutionnelle de la différenciation interethnique.

· Le tutorat : institution traditionnelle d'intégration des migrants comme élément de différenciation sociale.

Selon Chauveau14(*) le tutorat correspond à une « convention agraire » caractéristique de l'économie morale des sociétés Ouest-africaines, il est matérialisé par un ensemble de cérémonies (libations et incantation) effectuées par le propriétaire de la terre aux ancêtres aux quels il confie le travail de « son étranger » en lui cédant une portion de terre aux contours flous ; tout en ayant à l'esprit de conserver une certaine maîtrise foncière associée aux autels de la terre mère. Le tutorat a ainsi permis l'installation des premières générations de migrants qui bénéficiaient des surfaces de culture sans contre partie matérielle.

Cependant avec la pression foncière à travers le refus d'aliénation des terres par les autochtones les rapports de tutorat se renouent autour des rapports de reconnaissance manifeste soit par la subordination rituelle soit par la subordination administrative vis-à-vis du village tuteur.

En plus avec la pression foncière également et l'accélération des vagues migratoires après les indépendances, les cessions de terre ralentissent fortement et les autochtones par le biais du tutorat adoptent de nouvelles stratégies d'allocation de terre aux étrangers. Dans ces condition les migrants sont de plus en plus installés loin de la propriété du tuteur qui procède a la mise en oeuvre d'espace virtuellement occupés15(*). Or cette situation de mise à l'écart profitait au migrant qui se voyant isolé recréait un espace sociopolitique semblable à celui de la société d'origine et poussait les défrichements au-delà des limites qui lui avaient été fixées par l'autochtone16(*).

Le tutorat a donc contribué à la mise en oeuvre de la différenciation sociale à travers les modes d'établissement sur fond de méfiance et de distanciation avec les migrants.

En raison de ce climat de suspicions les autochtones se réorganisent en mettant en place des institutions de gestion commune des ressources villageoises.

· Les institutions politiques de la différenciation identitaire.

En plus du tutorat la chefferie traditionnelle joue un rôle primordial dans la gestion des rapports interethniques en milieu rural. Elle incarne l'autorité au sein du village. Autre fois (au début de l'économie de plantation) la lutte pour le contrôle des institutions politiques villageoises n'impliquaient pas les migrants en raison du fait que ces derniers dépendaient moins du chef de village que du tuteur qui les hébergeait. Mais à partir des années 1990 on assiste à une modification des instances d'autorité. D'abord l'institution a vu son rôle renforcé avec l'avènement des nouvelles lois sur le foncier qui semblent redonner le pouvoir à la coutume en plaçant les chefs traditionnels au coeur des débats fonciers.

Ensuite avec l'implication de nouveaux acteurs dans la gestion foncière à savoir les cadres de la région, on assiste à l'apparition de nouvelles stratégies d'investissement dans les arènes politiques locales en s'appuyant sur les demandes jeunes au sein du village. Ils sont aussi élément de participation au pouvoir locaux souvent en compétition pour le contrôle des affaires du village, il sont de plus en plus chefs de village ou canton on parle de la « notabilisation » des cadres17(*).

Cette « notabilisation » des cadres joue un rôle important dans la mise en oeuvre de la différenciation interethnique dans les milieux forestiers ivoiriens.

A Aboudé Mandéké par exemple la chefferie est gérée par un ancien fonctionnaire. Celui-ci a élaboré dès sa prise de pouvoir un document appelé règlement intérieur et code de conduite de la population d'Aboudé-Mandéké ayant pour objectif la formalisation des normes coutumières applicable a tous les individus vivant dans le village. Ce code qui aborde tous les aspects de la vie au sein du village, redéfinit les rapports interethniques en disqualifiant les migrants non seulement de la gestion des affaires villageoises mais aussi en limitant leur accès à certaines ressources locales. Ces mesures de redéfinition identitaire prennent leurs origines dans les crises successives qu'a connues le monde rural depuis l'avènement du multipartisme et l'ouverture du débat politique sur fond de malaise économique.

A Aboudé - Mandéké également la différenciation interethnique est observable au niveau de la répartition spatiale des groupes, dans le mode d'organisation et de structuration au sein de ces espaces sociaux.

Cependant les processus de stigmatisation et d'exclusion semblent assez récents selon les discours des acteurs « Nous avions toujours entretenus de bons rapports jusqu'en 2000 où on a commencé à nous demander de rentrer chez nous (....) »

En outre les Baoulé et Agni qui reviennent s'installer au sein du village entretiennent des rapports distants avec les Aboudé malgré les nombreuses « similitudes culturelles » entre eux et les krobou.

Par ailleurs, la discrimination de l'espace comme motif de différenciation laisse perplexe puisque de nombreux Krobou notamment les jeunes partagent avec les Baoulé, Agni Gouro et maliens, le nouveau quartier où les habitats sont socialement disqualifiés.

La différenciation est-elle donc le produit des institutions sociales ?

Cela supposerait que ces institutions aient un contrôle effectif sur les individus et groupes. Comme le soulignent certains autochtones « nous comptons sur le bon sens de chacun pour l'application de nos règlements. Sinon nous n'avons aucun moyen de coercition. La chefferie et ses textes, c'est de nom qu'ils existent »

I - 4 Les enjeux économiques de la différenciation interethnique en milieu rural.

Au début de l'économie de plantation l'accroissement démographique a travers l'accueil des migrants était un moyen pour les groupes locaux de garantir l'autonomie de leurs cités et une compétition s'instaurait entre les autochtones afin de gagner l'ascendant démographique sur les villages voisins18(*). Mais très tôt ces enjeux démographiques qui opposaient les autochtones se déclinent en enjeux économiques opposant désormais les autochtones aux migrants. En effet avec la pression foncière, un climat de suspicion réciproque s'installe entre autochtones et migrants. Les premiers accusent les Dioulas et Baoulé d'outre passer leurs rôles respectifs de commerçants et de fournisseurs de main d'oeuvre pour s'investir dans la création de plantations et les seconds de reprocher aux autochtones le refus de céder des surfaces non exploitées. Mais parallèlement se développait un marché informel de commerce de terres malgré les mots d'ordre d'interdiction de vente de terre à partir des années 1960. Ainsi dans le département d'Agboville, le prix a l'hectare a évolué de 5000f CFA vers la fin des années 1950à à plus de 150000f CFA dans les années 198019(*).

A Aboudé-Mandéké cette situation a permis l'enrichissement de nombreux chefs de famille Aboudé qui ont ainsi « bradé leurs terre à de vils prix ».

Ensuite avec l'arrivée massive des migrants, les autochtones ressentent une prédominance démographique et procèdent à une reconfiguration spatiale des migrants qui seront regroupés sur un site éloigné du noyau villageois à ce propos certains allogènes affirment  « quand on nous envoyait ici on était comme dans un campement ». En les regroupant sur un site les migrants n'agissent plus individuellement par le canal de leurs tuteur, leur participation aux projets de développement du village est désormais collective et plus important qu'auparavant.

En plus de ce caractère d'intérêt communautaire des enjeux économiques de la différenciation identitaire, ces derniers s'expriment également au niveau interindividuel à travers des antagonismes et des conflits. Mais si les enjeux économiques devraient être tenus comme principaux motifs pour justifier la différenciation Aboudé - migrants ces processus devraient autant concerner les membres d'une même famille Aboudé où les lutes pour le contrôle du patrimoine foncier familiale font souvent objet d'affrontements violents à caractère fratricide. Les enjeux économiques sont donc certes déterminants mais n'expliquent pas à eux seuls les raisons qui poussent les autochtones à entretenir avec les migrants des rapports de distanciation.

Vu l'impertinence de l'ensemble des observations ci-dessus notre étude s'articule autour de la question centrale suivante :

Quelles sont les logiques sociales qui sous-tendent les rapports de différenciation autochtones-migrants à Aboudé Mandéké ?

Cette dernière appelle d'autres interrogations subsidiaires à savoir :

La différenciation entre autochtones et migrants a-t-elle un lien avec les idéologies de l'autochtonie développée à travers le processus historique de construction des groupes ethniques ?

Quelles sont les ressources structurelles et symboliques de la différenciation entre Aboudé et migrants à Aboudé Mandéké et quel est leur impact réel dans le processus de différenciation ?

En quoi le contexte institutionnel d'expression des rapports interethniques reproduit les inégalités d'accès aux ressources et selon quels enjeux spécifiques ?

II - REVUE DE LITTERATURE

L'analyse de la différenciation interethnique est inscrite dans la problématique générale des phénomènes migratoires en Côte d'Ivoire. La mise en oeuvre des séparatismes identitaires dans les zones d'accueil rurales d'économie de plantation a été examinée par différents spécialistes de la question ethnique en milieu rural selon les hypothèses suivantes : Les données socio-historiques comme origine des rapports de différenciation interethnique , les conceptions idéologiques de ségrégation ethnique , le cadre institutionnel comme structure matérielle de production de la différenciation sociale.

II - 1 L'origine historique des rapports de différenciation interethnique.

· Du « multiculturalisme » séculaire des populations de l'AOF.

Pour Dieudonné O20(*)., l'AOF est un espace de contact et d'échange ou la ségrégation ethnique perdure depuis des siècles. En effet, selon cet auteur à la bipolarisation des peuples de cette zone en éleveurs/agriculteurs, s'ajoute le clivage religieux qui érode l'homogénéité des groupes. Ainsi, on a le nord partagé entre agriculteurs et éleveurs de religion musulmane car venus de l'Afrique du Nord depuis le Xe siècle, ceux-ci ont pu atteindre cette région après avoir traversé le Sahel. Par contre, au Sud on a les agriculteurs forestiers de religion chrétienne dû au fait que le christianisme a été introduit à travers la côte de l'Océan Atlantique à partir du XVe siècle à la faveur du grand commerce maritime et surtout de la colonisation. A travers les analyses de cet auteur nous percevons les fondements historiques de la différenciation opérée entre d'une part les populations venues du Nord et les pays limitrophes au Nord et celles du Sud forestier. En effet, si le peuplement de la Côte d'Ivoire s'est fait à travers l'arrivée de quatre principaux groupes communautaires à savoir les Voltaïques, les Mandé, les Krou et les Akan, les scissions selon les représentations ou les idéologies se font généralement sur les oppositions sudistes, nordistes, gens de forêt/gens de savane ou encore chrétiens/musulmans. A Aboudé Mandéké, cette logique d'opposition qui alimente les débats et les conflits autochtones/migrants. Les autochtones assimilant à« étranger» toute personne de religion musulmane originaire de cette partie septentrionale du pays. Ils justifient cela en affirmant que les communautés sont « identiques », « indifférenciables » ou « indissociable ». Bien qu'intéressante pour notre étude, cette analyse exprime-t-elle la réalité actuelle des processus de différenciation en cours à Aboudé Mandéké ?

En fait, elle n'inscrit pas la différenciation dans un cadre étroit des rapports pouvant conduire à une étude empirique. Or les rapports Aboudé-migrants tels que nous les observons, prennent leur origine dans le développement de l'économie de plantation.

· La différenciation comme produit de l'évolution de l'économie de plantation et du processus d'intégration des groupes.

La mise en oeuvre de l'économie de plantation s'est faite avec la participation de deux formes de migration à savoir, la forme interne qui a vu le déplacement des groupes tels les Senoufo ; Malinké ou Dioula et les Baoulé venus des régions Nord et Centre et la forme externe avec l'arrivée des migrants des pays limitrophes au Nord à savoir le Mali, le Burkina et la Guinée.

Les processus migratoires entamés depuis la période coloniale ont eu pour conséquence une reconfiguration des ethnies des zones rurales du Sud qui a eu pour corollaires la déstructuration et la restructuration des rapports sociaux.

Plusieurs auteurs se sont intéressés à l'analyse des processus d'intégration des migrants dans les zones d'accueil. Ainsi, Chauveau J.P et Richard J21(*) observent une différenciation interethnique liée aux stratégies d'accès aux ressources socio-foncières à travers l'étude de l'Organisation socio-économique Gban et économie de plantation. Pour eux, l'autochtone ou le« propriétaire terrien», du fait de son statut de premier venu dispose au début de vastes réserves forestières contrôlées généralement par des aînés de famille. Ainsi à partir des années 1946, les migrants présents dans les zones d'accueil se différenciaient selon les activités qu'ils exerçaient à savoir, les Dioula pratiquaient le commerce pendant que les Bété et Baoulé s'adonnaient à la culture arbustive. Mais, selon ces auteurs avec l'arrivée massive des migrants d'origine étrangère, une seconde forme de différenciation s'établit sur la base de la nationalité en rapport avec le statut socio-économique. En effet, les Burkinabé qui viennent s'offrir en manoeuvres agricoles sont maintenus dans cette position à la fois par les autochtones et les allochtones à travers de stratégie de restriction d'accès aux ressources foncières.

Cette analyse nous révèle les raisons fondamentales à l'origine de la différenciation fondée sur la nationalité. Par ailleurs, abordant dans le même sens, Schwartz A, Martinet F. et al22(*) examine l'aspect temporel comme facteur de différenciation. A ce propos ils soutiennent que la date d'arrivée des migrants conditionne leurs liens avec les autochtones. Pour eux, les migrants peuvent être divisés en trois générations :

La première qu'ils nomment les véritables pionniers sont en contact direct avec les autochtones Bakwé qui leur ont octroyé par générosité de vastes surfaces de culture.

La deuxième génération de migrants est accueillie par la première qui procède à leur présentation aux autochtones avant de les installer.

Enfin la troisième génération est coupée de tous liens avec les autochtones car cette dernière a pu s'établir grâce à leurs prédécesseurs qui leur ont trouvé des terres à cultiver sans contenter leurs tuteurs.

En outre, ils affirment que cette situation est rendue possible grâce à la reproduction par ces premiers migrants d'une organisation sociopolitique fortement hiérarchisée semblable à celle de la société d'origine. Tout comme les précédentes, cette analyse nous donne les raisons qui sont à l'origine des processus de différenciation interethnique en milieu rural.

Enfin, toujours concernant les modalités d'intégration socio-économique des migrants, Charléard J.L23(*) .observe tout comme ses prédécesseurs une différenciation sociale liée à la période d'arrivée, à la nationalité  ou à l'appartenance ethnique du migrant. En effet, selon lui, les groupes ethniques migrants ont différemment eu accès à la terre au moment de leur établissement et cela détermine leurs relations avec les autochtones.

Les Baoulé arrivés dans les années 1950 ont eu la terre par le biais des pratiques coutumières de générosité de leurs hôtes Abbey. Ils préfèrent pourtant s'établir dans des campements où la terre à déficher est assez disponible.

Par contre, les Dioula sont pour la plupart acheteurs de terre malgré leur présence plus ancienne puisqu'ils étaient pour la majorité commerçants. Ils préfèrent résider au sein du village pour poursuivre leurs activités économiques.

Les burkinabé ont un accès assez limité à la terre parce qu'ils sont maintenus dans une position de fournisseur de main-d'oeuvre salariée.

Comme on le voit les rapports de différenciation interethniques ont une origine liée au processus historique de développement de l'économie de plantation. Les modalités d'établissement des groupes ethniques sont à l'origine de la différenciation interethnique en rapport avec la nationalité et l'origine ethnique.

L'analyse de Charléard, tout en confirmant les précédentes permet de saisir les implications de ces processus notamment au niveau de la « structuration de l'habitat et des activités sociales entièrement distinctes ».

Cependant, bien que restituant l'ensemble du processus de production de la différenciation interethnique à travers le développement historique de l'économie de plantation, des études qui se situent essentiellement dans les décennies 1950 à 1980 ne peuvent rendre compte de l'ensemble du processus évolutif de la question de la différenciation interethnique en milieu rural. En effet, l'actualité des rapports interethniques en milieu rural soulève la question récurrente des conflits interethniques qui auraient pour origine certaines idéologies discriminatoires à l'égard des autochtones.

II - 2 Idéologies et aspects symboliques de la différenciation interethnique

L'aspect historique de la différenciation sociale nous a permis à travers l'analyse de certains auteurs de comprendre l'évolution et l'ampleur du problème à travers le processus historique de l'économie de plantation. Mais au-delà de ces explications liées au mode d'évolution des enjeux économiques entre acteurs, il existe des raisons idéologiques telles la disqualification de l'autochtonie comme élément explicatif des rapports interethniques de différenciation entre autochtones et migrants dans les zones d'accueil rurales.

Selon Dozon J.P.24(*), au moment où se constituait la Côte d'Ivoire en tant qu'entité géopolitique, la région forestière fut l'objet à la fois d'une disqualification de l'autochtone et d'une valorisation de l'allochtone du Nord et de l'auxiliaire africain non ivoirien par le colonisateur. Et il ajoute que c'est en réponse à cette frustration que l'ADIACI vit le jour vers dès les années 1930 pour d'une part corriger l'image globalement négative du peuple de la forêt et d'autre part, forger l'autochtonie afin d'en devenir le porte-parole ou l'avant-garde en éveillant la conscience nationale.

Ainsi l'identité ivoirienne selon lui s'est précisément nouée autour du rapport à l'allochtone et à l'étranger.

Cette étude nous révèle les fondements idéologiques des oppositions entre sudistes et nordistes ou encore entre peuple de la forêt et peuple de la savane. Si dès la période coloniale ,les peuples de la forêt se sont sentis marginalisés par les colons, cette marginalisation fut maintenue et renforcée en sourdine par Houphouët BOIGNY et l'administration poste-coloniale à travers des politiques de discrimination notamment le célèbre adage qui dit « la terre appartient à celui qui la cultive ».On comprend alors les comportements de méfiance manifestés par les autochtones à l'égard des migrants depuis les années1950 qui ont vu une accélération des migrations dans la moitié sud de la Côte d'Ivoire .

Cependant, si cette étude nous éclaire sur l'idéologie principale à l'origine les pratiques de différenciation, elle ne nous permet pas de saisir les traductions symboliques de cette idéologie dans pratiques économiques entre autochtones et migrants dans le cadre de l'économie de plantation. En d'autres termes comment cette idéologie a-t-elle accompagné le processus d'intégration des migrants et les rapports de production entre migrants et autochtones ?

Chauveau J.P. et Richard J25(*)nous fournissent des éléments d'explication sur ce point dans l'Organisation socio-économique Gban et économique de plantation. Pour ces auteurs, l'opposition autochtones/allochtones trouve ses racines dans les rapports que chacun de ces groupes entretient avec la terre. Il y aurait selon eux une différence de rationalité supposée entre ces deux groupes qui les pousse à adopter des pratiques distinctes. Ils estiment que les autochtones sont les plus souvent présentés négativement comme n'étant ni de véritables propriétaires ni de véritables paysans. Il suffirait d'observer la facilité selon laquelle ils aliènent leur patrimoine foncier et la négligence avec laquelle ils entretiennent la source dans leurs revenus.  Cela témoignerait de la faiblesse de leurs liens à la terre et le sens de la valeur qu'elle représente pour eux.

Cette analyse nous permet.de comprendre comment les acteurs interprètent leur propre situation pour bâtir le mur de la différenciation interethnique. En produisant des discours sur l'irrationalité économique des autochtones, ces derniers se sentent marginalisés et adoptent des comportements de méfiance et même de mépris pouvant conduire à des conflits entre ces groupes.

Cependant, peut-on fonder des différences interethniques sur le simple rapport à la terre ?

L'auteur lui-même, en concluant la séquence a estimé que la distinction entre autochtone et allochtone ne saurait être pertinente pour rendre compte de la dynamique de l'économie de plantation puisqu'il y a en réalité une diversité interne à chaque groupe. Et cela se traduit bien à Aboudé Mandéké car les rapports internes sont plus différenciés que ceux que l'ensemble des migrants entretiennent avec les autochtones .Ainsi, les Baoulé, les Agni et les Gouro d'une part et les Malinké d'autre part ont autant de traits culturels divergents qu'ils semblent avoir plus de compatibilité avec les Krobou dont ils ont appris la tradition que les autres migrants. Cela se traduit d'ailleurs dans l'organisation structurelle de ces différents groupes.

Nous nous intéresserons également aux oppositions internes des groupes. En effet, les allochtones dont les principales communautés sont les Malinké, les Agni, les Baoulé et les Sénoufo sont distinctement organisés à Aboudé Mandéké. D'un côté les Baoulé et les Agni, de tradition Akan semblent avoir au niveau des pratiques culturelles de nombreuses similitudes avec les Krobou.

Par contre, les Malinké et les Sénoufo originaires du Nord sont généralement assimilés aux allogènes burkinabés, guinéens et maliens avec qui ils partagent l'héritage historique des «gens de la savane». Cette bipartition idéologique construite sur les rapports historiques se concrétise dans la structuration des relations entre ces groupes.

Comment fonctionne le captage des identités ethniques dans l'arène villageoise ?

En d'autres termes, comment une foi parvenus dans les localités d'accueil les groupes migrants parviennent-ils à produire des identités pluriethniques ? Cela conduit à examiner le processus d'organisation structurelle et les enjeux symboliques de la différenciation.

II - 3 Aspects structurels et symboliques de la différenciation identitaire

Les analyses précédentes ont mis l'accent sur le processus historique et idéologique et de la mobilisation ethnique. Cette séquence sur la structuration symbolique des rapports interethniques met l'accent sur les modalités d'ancrage de ses idéologies et leurs traductions symboliques. Selon Martinet F. et Schwartz A. et al, le fait marquant chez les sociétés «migrantes» est la persistance des structures familiales de production.

Ensuite, en évoquant l'organisation des communautés ils distinguent le dioula du baoulé.

Pour eux, au sein des deux grands groupes Dioula et Baoulé, ils distinguent une hiérarchisation qui contribue à éloigner l'immigrant des véritables maitres de la terre. Ainsi, dans le système baoulé le nouvel arrivant est placé assez loin des précédents afin de réserver l'espace interstitiel qui sera progressivement comblé avec l'arrivée de nouveaux migrants baoulés. La stratégie étant d'occuper le plus d'espace possible. Dans le système dioula par contre, l'implantation se fait en «tache d'huile» autour de campements numériquement très importants. Cette stratégie restreint les marges de manoeuvre du nouvel arrivant et est souvent source de conflits entre migrants.

Cette analyse nous permet de comprendre en quoi la reproduction de la société d'origine participe à la différenciation interethnique. Les stratégies d'occupation de l'espace propres à chaque groupe ethnique leur permettent de s'établir en traçant des frontières géographiques culturellement délimitées ; l'analyse semble cependant faire des groupes ethniques, des entités closes.

A Aboudé Mandéké, par exemple les campements allochtones sont multiethniques. Ce sont généralement des espaces où l'on rencontre à la fois les allochtones, les allogènes et même parfois les autochtones.

Comment se construisent alors les rapports interethniques dans ce nouveau contexte ?

Et comment se maintiennent les rapports de dépendance autochtones-migrants ?

En d'autres termes, comment les autochtones entretiennent ils les relations de tutorat avec les migrants aussi bien au sein des campements allochtones qu'au sein du village noyau ?

A ce sujet, les auteurs du dynamique pionnier évoquent le rôle joué par l'administration. Pour eux, l'administration reconnaît les autochtones Bakwé comme les vrais maîtres de la terre. Ainsi, elle installe dispensaires et écoles dans les villages autochtones et non dans les campements allochtones dix fois plus importants. Ensuite, elle procède à un regroupement des villages Bakwé et « toutes discussions concernant l'avenir de la région ont lieu dans les villages ; les campements étant tenus d'envoyer des représentants ».

Comme on le voit, la différenciation interethnique ne saurait tenir aux seules idéologies transmises à travers l'histoire. Elle est traduite dans des structures qui convertissent les idées en actions concrètes de différenciation.

Par ailleurs, ces analyses ne mettent pas l'accent sur les rapports autochtones-migrants au sein des espaces collectivement partagés puisque certains migrants résident t volontiers au sein des villages autochtones comme l'indiquent Chauveau J.P et Richard J26(*). Selon ces derniers, « planteurs dioula et voltaïques résident volontiers dans le village hôte où ils constituent des quartiers distincts. Mais avec lesquels des relation de voisinage existent alors que les baoulé préfèrent s'installer dans des campements isolés qui deviennent peu à peu de véritables villages autonomes, chose qui ne facilitent pas les contacts avec les autochtones ».

Cette étude toute comme la précédente nous indique que la différenciation autochtones-Baoulé relève de la stratégie d'implantation de ces derniers. Mais contrairement à la précédente, ces auteurs éclairent à la fois sur les logiques internes et externes des processus de différenciation interethnique et leur implantation.

En examinant le mode de structuration des rapports différent selon les groupes, ils estiment que chacun de ces modes détermine un degré de lien particulier avec les autochtones. Ainsi, les Baoulé entretiennent du fait de leur choix de positionnement géographique, des rapports conflictuels et distants avec les autochtones qui se traduisent à travers l'agrégation des campements Baoulé en véritables villages et leur séparation avec les villages hôtes. Ce qui génère de façon permanente des litiges de limite de champs ou de redevance.

A l'opposé, il semble que les voltaïques du fait de leur option bénéficient d'une intégration plus grande dans les sociétés autochtones car lorsqu'ils ne sont pas employés en permanence par un planteur où ils résident dans sa cour ou dans son campement, ils vivent dans un quartier du village qui leur est réservé où résident les travailleurs sans terre et propriétaires de plantations.

Les Dioula occupent une «position intermédiaire» par rapport aux baoulé et voltaïques en cumulant les deux modes de résidence. Cela relèverait de l'hétérogénéité interne de ce groupe.

Comme on le voit, la structuration de l'espace qui relève d'un choix stratégique du migrant, détermine le degré des rapports entre autochtones et migrants.

L'analyse de ces auteurs montre ici une contradiction de ce processus d'intégration des groupes migrants. Si les Baoulé et les Dioula semblent bénéficier d'un accès plus facile à la terre par rapport aux voltaïques tenus volontairement à l'égard par les nationaux comme l'ont montré les analyses précédentes, le processus d'intégration fonctionne dans le sens inverse puisque les voltaïques entretiennent des rapports plus étroits et plus harmonieux avec leur hôte que les allochtones. On pourrait dire alors que plus l'accès des migrants à la terre est facile moins ils sont intégrés au sein de la société d'accueil. Mais cela est-il vraisemblable puisque les rapports autochtones-migrants se tissent autour des valeurs collectivement partagées et les acteurs individuels ou collectivement s'unissent ou se distinguent en fonction de la situation ou des intérêts en jeux.

En somme, si ces analyses font du mode de structuration des rapports autochtones-migrants le point de départ de la différenciation interethnique, elles ne nous disent pas le contexte dans lequel évoluent ces rapports. En effet, ces études font l'état des lieux de la situation des différents groupes migrants par rapport aux autochtones mais elles n'éclairent pas sur le devenir probable des rapports en fonction de l'évolution du cadre institutionnel.

A Aboudé Mandéké par exemple, autochtones, voltaïques et Dioula (Sénoufo et Malinké) se sont établis aux côtés des Krobou au sein du village hôte contrairement aux baoulé et Agni qui étaient installés principalement dans les campements. Mais de nos jours on assiste à un retour de ces derniers au près de leur hôte ainsi qu'à l'implantation des Dioula et voltaïques dans les campements Agni ou Baoulé.

Comment en est on arrivé là et quels types de rapports ces derniers entretiennent-ils avec les autochtones ?

Cette relation a-t-elle un impact sur les relations autochtones- voltaïques ou autochtones-dioula ?

Les analyses suivantes nous fournissent des éléments de réponses à ces questions.

II - 4 Cadre institutionnel et évolution des rapports interethniques

Les analyses précédentes ont mis successivement l'accent sur les dimensions historiques et idéologiques des rapports interethniques ainsi sur le contexte et le cadre institutionnel d'expression et de structuration de ces rapports. Cela nous conduit aux analyses sur l'évolution et les transformations non seulement des systèmes traditionnels de gestion mais aussi des institutions Etatiques de gestion foncière en milieu rural.

Dans ce contexte, l'examen de Koné M27(*). nous éclaire sur l'institution du tutorat et son évolution dans un contexte de crise socio-économique. Pour l'auteur, le tutorat est une institution qui régit des droits et du dynamisme ; c'est un ensemble de règles, normes acceptées et intériorisées par les acteurs qui reposent avant sur un contrat d'hospitalité. Il a un caractère collectif et les éléments qui le structurent sont, le respect de l'obligation rituelle de reconnaissance, comme acte majeur de pérennisation de l'institution, les pratiques de corruption comme moyen d'accès à certaines ressources malgré leur prohibition ou comme moyen de règlement de certains litiges et enfin, la menace de sorcellerie comme frein à l'ardeur des jeunes.

Ainsi, le tutorat depuis l'amorce de l'économie de plantation et du phénomène migratoire a présidé à l'accueil et l'installation des migrants dans les zones d'accueil.

Cependant, en quoi le tutorat participe-t-il à la production de la différenciation identitaire ?

Si les analyses précédentes convergent sur la facilité avec laquelle les premiers migrants ont eu accès à la terre, certains ne tardent pas à dénoncer les «conditions draconiennes» imposées dès les années 1957 dans le centre ouest par ce système traditionnel pour maintenir les migrants à l'écart (Chauveau J.P., Richard J. 1985)28(*). Le tutorat est donc à la fois une institution d'intégration et un moyen de disqualification des migrants. Mais comment évolue cette institution ? Et comment la disqualification des migrants est-elle maintenue ?

Dans son analyse sur l'évolution du tutorat, Koné M. distingue les périodes d'évolution liées au contexte sociopolitique :

- La première est celle de l'établissement des premiers migrants qui part dès le début des années 1950 à la fin des années1960. Cette période est marquée par le contexte d'économie morale de transactions foncières ;

- La deuxième est celle qui a subit de plein fouet les effets conjugués de la crise économique et celle du système éducatif. Pendant cette période, on assiste à la «monétarisation du tutorat» et la «marchandisation des relations sociales» entre autochtones et migrants - La troisième qu'on pourrait qualifier comme la conséquence de la seconde survient avec une modification des instances d'autorité dans les villages et l'émergence de pratiques innovantes au niveau des rapports socio-fonciers.

En somme pour Koné M., les rapports interethniques dans le cadre du tutorat varient en fonction du contexte politique et de l'environnement socioéconomique qui prévaut.

Cette analyse a une portée théorique majeure notamment au niveau de la structuration des rapports internes dans le cadre du tutorat. Cet apport théorique permettra dans le cadre de nos investigations empiriques de guider le processus de recherche selon les perspectives théoriques annoncées.

Malgré cette contribution à la fois théorique et empirique, l'étude de Koné M. n'explore pas tous les aspects du processus de différenciation en milieu rural. En effet, les études antérieurs ont souligné une différence d'intégration des Baoulé qui entretiennent des relations distantes et souvent conflictuelles avec les autochtones et des voltaïques qui sont fréquemment les mieux intégrés du fait de leur rôle de fournisseur de main d'oeuvre.

Cependant, les conflits interethniques en milieu rural pendant cette dernière décennie opposent le plus souvent les autochtones aux voltaïques comme ce fut le cas à Aboudé Mandéké en juin 2005 (enquête exploratoire).

Comment en est-on arrivé à cette conversion de sentiments affectifs en rapports conflictuels ?

Et comment cette réversibilité des sentiments affectifs se traduit- elle au niveau des échanges sociaux ?

Pour répondre à ces interrogations, Babo A29(*) dénonce le rôle « pernicieux » des instrumentalisations politiques des acteurs en milieu rural.

Selon cet auteur, «  dans les villages kroumen les burkinabés, les maliens et ghanéens cohabitent paisiblement avec les autochtones kroumen grâce à l'économie morale » du tutorat où de nombreux migrants ont établit des relations de parenté rituelle avec ces autochtones, à l'exception des Baoulé qui se sont maintenus à l'écart du mécanisme d'intégration locale non seulement grâce à l'appui du PDCI-RDA et de l'administration dans les années 1970 mais grâce aussi à leur organisation politique « fortement hiérarchisée »différente de celle des sociétés d'accueil.

Cependant, avec la démocratisation du champ politique la stratégie de l'opposition concourait à «réveiller» les frustrations des autochtones. Cette instrumentalisation politique conduisit d'abord à l'émergence de nombreux conflits entre autochtones et Baoulés (registre ethnique) avant de tourner aux oppositions autochtones-burkinabés (registre national).

Avant de conclure son analyse, l'auteur affirme que cette situation a engendré la mise en oeuvre de nouvelles stratégies migratoires baoulé qui consistent à retourner au sein des villages hôtes ou la pratique de la «mobilité inverse» qui consiste à revenir s'établir dans les villages d'origine.

L'analyse de cet auteur est fort contributive dans la mesure out elle permet trois éclairages majeurs dans la compréhension du processus de différenciation interethnique en milieu rural.

D'abord, confirmant les analyses précédentes sur la logique distinctive de l'établissement des Baoulés par rapport aux migrants burkinabés mieux intégrés, l'auteur contrairement à ses prédécesseurs examine les facteurs institutionnels ayant favorisés cette situation.

Ensuite, l'analyse des instrumentalisations politiques permet d'établir un rapport entre les mutations institutionnels et politiques et la production de l'ethnicité comme ressources par les acteurs pour l'action sociale. En plus, ce cadre analytique permet dans le cadre de notre étude de comprendre la réversibilité des rapports de différenciation et le contexte institutionnel de conversion de sentiments affectifs en rapports conflictueux.

Cependant, la dynamique des rapports interethniques doit elle exclusivement s'expliquer par les manoeuvres politiciennes ? En outre, l'insécurité foncière qui prédomine de nos jours à Mandéké et qui se manifeste à travers les exclusions, les disqualifications et les violences à caractère communautaire a-t-elle une origine exclusivement politique ?

Si les observations de l'auteur nous permettent de comprendre les raisons du retour des baoulé et Agni au sein d'Aboudé, elles ne nous éclairent pas sur la nature des rapports qui s'établissent entre ces nouveaux venus et les autochtones.

Quels, sont les enjeux de ces rapports de type nouveaux ?

En outre, en quittant le campement, comment se restructurent les rapports au sein de celui-ci ? Dans les campements allochtones d'Aboudé Mandéké on a constaté une forte présence allogène notamment burkinabé et malienne.

Comment allochtones et allogènes communiquent ou interagissent face aux enjeux multiples au sein des campements ?

Pour de nombreux auteurs, le politique n'a fait qu'exploiter une situation plus ancienne qui est celle de l'absence ou des ambiguïtés des modes de régulation foncière en Côte d'Ivoire depuis la période coloniale et postcoloniale.

Selon, Lavigne Delville Ph, la complexité des rapports fonciers et des conflits est due à l'existence de plusieurs systèmes dont aucun ne semble prédominant. D'une part le système coutumier est régi par une pluralité de normes non formelles à la fois flexibles et évolutives conformément à la situation qui prévaut. La gestion des ressources serait le fait des réseaux sociaux qui puisent leur légitimité dans l'antériorité d'occupation. D'autre part, le système Etatique dont les normes prennent leurs sources dans les législations coloniales. En effet, l'auteur estime que le colonisateur était motivé par un désir de domination et d'exploitation des matières premières des métropoles. Leur action a donc été de balayer du revers le système local de gestion des ressources foncières. De même, l'Etat post colonial qui a retenu l'essentiel des dispositions de cette politique coloniale les ont souvent renforcé en déclarant après les indépendances la nationalisation des terres agricoles.

A cela s'ajoute l'inexistence de véritables réglementations foncières étatiques, notamment dans les zones forestières où l'écart entre logiques coutumières et modernisme semble grand. Et pour l'auteur, « slogan such as «the land belongs to those who cultivate it'' speed up the rate of clearance both by migrants seeking to appropriate virgin fallow land and also by customary land holder using evidence of tillage to protect their right », ,30(*)

Ce qui implique comme l'ont souligné certaines études, la méfiance des autochtones envers les migrants dont l'installation leur aurait été imposée par l'administration (Babo A.). Ainsi, dans les zones d'immigration, la différenciation interethnique n'est pas uniquement le fruit des effets conjugués d'idéologies et de données historiques. Il y a une part moins négligeable du cadre institutionnel qui, lorsqu'il est flou permet aux acteurs la mise en oeuvre de stratégies en fonction de leur position sociale et de leurs intérêts. C'est pourquoi Lavigne Delville Ph., en parlant des consequences de cette situation estime que : « (...) the uncertainty about rights encourages people to take advantage of the dichotomy between the rules(...).The real problems arise not from the coexistence of different systems, but from the multiplicity of arbitration authorities whose links are unclear(...).While it facilitates change and thus plays relatively functional role rapidly evolving contexts, the confusion surrounding land rights favours powerful player particularly the political-administrative class and some local elite who are the only ones able to master the legal and administrative complexity ».31(*)

L'analyse de cet auteur nous permet de comprendre plusieurs aspects de la différenciation sociale en cours à Aboudé Mandéké. D'abord, elle nous fournit un cadre théorique supplémentaire d'étude de la différenciation interethnique en mettant celle-ci en rapport avec les antagonismes entre modernisme tradition.

Ensuite, son étude nous permet d'effectuer une analyse profonde des conflits interethniques entre Aboudé et migrants dans leurs interactions.

Enfin, grâce aux éclairages fournis par cette analyse nous examinons les législations foncières ivoiriennes en rapport avec les interprétations qu'en font les acteurs à Aboudé Mandéké.

Cependant, même quand les rapports interethniques en milieu rural semblent prédominés par les rapports fonciers, les pratiques de différenciation ne sont pas uniquement déterminées par les enjeux fonciers. Ainsi, la confusion et les conflits interethniques peuvent subsister même s'il ya adéquation entre pratiques coutumières et règles étatiques. Le problème de l'insécurité foncière ne couvre pas à lui seul le champ des rapports interethniques qui se redéfinissent selon le cadre de référence et la situation des acteurs.

Pour clore ce chapitre sur la revue documentaire, il convient de retenir que plusieurs tendances explicatives des rapports de différenciation sociale et des conflits interethniques se dégagent :

Il y a d'abord la tendance historiciste pour laquelle les rapports de différenciation sont des données historiques car liés à l'histoire du peuplement des zones forestières et savanicoles ainsi que celle des processus migratoires dans le cadre de l'économie de plantation. Cela à travers l'analyse de certains auteurs tels que Dieudonné O. et Schwartz A. al et J.L. Charléard.

Ensuite, il y a la tendance idéologique qui s'inspirant de la précédente se focalise sur les idéaux qui ont contribué à accroître la distance entre les entités ethniques. L'analyse de ces auteurs se résume au fait que les différenciations interethniques sont dues aux représentations que chacun se fait de l'autre car, selon cette idéologie lorsque les représentations que les entités se font les unes des autres sont fondées sur les suspicions réciproques, elles conduisent à l'évitement de l'autre et à l'entretien des rapports distants32(*).

En outre, une autre tendance évoque le mode de structuration des groupes. Pour elle, l'organisation structurelle des groupes détermine les rapports de différenciation car cette dernière dérive de la nature des rapports de production et de la structure intrinsèque de ces rapports.

Enfin, selon la dernière tendance, les systèmes institutionnels déterminent les rapports de différenciation interethniques dans la mesure où ils complexifient les cadres d'interprétation de ces rapports.

A travers ces analyses, nous avons ainsi perçu les différents angles sous lesquels le problème de la différenciation interethnique a été abordé par les spécialistes.

Ces analyses sur la construction de la différenciation entre autochtones et migrants en milieu rural ont certes étés pertinentes, mais elles ne rendent pas compte des logiques sociales qui sous-tendent les rapports de différenciation que les Aboudé entretiennent avec les migrants installés sur «leur territoire''. En effet si ces études ont montré les différentes tendances explicatives des rapports de différenciation entre autochtones et migrants, elles ne disent pas comment ces tendances peuvent varier dans le temps et l'espace.

A Aboudé Mandéké on constate que les rapports de différenciation évoluent avec l'évolution du cadre institutionnel dans lequel s'expriment ces rapports. On assiste également à la réversibilité des sentiments d'exclusion dans le temps, où des inclus d'une époque deviennent les exclus d'une autre époque. La compréhension de cet état de fait à Aboudé Mandéké, nécessite la mise en oeuvre d'enquête selon les objectifs clairement définis.

III - LES OBJECTIFS DE L'ETUDE

Cette étude vise à comprendre les logiques sociales qui sous-tendent les rapports de différentiation interethniques à Aboudé Mandéké.

De façon spécifique, il s'agit de :

· Décrire le contexte socioéconomique d'évolution des rapports Aboudé - migrants et les conditions spécifiques de production de la différenciation interethnique à Aboudé Mandéké.

· Identifier et évaluer l'impact des ressources structurelles et symboliques de construction de la différenciation aboudé - migrants.

· Analyser l'évolution du cade institutionnel d'expression des rapports aboudé - migrants afin de comprendre l'origine des conflits inter individuels ou à caractère communautaire.

IV - MODELE D'ANALYSE.

IV - 1 Les hypothèses.

- L'évolution du cadre institutionnel d'expression des rapports inter ethnique prédispose à la différenciation identitaire ;

- Le style d'occupation de l'espace sur fond de marquage sociaux prédétermine les processus d'inclusion et d'exclusion de certains groupes ethniques ;

- Les institutions traditionnelles de gestions villageoises constituent des ressources potentielles de disqualification et de marginalisation sociale ;

- Enfin, ces processus de construction sociale de la différenciation inter ethnique préfigurent les antagonismes sociaux et les conflits fonciers.

IV - 2 Définition conceptuelle

Dans un champ d'interactions sociales, le marquage renvoie à un processus de construction identitaire à travers des stratégies d'appropriation de l'espace. Il apparaît comme un ensemble de mécanismes d'élaboration des rapports sociaux qui concourent à l'affirmation d'un "soi collectif". Il réside dans le cadre de notre étude en l'usage symbolique des éléments socioculturels locaux à des fins de revendication du droit d'autochtonie. Il s'agit notamment de la manipulation instrumentale du tutorat, de la chefferie et de la coutume comme moyen de justification et de légitimation du droit des Aboudé au contrôle et à la gestion des espaces urbains et des terres de culture. C'est le processus par lequel se construit la différenciation identitaire. Celle-ci est un élément de la stratification sociale. C'est le processus par lequel les entités ethniques et les groupes communautaires se définissent et se distinguent les unes des autres.

A Aboudé-Mandéké, la construction sociale de la différenciation identitaire implique la production des sentiments d'inclusion, d'exclusion et de marginalisation sociale. Elle implique également la production des inégalités d'accès aux ressources socio-foncières par les Aboudé vis-à-vis des groupes migrants selon des degrés variables en fonction des différents groupes. Les variables qui permettent selon notre modèle théorique de comprendre la production de ces processus sociaux incluent l'instrumentalisation politique de la nationalité, la disqualification de l'espace habité par les migrants et les pratiques d'exclusion qui conduisent aux conflits interethniques.

La notion de production conflictuelle des rapports interethniques désigne l'ensemble des processus qui conduisent aux antagonismes sociaux interindividuels ou à caractère communautaires dans l'espace de reproduction des rapports. Cette conflictualité est nourrie par la dérégulation des rapports fonciers due à la déstructuration des liens sociaux de production engendrée par la marchandisation des relations de tutorat dans un contexte d'imprécision juridique.

V - DELIMITATION DU CHAMP DE L'ETUDE

V - 1 Champ Géographique

L'économie de plantation est très ancienne dans le département d'Agboville. Les communautés allochtones y sont installées depuis plusieurs générations et constituent une part très importante de la population. L'étude d'Aboudé-Mandéké dans la Sous-préfecture d'Oress-Krobou nous paraît significative pour plusieurs raisons :

D'abord le milieu naturel est assez représentatif de l'ensemble du département (climat chaud et humide, forêt dense, relief peu accidenté...) qui favorise la pratique de la culture marchande notamment le café, le cacao, le palmier à huile et l'hévéa, principales productions du village.

Ensuite la forte présence de divers groupes allochtones (Abbey, Attié, Baoulé, Agni, Dioula...) et allogènes (Burkinabé, Maliens, Guinéens...) regroupés dans des quartiers distincts et représentant une grande proportion des planteurs du village.

Enfin, la récurrence des conflits intercommunautaires depuis bientôt une dizaine d'années.

V - 2 Champ Social

Le champ social de cette étude est constitué par toutes les personnes susceptibles de nous renseigner ou de constituer un canal d'accès aux informations pouvant nous permettre de comprendre les processus de différenciation fondées sur les pratiques de formalisation des normes coutumières par les autochtones à Aboudé Mandéké.

Pour cela nous nous adresserons aux personnes physiques et morales suivantes :

- Les autorités administratives

La préfecture d'Agboville, la sous-préfecture d'Oress-krobou et le personnel administratif d'Aboudé Mandéké pour la présentation du site, les investissements publics et leur connaissance des rapports intercommunautaires.

- Les autochtones

- La chefferie de terre (le chef de terre ou son représentant)

- La chefferie villageoise (trois (3) membres dont le chef, le 1er notable et le SG)

- Un (1) représentant de chacune des cinq (5) grandes familles autochtones (Bouédé, Zomon, Dabou, Koffi bosso, Aka Bosso)

- La jeunesse estudiantine (le président des élèves et étudiants)

- Le président de la commission gestion foret du village

- La diaspora (le représentant des ressortissants d'Aboudé Mandéké à Abidjan)

- La jeunesse paysanne (président de la coopérative locale)

- La présidente des femmes.

- Les chefs des deux grandes églises (Méthodistes et Catholiques)

Les allochtones

- Le chef des Dioula

- Le chef des Baoulé et/ou celui des Agni

- Le chef des Abbey

Ces trois groupes sont choisis en fonction de leur origine géographique (allant respectivement du plus distant au plus proche) et des types de rapports qu'ils entretiennent (du plus hostile au plus intégré)

- Les associations féminines des différents groupes ci mentionnés

- Ainsi que les associations de jeunesse, notamment les présidents de ces associations

- Et enfin les chefs religieux de chaque communauté seront interrogés.

Les allogènes

- Le chef des Burkinabé

- Le chef des Maliens

- Le chef des Guinéens

Ce sont les communautés allogènes les mieux structurées et les plus représentées au sein du village

- De même les présidents des associations de jeune et les associations féminines de ces groupes seront également interrogés.

A toutes ces personnes, nous adresserons des guides d'entretien thématiques suivant les communautés sur les thèmes suivants :

Aux autochtones :

Le guide portera sur :

- Historique du village

- Rapport avec les migrants

- Connaissance des pratiques coutumières locales

- Rapports avec la chefferie et connaissance des règles formelles

Aux allochtones et allogènes

Le guide comprendra les thèmes suivants :

- Conditions de migrations

- Les rapports intercommunautaires

- Connaissances des règles coutumières et des règles formelles

V - 3 Le champ de référence théorique

La question de la différenciation interethnique en milieu rural est inscrite au coeur des théories de l'« ethnicité » ou de l'« identité ethnique » en tant que frontière sociale entre groupes sur la base de marqueurs tels que le langage, la religion, la culture, les expériences historiques, les coutumes33(*).

- Les théories primordialistes d'explication de la différenciation, d'inspiration holiste, considèrent que les identifications raciales et ethniques sont des données fixes fondamentales et immuables, structurées autour d'éléments culturels collectivement partagés tels que la (consanguinité), le langage et la coutume. Pour ces théories, la différenciation et les conflits interethniques s'expliquent par des divisions ethniques primordiales ou des affinités naturelles ou affectives, toutefois confortées par le travail de composition identitaire de l'administration coloniale. Ces théories négligent cependant la fluidité des frontières ethniques

- Par contre les théories instrumentalistes considèrent l'identité ethnique comme le résultat de choix stratégiques. Ainsi, les conflits et les processus de différenciation sont le fruit de la poursuite d'intérêts propres des élites. Malgré les éclairages qu'elles peuvent nous fournir, ces théories sont réfutées à cause de leur abus d'analyses centrées sur l'acteur.

Par ailleurs l'approche constructiviste d'explication de la différenciation porte une attention particulière sur les forces qui élèvent et ou baissent la probabilité de mobilisation ethnique. Selon elle, les conflits ethniques ne sont pas des données sociales mais plutôt, sont produits à travers des processus historiques de socialisation34(*). Suivant le modèle constructiviste tel qu'élaboré par Bourdieu P., La différenciation interethnique est un processus qui s'accomplit à travers plusieurs étapes.

Dans le cadre de notre étude, la différenciation en cours entre Aboudé et migrants s'analyse à la lumière de cette logique constructiviste. La construction des identités socioculturelles dans l'espace villageois (ou champ) constitue la première étape de la différenciation interethnique. En effet, les individus ou groupes (acteurs) sont dotés de capacités qui leur permettent de se distinguer les uns des autres. Cette distinction prend forme dans les idéologies à savoir l'idéologie de l'autochtonie, la perception idéologique des différences ethniques et nationale. Ensuite la deuxième étape de ce processus est celle des marquages sociaux comme moyens de domination. Les identités « subjectivement construites » où les «acteurs idéologiquement différenciés'' se servent de ressources sociales disponibles dans le champ à savoir les institutions de contrôle (système de tutorat, chefferie traditionnelle, normes formelles ....) et les interdits culturels en tant que moyens de pression et de coercition. C'est l'aspect symbolique de la différenciation qui aboutit à la marginalisation et la disqualification de l'«autre'' à travers un processus d'étiquetage35(*) et de stigmatisation sur la base des attitudes, habitudes ou des pensées et perceptions (habitus) acquises au sein du groupe de référence. En outre, constructions idéologiques et marquages symboliques fonctionnent dans un contexte de dynamique institutionnelle qui joue un rôle catalyseur des comportements des acteurs. Dans ce contexte, les acteurs, pour atteindre le but visé interagissent en mettant en oeuvre des stratégies (action sociale) selon leur dotation en certains «capitaux'' tels, les ressources financières (capital économique), position dans la hiérarchie sociale (capital social), ou leur niveau intellectuel (capital culturel).

Enfin c'est la convergence de ces processus sociaux qui consolide les rapports de différenciation interethniques souvent traduits à travers les conflits, les ségrégations ethniques et les restrictions d'accès à certaines ressources sociales.

VI - LES TECHNIQUES DE COLLECTE DE DONNEES

La construction sociale des identités en milieu rural est un double processus d'affirmation versus distinction entre autochtones et migrants à partir de relation d'interdépendance et des cercles sociaux que les individus établissent et entrecroisent entre eux dans le quotidien de la vie réelle36(*).

Pour comprendre ce travail instrumental de production identitaire à Mandéké, nous avons eu recours dans un premier temps à l'observation directe qui est une activité de "constatation d'un fait à l'aide de moyens d'investigation37(*).

Nous avons pu saisir comment les entités villageoises se construisent dans un espace physique déterminé, géographiquement spécifié comme marqueur identitaire à l'échelle villageoise. Egalement, au moyen de l'observation, il apparaît que ces espaces prédéterminent l'élaboration par les différentes communautés de cercles sociaux et des cadres de sociabilité spécifique qui préside à la différenciation identitaire.

A Aboudé-Mandéké par exemple, elle nous a permis de distinguer les types d'habitat spécifiques aux communautés à savoir ; autochtones : habitat moderne, Sénoufo, Malinké, Burkinabé : habitat "semi-moderne" et Baoulé et Agni : habitats précaires. On a observé également l'interdiction de l'élevage et la consommation de la viande de cabri sur le territoire de Mandéké et dans les campements satellites.

Dans un deuxième temps nous avons effectué des entretiens semi-directifs pour recueillir les informations adéquates à la réalisation de l'étude. Dans le face à face avec les enquêtés, nous avons exploré des guide d'entretien sur différents thèmes en fonction des objectifs de l'étude. Ainsi dans la première phase de l'étude effectuée en année de maîtrise, six groupes ont été ciblés (voir mémoire de maîtrise 2006).

Dans cette seconde phase, il s'agissait d'approfondir la recherche sur certains aspects non suffisamment explorés pendant la première phase telle que la question foncière.

Pour cela nous avons eu recours à deux principaux guides. L'un adressé aux autochtones Aboudé sur l'évolution des rapports interethniques aux plans économique, socioculturel et politique ainsi que sur les modifications dans les rapports fonciers face aux mutations intervenues en milieu rural. L'autre adressé aux allogènes Burkinabé considérés comme les plus anciens migrants établis à Mandéké sur les mêmes thèmes. L'analyse de contenu de ces entretiens visaient à comprendre les motifs d'élaboration de la différentiation identitaire à partir de la saisie des comportements spécifiques des acteurs sociaux (individus et collectifs) qui prédétermine les processus de marginalisation et de disqualification conduisant aux conflits interethniques.

Notre troisième démarche fut la revue documentaire. Elle nous a conduits dans différentes institutions et bibliothèques à savoir la bibliothèque de l'Institut d'Ethnosociologie (IES) de l'Université de Cocody, celle du Centre de Recherche et d'action pour la paix (CERAP, ex INADES) et celle de l'Institut de Recherche et de Développement (IRD). Nous avons également été à l'Institut National de la Statistique (INS) ainsi qu'au BNETD pour des informations sur les situations géographiques et sociodémographique de la zone d'enquête.

Nous nous sommes ainsi servis d'ouvrages généraux de revus d'articles spécifiques et des mémoires d'étudiants portant sur la thématique de l'étude afin d'approfondir notre connaissance du phénomène étudié.

Enfin, nous avons eu recours à l'Internet notamment le moteur de recherche de Google dans le but de recueillir les approches diversifiées du problème étudié.

VII- DIFFICULTES DE L'ETUDE

L'indisponibilité des enquêtés a considérablement allongé la durée de l'enquête. En effet, le chef du village était durant toute la période de l'enquête à Abidjan pour cause de maladie. Nous avons eu recours au secrétaire général de la chefferie qui représente le deuxième personnage de la chefferie après le chef.

Le chef burkinabé est décédé juste avant la période de l'enquête, nous avons eu recours au fils de l'ancien chef de communauté burkinabé, lui - même ancien chef des jeunes.

Enfin notre enquête a été reportée de deux mois en raison des obsèques du chef de terre. Ces facteurs ont énormément retardé le rythme de notre travail.

PREMIERE PARTIE : CONSTRUCTION DES IDENTITES SOCIOCULTURELLES ET DELIMITATION DES GROUPES

Dans cette partie il s'agira pour nous de comprendre comment les modalités d'occupation de l'espace villageois par les différentes communautés ethniques contribuent à préfigurer la différenciation intercommunautaire. Cette préprogramation de la différenciation interethnique se saisit également dans les représentations des groupes qui édifient des barrières socioculturelles de disqualification.

Comment le style d'occupation de l'espace façonne-t-il le marquage identitaire?

En quoi les processus de reproduction de la société d'origine pré fabriquent la différenciation interethnique à Mandéké ?

CHAPITRE I : ITINERAIRE MIGRATOIRE ET HISTORIQUE DES COMMUNAUTES ETHNIQUES

Plusieurs groupes ethniques cohabitent sur le site d'Aboudé Mandéké, celui-ci étant composé "d'un terroir originel" : noyau villageois et d'un "terroir éclaté"38(*): implantations de campements allochtones.

Ce chapitre vise à comprendre les processus de singularisation à travers les stratégies d'implantation des différentes communautés ethniques.

La construction sociale des Aboudé comme entité autochtones est la base de la production des sentiments d'inégalité Aboudé-migrants.

Issue de vagues migratoires, la présence d'unités singulières de migrants entame le processus de différenciation identitaire.

Quelles sont les idéologies qui président à ces processus sociaux ?

I. 1 Historique du peuplement krobou

II. 1. 1 De l'origine des krobou.

Les krobou font parti du grand groupe des Akan lagunaires avec pour proches voisins les Abidji, les Attié et les Abbey. Contrairement aux Essouman, Aïzi et Avikam qui vivent sur les bords des lagunes ; les krobou tout comme les Abbey et Abidji occupent les terres de l'intérieur qui jouxtent les lagunes. Parmi les Akan lagunaires, seuls les Aïzi, les Abidji, les Abbey les Krobou ont un système de filiation à accentuation patrilinéaire, disposé en classe d'âge. Mais n'ont pas d'Etat centralisé, l'autorité se limitant à chaque village; Oress-krobou est le "foyer originel" de tous les krobou, car issus de la migration Akpafu-gbabrobo-Adele-Avitime39(*), ce site fut l'un des centres de rassemblement et unique village des krobou qui vivent à l'ouest du fleuve Agbo (Agneby).

I. 1. 2 De la légende locale : origine céleste des krobou.

« Nous sommes descendus du ciel, nous avions un chef appelé ADJE Mangbou qui opprimait. Il confisquait toute la récolte et affamait son peuple. Un jour, Dieu nous réunit en l'absence du roi et décida de nous débarrasser de lui. Pour ce faire disait-il "je vais vous faire descendre sur terre pour vous permettre de vivre en paix ". Il nous offrit une longue chaîne et un escabeau pour la descente. La fuite s'organisa secrètement afin d'éviter la terreur du tyran. Elle eut lieu au moment ou tout le monde dormait. La chaîne fut jetée. Et la population commença à descende. Mais le roi informé par l'un de ses hommes put s'accrocher à la chaîne pour nous rejoindre. Pendant la descente la chaîne craqua et seulement trente deux personnes et une femme stérile purent regagner la terre. L'endroit où nous sommes descendus fut appelé Krobou du nom de notre peuple. » 40(*)

Les krobou tiennent cette tradition orale des Zomon sous-clan du groupe krobou. Si les Zomon disent être descendus du ciel à l'aide d'une chaîne ils tiennent cette tradition de leur groupe d'origine krobo en côte de l'or appelé le clan Akradé. Ce clan affirme être descendu du ciel pour atterrir dans deux grands récipients en cuivre. C'est cette tradition orale d'origine céleste des Akradé qui a retenu l'attention de la plus part des clans krobo dont les Zomon. Ainsi donc à partir d'Oress-krobou seront créés Aboudé Kouassikro et Aboudé Mandéké déformation d'Aboudé Man Diliké: Chez Abou on trouve la nourriture.

A Aboudé Mandéké cinq grandes familles se partagent le droit d'autochtonie à savoir les bouèdè, les zomon les dabou, les aka-bosso et les koffi bosso qui forme le clan Ngadjè, les premiers à s'établir à proximité du site actuel.

Aboudé Signifie village de Abou, le premier à s'établir sur le site d'Aboudé kouassikro suivi par son lignage. La promiscuité du clan Ngadjè, les derniers venus d'Oress-krobou avec les autres membres, pousse ce clan à se retirer et à trouver un autre site auprès du site actuel appelé Dimpou.

Pendant la colonisation la recherche de mains-d'oeuvre amena les colons à l'établissement forcé des indigènes aboudé sur le site actuel nommé par la suite Aboudé Mandéké lors du tracer de l'axe Ndouci - Agboville.

I.1.3 Des caractéristiques du milieu naturel favorable à l'économique de plantation.

Les Aboudé sont installés non loin du fleuve ``coconzo'', l'une des ramifications de l'Agneby, les caractéristiques du milieu naturel vont ensuite favoriser la venue massive de communautés migrantes :

- Le milieu naturel est favorable à la production des cultures d'exportation que sont le café le cacao et le palmier à huile. Le sol, le relief et le climat sont à l'image de ceux de l'ensemble du département.

- Le sol est de type férralitque légèrement lessivé sur roche granitique. Il est généralement pauvre en argile et se caractérise par la présence fréquente d'horizon gravillonnaires et d'une faible proportion d'éléments grossiers. Ce qui le rend favorable à toutes les cultures.

- Le relief est très accidenté et se caractérise par la présence de collines et de vallons plus ou moins accentués dépassant rarement 1000m d'altitudes. La présence de nombreux bas-fonds souvent marécageux constitue la principale contrainte physique.

- Le climat est de type tropical humide (attiéen) caractérisé par deux saisons humides et deux saisons sèches.

On le voit les possibilités du milieu physique ayant permis le développement ultra-rapide de l'économie de plantation est à l'origine de l'arrivée des vagues migratoires et de la transformation du statut de la terre devenue désormais une source de richesse et donc un enjeu économique entre les composantes ethniques du terroir villageois.

Trois termes permettent d'identifier la communauté autochtone d'Aboudé Mandéké à savoir les krobou, dénomination unifiante et unificatrice. Lorsqu'un autochtone se désigne krobou, il fait référence à l'ensemble du groupe dont la base est à Oress-krobou. Ainsi, « le krobou est venu du ciel (...),  ne mange pas et n'élève pas le cabri ». Le terme krobou est employé de nos jours pour désigner ceux resté sur le site d'Oress-Krobou.

Les Aboudé sont une phratrie des Krobou du nom de ceux ayant suivi Abou dans sa migration vers le site actuel d'Aboudé Kouassikro dont une partie s'est ensuite détachée pour créer Aboudé Mandéké.

Les aboudé sont donc les krobou originaires d'Aboudé Mandéké et Kouassikro. Une troisième appellation semble de plus en plus spécifier les habitants de Mandéké à savoir les Mandéké. Si l'Aboudé se recrute dans les deux villages Kouassikro et Mandéké, le Mandéké ne se recrute qu'à Aboudé Mandéké. Bien que pas assez suffisamment employé, ce terme comme « identifiant » tend à s'imposer comme identité des Aboudés vivant à Aboudé Mandéké.

Comme on le voit, l'ethnie est une structure sociale en réserve41(*) pouvant ou non être activée par les acteurs. Elle n'est pas une structure de base immuable, c'est le sentiment d'appartenance perpétuelle à un groupe. C'est une reconstruction historique. Du Krobou, groupe originel créé par la migration naquirent successivement l'Aboudé, (référence à un ancêtre commun), et le Mandéké (référence à un territoire). C'est cette conscience d'appartenance qui guide les autochtones Aboudé dans les processus d'identification, non seulement vis-à-vis des autres autochtones mais aussi vis-à-vis de l'ensemble des groupes migrants présents sur le site et dans le terroir villageois à la faveur de l'économie de plantation.

I.2 Migration et établissement des communautés migrantes à Aboudé Mandéké.

I.2.1 Installation des allochtones et éclatement du `` terroir originel''

Les premiers migrants à investir les terroirs d'Aboudé Mandéké sont les Baoulé et les agni. Depuis la période coloniale et la création d'Aboudé Mandéké, les premières communautés à côtoyer les Aboudé furent les Agni et les Baoulés. Dans les discours autochtones, « Mandéké veut dire «man di like'' qui est un terme agni. Ce qui veut dire que nos rapports avec ce groupe ne datent pas d'aujourd'hui. » Cependant, les baoulé et Agni ne se sont pas établis aux cotés des Aboudé dans le cadre de l'économie de plantation. Ils ont notamment créé des campements ou des abris de fortune aux abords des plantations de café et de cacao qu'ils exploitent. Ils ont pu avoir directement accès à la terre grâce au système de tutorat qui présidait les rapports au moment du démarrage de l'économie de plantation.

Ainsi, laissant les villages autochtones, ces groupes ont recréé au sein de ces implantations à l'origine temporaires un espace social semblable à celui de leur groupe d'origine. Ayant acquis de vastes surfaces de forêt dès le début de leur installation, les plantations des chefs de familles Baoulé et Agni dépassent la moyenne villageoise en superficie. En dehors de ce type d'établissement à l'origine qui leur était propre, les communautés Agni et baoulé qui s'établissent de nos jours le font aux coté des autochtones et d'autres migrants allochtones à savoir les sénoufo, les malinkés et les Gouro (les derniers allochtones à venir s'établir auprès des autochtones) présents à Mandéké depuis la période des indépendances. A l'égard des Agni et Baoulé les Sénoufo et Malinké s'investissent activement dans l'économie de plantation pendant que les Gouro exploitent les bas-fonds marécageux pour la culture du maraîcher. Leur arrivée est assez récente.

I.2.2 Etablissement des allogènes

Les migrants allogènes d'Aboudé Mandéké sont de diverses nationalités. On y trouve des maliens, des guinéens, des ghanéens et surtout des burkinabé représentant la plus importante numériquement parmi ces communautés. Tout comme la plupart des allochtones les burkinabé se sont investis principalement dans l'économie de plantation et se sont installés en recréant le mode de vie d'origine. Mais contrairement aux baoulé et Agni, les burkinabé n'ont pas eu un accès direct à la terre. Issus parfois de parcours migratoire de plusieurs étapes, les burkinabé sont généralement employés au départ comme manoeuvre par les Aboudé et accèdent finalement à la terre soit par achat (c'est le cas le plus fréquent), soit par don de la part du tuteur, d'une surface que le migrant exploitait uniquement pour le vivrier destiné à la consommation domestique.

La deuxième communauté allogène numériquement importante est la communauté malienne. Les membres de celle-ci ont le même parcours migratoire que les burkinabé.

« Lorsque je suis arrivé à Kouadjakro, j'ai été reçu par Akalé avec qui j'ai acheté 17hectares de forêt. Mon premier champ, je l'ai laissé à mon oncle à Moha (Aboisso).Avant d'avoir ce champ, j'ai été d'abord bouzan à Biesso (Aboisso) où j'ai débarqué quand je suis arrivé du mali en 1966. C'est pendant la construction de la SODEPALM en 1972, que mon champ a été détruit et on m'a dédommagé à hauteur de 600000fcfa. C'est cet argent que j'ai pris pour acheter la forêt à Kouadjakro en 1974 »

On le voit, le mode d'accès à la terre varie selon les groupes ethniques et prédétermine les rapports de différenciation interethniques.

CHAPITRE II : PARTAGE DE L'ESPACE ET DOUBLE PROCESSUS D'HOMOGENEISATION ET DE DIFFERENCIATION ENTRE ABOUDE ET MIGRANTS.

Dans ce chapitre il s'agit dans un style constructiviste de montrer comment les acteurs exploitent la conscience d'appartenance communautaire pour configurer l'agir collectif. Pour cela il s'agira d'identifier les facteurs d'inclusion et d'exclusion sociale et de montrer leurs influences sur les rapports interethniques.

Il s'agit donc pour nous de montrer comment Aboudé et migrants se construisent, à la fois comme membres d'un groupe spécifique, ethnie ou communauté d'origine et comme membre de la communauté villageoise dans son ensemble. C'est un double processus de construction ethnique sur la base d'éléments sociaux collectivement partagés.

II.1. Les facteurs de différenciation identitaire

Les éléments de différenciation sociale entre les différentes communautés d'Aboudé Mandéké sont multiples. Ils permettent aux individus et aux groupes de se construire grâce aux représentations sociales qu'ils se font de leur communauté mais aussi des différents groupes en présence.

II.1.1 L'appartenance ethnique et la nationalité comme facteurs d'identification primaire.

Le premier élément qui divise les groupes à Aboudé-Mandéké est l'appartenance ethnique. Les groupes se construisent et occupent l'espace en fonction des liens ethniques. Aux cotés des autochtones Aboudé préétablis, les premiers migrants se sont installés en reproduisant un style de vie communautaire semblable à celui de la société d'origine. Cette reproduction du mode de vie d'origine fonctionne à travers la reproduction des liens de parenté dont le premier élément est la famille.

· De la famille à la communauté comme modèle de reproduction de la société d'origine.

Le terme de famille correspond à un concept assez imprécis. Au sens étroit du mot c'est « un groupe de personnes reliées par le sang, le mariage ou l'adoption et résident habituellement ensemble avec pour objet la survie économique, l'identification individuelle et collective, et l'élevage des rejetons éventuels42(*) ».

La famille que recrée le migrant au moment de son installation est d'abord une famille élémentaire ou famille nucléaire composée de l'homme, chef de famille et son épouse avec ou sans enfants. Employé comme manoeuvre pour les allogènes il se construit un abri de fortune à l'écart de la maison du tuteur et s'y installe avec sa femme et son éventuel enfant. Parfois il s'agit de foyer polygame (famille composée) et très vite accourent d'autres membres de la famille (famille élargie) au fur et à mesure que le statut du chef de famille évolue. Avec l'arrivée massive d'autres membres de la famille se créent une ambiance familiale semblable à celle de la société d'origine. Sont ainsi aisément reproduits la langue comme outil de communication, la religion, les interdits et toutes les autres caractéristiques de la société d'origine. La famille fonctionne donc comme un élément vital de la différenciation entre groupes migrants et autochtones. En plus de ce rôle de reproduction culturelle, la famille a une fonction économique comme l'on soulignés Schwartz A., Martinet F.et al. « La famille dans les zones de départ comme dans les zones d'arrivée, constitue pour les migrants, un réservoir de main d'oeuvre. Elle diminue considérablement le coût social du développement. Sa reproduction est donc indispensable dans la pratique de l'économie de plantation. »43(*)

Pour Meillassoux C (cité par Swartz A et al), « le fait important chez les migrants était la persistance des structures familiales de production appelée «communauté domestique»44(*)

A coté de la famille il y a la communauté, celle-ci se crée à partir de l'association de plusieurs groupes familiaux qui réclament une origine commune. Cela étant perçu comme un signe de cohésion et de solidarité. La communauté se crée donc à partir du moment où les individus ou groupes se réclament de la même identité perçue quant à elle comme un principe de cohésion intériorisé par une personne ou un groupe, où un ensemble de caractéristiques sont partagées par les membres du groupes, qui permettent un processus d'identification des personnes au sein de ce groupe et de différenciation par rapport à d'autres groupes. La formation des entités communautaires est alors un double processus d'inclusion et d'exclusion sociale.

Ainsi à Aboudé-Mandéké, Agni et Baoulé ont des pratiques similaires au plan social et culturelles à telle enseigne qu'elles sont généralement perçues comme formant une communauté unique ( Agni - Baoulé ). De même les Malinké, les Sénoufo et les Burkinabé forment le grand groupe Dioula. Ils partagent le quartier Dioulabougou. Bien que les Mossi soient les plus nombreux de cette grande communauté, ce quartier est ainsi nommé à cause du fait que les Aboudé ont tendance à appelé Dioula tous les individus ou groupes de religion musulmane : il s'agit des nordistes ivoiriens, des maliens, des guinéens et burkinabé. Ici la source de l'identification ethnique constitue le partage de l'héritage culturel transmis par des ancêtres issus d'une expérience historique commune. La préservation de l'identité du groupe est assurée par un processus de reproduction globale de la société qui repose sur des données intuitivement perçues comme immédiates et naturelles de l'existence sociale à savoir la langue, les liens biologiques, la religion et les récits mythiques.

Ce processus de construction symbolique de l'autochtonie s'enracine dans les modèles et les pratiques des individus.

Il apparaît donc que, la famille, l'entité ethnique et la communauté fonctionnent comme des marqueurs sociaux des identités. Ce sont des canaux d'intégration sociale (à l'échelle de la communauté), et des barrières d'exclusion à l'échelle villageoise.

· L'exclusion Par la nationalité comme résultat des instrumentalisations politiques.

L'ouverture du champ politique en Côte d'Ivoire s'est faite avec « l'instrumentalisation des identités ethniques. Les acteurs politiques jouant sur les différents registres identitaires pour rallier une clientèle, favorisant la construction de l'identité individuelle et sociale par les différents groupes qui se distinguent des proches voisins. » BABO A. Cette distinction identitaire s'est d'abord opérée entre autochtones et allochtones en milieu rural. Ensuite, le renforcement de la compétition électorale se fit avec la `` logique ivoiritaire'' de redéfinition identitaire sur la base de la nationalité. Cette scission nationaliste des identités est bien présente à Aboudé Mandéké. Ainsi malgré le partage d'un espace commun avec les Malinkés ivoiriens, les Burkinabés tout comme d'ailleurs les autochtones Aboudé procèdent à une redéfinition des entités ethniques sur la base de la nationalité :

« Les Dioula et les Sénoufo, sont nos frères, ils peuvent voter pour tout ce qui concerne les postes électifs du village même s'ils partagent tout avec les étrangers (...) ».

«  Ici, les Dioula et les sénoufo sont avec nousi dans le quartier dioula (....), ce sont nos frères on partage tout mais eux ils sont ivoiriens, donc quelque part on n'est pas même chose. »

Comme on le voit la nationalité est un facteur de différenciation qui produit des inclus et exclus sociaux.

II.1.2. De la formation des entités territoriales spécifiques

La répartition spatiale des communautés est la première forme de la différenciation identitaire à Aboudé Mandéké. Le quartier fonctionne comme une entité autonome, régie par ses propres règles qu'on pourrait considérer comme un village à part entière au sein d'Aboudé Mandéké. Les groupes qui forment le quartier Dioula sont diffus. On retrouve : les sénoufo, les maliens, les guinéens et les burkinabé partagés entre les deux religions (christianisme/ islam), mais en majorité musulmane. Cependant qu'est ce qui fonde la spécificité de ce groupe ?

Contrairement aux autochtones qui disposent d'un chef central, ce grand groupe Dioula a développé un système segmentaire de société à chefferies où l'autorité n'est pas détenue par un individu. Chaque famille ou chaque groupe ethnique dispose d'une autorité plus ou moins élargie, les actions spécifiques de tous ces sous-groupes sont orientées vers la préservation des intérêts de l'unité englobante. Bien que produits d'une ``migration disjonctive `` (Horton R, cité par Laburthe T et Warnier J-P), ces entités développent une stratégie commune de préservation de leurs intérêts. On comprendra dès lors la nécessité d'institution permettant de cimenter ces liens familiaux et groupaux en unité sociopolitique viable où la solidarité territoriale passe au premier plan. C'est le cas surtout des campements allochtones tel que Kouadjakro (Campement satellite d'Aboudé Mandéké). Au sein de ces campements, allochtones et allogènes fondent une unité politique centralisée et développent des liens communautaires, basés sur les sentiments d'appartenance commune au territoire et des stratégies de préservation de leurs intérêts. Même si à l'intérieur de chaque groupe, le système d'organisation reste segmentaire et les chefs de ménages conservent une relative indépendance et une autorité vis-à-vis du chef.

Le territoire a donc une influence majeure sur les processus de différenciation entre autochtones et migrants. La reconstruction de la société d'origine sur un espace prédispose à la différenciation interethnique et les groupes en présence s'approprient ces stratifications idéologiques pour forger des représentations allant dans le sens des divisions ethniques. Sur cette base la différenciation transparaît aussi bien entre les individus membres des collectivités symboliquement configurées, qu'entre les entités distinctes. Cependant, ces entités formées ne sont pas les groupes homogènes. Leur coexistence tient des enjeux spécifiques qui émergent.

II.2. Les facteurs d'homogénéisation identitaires : la politique et la religion comme éléments de rapprochement intercommunautaire.

Les religions jouent un rôle important dans la mobilisation des groupes à Aboudé Mandéké:

« Il suffit que tu dises `` Allah hou Akbar'' pour faire partir de notre communauté ».

Au-delà des divergences ethniques les cultes rassemblent dans un même lieu les membres de diverses communautés aussi diffuses qu'elles puissent paraître. Les représentations collectives et les croyances en des valeurs religieuses communes gomment les barrières sociales et reproduisent un style de vie communautaire basé sur la communion et les liens d'entraide et de solidarité.

Ainsi le christianisme est la religion qui unifie autochtones et migrants à Aboudé Mandéké. En créant une communauté chrétienne sans distinction d'origine géographique et ethnique, il fonde un sentiment d'agir collectif et cela se traduit dans la pratique par la participation commune aux activités socioreligieuses et l'église s'érige souvent en instance de résolution des conflits entre fidèles d'origine ethnique ou nationale distinctes. Par exemple les cimetières du village étaient à l'origine divisés entre d'une part les krobou et d'autre part les autres communautés. De nos jours, lorsqu'un burkinabé de religion chrétienne décède, son corps passe par l'église et il est enterré au cimetière des autochtones. Ensuite le christianisme tend aujourd'hui à gommer certaines pratiques autochtones qui fonctionnaient comme des barrières sociales.

Le problème de la non consommation du cabri qui est un élément spécifique de la culture krobou tend à s'affaisser devant la foi chrétienne. Certains autochtones estimant que cette institution ne figure pas dans la bible.

Tout comme la religion la politique gomme les frontières ethniques. Les religions fonctionnent comme un facteur d'inclusion des allogènes il y a la politique qui produit une nouvelle forme de différenciation basée non pas sur les différences ethniques mais sur les divergences idéologiques.

Ainsi les autochtones Aboudé sont repartis entre trois grands partis politiques à savoir le FPI, le RDR,  et le PDCI vue que « l'ouverture du marché politique en Côte d'Ivoire s'est opérée avec la « formation d'entités ethno régionales correspondant plus ou moins aux grandes aires culturelles »45(*). Conscients des représentativités relatives des communautés d'origine de ces aires au sein du village, les élites locales reconstruisent des unités sociopolitiques qui regroupent à la fois autochtones et allochtones. Il s'agit ici d'une activité instrumentale d'inclusion des communautés allochtones à travers la poursuite d'objectifs politiques propres. Ainsi se superpose sur la carte ethnique villageoise une carte politique qui transforme les scissions ethniques en scissions idéologiques.

L'ethnicité apparaît donc comme un système culturel permettant aux individus de situer leur place dans un ordre social plus large. La concrétisation des groupes est un processus d'assignation et d'auto-attribution des individus à des catégories ethniques. On assiste à une construction sociale de l'appartenance " situationnellement" déterminée et manipulée par les acteurs46(*).

Conclusion partielle

Le positionnement des entités ethniques d'Aboudé Mandéké dans l'espace social est opéré sur fond de différenciation identitaire. Sur la base de marqueurs identitaires comme la nationalité la religion, la langue et bien d'autres caractéristiques culturelles, les groupes sociaux se sont reconstruits et ont configuré un système d'agir collectif spécifique en utilisant ces marqueurs comme ressources. Cependant des actions d'homogénéisation président à ce processus de démarcation des entités collectives. Ainsi, la religion et la politique constituent les fondements idéologiques de ces processus sociaux.

Cependant comment fonctionne ce processus de co-construction de l'agir collectif à Aboudé Mandéké et quelles sont les ressources symboliques qui alimentent son fonctionnement ?

DEUXIEME PARTIE: MARQUAGE SOCIAL ET PRODUCTION DE LA DOMINATION SYMBOLIQUE

La séquence précédente nous a permis de comprendre que la formation des entités villageoises est un processus stratégique de démarcation spatiale de la part non seulement des groupes autochtones (Krobou) mais aussi des migrants en fonction du contexte.

Cependant l'entretien d'une vie communautaire à l'échelle villageoise exige l'existence des valeurs collectivement partagées. La présente séquence met l'accent sur la dimension instrumentale de la différenciation. Elle nous permet de montrer que les valeurs collectives qui apparaissent comme des fibres permettant de raccorder le tissu social sont des instruments de marquage et de contrôle des autochtones Aboudé. Elle comprend deux (02) chapitres :

Le premier chapitre permet de saisir les motifs de la production par les Aboudé des institutions sociales de contrôle.

Dans le second chapitre, il s'agit d'appréhender la fonction subjective de certains comportements manifestes des autochtones Aboudé.

Chapitre III. La reproduction des institutions

DE CONTRÔLE

La population d'Aboudé-Mandéké croît à un rythme accéléré. Chaque année le village enregistre de nouveaux membres venant s'établir soit pour la poursuite de l'économie de plantation, soit pour des activités économiques telles que le commerce ou encore la production vivrière ou maraîchère. Pour ce faire, il convient d'avoir un regard sur l'ensemble des groupes. Certaines institutions assurent cette fonction.

III.1. La redéfinition du rôle du tutorat

L'analyse du tutorat va nous conduire à déceler la dynamique de transformation de cette institution et son adaptation au contexte sociopolitique.

Le tutorat est un ensemble de règles, normes acceptées et intériorisées par les acteurs qui reposent avant tout sur un contrat d'hospitalité. L'accueil des migrants participe et contribue au développement et à l'agrandissement du village, permet de maintenir les limites du territoire villageois contre l'agression des villages voisins, un paravent contre les animaux sauvages.47(*)

Ces fonctions du tutorat sont dynamiques. La "subordination rituelle (BABO A.), et les "obligations d'assistance" de la part du migrant n'existent plus.

Cela est dû au fait que les premières générations de tuteurs et de migrants sont pour la plupart décédés et ce sont leurs enfants ou petits enfants qui sont présents.

Ensuite les nouveaux migrants qui s'établissent sont directement absorbés par leur communauté fortement structurée qui permet leur intégration. La relation du tutorat reste donc une relation fictive. Les enfants et petits enfants des migrants considèrent les enfants des hôtes de leur père comme leur tuteur. De même le nouveau migrant reconnaît comme tuteur le tuteur de son tuteur ou le propriétaire du bien qu'il occupe (location de maison ou occupation provisoire d'un lot). Ce qui contraste avec la thèse de KONE M. qui dit que celui qui loue uniquement une portion ou des parcelles ne parlera pas de tuteur. Cette affiliation fictive des migrants aux membres de la communauté autochtone permet aux autochtones de rappeler à tous les migrants leur devoir de subordination et leur statut d'infériorité par rapport aux autochtones.

« Chaque migrant doit participer au développement du village à travers son tuteur (...). Une fois que tu passes une nuit ici, tu as un tuteur. C'est lui fait les démarches quand tu veux épouser une fille Krobou. Et quand tu as un problème, c'est lui qu'on appelle. Chaque tuteur est responsable de son étranger. Il doit lui apprendre les interdits, qu'on n'élève pas du cabri chez nous, qu'on ne vole pas et qu'on ne commet pas d'adultère.»

On le voit, ces propos visent à affirmer une subordination du migrant qui est une forme symbolique de le dominer. Cependant, ce caractère fictif de la domination est matérialisé à travers une autre institution à savoir la chefferie traditionnelle.

III.2. La restructuration de la chefferie traditionnelle

La chefferie de village est une instance reconnue depuis l'administration indigène et renforcée après les indépendances par le ministère de l'intérieur et de la direction de l'administration territoriale. Ainsi, la circulaire N°20/INT/DGAT du 03 Juin 1976 adressée aux préfets et aux sous-préfets atteste que « le chef de village est le premier maillon de l'organisation administrative est le seul représentant de l'autorité de l'Etat. Il ne doit pas être imposé aux communautés villageoises intéressées ». Mais avant, l'arrêté portant constitution de l'administration indigène en Côte d'Ivoire précise en son article 3 du titre 1er que « Tout indigène fait obligatoirement partie du village où il réside habituellement et se trouve de ce fait soumis à l'autorité du chef de village. Il précise les attributions du Chef du village en article 6 du même titre qui sont entre autres « le garant de la police générale » (maintien de l'ordre), et rural (protection des cultures), « le garant de la voirie », de « l'hygiène » et de la « perception des impôts ». Ces différentes fonctions du chef de village depuis la période coloniale montrent l'importance de celui-ci et les prestiges sociaux liés à son exercice.

S'inspirant de ces dispositions antérieures, les autorités traditionnelles d'Aboudé-Mandéké ont institué une chefferie dont les aspirations politiques débordent le cadre villageois. Pour être chef de village précise le Secrétariat,

« il faut être né de père Krobou originaire d'Aboudé-Mandéké, savoir lire et écrire, avoir un logement décent et être élu par tous les villageois »

Ces nouvelles prescriptions de l'autorité politique villageoise émanent de plusieurs sources.

D'abord ces décisions ont été prises à la suite d'un séminaire regroupant tous les ressortissants d'Aboudé-Mandéké à l'initiative des élites intellectuelles regroupés au sein d'une association dénommée la « diaspora ». Parmi ces derniers, on compte des anciens cadres de l'administration (un député et un préfet à la retraite, tous originaires d'Aboudé-Mandéké ».

Ensuite cette institution qui date de 2002 s'inscrit dans un contexte de crise politique au plan national où on assiste à une manipulation des appartenances identitaires en occurrence des identités ethniques pour régir les relations intergroupes (BABO A).

Ainsi ces nouvelles modalités d'accès à la chefferie du village qui contrastent avec les dispositions traditionnelles bien qu'elles incluent tous les autochtones sont doublement discriminatoires. D'abord à l'égard des autochtones, le fait de dire que le chef doit savoir « lire et écrire, avoir une maison décente » ne permet pas à certains autochtones Krobou « héritiers légitimes » du trône de s'y installer. Ce qui explique les vives réactions de protestations de certains autochtones lors de l'intronisation du chef actuel qui est un adjudant à la retraite, relativement fortuné comme l'atteste l'introduction du code de conduite.

Quant aux migrants, même si les dispositions sont discriminatoires, ils y sont indifférents car la gestion de la chefferie villageoise est traditionnellement du ressort des autochtones. Ce qui importe, c'est le nouveau mode de conduite des affaires villageoises.

Désormais, la chefferie fonctionne dans un climat de politique nationale d'exclusion et de marginalisation ethnique orchestrée par la presse et par les autorités politiques qui stimulent dans la conscience collective des nationaux la peur de l'étranger à travers la fabrique de son image d'envahisseur48(*).

Ainsi le pari de l'intimidation des migrants par les autochtones est gagné par le fait que les migrants qui sont pour la plupart analphabètes considèrent le chef actuel comme une «autorité militaire'' dont les ordres ne sauraient être discutés. Cet avis est partagé autant par les autochtones : « de toute façon ils font toujours ce qu'on leur demande, ils ne peuvent rien refuser », que par les migrants : « le chef d'ici, chef ABONDO, c'est en tout cas un bon chef, il est beaucoup instruit, il donne des conseils, il nous guide sur les meilleurs chemins, même pour cette histoire d'identification (2008) des ivoiriens, il nous a fait appel et il a dit que ça ne concerne que les ivoiriens, et que si un burkinabé ment pour se faire enrôler qu'il sera pris et conduit à la justice. Il nous a sérieusement mis en garde en tant que conseiller (...) »

C'est la personne du chef ici qui influence les migrants. Comme on peut le constater le charisme constitue un moyen de domination. Et les autochtones Aboudé ayant perçu cela utilisent la chefferie d'Aboudé-Mandéké comme un moyen de contrôle en combinant à dessein les règles traditionnelles et coutumières avec les modes modernes de gestion : c'est la position qui est utilisée comme ressources pour produire les inégalités interethniques d'accès aux ressources socio-foncières. C'est dans ce contexte de revendication identitaire qu'après son intronisation un code de conduite de la population fut adopté à travers les statuts et règlement intérieur et des documents annexes.

III.3.La normalisation formelle comme style de domination

Cette analyse vise à savoir l'impact de la formalisation des réglementations villageoises sur les rapports interethniques. Pour cela, une analyse de forme et de fond s'impose.

III.3.1. Le statut et règlement intérieur d'Aboudé comme style de communication

Dès l'intronisation du nouveau chef de village, la formalisation des règles coutumières devient le nouveau style de communication de la chefferie.

Ce style est pour elle un moyen de démarcation de rupture avec la forme traditionnelle de la gestion villageoise. Ce qui est perçu comme une marche vers la modernité. Le nouveau style a pour effet majeur de renforcer l'image charismatique et d'autorité du chef aux yeux des villageois. Ce qui crée chez les autochtones un sentiment de fierté et de supériorité à l'égard des communautés non Aboudé.

«  Ce document, c'est comme notre constitution, et chaque ménage l'a en sa possession lettré ou non lettré, chacun doit connaître le contenu ».

Ces propos attestent du caractère d'universalité des prescriptions à l'échelle villageoise. Au-delà des communautés, l'évocation des ménages et des individus est une manière pour la chefferie de supplanter l'autorité des chefs de communautés migrants à travers la constitution d'un canal d'accès direct aux membres. Sachant que les migrants sont en majorité analphabètes. Les autochtones jouent ici en s'appuyant sur le statut intellectuel. C'est l'intellectualisation du jeu interactionnel.

Et le pari semble gagné car pour les migrants : « (...) eux, ce sont les autochtones, ils connaissent beaucoup de choses, ils sont beaucoup instruits. Quand ils veulent interdire quelque chose, ils l'écrivent et informent nos chefs (...) Nous on ne peut que les suivre, c'est pour eux leur village. »

Comme on le voit, on assiste à travers cette forme de communication à une construction instrumentale du pouvoir et de la domination de la chefferie locale. Comment cela se traduit dans le fond ?

III.3.2 Les fondements du caractère discriminatoire des règles formelles

L'analyse de fond porte ici sur l'intentionnalité des actions. L'image de dominant déjà construite est ici forgée et cristallisée à travers un processus d'élaboration de barrières sociales.

En effet, certains articles des statuts et règlement intérieur redéfinissent l'accès des communautés aux ressources sociales sur une base inégalitaire :

On a ainsi dans le règlement intérieur :

« Article 2 : Tout candidat pour être nommé chef du village ; doit être de père Krobou originaire d'Aboudé-Mandéké, (...). Avoir un logement décent »

Le règlement intérieur est accompagné d'un autre document dénommé Commission d'Appui Technique de la Chefferie. Il y a trois commissions d'appui technique à la chefferie à savoir la CAE, la CAS et la CJCS dont chacune subdivisée en sous commissions. Ces instances de gestion sont entre autres régies par les articles suivants :

« Article 11 : la CAS est chargée du recensement de tous les allogènes et étrangers vivant sur le sol d'Aboudé-Mandéké...

Article 12 : les tuteurs des allogènes ou étrangers ont le devoir de les faire identifier et de les amener à avoir un domicile fixe au village ;

Article 17 : le vote dans les différentes organisations traditionnelles du village est autorisé à tout ivoirien assimilé aux autochtones du village ;

Article 18 : n'est éligible au poste de président ou de trésorier d'institution traditionnelle que tout autochtone d'Aboudé-Mandéké ;

Article 19 : l'appellation de tout village ou campement satellite de Mandéké doit se terminer par le suffixe « dé » signifiant village... ;

Article 20 : les premiers responsables des gros campements sont des "délégués" du chef de village ;

Article 35 : le montant de la dote dans un délai de trois (03) ans s'établit comme suit :

· Femme de Mandéké : 35 000 F ;

· Femme de Mandéké mariée à Kouassidé : 35 000 F ;

· Femme de Mandéké mariée à Oress-Krobou : 35 000 F ;

· Femme de Mandéké mariée en dehors des villages ci-dessus : 100 000 F variable selon les régions en présence. ».

L'analyse de fond de ces articles est révélatrice d'un processus de différenciation sociale. Les acteurs utilisent le capital culturel dont ils disposent comme ressources pour construire la légitimité du statut d'autochtone. Ainsi les acteurs jouent sur deux registres :

Le registre identitaire permet aux autochtones de se distinguer des communautés migrantes en prenant comme prétexte l'appartenance ethnique, notamment l'appartenance à la communauté autochtone Aboudé, d'Aboudé-Mandéké sur la base des liens de parenté biologique ou fictive. On est face à une manipulation de l'identité ethnique qui permet de gérer les relations intergroupes (BABO A. P.14). Dans ce registre le jeu est plus objectif et l'intention des acteurs est de bénéficier du droit d'autochtonie en produisant une inégalité d'accès aux ressources entre les identités.

Dans le registre nationaliste, il s'agit d'une recomposition identitaire dont le but est de construire une communauté nationale fictive ayant pour repère local les autochtones Aboudé. Pour BABO A., le concept de nation constitue aujourd'hui une entité abstraite, une communauté imaginaire qui repose sur un processus historique s'exprimant dans un ensemble de pratiques ou de gestes de la vie quotidienne partagés par un groupe social. Or comme le dit Michel LALLEMENT P. 201, « la sélection d'une séquence d'action par un acteur dans son interaction avec les autres acteurs est rationnelle. » on peut s'interroger sur le bénéfice que tirent les autochtones dans la construction de barrières sociales vis-à-vis de certains migrants.

A l'analyse, il s'agit du nationalisme "le nouveau registre identitaire" depuis la crise politique et notamment depuis la guerre du 19 sept qui guide les comportements, les discours et les représentations des acteurs dans la réorganisation ou la redéfinition des rapports interethniques.

On le voit, pour parvenir à un même but (production de l'inégalité et la différenciation sociale), les communautés utilisent des registres différents selon leur dotation en ressources (capital culturel notamment).

CHAPITRE IV : DETERMINANTS SOCIO-CULTURELS DE LA DOMINATION SYMBOLIQUE

Deux idées majeures ont été développées dans le présent chapitre :

· Le degré de relation à l'espace territorial comme critère de disqualification sociale ;

· Le marquage spatial fondé sur les interdits culturels.

Pour certains tenants des théories intégrationnistes, la dynamique de l'intégration des communautés migrantes à la société d'origine s'inscrit dans un processus d'assimilation qui part des particularismes communautaires à la fusion totale des groupes.

Ainsi PARK (cité par Michel L. PP 72) parle de « cycle des relations sociales » dont la première étape est le contact entre les populations installées et les nouveaux venus, puis les relations de compétitions, conflits, ensuite l'établissement de l'adaptation et enfin l'assimilation.

S'inscrivant dans la logique de PARK l'analyse du « Ghetto » de WIRTH cité par Michel L PP 76) permet de comprendre l'intégration des communautés selon le style d'habitation qui varie d'une génération de migrant à l'autre. Par conséquent, s'ensuit pour Jean Luc RICHARD (P.208) une ségrégation spatiale des populations et certaines zones d'habitation sont des motifs de stigmatisation qui entraînent des discriminations (cité par Michel L. PP 72).

Partant de ces analyses, l'intention de ce chapitre est de comprendre d'une part comment la relation à l'habitat fonctionne comme un élément structurant des rapports intergroupes et notamment les relations autochtones - migrants, d'autres parts comment les valeurs culturelles et les normes de la société d'accueil contribuent à la fabrique de l'autochtonie dans le champ de ces relations sociales ?

IV.1. Style d'occupation spatiale et processus d'étiquetage social

Les communautés migrantes reproduisent dans les zones d'accueil la société d'origine dès leur installation. En raison de leur faible dotation en ressources économiques, ces groupes optent premièrement pour des abris de fortunes avant l'intégration finale. Cependant de nos jours la forme de l'habitat est utilisée par les autochtones Krobou comme marqueur pour produire la différenciation sociale.

Selon certains autochtones: « (...) les Baoulé et Agni, eux, ils n'aiment pas construire, mais je pense que pour qu'ils construisent, il va falloir leur attribuer des lots sinon ils occupent des établissements éparpillés, parsemés au milieu de tout le monde. Ils construisent des maisons mais, ce ne sont pas des maisons décentes. Et ce sont surtout les Baoulé et les Agni qui font cela. Ils sont là dans les bas-fonds derrière nous. Quant aux Burkinabé c'est propre parce qu'il y a longtemps qu'ils sont nos frères, ils occupent le site du village et ils ne peuvent pas s'amuser à construire en « Papo ». Mais les Baoulé et les Agni avancent qu'ils n'ont pas les moyens pour le moment. Alors qu'ils s'en vont construire dans leurs villages respectifs. C'est un peuple gourmand (..). Nous avons avec les Baoulé et les Agni une forte ressemblance de nos valeurs culturelles. On est du même grand groupe AKAN, ce sont les communautés les plus pacifiques du village. »

« Les Baoulé et les Agni sont des travailleurs, ils ne sont pas paresseux, c'est pourquoi ils aiment habiter dans les campements. Ils n'aiment pas la ville comme nous autres. Mais ils ne construisent pas en dur ici parce qu'ils sont à une heure ou deux heures de route de chez eux. Ils préfèrent construire chez eux.». Discours allogène.

A travers ces discours, il ressort que les autochtones produisent à la fois une tendance d'inclusion et une tendance d'exclusion des Baoulé et les Agni à leur communauté ; inclusion par un discours sur le partage d'une expérience historique commune, le sentiment d'appartenance au grand groupe Akan ainsi que sur la similitude de certaines valeurs culturelles (le langage par exemple). Ce qui justifie le fait que l'interlocuteur qualifie les Baoulé et les Agni de groupes les plus « Pacifiques ».

En revanche, le stigmate de l'habitat précaire des Baoulé et Agni suscite la production d'un discours d'exclusion à l'égard de ces groupes « ils aiment trop campement (...) Ce sont des gourmands ». Ce modèle d'habitat (habitat en "papo") étant perçu comme non conforme au style moderne, les autochtones n'autorisent leur construction que dans des endroits périphériques le plus souvent marginalisés. Les termes « bas-fonds », « campements », « collines » sont le plus souvent employés pour désigner les sites habités par les migrants, c'est d'ailleurs ce prétexte « d'habitat non moderne » qui a été évoqué pour "déloger"les Burkinabé anciennement installé aux abords du centre-ville pour leur attribuer un nouveau site sur les "collines" (actuel Dioulabougou).

« Nous, avant notre arrivée sur ce site, on abattait les anciens pieds de caféiers et de colatiers pour construire nos maisons, personne ne savait qu'on serait un jour au milieu du village (...) mais à ce moment, Jules KOFFI était au pouvoir, c'est lui qui nous a dit d'aller sur le site que nous occupons, il a envoyé des machines et a démoli nos maisons. Mais ce n'étaient pas de bonnes maisons ».

Ainsi la construction d'un motif pour justifier la disqualification des migrants passe par la production d'une image négative de l'espace habité. Et cette image négative est captée par les migrants et restituée à travers un processus de redéfinition de leur statut social. Les migrants fonctionnent dès lors au point de vue individuelle et collectif comme des personnes ou entités à statut inférieur par rapport aux autochtones. Ici l'enjeu porte sur la domination symbolique par une fabrique d'inégalité interethnique qui se consolide à travers les processus d'interdiction d'accès aux ressources disponibles. Le jeu interactionnel étant déterminé par des conditions structurelles telles que les relations de classe et la répartition des statuts sociaux et du pouvoir.

IV.2. Les interdits comme style symbolique de production de l'autochtonie.

L'aspect le plus apparent du processus de production de la domination symbolique est l'institution traditionnelle qui vise à interdire l'élevage du cabri et sa consommation sur les terres Krobou.

« Nous avons un seul interdit ici c'est le cabri. Je ne me suis pas fait expliquer le pourquoi. Mais lorsqu'on était enfant, le cabri ne passait même pas dans le village. Si un chauffeur s'entêtait et qu'il traversait le village, on le huait et après la traversée, le cabri mourrait et une pluie venait immédiatement effacer les traces. (...). Mais avec la religion (le christianisme), certains estiment qu'il s'agit d'une croyance animiste, contraire à la foi chrétienne. Mais ils en ont souvent pour leur compte et même nous sommes en train de tabler sur le cas d'un proviseur à la retraite qui est décédé cette année (2008) après avoir consommé le cabri. »

Il ressort de ce discours que les individus adhèrent à cette institution sans chercher à comprendre les raisons de son existence.

Le récit de l'interdiction de consommer le cabri fonctionne comme un mythe dont la fonction est de forger par consensus une acceptation sociale commune de la réalité présente. L'interdit ici apparaît comme un élément sacré doté d'une valeur emblématique au double sens d'attribut substantiel et de possession (Schwartz, cité par Poutignat et Al).

Le discours sur les sanctions liées à sa profanation joue un rôle de production d'attitude communautaire d'affirmation d'une identité collective puisque l'individu qui s'en soustrait encourt une peine allant jusqu'à la mort. Ce rôle unificateur des interdits communautaires, DURKHEIM, l'avait déjà souligné dans les formes élémentaires de la vie religieuse sous le vocable du totémisme. Pour lui «  l'origine première du totémisme est la reconnaissance du sacré. C'est une force impersonnelle, anonyme, diffuse, immanente et transcendante qui guide les croyances. ». (DURKHEIM cité par Raymond ARON P 352).

Comme on le voit, l'interdiction du cabri est un élément symbolique qui consolide la pérennisation de la communauté Krobou en tant qu'entité ethnique différente des entités migrantes. Elle est productrice de sentiment communautaire et son caractère coercitif joue une fonction de mobilisation de membres.

Cependant, si elle permet la reproduction de la phratrie ou du clan des Krobou, l'interdiction du cabri a également une fonction instrumentale dans la fabrique de l'autochtonie. En effet, la migration des allochtones et des allogènes a donné lieu à l'implantation de campements divers. Certaines de ces localités sont distantes de plus de vingt (20) Km du village central, "le village noyau" c'est à dire Aboudé-Mandéké.

Ainsi pour exercer leur droit d'autochtonie sur ces localités, on assiste à la production d'un processus de légitimation à partir d'un discours sur l'interdiction d'élever le cabri sur le "sol Krobou". Ce processus apparaît comme une forme symbolique de marquage spatial. Puisque le récit mythique de l'interdiction du cabri est restitué par les Aboudé et approprié par les migrants qui observent cette prescription. Ce processus de transmission aux communautés migrantes de l'héritage sacré des Aboudé s'effectue avec la production d'un autre discours sur l'origine céleste des Krobou qui cimente l'ensemble du processus de construction sociale de l'autochtonie comme entité ethnique distincte et supérieur aux entités migrantes dans tourtes leurs composantes.

Aussi, face aux enjeux politiques qui prévalent les individus utilisent-ils d'abord des traits culturels empiriquement observables comme des symboles d'inclusion et d'exclusion. Ils se saisissement des liens matériels historiquement perceptibles à la fois comme moyens d'assignation ou d'identification des "in-group" et comme producteurs de valeurs contrastives par rapport aux "Out-group".

CONCLUSION PARTIELLE

La construction sociale de l'autochtonie dans l'espace géographique d'Aboudé-Mandéké s'est réalisée à travers un processus instrumental de construction de la différenciation identitaire.

En effet, utilisant la position sociale ou le statut comme ressource, les autochtones reproduisent des institutions sociales à caractère coercitif. Le fonctionnement de ces institutions contribue à la fabrique d'inclus et d'exclus en prenant pour moule le contexte sociopolitique qui préfigure la disqualification des migrants.

Aussi, le processus de légitimation des revendications des autochtones donne lieu à des styles différents de marquage social de l'espace. C'est un processus d'étiquetage qui prend forme à partir de l'arrière fond culturel pour produire une inégalité interethnique.

Par ailleurs comment l'évolution du cadre institutionnel entraîne- t- elle une modification des rapports interethniques ?

TROISIEME PARTIE : LES DYNAMYQUES INSTITUTIONNELLES ET REPRORODUCTION CONFLICTUELLE DES RAPPORTS INTERETHNIQUES

La deuxième partie de cette étude a été consacrée à l'expression des marquages sociaux comme style de production de la différenciation identitaire. Elle nous a permis de repérer dans l'espace social villageois les outils symboliques de production de la part des autochtones Aboudé d'un «soi collectif'' sur fond de légitimation du droit de propriété sur l'espace.

Autrement dit, la seconde partie a planté le décor de l'expression de la différenciation sociale dans un style de revendication du droit d'autochtonie. La présente partie définit les contextes institutionnels dans lesquels s'extériorisent les sentiments d'inégalité issus des processus de différentiation sociale. Dès lors, il s'agit d'examiner les rapports fonciers et de rendre compte de leurs expressions conflictuelles. Il est question surtout de montrer comment les autochtones expriment leur droit d'autochtonie dans un contexte instrumental d'identification ethnique.

Elle comprend deux chapitres : le premier rend compte de la dynamique des processus d'accès aux ressources foncières à Aboudé-Mandéké. Ramené à notre modèle théorique, il s'agit de comprendre comment, dans un contexte mouvant de jeux (affectifs et idéologiques) interactifs, s'élabore la logique propriétariste des Aboudé, vis-à-vis des migrants de Mandéké.

Le second chapitre met l'accent sur la dimension instrumentale de cette logique. Cette dimension se saisit concrètement à travers les modalités d'expression de la conflictualité (antagonismes) et la production des itinéraires de résolution par les acteurs en présence.

CHAPITRE V : EVOLUTION DES PROCEDURES DE CESSION ET REPERAGE DES LOGIQUES PROPRIETARISTES

Dans les chapitres précédents, nous avons indiqué que dans l'espace villageois, les entités se construisent sur fond de différenciation identitaire. Et que cette différenciation se produit dans un registre de revendication de l'autochtonie et de marginalisation des migrants. A présent il s'agit de savoir comment ce repère sociopolitique est réinvesti dans le foncier. On part du principe que la production des sentiments d'inégalité entre autochtones et migrants se décline en expression de sentiments de marginalisation et d'exclusion sociale.

Partant d'un contexte d'économie morale, comment les sentiments affectifs se déclinent en relations marchandes ?

Dans quels contextes s'expriment les transactions foncières et quels sont les ancrages idéologiques de ces contextes ?

V - 1- La pratique des dons ou logique coutumière d'accès aux ressources foncières.

Les modalités d'appropriation des ressources foncières jouent un rôle important dans la compréhension de la dynamique des rapports entre autochtones et migrants en milieu rural. L'arrivée et l'établissement des premiers migrants à Aboudé Mandéké se sont fait à travers le tutorat dans un contexte d'économie morale, marquée par une logique coutumière de cession des terres.

Le tutorat est une institution agraire et sociale fondée sur une conception morale des droits aux étrangers. C'est un ensemble de règles, normes acceptées et intériorisées par les acteurs, dont le contenu moral repose sur des principes traditionnels d'hospitalité, de fraternité. Il a un caractère bilatéral, et exige des droits et obligations à la fois du tuteur, qui devient comme père, aîné social, bienfaiteur ou patron selon les perceptions des communautés ethniques, et du migrants qui doit manifester des rapports de reconnaissance dont le contenu peut être moral (devoir de subordination rituelle) ou matériel (rente foncière , obligation d'assistance par des dons de diverses formes).

Le tutorat apparaît donc comme un système d'économie morale marqué par un style inégalitaire d'échange d'un bien social (honneur, vertus respect...)49(*). « Avant, ici à Aboudé-Mandéké, quand tu viens et que tu veux définitivement y rester, il suffit d'être gentil avec ton tuteur, et tu te voyais octroyer une portion de forêt.

Tu ne payais rien qu'une ou deux bouteilles de « gin » ou un poulet (...) .Quand tu es beaucoup aimé par ton patron, même quand il doit te demander de l'argent c'est insignifiant. »

« Nos père étaient habités par l'humanisme et la générosité, c'est ça qui les habitait, ils ont donc bradé les terres, ou bien gratuitement pour une bouteille de « gin » ou bien contre une modique somme d'argent (...). »

On le voit l'entame de l'économie de plantation s'est fait dans un contexte de prédominance des liens communautaires comme mode de fonctionnement des sociétés ivoiriennes de l'époque coloniale. Les ressources disponibles dans l'espace social étant conditionnées par ces sentiments affectifs et les acteurs en font usage pour parvenir à leur but.

«  La seule garantie pour s'établir en Côte d'Ivoire, c'est d'être propriétaire de terre. Et les tuteurs eux - mêmes nous encouragent puisqu'ils nous trouvaient assez gentils. » Discours allogène.

V-2 Relations marchandes et redéfinition des rapports de tutorat.

En déclarant le mot d'ordre « la terre appartient à celui qui la met en valeur » dès le début des années 1960, les autorités ivoiriennes ont consacré l'expansion spectaculaire de l'économie de plantation dans un conteste de valorisation des allochtones et des immigrants étrangers comme fer de lance (DOZON J.P.1997). Cette date marque une étape importante dans les relations autochtones migrants. A Aboudé - Mandéké, les allogènes Burkinabé et Maliens ainsi que certains Dioula ivoiriens établis au sein du village se convertissent massivement dans la culture arbustive en achetant ou en bénéficiant des faveurs de terre auprès des autochtones Krobou.

Par ailleurs les allochtones Baoulé, Agni, majoritairement établis dans les campements depuis les années 1950 à la faveur du tutorat cessent de verser des redevances aux Krobou, certains acceptant seulement de donner encore une somme symbolique de 1000 F à 2000 F CFA par an. A partir de cette période, la conquête pour l'exploitation de la terre devient un enjeu majeur entre Aboudé et migrant du terroir villageois. Dès lors les autochtones rompent avec les dons de forêt. Même les prêts destinés aux cultures vivrières autrefois gratuites se transforment en location (indemnités en argent, en nature, ou en prestations de service.). Les ventes de terre deviennent le seul mode d'accès face à l'engagement grandissant des groupes pour la culture de rente devenue une source réelle de richesse. Les prix de vente restent pourtant bas (autour de 5000f à 10.000f par hectare). La saturation foncière s'en suit, les ventes décelèrent et les prix flambent pour atteindre les 100.000f l'hectare vers la fin années 1970. De nos jours le prix d'un hectare de forêt à Aboudé -Mandéké dépend du contrat de négociation entre cédant-acquéreur et tourne autour de 200.000Fcfa. Les cessions de terre par vente restent les seules modalités de cession entre autochtones et migrants même si les ventes restent rarissimes.

Cependant le retour de certains Baoulé et Agni dans l'enceinte villageois a redonné lieu au système « Busan » comme nouveau mode d'accès à la terre. Dans ce système, l'autochtone qui dispose par exemple de 10hectars de forêts, les met à la disposition du migrant, celui-ci les aménage et plante le produit de rente recommandé par l'autochtone (généralement, il s'agit de l'hévéa ou le cacao). Après la récolte, les deux parties se partagent les produits en parts égales. La plantation reste celle de l'autochtone et le système peut durer jusqu'au départ des migrants ou jusqu'à ce que l'autochtone décide de retirer ses plantations. Il y a également de nos jours une présence massive des allochtone Gouro. Ces derniers s'investissent dans le maraîcher dans des bas-fonds loués auprès des autochtones. Puisqu'ils se sont heurtés aux problèmes de manque de terre. Les bas-fonds étant considérés comme impropres à la culture arbustive, leur accès est relativement facilité car les conditions de cession sont relativement non drastiques. Il s'agit simplement pour le Gouro de « manifester sa bonne foi envers son tuteur ».

A l'analyse, l'évolution des modes de cession s'est reflétée sur les représentations des statuts des individus dans le champ social. La « marchandisation » du tutorat s'est opérée à travers la conversion des rapports affectifs en relations marchandes avec son cortège de « contrats informels ». Pour le migrants, l'autochtone, dans ce contexte, n'apparaît plus comme un «tuteur''  puisqu'il achète la terre. Ce qui implique souvent la présence  de plusieurs cédants (tuteurs) pour un seul migrant (le client). Malgré ce contexte clientéliste, les autochtones (Aboudé) estiment qu'il est impératif que subsistent les rapports de reconnaissance, le contexte monétaire des transactions ne purgeant pas la totalité des droits coutumiers. Pour eux « le clientélisme foncier » ne doit pas être un prétexte de d'aliénation de leurs droits :

« On vent la forêt, mais on ne vend pas la terre. Même si tu as cent hectares de cacao, saches que la terre appartient aux Aboudé

En somme, la monétarisation du tutorat a préfiguré une reconstruction conflictuelle des rapports interethniques à Aboudé - Mandéké.

Le degré d'expression des sentiments de disqualification varie selon les rapports de production entre migrants et autochtones. Les Baoulé, Agni et Gouro sont relativement inclus en raison, pour les premiers de la modification de leur stratégie foncière d'isolement et de distanciation en rapports de cohabitation au sein du village.

Pour les Gouro, il y a une absence d'enjeux réels avec les autochtones. L'accès à la terre ne fait pas objet de compétition puisque les bas-fonds sont disponibles et les Aboudé ainsi que les autres groupes de migrants ne font pas de la production maraîchère une source potentielle de revenus.

Au contraire l'ensemble des groupes formant la communauté Dioula font objet de disqualification. Cette situation est moins imputable à la similitude interne de leurs valeurs culturelles et leurs oppositions aux valeurs culturelles des autochtones et des trois précédents groupes de migrants jugés semblables. Cette distanciation est due au contexte global de marginalisation des migrants Burkinabé ainsi que "leurs frères" du Nord par les acteurs politiques. Et cela est relayé au niveau local par les différents acteurs locaux sur fond de conflit foncier ou conflits interethnique.

CHAPITRE VI : CRISE ECONOMIQUE ET PRODUCTION CONFLICTUELLE DES RAPPORTS INTERETHNIQUES

VI-1 Contexte et motifs de déstructuration des liens sociaux.

VI-1-1 Des effets pervers de la crise économique

Les années 1980 sont un tournant dans les modifications des pratiques concernant le tutorat dans le paysage foncier local. En effet, elles marquent l'avènement de la crise économique nationale (« conjecture ») avec son cortège de licenciement de (« conjecturés ») puis « déflatés » et « compressés »  C'est aussi la période de la crise de l'éducation le système éducatif ayant produit de nombreux « déchets » scolaires formé des jeunes sans-emploi (diplômés- chômeurs). Par ailleurs il y'a la politique nationale d'encouragement des jeunes à retourner à la terre, or en arrivant ces jeunes se retrouvent confrontés à une sorte de pénurie foncière, de saturation due aux aliénations foncières des aînés qui ont vendu ou bradé le patrimoine familial aux étrangers. Ainsi, ces « victimes » de la crise économique et de la crise du système éducatif investissent le milieu rural avec un état d'esprit « revanchard » qu'ils traduisent en comportements marginaux vis-à-vis des migrants qu'ils tiennent pour responsables de leurs malheurs.50(*)

Pour ce faire, ils se redéfinissent en tant que « nouveau tuteurs » et exercent de plus en plus une influence au sein du système d'autorité villageois qu'ils manipulent dans un dessein instrumental. Comme l'indique bien ces propos : « Aujourd'hui c'est la jeunesse qui décide. Et nous à la chefferie, on leur octroie une grande place (....) ».

Comme on le voit la crise socio-économique a formaté une crise de la ruralité en propulsant sur la scène, des acteurs nouveaux qui réinventent les règles du jeu social à Aboudé. Ce qui génère des conflits et renforce la différenciation interethnique.

VI-1-2 Des interventionnismes «pernicieux'' de l'Etat.

· Absence des règlementions foncières et spoliation de l'autochtonie.

Depuis la période coloniale, la politique de l'Etat avait encouragé la colonisation des terres dans les zones forestières par les migrants en mettant en place des dispositions particulières favorisant à la fois l'implantation des allogènes et des allochtones. Et de cette époque jusqu'aux années 1990 l'Etat ivoirien sous le parti unique procédait à une redistribution, des fruits de la croissance. Le consensus politique et social présidait et évitait provisoirement l'explosion sociale (Konaté, 2003 cité par Babo A). De même, le principe Houphouëtien de «  la terre appartient à celui qui la met en valeur » présidait à cette colonisation pionnière (Otch-Akpa cité par Babo A.). Par ailleurs avec l'ouverture du jeu politique dans les années 1990, on assiste à une instrumentalisation de l'ethnicité purement animée par les acteurs politiques avec des relais locaux qui véhiculent leurs idéologies.

Il en résulte alors de nombreux conflits autant entre autochtones allochtones qu'entre autochtones et migrants allogènes qui ont contribué à fragiliser l'équilibre socio-économique du monde rural. Pour juguler cette crise du foncier rural, la Côte d'Ivoire s'est dotée d'un « arsenal juridique » par la loi N°98-750 du 23 décembre 1998 relative au domaine foncier rural.

· La loi 98 comme logique de renforcement de l'autochtonie par l'Etat

Les objectifs de la loi 98 étaient clairs : « (...) Résoudre la question des droits coutumiers, fixer et protéger définitivement les droits de propriété sur les terres rurales ; déclarer solennellement patrimoine national le domaine foncier rural pour en réserver la propriété aux seuls ivoiriens » SIGS, 2008 P. 10-11.

L'objectif affiché par l'Etat dans sa recherche de « solution » vise donc a redonner le pouvoir à l'autochtonie longtemps spoliée et marginalisée. C'est une « reconnaissance juridique de la coutume et l'Etat ne fait que rétrocéder aux propriétaires terriens, les terres dont ils avaient été dépouillés ». (Koulibaly M.2004 cité par Koné M. P.14.).

Ainsi pour parvenir à ce but, la grande nouveauté introduite par cette loi est la reconnaissance des droits coutumiers exercés par les personnes que les coutumes reconnaissent comme détentrices de terres. Ce qui signifie que si aujourd'hui une personne affirme détenir une parcelle de terre selon la tradition et la coutume, la loi la lui concède. Cependant cette affirmation verbale est temporaire et précaire si elle n'est pas consolidée en droits permanant par le canal du certificat foncier dont la procédure d'obtention se résume en six étapes fondamentales à savoir :

1. Introduire une demande d'enquête auprès du Sous-préfet de la localité ;

2. Le Sous-préfet :

ü Désigne un commissaire-enquêteur,

ü Fait la publicité.

3. Le Commissaire enquêteur :

ü s'entoure d'une équipe pour réaliser l'enquête,

ü rédige un procès verbal.

4. Les résultats de l'enquête :

ü Font l'objet de publicité,

ü Sont présentés publiquement,

ü Approuvés par le Comité Villageois.

5. Validation par le Comité sous-préfectoral de gestion foncière et transmis au Directeur Départemental de l'agriculture qui prépare un certificat foncier ;

6. Délivrance d'un certificat foncier par le préfet de département qui le publie au journal officiel.51(*)

Ainsi l'obtention d'un certificat foncier représente un parcours épineux aux yeux des populations en milieu rural. A Aboudé-Mandéké certains autochtones estiment que « cette histoire de papier ne fait que compliquer les choses. Ce sont les riches qu'on arrange (...) ». Les populations n'étant pas suffisamment informés, certains considèrent le coût exorbitant et à ce jour « aucun autochtone ne possède un certificat, ou bien il l'a eu sans passer par le Comité Villageois de Gestion Foncière, car je fais parti de ce Comité (...) »

Si la marge de marginalité construite entre autochtones et allogènes est explicitement exprimée par les dispositions, celle entre autochtone et allochtones en implicite. En effet, cette loi propose deux options pour un allochtone déjà exploitant d'une surface préalablement cédée par un autochtone.

La première préconise qu'avant d'engager la procédure d'immatriculation en son nom, l'allochtone purge les droits coutumiers à partir des contrats de cession en négociant avec le propriétaire terrien.

La deuxième option plus ambiguë préconise que l'allochtone reconnaisse d'abord les droits du propriétaire coutumier sur la terre cédée. Ensuite il entame la procédure d'immatriculation au nom du propriétaire coutumier avec promesse ferme de ce dernier de lui céder ladite terre à la fin de la procédure. Les modalités de l'opération étant négociées à l'amiable.

Il ressort donc qu'avec les antagonismes qui préexistent entre autochtones et allochtones les procédures de négociation s'avèrent épineuses. C'est pourquoi les allochtones préfèrent ne pas engager la procédure aux risques de se voir expropriés. Tout comme les allochtones, les autochtones non plus ne possèdent pas de certificats fonciers à Aboudé-Mandéké.

Concernant les allogènes, la loi est claire, il y a d'abord constatations et consolidation des droits coutumiers par le détenteur coutumier qui a cédé la terre. Ensuite signature d'un contrat d'exploitation liant non-ivoirien et détenteur coutumier. Enfin, le détenteur coutumier procède à l'immatriculation des terres en son nom. Ces dispositions s'ajoutent à certains avertissements formels du code foncier à savoir :

La nationalité ivoirienne comme condition ciné qua non dans l'attribution du titre de propriété ;

Il est interdit de donner, vendre ou transmettre par héritage la terre à un étranger même entre deux conjoints dont l'un est ivoirien et l'autre étranger ;

Désormais pour vendre ou donner la terre, il faudra la faire immatriculer, la cession verbale ou les bouts de papier sont proscrits ;

L'ancien Article 26 de la loi faisait obligation aux héritiers étrangers de vendre la terre de leur défunt ascendant à un ivoirien dans un délai de trois (03) ans après la promulgation de la loi.

Mais ayant suscité de vives protestations et conflits, sa révision a été recommandée par les accords de Linas-Marcoussis en Janvier 2003 dans le cadre de la résolution de la crise militaro-politique et son amendement a eu lieu le Jeudi 9 Juillet 2004. Ainsi, le nouvel article permettant aux détenteurs étrangers d'un certificat foncier d'être propriétaire mais ne peut la donner ou la vendre à un étranger. Il a seulement le droit de transmission par héritage.

A l'analyse, il convient d'admettre que la loi 98 est un défoliant politique sur le monde rural. C'est un prétexte de marginalisation et d'exclusion des communautés étrangères.

Mais le faisant elle rend plus flou l'expression des rapports fonciers autant entre autochtones, entre autochtones - allochtones qu'entre autochtones-allogènes. Les acteurs se contentent seulement de l'écho reçu par le biais des politiques pour mener leurs actions

A Aboudé - Mandéké les actes de disqualification sont généralement dirigés contre les migrants burkinabés. En 2005, un autochtone Aboudé meurt des coups et blessures qui auraient été infligés par des Burkinabés, le village entre en effervescence, trois burkinabés sont tués, les fèves de cacao saccagées, certaines plantations détruites et la communauté menacée d'expulsion. Malgré donc les amendements à lui apporter la loi 98 semble inapplicable puisqu'elle ne part pas des réalités du terrain. Si les autochtones l'utilisent pour exhumer des conflits latents en menaçant les étrangers d'expulsion, il apparaît que les allochtones semblent dans une position perplexe. Car de quelle garantie dispose-t-il lorsqu'ils auront purgés les droits coutumiers ? Ou encore les parties contractantes sont-elles sûres d'obtenir le respect scrupuleux de l'engagement pris?

Enfin la loi 98 semble soulever plus de problèmes que d'apaisement dans les rapports entre autochtones. «  C'est le médecin après la mort, cette loi est venue en retard (...) ce n'est pas facile de chasser quelqu'un qui a fait 40 à 50 ans entrain de cultiver une terre. C'est ce que la loi nous demande (...). Quand on veut immatriculer la terre, les allogènes pensent qu'on veut la leur arracher, ils s'opposent donc. Comment agir dans ces conditions, la loi ne nous le dit pas (...) »

Ces propos attestent bien évidemment de l'état conflictueux dans lequel cette loi plonge les communautés en milieu rural. Elle formate une idéologie d'exclusion en attisant les antagonismes interethniques.

VI.2. Expression des conflits interethniques

Le blocage de l'application effective de la loi 98 est en parti imputable aux conflits qu'elle préfigure autant à l'intérieur d'un même groupe qu'entre les communautés vivant en milieu rural.

VI.2.1 Les conflits Aboudé - Aboudé

« La loi n'arrange que les riches. Elle discrimine les riverains qu'elle devrait pourtant privilégier. Mais moi, si quelqu'un comme c'est le cas souvent, essaie de venir derrière ma maison et dire qu'il détient des droits coutumiers sur ma portion, juste à côté parce qu'il est riche, je mets les plombs dans ses fesses (...) »

Ainsi le processus de détermination des droits coutumiers est à la base de nombreux conflits entre les membres de la communauté Aboudé. Ce fait est renforcé par des antagonismes politiques. Les "riches" étant également les autochtones Aboudé faisant parti du conseil général d'Agboville et donc affiliés au FPI, Parti au pouvoir pendant que la plus part des membres de la chefferie se réclament du PDCI-RDA. Comme quoi l'instrumentalisation identitaire induite par la loi se fait prendre à son propre piège. Préétablie pour discriminer les allogènes la loi finit par opposer les autochtones entre eux.

VI.2.2 Les conflits Autochtones- Migrants

Aujourd'hui, plusieurs années de productions marginalisant de l'identité des migrants ont contribué à fragiliser leur statut en milieu rural. La différenciation "Ivoiritaire" opérée à travers un processus instrumental de fabrique de l'image de l' « étranger nocif » a abouti à une précarisation de leur droit d'accès aux ressources socio-foncières rurales.

A Mandéké, les conflits naissent généralement des processus de déstabilisation des migrants par certains autochtones. Il s'agit le plus souvent des Burkinabé.

« Ici aujourd'hui, le principal problème c'est cette histoire de terre ; les autochtones estiment que leurs pères ont vendus à des prix dérisoires ou donné gratuitement la terre à nos parents sans prévoir leur part (...). Mon père et moi avons payé 6 ha de forêt avec l'un de nos frères burkinabé à 180 000 F. Cet espace appartenait au fils de notre tuteur. Mais avant de donner l'argent, mon père est allé voir le fils en question qui a reconnu avoir vendu au préalable l'espace au Burkinabé qui désirait rentrer au Burkina. Il lui expliqua son intention de racheter l'espace et ce dernier donna son accord. A ce moment, son frère cadet travaillait à Abidjan. Quand ce dernier fut licencié, il est revenu à Aboudé ici et il a réclamé les 6 ha de mon père en stipulant que cet espace lui aurait été cédé par son père et non à son frère. Nous avons montré notre reçu d'achat et il a dit qu'il ne le reconnaissait pas et qu'on ne pouvait aller nulle part avec ce papier qui n'a aucune valeur (....). Nous avons été enfin de compte obligé de racheter les six (06) ha avec lui à 500 000 FCFA et il nous a établi un nouveau papier signé par les chefs. »

En plus d'être le résultat des manoeuvres politiciennes, les conflits éclatent généralement entre les deuxièmes générations de migrants et leurs pairs autochtones. Pour la plus part des cas, ces derniers n'ont pas pris part aux accords fonciers dont ils méconnaissent les closes. Ce qui laisse une marge de manoeuvre d'une part à l'autochtone pour accuser le migrant soit d'avoir usurpé ou outre passer les limites fixées ou les droits cédés et d'autre part au migrant de produire un discours sur sa légitimité à travers la présentation d'un reçu ou l'évocation de liens affectifs liant les deux géniteurs.

Comme on le voit les conflits en milieu rural s'expriment sur fond de discrimination ethnique. Le statut et le capital culturel de l'individu sont utilisés comme instrument sociopolitique de marginalisation, et le conflit permet le maintien des frontières entre "in-group" et "Out-group".

La marginalisation et l'exclusion des Burkinabé notamment étant le repère de ces pratiques à l'échelle nationale.

Ramené à notre modèle analytique, l'expression des conflits est le reflet d'un enjeu de domination de l'espace par les Aboudé. Le champ d'exercice des actions étant plus ou moins ouvert, les acteurs réalisent leur but par différentes stratégies dont l'accumulation de plusieurs types de ressources. Ce qui préfigure des itinéraires locaux de résolution.

VI - 3 - Itinéraire de résolution

Les conflits entre autochtones et migrants ont souvent vu l'intervention des autorités administratives ou d'organismes nationaux (conflit de 2006). Cependant au plan local on assiste à la reproduction d'instances de gestion des antagonismes interethniques.

« Aujourd'hui, nous n'acceptons pas que nos compatriotes fassent le "forcing" aux étrangers. On propose toujours une solution à l'amiable. Le migrant doit reconnaître l'Aboudé qui lui a vendu la terre comme propriétaire terrien. A ce titre, il doit lui verser une somme allant de 5 000 F à 10 000 F par hectare après chaque récolte. Cela évite les conflits (...) ».

« Ici maintenant tout est claire, quand on veut acheter la terre, ce ne sont plus un ou deux individus que cela implique. Ce sont les chefs de communautés que la procédure engage (...). Le chef du village signe, le chef de terre signe, le chef de communauté du migrant signe après que les deux contractants aient signé. Comme ça c'est clair pour nous étrangers ! ».

A l'analyse, ces instances semblent une innovation majeure dans le règlement des conflits fonciers. Elles semblent définitivement régler l'épineux problème de la crédibilité des contrats de cession.

Cependant, la logique de résolution des conflits de revendication autochtones montre bien en quoi elles constituent un moyen de repli sur le foncier de la part des autochtones. La reconnaissance obligatoire du droit d'autochtonie préalable à toute négociation est une forme symbolique de domination.

Mais pour rétablir un équilibre dans la prise de décision, le recours aux chefs de communautés comme caution s'avère une ressource adéquate pour le migrant.

En effet, face à la mobilisation de pratiques inégalitaires par les autochtones, les migrants développent un sentiment d' "agir communautaire" seule capable de les soustraire de cette domination.

« Maintenant, on ne reste plus ici sans repère. Il faut que tu appartiennes à une communauté. Sinon le jour où tu auras un problème (...). Par ce qu'ici on est étranger et le "morceau de bois aura passé cent ans dans l'eau ne sera jamais un caïman." ».

CONCLUSION PARTIELLE

La construction sociopolitique de la différenciation identitaire entre Aboudé et Migrants, réinvestie dans le foncier se décline en processus de disqualification puis en rapports conflictuels.

L'usage de l'affect comme ressources pour accéder au foncier, dans un contexte prédominant d'économie morale se mue en relation marchande entre migrants et tuteurs. C'est la marchandisation du tutorat (Koné M)

Ce nouveau contexte d'économie marchande ayant subi de plein fouet les contrecoups successifs des crises économiques et sociopolitiques a favorisé une déstructuration des liens interethniques et une transformation des sentiments d'inégalité en sentiments d'hostilité interethnique même si des mécanismes d'autorégulation de ces antagonismes sont relativement mobilisés.

CONCLUSION GENERALE

La production de la différenciation interethnique s'inscrit dans le processus global de construction sociale des identités en milieu rural par les entités (individuelles et/ou collectives).

Dans le sud forestier ivoirien, la pratique de l'économie de plantation qui est la marque de la ruralité constitue l'axe central autour duquel se forment les cadres de sociabilité et le pôle d'agglomération où s'édifient et se consolident les pratiques, les comportements et les représentations des migrations.

Dans cette perspective, la reproduction à Aboudé-Mandéké, village du département d'Agboville, de groupes de référence d'origine ou entités communautaires est le résultat d'un double processus d'affirmation et de distinction construit autour des pratiques et des systèmes de significations, qui étant partagés par les individus, les conduisent à se constituer en groupes distincts.

Dans ce contexte de production identitaire, l'affirmation du droit d'autochtonie à travers la mobilisation des pratiques traditionnelles par les Aboudé, provoque chez les migrants un sentiment de marginalisation et d'injustice surtout quand il est question des rapports fonciers où les sentiments affectifs dans le cadre du tutorat ont progressivement érodés et ont décliné en relations marchandes. Ce registre nouveau de déstructuration des liens renforce le clivage interethnique qui se mue en sentiments d'hostilité et en conflits plus ou moins virulents dans un contexte global d'insécurité foncière.

Somme toute la mise en oeuvre de la différenciation identitaire entre autochtones et migrants en milieu rural suscite la production de normes et valeurs qui lorsqu'elles forgent l'identité de soi discriminent, marginalisent puis excluent celle de l'autre. C'est pourquoi les tentatives de résolution de la conflictualité en milieu rural devraient nécessiter un réexamen des modes de régulation foncière qui prédéterminera les conditions d'un consensus entre les entités ethniques.

Cette étude devrait donc être poursuivie pour élucider les aspects laissés en suspend à savoir l'analyse des conditions de production des modes de régulation foncière et les processus qui permettront leur légitimation auprès des communautés autochtones et migrantes.

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TABLE DES MATIERES

SOMMAIRE..............................................................................2

DEDICACE................................................................................3

REMERCIEMENTS.....................................................................4

SIGLES ET ABBREVIATIONS......................................................5

INTRODUCTION........................................................................6

CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE..............................8

I -PROBLEMATIQUE..................................................................8

I-1-Les fondements historiques de la différenciation sociale en milieu rural...10

· Les divisions ethno-régionales comme d'occupation du territoire

Ivoirien.............................................................................10

· Les effets de la mobilité spatiale...............................................11

ü Les migrations internes..................................................11

ü Les migrations externes.................................................12

I-2-La base idéologique de la différenciation interethnique.......................13

I-3-Le cadre institutionnel et symbolique de la différenciation...................16

· Le tutorat : institution traditionnelle d'insertion des migrants

comme élément de différenciation sociale....................................16

· Les institutions politiques de différenciations identitaires..................17

I-4-Les enjeux économiques de la différenciation interethnique..................19

II -REVUE DE LITTERATURE...................................................21

II-1-L'origine historique des rapports de différenciation interethnique.........21

· Du multiculturalisme séculaire des populations rurales de l'AOF.........21

· La différenciation interethnique comme produit de l'évolution

de l'économie de plantation et du processus d'intégration des groupes...23

II-2-Idéologie et aspect symbolique de la différenciation..........................26

II-3-Aspect structurel et symbolique de la différenciation identitaire............28

II - 4 - Cadre institutionnel et évolution des rapports interethniques.............32

III - LES OBJECTIFS DE RECHERCHE.......................................40

IV - MODELE D'ANALYSE.........................................................40

IV-1-Les hypothèses....................................................................40

IV-2-Définitions conceptuelles........................................................41

V-DELIMITATION DU CHAMP DE L'ETUDE...............................42

V-1-Champ géographique..............................................................42

V-2-Champ social.......................................................................43

V-3-Champ de référence théorique...................................................45

VI -LES TECHNIQUES DE COLLECTES DE DONNEES..................47

VII -LES DIFFICULTES RENCONTREES.....................................49

PREMIERE PARTIE : CONSTRUCTION DES IDENTITES SOCIOCULTURELLES ET DELIMITATION DES GROUPES............50

CHAPITRE I : ITINERAIRE MIGRATOIRE ET HISTORIQUE DES COMMUNAUTES ETHNIQUES

I-1-Historique du peuplement des Krobou...........................................52

I-1-1-De l'origine des Krobou.........................................................52

I-1-2-De la légende locale : origine céleste..........................................53

I-1-3-Des caractéristiques du milieu naturel favorable à l'économie de

Plantation..........................................................................54

I- 2- Migration et établissement des communautés migrants

à Aboudé-Mandéké...............................................................56

I- 2- 1- Installation des allochtones et éclatement du "terroir originel" .........56

I- 2- 2- Etablissement des allogènes..................................................57

CHAPITRE II : PARTAGE DE L'ESPACE ET DOUBLE

PROCESSUS D'HOMOGENEISATION ET DE

DIFFERENCIATION ENTRE ABOUDE ET MIGRANTS.....................59

II- 1- Les facteurs de différenciation identitaire....................................59

II- 1- 1- L'appartenance ethnique et la nationalité comme facteur

d'identification primaire.....................................................59

· De la famille à la communauté comme modèle de reproduction de la société d'origine..................................................................60

· De l'exclusion par la nationalité comme résultat des

instrumentalisations politiques..................................................62

II-1-2- De la formation des entités territoriales.......................................64

II - 2 - Les facteurs d'homogénéisation identitaire : la politique et la religion

comme éléments de rapprochement intercommunautaire.................65

Conclusion partielle............................................................67

DEUXIEME PARTIE : MARQUAGES SOCIAUX ET PRODUCTION

DE LA DOMINATON SYMBOLIQUE............................................68

CHAPITRE III - LA REPRODUCTION DES INSTITUTIONS

DE CONTROLE........................................................................70

III - 1 - La redéfinition du rôle du tutorat.............................................70

III - 2 - La restructuration de la chefferie traditionnelle...........................71

III - 3 - La normalisation formelle comme style de domination..................74

III - 3 - 1 - Les statuts et règlement intérieur comme style

de communication.........................................................74

III - 3 - 2 - Les fondements du caractère discriminatoire des règles formelles.75

CHAPTRE IV : LES DETERMINANTS SOCIOCULTURELS

DE LA DOMINATION SYMBOLIQUE..........................................78

IV - 1 - Style d'occupation spatiale et processus d'étiquetage social ............79

IV - 2 - Les interdits comme style symbolique de production de

l'autochtonie....................................................................81

Conclusion partielle............................................................83

TROISIEME PARTIE : LES DYNAMIQUES INSTITUTIONNELLES

ET REPRODUCTION CONFLICTUELLE DES RAPPORTS INTERETHNIQUES...................................................................84

CHAPITRE V : EVOLUTION DES PROCEDURES DE CESSION ET REPERAGE DES LOGIQUES PROPRIETARISTES.........................86

V - 1 - La pratique des dons ou logique coutumière d'accès aux ressources

Foncières.........................................................................86

V - 2 - Relations marchandes et redéfinition des rapports de tutorat.............88

CHPITRE VI : CRISE ECONOMIQUE ET PRODUCTION CONFLICTUELLE DES RPPORTS INTERETHNIQUES..................91

VI - 1 - Contexte et motifs de déstructuration des liens sociaux ...............91

VI - 1 - 1 - Des effets pervers de la crise économique sur le monde rural .....91

VI - 1 - 2 - Des interventionnismes pernicieux de l'Etat .........................92

· Absence de règlementations foncières et spoliation de l'autochtonie.92

· La loi 1998 comme logique de renforcement de l'autochtonie........92

VI - 2 - Expression des conflits interethniques.....................................96

VI - 2 - 1- Les conflits Aboudé - Aboudé..........................................97

VI - 2 - 2 - Les conflits Aboudé - Migrants.........................................97

VI - 3 - Itinéraire de résolution........................................................99

Conclusion Partielle..........................................................100

CONCLUSION GENERALE.......................................................101

BIBLIOGRAPHIE....................................................................103

TABLE DES MATIERES...........................................................110

* 1 BABO (A) et al, Conflits fonciers : de l'ethnie à la nation .Rapports interethniques et ivoirité dans le Sud Ouest de la Côte d'ivoire in colloques international «Les frontières de la question foncières -At the frontier of land issues «, Montpellier, 2006

* 2 Schwartz A, Martinet F et al, Le dynamisme pionnier dans le sud-ouest ivoirien, ORSTOM Paris 1962

* 3 Dozon (J.P.), « l'étranger et l'allochtone en cote d'ivoire », in Contamin (B) Memel fotê (A) (Dir), le modèle ivoirien en gestion, crises, ajustements, recomposition, paris édition Karthala-orstom, 197.

* 4 Babo A op cit

* 5 Durkheim(E), Les règles de la méthode sociologique P.U.F paris 1937

* 6 (Baha Bi Youzan) fiche de travail cours de sociologie rurale 2005).

* 7 Chaléard (J.L.), « Occupation du sol et immigration en pays Abe (département d'Agboville cote d'ivoire) », in cahier ORS TOM, série sciences humaines, vol. XVIII, n°3, 1982.

* 8 Baha BI op cit

* 9 Dozon JP. Op cit

* 10 Koné G, Violences politiques à caractères communautaires e inégalités horizontales en Côte d'Ivoire d'octobre 2000 à Mars 2004, Mémoire de DEA, Université de Bouaké, 2003-2004.

* 11 Dozon JP op cit

* 12 Babo A. op cit

* 13 Koné G, op cit

* 14 Babo A op cit

* 15 Chauveau JP, Question foncière et construction nationale en Côte d'Ivoire : les enjeux silencieux d'un coup d'Etat, in Politique africaine, vol 78, pp94-125

* 16 Neveu C, Essai sur l'immigration baoulé en pays Bakwé, Université de paris 10, ORSTOM, paris 1976

* 17 Koné M, Foncier rural, citoyenneté et cohésion sociale en Côte d'Ivoire : Pratique du tutorat dans la sous-préfecture de Gboguhé, in colloque international les frontières de la question foncières - At the frontier of land issues, Montpellier 2006

* 18 Babo A, op cit

* 19 Charléard J-L op cit

* 20 Ouédraogo D, Migrations circulaires et enjeux identitaires en Afrique de l'Ouest, www.google.fr

* 21 Chauveau J.P et Richard J L'Organisation socio-économique Gban et économie de plantation

* 22 Schwartz A, Martinet F et al op cit

* 23Charléard J.L op cit

* 24Dozon J.P op cit

* 25 Chauveau J.P. et Richard J, op. cit.

* 26 Chauveau JP et Richard J op. Cit.

* 27 Koné M op cit

* 28 Chauveau J.P., Richard J. 1985

* 29 Babo A op cit

* 30 Lavigne Delville Ph, La décentralisation administrative face à la question foncière (Afrique de l'Ouest Francophone rurale), in Working paper on Afican societies n°39 Instut Fuert Ethnologie und Afrikaanders (Mainz University)/Das Arabische, 18p.

* 31 Lvigne Delville Ph.op cit

* 32 Chauveau J.P, op. cit

* 33 Koné G op cit

* 34 Koné G op cit

* 35Lallement (M), histoire des idées sociologiques, Tome 2, édition Nathan, Paris, 2000

* 36 Rodrigo I, Les identités sociales dans l'espace social agricole, in option méditerranéenne, série B, n°12, Lisbonne, 1997

* 37 Boudon R, Dictionnaire de Sociologie, édition Larousse Bordas, Paris, 1999.

* 38 Charléard J L op cit

* 39 Diabaté H op cit

* 40 Version recueillie sur place et complétée par Diabaté H

* 41 Poutignat P, et Al, Théories de l'ethnicité suivi de, les groupes ethniques et leurs frontières, PUF, Paris, 1995.

* 42 LABURTHE TOLRA P et WARNIER J-P, Ethnologie, Anthropologie, PUF, Paris, 1997.

* 43 Schwartz A., Martinet F.et al, op cit

* 44 Schwartz A., Martinet F. et al, op cit

* 45 KONE G op. cit.

* 46 Poutignat P, et Al, op, cit.

* 47 Koné M, op, cit.

* 48 Koné G, op, cit.

* 49 Koné M, op, cit.

* 50 Koné M, op, cit.

* 51 SIGS






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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand