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Rapports interethniques et différenciation identitaire en milieu rural : Cas d'Aboudé-Mandéké dans le département d'Agboville.

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par Karamoko KONE
Université Cocody-Abidjan - DEA 2007
  

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VI.2. Expression des conflits interethniques

Le blocage de l'application effective de la loi 98 est en parti imputable aux conflits qu'elle préfigure autant à l'intérieur d'un même groupe qu'entre les communautés vivant en milieu rural.

VI.2.1 Les conflits Aboudé - Aboudé

« La loi n'arrange que les riches. Elle discrimine les riverains qu'elle devrait pourtant privilégier. Mais moi, si quelqu'un comme c'est le cas souvent, essaie de venir derrière ma maison et dire qu'il détient des droits coutumiers sur ma portion, juste à côté parce qu'il est riche, je mets les plombs dans ses fesses (...) »

Ainsi le processus de détermination des droits coutumiers est à la base de nombreux conflits entre les membres de la communauté Aboudé. Ce fait est renforcé par des antagonismes politiques. Les "riches" étant également les autochtones Aboudé faisant parti du conseil général d'Agboville et donc affiliés au FPI, Parti au pouvoir pendant que la plus part des membres de la chefferie se réclament du PDCI-RDA. Comme quoi l'instrumentalisation identitaire induite par la loi se fait prendre à son propre piège. Préétablie pour discriminer les allogènes la loi finit par opposer les autochtones entre eux.

VI.2.2 Les conflits Autochtones- Migrants

Aujourd'hui, plusieurs années de productions marginalisant de l'identité des migrants ont contribué à fragiliser leur statut en milieu rural. La différenciation "Ivoiritaire" opérée à travers un processus instrumental de fabrique de l'image de l' « étranger nocif » a abouti à une précarisation de leur droit d'accès aux ressources socio-foncières rurales.

A Mandéké, les conflits naissent généralement des processus de déstabilisation des migrants par certains autochtones. Il s'agit le plus souvent des Burkinabé.

« Ici aujourd'hui, le principal problème c'est cette histoire de terre ; les autochtones estiment que leurs pères ont vendus à des prix dérisoires ou donné gratuitement la terre à nos parents sans prévoir leur part (...). Mon père et moi avons payé 6 ha de forêt avec l'un de nos frères burkinabé à 180 000 F. Cet espace appartenait au fils de notre tuteur. Mais avant de donner l'argent, mon père est allé voir le fils en question qui a reconnu avoir vendu au préalable l'espace au Burkinabé qui désirait rentrer au Burkina. Il lui expliqua son intention de racheter l'espace et ce dernier donna son accord. A ce moment, son frère cadet travaillait à Abidjan. Quand ce dernier fut licencié, il est revenu à Aboudé ici et il a réclamé les 6 ha de mon père en stipulant que cet espace lui aurait été cédé par son père et non à son frère. Nous avons montré notre reçu d'achat et il a dit qu'il ne le reconnaissait pas et qu'on ne pouvait aller nulle part avec ce papier qui n'a aucune valeur (....). Nous avons été enfin de compte obligé de racheter les six (06) ha avec lui à 500 000 FCFA et il nous a établi un nouveau papier signé par les chefs. »

En plus d'être le résultat des manoeuvres politiciennes, les conflits éclatent généralement entre les deuxièmes générations de migrants et leurs pairs autochtones. Pour la plus part des cas, ces derniers n'ont pas pris part aux accords fonciers dont ils méconnaissent les closes. Ce qui laisse une marge de manoeuvre d'une part à l'autochtone pour accuser le migrant soit d'avoir usurpé ou outre passer les limites fixées ou les droits cédés et d'autre part au migrant de produire un discours sur sa légitimité à travers la présentation d'un reçu ou l'évocation de liens affectifs liant les deux géniteurs.

Comme on le voit les conflits en milieu rural s'expriment sur fond de discrimination ethnique. Le statut et le capital culturel de l'individu sont utilisés comme instrument sociopolitique de marginalisation, et le conflit permet le maintien des frontières entre "in-group" et "Out-group".

La marginalisation et l'exclusion des Burkinabé notamment étant le repère de ces pratiques à l'échelle nationale.

Ramené à notre modèle analytique, l'expression des conflits est le reflet d'un enjeu de domination de l'espace par les Aboudé. Le champ d'exercice des actions étant plus ou moins ouvert, les acteurs réalisent leur but par différentes stratégies dont l'accumulation de plusieurs types de ressources. Ce qui préfigure des itinéraires locaux de résolution.

VI - 3 - Itinéraire de résolution

Les conflits entre autochtones et migrants ont souvent vu l'intervention des autorités administratives ou d'organismes nationaux (conflit de 2006). Cependant au plan local on assiste à la reproduction d'instances de gestion des antagonismes interethniques.

« Aujourd'hui, nous n'acceptons pas que nos compatriotes fassent le "forcing" aux étrangers. On propose toujours une solution à l'amiable. Le migrant doit reconnaître l'Aboudé qui lui a vendu la terre comme propriétaire terrien. A ce titre, il doit lui verser une somme allant de 5 000 F à 10 000 F par hectare après chaque récolte. Cela évite les conflits (...) ».

« Ici maintenant tout est claire, quand on veut acheter la terre, ce ne sont plus un ou deux individus que cela implique. Ce sont les chefs de communautés que la procédure engage (...). Le chef du village signe, le chef de terre signe, le chef de communauté du migrant signe après que les deux contractants aient signé. Comme ça c'est clair pour nous étrangers ! ».

A l'analyse, ces instances semblent une innovation majeure dans le règlement des conflits fonciers. Elles semblent définitivement régler l'épineux problème de la crédibilité des contrats de cession.

Cependant, la logique de résolution des conflits de revendication autochtones montre bien en quoi elles constituent un moyen de repli sur le foncier de la part des autochtones. La reconnaissance obligatoire du droit d'autochtonie préalable à toute négociation est une forme symbolique de domination.

Mais pour rétablir un équilibre dans la prise de décision, le recours aux chefs de communautés comme caution s'avère une ressource adéquate pour le migrant.

En effet, face à la mobilisation de pratiques inégalitaires par les autochtones, les migrants développent un sentiment d' "agir communautaire" seule capable de les soustraire de cette domination.

« Maintenant, on ne reste plus ici sans repère. Il faut que tu appartiennes à une communauté. Sinon le jour où tu auras un problème (...). Par ce qu'ici on est étranger et le "morceau de bois aura passé cent ans dans l'eau ne sera jamais un caïman." ».

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984