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Pauvreté, recherche d'un mieux être et migration au sein des communautés de marins artisans pêcheurs du sud ouest du Bénin

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par Judicaël Alladatin, Roch Mongbo, et Anne Floquet
UAC - Ingénieur Agronome 2007
  

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PAUVRETE, RECHERCHE D'UN MIEUX ETRE ET MIGRATION AU SEIN DES COMMUNAUTES DE MARINS ARTISANS PECHEURS DU SUD-OUEST DU BENIN

Judicaël Alladatin* Roch Mongbo*, et Anne Floquet**

*Faculté des Sciences Agronomiques de l'Université d'Abomey-Calavi

** Centre Béninois pour l'environnement et le Développement Economique et Social

Email : rochl_mongbo@yahoo.fr; ajudi2000@yahoo.fr; anneb.floquet@gmail.fr

RESUME

La présente recherche utilise une combinaison d'approches quantitatives et qualitatives pour comprendre le phénomène de la migration, ses déterminants socio-économiques et ses relations avec l'accumulation ou la pauvreté au sein des communautés de marins artisans de Grand-Popo. Ces migrations s'inscrivent dans le cadre plus global des liens séculaires entre les communautés du littoral d'Afrique de l'Ouest et du Centre, fruits de nombreuses migrations dans l'histoire et toujours rythmées par les saisons de pêche. Quatre (4) catégories de bien-être se distinguent au sein des communautés de pêche : « Très pauvre », « Pauvre », « Moins pauvre », « Non pauvre ». Les facteurs tels que les conditions physiques du village de résidence, le degré de dépendance au sein du ménage et le taux de scolarisation sont les plus significatifs dans la décision des pêcheurs en matière de migration. Les pêcheurs qui migrent diminuent les actifs humains, sociaux et naturels de leur ménage sans pour autant contribuer à l'amélioration des revenus du ménage. En définitive, si la migration apparait comme un moyen de diversification du risque pour les ménages, elle constitue en réalité une stratégie individuelle de mobilisation socio-économique.

Mots clés : migration, « livelihood », pauvreté, stratégie de recherche d'un mieux-être, pêche côtière.

ABSTRACT

In this study, we have used the quantitative and qualitative methods to understand the socio-economic determining factors of the migration, and the interrelationships between migration and poverty in Grand-Popo. The period of migration is generally rhythm by the seasons of fishing. Socio-economic arrangements are related to the type of decision (individual or collective) and the financing mode of the migration. The "cluster analysis» reveals an heterogeneity between the households with regard to the wellbeing. Four (4) categories of wellbeing, were then identify: "Very poor ", "Poor ", "less poor ", "Non poor ". Among the factors suspected to having an effect on the migration decision, the environment of the household or its village, the ratio of dependence in the household and the rate of schooling in the household, are those which have a significant effect. The fishers which migrate decrease the human capital, the social capital and natural capital of their household without contributing to the financial scheme. Migration remains a strategy of diversification of risks for the households but also an individual strategy to improve the migrant income.

Key words: migration, livelihood, poverty, coastal fishing.

Introduction

Problématique

La FAO estime à environ 138 millions le nombre total des personnes directement ou indirectement employées dans la pêche artisanale en 2002 (FAO 2004). Parmi ces derniers, les pauvres se comptent par millions, surtout en Asie et en Afrique, et vivent dans des zones rurales reculées où il existe peu de sources alternatives de revenus et d'emploi pour contribuer aux stratégies de subsistance (FAO op.cit). Du fait de la dégradation continue de leur environnement, le revenu des pêcheurs s'amenuise d'année en année, accentuant leur état de pauvreté (Atahouet 2004). Les zones humides béninoises sont menacées, ceci se traduit par une dégradation d'ordre physique (érosion des berges des plans d'eau et leurs comblements, érosion côtière), et biologique (perte de la biodiversité, baisse de la productivité des plans d'eau et de la fertilité des sols) (Haskoning 2000 cité par Hodigue 2003).

La côte béninoise compte 80 campements inégalement répartis entre trois départements du Sud-Bénin (FIDA 2004). Les communautés de pêcheurs marins de Grand-Popo (71% Xwla, Xwéda et Mina), sont reconnues comme maîtresses des eaux du fait de leurs expériences historique et culturelle de la pratique de pêche (Atti-mama 2006). A l'instar de la plupart des milieux marginaux littoraux, Grand-Popo dispose d'importantes ressources naturelles constituant ainsi un important pôle d'attraction des populations qui, dès leur installation, se sont investies dans l'exploitation des ressources (Chodaton 2003), (ABE 2001). Face à la pauvreté, des stratégies de mobilité sont utilisées par ces populations dans un souci d'amélioration du bien-être.

Bien qu'abondante, la littérature sur le phénomène migratoire renseigne très peu sur ses déterminants socio-économiques, ses réalités et ses relations avec l'accumulation ou la pauvreté au sein des communautés de marins artisans du Bénin. La présente recherche traite de ces problématiques et contribue de ce fait à la compréhension du phénomène de la pauvreté et à sa réduction en zone de pêche au Bénin.

Trois hypothèses ont servi de fil directeur à la recherche :

- Le milieu des pêcheurs est homogène en termes de bien-être,

- Les caractéristiques du ménage ainsi que de son milieu déterminent le choix de la migration comme stratégie de recherche d'un mieux-être.

- La migration améliore le bien-être des ménages de migrants à court et à long terme.

La zone d'étude

La Commune de Grand-Popo est située au Sud-Ouest du département du Mono. Elle est limitée au Nord par les Communes d'Athiémé, de Comé et de Houéyogbé, au Sud par l'Océan Atlantique, au Sud-Ouest par les Communes de Ouidah et de Kpomassè et à l'Ouest par la République du Togo. Cette Commune s'étend sur une superficie de 289 km², soit 7,2% de l'ensemble du département du Mono1(*) pour une densité moyenne de population d'environ 140 habitants / km². Avec sept (07) arrondissements et 44 villages2(*), la population de Grand-Popo a été estimée en 2002 à 40 335 personnes dont 19254 hommes et 21081 femmes. Selon le RGPH2, les ethnies Adja et apparentées représentent 70% du peuplement de Grand-Popo, suivis des Fons (21,6%), des Yoruba (1,7%), des Peuhls (0,2%), des Bariba (0,1%), des Dendi (0,1%), des Yom Lokpa (0,1%) et d'autres ethnies Béninoises et non Béninoises dans une proportion de 6,2%.

Le relief de la commune de Grand-Popo se compose de trois (03) ensembles à savoir la côte à laquelle s'intéresse notre étude, les zones marécageuses ou zones de bas-fonds et les zones inondables puis le plateau continental terminal. Les éléments qui composent le réseau hydrographique sont : la lagune de Grand-Popo, une partie de l'océan Atlantique, le fleuve Mono et une série d'affluents, La carte n° 1, montre le réseau hydrographique de Grand-Popo.

Carte n°1 : Réseau hydrographique de Grand-Popo.

Source : Enquête, Grand-Popo 2007

Les principales activités économiques pratiquées sont : la production végétale (oignon, tomate, carotte, manioc, canne à sucre), la pêche (maritime et continentale), l'élevage, la fabrication du sel, la collecte et la commercialisation des huîtres, la transformation et la commercialisation du poisson et le commerce de divers ou d'aliments. La pêche est de loin la principale activité des populations de la zone côtière de Grand-Popo. La figure1 résume les différentes interactions entre le système physique et le système humain dans la zone côtière.

Composantes du système physique

Mer et lagune

Terres exondées

Berge et littoral

 
 

- Poissons et autres animaux aquatiques

- sable marin et lagunaire

- sel

- bois (palétuvier)

- Produits végétaux (produits maraîchers surtout)

- bois

- produits animaux (élevage et faiblement chasse)

- Crabe

- noix de coco et rameaux de cocotier

- paille

- bois (rameaux et parties sèches des cocotiers)

- produits animaux (élevage)

Ressources Naturelles extraites

Figure n° 1  : Interactions système physique, système humain dans la zone côtière.

Source : Enquête Grand-Popo, 2007

Démarche méthodologique

La démarche méthodologique adoptée dans le cadre de cette étude est une combinaison des approches qualitative et quantitative.

A l'issue de la phase exploratoire, qui a permis entre autres, l'établissement de la base de sondage par recensement, un échantillon de 120 individus a été constitué pour les entretiens standardisés à base de questionnaire. La taille de l'échantillon par village a été déterminée en appliquant un taux d'échantillonnage de 0,62 aux données issues du recensement.

Pour le traitement des informations collectées, nous nous sommes servis des logiciels Excel pour la saisie des données et pour les graphiques. Les données saisies sont analysées avec le logiciel SAS.

Plusieurs outils d'analyse statistique ont été utilisés dans cette étude.

Par rapport à la première hypothèse, pour réaliser la typologie, nous avons utilisé le « cluster analysis ». Le modèle Logit binomiale d'analyse des choix individuels, a été utilisé pour tester la deuxième hypothèse de recherche. Des tests de khi-deux et de Student ont aussi effectués pour étudier les liens entre les variables explicatives et la variable expliquée.

Le Logit associe à l'individu i, la probabilité Pi qui est lié à la variable expliqué.

Avec Pi = F (Ii) = 1 / 1 + e-Ii et Ii = 0 + 1xi1 +2xi2 +3xi3 + .... + mxim

Ii est le vecteur caractéristique des conditions du ménage étudié ; les Xi sont les variables explicatives et les i en sont les coefficients.

Enfin, pour la troisième hypothèse, des tests d'indépendance de khi-deux ont été effectués.

Résultats et discussions

La pauvreté en zone de pêche maritime à Grand-Popo

Les variables considérées dans la typologie sont celles qui ont été indiquées par les populations comme étant les déterminants du bien-être. Les principales dimensions de la pauvreté selon la conception locale sont : L'alimentation, le niveau d'éducation, la santé, le logement, la possession de biens et équipements divers, le revenu, l`accès à l'eau et à l'électricité, le loisir et l'habillement.

La figure 2 montre le dendrogramme obtenu à la suite du « cluster analysis ». L'analyse du dendrogramme nous permet de constater que nous sommes en mesure de constituer quatre (4) classes de ménages relativement homogènes en termes de bien-être, tout en conservant environ 50% des informations des variables de départ. Les variables ou déterminants de départ discriminent donc effectivement les ménages à près de 50% : Le milieu des pêcheurs n'est pas donc uniforme en termes de bien-être.

Le tableau 1 indique par catégorie, le profil socio-économique de chaque classe de bien-être

Figure n°2 : Dendrogramme des ménages étudiés suivant leur niveau relatif de bien-être

Source : Enquête Grand-Popo, 2007

Catégorie

Type d'habitation

Patrimoine

Ratio de dépendance (moyenne)

Taux de scolarisation (% moyen)

Sources de revenu et de financement des activités

Nombre de mois de disponibilité alimentaire (moyenne)

Nombre de repas fondamentaux journalier

Source d'eau de consommation

effectif

Très pauvre

le mur n'est pas en ciment, le toit n'est pas en tôle, il n'y a ni fosses septiques ni électricité

nombre moyen de filets < 1

1,85

12,25

activités liées à la pêche 14% font du manoeuvrage agricole

6,09

2,92 en période d'abondance et 2,17 en période de soudure avec en plus une réduction des quantités servies

plan d'eau ou puits en saison sèche et en saison pluvieuse

14

Pauvre

le mur n'est pas en ciment, le toit n'est pas en tôle, il n'y a ni fosses septiques ni électricité. 1/4 vivent dans des maisons où les murs sont en ciment et le toit en paille

½ ménage possède une radio. Le nombre moyen de filets est 1,65.

2,27

51

activités liées à la pêche ; 23% font du manoeuvrage agricole

7,18

3,02 en période d'abondance et de 2,25 en période de soudure

plan d'eau ou d'un puits en saison pluvieuse. En saison sèche l'eau de pompe est la plus utilisée.

62

Moins pauvre

le mur est en ciment, la toiture est en tôle, il y a rarement une fosse septique et de l'électricité

50% possèdent 1 radios, 1 /10 possèdent de barques, 1 /10 possède de terres cultivables. Le nombre moyen de filets est d'environ 3,17. 90% ont de vélos

2,04.

62

activités liées à la pêche ; maraîchage. 1 ménage sur 5 participe à un groupe de tontine.

9,23

3,16 en période d'abondance et 3,14 en période de soudure

pompe chez 90% des ménages quelle que soit la période de l'année.

26

Non pauvre

le mur est en ciment, la toiture est en tôle, il y a souvent de fosses septiques et d'électricité

90% ont de radios 10% ont 1 postes téléviseurs. 1 /5 possèdent de barques. 1/4 possède de terres cultivables. Le nombre moyen de filets est 3,77. 1/5 possèdent de barques et des vélos ou motos

1,86.

64

maraîchage location de barques et filets activités liées à la pêche. tontine épargnes auprès des institutions de micro finance 

10,88

3,98 en période d'abondance et de 3,85 en période de soudure

pompe quelle que soit la période de l'année.

18

Tableau 1 : Profil socio-économique par catégorie de bien être.

Source : Enquête Grand-Popo, 2007.

La migration des pêcheurs marins artisans : déterminants socio-économiques et effets sur le bien-être 

La migration des pêcheurs s'inscrit dans le cadre plus global des liens séculaires entre les communautés du littoral d'Afrique de l'Ouest et du Centre, fruits de nombreuses migrations dans l'histoire et toujours rythmées par les saisons de pêche. Les arrangements socio-économiques des migrations concernent le type de décision (individuelle ou collective) et le mode de financement de la migration (fonds propres ou préfinancement ou type mixte). Plusieurs constats ont découlé de nos investigations et illustrent bien les liens entre les relations de genre et les comportements migratoires. Par exemple, les hommes sont beaucoup plus indépendants dans la migration, ils migrent souvent seuls mais après quelques années, font venir leurs femmes qui s'insèrent dans l'économie locale de la pêche.

Les déterminants de la décision de migration

Les résultats du modèle Logit présentés dans le Tableau 2, permettent de connaitre les déterminants de la migration.

Tableau n° 2 : Résultats de la régression logistique

Variable

coefficient

erreur type

Wald

significativité

Signes attendus

Significativité des signes observés

exmigrnr

-1,2492

1,1145

1,2563

0.2623

+

NS

clbe

0,9311

0.4240

4.8212

0.2460

-

NS

Village

0,9268

0.5030

3,3947

0.0654

+

*

rtmta

0,5045

0,2469

4,1756

0.0281

+

**

tsco

- 5,6611

1,2587

20,2271

0.0001

-

***

Percent Concordant 78.9 Somers' D 0.596

Gamma 0.607

Tau-a 0.29

c 0.798

NB : *, ** et *** = significatif respectivement à 10%, 5% et 1% ; NS = Non Significatif

-2 Log L 163.645

Test Chi-Square Pr > ChiSq

Likelihood Ratio 40.5824 <.0001

Score 33.6405 <.0001

Wald 24.4623 <.0001

 

Source: Résultats empiriques du modèle Logit binomial avec le logiciel SAS.

· Qualité du modèle : Le ratio de vraisemblance s'est révélé hautement significatif. Par conséquent, le modèle est globalement significatif à 1%.

· Pouvoir de prédiction : Les prédictions sont vérifiées dans 79.8 % des cas. Les estimations du modèle de régression ont donné les pseudos r2 de Somer's, de Gamma, de Tau-a et de c qui sont respectivement de 0,596, 0,607, 0,29 et de 0,798. On peut donc, à partir du modèle, faire des prévisions sur la modalité de la variable dépendante connaissant celles des variables indépendantes avec une probabilité allant à 79.8% d'avoir une prédiction juste.

· Variables déterminantes : Les variables qui déterminent le choix de la migration sont: l'environnement ou le village de résidence (village), le taux de dépendance (rtmta) et le taux de scolarisation (tsco). Les pêcheurs du village Avloh sont plus enclins à migrer, de même que ceux qui sont peu scolarisés et ceux qui ont beaucoup de personnes à charge par actif. Les autres variables qui se sont révélées non significatives dans le modèle ne sont pas sans effet sur la décision de migrer. Mais leur influence aurait été cachée soit par celle des variables révélées significatives par le modèle (cas de la variable « catégorie de bien-être ») soit par l'étroite corrélation entres elles et le choix de la migration (cas de la variable « existence de migrant non récent »).

La migration des pêcheurs marins de Grand-Popo trouve son explication dans deux modèles théoriques :

Ø Le modèle explicatif centré autour du « réseau migratoire », concept développé par Boyd, (1989); Guilmoto et Sandron, (2000) ; Kritz et col. (1992) : les migrants non récents favorisent la transmission des ressources informationnelles et relationnelles à l'intérieur d'une structure à forte cohésion (le ménage ou la famille). Les liens reliant les migrants et les non-migrants ont alors pour fonction de minimiser les coûts et risques de la migration. Les migrants non récents constituent des ressources pour les candidats à l'émigration ; les réseaux qu'ils constituent forment un « capital social » sur lequel les candidats à l'émigration  s'appuyent pour connaître les possibilités d'hébergement, de gains et d'emploi, existant dans la zone d'accueil.

Ø La théorie des causes cumulatives (Massey et col.1993 ; Massey et col. 1998) : Les transferts et les réalisations liés aux « gains de migration », transforment les structures sociales et économiques, augmentent les inégalités de revenus et intensifient le sentiment de privation chez les non-migrants. L'expérience que les migrants accumule dans les pays d'accueil est susceptible de modifier, dans les communautés d'origine, les perceptions et les valeurs, en créant ce que Schoorl et Col. (2000) appelle une « véritable culture de la migration»

Les effets de la migration sur les actifs des ménages

Le résultat du test de khi-deux par rapport à l'effet de l'existence des migrants de retour sur le bien-être des ménages, montrent qu'il n'existe pas de différence significative entre le bien-être des ménages qui ont des migrants de retour et ceux qui n'en ont pas. Le résultat du test de khi-deux par rapport à l'effet de l'existence des migrants non récents sur le bien-être des ménages s'est révélée lui aussi non significatif : nous en déduisons donc que le niveau de bien-être d'un ménage ne dépend pas de la migration de ses membres.

· Effets de la migration sur le capital physique du ménage

Les migrants investissent leurs revenus primordialement dans leur alimentation personnelle, viennent ensuite les aides à la famille restée au village, l'acquisition des moyens de production (filets, barques, pagaies, moteur hors bord) et l'achat de parcelles ou terre cultivable, puis la construction de bâtiments. La plupart des migrants de retour sont parvenus à augmenter le nombre de filets dans le ménage. Mais seulement 5% des migrants de retour ont pu s'acheter une barque, 20% ont pu construire des bâtiments d'habitation en matériaux définitifs. Globalement donc, la migration améliore mais faiblement le capital physique des ménages.

· Effets de la migration sur le capital humain et le capital social du ménage 

La migration affecte le capital humain du ménage. Le migrant pêcheur est toujours un membre actif du ménage. La migration de ce membre a un effet négatif sur la force productive du ménage. Les personnes qui migrent sont souvent des personnes instruites, capables de mener des activités permettant aux ménages de diversifier les risques auxquels sont soumis leurs revenus. La migration enlève aux ménages ces membres actifs et instruits qui sont les plus susceptibles de contribuer efficacement au bien-être du ménage.

Il est important de souligner ici que dans le cadre de la migration internationale surtout, les cas de décès des migrants de retour et des migrants non récent sont fréquents (environ 75% des personnes enquêtées ont répondu avoir perdu au moins un membre de leur famille élargie suite à une maladie contractée lors d'une migration).

La migration, surtout internationale, rehausse le prestige social du migrant ; mais ce prestige social ne rejaillit sur le ménage qu'en cas de succès de la migration (à travers les transferts d'argent et les diverses réalisations). Les ménages ayant des membres en migration, subissent des bouleversements sociaux et démographiques préjudiciables à leur bien-être.

· Effets de la migration sur le capital financier du ménage

De l'avis des personnes enquêtées, les revenus en situation de migration sont toujours plus consistants qu'en situation de non migration. Malheureusement, l'analyse statistique montre que la contribution des transferts d'argent aux revenus des ménages reste faible au niveau de toutes les catégories de ménages. Les migrants participent donc très faiblement au capital financier des ménages. De l'avis des personnes enquêtées, la contribution des migrants nationaux aux revenus des ménages est plus élevée que celle des migrants internationaux. Cet état de chose pourrait s'expliquer par les types de contrat dans lesquels s'insèrent les migrants internationaux et où les gains ne sont rendus qu'à la fin du contrat. Aussi, le manque de réseau de transfert fiable dans le cadre de la migration internationale pourrait expliquer les faibles taux d'envois des migrants internationaux.

· Effets de la migration sur le capital naturel du ménage

La pression démographique associée au fort taux d'immigration de pêcheurs (ghanéens) engendre une pression sur les ressources naturelles. Cette pression sur les ressources naturelles est l'un des principaux motifs de la migration. Ainsi, en migrant les pêcheurs diminuent la pression sur les ressources naturelles dans les zones de départ. La migration peut être considérée de ce fait comme une pratique de gestion de ressources naturelles. Mais l'acquisition des moyens de production par les migrants de retour, les transferts de technologie et le souci de combler la part de revenus qui était assurée par le migrant augmente encore la pression sur les ressources naturelles et conduis à une exploitation plus intense de ces ressources.

Au total, le pêcheur qui migre diminue les actifs humain, social et naturel de son ménage sans pour autant contribuer de façon durable aux actifs financier et physique. La migration ne permet pas d'améliorer le bien-être des ménages. Elle reste une stratégie de diversification de risques (Stark et Levhari 1982, Azam et Gubert 2002) pour les ménages avec sa contribution au capital financier et au capital physique mais aussi une stratégie individuelle d'amélioration du revenu pour le migrant. Pareils résultats ont été obtenus au Chili et au Mexique en 2002 par Daniel Delaunay. La figure 3, résume l'ensemble des interactions entre pauvreté, migration et ressources naturelles.

Conclusion

Il ressort des résultats de la présente recherche, que les ménages les plus aisés sont ceux qui parviennent à faire du maraîchage en plus de la pêche. Il est impérieux que les gouvernants, les structures d'interventions et les pêcheurs prennent conscience de tous les désagréments causé par la migration, afin d'amorcer les changements nécessaires à l'amélioration du cadre législatif en vigueur dans le domaine de la pêche et de la migration. Des Activités Génératrices de Revenus alternatives, pourraient être promues, qui soit existent déjà comme la fabrication du sel, soit seront introduites comme l'élevage de crabes et huîtres, la pisciculture etc. Les revenus de la pêche peuvent être améliorés et régularisés dans le temps en jouant sur la productivité des mers, sur la qualité des équipements permettant de sortir sans danger en toute saison. Il ressort aussi de la présente recherche, que les revenus de la migration des pêcheurs ne sont pas rapatriés ni investis de façon judicieuse et que la situation des pêcheurs dans les pays de migration est volontairement maintenue précaire par divers acteurs qui en profitent.

La mise en place de conditions optimales pour les artisans-pêcheurs dépend de l'accès à une bonne information sur laquelle fonder des politiques et des stratégies appropriées. Cela requiert une collecte de données plus efficace et un approfondissement des recherches dans le domaine de la pêche, qui doivent être participatives et mettre à profit les connaissances locales.

Pollutions diverses de l'environnement côtier

Surexploitation des ressources

Baisse du revenu

Accès limité aux sources alternatives de revenu et d'emploi

M

I

G

R

A

T

I

O

N

P

A

U

V

R

E

T

E

Baisse de la diversité spécifique et intra spécifique des ressources naturelles

Pression démographique

Conditions écologiques

Baisse des captures

Figure 3 : Interrelations entre pauvreté, migration et ressources naturelles.

Source : Enquête Grand-Popo, 2007

1. Bibliographie

1. ABE (2001) ; Cadre de gestion des risques environnementaux : Projet de gestion communautaire de la biodiversité côtière marine du Bénin. (Version finale avril 2001).

2. Atahouet G. N. (2004) ; les IST/VIH/SIDA dans les communautés de pêche in bulletin PMEDP n° 17-18.

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4. Atti-mama C. (2006) ; la migration des pécheurs au Bénin. PMEDP, projet pilote 2 «aménagement participatif des pêches en zone côtière ».

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11. Diop O. (2006) ; Migration et conflit de pêche le long du littoral sénégalo-mauritien: le cas des pêcheurs de Guet Ndar et de Saint Louis (Sénégal). Recherches africaines N° 03 du 19 Décembre 2006 w.w.w.recherches-africaines.net/document. php?id=259.

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* 1 Revue permanente du secteur urbain deuxième édition - SERHAU-SA - Juin 2000

2 Atlas monographique des communes du Bénin - DED - Juin 2001






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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote