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Le pardon et la justice post conflits en Afrique. Etude comparative des dynamiques des acteurs et des institutions du dedans et du dehors (Afrique du Sud, Rwanda)

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par Alain-Roger Edou Mvelle
Université de Yaoundé 2 - DEA 2008
  

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B. L'Afrique du Sud entre assomption du passé et projection de l'avenir

L'Afrique du Sud a ouvertement pris le chemin de l'assomption de son passé. Plutôt que de se préoccuper à sanctionner les méfaits de ce dernier, le choix effectué a été de récompenser les faits du présent. Pour cela la stratégie a consisté en une paix politique mise en scène pour influencer les mémoires. L'élection a légitimé le processus sud africain tandis que la constitution l'a institutionnalisé256(*).

Avec la mise sur pied de la CVR, le travail historique a permis d'accorder la majorité des noirs et blancs sur le sens à donner aux événements qui ont marqué l'histoire du pays pendant des décennies. Le fait pour les persécuteurs de demander l'amnistie revenait pour eux à reconnaître, du moins formellement, leur responsabilité dans les violences et injustices du passé. Tout de même, l'on s'accorde à dire que la Commission n'a pas fait -sans doute volontairement-, tout le travail qui devait mettre en évidence le caractère systémique de l'apartheid qui a privé les noirs de l'éducation, des conditions de vie décentes, et a déstructuré l'ensemble de la société. Aussi reste suspendue la question des réparations promises au terme du travail du Comité y compétent de la CVR.

L'on pourrait emprunter, en outre, la catégorisation de Barbara Cassin pour comprendre la situation de ce pays. L'auteur distingue en effet deux types de politiques de mémoires : une politique passive et une politique active257(*). Dans le premier cas, la gestion des archives participe de l'apaisement au temps. Le temps de latence, précisément, favorise la transition d'un passé trop récent, violent, chargé d'affect, vers un passé apaisé. Dans le deuxième cas, il s'agit de conduire des politiques d'amnésie ou d'anamnèse. En grec ancien, ces deux termes traduisent en effet une même réalité258(*). Selon Barbara Cassin, alors que l'amnésie est liée aux crimes qu'on ne peut ni punir ni pardonner selon l'expression de Hannah Arendt, l'anamnèse est un impératif de `'full disclosure''. Ici, le crime doit être pleinement divulgué.

La version réécrite de l'histoire de l'apartheid est compilée dans les rapports de la CVR. Ceci va en droite ligne de la logique de l'anamnèse, dans la mesure où les archives ont été détruites par les blancs. Ceci justifie amplement le choix de poser, entre autres conditions de l'amnistie, la révélation complète du crime. La pratique grecque constitue donc le parfait exemple du contraire de ce qui s'est passé en Afrique du Sud. Mais le but n'était pas seulement de dire. Il fallait aussi faire comprendre, transmettre. C'est pourquoi l'écriture de ce rapport est formalisée dans un style simple. Cette option facilite la lecture des Sud africains de niveau moyen. En plus, ce rapport est traduit dans l'ensemble des langues officielles du pays. Toutefois, son coût mentionné supra ne permet pas sa diffusion dans l'ensemble des couches sociales. Ce qui voudrait dire que bon nombre de citoyens, en dehors des auditions ultra médiatisées de la Commission, ne disposent pas du document qui constitue le fondement de la renaissance morale du pays.

Les résultats de cette remarquable expérience qui portent en elle des béquilles compréhensibles sont nets. Après l'adhésion d'une grande majorité des Sud africains au projet de réconciliation, la question des indemnisations non versées ou partiellement demeure l'une des préoccupations restées sans solutions. Sa capacité de production d'une résurgence de bellicosité est néanmoins nulle. Toutefois, cette question peut alimenter des frustrations perpétuelles et un sentiment d'inachevé chez les bénéficiaires insatisfaits. Malgré tout, les défis qui interpellent ce pays dans sa marche vers la conquête de son statut de puissance émergente ont commandé que tous les acteurs dominants du champ politique s'accordent sur le minimum de conditions à même de permettre la gestion harmonieuse du passé pour l'émergence consensuelle du futur. La nouvelle Afrique du Sud réinventée culturellement fera donc face, désormais, aux défis sociaux, démographiques, économiques, juridiques et politiques259(*).

Les processus décrits ici et là peuvent se résumer dans les schémas suivants :

* 256 Pour aller plus loin, lire Wilson, Robert, The politics of truth and reconciliation in South Africa: legitimizing the post Apartheid State, Cambridge, Cambridge University Press, 2001.

* 257 Barbara Cassin, « Oter à la haine son éternité. L'Afrique du Sud comme modèle », consulté en ligne, http://docs.google.com/gview, le 08 octobre 2009.

* 258 Mê mnêsikakein qui veut dire `'tu ne rappelleras pas les malheurs, ou les maux des événements du passé''. La première personne qui enfreignait ce principe était simplement mise à mort. C'était le décret de 403.

* 259 Lire Sean Jacobs, « Sur l'Afrique du Sud post-Apartheid et le devenir de la « nation arc-en-ciel », Politique africaine, n°103, octobre 2000, p.7. Pour aller plus loin : R Alence, « South Africa after apartheid :the first decade », Journal of Democracy, vol 5, n°3, 2004 ; A. Handley, «The new South Africa, a decade later», Current History, vol 103, n°673, 2004; P. Bond, Elite transition: From Apartheid to Neo liberalism in South Africa, Pietermaritzburg, University of Kwazulu Natal Press, 2005; V. Padayachee, «The South African economy 1994-2004», Social research, vol 73, n°3, 2005.

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