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Le pardon et la justice post conflits en Afrique. Etude comparative des dynamiques des acteurs et des institutions du dedans et du dehors (Afrique du Sud, Rwanda)

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par Alain-Roger Edou Mvelle
Université de Yaoundé 2 - DEA 2008
  

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Problématique34(*)

L'Afrique du Sud et le Rwanda ont connu des violences politiques d'une forte intensité. La brièveté de celles-ci dans le second cas n'enlève rien à leur caractère inhumain, considérablement distinct des abus perpétrés dans le 1er cas depuis 1948. Après ces situations s'est posée la question de la réconciliation. Une alternative s'offrait ainsi aux catégories dirigeantes héritières des systèmes politiques post conflits : juger ou pardonner. Le choix entre justice et pardon fera l'objet d'adaptation dans un cas comme dans l'autre ; allant parfois jusqu'à l'imbrication des deux modalités de sortie de crise. Pour porter cette dynamique, un système actanciel et institutionnel sera fonctionnel. Dès lors quelle est la configuration des acteurs de la justice et du pardon dans les deux pays et quelle est la portée de leurs actions dans la réconciliation ? Comment les acteurs internes et externes vont-ils interagir et mobiliser les institutions pour reconstruire la cohésion sociale brisée ? Ces actions sont-elles suffisantes pour réconcilier et faire émerger une sociabilité post conflit ?

Hypothèses

Nous formulons une hypothèse35(*) principale et deux hypothèses secondaires qui vont permettre de tester les variables dont elles sont constitutives dans les développements.

Hypothèse principale

Les acteurs et les institutions du pardon et de la justice sont multiples. Ils mobilisent des ressources radicalement différentes pour construire la paix. Toutefois, ces deux modalités ont une similarité d'objectif-la réconciliation-dont les voies de réalisation demeurent distinctes, et l'efficacité relative.

Hypothèses secondaires

1. Les instances de droit commun et les formes de justices transitionnelles aux plans nationaux travaillent respectivement la fabrication du pardon et l'administration de la justice. Les résultats de leurs actions dépendent de l'environnement et du sens que les acteurs leur donnent, ainsi que des rapports dedans-dedans et dedans-dehors qui y sont imprimés.

2.

Bien que la justice et le pardon visent la sociabilité post conflit, les acteurs et institutions internes et externes sont impuissants face à l'inoubliable et la mémoire des victimes. Ceci peut alimenter des conflits futurs et remettre en cause la pertinence de ces deux modes de sortie de crise.

Méthodologie

La présente recherche est organisée autour d'une construction et d'un cadre théoriques.

VII.1 De la méthode

Trois types d'analyses vont meubler nos développements : l'analyse sociologique, l'analyse comparative et l'analyse systémique. Nous préciserons ensuite le système de collecte et de traitement des données qui sera usité.

A. Typologies analytiques

a. L'analyse sociologique

L'analyse du sujet pourra s'enrichir de cette grille de lecture. En effet, l'on sera attentif à la dimension sociale du pardon et de la justice, dans la mesure où les acteurs et les institutions révèlent une dynamique d'interrelations sociétales conflictuelles et pacifiques. L'identité des acteurs et institutions, les valeurs qu'ils invoquent, le sens qu'ils donnent à leurs actions, sont autant d'éléments à observer. En outre, il sera question de mettre en lumière les processus simples et robustes qui sont à l'oeuvre dans les deux sociétés post conflits. Le pardon et la justice seront saisis à travers les acteurs et les institutions. Ce qui amène à intégrer à la fois l'holisme ou sociologisme36(*) et l'individualisme méthodologique37(*) dans notre posture analytique. Aussi utiliserons-nous l'analyse cognitive pour rendre compte des perceptions des acteurs par rapport à la réconciliation et des usages de la mémoire.

b. L'analyse comparative

L'essence de cette analyse est de relever les points de convergence et de divergence. En ce sens, nous allons essayer de comparer l'action des acteurs et les institutions du pardon et de la justice. Deux niveaux d'appréciation seront pris en compte, notamment le national et le global. La multi variation sera le trait caractéristique de cette comparaison38(*).

c. L'analyse systémique

L'exploration du pardon et de la justice, à partir des institutions et des acteurs, doit absolument, de notre point de vue, intégrer la dimension structurelle. Ces acteurs et institutions ne font sens que dans un système d'action précis. Les contraintes environnementales dans les sociétés politiques étudiées, les demandes sociales après les années d'hostilité, et les solutions qu'offrent les ordres dirigeants sont des déterminants dont l'étude peut permettre de comprendre l'efficience ou non. Plus concrètement, le modèle eastonien de prise en compte des inputs et des outputs nous inspirera pour comprendre les mécanismes de construction de la réconciliation après des violences politiques (inputs) par la justice et le pardon (outputs). Ces différentes formes d'analyse seront utiles dès lors que nous aurons collecté et traité le matériau nécessaire pour soutenir notre argumentation.

B. Du système de collecte et de traitement des données

a. La collecte39(*)

Nous ferons usage de la méthode d'observation indirecte, avec notamment la technique documentaire. Les ouvrages scientifiques, les articles des revues du même genre, les articles des journaux, les dictionnaires généraux et spécialisés vont constituer nos différentes sources. Aussi exploiterons-nous les rapports publics comme sources de première main. Nous emprunterons l'approche dogmatique propre aux juristes pour lire le statut du TPIR et les lois internes aux deux pays. La collecte sera enrichie par l'outil internet, dont l'exigence de distanciation avec les faits sera plus grande. En effet compte tenu du caractère délicat, voire passionné des thématiques sous-jacentes à notre objet, des sites internet ont été crées pour perpétuer les mémoires du génocide et de l'Apartheid, et fonctionnent sans grande objectivité. Il nous reviendra alors de faire la part entre l'engagement militant et les analyses scientifiques.

b. Le traitement

Les matériaux collectés seront sélectionnés, classés et interprétés en vue de constituer des appuis aux arguments développés. Cette étape de la recherche devra tenir compte de l'exigence éliassienne d'engagement et de distanciation40(*). Pour viser la rigueur d'analyse, nous essayerons de nous démarquer des pré notions, des idées arrêtées. Nous tenterons alors d'intégrer l'exigence d'intersubjectivité pour, notamment, expurger l'analyse de nos convictions propres. Tout ceci sera solidifié par un cadre théorique spécifique.

VII.2 Du cadre théorique

Trois théories vont nous servir de phare dans l'orientation épistémologique qui est à la base de nos postulats : le néo institutionnalisme, le constructivisme, et l'interactionnisme symbolique. Il conviendra d'être attentif à l'invite de Michel Beaud, selon laquelle « la qualité d'une théorie ne peut se juger à sa seule cohérence interne, mais par rapport à sa capacité à rendre compte du réel »41(*).

a. Le néo institutionnalisme

Après l'éclipse de l'analyse institutionnelle dans les années 1960-1970, un regain d'intérêt s'observe dans les années 1980. L'influence des institutions sur l'action (comportement des acteurs, leurs stratégies, leurs préférences, leurs identités) va de pair avec leur développement. Le néo institutionnalisme a pour but de structurer le politique42(*). Les auteurs de ce courant avancent que l'analyse doit partir des institutions et non des acteurs. L'action est conditionnée par les institutions. Il existe trois types de néo institutionnalismes : historique, du choix rationnel, et sociologique43(*). On parle de `'néo'' en référence à l'ancien institutionnalisme formaliste (descriptif, a-théorique). Mais pour certains, la variante `' néo'' n'a rien apporté mais s'inscrit plutôt dans la continuité44(*). L'institutionnalisme historique s'est développé en réaction au behaviourisme et aux approches centrées sur les sociétés. Son argument principal est le `'path dependency `'45(*). L'institutionnalisme du choix rationnel met en exergue l'importance stratégique des institutions. Il ne rejette pas le behaviourisme, mais l'adapte à l'analyse institutionnaliste. Il s'est beaucoup intéressé à l'étude des législatures, des exécutifs, des bureaucraties et à la formation des coalitions politiques. Les institutions sont considérées selon les opportunités qu'elles offrent aux acteurs. L'institutionnalisme sociologique tire ses racines dans la théorie des organisations46(*). Ici, les institutions incarnent et reflètent des symboles et pratiques culturelles qui influencent la perception des acteurs. La création de nouvelles institutions doit être respectueuse de la compatibilité avec celles existantes. Un lien étroit existe entre la société et les institutions. Les institutions diffusent la société et conditionnent leur interprétation.

La critique faite à ce courant tient à son éparpillement. Même s'il existe un patrimoine commun entre ces trois approches, il n'en demeure pas moins vrai que leurs postulats sont divergents sur le concept institution, sa création, et l'action. Dans ce travail, c'est le versant sociologique du néo institutionnalisme qui nous concerne. Nous montrerons que les « gacacas » incarnent la justice traditionnelle, les tribunaux de droit commun et les cours constitutionnelles incarnent les valeurs de la justice moderne. Le TPIR édicte des sanctions qui ont pour but de façonner la perception des acteurs sur la question de la responsabilité. Il en va de même du travail de construction du `'pardon-justice'' par la CVR. Par ailleurs, un lien fort existe entre institution et société : le TPIR c'est la culture De la société internationale tandis que les autres institutions représentent celle de la société nationale.

b. Le constructivisme

Le constructivisme social rime avec la figure de Berger et Luckmann. Il postule fortement que les phénomènes sociaux sont des construits. Les constructivistes s'attachent à voir comment la réalité est construite par les institutions. La réalité constructiviste est plus subjective qu'objective. Ce courant émerge dans les années 80-90 pendant la crise du marxisme et du structuralisme. Il comporte quatre caractéristiques de base :

- une position critique sur le caractère acquis des connaissances ;

- la spécificité historique et culturelle des connaissances ;

- le soutien des connaissances par les processus sociaux ;

- la concomitance entre connaissance et action.

Les pionniers de la construction sociale affirment que « la société est une production humaine. La société est une réalité objective. L'homme est une production sociale »47(*). Cette réalité est extériorisée, les acteurs s'en émancipent pour affirmer leurs stratégies. Mais la réalité est aussi subjective par le processus d'intériorisation : c'est la socialisation. Hormis le constructionnisme sus présenté, il existe un constructivisme structuraliste (Bourdieu) et un constructivisme phénoménologique (Alfred Schutz). Dans le premier cas, Bourdieu lui-même écrit : «  Par constructivisme structuraliste, je veux dire qu'il existe, dans le monde social lui-même, (...) des structures objectives indépendantes de la conscience des agents, qui sont capables d'orienter ou de contraindre leurs pratiques et représentations. Par constructivisme, je veux dire qu'il y a une genèse sociale d'une part des schèmes de perception, de pensée et d'action qui sont constitutifs de ce que j'appelle habitus, et d'autre part des structures sociales, et en particulier de ce que j'appelle des champs »48(*). Dans le deuxième cas, l'analyse saisit les individus et leurs interactions. Les objets de pensée construits par les chercheurs en sciences sociales se fondent sur les objets de pensée construits par la pensée courante. Ainsi, à la base de la connaissance savante du monde social, il y a la connaissance ordinaire.

Le constructivisme social est celui qui va nous intéresser pour montrer que le pardon et la justice sont construits par des acteurs et des institutions en fonction de leurs identités respectives. La réconciliation recherchée est l'objet d'un travail méthodique d'influence des représentations et des perceptions des victimes. C'est aussi le cas de la mémoire négative dont précisément la déconstruction vise la construction de la sociabilité commune.

c. L'interactionnisme symbolique

C'est dans les années 1970 que ce courant issu de la sociologie américaine va consolider sa perspective.49(*) L'idée fondatrice est que l'individu contrôle ses actions et agit sur lui-même et le tout en fonction des circonstances du contexte. Cette théorie privilégie la méthode d'observation qualitative et inductive. L'interactionnisme symbolique accorde une grande importance aux significations spontanément élaborées par les acteurs pendant leurs interactions. L'analyse microsociologique qui est à sa base met l'accent sur l'ordre social. Les individus recherchent le consensus par la négociation. Les interactionnistes se demandent comment les normes sociales sont vécues, construites, interprétées, et reproduites par les individus pendant leurs interactions quotidiennes50(*). A partir de là, ils reconnaissent un sens construit à l'interaction, ils abordent les thématiques liées au contrôle social et aux stigmates, au soi, aux rôles et aux représentations, aux adaptations secondaires. Chez Anselm Strauss, l'interactionnisme prend une forme contestataire vis-à-vis du fonctionnalisme. Lorsque les seconds voient une société structurée, relativement statique et composée d'acteurs guidés par des normes et valeurs, les premiers vont s'intéresser à la construction permanente de l'ordre social par les individus. Les fonctionnalistes considèrent la société comme un système structuré avec des statuts accolés à des rôles. Dans le même temps, les interactionnistes étudient la complexité des rôles. L'acteur peut prendre des distances à l'égard de ceux-ci. Là où les fonctionnalistes écrivent que les organisations sont régies par des règles formelles maintenues par la communauté d'intérêt, les interactionnistes sont d'avis que l'interaction sociale est caractérisée par son dynamisme et son caractère négocié. Chaque acteur participe à la représentation de la situation dans laquelle il est engagé, l'interaction ne fait pas l'objet d'un jugement mais d'une adaptation, d'un réinvestissement.

Nous montrerons que, contrairement à la vision axée sur l'ordre social, les relations de face à face entre acteurs et institutions du pardon et de la justice trouvent leur base dans le désordre des deux sociétés observées. Le sens que les acteurs donnent à ces catégories varie selon le dedans et le dehors. Dans les situations post conflits, la sociabilité commune s'inscrit dans les interrelations quotidiennes. Les rôles des acteurs internes du pardon et de la justice sont ambigus d'autant plus que ceux-ci interagissent de manière négociée avec l'externe. Nous serons en outre attentifs aux interrelations des acteurs et à celles des institutions.

* 34 Michel Beaud définit la problématique comme « l'ensemble construit, autour d'une question principale, des hypothèses de recherche et des lignes d'analyse qui permettent de traiter le sujet choisi ». In : L'art de la thèse, Paris, La Découverte/Syros, 2001, p.32.

* 35 Elle est définie par Madeleine Grawitz comme une proposition de réponse à la question posée. Elle tend à formuler une relation entre des faits significatifs. Op cit ; p. 398.

* 36 Il s'oppose à l'individualisme méthodologique et prône la prééminence du tout sur les parties. Les interprétations sont faites de manière globalisante. Les effets de système sont importants ici. Voir Gilles Ferréol (Sous dir), Dictionnaire de sociologie, 3e éd, Paris, Armand Colin, 2004, p. 85.

* 37 La vision des nouvelles sociologies favorise notre inclusion de ces deux niveaux d'analyse. L'individualisme méthodologique a été développé par des auteurs comme Popper, Hayek, Piaget, pour souligner que tout fait social n'est que la résultante de l'interaction d'un ensemble de comportements individuels. La dimension intentionnelle et stratégique des acteurs est prise en compte en priorité. In : Gilles Ferréol (Sous dir), Dictionnaire de sociologie, op.cit ; p. 93.

* 38 Pour aller plus loin, lire Ronald H. Chicote, Theories of Comparative Politics. The search for a paradigm,Westview Press. Bertrand Badie et Guy Hermet, La politique comparée, Paris, Armand Colin, 2001. Institut d'Etudes Politiques de Bordeaux, Faire de la politique comparée au XXIème siècle, Colloque RIPC, 21,22, 23 février 2002. Cécile Vigour, La comparaison dans les sciences sociales. Pratiques et méthodes, Paris, La Découverte, 2005.

* 39 Pour Gordon Mace et François Pétry, la collecte de l'information est une étape importante du travail empirique parce qu'elle fournit l'élément de base pour la vérification de l'hypothèse. In : Guide d'élaboration d'un projet de recherche en science sociale, Bruxelles, De Boeck Université, 3e ed, p89.

* 40 Norbert Elias, Engagement et distanciation. Contribution à la sociologie de la connaissance, Paris, Fayard, 1993.

* 41 Michel Beaud, op.cit; p.50.

* 42 Voir Sven Steino et al, Structuring Politics: historical Institutionalism in comparative Analysis, Cambridge, Cambridge University Press, 1992.

* 43 Lire André Lecours, « L'approche néo institutionnaliste en science politique : unité ou diversité ? », Politique et société, vol 21, n°3,2002, pp.3-19.

* 44 C'est le cas de Gabriel Almond, « The return of the State », American Political Science Review, vol 82, 1998, pp. 853-874.

* 45 Il rend compte du conditionnement des phénomènes politiques par des données relevant du contexte extérieur aux acteurs. Ceux-ci perdent le contrôle sur des dynamiques créées par les institutions. Pour aller plus loin, Colin Hay et Daniel Wincott, « Structure, Agency and historical Institutionnalism », Political Studies, vol 46, 1998, pp. 951-957.

* 46 James March et Johan Olsen, Rediscovering Institutions, New York, Free Press, 1989. Paul di Magio, et Walter Powell, Powell, The New Institutionalism in Organizational Analysis, Chicago, University of Chicago Press, 1991.

* 47 Peter Berger et Thomas Luckmann, The social construction of Reality, New York, Double day, 1966, p.87.

* 48 Pierre Bourdieu, « Espace social et pouvoir symbolique », chose dite, Paris, Minuit, 1987

* 49 Lire Erving Gofman, La mise en scène de la vie quotidienne, Paris, ed de Minuit, 1973. Les rites d'interaction, Paris, ed de Minuit, 1974.

* 50 Pour aller plus loin, J. M. De Quieres, M. Ziolkowski, L'interactionnisme symbolique, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1994. Anselm Strauss, Miroirs et masques. Une introduction à l'interactionnisme, Paris, Métaillé, 1922.

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