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De la problematique de la prise en charge des femmes et filles congolaises victimes des violences sexuelles, enquete mene en Ituri

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par Lydia KAVUO MUHIWA
Universite de Kinshasa, RDC - Licence en sociologie 2008
  

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CHAPITRE III : LES OPINIONS DES FEMMES VICTIMES DES

VIOLENCES SEXUELLES EN ITURI SUR LEUR PRISE

EN CHARGE

Les femmes et jeunes filles victimes de violences sexuelles de l'Ituri en général et de Bunia en particulier, bénéficient de l'assistance psychosociale leur apportée par quelques organismes qui opèrent dans le secteur humanitaire. Nous avons voulu dans ce travail voir comment ces femmes et jeunes filles apprécient la manière dont elles sont pises en charge par ces organismes. Avant d'y arriver, nous allons dans la première section présenter quelques organismes de prise en charge psychosociale des victimes des violences sexuelles en Ituri. Dans la deuxième section nous allons décrire notre démarche méthodologique. Dans la troisième section nous présentons les résultats de nos enquêtes qui sont interprétés dans la quatrième section.

III. 1 : QUELQUES ORGANISMES D'ASSISTANCE PSYCHOSOCIALE

Depuis le déclenchement des conflits en Ituri en 1999, quelques organismes se sont mis en branle pour apporter de l'assistance psychosociale aux femmes et jeunes filles victimes des violences sexuelles. De diverses natures, ces organismes sont locaux, nationaux et internationaux. Parmi eux, on peut dénombrer les ONG, les églises, certaines branches spécialisées du système des Nations Unies. Citons à titre indicatif la Solidarité Féminine pour la Paix et le Développement Intégral (SOFEPADI), la Cooperazione Internazionale (COOPI), le Centre d'intervention Psychologique (CIP), le Médecin Sans Frontière (MSF), le Comité International de la Croix Rouge (CICR), le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR), Centre Droits et Démocratie, la Ligue pour Lecture de la Bible, etc.

Ces organismes ont un champ d'action assez large qui dépasse seule assistance psychosociale. Leur intervention comprend entre autres l'octroi à toutes les victimes de la guerre des équipements de première nécessité tels les bâches, les tentes, pour se protéger contre les intempéries ; la fourniture d'eau potable et de denrées alimentaires ; la prise en charge médicale par l'administration des soins médicaux et des médicaments, etc.

Dans le domaine de l'assistance psychosociale proprement dite, ces organismes orientent leurs actions dans le sens d'offrir aux victimes des violences sexuelles des conditions psychologiques et sociales leur permettant de retrouver leurs statuts au sein de leurs familles et de leurs communautés.

En somme, ces actions consistent notamment à :

- l`identification des victimes de viols et violences sexuelles perpétrés par les miliciens, les civils et les militaires du gouvernement dans le contexte des guerres d'Ituri;

- au transport des victimes de violences sexuelles du lieu du viol au Centre de Transit et d'Orientation (CTO) pour la prise en charge psychosociale ;

- l'organisation des panels (entretiens multiples) en vue de libérer les victimes des violences sexuelles des traumatismes qui les accablent ;

- la protection, encadrement et apprentissage de l'artisanat et autres métiers aux femmes et jeunes filles victimes des violences sexuelles ;

- l'accompagnement judiciaire des victimes de violences sexuelles ; etc.

Toutes ces actions visent à redonner aux victimes de violences sexuelles des conditions, psychologiques et sociales leur permettant de retrouver leurs statuts au sein de leurs familles et de leurs communautés. Il s'agit d'assurer une prise en charge holistique des victimes de violences pour leur garantir le recouvrement d'une santé psychique et le bien être social. Dans leur agenda, ces organismes visent également à appuyer les communautés dans l'adoption de mécanismes appropriés de protection des femmes et des jeunes filles, de réduction des risques de violences contre les femmes et les jeunes filles, de soutien et de solidarité avec les victimes et de changements socioculturels pour lutter contre ces violences sexuelles.

Pour réaliser ces missions qu'ils se sont assignés, ces organismes ont adopté plusieurs stratégies, notamment la sensibilisation, l'animation à la base, la réinsertion socio-économique et la formation des femmes leaders communautaires.

Par ces actions, ces organismes ont pu contribuer à soulager la plupart des femmes et les jeunes filles qui ont subi les violences sexuelles en Ituri en général, et dans la ville de Bunia en particulier. Nous avons cherché à connaître la perception qu'ont ces femmes et jeunes filles de l'assistance psychosociale qui leur est apportée par ces organismes humanitaires qui opèrent dans cette partie de la RDCongo. C'est l'objet des sections suivantes.

III.2. ORGANISATION DE L' ENQUETE

1. Univers d'enquête

Le nombre des victimes des violences sexuelles commises au cours des conflits armés en RDC, et précisément en Ituri est estimé à des dizaines des milliers. Il est cependant difficile de parvenir à des chiffres exacts. Les seules données existantes sont celles fournies par Human Rights Watch pour la période allant de juin 2003 à janvier 2005 qui estime à 3.500 le nombre des femmes et jeunes filles victimes des violences sexuelles. Ces données constituent déjà une bonne base sur laquelle nous pouvions mener les enquêtes. Mais, elles doivent être relativisées étant données tenant compte de plusieurs facteurs influant sur les fiabilité. Remarquons que la période couverte par notre étude (1999 à 2007) déborde largement celle prise en considération par Human Rights Watch (2003-2005). Il en résulte que plusieurs autres cas de violences sexuelles échappent à la comptabilité établie à ce jour. Ceci pour plusieurs raisons.

En effet, le manque de sécurité dans des nombreuses régions, l'inaccessibilité de certains lieux et l'impossibilité physique ou matérielle de certaines victimes de se déplacer, rend difficile l'obtention des données exactes.

La peur de représailles de la part des auteurs des viols et le risque d'être rejetées par leurs familles ou méprisées par leur communautés empêchent souvent également les victimes de rompre le silence. Certaines victimes ne demandent des soins que des jours, des mois voire des années après avoir été violés ; ce qui rend difficile la tâche d'évaluer l'état actuel de la situation.

Par conséquent, il est difficile de déterminer la taille de notre univers d'enquête. Quand bien même nous aurions de la taille exacte de l'univers d'enquête, l'étendue, la modicité de nos moyens matériels et financier et le bref séjour à Bunia ne nous auraient par permis d'entrer en contact avec chacune des unités faisant partie de l'univers d'enquête.

C'est pourquoi, nous avons procédé par l'échantillonnage pour prélever quelques individus sur lesquels nous avons fait notre enquête.

2. Echantillon du travail

Bernard BEKELSON définit l'échantillon comme un choix scientifique dans l'ensemble d'une population.2(*) Il s'agit d'en prélever une portion, car la population toute entière ne peut être examinée en particulier parce qu'elle est trop nombreuse par rapport aux moyens dont dispose le chercheur.3(*) Il constitue une partie représentative de personnes à interroger au cours d'une enquête sondage. Jacques Maître abonde dans le même sens lorsqu'il parle de sondage, c'est-à-dire de recensements sur les questionnaires d'opinion. A ce sujet, il estime que la théorie statistique des jugements sur l'échantillon permet de résoudre pratiquement le problème que l'on traite.

Pour constituer notre échantillon, nous avons fixé les critères de sélection ci-dessous :

· Avoir été réellement victime de la violence sexuelle ;

· Avoir bénéficié de l'assistance psychosociale.

Etant donné que la taille réelle de la population mère n'est pas connue, nous avons accidentellement prélevé un échantillon de 50 unités. Etant donné les difficultés d'accessibilité, de disponibilité et de dénombrement de toutes les victimes, nous avons donc travaillé avec celles qui ont été disponibles au moment de notre passage.

Outre ces 50 enquêtées auxquelles nous avons administré systématiquement notre questionnaire, nous avons eu des entretiens pendant notre stage au Centre d'Intervention Psychosociale (CIP/Ituri) avec quelques femmes et jeunes filles victimes des violences sexuelles sous la supervision des assistants sociaux. Nous avons aussi recueilli les avis et considérations des certains agents actifs au service de cette population victime.

Notons qu'en dépit de toutes les stratégies mises en place pour la récolte des données, révélons tout de même que l'une des conséquences des violences sur les victimes est le développement chez les femmes et jeunes filles victimes des violences sexuelles d'une certaine méfiance vis-à-vis d'autres personnes surtout celles de l'extérieur. Cet état des choses n'a pas rendu facile nos entretiens avec les enquêtées.

Instrument de travail

Pour réaliser ce travail, nous avons fait appel à la technique du questionnaire administré sous forme d'interview. Les questions posées dépendaient de la situation d'une victime à une autre, dans le strict respect de sa personne. Nous avons adopté une attitude d'assistante sociale afin de mettre en confiance nos enquêtées pour obtenir le maximum d'informations utiles à la réalisation de notre étude.

Récoltes des données

Signalons que nous avons suivi une formation assurée par les agents spécialisés pour que notre façon de nous entretenir avec les victimes ne puisse pas constituer un autre problème pouvant les enfoncer dans les situations de choc ou pour certaines au retour à des situations stressantes précédentes.

Comme la majorité des victimes se retrouve dans des milieux périphériques, nous étions obligée d'effectuer des très longs trajets pour une bonne conversation.

Présentation des résultats de l'étude

Pour des raisons de commodité du travail, il a paru pratique de présenter les données d'enquête recueillies sur terrain dans un enchaînement logique, impliquant toutes les victimes interviewées, leurs états matrimoniaux, leurs âges, même si quelques unes d'entre elles ne pouvaient pas décliner facilement leurs âges, les circonstances ayant favorisé l'acte de viol, les organismes de prise en charge et leurs opinions sur les actions de prise.

Les résultats sont présentés dans des tables simples reprenant les opinions, les effectifs et les fréquences.

.

III.3. Présentation et interprétation des données

II.3.1. Présentation des résultats

a. Identification des d'enquêtées

Tableau n°2 : Répartition des enquêtées selon l'âge.

Tranche d'âge

Fréquence

Pourcentage %

10 - 15 ans

16 - 20 ans

21 - 25 ans

26 - 30 ans

31 et plus

Ne connaissait pas

2

15

10

7

8

8

4

30

20

14

16

16

Total

50

100

Source : nos enquêtes

A la lumière de ce tableau, 15 sur 50 soit 30% de nos enquêtées se retrouvent dans la tranche d'âge qui varie entre 16 et 20 ans, 10 soit 20% entre 21 et à 25 ans, 8 soit 16 %, se situent entre 31 et plus 8 autres ne connaissent pas leur âge, 7 soit 14 % ont un âge qui varie entre 26 et 30 ans.

Tableau n°3 Répartition des enquêtées selon le niveau d'études

Niveaux d'études

Effectifs

Pourcentages %

Primaire

Secondaire

Universitaire

Apprenant (en cours d'alphabétisation)

Sans instruction

5

11

1

29

4

10

22

2

58

8

total

50

100

Source : nos enquêtes

De ce qui précède, 29 sur 50 soit 58 % de nos enquêtées sont en cours d'alphabétisation dans des centres de formation créés par quelques ONG; 11 sur 50 soit 22 % sont celles qui ont fait des études secondaires, 5 sur 50 soit 10 % ont fait les études primaires, 4 sur 50 soit 8 % ne savent ni lire ni écrire.

Tableau. 4. Répartition des enquêtées selon l'âge selon les confessions religieuses

Confessions religieuses

Effectifs

Pourcentage %

Catholique

Protestante

Musulmane

Autres églises

4

13

3

30

8

26

6

60

Total

50

100

Source : nos enquêtes

Au regard de ce tableau, 30 enquêtées interrogées soit 60% sont dans des confessions religieuses autres que celles précitées, pour certaines parmi elles, la foi ne représente plus rien ; 13 sur 50 soit 26% sont des protestantes, 4 sur 50 soit 8 % sont catholiques, 3 sur 50 soit 6 % enfin sont musulmanes.

Il ressort de ces données d'identification que la majorité de nos enquêtées sont des jeunes filles ou dames dont l'âge varie entre 16 et 25 ans ayant un faible niveau d'instruction et fréquentant d'autres églises que celles traditionnelles (catholique, protestant et islam).

b. Opinions des enquêtées

Tableau. 5. Personnes bénéficiaires de l'aide psychosociale

Réponses

Effectifs

Pourcentage %

Ayant été prise en charge

En cours de prise en charge

Au début de prise en charge

30

15

5

60

30

10

Total

50

100

Source : nos enquêtes

Il ressort de ce tableau que 30 enquêtées soit 60% des enquêtées ont déjà bénéficié de la prise en charge psychosociale et réinsérées dans la vie sociale ; 15 sur 50 soit 30% sont en plein processus de prise en charge psychosociale, et 5 sur 30 soit 10 % sont au début de la prise en charge psychosociale.

Tableau n°6. Appréciation de la prise en charge psychosociale

Opinions

Effectifs

Pourcentage %

C'est suffisant

Ce n'est pas suffisant

Cela dépend

35

12

3

70

24

6

total

50

100

Au regard de ce tableau, 35 sur 50 enquêtées sont 70 % semblent être satisfaites du service rendu par les intervenants, 12 sur 50 enquêtées soit 24 % ne sont pas satisfaites, 3 sur 50 soit 6 % n'ont pas un point de vue clair.

Tableau 7 : Propositions des enquêtées pour une amélioration de leurs situation

Réponses

Effectifs

Pourcentage %

Avoir une activité rémunératrice

Entrer dans le mariage

Arrestation et sanctions contre les violeurs

Quitter le lieu où l'on a subi le viol

Intégrer un groupe armé en vue de représailles

Aller à l'école, support pour éducation

Rester aux côtés des assistants sociaux

Obtenir une reconnaissance officielle de leurs souffrances

Etre dédommagées

Plusieurs besoins à la fois

10

10

5

2

1

7

3

3

4

5

20

20

10

4

2

14

6

6

8

10

total

50

100

Sources : nos enquêtes.

Au regard de ce tableau, 10 sur 50 femmes soit 20% de nos enquêtées souhaitent avoir une activité personnelle génératrice des revenus et dans la même proportion sont celles qui souhaitent se marier, 7 sur 50 femmes soit 14 % souhaitent aller à l'école, mais aussi avoir un support pour l'éducation, 1 sur 50 femmes soit 2 % soutiennent la prise des armes pour participer au combat et dans la même proportion celles qui souhaitent qu'on tue les malfaiteurs.

III.2.2. Interprétation des données

a. Portrait des enquêtées

Sur ce point, nous revenons sur les variables âge, niveau d'études et confession religieuse.

A propos de l'âge, la majorité de nos enquêtées affirment avoir l'âge variant entre 16 et 20 ans. Cet état de chose peut s'expliquer par le fait que la jeune fille a été la plus visée par les combattants des différents groupes armés comme objet de jouissance ou encore comme le maillon le plus faible à partir duquel le camp ennemi pouvait être humilié. Il semble que l'objectif poursuivi par les violeurs est celui de détruire la génération future du camp ennemi représentée par la jeune fille.

Ce constat se dégage davantage, lorsque 22 % seulement de nos enquêtées déclarent avoir atteint un niveau secondaire en matière d'instruction. D'ailleurs, la plupart n'ont pas une formation scoalaire. Cela témoigne la pauvreté de la plupart des parents de Bunia incapables d'assurer la scolarité des leurs enfants en général, et des leurs filles en particulier, surtout lorsque l'on sait que dans nos milieux ruraux les filles ne sont bonnes que pour le mariage. Cela démontre à plus forte raison combien il est difficile pour toutes ces femmes et jeunes filles de connaître en profondeur leurs droits et d'ester en justice contre leurs bourreaux.

Nos statistiques démontrent que toutes nos enquêtées sont des croyantes et essentiellement chrétiennes. Nombre d'entre elles nous ont affirmé trouver le réconfort moral ou la paix intérieure dans les préceptes bibliques. Après avoir connu des situations très douloureuses, et face à l'impuissance, mieux à l'inexistence des structures étatiques, c'est l'église qui se charge de donner des réponses à leurs angoisses existentielles.

b. Perception de la prise en charge

Au sujet de la perception, il se dégage de données reprises dans le tableau 6 que la majorité des nos enquêtés sont satisfaites de l'assistance psychosociale leur apportée par les différentes structures interviennent dans ce domaine.

Faisons remarquer que ces données obtenues à partir de notre questionnaire contrastent avec celles recueillies au cours de nos entretiens avec les mêmes enquêtées et même avec d'autres victimes des violences sexuelles n'ayant pas fait partie de notre échantillon. En effet, la plupart de nos enquêtées ont fustigé le fait que l'assistance psychosociale leur apportée se limite seulement à l'apprentissage et à l'exercice de quelques activités rémunératrices. Et là encore, ces activités sont entreprises dans la perspective communautaire alors que la plupart des bénéficiaires souhaiteraient exercer ces activités pour leur compte personnel. En plus, certaines enquêtées ont stigmatisé le fait que ces activités les mettent en situation de dépendance vis-à-vis de ces structures. Qu'adviendrait-il si les différents bailleurs de fonds arrêtaient leur financement, s'interrogeaient quelques unes de nos enquêtées. Relevons enfin le fait que les activités génératrices de revenus initiées par ces structures le sont sans consultation préalable des bénéficiaires. Ce qui fait qu'elles ne rencontrent pas souvent leur préoccupation ou n'intègrent pas le projet que chacune des bénéficiaires aurait initié si elle en disposait personnellement le moyen.

En outre, il sied de noter que la prise en charge psychosociale des victimes des violences sexuelles à Bunia se limite aux aspects socioéconomiques ignorant les dimensions sociales et culturelles. Et pourtant, pour être efficace, cette prise en charge devait être holistique ou intégrale, c'est-à-dire prendre en considération toutes les dimensions de la vie en société. C'est cet oubli des aspects socioculturels qui justifient le sentiment d'insatisfaction ressenti par la plupart de nos enquêtés. L'analyse des différentes propositions émises par les enquêtées pour une amélioration de leurs situations nous le démontre.

En effet, l'analyse des propositions émises par les enquêtées fait ressortir que l'assistance psychosociale leur apportée n'a pas effectué la catharsis psychique et sociale qu'elle était sensée réaliser. La plupart des enquêtées semblent encore être préoccupées par leur sort et leur devenir social. Certaines enquêtées éprouvent encore la honte, l'humiliation et l'indignité et ne se considèrent plus comme membres effectives de leur famille ou communauté. Elles souhaitent s'éloigner de leur milieu pour être à l'abri du regard critique de leur communauté. Nous voyons là que non seulement ces femmes victimes des violences sexuelles n'acceptent pas ou refusent d'intérioriser leur condition actuelle mais aussi leur communauté ne facilite pas leur réinsertion sociale en continuant à les stigmatiser. Dans ces conditions, la prise en charge psychosociale ne devait-elle pas être élargie à la communauté dans son ensemble (parce qu'elle a été aussi violée du fait de la transgression de certaines de ses valeurs) pour qu'elle accepte ces femmes victimes des violences sexuelles comme ses membres à part entière.

Cette inquiétude face l'incertitude du lendemain transparaît dans la proposition faite par certaines enquêtées qui estiment que leur situation ne peut s'améliorer que si elles entraient dans le mariage. Comme nous le savons, dans la vision du monde africaine, la femme ne trouve sa plus noble expression que dans le mariage. Il est donc légitime que certaines de nos enquêtées trouvent dans le mariage le symbole de leur réinsertion sociale. Or celle qui a été violée et violentée apparaît comme souillée aux yeux de la communauté, et donc indigne pour être épouse. Une fois de plus, il appartient à ces structures d'assistance psychosociale de conscientiser les différentes communautés afin que ces femmes victimes des violences sexuelles ne pas également victimes de la discrimination matrimoniale.

Aussi, pour la majorité de nos enquêtées, elles ne peuvent être réhabilitées dans leur dignité d'être humain sans que la société dans laquelle elles vivent reconnaisse qu'elles ont été agressées dans leur intimité et que ceux là qui se sont rendus coupables des violences sexuelles ne soient sanctionnés par la société. C'est pourquoi, nombreuses parmi nos enquêtées pensent que pour panser leur blessure il faille que l'on reconnaisse officiellement leur souffrance, que tous les coupables soient mis aux arrêts, jugés et condamnés et qu'elles obtiennent le dédommagement des violences sexuelles qu'elles ont subies.

De tout ce qui précède, il apparaît que l'assistance psychosociale apportée aux femmes et jeunes filles victimes de violences sexuelles, louable en soi, n'est pas totalement efficace. Elle n'a pas réussi a extirpé tous les traumatismes qu'endurent ces femmes et jeunes filles qui continuent à vivre sous l'emprise des frustrations dues aux violences sexuelles. C'est ainsi que certaines parmi elles pensent intégrer elles aussi les groupes armés pour se faire justice en organisant de représailles contre leurs bourreaux qu'elles voient circuler librement et en toute impunité. Il y a là à craindre la persistance et l'escalade des conflits dans le District de l'Ituri.

En définitive, l'approche psychosociale de prise en charge des victimes des violences sexuelles en Ituri en général, et dans la ville de Bunia en particulier, a bien montré ses limites. D'abord, elle ne prend en compte que les dimensions économiques. Ensuite, elle s'arrête aux individus. Or, comme nous l'avons mentionné plus haut, les viols n'ont pas concerné que ces femmes et jeunes filles, mais aussi et surtout la société tout entière qui a vu ses normes, ses moeurs et ses valeurs transgressées par ces viols. Il sied donc, au-delà de la prise en charge individuelle, étendre l'action à la société dans son ensemble pour que celle-ci se trouve réhabilitée.

* 2 BEKELSON B. : Programme de régularisation des naissances dans le monde, New York (une

population concil), 1971, p. 24

* 3 Reuchlin cité par Nentoto, Analyse du processus d'engagement à l'ONATRA à la planification

d'éducation et d'emploi, mémoire de licence en sciences de l'éducation, EPSE, UNIKIN, 1993, p.32

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo