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Syndrome de la guerre : lorsque le psychisme ne cesse de rappeler

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par Shqipe BUJUPI
Institut libre Marie Haps - Assistante en psychologie 2005
  

Disponible en mode multipage

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    Haute École Leonard de Vinci

    Institut Libre Marie Haps

    Bruxelles

    Sous le patronage de l'Université Catholique de Louvain

    SYNDROME DE LA GUERRE :

    LORSQUE LE PSYCHISME NE CESSE DE RAPPELER....

    Mémorante : Shqipe Bujupi

    Promoteur : Mr. Eric Pierrard

    Mémoire remis dans le cadre de l'obtention

    du Diplôme d'Assistante en psychologie

    Année Académique 2004-2005

    TABLE DES MATIERES

    Partie théorique

    Avant-propos

    Introduction générale

    Préliminaire : L'homme et la guerre

    Chapitre I : Kosovo : une brève histoire

    1. Introduction

    2. L'antiquité

    3. La transmigration slave vers les Balkans

    4. La domination ottomane

    5. La Serbie et la Yougoslavie

    6. Les manifestations de 81

    7. L'abolition de l'autonomie et l'apartheid kosovar

    8. Le conflit armé de 1998-1999

    Chapitre II : Le traumatisme psychique : voyage au bout de l'enfer

    1. La conception de Freud

    2. Les conceptions contemporaines

    3. La répétition dans le traumatisme et ses corollaires

    a. L'hypermnésie et l'amnésie dans le traumatisme

    b. Clivage et déni

    c. Comment peut-on avoir mal à la mémoire ?

    d. L'effroi, la peur et l'angoisse

    Chapitre III : Les victimes et les facteurs en cause 

    1. Qui peut être victime ?

    2. Les facteurs

    a. Les facteurs externes

    1b.3 Les polytraumatismes de guerre

    b. Les facteurs internes

    b.1 Trois sortes de vulnérabilités

    Chapitre IV : Les répercussions sur le sujet

    1. Le viol et la torture comme instruments de guerre

    a. Le viol

    b. La torture

    2b.3 Les méthodes du tortionnaire

    2. Chez l'enfant

    3. Vivre en société

    4. Et les réfugiés ?

    5. Deuil traumatique

    a. Deuil compliqué

    b. Deuil impossible

    3b.3 Le travail de deuil

    Chapitre V : Le syndrome psychotraumatique

    1. Le syndrome de répétition

    2. Les symptômes non-spécifiques

    3. La personnalité traumato-névrotique (Modification de la personnalité)

    Chapitre VI : La prise en charge de la victime

    1. L'intervention immédiate

    2. L'intervention post-immédiate

    3. La prise en charge à long terme

    a. Le problème de la demande

    b. Pour des vécus spécifiques - traitement spécifiques

    b.1 La neutralité ou la reconnaissance de la souffrance

    b.2 Le silence

    b.3 La culpabilité

    c. Différentes types d'approches

    c.1 La thérapie cognitivo-comportementale

    c.2 La psychanalyse

    c.3 La méthode cathartique

    c.4 L'ethnopsychiatrie

    c.5 Désensibilisation et reprogrammation par des mouvements oculaires

    4. Le soutien social

    5. La réparation

    Conclusion de la partie théorique

    Conclusion ?

    Partie pratique

    INTRODUCTION GENERALE

    Combien de fois n'avons-nous pas entendu et même utilisé « j'en suis » ou « il en est traumatisé » sans comprendre clairement ce terme et les bouleversements profonds qui peuvent affecter les sujets. Un stage effectué à Exil nous a permis de nous intéresser et d'éclairer cette notion, notamment les traumatismes de guerre et les séquelles qui en résultent.

    L'objet de notre sujet de mémoire est une réflexion sur les traumatismes de guerre, particulièrement de la guerre au Kosovo.

    La guerre est une des plus grandes épreuves infligée à tout un peuple. Ces ravages causent des souffrances énormes dans la population. Dans le cas des victimes de guerre, par opposition à celles en temps de paix, les événements traumatogènes sont multiples et fréquentes. Les symptômes principaux en sont les reviviscences. La question principale que nous avons choisie de développer est : par quel processus, par quels mécanismes psychiques les épisodes douloureux de l'histoire de ces sujets traumatisés reviennent dans leur conscience contre leur volonté ?

    En aucun cas nous ne prétendons que nous avons déchiffré finement ce trouble car nous trouvons que la mémoire traumatique est extrêmement complexe à l'instar de la notion même de traumatisme.

    Nous avons commencé notre travail par une brève description, sous une forme préliminaire : Destruction et autodestruction de l'homme dans à la guerre.

    Ensuite, nous avons essayé de décrire, les grandes lignes, de l'histoire du Kosovo, afin de pouvoir comprendre le sens de la guerre dans ce pays.

    Dès l'ouverture du deuxième chapitre nous nous pencherons sur les traumatismes. C'est-à-dire, nous étudierons la perception de différents auteurs. Qu'en est-il de leur notion de traumatisme, de son étiologie et des types de traumatisme ? Nous nous attarderons un peu plus sur les mécanismes psychiques de reviviscence et les principaux mécanismes de défense qu'un sujet traumatisé met en place pour s'en protéger.

    Ne pouvant pas englober totalement ce sujet qui s'avère complexe, nous avons focalisé notre attention sur les souffrances indicibles induites par des actes de destruction délibérée notamment la torture et le viol. Nous approcherons l'intentionnalité du tortionnaire. Comment arrive-t-on à détruire psychiquement une personne, et à travers elle peut-être sa famille, sa communauté ? De quels types de souffrance s'agit-il ? Quelles sont les transformations psychiques induites chez la victime ? Comment sont-elles exprimées par la victime, par quels types de symptômes ?

    Les victimes de guerre sont également celles qui perdent aussi leurs proches, cela complexifie le tableau clinique du syndrome psychotraumatique. Nous avons aussi abordé le deuil traumatique repris par la sémiologie du deuil et d'Etat de Stress Post Traumatique.

    Le sujet traumatisé est touché aussi dans son territoire social. Nous aborderons les difficultés de l'intégration au sociale. Ce social est-il prêt à accueillir, à le recueillir ?

    Cependant, les traumatismes ne touchent pas seulement les adultes mais également les enfants. Très brièvement nous en présentons les répercussions spécifiques.

    Au cours de notre recherche, un phénomène imprévu est apparu : la souffrance spécifique des réfugiés. Ne souffrent-il pas d'une sorte de victimisation secondaire ?

    Ensuite, nous présenterons les symptômes du syndrome psychotraumatique repris dans le tableau clinique français. Nous avons décidé de nous appuyer sur ce tableau parce que nous pensons que sa représentation est plus complète tant au niveau des symptômes que du vécu de la victime. Néanmoins, nous présenterons aussi les critères du DSM IV qui permettent de poser le diagnostic d'ESPT.

    Nous terminerons la partie théorique avec la prise en charge de la victime, les différents types de thérapies préconisées par les spécialistes, et le rôle du soutien social. Par quel soutien social la victime doit-elle être soutenue ?

    Pour la partie pratique, nous avons rencontré différents professionnels travaillant avec une population de traumatismes de guerre. Nous avons réalisé des entretiens sur leurs lieux de travail. Ces différents entretiens répondront-il à notre hypothèse de départ ?

    Préliminaire : L'homme et la guerre

    « Les siècles passent, mais hélas le malheur des hommes, les guerres, les tortures, la persécution politique, les génocides et autres violences collectives perdurent »1(*).

    Dans une situation de guerre, ce que nous voyons se pratiquer par l'homme ce sont des actes de destruction délibérée. Personne n'y échappe, adulte ou enfant. Nous sommes incapables de réaliser jusqu'à quel point l'homme peut courir à sa propre destructivité, à sa désintégration en tant qu'être humain : des enfants décapités, des seins coupés, des viols, des yeux percés, et on peut donner des exemples interminables de ces cruautés pour confirmer que l'impensable peut devenir réalité : oui l'humain peut devenir inhumain.

    C'était une « sale guerre », dit la population kosovars, car leur arsenal de combat est fait de massacres, d'exécutions, de tortures, de viols, etc. sur les civils.

    « Ce sont des hommes qui construisent les ponts, et des hommes aussi qui les détruisent. Les ponts... liens entre deux rives, qui réunissent des mondes clos qui s'ignorent, ou des mondes métissés qui s'envient ; ils ouvrent à des rencontres mais peuvent aussi être attaqués pour s'approprier des territoires ou séparer des communautés. Métaphore de l'appropriation de soi par l'autre ou de l'autre par soi, de l'envie et de la haine, de l'ambiguïté du progrès, de la culture, de la nécessité de penser ce qui s'échange comme provoquant aussi de la douleur, et bien d'autres choses encore... » 2(*) (Ismaïl Kadaré : Le pont aux trois arches).

    Tous les auteurs disent que les traumatismes causés par l'action de l'homme sont bien différents de ceux causés par les catastrophes naturelles. D'après Günter Seidler « Les traumatismes d'origine humaine laissent des traces plus profondes que ceux déclenchés par des catastrophes naturelles, et ils sont d'ailleurs plus difficiles à traiter. En outre, nous avons pu observer à la suite du tsunami au Sri Lanka que les catastrophes naturelles incitent à former des communautés de destin, que les gens se serrent les coudes, qu'ils « font corps ». Mais quand l'ennemi ou l'agresseur est un humain, ces liens se déchirent fréquemment, les personnes touchées sont mises à l'écart et exclues de la communauté »3(*).

    Dans différentes régions du monde, des millions de meurtres établis, des milliers de disparus, la vie de millions de personnes affectée par des bouleversements profonds, irrémédiables, que la guerre provoque. Les traumatismes touchent ceux qui la subissent et ceux qui la mènent. Il s'agit de vies blessées dans leur chair et dans leur âme. Le temps semble ne pas pouvoir effacer les empreintes de ces « blessures invisibles ». Pour la plupart des victimes, les séquelles sous forme de PTSD signifient que plus rien ne sera jamais comme avant. À l'avenir, prisonniers de leur passé, leur vie psychique sera marquée par une compulsion de répétition dont l'expression est la reviviscence de l'événement traumatique. Que d'images d'horreur ont-elles vécues ? Pourquoi ces mêmes images se réimposent-elles avec force contre leur volonté ?

    Chapitre I : Kosovo : une brève histoire4(*)

    « Les Albanais ont été révélés aux Français par les bombardements de l'OTAN sur le Kosovo. Pourtant ces inconnus ont une longue histoire. Ils sont parmi les premiers peuples établis dans les Balkans, ont connu l'occupation romaine, byzantine, puis la longue présence des Turcs ottomans jusqu'en 1912 quand les Puissances de l'Europe leur concédèrent un Etat. Ce dernier ne regroupait d'ailleurs que la moitié environ des Albanais dont l'autre partie habitant le Kosovo fut donnée à la Serbie »5(*).

    1. Introduction

    Le Kosovo est une région de l'Europe du Sud-est au centre des Balkans avec une position assez attrayante. Le Kosovo est une haute plaine avec des hauteurs au-dessus de la mer de 500 à 700 m en moyenne, entourée de montagnes qui vont jusqu'à des hauteurs de plus de 2500 m. Sa géologie et sa géographie expliquent les raisons pour lesquelles le Kosovo a eu une importance historique. Dans la moitié du Kosovo se trouve le plus grand trésor minéral de l'Europe du Sud-Est. Les mines de Trepca (au nord de Pristina) sont les plus grandes mines de plomb et de zinc de l'Europe. Les mines de Novo Brdo à l'est de Pristina ont eu une grande importance minière depuis des siècles. En outre, toutes ces mines ont des réserves d'argent, or, nickel, charbon...

    Sa géographie explique les raisons stratégiques des conquêtes militaires du Kosovo. A partir du Kosovo beaucoup de corridors de transport des Balkans peuvent être contrôlés. Ainsi le Kosovo et la Macédoine au centre des Balkans peuvent bloquer la plupart des lignes de mouvement entre les différentes parties des Balkans:la Bosnie, la Grèce, la Serbie, l'Albanie et le Monténégro sont presque tous obligés de passer par ces territoires pour aller de l'un à l'autre.

    2. L'Antiquité

    Le Kosovo a été habité très tôt. Au moins dès 1800 avant Jésus Christ, les preuves linguistiques et archéologiques montrent qu'au Kosovo vivaient les Illyriens dont les Albanais sont les descendants directs. Les Illyriens ont vécu en Albanie et dans la plus grande partie de la Yougoslavie

    Les tribus contrôlant le Kosovo à l'époque antique étaient nommées les Dardans (une tribu illyrienne). L'albanais est une langue qui appartient à la famille des langues indo-européennes dérivée de la langue parlée autrefois en Illyrie.

    Avec la conquête des territoires illyriens, au cours des siècles suivants, son histoire sera liée à celle de l'empire byzantin, l'invasion des slaves, le développement de quelques nouveaux états slaves et l'invasion ottomane.

    3. La transmigration slave vers les Balkans

    A la fin du sixième siècle de notre ère les Slaves suivirent les transmigrations de la fin de l'empire romain et envahissaient l'Europe centrale et les Balkans. Ainsi les tribus slaves envahissaient la plus grande partie de l'Europe du Sud-est. Très vites les tribus slaves non organisées, s'organisèrent et formèrent des petits royaumes similaires à ceux de l'Europe occidentale. Déjà au 9ième siècle les Bulgares arrivaient à établir des royaumes d'importance régionale se trouvant en concurrence avec l'empire byzantin. Ainsi, le Kosovo aussi tombera suite aux envahissements slaves et serbes. L'expansion serbe atteindra son maximum avec le Tsar Dusan au 14ième siècle. Pendant cette période le Kosovo est au centre du royaume serbe qui s'étendait jusqu'en Grèce.

    Des les documents / sources de ces mêmes royaumes serbes, on peut déduire qu'au Kosovo à cette époque vivaient déjà la plus grande partie des populations d'aujourd'hui : les Albanais, les Serbes et les Vlaches. Ces derniers ne vivent presque plus au Kosovo mais étaient une population liée aux Roumains qui encore aujourd'hui vivent en Grèce, Albanie, Macédoine... Ainsi le Kosovo faisait partie des territoires ou se rencontrent civilisation byzantine, orthodoxe slave et catholique occidentale.

    4. La domination ottomane

    Le 14ième siècle sera marqué par l'arrivée de l'empire ottoman sur la scène régionale. Le 28 juin 1389, au Kossovo Polié, dont le nom signifie en serbe le «Champ des Merles», sous le commandement de Lazare, prince de Raska (une province de l'actuelle Serbie), les soldats serbes, bulgares, albanais et des Valaques s'unissent pour affronter les Ottomans. Mais ils furent défaits par l'armée Ottomane, ainsi les Turcs devinrent maîtres du terrain et imposera la religion musulmane chez une grande partie de la population.

    Un demi-siècle après la tragédie du Champ des Merles, le prince albanais Georges Castriota (Gjergj Kastrioti en albanais), réussit à chasser pendant quelques décennies (1405-1468) les Turcs d' Albanie, mais le Kosovo restera sous leur contrôle jusqu'au 19ième siècle.

    Avec le déclin de l'empire ottoman, de plus en plus de territoires se déchirent de cet empire pendant le 19ieme siècle, comme la Serbie (semi-indépendance en 1815) et la Grèce (1832).

    Les autres grandes puissances essayent de gagner le contrôle sur ces territoires abandonnés par les Turcs en favorisant leurs alliés locaux. Entre autres les Britanniques favorisent la Grèce et la Russie favorise la Serbie. Ainsi, le nationalisme romantique de ce siècle, l'affaiblissement et la désintégration de l'empire ottoman, ainsi que le jeu des grandes puissances font naître des mouvements libérateurs nationaux dans les différentes parties des Balkans. En 1878 la Ligue Albanaise de Prizren (ville au Kosovo) revendique la création d'une entité albanaise au sein de l'empire ottoman. Les plus importantes raisons de la naissance de ce mouvement étaient : le nationalisme romantique, une pression montante sur la population par un empire en déclin, la pression des peuples voisins qui cherchaient a conquérir les territoires peuplés par les Albanais. Les conquêtes de territoires albanais par les autres états balkaniques devenus indépendants étaient marquées par des massacres et des nettoyages ethniques6(*) qui seront aussi tellement caractéristiques des conflits balkaniques à venir. Ceci mènera les Albanais à plusieurs révoltes. En 1912, les Albanais réussissent à se libérer et le Kosovo fut inclus dans le nouvel état indépendant d'Albanie en 1912. Mais, en Mai 1913 les pourparlers internationaux sur les nouvelles frontières des états balkaniques à l'issue de cette première guerre balkanique (Autriche-Hongrie, France, Allemagne, Angleterre, Italie et Russie), en essayant de manoeuvrer entre les demandes des alliés balkaniques imposèrent un compromis qui prévoyait la création d'un état albanais, mais sans une grande partie des territoires habités par les Albanais. Ainsi le Kosovo, une partie de la Macédoine, une tranche du Monténégro et le Nord-ouest de la Grèce resteront en dehors des frontières de la nouvelle Albanie.

    5. La Serbie et la Yougoslavie

    Le Kosovo ferait dorénavant partie de la Serbie. Avec la conquête du Kosovo, la Serbie essayera de « reserbiser » le Kosovo. Des programmes de colonisations et des programmes soutenant l'émigration albanaise seront développés. Pendant les années '20 les choses se compliquaient au début avec les révoltes albanaises appelées `Kaçakes'. Mais après leur soumission, le programme de colonisation prendra de la vitesse. Des terres des grandes familles et aussi de familles plus modestes albanaises furent confisquées et attribuées à des familles immigrantes serbes. Ainsi la Serbie essayait d'améliorer les statistiques de la population. Dans la deuxième moitié des années '30 les autorités serbes ajouteront des programmes d'émigration pour la population dénommée comme `musulmane' ou `turque' par ces autorités vers la Turquie. Ces programmes seront vites interrompus par la Deuxième Guerre Mondiale. Ils recommenceront après la Deuxième Guerre Mondiale et atteindront un point culminant dans les années '50 avec le nouveau régime yougoslave. Ainsi, la Serbie jouera pour la population albanaise du Kosovo toujours le rôle d'occupant étranger et violent.

    Pendant les années '60 finalement certaines choses s'amélioraient au Kosovo du point de vue politique. Avec la Yougoslavie communiste, une plus grande autonomie politique sera octroyée (en 1970 et 1974). Bien que cette autonomie était dirigée directement par le pouvoir serbe, le Kosovo n'avait jamais connu une autonomie politique plus élevée depuis son incorporation dans la Serbie. Cette période sera marquée par une émancipation politique due à l'accroissement du nombre d'Albanais dans des fonctions d'état.

    Des progrès furent aussi accomplis au niveau culturel suite à la naissance et au développement de l'université de Pristina, à l'éducation académique de la population albanaise.

    Cette période verra aussi des investissements relativement importants dans son économie. Malgré un renforcement de sa structure économique, cela ne correspondait pas à ce qu'investissait Belgrade dans d'autres républiques yougoslaves.

    En outre, la structure économique de la province (matériaux de base produits et distribués dans les secteurs de production plus développés dans les autres parties de la Yougoslavie. Le Kosovo s'en trouvait défavorisé, tenu dans une position de plus grande dépendance et laissé à un niveau de développement des secteurs industriels très bas. Entre les années 71 et 81, 85.000 Albanais quitteront le Kosovo à cause du chômage.

    6. Les manifestations de `81

    Apres la mort de Tito en 1980, la stabilité de la Yougoslavie post-Tito fut tout de suite testée au Kosovo. Au début du printemps 1981, des manifestations apparurent au Kosovo. Les étudiants albanais revendiquaient une plus grande autonomie. Beaucoup d'entre eux aspiraient à une république. Les manifestations furent réprimées d'une manière extrêmement violente. Officiellement, il y eut 39 morts. Mais beaucoup de sources (albanaises et autres comme les représentations se trouvant au Kosovo) parlent de chiffres plus élevés.

    S'ensuivit une répression serbe croissante et une diminution graduelle de l'émancipation politique qu'avait connue le Kosovo. Les autorités de Belgrade utilisèrent ces événements pour démontrer la nécessité d'un plus grand contrôle direct sur le Kosovo. Sur base du nationalisme qui naissait de nouveau et était publiquement affirmé par rapport a la question du Kosovo, certains politiciens développaient leur base de pouvoir a partir de la moitié des années '80. Milosevic utilisera le Kosovo pour s'affirmer sur la scène politique yougoslave en 1986. Au Kosovo ça signifiait encore plus de répression ouverte. Selon les statistiques, la moitié de la population masculine du Kosovo passera par les bureaux de la police entre 1981 et 1989. Le nombre de violations des droits de l'homme (comme la torture) s'aggravait aussi. C'est dans cette atmosphère que le Kosovo se dirigeait vers le conflit total en 1989.

    7. L'abolition de l'autonomie et l'apartheid kosovar

    En 1989 Milosevic tentait de gagner le contrôle total sur la Yougoslavie en gagnant le contrôle sur une majorité d'entités constitutionnelles. Les 8 entités7(*) constitutionnelles avait chacune un vote dans le conseil des républiques de la Yougoslavie. En gagnant le contrôle des votes au Monténégro (avec les partisans de Milosevic qui écartèrent ses prédécesseurs), de Vojvodine et du Kosovo, la Serbie sous Milosevic tenait en main la moitié des votes du conseil. Au Kosovo, ce fut atteint en abolissant l'autonomie substantielle et en dissolvant le parlement existant. La réponse des Albanais kosovars fut de proclamer l'indépendance du Kosovo sous forme de république et de former un gouvernement en exil. De violentes manifestations survinrent. Violentes à cause de la manière dont elles furent réprimées par les autorités serbes. Des chars et des hélicoptères étaient utilisés pour supprimer toute protestation. En même temps des astuces politiques et légales étaient développées pour écarter les Albanais de leur travail et du système d'éducation. Ainsi une grande partie de la population albanaise se retrouvait sans travail et les étudiants étaient en majorité écartés du système officiel d'éducation.

    En voyant l'impossibilité de résister à la violence serbe, le mouvement albanais `La Ligue Démocratique du Kosovo' (LDK) avec le président Ibrahim Rugova organisait la vie politique clandestine du Kosovo après 1990. Elle organisera un parlement clandestin et un gouvernement en exil, elle organisera un système parallèle d'éducation et développera un système parallèle de soins de santé. Les années 1991 - 1997 étaient caractérisées par une répression ouverte et violente, un système non-officiel d'apartheid ou la grande majorité des Albanais devaient organiser leur vie en dehors des institutions officielles et survivre économiquement en gagnant leur vie en dehors des emplois d'états (à l'époque, 99 % des emplois).

    8. Le conflit armé de 1998 - 1999

    Finalement, les groupes agitateurs des manifestations de 1981 abandonnent la résistance passive d'Ibrahim Rugova pour organiser des structures militaires opérationnelles. En fait, en 1991 - 1995 quelques autres groupes avaient essayé de développer des structures militaires qui auraient pu intervenir au cas où la Serbie aurait organisé un massacre de la population. Or, leurs essais n'eurent pas de succès. Certains n'y arrivaient pas du point de vue organisationnel, d'autres étaient découverts et défaits.

    Le groupe (dénommé UCK) qui avait le plus de succès commença son activité sur le terrain en 1995 - 1996. Il attaquait des unités spéciales de la police ainsi que des Albanais considérés comme collaborateurs. Son activité atteint un point culminant fin 1997 début 1998. En mars 1998, les troupes de sécurité serbes attaquèrent les maisons familiales de quelques guérilleros albanais de l'UCK et y tuèrent tout le monde : femmes, personnes âgées et enfants inclus. Ceci provoqua des manifestations dans tout le Kosovo et une répression violente. Très vite les événements s'emballèrent et les rangs de l'UCK s'agrandirent très vite. Le conflit armé restait limité uniquement à cause des faibles moyens de l'UCK. La répression serbe dans les villages des zones de combats était extrême. Les massacres et le nettoyage ethnique faisaient partie de la tactique de guerre. Après un cessez-le-feu imposé par la Communauté internationale en octobre 1998, les hostilités reprennent en janvier 1999. La Communauté Internationale `utilisera' certaines atrocités serbes pour amener les deux parties à la table des pourparlers et essayer d'arriver à une solution négociée. Suite au refus des autorités serbes de l'accord proposé par la Communauté Internationale, le Conseil de Sécurité de l'ONU donna son feu vert pour une intervention militaire de l'OTAN. Ainsi commençaient les bombardements de l'OTAN pour mettre fin au conflit et aux atrocités commises. Mais, sur le terrain les choses se dégradaient encore plus. N'étant plus retenu par la menace d'une intervention militaire, Belgrade allait vers la fin de sa logique d'intervention au Kosovo. Massacres, déportations de populations, nettoyages ethniques, viols, terreur faisaient partie de la logique d'intervention que les autorités serbes avaient déjà initié depuis plus longtemps.10.000 ou plus de civils étaient tués. Près d' 1 million d'Albanais furent déportés du Kosovo vers l'Albanie, la Macédoine et puis le Monténégro. Une autre partie s'était réfugiée derrière les positions de l'UCK à l'intérieur du Kosovo.

    Le conflit s'arrêta avec la capitulation de la Serbie devant les forces de l'OTAN en juin 1999. Les troupes internationales de la KFOR entrent au Kosovo alors que les troupes serbes quittent la région. Alors, les agences humanitaires ont commencé leur retour au Kosovo afin d'apporter aide et soutien aux populations déplacées à l'intérieur de la province, et aux réfugiés là où ils avaient trouvé asile.

    Très vite, une résolution sur base de laquelle la Communauté Internationale allait sauvegarder la paix au Kosovo, administrer la province et essayer d'arriver à une solution finale était approuvée par le Conseil de Sécurité de ONU. Depuis lors un nouveau parlement kosovar a été crée et développé. Les Kosovars ont reçu des compétences limitées pour se gouverner eux-mêmes. L'année 2006 devrait devenir l'année dans où le statut final de Kosovo sera déterminé.

    Chapitre II : traumatisme psychique : voyage au bout de l'enfer

    Tant que l'homme sera mortel, je ne serai jamais complètement détendu.

    Woody Allen

    Parler de l'ampleur d'un événement et des troubles psychologiques qu'il engendre n'est pas un fait nouveau. L'histoire humaine n'est pas seulement tracée par la joie, l'évolution, etc. mais aussi par des déceptions, des guerres, des conflits, de maltraitances, ... Ces derniers peuvent laisser des traces chez l'homme et parfois des blessures psychiques profondes et durables.

    « Je ne peux pas oublier la guerre. Je le voudrais. Je passe des fois deux jours ou trois sans y penser et brusquement, je la revois, je la sens, je l'entends, je la subis encore. Et j'ai peur. (...). Vingt ans ont passé. Et depuis vingt ans, malgré la vie, les douleurs et les bonheurs, je ne me suis pas lavé de la guerre. L'horreur de ces quatre ans est toujours en moi. Je porte la marque. Tous les survivants portent la marque »8(*).

    Malgré les 20 ans passés, cet homme garde la blessure qui en lui demeure toujours présente. Il la subit. C'est « un passé qui ne passe pas » disent les victimes. Ses propos nous renvoient à la notion de traumatisme psychique.

    Emprunté à la pathologie chirurgicale9(*) le terme trauma, issu du mot grec, signifie « blessure avec effraction ».

    Le dictionnaire international de psychanalyse définit le traumatisme psychique comme un : « événement qui par sa violence et sa soudaineté, entraîne un afflux d'excitation suffisant à mettre en échec les mécanismes de défense habituellement efficaces, le traumatisme produit le plus souvent un état de sidération et entraîne à plus ou moins long terme une désorganisation dans la vie psychique »10(*).

    Dans le monde scientifique, l'approfondissement du concept apparaît à la fin de XIX siècle. Oppenheim11(*), psychiatre allemand, opte pour le terme « névrose traumatique » pour désigner un ensemble de troubles névrotiques consécutifs à la frayeur éprouvée lors d'accidents de chemin de fer. « L'effroi qui provoque un ébranlement psychique ou affectif d'où résulte une altération psychique durable » 12(*). Alors que beaucoup de ses contemporains (Duchesne, Erichsen) attribuaient à ces troubles une lésion du cerveau ou de la moelle épinière subie lors de l'accident. Différents types de symptômes sont identifiés comme : des souvenirs répétitifs de l'accident, crises d'anxiété en réponse à tout ce qui rappelle l'accident, cauchemars de reviviscence, une modification profonde au niveau affectif (hypersensibilité à toute stimulation extérieure et des stimulations affectives comme pleurs en réaction à des stimuli qui les laissaient auparavant indifférents). Les guerres qui ont jalonné le monde ont été au centre des études de traumatismes psychiques et particulièrement de guerre. Au niveau psychanalytique Freud a joué un rôle important concernant le concept de traumatisme.

    A. La conception de Freud

    Dans sa première théorie Freud13(*), emploi le terme « névrose traumatique » pour décrire la psychogenèse de l'hystérie et la névrose phobique où il existe un traumatisme oublié de l'enfance : le traumatisme de séduction sexuelle (la séduction de l'enfant par l'adulte). Plus tard, il abandonne cette théorie pour une théorie fantasmatique (sans séduction réelle).

    Quelques années plus tard, la guerre de 14-18 amène Freud14(*) à remettre en question sa théorie classique sur le traumatisme. Il remarque qu'un agent extérieur peut induire un traumatisme ce qui se différencient de ceux des désirs sexuels inconscients coupables. Il conclut que les traumatismes surviennent d'un choc violent surprenant le sujet impréparé  et qui s'accompagnent d'effroi. Le traumatisme fait effraction au travers du psychisme, pénètre les défenses psychiques de l'organisme, où le souvenir de la situation va demeurer comme un corps étranger, provoquant de vains efforts d'assimilation ou d'expulsion. Freud associe à ce traumatisme un modèle économique et relatif.

    L'aspect économique repose sur la quantité d'énergie véhiculée par l'agent extérieur, c'est-à-dire l'événement et l'énergie que le psychisme dispose pour repousser cette agression15(*) : « Le terme traumatique n'a pas d'autre sens qu'un sens économique. Nous appelons ainsi un événement vécu qui, en l'espace de peu de temps, apporte dans la vie psychique un tel surcroît d'excitation que sa suppression ou son assimilation par les voies normales devient une tâche impossible, ce qui a pour effet des troubles durables dans l'utilisation de l'énergie (Freud, 1916, p. 298) 16(*).

    L'aspect relatif repose sur la force du Moi. Freud souligne que l'intensité de l'excitation venant frapper cette barrière de défense n'est pas le seul facteur pour le déclenchement des névroses traumatiques mais la tolérance relative du Moi joue également un rôle déterminant à cet égard. Un Moi faible a des difficultés à faire face à un afflux soudain d'énergie.

    Le terme névrose est utilisé pour désigner une entrée en conflit du moi engendré par cette irruption inattendue. Ceci provoque la mise en oeuvre de mécanismes de défense inadéquats car l'élément pathogène n'est pas symbolisable, ni représentable et ne peut ainsi pas s'intégrer d'emblée dans l'histoire de l'individu.

    Donc, « dans l'approche psychanalytique, ce qui fait trauma, c'est moins la violence de la situation, que l'impréparation du psychisme à cette situation »17(*).

    Pour Freud, seuls les sujets qui avaient pu décharger immédiatement l'affect par une réponse libératoire telle que l'action, la colère ou les larmes, ou ceux qui avaient pu le décharger ensuite dans une « abréaction » chargée de tout l'affect initial, ou ceux enfin qui avaient pu intégrer plus tard leur souvenir traumatique « dans le grand complexe des associations18(*) », étaient préservés de la névrose traumatique.

    9. Conceptions contemporaines

    Depuis, des études réalisées par les cliniciens ont approfondi de plus en plus le concept du traumatisme psychique. Pour certains comme Briole et Lebigot19(*), inspirés par la théorie de J. Lacan, le traumatisme est perçu comme une conséquence de l'expérience de confrontation avec le réel de la mort (mort physique de l'autre, ou menace de mort physique ou psychique pour nous-même), sans possibilité d'y attribuer une signification. D'après ces auteurs20(*), des situations diverses peuvent déclencher un traumatisme mais le plus traumatogène est la menace de mort. Le sujet s'est vu mort, ou, autrement dit, il s'est détaché de lui et a vu sa propre personne entrain de mourir.

    « Le choc est d'autant plus violent que l'appareil psychique ne dispose dans son système signifiant d'aucun élément préparé à travestir la mort réelle ; car si chacun dispose de significations se référant au cadavre et aux rituels de deuil, à partir de son expérience et de sa culture, il ne dispose d'aucun élément se référant à l'expérience réelle de la mort. Dans notre conscience, nous n'avons jamais été mort et nous ne disposons d'aucun témoignage de quelqu'un qui l'ait été et qui en soit revenu. Nous n'avons pas de " représentation mentale " de la mort, pour la bonne raison que nous n'en avons jamais eu de " présentation " préalable » 21(*).

    Quant à la mort psychique, Jacques Roisin22(*) nous dit qu'il faut la distinguer de la mort physique. C'est lorsqu'on a été détruit psychiquement. Par exemple, le viol est toujours vécu comme une mort mais c'est une mort psychique. La femme n'a pas cru qu'elle serait tuée physiquement. Ces femmes disent qu'elles sont mortes en tant que femmes. Donc, c'est quelque chose de vital psychiquement pour elle qui a été démoli.

    Pour d'autres auteurs, quand il s'agit de traumatismes engendrés par la violence extrême, intentionnelle, organisée, sa notion devient plus complexe car « c'est ce qui fonde l'humanité même du sujet qui est touché : les liens sont rompus, la Loi attaquée, l'ordre symbolique bouleversé, les tabous fondamentaux brisés ». La révélation de la nature possiblement monstrueuse de tout être humain - et de soi - en surgit. Ce type de situation affecte non seulement les individus, mais aussi la famille, le groupe qui se trouvent désorganisés, privés parfois de leur capacité à se protéger les uns les autres »23(*)

    10. La répétition dans le traumatisme et ses corollaires

    « La mort, croisée du regard, se répète indéfiniment,

    en boucle dans son imaginaire... »24(*)

    (Lassagne, 2000)

    Au cours de nos différentes lectures, nous avons remarqué que la mémoire d'un sujet traumatisé est altérée. Des auteurs parlent des hypermnésies et d'amnésies. Ces troubles mnésiques, surtout quand il s'agit des hypermnésies, entravent la vie du sujet traumatisé et sont des conséquences directes de l'événement vécu. Nous allons essayer d'expliquer la perception de certains auteurs à ce propos.

    A. L'hypermnésie et l'amnésie dans le traumatisme

    Dans la question du traumatisme Houballah distingue le traumatisme amnésique et le traumatisme hypermnésique. L'auteur reste fidèle à la conception de Freud concernant les traumatismes de l'enfance. La névrose traumatique amnésique survient dans la première ou deuxième partie de l'enfance tandis que la névrose traumatique hypermnèsique est production des agents extérieurs c'est-à-dire peut survenir après un accident, guerre, etc.

    Si le sujet, victime du traumatisme « devient amnésique, cela signifie qu'après-coup s'est produit un refoulement, et le symptôme ici présent ne fait que témoigner d'un retour du refoulé. Si, en revanche, le facteur traumatogène demeure présent dans le conscient, ne cessant de se répéter au point d'entraver l'activité du sujet, on parle alors d'hypermnésie, car celui-ci n'arrive pas à l'oublier »25(*).

    Pour l'auteur la stratégie à adopter face à ces deux types de « névrose » sera tout à fait différente : pour la première le travail consiste à lever l'amnésie, à restituer la scène traumatique oubliée et pour la névrose traumatique hypermnésique consiste à faire oublier l'événement. Après le traumatisme sa caractéristique en est la fixation de la mémoire soit sur l'événement proprement dit, soit sur un élément précis. La victime ne cesse de ruminer, de se remémorer. C'est dans ce deuxième volet que se comptent les traumatisés de guerre.

    a. Clivage et déni

    Cependant ces deux facteurs (l'hypermnésie et l'amnésie) nous questionnent. Beaucoup d'auteurs sont bien d'accord qu'un événement potentiellement traumatique, qui n'arrive pas être métabolisé ou symbolisé demeure comme un `corps étranger' dans le psychisme, donc empêche tout refoulement car le refoulement trouve son nid dans le champ de l'inconscient. L'inconscient est structuré comme un langage donc il y a des représentations. Que se passe t-il alors avec l'oubli de certains moments fortement chargés émotionnellement lors d'un vécu traumatique, un rencontre avec la mort? Où trouvent-ils leurs nids? Des auteurs parlent de clivage et de déni. D'après Freud26(*), le clivage dans la névrose est un  mécanisme de défense qui vise à protéger le Moi d'une représentation, d'événement, d'une sensation insupportable qui éveille des affects pénibles. La personne n'arrive pas à résoudre par le travail de pensée la contradiction entre cette représentation inconciliable et son Moi et décide d'oublier. Dans ce cas, il s'agit d'un refoulement à la base d'un conflit névrotique. Or, dans le cas d'une névrose traumatique, quand il s'agit de non-sens (Crocq), d'un trou dans le signifiant (Briole27(*)), etc., le refoulement nous apparaît impossible faute de non-représentation et symbolisation. Pour comprendre l'enjeu de ce `corps étranger' nous nous appuyons sur les références de S. Tisseron. Dans son article « Mémoire et création »28(*) l'auteur fait une distinction entre refoulement et clivage. Pour lui, les refoulements décrits par Freud étaient essentiellement de l'ordre de désirs coupables. Mais dans des situations de honte ou de douleur extrême comme viol, tremblement de terre, naufrage, etc. le psychisme emprunte un autre chemin pour oublier. Ces deux types de mécanismes, l'auteur les explique comme suit : L'oubli des événements vécus dans la honte ou la douleur n'obéit pas au même mécanisme que l'oubli de ceux qui sont vécus dans la culpabilité. Les seconds sont effacés par le refoulement et recouverts par l'amnésie : c'est en particulier le cas des réalisations et des désirs de la sexualité infantile, frappés progressivement d'interdit par la constitution du Surmoi. Au contraire, l'oubli d'un événement vécu avec une souffrance extrême se fait par l'enfermement de cet événement (avec l'ensemble des sentiments qui l'ont accompagné et des images des protagonistes qui y étaient impliqués) dans un lieu totalement isolé du reste de la personnalité et inaccessible au sujet lui-même. (...)29(*).

    Donc, le refoulement efface de la mémoire des représentations mentales chargées de désirs coupables, tandis que l'oubli par l'inclusion30(*) concerne des événements qui ont effectivement eu lieu. Le but de ce clivage est de se protéger contre la douleur qui a accompagné l'événement, ou même contre le risque de destruction psychique qu'il a fait courir au sujet.

    Les conséquences qui résultent de ces deux types d'oublis sont :

    - concernant le refoulement, il s'agit de l'oubli des conflits entre le désir ou ça et l'interdit qui se trouvent conservés dans l'inconscient. Ils réapparaissent dans la conscience ou dans le comportement du sujet par l'intermédiaire de formations dérivées plus ou moins méconnaissables sous forme de lapsus, d'actes manqués, de symptômes, de certains traits de caractère, fantasmes.

    - Tandis que en ce qui concerne le clivage ou l'enterrement dans le moi d'une situation indicible c'est en principe réalisé une fois pour toutes.

    Il est possible aussi que le clivage et le déni31(*) soient réussis. Ces sujets continuent à vivre comme si de rien n'était. En effet, ceci dépend de la façon dont l'événement traumatique est ressenti par le sujet. Plus est insupportable pour lui, plus a difficile de l'extraire de son champ de la conscience. Pour l'auteur, quand l'enfermement « a été global, le retour à la conscience des éléments clivés l'est aussi. Le souvenir traumatique, quand il revient, s'impose avec la même violence sensorielle que lors de la situation inaugurale elle-même. Ce n'est que progressivement, au fur et à mesure de son élaboration par la psyché, que le travail du refoulement proprement dit peut s'installer. L'un des signes en est que la situation traumatique ne fait plus retour au psychisme du sujet avec ses caractères originaires, mais sous une forme symbolique. Tel sujet traumatisé par une explosion n'est plus réveillé dans son sommeil par le souvenir de cette explosion, mais par exemple par la menace d'un lion qui rugit de façon menaçante »32(*).

    Le terme souvenir est discuté par les spécialistes. Certains comme Libegot disent qu'il ne s'agit pas de souvenir mais d'une reviviscence de l'état brut, une mise en acte avec sa charge émotionnelle qui a accompagné le vécu. L'image du réel de la mort qui ne trouve aucune représentation « ne se comportera pas comme un souvenir mais elle restera intacte, au détail près, et lorsqu'elle surgira à la conscience (dans le cauchemar ou la vie éveillé) ce sera toujours au temps présent, comme un événement en train de se produire » 33(*).

    Mais, selon l'auteur, le clivage n'est jamais totalement réussi ni totalement échoué. D'après Fischer, dans le traumatisme on trouve un effet paradoxal concernant la mémoire : « d'un coté, il l'empêche de faire son travail d'oubli et, de l'autre, il crée des formes d'amnésie par rapport à l'événement »34(*).

    Pour les exilés demandeurs d'asile, ces troubles mnésiques posent des problèmes pour valider la reconnaissance de réfugié par le commissariat. « ...les troubles mnésiques, incohérences, non réponses, seront généralement interprétées par l'OFPRA comme témoignant de mensonges ou d'affabulations de la part du requérant »35(*)

    b. Comment peut-on avoir mal à la mémoire ?

    «  ...le mal qui a été fait à quelqu'un, continue à faire mal »36(*). C'est ainsi que s'exprime le blessé : « ma vie est devenue un cauchemar sans fin »37(*). Voilà ce qui se passe lorsque la mémoire remonte à la surface. C'est une mémoire qui souffre. Le sujet est envahi par le passé, il continu à se débattre avec ces démons car, comme le dit B. Cyrulnik38(*), son monde intime est déchiré et ne parvient pas à inscrire cette déchirure qu'il a subie dans son histoire. Elle vit en lui en permanence et lui revient sans cesse sous forme de flashs ou de cauchemars.

    Cette reviviscence semble être l'un des aspects les plus caractéristiques et fréquents du syndrome psychotraumatique : « être muré dans un univers de cauchemars sans fin ». Depuis Freud, les analystes n'ont pas cessé de s'occuper de ce phénomène et comprendre pourquoi il se répète sans cesse chez le sujet. Pourquoi il est envahi par ces reviviscences malgré ses efforts pour les chasser. Quel en est le but ? Quels mécanismes psychiques sont en jeu ?

    Nous allons voir ce que Freud pense à ce sujet. Après la Première Guerre mondiale Freud remarque que les névroses de guerre ou des névroses traumatiques restent fixées sur leur vécu traumatisant qui se traduit par des actes, retour incessant des images du trauma chez les accidentés, dans les cauchemars, etc. alors que l'appareil psychique vise toujours à obtenir satisfaction. Freud se fixe sur le rêve. Il s'interroge comment le rêve est soumis à la compulsion de répétition (représentant sans cesse des situations désagréables). Ainsi, il contrevient au principe du plaisir du rêve alors que le rêve sert la réalisation d'un désir (suivi par des thèmes agréables). Comment comprendre que la fonction du rêve ait été détournée de son but  et se mette sur la voie d'un « au-delà du principe du plaisir39(*) » ? Freud le met en relation avec un autre phénomène qui, lui non plus, n'obéit pas à la domination du principe de plaisir : le jeu de l'enfant (de son petit fils) à la bobine. L'enfant jette hors de sa vue (sous un meuble) un jouet attaché à un fil et crie un `oooh' (for- loin) pour la disparition de la bobine, puis il la ramène à lui en tirant sur la ficelle et pousse un `da' (voilà) pour son retour.

    Freud fit l'hypothèse que cette répétition de l'enfant est signifiante, basée sur le jeu d'opposition d'un couple de signifiant : fort/da. L'enfant s'habitue à l'absence de sa mère en reproduisant ludiquement et de façon répétitive l'événement douloureux de son départ. Ainsi l'enfant atténue sa douleur de l'absence de sa mère par cette « sorte d'abréaction », et substitue un rôle actif à la situation de devoir subir passivement une expérience désagréable.

    Lorsque le sujet ne peut pas intégrer un événement dans le cours de ses représentations ni l'abstraire du champ de sa conscience en le refoulant, alors cet événement a valeur de traumatisme. Ce trauma exige d'être réduit, d'être symbolisé.

    Les rêves ont cette fonction. À travers la « compulsion de répétition » le rêve n'a pas la fonction de réaliser un désir mais de faire émerger un état d'angoisse qui prépare le sujet au danger. En quelque sorte, il tente de rétablir une réaction adaptative qui a été manquée, par effet de surprise. C'est une tentative de guérison spontanée. Par ce mécanisme de défense, le traumatisé tente de maîtriser l'événement en l'intégrant dans l'organisation symbolique.

    Freud met en rapport la surprise de la survenue d'une névrose traumatique et le rôle protecteur de l'angoisse : « Il y a dans l'angoisse quelque chose qui protège contre la frayeur et contre la névrose qu'elle provoque ». (Freud, 1920, p. 50).

    Houballah fait une remarque à cette explication en disant que si le sujet tente de rétablir cette angoisse : « cela signifie qu'il serait en quelque sorte condamné à vivre désormais avec son angoisse comme substitut de l'événement traumatique »40(*)

    Mais généralement, dit Freud41(*), cette fonction de répétition est vaine car elle n'arrive pas à remplir sa mission ainsi ce caractère d'automatisme finit par se perpétuer à l'infini. Ceci ramène Freud dans un autre registre, celui du trauma originaire et à la reconnaissance de l'existence d'un dualisme de pulsions : la pulsion de vie et la pulsion de mort. Pour Freud, la pulsion de vie est une force qui tend le sujet vers la vie et l'évolution tandis que la pulsion de mort conduit le sujet vers la destruction, vers l'inanimé d'où il vient.

    Tous les symptômes de répétition traduisent la suspension de l'évolution de la vie, son arrêt sur un point final. On les repère à travers de l'agressivité, de la violence, de l'inhibition, des troubles du sommeil et psychosomatiques, de tendances autodestructrices, de désinvestissement des loisirs et des occupations, de l'incapacité à aimer les autres, de repli sur soi, etc.42(*)

    Sur le plan pathogénique, la pulsion de mort semble sous-tendre et inspirer tous les mécanismes qui installent et entretiennent la névrose traumatique. Dans le cas de traumatisme, Houbballah43(*) a remarqué un effet paradoxal à la mort. Le sujet traumatisé, d'un côté est touché par une crainte qui le traduit par des attitudes d'évitement et des phobies et de l'autre côté, il est attiré par des comportements autodestructeurs.

    Pour ceux qui penchent vers la théorie lacanienne44(*), les répétitions ont lieu quand le sujet est confronté à un événement involontaire, dépourvu de sens.

    Houballah dit que la rencontre du sujet avec le Réel créant un trou dans le signifiant, effraction dans l'imaginaire, engendre une déchirure dans le moi. « La répétition fonctionne dans ce cas comme tentative irréalisable, soit pour reprendre cette rencontre autrement, c'est-à-dire lui trouver la chaîne intermédiaire, soit tout simplement pour nier cette rencontre en créant des situations d'alibi, ou de constructions imaginaires afin de la rendre caduque »45(*). Faute d'une certaine élaboration, le sujet échoue par cette voie et rentre dans le cycle répétitif d'un deuil impossible.

    Pour conclure, nous trouvons plusieurs facteurs qui ont été élaborés autour de la compulsion de répétition : une tentative d'abréaction, une tentative de maîtrise de l'événement, une tentative de retour à l'inanimé donc de destruction, une tentative de réparation, une tentative de déni, en fin une tentative de symbolisation. Si cette compulsion de répétition est régie par la pulsion de mort, ça ne peut pas être une tentative d'intégrer l'événement car la pulsion de mort n'a pas une fonction de liaison c'est-à-dire réparatrice. Pour beaucoup d'auteurs, la répétition dans le traumatisme reste toujours un point discutable et non clairement défini.

    c. L'effroi, la peur et l'angoisse

    Nous avons trouvé raisonnable de parler de ces trois concepts dans leurs rapports avec le traumatisme car, pour beaucoup d'auteurs, l'événement est d'autant plus traumatisant lorsqu'il arrive par surprise. Le sujet répond par effroi faute d'impréparation devant ce danger. L'effroi, quant à lui, est susceptible de transpercer les défenses psychiques de l'individu, ce qui aura pour conséquence le risque d'évolution vers un syndrome psychotraumatique. Et, comme nous l'avons expliqué précédemment, ce qui a fait défaut pour se protéger contre cet effroi est : l'angoisse. Dans ce cas, nous comprenons que l'angoisse aura un rôle défensif. L'effroi ne doit pas être confondu avec la peur car ce dernier, selon Freud, se trouve dans un autre registre par l'implication d'un objet bien déterminé.

    Voici, comment Freud les explique :

    - L'angoisse est un état qu'on peut caractériser comme un état d'attente de danger, de préparation au danger, connu ou inconnu.

    - La peur suppose un objet déterminé en présence duquel on éprouve ce sentiment.

    - Quant à la frayeur, elle représente un état que provoque un danger actuel, auquel on n'était pas préparé : ce qui la caractérise principalement, c'est la surprise.

    Je ne crois pas que l'angoisse soit susceptible de provoquer une névrose traumatique ; il y a dans l'angoisse quelque chose qui protège contre la frayeur et contre la névrose qu'elle provoque »46(*).

    Cependant, d'après certains auteurs, malgré que l'effet de surprise devant un danger soit le premier chef pour déclencher un traumatisme, d'autres événements qui n'impliquent pas nécessairement cette surprise47(*) peuvent aussi être traumatogènes et évoluer vers un syndrome psychotraumatique.

    Chapitre IV : Les victimes et les facteurs en cause

    1) Qui peut être victime ?

    Dans un contexte de guerre, peuvent développer un syndrome psychotraumatique des personnes qui seront confrontées directement ou indirectement à un événement qui a une valeur traumatique.

    Pour Taylor48(*) (1981), les catastrophes peuvent atteindre la population à six niveaux : les victimes, leurs familles, les amis de la victime, les personnes qui, par hasard, ont échappé au désastre, les intervenants, les services d'aide. Par exemple, le thérapeute peut être affecté par le vécu des patients. (McCann, Lindy). Néanmoins, certains spécialistes49(*) font remarque sur ce point. Ils pensent plutôt qu'il y a toute une complexité de variables qui sont en jeu et on ne doit pas confondre le traumatisme psychique avec le stress, deuil, burn-out, épuisement émotionnel, etc.

    La victime peut être non seulement la personne qui a subi l'événement mais aussi celui qui le produit. Les soldats en sont des exemples.

    Serniclaes50(*) distingue trois types de victimes en fonction des publics cibles et les conséquences qui peuvent produire :

    - La victime primaire sera la personne qui a vécu directement la situation traumatique. Cette personne va subir une traumatisation directe et va présenter les symptômes spécifiques d'Etat de Stress Aigu et d'Etat de Stress Post-Traumatique.

    - Les victimes secondaires sont l'entourage direct de la victime, tous les professionnels (les sauveteurs, les aidants, les intervenants psychosociaux) qui seront en contact avec la victime en situation de crise (phase aiguë, interventions de 1ère ligne). Ces personnes peuvent être traumatisées indirectement et présenter des troubles spécifiques de Stress Traumatique Secondaire. Le fait qu'une victime décède dans ces circonstances traumatiques, peut provoquer dans l'entourage un deuil traumatique dont nous allons parler plus loin dans ce chapitre.

    - Les victimes tertiaires sont les professionnels de 2ème ligne qui prennent en charge la victime (les psychologues, les psychiatres, les psychothérapeutes). A moyen et long terme, sur base de l'écoute empathique du récit traumatique de la victime primaire, ces professionnels peuvent subir une traumatisation vicariante. Les troubles qui peuvent manifester à ce sujet seront repris sous le vocable de Compassion Fatigue.

    Voici comment l'auteur repartit dans un tableau  de ce que nous venons de dire:

    Types de Victimes

    Processus de traumatisation

    Publics Cibles

    Conséquences spécifiques

    Victime Primaire

    Traumatisation Directe

    Survivant

     Témoin

     Sauveteur

    Etat de Stress Aigu

     Etat de Stress Post Traumatique

    Victime Secondaire

    Traumatisation Indirecte

    Sauveteur

     Intervenant

    Psy. De crise

     Entourage, collègues

    Etat de Stress Traumatique Secondaire51(*)

    Deuil traumatique

     

    Victime Tertiaire

     

    Traumatisation Vicariante

     

    Thérapeute

    Compassion Fatigue

    11. Les facteurs

    Quel événement peut être potentiellement traumatique dans le sens large du terme ? Nous remarquons que c'est une vaste question et très discutable entre les spécialistes. Nous avons parlé précédemment que pour certains, le premier chef qui peut mettre en jeu l'équilibre psychique de l'individu est la confrontation à la mort tel que un accident de la route où la personne a failli mourir, une bombe qui explose dans l'endroit où la vie de la personne a été mise en danger, le spectacle d'un cadavre, etc. Mais, le concept du traumatisme ne se limite pas seulement à cette confrontation à la mort physique. Pour Crocq52(*), d'autres facteurs tels que les violences délibérément exercées, les mauvais traitements infligés sans motif à des sujets sans défense, prisonniers ou déportés, et la torture appliquée avec sadisme, sont des situations traumatisantes qui suscitent le maximum d'horreur et d'incompréhension. Par rapport aux autres traumatismes et agressions, il y a alors violation explicite de la loi qui régit au sein de chaque conscience les droits les plus élémentaires de l'humanité.

    Les spécialistes sont d'accord que toutes ces personnes impliquées d'une manière directe ou indirecte dans des événements potentiellement traumatiques ne développent pas nécessairement un syndrome psychotraumatique. Pour pouvoir comprendre au mieux les enjeux, c'est-à-dire quel événement peut provoquer un syndrome psychotraumatique et quel type de personnes sont susceptibles de développer ce trouble, nous devons prendre en compte deux facteurs essentiels : les facteurs externes et les facteurs internes : « L'état - constitutionnel et conjoncturel - du sujet qui subit la situation a un rôle primordial dans la genèse du phénomène »53(*).

    a. Les facteurs externes

    Dans les régions en guerre, les populations subissent des épreuves douloureuses. Les violences extrêmes, la terreur mettent en jeu leur l'intégrité physique et psychique que ce soit pour les combattants ou pour la population civile et qu'il s'agisse d'acteur, de victime ou de témoin.

    Pour les combattants, le risque d'être blessé ou tué ou de devoir tuer, d'être confronté à des spectacles émotionnellement pénibles tels que cadavres, etc., sont des facteurs qui menacent leur équilibre psychique. Nous allons donner un exemple concret : pendant que nous avons effectué le stage à l'Exil, le monsieur X, ex soldat albanais, consultait régulièrement un psychiatre du centre. Il était fort affecté par un syndrome psychotraumatique. Chaque fois que l'occasion s'est présentée de parler avec lui, par une expression de visage qui marquait l'aversion, il nous répétait toujours les mêmes mots : « j'ai enterré des cadavres abandonnés recouverts de vers »...

    D'après Crocq54(*), dans des situations de combats, les facteurs traumatogènes sont les agressions physiques provoquées par les bombardements intensifs, les pilonnages d'artillerie, les combats rapprochés ou en corps-à-corps, une captivité inhumaine, les mauvais traitements et la torture issue du combat.

    Concernant la population civile ; ce seront les bombardements des villes, les arrestations arbitraires, la torture, les violences physiques et morales imposées par les adversaires, les mitraillages de colonnes de réfugiés en exode, etc.

    Par exemple, au Kosovo, ces situations ont eu pour résultat des déplacements et des expulsions massives et forcées de centaines de milliers de civils, des destructions systématiques de biens et de moyens d'existence. Il faut souligner que souvent, ces situations privent les gens de nourriture, de boisson, de sommeil et de repos. Ainsi, à la souffrance morale s'ajoute la fatigue physique ce qui rend les sujets plus vulnérables face aux agressions.

    Crocq55(*) nous présente une liste des facteurs traumatisants, subis par les victimes de guerre au Kosovo, pouvant intervenir, isolément ou de manière cumulative, dans l'étiologie des syndromes psychotraumatiques :

    1. Avoir vu sa maison détruite ou incendiée.

    2. Avoir dû quitter sa maison sans emporter presque rien.

    3. Avoir assisté à l'enlèvement de son père, de son frère, d'un autre parent ou d'un ami.

    4. Avoir assisté à des brutalités, des viols ou des tortures.

    5. Avoir assisté à l'assassinat d'un parent ou d'un ami.

    6. Avoir vu des cadavres de villageois assassinés.

    7. Avoir été menacé de mort, ou traqué et poursuivi.

    8. Avoir été emprisonné.

    9. Avoir été maltraité ou brutalisé.

    10. Avoir été torturé.

    11. Avoir été violée.

    12. Avoir été blessé.

    13. Avoir été séparé du reste de sa famille.

    14. S'être trouvé isolé, sans protection, ni amis.

    15. Avoir souffert de la faim et de la soif. Avoir eu froid sur la route et lors des haltes.

    16. Avoir souffert de privation de sommeil

    17. Avoir souffert de fatigue, d'épuisement et de privation de repos

    18. Avoir été accueilli avec hostilité dans un pays limitrophe.

    19. Autres facteurs..........

    Pour Crocq, tous ces facteurs mentionnés comme la menace de mort, la blessure, la souffrance, la torture, la violence, le spectacle de la mort ou de souffrance d'autrui, etc. sont des situations traumatisantes mais le facteur le plus traumatogène est la menace de mort. « Tous ceux qui « se sont vus morts » sont des traumatisés psychiques »56(*).

    Cet exemple (donc la menace de mort) indique un facteur externe qui pousse à la limite extrême, qui exerce brutalement par choc et dans un temps bref va au-delà des capacités de défense du moi, ce qui la différencie des autres étiologies extérieures dont l'action serait insidieuse et prolongée. Néanmoins L. Crocq57(*) nous dit que cette assertion doit être nuancée car il y a des cas où un événement de guerre déclenchant n'est que l'ultime coup qui vient s'ajouter à une longue série d'agressions et autres circonstances pathogènes et fait passer le sujet au-delà de son seuil de tolérance.

    a.1. Les polytraumatismes de guerre

    Comme nous venons de le voir, la liste présentée par Crocq, les guerres dans les Balkans ont provoqué des traumatismes de natures différentes. Des auteurs58(*) disent que la quasi-totalité de la population est traumatisée et presque toutes les personnes ont souffert de plusieurs traumatismes. Ils ont perdu des proches et tous leurs biens. Ils ont assisté à des scènes épouvantables, à jamais gravées dans leur mémoire.

    La complexité du trauma, M. Samy la décrit comme suit : « Le trauma est multiple et hétérogène selon la nature de l'évènement traumatique. Celui en rapport à la violence politique, à la guerre et aux conflits armés, se distingue par des caractéristiques bien particulières. Le trauma suite à la violence politique comme celui qui touche les réfugiés du Kosovo, n'est pas uniquement un trauma ponctuel (exemple: un accident d'auto), qu'on appelle aussi de type 1 ou « stress trauma ». Mais c'est également un trauma continu, un trauma du vécu quotidien et qui se prolonge dans le temps, aussi dénommé trauma de type 2 ou « strain trauma »59(*).

    Le trauma ponctuel du père abattu ou humilié sous les yeux de l'enfant, se superpose au trauma chronique de son vécu, déjà présent depuis longtemps. Le trauma de la violence politique combine également le trauma de type individuel (exemple : le viol, la torture, l'incarcération, l'exil), et le trauma collectif (exemple : l'oppression et la discrimination souvent institutionnalisée ou étatisée). La guerre réunit en elle tous les traumatismes60(*).

    Les auteurs nous disent que les polytraumatisés de guerre sont des groupes à haut risque. Pour ces personnes, un soutien psychologique s'avère prioritaire. page 70.

    b. Les facteurs internes

    « C'est en passant par l'épreuve de sa vulnérabilité que l'être humain accède à la conscience de sa fragilité, et c'est paradoxalement ce passage qui lui apprend à vivre ».

    Gustave-Nicolas Fisher61(*)

    Les auteurs qui s'occupent de névrose traumatique se sont beaucoup intéressés de savoir « pourquoi » toutes les victimes ne subissent pas le même destin, pourquoi certains développent une névrose traumatique tandis que d'autres s'en sortent psychiquement indemnes ? Selon des auteurs, il y a des sujets qui sont plus vulnérables au trauma que d'autres. La capacité à surmonter les traumatismes et à se construire malgré les blessures, ils l'appellent la résilience62(*) ou résistance psychique. Cette capacité se construit dans l'interaction entre l'individu et son environnement. On pourra dire alors que « la résilience désigne l'art de s'adapter aux situations adverses (conditions biologiques et socio-psychologiques) en développant des capacités en lien avec des ressources internes (intrapsychiques) et externes (environnement social et affectif), permettant d'allier une construction psychique adéquate et insertion sociale »63(*).

    La résilience est donc un processus multidimensionnel, «  car il se situe à la croisée de plusieurs paramètres où convergent différentes variables »64(*). La résilience dépendra alors des facteurs individuels, des facteurs familiaux et des facteurs sociaux : « Chez l'enfant comme chez l'adulte, la résilience résulterait d'un équilibre mettant en jeu l'interaction dynamique entre les divers facteurs de protection présents chez le sujet lui-même, mais également dans son environnement familial et social (système éducatif et relation sociales et affectives extra-familiales) ».65(*)

    La résilience ne concerne pas uniquement l'individu mais aussi la famille, le groupe. On dit des familles résilientes ou des groupes résilients.

    B. Cyrulnik66(*) présente les caractéristiques d'un sujet résilient indépendamment de son âge comme suit :

    - un Q.I. élevé,

    - capable d'être autonome et efficace dans ses rapports à l'environnement,

    - ayant le sentiment de sa propre valeur,

    - de bonnes capacités d'adaptation relationnelle et d'empathie,

    - capable d'anticiper et de planifier,

    - et ayant le sens de l'humour.

    b.1. La vulnérabilité

    En ce qui concerne la vulnérabilité, sa définition est : « ...l'état de moindre résistance aux nuisances et agressions et rend compte de la variabilité interindividuelle. La vulnérabilité évoque les sensibilités et les faiblesses patentes ou latentes immédiates ou différées et peut être comprise comme une capacité (ou incapacité) de résistance aux contraintes de l'environnement » 67(*)

    L. Crocq68(*) distingue trois sortes de vulnérabilités hypothétiques :

    1. vulnérabilité d'amoindrissement énergétique quantitatif innée, héréditaire ou acquise (aussi bien chez des sujets prédisposés qui ne posséderont jamais d'énergie pour maîtriser l'événement car toute leur énergie disponible ils « utilisent pour maintenir leur équilibre névrotique », que chez sujets sains mais conjoncturellement épuisés dû à une fragilité psychique acquise dans l'enfance pour des causes divers telles que maladie encéphalique). On peut dire alors que sont des sujets `prédisposés' au vécu traumatique et des névrosés traumatiques.

    2. Vulnérabilité d'altération qualitative du mode de réaction : il s'agit seulement des sujets prédisposés qui réagissent en toutes circonstances, de paix ou de guerre, par leur frayeur morbide, névrotique.

    3. vulnérabilité de résonance : pour une même situation violente ou horrible, chez un sujet le système de défense va se trouver désorganisé à cause des résonances pénibles, tandis qu'un autre sujet restera indifférent (par exemple, pour un père de famille peut être plus pénible d'assister dans le spectacle d'un cadavre d'enfant que pour un célibataire). 

    Chapitre V : répercussions sur le sujet

    « ...il y a `avant' et `après' l'accident (...), et qu'entre cet `avant' et `après', les choses ne pourront jamais plus être tout à fait les mêmes, que l'on ne rêvera plus et l'on ne pourra plus jamais parler de la même façon »69(*).

    « Au printemps 1999, Yasmina a assisté à l'exécution de son mari et de ses deux fils au Kosovo. Deux soldats l'ont poursuivie ensuite ; alors qu'elle s'enfuyait, elle a vu de loin les flammes dans sa maison : les tueurs cherchaient déjà à faire disparaître les corps en les brûlant. Aujourd'hui, elle n'attend plus rien du monde, murée dans un univers de cauchemars et de fantômes ; elle tente seulement de `survivre encore un peu' à cause de sa fille de onze ans qui a encore besoin d'elle »70(*).

    Il parait évident que ce sujet présente un syndrome psychotraumatique. Pour lui le temps s'est arrêté, il n'y a plus ni désir ni changement possible. Tout a commencé par ce choc, et d'un seul coup «  les fils qui ont tissé son réseau signifiant se trouvent (...) déliés, l'espace homogène dans lequel il vivait, brisé, mutilé, le temps, qui faisait la conjonction entre passé, présent et futur, arrêté. On assiste à une fracture dans l'histoire du sujet. Une époque vient de se terminer, une autre commence »71(*)

    Des auteurs disent que les traumatisés ont le plus grande difficulté à reprendre le cours de leur vie, à se projeter dans l'avenir. Ils se sentent transformés dans leur intégrité et dans leur identité porteuse d'une image négative d'eux-mêmes qui va jusqu'à la négation de soi car « leurs mécanismes psychiques sont enrayés et parfois même inversés ; autrement dit, ils ne sont plus conducteurs de vie, ils n'orientent plus vers la vie, mais deviennent destructeurs, autodestructeurs »72(*).

    La grande souffrance qu'éprouve la victime peut être cliniquement associée à un sentiment de culpabilité73(*) , souvent, irrationnel qui complique son état psychique.

    « La culpabilité est l'expression de la tristesse ressentie du fait d'avoir survécu à un événement qui a coûté la vie à d'autres ou d'avoir une vie meilleure que celles d'êtres chers. La culpabilité peut aussi provenir du fait que l'on se sent en partie ou entièrement responsable de la situation »74(*).

    Pourquoi cette transformation psychique de la victime ? Qu'est ce qui fait qu'elle perde la confiance, se dévalorise, se sente coupable, etc. ? Pour répondre à ces questions, focalisons-nous sur la torture et viol.

    1. Le viol et la torture comme instruments de guerre :

    Nous avons remarqué que la torture et le viol sont deux « méthodes », parmi d'autres, fort utilisées pendant les conflits armés, lesquels laissent des traces profondes et complexes sur la victime. Pour Sironi, ces actes ont une visée bien définie :

    « Le terrorisme, les guerres ethniques et civilisationnelles, les génocides, les violences politiques et religieuses, les tortures, fabriquent des traumatismes où l'intentionnalité destructrice est centrale (...) l'arme la plus redoutable dans les conflits modernes, c'est l'organisation délibérée et massive de la déculturation»75(*).

    Les méthodes intentionnellement utilisées de déculturation, Sironi les décrits ainsi : « ...à travers une personne singulière que l'on torture, c'est en fait son groupe d'appartenance que l'on veut atteindre: appartenance professionnelle, religieuse, ethnique, politique, sexuelle, ...On attaque la part collective de l'individu, celle qui le rattache à un groupe désigné comme cible par l'agresseur, en désintriquant l'articulation entre le singulier et le collectif. Quand le processus a atteint son objectif, l'individu que l'on a torturé devient toujours un sujet isolé un sujet qui se met à part au sein des groupes d'appartenance. A travers les techniques de déculturation employées sur quelques personnes, qui sont ensuite intentionnellement relâchées, on fabrique des peurs collectives ainsi que la terreur sur une population toute entière »76(*).

    Dans le viol et la torture, le corps et le psychisme sont en souffrance : « Toute blessure est source de souffrance ; celle-ci est (...) le signe d'une violation du corps, c'est-à-dire d'une atteinte spécifiquement destructrice de l'intégrité psychique et corporelle avec des répercussions graves et durables »77(*).

    a) Le viol

    « Le viol est un meurtre qui laisse la victime vivante »78(*)

    Les propos de Sironi nous font comprendre que ce viol n'est pas une simple décharge des pulsions sexuelles comme nous avons l'habitude d'en rencontrer à travers les médias quotidiens. À travers des viols, le but recherché des tortionnaires est de détruire la communauté en question. Quant à la communauté kosovar, « c'est le déshonneur total (...) après les exactions serbes commises sur des femmes, certains époux ont divorcé. Cela signifie que la tradition est vraiment très forte au Kosovo. Une fille violée aura énormément de difficultés pour trouver un mari. Alors, beaucoup se taisent. Le viol est vécu comme une honte terrible car c'est à la fois la pire humiliation pour elles et le pire affront pour leur famille »79(*).

    Divers types de viol sur les femmes kosovares opéré par le pouvoir serbe ont été mis en évidence par la psychologue Miria Silvana, responsable d'ONG spécialisée dans l'aide aux femmes en Albanie80(*) : ceux des filles devant les yeux de leurs parents ; suivis du massacre des femmes ; viols dans des endroits cachés. « Les serbes séparent les filles, généralement les plus belles, du reste de la famille. Les témoins disent qu'ensuite ils n'ont plus de nouvelles d'elles »81(*).

    L'impact du viol aura donc trois dimensions : individuelle, familiale et collective. Pour Crocq les conséquences des viols ont une forme clinique particulière. La victime « voit le visage de l'agresseur (...) et expérimente l'agression au plus près. Le viol fait intervenir dans le trauma

    qu'il occasionne les sentiments d'impuissance, de révolte réfrénée, de honte, de dévalorisation, d'inhibition, de rejet social, de frigidité, de culpabilité pouvant conduire au suicide » 82(*).

    Selon la conception de M. Klein83(*) le viol est lié à la pénétration (au sens du pénis et pas du phallus). Dans l'imaginaire de la victime, toutes les pénétrations peuvent être liées aux images traumatisantes. « La victime s'imagine par exemple que si l'agresseur n'arrive pas à la violer, il va `essayer' autrement, ou la tuer avec un couteau, etc.»84(*).

    Les conséquences psychiques de cette pénétration réelle et fantasmée sont très déstructurantes. La victime se sent déchirée dans son corps. Et son désir est « qu'on lui retire tout ce qu'elle a de `pourri' en elle, qu'on lui arrache sa peau pour faire `peau neuve', etc. »85(*).

    Ainsi, la victime peut s'enfermer de plus en plus chez elle et en elle-même. Au début, la victime s'imagine que les gens qu'elle rencontre savent de ce qu'elle a intimement subi. Pour les auteurs, il s'agit d'une nouvelle pénétration fantasmatique ce qui peut pousser la victime à éviter toute relation.

    « Elle voudrait disparaître, se cacher sous le tapis, se fondre dans un mur. Pourtant, on ne voit qu'elle, plantée au centre de la pièce où vit sa famille depuis trois mois, dans le bâtiment de l'école vétérinaire de Shkodër, dans le nord-ouest de l'Albanie, transformé en camp de réfugiés. Elle s'appelle Ismete. Autour d'elle, l'air est pesant, figé. Tragique. Au milieu de ses soeurs (...) Ismete semble avoir appuyé sur le bouton pause. Son visage de pierre n'exprime rien. Comme si elle était morte. «Avant», Ismete était une jolie fille brune de 20 ans. Aujourd'hui, cette jeune Kosovare n'a plus d'âge. Le 29 mars, des policiers et les paramilitaires d'Arkan (...), le chef d'une des milices serbes les plus sanguinaires, l'ont violée dans une cave, à tour de rôle, pendant cinq heures »86(*).

    Selon Streit-Forest87(*), pour une femme violée il est insupportable que quelqu'un ait pu prendre possession de son corps. Elle ressent de la honte d'être `salie'. Elle se sent coupable de ne pas avoir bien réagi, de ne pas s'être défendue, ...

    Au niveau sexuel et affectif, pour M. Le Clerq88(*) des troubles extrêmement handicapants se traduisent par une diminution de la satisfaction sexuelle qui peut aller jusqu'à l'anorgasmie, diminution de la fréquence des rapports sexuels et souvent une abstinence au cours des premiers mois. Chez certains sujets l'abstinence peut durer encore plus long temps. La diminution de la fréquence ou l'abstinence peuvent se manifester par l'anorgasmie, du vaginisme ou une aversion sexuelle.

    Le plus souvent ces séquelles ont des répercussions négatives sur les relations de couple. Le mari peut se sentir démuni de son rôle protecteur. Il peut éviter les relations sexuelles avec sa femme en la percevant comme quelqu'un d'endommagé, tandis que la femme peut ressentir cette attitude comme un rejet. Certains partenaires peuvent insister pour avoir des relations sexuelles avec leur femme violée ce qui peut être ressenti par elle comme une nouvelle agression.

    b) La torture

    Dans des pays totalitaires que ce soit en temps de `paix' ou de guerre, la torture apparaît comme une autre arme utilisée. Là, où la violence, à tous les niveaux, est la norme et non l'exception, Sironi89(*) la décrit comme (au-delà d'extirper des renseignements et de susciter l'aveu) un instrument intentionnel afin de modifier et générer le désordre dans l'identité de la victime.

    Marcello Vigar définit la torture comme « tout dispositif intentionnel, quelles que soient les méthodes utilisées, qui a pour finalité de détruire les croyances et les convictions de la victime afin de la dépouiller de la constellation identitaire qui la constitue comme personne »90(*).

    Pour Sironi, chaque méthode de torture vise à déconstruire, à transformer. Elle prive délibérément le sujet de sa singularité et de ses affiliations, elle cherche à le réduire à l'universel91(*). C'est une technique de déculturation92(*). Elle atteint le sentiment d'appartenance93(*).

    b.1 Les méthodes du tortionnaire

    Les méthodes utilisées sur la victime sont très variées : l'utilisation de l'électricité aux endroits les plus sensibles du corps, les ongles arrachés, l'ingestion forcée de divers liquides comme des vomissures, de l'urine, ...

    L'effroi est utilisé de diverses manières : par les simulacres d'exécution (on amène le prisonnier sur le lieu d'exécution et on tire des balles à blanc) ; obligation d'assister à l'agonie prolongée d'amis codétenus, contraint d'assister à la torture des autres prisonniers avant d'être soi-même torturé, etc. Beaucoup de personnes meurent sous la torture.

    « Soupçonné d'appartenir à un mouvement d'opposition tamoul au Sri Lanka, Raji a passé plusieurs mois en camp de détention où il était affecté à une sinistre besogne. Sa tâche quotidienne consistait à enterrer les morts, à la pelle, dans une fosse commune. Un gardien était en permanence posté derrière lui. Un jour il vit bouger les yeux d'un cadavre. Cet homme, dont le corps était transpercé de coups de baïonnette, n'était pas encore tout à fait mort. Raji avait peur d'arrêter les pelletées. Il imaginait déjà le coup de feu qui viendrait se loger, net, dans sa nuque. Mais il ne pouvait continuer de l'ensevelir car l'horreur l'avait saisi : l'homme qu'il enterrait vivant lui réclama faiblement un verre d'eau. Pour une fraction de seconde, il vacilla ...'C'était moi ou nous deux...j'ai choisi moi...et je l'ai enterré'. Raji pensait confusément que de ce fait, il faisait désormais partie du monde de ses bourreaux »94(*).

    La déshumanisation et les transgressions de tabous culturels sont pratiqués par la contrainte à manger des excréments, à boire de l'urine, à assister au viol de son père, de sa fille, de sa mère, à être sodomisé par un chien, devoir sauter comme un crapaud, aboyer comme un chien, etc.

    « C'est une effraction d'un autre en soi, autre qui vous influence et modifie. Du fait de l'effraction psychique, ce que perçoit le sujet, ce qu'il éprouve et pense est en lien avec un autre, avec la manière dont l'autre l'a pensé. Cette pensée revêt des formes multiples : auto dépréciation, peur de parler, de demander quelque chose, de blesser, de décevoir »95(*). « Je me suis considéré non humain »96(*) dit le patient victime de torture. C'est la forme destructrice de chosification.

    Dans des situations plus perverses, par exemple, on contraint la personne de choisir le type de torture de ses compagnons. En cas de refus, il est exécuté.

    On peut donner des exemples interminables qui sont infligés par la torture et qui touche la personne sur différents angles tant dans la sphère physique que cognitive et affective.

    b.2 Les processus de transformations

    Pour transformer psychiquement une personne soumise à la torture Sironi prend en compte différentes méthodes qui sont utilisées par le bourreau.

    Basée sur des cas cliniques, l'auteur nous dit qu'une des méthodes qui induit une autodestruction et une autodépréciation chez la victime de torture c'est la méthode par suspension. « Le lien réside en cela : au bout de quelques heures de suspension, l'insupportable douleur est générée par le poids de vos propres organes internes. Vous souffrez de l'intérieur, par l'effet de vos propres organes internes. Sous la torture, on manipule de la pensée en agissant sur le corps ».

    Les mécanismes de l'inversion, de la prévalence d'un ordre binaire, de la redondance, la transgression de tabous culturels sont autant d'autres méthodes de transformation.

    Le mécanisme de l'inversion, pour Sironi, est de rendre toute limite perméable. « Le tortionnaire va donner aux substances corporelles internes un statut d'extra-corporéité et aux substances externes un statut d'intra-corporéité»97(*). On introduit ou réintroduit par la force dans le corps les substances qui sont normalement dehors : par exemple, matières qui sont normalement à l'intérieur du corps (vomissure, urines, matières fécales). Les mêmes fonctions ont les chocs électriques et les brûlures de cigarettes. 

    La prévalence d'un ordre binaire : On le bat jusqu'au sang, on le torture à l'électricité et par différentes méthodes puis à la fin les bourreaux deviennent très gentils, tellement `soucieux' de la santé du torturé. Ils offrent des cigarettes, à manger, à boire. « Ils me tapotaient amicalement l'épaule et me parlaient comme s'ils étaient des grands frères. Ils me donnaient des conseils: allons, ne recommence plus. Laisse tomber tout cela, c'est de la connerie. T'as vu comme t'as dégusté? »98(*).

    Cette alternance entre deux attitudes radicalement opposées des tortionnaires (le "bon" le "méchant") est source de paradoxe et de confusion mentale. Il était méchant et il est devenu `bon'. Les torturés disent quand le tortionnaire devient "bon" c'est le moment le plus dangereux, car c'est à ce moment qu'ils peuvent parler, faire des aveux.

    Par la transgression de tabous culturels : par cette méthode, le tortionnaire a pour but de couper le torturé de son univers habituel de référence, de l'isoler de sa communauté. Les transgressions des valeurs qui ont une signification culturelle particulière pour la personne que l'on torture vont avoir un effet traumatique. Un exemple que Sironi nous donne est l'actualisation de mythe d'OEdipe : Jean à été frappé de cécité après avoir été contraint de regarder sa mère nue accroupie devant lui.

    Par cette méthode, deux attitudes opposées peuvent se produire : «  soit de la déculturation soit, à l'opposé, une clôture rigide des groupes culturels autour d'éléments hautement significatifs pour eux. On peut lire dans ce mécanisme les racines du fanatisme quel qu'il soit ». 99(*)

    La redondance : l'effraction psychique est induite également par la correspondance exacte, terme à terme, entre marquage physique et empreinte mentale. « L'acte et la verbalisation de l'intention qui sous-tend l'acte, sont dans ce cas de figure concomitants et redondants ». Des phrases énoncé d'une manière répétitive par le tortionnaire, pendant de tortures sexuelles100(*), peuvent être : « Tu ne seras plus jamais un homme ». Ou d'autres phrases encore : « Tu n'es qu'une merde, un rien du tout ». « Tu seras brisé de l'intérieur », « Nous avons les moyens de te détruire »... « Il s'agit de véritables injonctions, de paroles actives, qui sont encore agissantes des années après la torture. Sorties de leur contexte, ces paroles peuvent paraître relativement banales ».

    De façon générale, les personnes qui ont connu la torture ressentent de la honte, s'isolent et s'enferment dans un profond dégoût d'elles-mêmes. C'est aussi se sentir être devenu étranger au monde. « Quand la torture a pénétré votre noyau, quand on a vu des personnes mourir par supplice, quand on en revient vivant, on se vit comme un `survivant', un passeur entre deux mondes »101(*).

    12. Chez l'enfant

    Le ravage de la guerre touche plus que jamais des enfants innocents. Durant la Première Guerre mondiale, les victimes civiles se situaient aux environs de cinq pour cent. Elles atteignent aujourd'hui plus de 90 pour cent. « Rien que durant les années quatre-vingt-dix, prés de 20 millions d'enfants ont été contraints de quitter leur chez-soi, 2 millions d'enfants ont perdu la vie et 6 millions ont été blessé. D'après les estimations de l'UNICEF, 1 million d'enfants sont devenus orphelins durant la même période »103(*).

    Notre intérêt se porte plutôt sur ce qu'en pensent les auteurs : est-ce qu'ils sont plus, autant ou moins susceptibles que les adultes de faire face à un événement traumatique et par quels symptômes traduisent-ils leurs troubles ?

    « ... Après que leurs maisons ont été incendiées par les Serbes, plusieurs familles se sont installées dans cette maison. Les familles se mettent ensemble aussi pour ne pas se sentir seules. (...). De cette boucherie a pu échappé Dreni, âgée de 10 ans, blessé au bras, pour témoigner l'horreur du crime organisé. Les criminels ont demandé s'ils préfèrent être tués par balles ou avec des couteaux. (...). Ils ont commencé à tirer avec des armes automatiques. (...) Les morts et les massacrés ont tombé sur Dreni. Quand les criminels se sont rapprochés pour contrôler le succès de leur criminalité, Dreni n'a pas bougé, il a fait semblant d'être mort. (...). Les criminels, en sortant ont mis le feu dans la maison pour effacer les traces de leur crime. (...). Dreni a pu sauter par la fenêtre (...). Il ne se sent pas bien. Depuis, la vox de sa soeur tuée lui revient en écho : mon frère, ne me laisse pas dans le feu...»104(*).

    Pendant la guerre au Kosovo, cet enfant albanais a expliqué son vécu, où sa mère et sa soeur ont été tuées dans ce massacre. Il est traumatisé. Son âge d'enfant n'a pas pu le préserver du sentiment de culpabilité.

    Bailly105(*) pense que les enfants, témoins de ces événements catastrophiques, ont la même sensibilité que les adultes. Parfois leurs difficultés à se représenter le concept de mort les protégeront. Parfois, leurs troubles se manifestent par un ensemble de signes dont certains sont pathognomoniques d'un syndrome de stress post-traumatique tels les reviviscences de l'évènement traumatique, cauchemars, sursauts, angoisse, phobies, repli relationnel, des troubles psychosomatiques (de bronchites, d'eczémas, douleurs migraineuses et abdominales). Selon leur âge les symptômes post traumatiques peuvent transparaître dans le comportement, et leur souffrance se manifester de diverses  façons comme : agitation motrice, trouble de l'attention, etc. Parfois ils l'expriment sous forme de jeux ou de comportements répétitifs. Chez les plus petits, on retrouve de la régression psychoaffective se manifestant par de l'énurésie, vouloir dormir dans la chambre avec ses parents, etc. Chez les plus grands on trouve des troubles de comportements.

    Grappe met en évidence que « ces enfants malmenés par la vie dès leur plus jeune âge risquent de pâtir gravement, dans leur développement psycho-intellectuel, de la survenue d'une confrontation avec une ou plusieurs expériences traumatiques »106(*).

    Après des dizaines d'observations faites en Croatie, en Bosnie et au Kosovo des auteurs107(*) ont remarqué chez certains enfants une hyper-maturité. Ce phénomène est observé par différents tests mais aussi par leurs attitudes, leurs discussions, leurs centres d'intérêts, et surtout « les  arguments développés à l'aune d'une culture «politique » comparable à des diplomates expérimentés à la négociation »108(*). L'explication de ce phénomène est due à leur investissement d'adulte. C'est une « hyper-maturité réactionnelle au chaos social de la guerre qui aidait à la concentration, certes sur un thème et un temps limité, mais nous pouvons dire que la tension intérieure faisait monter le niveau de l'attention. Quand la tension et donc l'attention se relâchait, les capacités du jeune s'effondraient, le vide était là, les actions les plus simples, les plus routinières devenaient des corvées, des rubiconds infranchissables. Par exemple, aller acheter du pain et vérifier la monnaie rendue devenait hors de portée »109(*).

    L'auteur considère que la raison de cette hypermaturité est que la guerre provoque une excitation psychique, ce qui a comme conséquence un basculement de la personnalité. « Tout s'accélère : tout d'un coup, l'enfant d' hier est devenu adulte »110(*).

    Pour ces auteurs, les enfants qui s'en sortent le mieux sont ceux qui ont eu une petite enfance heureuse : « ils n'ont pas connu de rupture affective entre zéro et cinq ans. A contrario, les enfants en souffrance affective (déprimés) à cause de ruptures affectives, de troubles de l'attachement à la mère, sont moins forts psychiquement, sont moins capables de faire face à une tragédie. Ces enfants malmenés par la vie dès leur plus jeune âge risquent de pâtir gravement, dans leur développement psycho-intellectuel, de la survenue d'une confrontation avec une ou plusieurs expériences traumatiques »111(*).

    Nous avons constaté que la guerre ne se fait pas seulement par des adultes. Les enfants aussi peuvent être guerriers. D'après les observations en Afrique noire et au Liban, Houballah112(*) a retrouvé des impulsions agressives sans frein chez ces enfants soldats. Ces enfants se livrent aux intrépidités les plus extravagantes et aux exactions les plus cruelles. Toujours selon l'auteur, les causes de ces comportements sont que ces adolescents ont vécus dans un univers régi par violence et n'ont pas eu le temps d'acquérir au moment opportun ni la peur, ni la pitié, ni la morale. L'auteur dit que ces enfants sont traumatisés par la révélation de la mort et par l'impossibilité d'y introduire une signification.

    Selon les révélations de Nations Unies113(*), les victimes de tortures et ceux qui ont assisté ou participé de force à des exactions (enfants-soldats) sont les cas les plus extrêmes et subiront des répercussions à long terme sur leur santé mentale.

    13. Vivre en société

    Donc, les personnes victimes de traumatismes sont touchées aussi dans leur version sociale. La détérioration des relations entre la victime et la société a des causes différentes et souvent ambiguës. La réinsertion dans la société devient difficile pour elles. Elles se sentent incomprises et d'ailleurs leur expérience est socialement incommunicable. « Ça fait 20 ans que j'ai gardé mon secret. A qui voulez vous que je le dise ? Je n'ai trouvé personne pour me confier »114(*). Ce sentiment engendre de la révolte de leur part. Elles vivent avec cette obligation permanente de justifier leurs handicaps, leur misère, leur malheur, leur souffrance afin de simplement les faire reconnaître. Le blessé a le sentiment de vivre dans deux mondes ; il est déphasé car il existe un fossé entre lui et le monde extérieur ; il a également l'impression de ne plus être comme les autres et de ne plus pouvoir vivre comme tout le monde »115(*). Pour d'autres encore, le sentiment d'être stigmatisé les enferme dans le mur du silence. C'est ainsi qui se trouvent beaucoup des femmes victimes de viol pendant le conflit de 1999 au Kosovo. Une partie d'entre elles ne demandent pas d'aide car elles ont peur que leur terrible secret soit révélé et que cette révélation les éradique de la société. Bon nombre de personnes de la population ne se rendent pas compte que les victimes de viol sont des victimes. « Depuis ce temps-là j'ai (...) la tête penchée et je n'arrive plus à sourire »116(*).

    Alors la victime se tait et enferme en elle la blessure. Pour certains auteurs, « surtout, ce qui est traumatisant, c'est l'absence de mots autour de cet événement. Le silence, le non-dit qui entoure le drame, est plus traumatisant que l'événement en lui-même. C'est le désaveu de l'entourage et la non- reconnaissance qui constituent une violence traumatique venant s'ajouter à la violence réelle »117(*).

    Même lorsque la société reconnaît la victime nous nous trouvons devant une ambiguïté dans sa représentation : d'un coté, elle reconnaît son statut mais en même temps elle n'est pas prête d'accepter les symptômes issus de ce traumatisme.

    « Les blessés portent en eux une expérience qui non seulement est difficilement partageable, mais qui comme telle, n'est pas entendable. Une société veut avant tout que les choses se passent bien ; elle veut que les gens se comportent normalement et soient bien intégrés ; or là, elle est en face d'expériences qui dérangent et ne sont pas vraiment « gérables » socialement. Le blessé est, à bien des égards, l'objet de perception sociales ambivalentes : d'un côté, son expérience singulière tend à être apprivoisée et socialement présentable et de l'autre, marginalisée. Ainsi en est-il du statut social des victimes » 118(*).

    P. Jacques119(*) dit qu'à côté du traumatisme, il faut prendre en compte d'autres facteurs déstructurants qui sont aussi traumatisants comme la pauvreté, la marginalisation, l'injustice, l'exclusion.

    Nous nous sommes affrontés à autant des critiques sur l'exclusion sociale. Maisondieu dit à ce propos : « ce n'est jamais l'exclu qui est normal, qu'il soit bien portant ou malade avant d'être exclu, c'est l'exclusion qui est anormale, elle est une aliénation sociale dépourvue de la moindre légitimité »120(*)

    14. Et les réfugiés ? Exilé chez soi et à l'étranger 

    « J'ai perdu ma force et ma vie,

    Et mes amis et ma gaieté ;

    J'ai perdu jusqu'à la fierté

    Qui faisait croire à mon génie ».

    (Alfred De Musset)121(*)

    Depuis 1945, les guerres et les conflits ont fait 20 millions de morts, plus de 60 millions de blessés, sans compter les dégâts sur les plans psychologique, sociologique, relationnel, etc. Ces conflits occasionnent des déplacements massifs de populations. Selon les estimations du HCR122(*), on évalue à 20 millions le nombre de réfugiés qui ont du quitter leur pays suite aux violences.

    Le Kosovo est un de ces pays. Les albanais kosovars ont été chassés de leur maison et de leur pays par l'armée et les milices serbes lesquels avaient organisé au Kosovo une expulsion "ethnique" systématique. Une étude épidémiologique effectuée par MSF123(*) au sein de la population kosovare réfugiée à Rozaje (Monténégro), en se basant sur les témoignages recueillis en Albanie, en Macédoine et au Monténégro, la cause essentielle des mouvements de la population est la déportation. Les familles ont fui le pays sous la contrainte (menaces directes, ou attaques) par le pouvoir serbe. « Les villages sont vidés de toute leur population par la terreur et par la force. (...). Les colonnes de déportés ont parfois été contraintes de faire de très grands détours par rapport à l'itinéraire le plus court. La durée de l'exode des 201 familles interrogées au Monténégro va ainsi de 1 à 23 jours. Certaines personnes ont été soumises à plusieurs ordres contradictoires. Après avoir été chassées, elles ont dû revenir sur leurs pas et retourner chez elles où elles ont été, de nouveau, attaquées. Au cours de ces trajets, les colonnes de déportés seraient dirigées vers des lignes de front, des poches ou des lieux de résistance et utilisées pour déstabiliser ceux-ci »124(*).

    Un tiers des familles (des réfugiés) a été séparé d'au moins d'un de ses membres proches (soit « laissé derrière » au Kosovo soit « perdu de vue »). Les réfugiés manquaient les besoins vitaux : ils vivaient dans des bâtiments qui avant hébergeaient des activités économiques, dans les camps sous tente, etc. et dans des conditions sanitaires très précaires. Une minorité des réfugiés, ont pu traverser les frontières pour se diriger vers des pays occidentaux etc. Après la fin de la guerre, les réfugiés restés dans les pays frontaliers sont rentrés chez eux, malgré le fait que pour la grande partie leurs maisons ont été incendiées, ce qui a eu par conséquence de se retrouver sans habitation. Leur urgence était de trouver un refuge soit près des leurs, soit sous des tentes installées par MSF, etc. Pour plus d'explication voir en annexe : « Kosovo : histoires d'une déportation ». Pour ceux installés dans des pays (occidentaux, etc.) pour long terme, la situation précaire perdure...

    Il nous parait évident que suite à une violence organisée, les personnes victimes des traumatismes ont subi d'importants bouleversements à différents niveaux :

    D'un côté, ce sont les traumatismes subis par la violence de la guerre de différentes manières et de l'autre coté c'est le déracinement de leur pays d'origine qui est senti comme une souffrance, comme une perte de sens dans le sens où la personne est séparée de ses points de repères habituels (de son environnement, de son histoire, de sa culture, etc.). Nathan nous dit que « la migration possède en elle-même des potentialités traumatiques, du fait de la rupture du contenant culturel qu'elle implique (...).  Migrer c'est, bien sur, laisser derrière soi de la famille, des amis, un métier, un statut social, la terre des ancêtres vivants et morts. Cela implique donc des renoncements de la nostalgie, et parfois des deuils inacceptables »125(*)

    Arrivés dans un pays d'accueil, ils cherchent la reconnaissance des autres. « La croyance en un monde juste donne un espoir de résilience »126(*). Lorsque ce pays d'accueil les rejette, ils se sentent exclus. Leur identité devient alors celle du `sans papiers'. Ils perdent tous les repères : perte d'identité, de statut social, perte de dignité. Sans droit au travail, dépendants des centres d'accueil, ils développent un sentiment d'inutilité, de dépendance, d'assistance.

    « Cette rupture des liens sociaux engendre une blessure narcissique qui se traduit par un sentiment d'exclusion (...). On ne naît pas exclu mais on le devient. Ce processus constitue une dégradation, une déliaison par rapport à une situation antérieure»127(*).

    Pour ces exclus, victimes de traumatismes, la situation devient encore plus complexe du au risque de devoir être menacé d'expulsion. « On imagine sans peine combien cette insécurité dans la réalité entre en résonance avec le sentiment d'insécurité interne »128(*).

    Donc, d'après ces auteurs, « les réfugiés qui ont vécu un trauma dans le pays d'origine vivent (...) un triple traumatisme : le traumatisme pré-migratoire, les effets potentiellement traumatiques de la migration et le traumatisme découlant du déni de leur vécu par le pays d'accueil » 129(*).

    15. Le deuil traumatique

    « Comment grandir sans parents, et comment garder vivant le souvenir de parents que, non seulement l'on n'a pas connus, mais qui sont morts atrocement et ont disparu sans laisser de traces ? Comment faire le deuil quand il n'y a pas eu rituel funéraire ? Comment vivre avec l'insupportable de la mort atroce, ... »130(*)

    a. Deuil compliqué 

    La nature des guerres en Afrique, dans les Balkans est porteuse de scénarios traumatogènes pour les survivants. La population s'est confrontée à des atrocités extrêmes. Ils ont vu la mort et ont vu la mort de leurs proches. Les victimes sont souvent exécutées d'une manière barbare : elles ont pu être mutilées, brûlées vives, décapitées, etc. devant leurs proches. Beaucoup de survivants ont perdu leurs biens personnels. Ils sont devenus des réfugiés forcés ou vivent dans des zones « d'après guerre », dans le strict minimum ou sans rien. Leur nouvelle vie est alourdie par la perte d'êtres chers, les séparations, les pertes matérielles. Ainsi, le concept de deuil ne s'applique plus seulement aux personnes aimées mais également aux avoirs perdus.

    Dans ces circonstances le tableau clinique se complexifie encore plus car les personnes se trouvent à la fois endeuillées et traumatisées (avoir manqué de mourir d'une part et perdu des proches de l'autre) et le deuil à faire devient compliqué131(*). La sémiologie du deuil traumatique132(* est double. Elle englobe les signes caractéristiques de l'état de deuil et un syndrome psychotraumatique. Sa définition d'après M. Grappe est : « une réaction des proches du défunt, « le cercle du deuil », touchés par la perte et traumatisés par les circonstances de survenue de la mort : événement tragique, brutal, difficile à accepter, même si la mort est une des facettes communes de la guerre. »133(*)

    b. Deuil impossible  

    Les disparitions consécutives à un enlèvement par la force dans un état de guerre sont aussi une arme de guerre qui inflige une torture morale. « Un autre effet traumatique fut de ne rien savoir sur le destin du disparu. Cette ignorance créait un vide, un vide de représentation et de douleur insupportable, qui toucha non seulement les parents du disparu mais l'ensemble de la population »134(*).

    « Il y a peu de torture morale plus cruelle que celle qui est liée à l'incertitude »135(*).

    Simone de Beauvoir décrit la disparition d'un jeune juif ami pendant la guerre comme suit : « Chaque matin, lorsque j'ouvrais les yeux, je volais le monde. Le pire, c'est que je ne volais à personne...Personne ; et nulle part cette absence ne s'incarnait ; pas de tombe, pas de cadavre, pas un os. Comme si rien, absolument, n'avait eu lieu »136(*)

     

    A. Houballah137(*) nous dit que pour pouvoir amorcer le processus de deuil le dernier regard qu'on jette sur l'être chère décédé est déterminant. Faute de ce dernier regard, les proches d'un sujet disparu sont parfois dans l'incapacité de faire leur deuil et peuvent s'installer dans un interminable processus de deuil pathologique.

    b.1 Le travail de deuil

    Selon R. Kavanaug138(*), dans des conditions habituelles, le travail de deuil passe par certaines étapes :

    · La première phase est celle de choc. Le sujet entre dans le déni de la réalité qui s'accompagne de crises de larmes, colères, agitation, ou au contraire d'abattement.

    · Lors de la deuxième phase, le sujet est submergé par un sentiment de culpabilité. Il s'auto-accuse de n'avoir pas bien aimé, de n'avoir pas assez fait pour retarder ou empêcher la mort. Il exprime de l'auto-agressivité.

    · L'étape centrale du deuil est la dépression. La douleur morale est intense. Le désintérêt, l'apathie, la perte de désir sont présents. Au cours de cette période le sentiment de solitude et d'abandon sont le plus accentués. Au cours de nombreux mois le sujet va progressivement se détacher et va pouvoir aborder la quatrième période.

    · La quatrième période est marquée par la fin du deuil. On l'appelle la phase d'adaptation (désinvestissement de la libido de l'objet) et le sujet peut se tourner vers l'avenir.

    M-P. Le Court139(*), nous dit que quand il s'agit de `disparitions', les proches de la victime se trouvent dans l'impossibilité d'accéder à la phase centrale du travail de deuil en raison de l'absence de statut du disparu qui n'est ni mort ni vivant. Cette impossibilité d'entrer dans cette phase engendre des nombreuses conséquences. Ne pouvant trouver le corps, donc, de l'inscrire dans le statut de vivant ou de mort, les proches du disparu restent fixés dans la première phase c'est-à-dire dans le déni de la réalité. Cette conséquence ne permet pas de faire le deuil et ainsi se retourner vers le désir.

    En voyant la complexité de ces situations de guerre, conflits, etc., certains auteurs mettent en doute les outils diagnostiqués de ESPT pour évaluer les implores psychiques.

    « Certains demandeurs d'asile ont été exposés à des souffrances dramatiques et extrêmes. Nous ne pensons pas que nos outils usuels, comme le concept d'Etat de stress post-traumatique, soient adaptés à ces cas : en raison de la gravité des trauma subis, souvent sous-tendus par une cruauté extrême »140(*).

    Chapitre VI : Le syndrome psycho-traumatique

    Pour pouvoir déterminer qu'un sujet présente un ESPT ou un syndrome psychotraumatique, les professionnels doivent se baser sur l'apparition de certains symptômes, particulièrement de réviviscences, qui sont repris dans le tableau clinique du DSM IV ou dans le tableau clinique de la psychiatrie française.

    Différentes symptômes inscrits sous le tableau clinique « syndrome psychotraumatique » nous permettrons de comprendre un peu mieux ce que subissent les victimes et les désordres psychiques qui en découlent.

    Nous nous appuyons sur le tableau clinique français car il nous paraît plus complet. Il inclut les états pathologiques (n'incluant donc pas le stress adapté ou dépassé qui se sont résolus sans séquelles) de la phase immédiate, de la post-immédiate et de la phase différée et chronicisée141(*).

    Ce tableau inclut aussi les troubles psychosomatiques, les troubles non spécifiques et une explication plus large sur les troubles de la personnalité qui ne sont pas repris par le DSM IV

    Le syndrome psycho-traumatique peut être transitoire, c'est-à-dire quand la victime présente des désordres psychiques qui se traduisent par des réactions immédiates de stress dépassé ou peut perdurer ensuite, voire se chroniciser (ce qui est comparable aux névroses de guerre), accablant tout le restant de l'existence du sujet traumatisé.

    La névrose traumatique y compris la névrose de guerre s'installe après un temps de latence143(*) de durée variable (de quelques jours à quelques années) qui se traduit par 

    - le syndrome de répétition, pathognomonique,

    - les symptômes non spécifiques 

    - la réorganisation de la personnalité pathognomonique.

    1) le syndrome de répétition

    Les reviviscences traumatiques sont présentes chez la plupart des patients ayant des troubles post-traumatiques. Le sujet a l'impression de revivre la/les scène/s traumatisant/es ce qui cause une angoisse et une détresse144(*) très intense. Cet état de détresse est causé par le vécu traumatique qui ne peut être comparé à l'état dépressif.

    « Etre dépressif n'est pas le trait d'une personnalité dépressive, mais bien la conséquence d'une altération profonde de l'état affectif provoquée par la blessure ». La détresse psychologique s'accompagne également d'un sentiment d'angoisse, c'est-à-dire d'une réaction émotionnelle caractérisée par la peur et l'insécurité. Après ce qu'elles ont subi, les personnes blessées ont tendance à percevoir le monde qui les entoure comme dangereux et menaçant. Ce sentiment peut être source de nouvelles angoisses145(*).

    · Les modalités de manifestation du syndrome de répétition

    Le sujet traumatisé est souvent submergé par des souvenirs forcés, car ils s'imposent involontairement. (Dénommés par le DSM des souvenirs intrusifs). Ces souvenirs se présentent par des rappels des détails visuels de l'expérience, des noms, etc. déjà `enterrés' par le sujet. Ils surviennent dans sa conscience dont il sera incapable de se souvenir volontairement. Le sujet voit la scène et le revit l'événement traumatique avec la même détresse qu'au moment de vécu, que ce soit dans la journée sous forme de flash-back ou la nuit dans des cauchemars traumatiques.

    Certains mettent alors en place des stratégies d'évitement pour tenter d'échapper à ces réviviscences comme : ne pas se coucher, ne plus aller travailler pour ne plus sortir de chez soi, consommer de l'alcool et des psychotropes, etc.

    Des reviviscences hallucinatoires peuvent s'imposer au sujet. Le plus souvent visuelle, c'est une forme répétitive avec des images détaillées de la scène traumatique. Il s'agit d'une scène dynamique où le sujet se sent impliqué émotionnellement d'une manière intense ce qui donne des réponses par des cris, d'agitation, etc. Parfois, on voit apparaître aussi des hallucinations auditives, olfactives ou sensitives. Selon F. Sirroni146(*), il arrive que pendant la journée, par exemple dans la rue, la victime entende des voix qui l'appellent. Elle se retourne systématiquement malgré qu'elle sache que son bourreau n'est plus là. Ces vécus comme si l'événement allait se reproduire sont des réviviscences qui submergent le sujet spontanément et soudainement suite à un stimulus déclenchant (par exemple, la sirène de l'ambulance peut lui rappeler un moment d'alarme pendant la guerre) mais il se peut que le sujet se sente envahi par un sentiment d'insécurité, des éprouvés bizarres, de déréalisation ou de dépersonnalisation sans un stimulus provoquant. Suite à ces situations le sujet produit souvent des phénomènes moteurs élémentaires. Ce sont des réactions motrices comme des tics, sursaut ou recroquevillement.

    Parfois, le sujet a des perceptions erronées à partir d'un fait réel. Crocq147(*) nous donne un exemple d'un sous-officier recruté dans l'armé pendant la guerre en Algérie pour illustrer ces illusions de reviviscences. Ce sujet, un an après son retour en France, croise un jour sur le trottoir un groupe de communiantes vêtues en blanc qu'il perçut comme des femmes musulmanes revêtues de leurs voiles blancs. D'emblée le sujet se `retrouve' en Algérie frappé par la tension et l'insécurité présente lorsqu'il était dans ce pays. Le sujet revient à lui quand le groupe disparaît devant ses yeux. Tendu, perplexe, le coeur battant fort, il se demanda s'il n'était pas en train de devenir fou.

    Le sujet ne souffre pas seulement de ces réviviscences mais il rumine mentalement aussi. Ce sont de longues interrogations portant sur le trauma, de sa signification ou de ses conséquences. Les `pourquoi' sont des éléments constitutifs des ces ruminations mentales : pourquoi moi ? Pourquoi la mort de tel camarade, de mon enfant, etc. ? Pourquoi n'ai-je pas fait autrement, ... C'est-à-dire, on est dans des composants de déception, de culpabilité, de dévalorisation qui menacent intérieurement le sujet victime d'un traumatisme.

    Les réviviscences peuvent se produire aussi à travers des conduites de répétition et jeux répétitifs. Ce sont des conduites motrices plus organisées, des actions complexes inconscientes qui sont en lien avec l'expérience traumatique comme des fugues, récits répétitifs, jeux répétitifs chez l'enfant, des comportements agressifs, actes délicieux, etc.

    Ces symptômes peuvent se manifester ou se combiner de manière très différentes et ne sont pas nécessairement tous présents chez le sujet.

    · L'expression du syndrome de répétition

    Les reviviscences s'accompagnent par l'expression d'une détresse psychique, par des symptômes neurovégétatifs comme : transpiration abondante, sensation de faiblesse, impression de flou visuel et vertiges, des palpitations cardiaques, sensation de striction laryngée et oppression thoracique, etc. Pendant cet état, le corps du sujet se raidit. Certains se figent sur place, d'autres raidissent simplement leurs muscles. Les tics, les sursauts et les recroquevillements surviennent sur un corps simultanément raidi. Quand les reviviscences disparaissent, ces symptômes s'estompent aussi.

    16. Les symptômes non-spécifiques

    Le syndrome psychotraumatique se caractérise aussi par des symptômes non-spécifiques148(*) lesquels s'expriment par l'asthénie, l'anxiété, les superstructures psychonévrotiques (hystériques, phobiques et obsessionnelles), les troubles psychosomatiques et les troubles des conduites.

    Souvent les patients se plaignent d'une grande fatigue. L. Crocq149(*) dit qu'il s'agit de l'asthénie et pas de fatigue. La fatigue est un phénomène physiologique normal et spontanément réversible. Il suffit de se reposer pour qu'elle s'efface. Tandis que l'asthénie est une fatigue morbide qui persiste malgré le repos. On distingue trois types d'asthénies : physique, psychique et sexuelle. Ceux-ci se traduisent par différentes manières. Le sujet est dans un état de lassitude générale. Au moindre effort physique, il se sent abattu. Il sent dans son corps des crampes et des fourmillements. Ses facultés mentales d'attention, d'acquisition mnésique et de concentration intellectuelle sont en baisse, ainsi que le désir et le plaisir sexuel qui va jusqu'à l'impuissance ou la frigidité.

    Le sujet traumatisé vit dans une anxiété permanente. Selon la nosographie française, cette anxiété peut se traduire par trois états différents :

    - par des crises d'angoisse sidérés ou agités ;

    - par des états anxieux intercritiques : le sujet vit avec une tension interne désagréable, il craint des autres et de l'avenir, il a une impression de danger imminent. Il réfléchit exagérément, il est colérique.

    - par une personnalité anxieuse : le sujet est pusillanime, il est enclin à voir l'avenir d'une manière péjorative. Il est dépendant d'autrui dans une relation de quête de réassurance ou de fausse agressivité.

    Le DSM IV distingue deux types d'anxiété : attaque de panique et anxiété généralisé.

    Des superstructures psychonévrotiques sont observées aussi chez ces sujets: Ce sont des symptômes hystériques, phobiques et obsessionnels.

    - Les symptômes hystériques tels que fausses cécités, surdité, mutité, contractures, hyperesthésies, crises psycho-émotives, pseudoparalysies, amnésies, etc. sont fréquents chez ces sujets. Telle était le cas de Jean décrit précédemment : il a été frappé de cécité suite à la contrainte par le tortionnaire de regarder sa mère nue accroupie devant lui.

    - concernant les symptômes obsessionnels, malgré qu'ils soient rares, Crocq dit que dans la névrose traumatique, il s'agit plutôt d'obsessions phobiques. C'est l'exemple d'un sous-officier français traumatisé travaillant en Indochine et en Algérie. Après son retour en France, il se relève plusieurs fois pendant la nuit pour vérifier qu'il a bien verrouillé ses portes.

    - les phobies sont fréquentes dans la névrose traumatique. L. Crocq les considère comme des « phobies légitimes ». Par exemple, une patiente que nous avons suivie pendant notre stage à Exil, depuis qu'elle avait été violée, avait développé une claustrophobie (peur de prendre le métro, de prendre l'ascenseur, etc.). La peur que l'agresseur suive encore la victime est habituelle dans la névrose traumatique. Alors, la victime met en place des conduites d'évitement et de réassurance. La conséquence est qu'elle perde son autonomie, son indépendance et sa liberté d'action.

    L'apparition des troubles psychosomatiques est signe que «  la souffrance ` parle'  à travers le corps150(*). Pour Crocq, « les mécanismes exagérés du stress se produiraient lorsque l'individu agressé ne peut mettre en oeuvre - soit par contrainte matérielle, soit du fait de son tempérament peu enclin à l'extériorisation de l'émotion - les défenses psychiques habituelles, adaptatives ou névrotiques, telles que gestes, cris, verbalisation, ou représentation mentale. La seule réponse qui lui reste serait alors l'archaïque réponse (...) de l'organe. » 151(*)

    M. De Clercq152(*), nous dit que pendant la phase aiguë, les symptômes associés à l'anxiété (les pensées envahissantes, flash-back, troubles du sommeil et cauchemars) sont prédominants. Si on ne traite pas ce stade, l'affection devient chronique (après plusieurs mois ou plus): l'anxiété diminue et cède le pas à l'abattement, à la dépression, aux troubles sexuels et à la somatisation des symptômes.

    Les symptômes sont divers telles qu'ulcère duodénal, hypertension, colite, eczéma psoriasis, etc. Crocq153(*) met en évidence que dans certains cas, le psoriasis est apparu sur la cicatrisation d'une blessure.

    Souvent les victimes présentent aussi divers troubles de conduites lesquels nuisent à la santé et ont de répercussions sur la vie familiale et sociale. Certains s'orientent vers l'abus d'alcool ou prennent de benzodiazépines pour diminuer leurs angoisses et leurs troubles du sommeil, etc., de conduites suicidaires, repli sur soi car le sujet se sent seul, avec la décourageante conviction de porter en soi une expérience incommunicable.
    La victime peut présenter des problèmes d'impulsivité comme des crises de colère, des propos ou actes agressifs, etc. Des changements brusques d'emploi, de lieu d'habitation, absentéisme non justifié à l'école ou au travail. Dans le fonctionnement quotidien souvent le sujet présente des troubles de mémoire, de concentration, labilité émotionnelle, céphalées et vertiges.

    En voyant les effets sur le fonctionnement conjugal ou familial des victimes, de nombreux auteurs154(*) pensent que c'est nécessaire d'informer les proches autant que la victime sur les conséquences du traumatisme car le soutien social est très important dans le pronostic évolutif de l'ESPT.

    17. La personnalité traumato-névrotique

    Ces blessures entraînent une atteinte bio-psycho-sociale. Elles atteignent la vie psychique en profondeur et sont à l'origine de bouleversements intérieurs importants que la victime va ressentir comme un changement de sa personnalité155(*) : changement des rapports avec soi-même et le monde, une nouvelle manière de percevoir, de ressentir, de penser, d'aimer, de vouloir et d'agir, ce que L. Crocq appelle personnalité traumatique.

    La vie quotidienne du sujet se construit autour de ces traumatismes. Certains psychanalystes la qualifient de régression. Au niveau psychanalytique la régression est un retour du sujet à un état antérieur de sa vie libidinale. Le sujet exprime qu'il veut devenir comme avant, quand il avait un autre goût pour la vie, une autre perception, d'autres sentiments, . . . sur le monde et sur soi-même.

    Cette altération de la personnalité se traduit par un blocage de la fonction de filtration. Cliniquement, Crocq156(*) considère que se sont des attitudes d'hypervigilance et d'alerte et de sursaut exagéré comme réponse aux stimulations évocatrice du trauma, voire à toute stimulation. Le sujet vit dans un sentiment d'insécurité permanente car il n'arrive pas à reconnaître et filtrer les stimulations. Pour lui, elles sont toutes dangereuses. Ainsi, la victime inspecte sans cesse l'environnement pour y détecter les signaux de danger (les objets, les personnes susceptibles de leur rappeler le trauma). Cette insécurité est la cause de résistance à l'endormissement, car s'abandonner au sommeil serait se livrer aux agressions venant du dehors. De même, lorsqu'elles dorment, leur sommeil est léger, et avec le moindre de bruit elles se réveillent dans l'inquiétude.

    Le blocage de la fonction de présence donne lieu à une perte de curiosité pour le monde. L'intérêt pour les loisirs ou le travail baisse considérablement, perte de motivation généralisée. On assiste à une réduction de l'activité. Parfois même, le sujet perçoit le monde extérieur comme distant, lointain, artificiel, déréel. Il n'a pas d'espoir en l'avenir. Cela se traduit par un visage inexpressif, un regard absent, des propos désabusés.

    Le sujet présente un blocage de la fonction d'amour et de relation à autrui. Ceci se traduit par le sentiment de détachement d'autrui, l'irritabilité et le retrait social, une importante régression libidinale. Ferenczi avait remarqué que les névrosés de guerre retirent leur investissement objectaux antérieurs et retournent au stade infantile où ils n'étaient pas capables d'aimer un autre que eux-mêmes du à des atteints graves de lésion du Moi. Cet état il va le dénommer régression narcissique157(*),

    Les effets de cette régression se traduisent par une impuissance sexuelle, la recherche de sécurisation, une extrême dépendance affective, des exigences capricieuses, des revendications surenchéries envers autrui. Paradoxalement, le sujet a des revendications à l'autonomie. Dans les cas sévères, les patients se comportent explicitement comme des enfants. Dans certains cas, leur dépendance affective et leurs exigences sont plus discrètes : ils se renferment sur eux-mêmes avec un retrait social et des ruminations mentales amères. Quand on les interroge, ils se sentent incompris et mal aimés. Ce blocage se traduit aussi par l'irritabilité et l'agressivité envers les autres parce que tout l'environnement, les choses comme les êtres, lui apparaît comme agressif.

    Ces symptômes peuvent être combinés et ne sont pas nécessairement tous présents chez la victime.

    Chapitre VIII : La prise en charge de la victime

    « Si certains, par quelque capacité d'oubli ou de résistance, semblent traverser à l'envers l'Achéron sans trop de difficultés, d'autres en gardent une blessure profonde. C'est eux que nous tentons de comprendre, voire de soigner »158(*). (C. Barrois)

    Tous les auteurs s'accordent sur le fait que le type de prise en charge de la victime a une grande importance. Plus l'intervention ou l'aide apportée est précoce, plus on a de chance de prévenir ou atténuer une chronicisation de ces troubles. C'est très important d'écouter la victime, de s'intéresser à ce qu'elle a éprouvé. Aider la personne à accepter ses réactions. Ces réactions sont normales face à une situation anormale. Ceci aide la personne à réduire le risque de développement de la culpabilité.

    1. L'intervention immédiate

    Pour les victimes une aide psychologique sur le terrain qui consiste à prodiguer des soins d'urgence s'avère importante. La méthode préconisée est celle de defusing159(*). Le defusing ou déchoquage psychologique en est la première approche.

    Certains sont angoissés, agités et logorrhéiques. Ils présentent un discours sans suite, peu cohérent, désarticulé. D'autres hébétés, sidérés sont le plus souvent muets, parfois agités, parfois hallucinés. C'est ainsi que se présentent les victimes qui viennent de voir l'enfer. L'intervention consiste à apaiser leurs souffrances et prévenir l'installation de séquelles psychotraumatiques chroniques.

    D'après Damiani160(*) le moment qui suit directement le traumatisme plonge le sujet dans un sentiment terrible de solitude et de détresse car, comme dit F. Lebigot161(*), dans le moment de l'effroi le langage l'a abandonné. L'importance de l'accueil de la victime : de la rencontrer, de la toucher, de lui parler, de lui demander des mots, c'est de lui demander de venir avec nous, dans le monde du vivant. De ce dialogue une parole s'invente, ce qui permet de mettre un début d'ordre dans ce chaos. Voici comment s'exprime Daligand : « le soin véritable à apporter à la victime est non dans la négation du trauma ou son effacement, non dans son exploration symptomatique mais dans la reconnaissance de la personne et dans la renaissance de son être de parole »162(*).

    Ce type d'intervention peut être effectuée individuellement ou par petits groupes. L'intervention en groupe (maximum six personnes) ne se fait qu'avec les personnes qui viennent de vivre le même événement.

    18. L'intervention post-immédiate

    Dans cette phase post-immédiate, plus précisément les 1ers jours ou la 1ère semaine après l'événement, sont les moments le plus propices pour procéder au débriefing163(*). Le debriefing (individuel ou collectif) correspond au bilan (approche) psychologique d'événement un peu plus à distance de l'événement traumatisant. Il est un continuum de defusing.  L'intervenant continue de prodiguer des soins au (x) blessé(s) psychique(s) en invitant à verbaliser leurs expériences de l'événement , afin d'être en mesure de la maîtriser et d'éviter une évolution pathologique: « Les praticiens proposent aux victimes de re-parcourir minutieusement l'événement traumatique et de le mettre en tension avec les émotions qui l'ont suivi et les pensées qu'il a fait naître car, du moment de l'effroi lui-même, les sujets peuvent difficilement dire quelque chose : il a été un moment au cours duquel les mots se sont absentés, un aperçu fugace sur le néant »164(*). Une telle méthode peut se faire uniquement dans cette phase car dans l'immédiat elle sera perçue comme une violence insupportable.

    « Il s'agit pour le traumatisé, non seulement de s'affirmer comme sujet parlant face à un autre parlant, mais encore de déchiffrer ce qui vient de lui arriver, d'énoncer dans une parole inaugurale ce qui vient de se passer en lui (...) qui est en lui comme un tourbillon qui a désorganisé son psychisme. En l'énonçant (...), il le réduit en mots et ces mots son porteurs de sens. Ses propres paroles sont plus révélatrices pour lui, oraculaires, qu'elles ne sont informatives pour l'interlocuteur (...). Il s'agit vraiment d'exprimer ce qu'on ressent confusément,... »165(*) (Crocq, 2000).

    Parallèlement, un autre but de débriefing consiste à observer l'évolution, c'est-à-dire voir s'il s'agit d'une `queue de stress166(*)' qui va se réduire sans séquelles, ou dépister les sujets à risque, ce qui demande un traitement plus soutenu.

    Certains manuels de débriefing disent que pour pouvoir atténuer la souffrance, « il faut dédramatiser » le vécu. Selon Damiani, Lebigot, Mathieu167(*) cette attitude fait taire la victime et le résultat est éphémère, de même pour le sentiment de culpabilité. Au lieu de pouvoir s'interroger à haute voix, la victime va se taire. Pour les auteurs, l'interprétation de la situation vécue par les autres membres du groupe, sera beaucoup plus efficace pour atténuer cette souffrance. « D'être partagée, la faute imaginaire se relativise et amorce son entrée dans le symbolique (Freud, 1915) »168(*).

    Nous nous sommes prudent concernant la dédramatisation ou pas du vécu de la victime. Car, il y a des vécus qui suscitent des horreurs absolues, telle que les massacres, etc. Ainsi est l'exemple que Doçi nous fournit dans son livre «l'âme mortifiée: la violence serbe envers la femme albanaise au Kosovo». Les serbes avaient décapité l'enfant devant sa mère et avec la tête de l'enfant ont continué à jouer comme avec une balle. Dans des telles situations, nous pensons qu'il est hors de question de parler d'une dédramatisation et d'un résultat éphémère ou longue duré. Dans des cas pareils, nous pensons qu'une attitude de simple reconnaissance est indispensable.

    Quand il s'agit de situation de guerre comme au Kosovo, ces deux types de soins (immédiat et post-immédiat), s'avèrent impossible. La population civile se trouve éparpillée, des milliers d'entre eux étaient réfugies dans les forêts pendant des semaines, voire des mois. « Des 300 000 à 500 000 Kosovars réfugiés dans les montagnes du Kosovo sont dépourvus de toute aide humanitaire »169(*). Puis, pendant que la guerre dure, la menace physique et psychique dure aussi. Le sujet n'a pas dépassé l'épreuve, le danger. Il vit encore grâce à ses mécanismes de survie, il continue à subir le traumatisme. Ainsi, il n'est même pas souhaitable et d'ailleurs il est contre-indiqué d'offrir ces types de soins pour que les sujets ne relâchent pas ces mécanismes de survie. La première aide psychologique se fait quand la victime ne se trouve plus en danger physique et/ou psychologique.

    Donc, pour certaines personnes qui avaient déjà vécu des situations dramatiques comme par exemple des massacres de leurs proches, il a fallu attendre des mois et des mois jusqu'à la première intervention. Ces interventions ont eu lieux quand la population a été déportée en Albanie, Macédoine, Monté Négro170(*). Tandis qu'à l'intérieur du pays c'était après que la guerre a pris fin.

    Remarque : Nous pensons qu'il est important de mentionner que les réfugiés albanais ne possédaient aucun des besoins élémentaires: c'est-à-dire pas de toit, pas de nourriture, pas de soins médicaux, etc. C'est pourquoi différentes ONG se sont attelée à fournir ces besoins élémentaires aux victimes. Il ne peut donc y avoir une aide psychologique proprement dit si ces personnes n'ont même pas une sécurité de base. De même, au Kosovo dès la fin de la guerre, selon MSF171(*), ils ont initié l'aide à cette population sous divers aspects : aide médicale, matériel de première nécessité, comme produits d'hygiène, nourriture, vêtements, chaussures, ainsi que des abris d'appoint afin de permettre aux plus démunis d'avoir un abris pour l'hiver et enfin le nettoyage de milliers de puits contaminés par la présence de cadavres humains ou animaux, etc. En effet il est utile de préciser que 200.000 maisons ont été brûlées et la plupart des autres ont été vidées de leur contenu par l'ennemi.

    Concernant la santé mentale, MSF a organisé aussi des sessions de formation pour des professionnels kosovars afin qu'ils puissent assurer au mieux la prise en charge des PTSD.

    19. La prise en charge à long terme

    Lorsque les séquelles du traumatisme psychique sont installées durablement, un traitement psychologique individuel à long terme, combiné si nécessaire à un suivi psychiatrique et psychopharmacologique s'avère indispensable. Si l'intervention est retardée, il sera beaucoup plus difficile d'arriver à une guérison.

    b. Le problème de la demande

    Des auteurs ont remarqué qu'il y a qu'une minorité des personnes souffrant des troubles psychotraumatiques extériorisent leurs plaintes et demandent de l'aide psychothérapeutique. Souvent leur demande se fait pour diminuer les symptômes par des médicaments. On entend des raisonnements de leur part comme « je ne savais pas que ça se soignait » ou « personne ne peut comprendre ça »172(*).

    « Le plus souvent, les patients ne parviennent pas jusqu'au psychiatre. Il y a ceux qui guérissent tout seuls, mais il y a ceux aussi qui se suicident, sombrent dans l'alcoolisme, s'étayent vaille que vaille avec leur entourage, des médecins, une institution, un engagement dans une oeuvre caritative notamment (....) Le plus souvent, ce nouveau chapitre du traitement est long, aléatoire, difficile pour le patient confronté à de grands moments d'angoisse. S'il en tire cette paix relative

    que lui assure la relation transférentielle, il ne va pas toujours jusqu'à l'acte ultime qui consiste à renoncer au trauma »173(*).

    Ceux qui demandent d'aide, c'est souvent quand le syndrome de répétition apparaît (après plusieurs semaines, mois ou des années). Pour rappel, l'irruption soudaine des cauchemars et des réviviscences n'appairassent qu'après un temps de latence qui est très variable d'un individu à l'autre.

    En ce qui concerne les femmes violées au Kosovo, nous avons mentionné précédemment que le problème de la demande vient du fait, selon Silvana Miria, que l'ampleur des atrocités est dissimulée par les communautés albanaises pour cacher leur "honte" au monde extérieur.

    Pour pouvoir aborder ces femmes, Silvana Miria s'y est prise de manière plus discrète. Voici comment elle nous l'explique : « Au début, nous sommes allées dans les camps de réfugiés pour participer à la distribution du pain, donc tout autre chose qu'un travail de soutien psychologique. Grâce à cela, nous sommes devenues des personnes connues dans le camp. Nous avons ainsi pu, par la suite, entamer une communication individuelle avec les femmes en passant d'une tente à l'autre. Nous travaillons chaque jour avec ces personnes. Elles ne peuvent pas tout raconter d'un coup (...). On travaille plusieurs fois avec la même personne pour qu'à la fin elle nous raconte ce qu'elle a vraiment vécu ...) »174(*) 

    a. Pour des vécus spécifiques un traitement spécifique

    Au cours de nos lectures, nous avons remarqué différents types de confrontation à des événements dits traumatiques. Face à ces différents événements Crocq175(*) dit qu'il faut un traitement spécifique car, selon lui, la pathologie psychotraumatique en général et celle de guerre en particulier, est une affection mentale qui se distingue des autres. Pour l'auteur, « La démarche reste psychothérapeutique mais elle se distingue des psychothérapies classiques sur plusieurs points. Elle doit être adaptée pour chaque catégorie de victimes : les survivants des camps, les rescapés de guerre, les victimes d'abus sexuel et de tortures »176(*).

    Un des enjeux de la prise en charge thérapeutique « sera de dénouer le noeud de ce qui ne peut être oublié et de ce qui ne peut être dit »177(*). Pour que la répétition cesse de surgir, le sujet semble-il doit pouvoir faire son deuil, car dans chaque traumatisme il y a perte d'objet, quelle que soit sa nature. « Il suffit que celui-ci soit investi narcissiquement pour que se ravivent en lui la douleur et la souffrance à chaque fois qu'il le rencontre »178(*).

    D'après Houbballah, toute la tâche de l'analyste consiste à délivrer son patient de cette captation imaginaire pour déclencher le processus de symbolisation. Car seule la parole peut aider le patient à faire son deuil, à retrouver sa place dans le temps et à voir renaître son désir.

    Du côté des enfants, Grappe dit que « ces enfants doivent être pris en charge dans un cadre institutionnel, bien encadrés, avec pour objectif premier : retisser des liens affectifs. Après une reprise de leur développement psycho-affectif, sortis de l'inhibition (condition de base à une élaboration du traumatisme), le passé pourra être partagé dans une relation thérapeutique » 179(*).

    Pour ces enfants qui sont devenu « tout d'un coup adultes », il faut arriver à les faire fantasmer, leur permettre de réintégrer leurs rêves d'enfants, les faire retourner à l'école plutôt que leur apprendre un métier, leur laisser ce temps de l'enfance.

    b.1 La neutralité ou la reconnaissance de la souffrance

    Face à ce genre de traumatisme, beaucoup d'auteurs renoncent à l'attitude de `neutralité bienveillante' et la thérapie prend une allure spécifique. La reconnaissance, le soutien, la manifestement de compassion, ...face à la victime deviennent indispensables.

    « L'abandon de la bienveillante neutralité au profit d'une position active du thérapeute positionné comme un allié aux côtés du patient, pour combattre l'influence du bourreau »180(*).

    F. Sironi se positionne contre ces auteurs qui préconisent une attitude qui tient compte de la `nature' du patient, car pour elle quand il s'agit d'une victime de traumatisme, il est hors de question d'adopter une attitude d''écoute', de `bienveillante neutralité', de laisser la place aux interprétations visant à subjectiver le vécu du patient. Ces positions laissent croire au patient `qu'il y est pour quelque chose' dans ce qui lui arrive.

    « La reconnaissance solidaire de la souffrance du sujet et de son préjudice, (...) croire de ce qu'elle dit et reconnaître l'expérience traumatique comme atteinte à son intégrité. Ceci est important et est indispensable au rétablissement de la confiance, des liens sociaux (...). Distinction claire et affirmée de l'agresseur et de l'agressé... »181(*).

    b.2 Le silence

    Selon les auteurs, il faut pouvoir mettre des mots sur ce que le sujet a vécu mais ceci est souvent un parcours très difficile et demande du temps. « Pour apaiser son âme meurtrie, il faut arriver à mettre des mots sur ses blessures et à parler de sa souffrance182(*). Pourtant, « rompre le silence implique un parcours, souvent long et douloureux ; il opère le dévoilement de l'impensable et permettra à chacun de donner `un sens à l'absurde catastrophe en retrouvant la continuité psychique entre le passé, le présent et l'avenir' » (Lindy, 1985). 183(*)

    Les causes de cette difficulté d'en parler est du au fait que «  beaucoup ont (...) du mal à parler de ce qui leur est arrivé ; certains auteurs ont interprété cette difficulté tantôt par l'impossibilité pour les survivants de témoigner de ce qu'ils ont subi, tantôt par leur difficulté à parler dans un contexte thérapeutique »184(*)

    Du côté de la relation patient - thérapeute, pour F. Lebigot185(*), surtout dans les premiers temps, il faut éviter les trop longs silences car ils font resurgir chez la victime des sentiments d'abandon, voire de détresse.

    b.3 La culpabilité

    Nous avons vu précédemment qu'un sentiment de culpabilité, souvent, irrationnel surgit chez la victime. Pour De Clerq186(*), les attitudes des proches de la victime ou des premiers intervenants rencontrés sont des facteurs déterminants concernant la culpabilité. En fait, le soutien, la déculpabilisation, par exemple : « tu n'es pas à blâmer, tu n'est pas seule, ... » sont des attitudes qui peuvent aider la victime pour se débarrasser de la culpabilité. Tandis que F. Lebigot187(*), concernant la culpabilité dans le sens large, dit que dans l'immédiat les thérapeutes qui essayent de déculpabiliser la victime comme par exemple « mais vous n'avez rien à vous reprocher, au contraire regardez le courage dont vous avez fait preuve » sont des erreurs et peut compromettre les soins ultérieurs. Le plus souvent de telles attitudes font taire le patient et manquent leur but comme la dédramatisation.

    b. Différents types d'approches

    c.1. La thérapie cognitivo-comportementale

    Cette approche classique considère que les symptômes sont des productions de réponses apprises. Au niveau du comportement, on essaye de désapprendre un comportement conditionné qui résulte du vécu traumatisant associé à une relaxation.

    Au niveau cognitif, on travaille sur les schémas de pensée qui ont changé par rapport aux croyances antérieures, c'est-à-dire, avant le vécu traumatique. Par exemple, un des symptômes qui appartiennent à la modification de la personnalité peut être la perte de la foi dans le monde.

    Cette forme de thérapie est utilisée surtout pour le traitement de l'anxiété, des troubles obsessionnels et des phobies.

    G-N. Fischer188(*) pense que ce type de thérapie qui est essentiellement fonctionnelle, réussit à faire disparaître les symptômes comme par exemple, l'anxiété, le sentiment de culpabilité, etc. ce qui permet une réinsertion sociale mais pas nécessairement guérir les effets traumatiques.

    c.2. La psychanalyse

    Certains psychothérapeutes utilisent les techniques d'inspiration psychanalytique classique. La désorganisation psychique suite à un traumatisme est considérée comme l'expression d'une névrose préexistante laquelle doit être traitée comme toutes les autres. D'autres auteurs comme F.Sironi, S.Amati, ...189(*) contestent ces points de vue de spécialistes en disant que on ne peut pas relier à leur personnalité antérieure, ni aux conflits psychiques inconscients liés à l'enfance la souffrance des survivants de l'Holocauste.

    Pour certains190(*) d'entre eux la névrose traumatique correspond à l'expérience vécue de l'effondrement de la loi qui nous renvoie à la question du père. Alors, il faut explorer les conflits psychiques anciens et les relier à l'expérience du traumatisme. « ...le trauma a réveillé au plus profond et au plus originaire de lui-même191(*) (...) l'image du père de la horde, violent et jouisseur, qui fait douter du père idéal, bienfaisant et rassurant, mais aussi la disqualification de la loi, qui fait douter de l'ordre symbolique du monde »192(*).

    D'après A.Houbballah « Face à qqn qui vient de subir un traumatisme grave, il n'y a pas de place pour l'interprétation : la victime cherche auprès du personnel soignant la compréhension de son état, la reconnaissance de sa souffrance et les moyens de l'atténuer... Dans le second temps seulement, dans ce que Freud appelait l' « après coup193(*) », l'analyste peut intervenir, car on est incapable de prédire ou de prévoir, après un traumatisme, ni les réactions du sujet ni le destin ultérieur de cet événement... »194(*)

    Tandis que Lebigot pense que le thérapeute doit se garder de faire des interprétations, sauf quand il a la conviction que le sujet était au bord de les faire lui-même. Nous pouvons donner un exemple que nous avons rencontré pendant que nous avons effectué le stage au centre Exil. Pendant un entretien avec une femme mariée qui avait été violée, elle relève un problème de mariage dans son pays en disant : « vous savez, chez nous, c'est la famille qui choisit le mari pour la femme. Bon, à un moment on s'habitue ». La dernière phrase répétée deux fois pour nous évoque qu'elle désir que nous continuions sur ce sujet.

    c.3. La méthode cathartique

    Certains spécialistes comme Crocq préconisent une psychothérapie basée sur la méthode cathartique195(*). Cette méthode s'appuyant sur l'approche freudienne, consiste à provoquer chez la victime une abréaction qui fait revivre l'événement traumatisant. Le but est de libérer la victime sur le plan émotionnel et de réinstaurer du sens. Cette méthode n'est pas une simple expression des émotions mais il s'agit de création et de prise de conscience d'une signification là où il n'y avait que le chaos et le non-sens, et l'adoption d'une nouvelle attitude vis-à-vis du trauma.

    Pour rappel, d'après Crocq le traumatisme est une expérience de non sens dans une existence jusqu'alors sensée. Il s'agit des bouleversements aux différents niveaux. « A l'instant de l'irruption traumatique, l'espace ordonné du monde physique bascule pour faire place au chaos ; les convictions narcissiques s'effondrent, laissant le sujet désemparé ; les valeurs essentielles de l'existence - paix, morale, prix de la vie et accessibilité au sens des choses - sont tout à coup déniées et remplacées par l'absence d'ordre, de cohérence et de signification. Le sujet entrevoit, sans y être préparé et sans pouvoir discerner plus nettement, non pas tellement sa mort (ou la mort de l'autre), mais sa disparition et son effacement de la vie, c'est-à-dire le retour au néant mystérieux et redouté, le néant, envers de la vie et des valeurs, non-sens »196(*).

    c.4. Ethnopsychiatrie

    F. Sironi, en s'appuyant sur l'ethnopsychiatrie, préconise une thérapie qui traite le rapport entre psychisme et culture chez les victimes. A partir de son expérience avec des migrants et des exilés notamment victimes de torture, de la guerre etc., elle déduit que le modèle psychanalytique qui tend à aborder le traumatisme comme une causalité interne, un conflit intrapsychique lié à la petite enfance est limité. Ces traumatismes ont été pensés, élaborés par des humains qui en connaissaient l'impact, alors Sironi prend en compte ce « tiers extrapsychique197(*) », la réalité concrète de la torture, de la guerre et définit ce genre de traumatisme comme la conséquence de l'influence et de l'intentionnalité malveillante de l'autre qui vise à briser, brouiller tous les repères, détruire les liens qui reliaient l'individu à son groupe d'appartenance et par lesquels une identité individuelle se construit, de la réduire à un être sans spécificité culturelle, sans singularité ce qui a pour effet la déstructuration de la personnalité initiale. La technique de la torture utilisée par le bourreau a une visée de produire une effraction psychique qui fait entrer en chacun l'autre que soi et le modifie radicalement au point que tout ce qu'éprouve et pense le sujet est en lien avec un autre, avec la manière dont l'autre l'a pensé, chosifié.

    Pour pouvoir traiter les victimes de torture, l'auteur pense qu'il est indispensable de comprendre l'intention du tortionnaire.

    « On ne peut traiter les victimes de torture si l'on ne s'intéresse pas au système qui produit la torture, si l'on ne s'intéresse pas à la fabrication des tortionnaires. Il est nécessaire de prendre en compte les processus qui sont à l'oeuvre dans toute modification délibérée de l'identité, ce que produit assurément la torture »198(*).

    L'auteur propose d'utiliser une technique thérapeutique qui vise à expulser l'ennemi, le « tortionnaire intériorisé » de soi. Pour le faire, au cours de la psychothérapie, « il est nécessaire de retrouver, avec les patients, les paroles que les tortionnaires ont prononcées pendant la torture »199(*)

    Cette technique thérapeutique comprend différentes phases ce que F. Sirroni200(*) appelle les étapes de la transformation:

    - La première étape s'appelle la `ré-humanisation' pendant laquelle le thérapeute tente de rétablir une ré-affiliation au groupe des humains, surtout pour des patients qui ont été chosifiés, pétrifiés et soumis à des violents processus de déculturation ;

    - La phase de « transition ». C'est un parcours où le patient peut retrouver le groupe d'appartenance, se situer de nouveau dans le contexte social, mais à une autre place que celle qu'il occupait auparavant ;

    - La phase d' « événements résolutoires ». C'est l'apparition d'événements importants car ils vont marquer un tournant décisif dans la vie des patients : mariage, déménagement, etc.

    - La phase d' « aboutissement de la transformation ». C'est la dernière phase qui correspond à la consolidation d'une nouvelle identité, car il acquière de nouvelles capacités et des nouvelles valeurs.

    Pour les exilés, l'auteur fait une remarque sur les facteurs surtout externes qui peuvent perturber ce processus thérapeutique. Par exemple, lorsqu'il y a des nouvelles alarmantes qui proviennent de leur pays d'origine (décès, emprisonnement, torture d'un membre de famille, etc.). Tandis qu'un facteur qui peut être très favorable, c'est la reconnaissance du statut de réfugié politique. Ceci est une profonde marque de reconnaissance de ce qu'ils ont vécu dans leur pays.

    c.5. Désensibilisation et reprogrammation par des mouvements oculaires : L'EMDR201(*)

    L'EMDR est une technique thérapeutique qui, par des mouvements des yeux rythmés, traite les traumatismes psychiques. Il s'agit des stimulations neuronales qui vont stimuler le processus naturel d'auto-guérison. D. S-Schreiber202(*) a utilisé cette technique chez des personnes traumatisées pendant la guerre au Kosovo et a obtenu des résultats positifs et parfois même extraordinaires. Pour l'auteur, il existe en chacun de nous un mécanisme de digestion du cerveau des traumatismes émotionnels. Ce mécanisme, il l'appel le « système adaptatif de traitement de l'information ». Suite à un événement traumatique, notre système nerveux est temporairement désorganisé. Il faut un certains temps pour retrouver l'homéostasie. Si l'intensité du traumatisme est très forte, ou si la victime présente une fragilité, l'information concernant l'événement traumatique au lieu d'être digérée, va être bloquée dans le système nerveux, gravée dans sa forme initiale, c'est-à-dire ancré dans le cerveau émotionnel, déconnecté des connaissances rationnelles.

    Notre cerveau émotionnel contrôle donc notre « rationnel » et notre volonté, mais grâce aux mouvements des yeux, on stimule d'une manière bilatérale les deux hémisphères cérébraux. Ainsi, une ouverture vers ce centre de contrôle nous est accessible. 

    « ...les mouvements oculaires facilitaient un accès rapide à tous les canaux d'association connectés au souvenir traumatique ciblé par le traitement. Au fur et à mesure que ces canaux sont activés, ils peuvent se connecter aux réseaux cognitifs qui, eux, contiennent l'information ancrée dans le présent. C'est grâce à cette connexion que la perspective de l'adulte (...) finit par prendre pied dans le cerveau émotionnel  »203(*).

    20. Le soutien social

    Les auteurs sont d'accord que le soutien social s'avère indispensable. Fischer nous indique que le soutien affectif de l'entourage a une fonction essentielle. Ceci « s'exprime à travers la qualité d'une présence et un ensemble de gestes simples qui sont comme de véritables remèdes pour revivre »204(*). Chez l'enfant, le rôle des parents est déterminant. Mais parfois, cela est impossible. Par exemple, une mère qui est prise elle-même par l'horreur, ne pourra pas aider son enfant. Au contraire.

    « Les gens qui viennent en aide aux victimes peuvent leur donner de l'information, leur tenir compagnie, les aider à voir la réalité en face, leur offrir du soutien affectif et leur fournir de l'aide financière ou un milieu de vie sûr (Everly, Flannery et Mitchell, 2000) »205(*).

    Tandis que Leyman et Lindell206(*) (1992) mettent en évidence 4 type de soutien que le monde social peut apporter à la victime :

    Type de soutien

    Description

    Émotionnel

    Estime, intérêt, écoute et attention portée surtout aux sentiments et aux réactions de la victime

    Appréciatif

    Comparaison sociale, affirmation et rétroaction visant à aider la victime à donner un sens à son expérience

    Informatif

    Conseils, suggestions, directives et information

    Instrumental

    Soutien matériel : argent, hébergement, temps ou efforts

    Certains auteurs207(*) pensent qu'il y a un effet bénéfique si la victime raconte son expérience à d'autres personnes et exprime ses sentiments. Cette attitude aide la victime à donner un sens à l'événement et à ses émotions et peut être aussi à se débarrasser des sentiments qui la troublent et à « comparer avec la réalité » ses pensées, ses actes et ses sentiments.

    Une autre source d'aide ou de soutien peut être apportée par d'autres victimes qui ont subi la même expérience. C'est un lieu ou la victime se sent comprise, acceptée et reconnue. « C'est là qu'il peut se sentir un peu chez lui, car il retrouve le monde de sa propre douleur »208(*). Ce type de soutien social a aussi une fonction socialisatrice.

    D'après de ce que nous avons rencontrés à travers des lectures, «... la relation définit une forme essentielle de la vie humaine ; apprendre à vivre s'exprime à bien des égards par la capacité de nouer des liens avec autrui ; ces liens renferment un potentiel qui montre à quel point chacun existe à travers l'autre et le contient en lui. (...) C'est dans la relation à autrui que chacun peut se construire ou peut être détruit. On comprendra alors qu'il y a blessure parce qu'il y a relation »209(*)

    21. La réparation

    Pour la personne lésée, l'enjeu fondamental qui permet d'accéder au processus de réparation, au rétablissement d'une Loi humaine en tant que préservatrice de la vie, c'est la reconnaissance collective de la réalité traumatisante, disent les auteurs. La violation explicite de la loi exige de justice, mais « la justice ne peut réparer que le réparable et il y a toujours une part d'irréparable »210(*). Pour cela, il faut laisser la mémoire faire son travail qui permet, au moins, l'apaisement et l'instauration d'une culture de la paix. Et pour que ce travail par la mémoire soit possible, la justice doit nommer les protagonistes : la victime et le coupable. « Ce premier acte est fondamental, il est peut-être même plus important encore que la sanction »211(*). Car, dans l'exigence de justice, se trouve une fonction réparatrice essentielle pour la guérison de la personne blessée.

    Voici un exemple que Luise Arbour, procureur du Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, nous fournit. « Après la guerre au Kosovo, au printemps 1999, une femme qui a vu son mari massacré sous ses yeux par les Serbes, a crié vengeance et a voulu se faire justice en cherchant `à tuer les serbes'. Ce besoin de vengeance était pour elle la seule solution acceptable à ses yeux. Mais voyant qu'elle ne parviendrait pas à ses fins, elle a demandé à rencontrer `cette femme juge' »212(*).

    Donc, l'horreur de la guerre révèle chez l'homme la partie le plus sombre en lui : haine, violence, vengeance. Pour que la Loi soit rétablie, la justice doit représenter une alternative à la vengeance. Elle doit faire son travail qui s'exprime par cette reconnaissance de la victime comme une personne lésée, sans aucune ambiguïté, et le coupable comme responsable de ses actes qui doit être condamné.

    Conclusion de la partie théorique

    Selon l'approche psychanalytique, ce qui fait trauma, c'est moins la violence de l'événement, que l'impréparation du psychisme à cet événement. Le plus souvent, le sujet y répond par effroi, sidération. A ce moment, il n'y pas d'angoisse, juste un blanc, un vide. L'état d'angoisse peut être considéré comme une capsule de protection contre cette sidération.

    Un sujet peut se sentir traumatisé mais pourtant ne pas évoluer vers un syndrome psychotraumatique. Ne confondons pas les concepts de traumatisme, de stress, de burn out, etc. Nous pouvons parler d'installation de syndrome psychotraumatique quand le psychisme n'arrive pas à intégrer l'événement. Il demeure alors comme un corps étranger au sein du psychisme.

    Les traumatismes causés par l'homme, particulièrement dans un contexte de guerre, ont impact profond sur la victime. Ils sont d'ailleurs plus difficiles à traiter car les lois fondamentales qui régissent l'être humain sont violées. Souvent, les victimes de guerre au Kosovo ont vécu plusieurs traumatismes : ils ont perdu leurs proches dans des conditions atroces, ils ne savent pas si leur proche est vivant ou mort ce qui complexifie le travail de récupération. Les traumatismes peuvent toucher ceux qui les subissent, en étant témoin ou en étant acteur. Les facteurs qui peuvent infliger un traumatisme seront divers et complexes. Ca dépend de brutalité de l'événement, ça dépend en quoi un événement peut être traumatique pour le sujet, c'est-à-dire qu'un même type d'événement peur être vécu différemment chez des sujets différents, ça dépend de sa « vulnérabilité psychique ». L'enfant n'est pas préservé non plus des traumatismes. L'âge joue un rôle, c'est-à-dire, un enfant qui n'a pas encore acquis le concept de la représentation de la mort va peut être le protéger. Cela reste pour nous une question à étudier.

    Le destin du traumatisé dépend aussi de plusieurs facteurs : de (non) l'accomplissement de ses projets de vie, du type de soutien qu'il a autour de lui. La culture du pays joue aussi un rôle important. Par exemple, nous avons vu que pour une femme violée au Kosovo, c'est un événement très pénible, très dégradant non seulement pour la femme, mais aussi pour sa famille et pour la communauté même. La pauvreté, la marginalisation, l'injustice, l'exclusion sont des facteurs autant traumatisants pour la victime. Pour l'enfant, la qualité de relation avec ses parents est cruciale. Une mère contenante, affective peut prévenir énormément de troubles chez l'enfant.

    La distinction claire entre la victime et le coupable et condamnation de ce dernier par la justice s'avère indispensable. Ceci est important pour le soulagement de la souffrance ainsi que pour annuler les affects pathologiques comme le sentiment de vengeance car la violence engendre de la violence.

    Les répercussions sur la victime semblent être multidimensionnelles. Le traumatisme touche la victime dans le champ individuel mais aussi dans sa dimension sociale, ce qui a comme conséquence la dégradation des relations qu'il entretient avec la société et elle avec lui. Un sentiment de culpabilité en rapport à l'événement, souvent irrationnel est associé au syndrome psychotraumatique: Pourquoi j'ai survécu quand mon camarade, mon enfant, etc. a péri la vie ?  Pourquoi n'ai-je pas fait autrement, etc. ? Ces « pourquoi » rongent l'intérieur de l'être de la victime. Les victimes disent qu'elles ont changé, qu'elles ne sont plus comme avant. Ceci est qualifié de changement dans sa personnalité ou régression qui se traduit par une hypervigilance, les sursauts, la dévalorisation systématique, un retrait social, l'irritabilité, la perte de goût pour la vie, des dépendances affectives, etc. Chez les enfants plus petits, on retrouve des régressions psychoaffectives se manifestant par l'énurésie, vouloir dormir dans la chambre avec ses parents, etc. Chez les plus grands on trouve des troubles de comportement. D'autres symptômes non spécifiques tels que des asthénies, l'anxiété, les différents troubles psychonévrotiques, psychosomatiques, troubles de conduites peuvent également être présents chez la victime.

    Nous avons remarqué que la mémoire d'un sujet traumatisé est altérée aussi. Un des symptômes principaux du syndrome psychotraumatique sont différentes formes des réviviscences intrusives. Le responsable de ces réviviscences semble être la pulsion de mort. Le but de cette pulsion de mort est un retour à l'inanimé qui permet au sujet d'annuler la souffrance. La pulsion de mort aurait-elle une visée d'intégration de l'événement ? Cette conception n'est pas retenue par les auteurs contemporains ! Nous trouvons raisonnable par la simple logique que la pulsion de mort ne peut avoir un rôle qui tend vers la vie, au contraire. Freud n'a pas pu donner une explication claire et définitive à ce sujet.

    Les victimes mettent en place des mécanismes de défense pour se protéger de l'événement douloureux. Les principaux seront le clivage et le déni. Cependant, nous avons vu que plus l'événement est douloureux, plus ces mécanismes s'avèrent inefficaces. Le seul chemin à entreprendre sera la « métabolisation » de l'événement.

    L'altération de la mémoire d'un sujet traumatisé est marquée aussi par des amnésies, que ce soit des amnésies de la vie quotidienne ou des amnésies concernant d'un moment particulier de l'événement traumatique.

    Pour un sujet qui se trouve affecté par un événement potentiellement traumatique, plus la prise en charge est précoce, plus il y a des chances de prévenir les troubles. L'intervention juste après le vécu ou/ et les jours qui suivent (durant la première semaine) est très importante pour cette prévention213(*).

    Nous avons vu que la relation entre le thérapeute et son patient est spécifique. Le thérapeute doit laisser de coté sa neutralité et donc, exprimer de l'empathie et reconnaître la souffrance de son patient. Différentes approches thérapeutiques sont mises en évidence pour la prise en charge à long terme de la victime. Nous nous sommes sceptiques pour ceux qui pensent que les thérapies classiques sont suffisantes pour soigner une victime de traumatisme de guerre à cause de la violence extrême de l'événement. Concernant la thérapie par des mouvements oculaires, nous ne prenons pas de position car c'est une approche qui est basée sur le fonctionnement physiologique du cerveau dont nous n'avons pas de connaissances suffisantes. Par contre, dans les cas des traumatismes induits délibérément comme c'est le cas de la torture et du viol, nous avons trouvé intéressant l'approche de Sironi qui prend en compte l'intentionnalité de bourreau et par là, cherche à l'extraire du psychisme du patient.

    P A R T I E P R A T I Q U E

    Chapitre I : Méthodologie

    1. Introduction

    Au début de notre travail pratique, notre recherche était orientée vers des personnes qui souffraient d'un syndrome psychotraumatique issu de la guerre. Mais notre demande s'est heurtée à la réticence des professionnels en raison de la fragilité que ces personnes présentaient. Ainsi avons-nous dû changer l'échantillon de notre recherche : Nous nous sommes dirigées vers les professionnels (MSF, Croix-Rouge) qui ont été dans ce pays pour offrir d'aide psychologique. Ceci a été également impossible car à ces moments, ces personnes se trouvaient sur le terrain. En fin, nous nous sommes tournés vers des centres de santés mentales c'est-à-dire, vers les professionnels qui s'occupent spécialement des réfugiés. Il nous a semblé judicieux que notre échantillon se compose de professionnels qui suivent de façon thérapeutique les réfugiés victimes de la guerre.

    Notre recherche vise à comprendre la notion du traumatisme psychique de guerre et de mettre en évidence les répercussions sur les victimes ainsi que les symptômes observés. La démarche de notre recherche se focalise sur le processus que le psychisme met en oeuvre dans la répétition des vécus traumatiques. Ainsi une série de questions nous sont-elles venues à l'esprit. Dans le suivi thérapeutique, comment pouvons-nous aider ces victimes dans leur souffrance ? L'environnement social (société, famille, amis, etc.) peut-il exercer une influence positive ou négative sur la souffrance psychique des victimes ? La réparation symbolique peut-elle atténuer leur souffrance ?

    Pour nous aider dans notre recherche pratique, nous avons choisi comme procédure l'entretien semi-directif. Celui-ci nous permet, d'une part, de récolter une série d'informations intéressantes et, d'autre part, par le biais des questions ouvertes, de laisser les professionnels s'exprimer plus librement.

    Nous avons choisi des questions qui reprennent le vécu de la victime mais qui permettent également d'avoir une idée plus précise du concept de traumatisme et, notamment, le traumatisme de guerre. Néanmoins, nous nous sommes rendu compte que cette notion est forte complexe, très riche et fort variée. De ce fait, il nous est impossible de pouvoir tout aborder dans notre recherche. Néanmoins, nous espérons apporter un maximum d'éléments pour comprendre la notion du traumatisme ainsi que les répercussions qu'il entraîne chez les victimes.

    Dans un premier temps, nous présenterons brièvement les réponses des professionnels pour, ensuite, effectuer une analyse transversale des réponses. Nous soulignerons les concordances ou désaccords en lien avec les théories que nous avons exposées dans notre partie théorique.

    2. Les questions

    Lors de la rencontre avec les professionnels, nous leur avons posé les questions suivantes :

    1. Quelle est votre définition du « traumatisme psychique » ?

    2. Y a-t-il des différences entre les traumatismes causés par des événements naturels et les traumatismes infligés par l'homme?

    · En situation de guerre, pensez-vous qu'il y ait des différences de répercussion lorsque la victime perçoit directement l'intention de faire mal de la part de l'ennemi (contact direct) et lorsqu'elle ne peut le percevoir (explosion d'une bombe) ?

    · Lorsqu'on ne connaît pas le sort de l'être cher après un enlèvement, quelles sont alors les difficultés dans le travail de deuil ?

    3. Au moment de l'effroi le sujet se sent-il extrêmement abandonné ?

    4. Quels symptômes vous avez rencontré chez ces patients ?

    · Pensez vous que certains traumatisés présentent une régression psychoaffective ?

    5. En cas de traumatisme de guerre, qu'est-ce qui fait que le psychisme ne cesse de se rappeler ?

    · Avez rencontré des patients qui ont oublié les moments de l'événement traumatique ou des moments fortement chargé émotionnellement ?

    6. Ces personnes éprouvent-elles des difficultés à parler du traumatisme vécu ?

    7. Comment aider au mieux ces victimes ? Quelle théorie vous aide pour votre pratique ?

    8. Quelle importance a le soutien social dans l'accompagnement de la victime ?

    9. Est-ce que le concept de «  résilience » vous est utile pour penser votre pratique ?

    10. La reconnaissance sociale est-elle une voie vers la réparation ?

    3. Constitution de l'échantillon

    Notre échantillon est constitué de quatre professionnels. Ils travaillent dans un centre de santé mentale où sont accueillis des réfugiés politiques, des demandeurs d'asile en cours de procédure, des demandeurs d'asile déboutés et/ou des personnes exilées au statut de séjour précaire, irrégulier, ou illégal. Tous ces centres offrent des consultations gratuites aux patients qui ne bénéficient pas par l'état une aide ainsi que recours à un interprète de la prise en charge.

    Pour des raisons déontologiques, nous nommerons les professionnels par une lettre, comme suit :

    a. Professionnel A.

    b. Professionnelle B.

    c. Professionnel C.

    d. Professionnel D.

    Le professionnel A. est d'origine africaine. Il est licencié en psychologie (en 1993) et a effectué son doctorat en psychologie en 1998. Il est psychologue clinicien dans un service de santé mentale depuis cinq ans. Le centre se base sur une approche multidisciplinaire. Ce service a une population multiculturelle et une population belge de souche. Il accorde une importance particulière aux exilés victimes de la guerre. La méthode de travail de sujet A se base sur la théorie psychanalytique. Le centre met en place différentes activités pour ces patients telles que groupe de parole, etc.

    La professionnelle B. est psychologue clinicienne.

    - Elle travaille depuis 15 ans toujours en rapport avec la violence.

    - Elle a fait plusieurs formations : systémique, psychanalytique, etc.

    - Elle est enseignante dans le domaine d'ethnopsychiatrie et formatrice pour des groupes dans le domaine de maltraitance.

    - Elle est responsable (coordinatrice) clinique depuis 10 ans dans un centre de santé mentale pour des réfugiés, notamment dans le cadre « enfant - famille ».

    - Elle a une approche systémique du traumatisme.

    - le centre met en place différentes activités pour ce type de population : groupe de parole, parrainage pour les enfants et adolescents qui se trouvent sans parents ;

    Le professionnel C. est psychiatre.

    En 1979 il a terminé ses études en médecine générale. Il est venu en Belgique en 1996. Entre 88-89, il a fait sa spécialisation en psychiatrie à ULB. Il a été directeur médical dans un hôpital (service de neuropsychiatrie) au Rwanda. De 2000 à 2003, il a fait une formation psychothérapeutique de l'orientation systémique (thérapie familiale) en Belgique. Il travaille depuis 2000 dans un centre de santé mentale à Bruxelles. Il est également responsable des programmes concernant les adolescents.

    Ce centre s'occupe uniquement des immigrants et spécialement des réfugiés politiques et victimes de la torture. C'est un centre qui offre aux patients des consultations médico-psycho-social individuelles, des espaces de soutien psychothérapeutiques en groupes ainsi que des espaces de thérapies alternatives pour les enfants, les adolescents et les familles.

    Le professionnel D. est psychologue.

    Il a travaillé pendant des années dans un cadre de thérapie institutionnelle. Depuis 2001, il travaille dans un centre de santé mentale où sont accueillies des personnes exilées. Ce service est spécialisé dans l'accompagnement psychosocial et psychothérapeutique. La prise en charge de la problématique de la personne est globale, n'excluant pas l'engagement actif de l'intervenant, travail de réseau et de relais approfondis avec des partenaires multiples : social, juridique, administratif, médical, éducatif, professionnel.... Une attention particulière est accordée à la précarité du statut et des conditions d'existence de cette population.

    Au niveau thérapeutique, il utilise l'orientation psychanalytique et institutionnelle.

    4. La passation

    Avec les professionnels, nous avons pris contact par téléphone. Après avoir exposé notre objectif de recherche, nous leur avons demandé si nous pouvions les rencontrer afin de procéder à un entretien le plus précis et le plus complet possible. Ils ont accepté sans hésitation et ils ont fixé les rendez-vous selon leurs disponibilités. Nous avons été accueillis sur leur lieu de travail et nous avons effectué deux entretiens avec deux d'entre eux. Pour les professionnels B. et D, nous les avons rencontrés une seule fois en raison de leur emploi du temps chargé. Mais ils nous ont proposé de compléter nos questions via email. Les entretiens ont été enregistrés avec leur accord et chaque entretien a duré soixante minutes. Après avoir réuni toutes leurs réponses, les professionnels avaient également la possibilité d'ajouter ou de vérifier leurs commentaires par le biais d'email ou de façon directe.

    Avec certains professionnels, nous avons donné libre cours au débat autour du traumatisme en raison de notre intérêt pour ce sujet. Ceci nous a obligés à effectuer d'autres entretiens à cause de manque du temps pour poser toutes les questions que nous avions préparées. Nous les remercions pour l'aide et l'amabilité qu'ils ont nous accordées.

    Chapitre II : Les entretiens

    Professionnel A 

    1. Quelle est votre définition du « traumatisme psychique » ?

    Le traumatisme psychique survient quand l'individu n'arrive pas à supporter un événement qui sera très douloureux pour lui. Ceci crée une effraction (déchire l'enveloppe protectrice) au sein du psychisme.

    En une situation de guerre, les types d'événement qui peuvent déclencher un traumatisme psychique se présentent de façons très différentes. Ceci varie en fonction des gens et en fonction des situations où les personnes se sont trouvées. « Vous savez la guerre s'accompagne de beaucoup de violence : toujours des morts, des deuils, des pertes, et parfois aussi des blessures personnelles, des viols et surtout c'est la foi en l'homme qui est ébranlée. Je pense personnellement que c'est un trait essentiel qui signe les traumatismes événementiels qui a fait des blessures, qui a fait irruption dans l'histoire du sujet parce que la personne n'arrive pas à la cicatriser ».

    A partir de son expérience clinique, le sujet ajoute qu'il y a aussi d'autres traumatismes qui ne concernent pas les guerres. « On voit des gens qui traînent des blessures profondes mais qui n'ont pas affronté la guerre. On peut être blessé par n'importe quoi à la limite : un mauvais regard, un manque d'affection, une perte ».

    2. Y a-t-il des différences entre les traumatismes causés par des événements naturels et les traumatismes infligés par l'homme?

    Le sujet fait une distinction entre ces deux types de traumatismes. La différence réside dans le fait du destinataire. « Au niveau de la souffrance que les gens ont, le destinataire vers qui on relie ce qui est arrivé, dans une catastrophe naturelle, s'il sont croyants, ils peuvent renvoyer cela à Dieu, à la malchance, au hasard. Mais quand c'est l'homme, souvent un voisin, qui a infligé de grandes souffrances, la douleur est plus vive, plus profonde. Non seulement la personne est blessée dans son corps, dans son psychisme, mais il y a quelque chose qui se déchire au niveau de la confiance en l'homme, en l'être humain tel quel.

    Face à ce deuxième type de traumatisme la démarche la plus difficile dans l'accompagnement de ces personnes est de recréer cette confiance en l'homme. « On rencontre des gens qui n'osaient plus se confier à quelqu'un, entrer dans une relation affective parce que ce qu'ils ont vécu les a convaincus de la nature profondément cruelle et décevante de l'homme. Il y a quelque chose de plus parce qu'elle attaque la foi de l'être humain en un autre humain. C'est une confrontation à sa propre insignifiance ».

    A part être confronté à un anéantissement, il y a d'autres traumas (torture, viol, ...) qui confrontent les victimes en une sorte de chosification de leur être. Des gens qui les prennent pour un objet, pour une chose où la personne est réduite à moins que rien ; il y a quelque chose qui s'effondre dans leur dignité, dans leur être.

    · En situation de guerre, pensez-vous qu'il y a des différences de répercussion lorsque la victime perçoit directement l'intention de faire mal de la part de l'ennemi (contact direct) et lorsqu'elle ne peut le percevoir (explosion d'une bombe) ?

    Les traumatismes n'ont pas la même gravité au fond. Dans le premier cas, c'est plus compliqué à cause des situations d'humiliation, de douleur, d'impuissance, etc. Mais,  dans les situations de guerres, le fait de voir ta maison brûler, d'être dans une situation de perdre tous tes biens etc. sans que tu puisses adresser ta plainte, réclamer un préjudice sont aussi traumatisantes ».

    Néanmoins, le sujet nuance les effets traumatisants. Il est évident que quelqu'un qui tue un enfant devant son parent, le mettant dans l'impuissance de sauver son enfant, est extrêmement pénible. De voir l'appel d'un enfant et de ne pas pouvoir y répondre ; il y a une sorte de déception par rapport à sa responsabilité en tant que père. Le bourreau attaque sur plusieurs fronts. « Il ne fait pas seulement mal à l'être humain mais également au père, dans son rôle de patriarche protecteur ». Le sujet est d'accord sur le fait que les traumatismes se compliquent avec tous ces sentiments : de l'impuissance, mais aussi parfois de la trahison, de la lâcheté. Il a des patients qui disent « j'aurais préféré mourir », etc.

    Le sujet souligne aussi les facteurs constitutionnels qui interviennent chez les individus pour faire face à un événement traumatisant. « Il y a un élément important et qui reste obscur, c'est le psychisme de chacun ». Pour lui, les événements ne sont pas traités de la même manière chez les personnes. Pour certains c'est supportable, ils arrivent à oublier et pour d'autres cela restera indépassable. Donc, on ne peut pas se baser uniquement sur des faits.

    Le sujet continue en disant qu'on rencontre des personnes qui ont subi de grandes violences. Ils ont assisté à la mise à mort de leurs parents, ce qui leur a fait très, très mal ; ils ont été en danger de mort eux-mêmes, ce qui les a aussi fort secoués mais la chose qui leur a fait le plus mal et qu'ils n'arrivent pas à se pardonner, c'est de n'avoir pas pu enterrer dignement ces gens là (leur père, leur mère, ...).

    Le sujet termine en parlant de la douleur, « chaque traumatisé est le baromètre de sa douleur. On ne peut pas hiérarchiser. C'est au cas par cas ». Il y a des gens qui ont perdu peu mais qui sont affectés profondément et d'autres arrivent à relativiser. Cela dépend des ressources dont chaque personne dispose pour faire face, de ses croyances, du soutien qu'elle a autour d'elle.

    · Lorsqu'on ne connaît pas le sort de l'être cher après un enlèvement, quelles sont alors les difficultés dans le travail de deuil ?

    Il est évident que d'avoir vu un être cher et d'avoir pu l'accompagner dans ses derniers moments aide à faire le deuil. Dans le cas d'une disparition, c'est un deuil difficile parfois même compliqué. Certains peuvent même évoluer vers des deuils pathologiques. C'est très difficile de terminer un travail de deuil dans ces conditions car la personne n'est ni morte ni vivante. Les proches du disparu sont entre l'espoir et la déception.

    3. Au moment de l'effroi le sujet se sent-il extrêmement abandonné ?

    Pour le sujet, c'est ça qui fait le trauma. « Les blessures physiques font mal, mais je crois que ce qui fait que la blessure physique devient indépassable c'est le contexte. Vous la subissez dans une situation de total abandon. Dieu lui-même vous laisse tomber. Vous n'avez personne à qui vous adresser pour arrêter ça, à adresser votre demande de secours. Vous êtes seul devant votre bourreau qui dispose de vous comme il veut. Il y a quelque chose de plus révoltant, c'est explosant, car vous êtes accroché aux parois du néant ».

    4. Quels symptômes vous avez rencontré chez ces patients ?

    A part les reviviscences, d'autres symptômes peuvent affecter ces personnes. Par exemple elles deviennent tout d'un coup apathiques, elles doutent de tout, elles n'osent plus rien faire.

    Le sujet illustre notre question par un cas clinique : « ...la personne était devenue très, très activiste. Elle était tout le temps en train de faire quelque chose. Elle ne supportait pas le moindre échec. Elle devait toujours réussir. Mais en même temps, on voyait qu'il y avait une très, très grande souffrance. Elle était devenue allergique aux critiques ».

    Le sujet nous parle aussi de certains symptômes chez des femmes violées. « Ce qui est très fréquent, c'est la perte de l'amour, l'incapacité d'avoir des relations sexuelles avec un homme car elles rappellent le grand trauma. Ceci engendre des problèmes dans le couple. Il y a des femmes qui n'arrivent pas à s'imaginer se remettre avec un homme. Il y a quelque chose qui se casse dans la confiance en l'autre ».

    · Pensez vous que certains traumatisés présentent une régression psychoaffective ?

    « J'ai eu des patients qui dans la posture, dans la position, dans les attitudes corporelles se présentent démunies comme si elles revenaient à l'enfance. Je me souviens d'un homme qui prenait des postures de foetus, recroquevillé sur lui-même, des comportements inadaptés ».

    D'autres types de régression, le sujet a remarqué d'autres sortes de demandes qui paraissent être des demandes d'enfant, des demandes d'affection, d'amour, une sorte de demande de reconnaissance du mal qu'ils ont subi.

    Le sujet nous parle aussi de la position de victimisation. « Ce que j'observe aussi chez certaines personnes, pas chez toutes, c'est une sorte de fixation dans une position de victime qui cherche réparation, qui cherche une identité de la victime, et là, c'est un mauvais pronostic. On essaye de dépasser ça. Que la personne ne reste pas à ce stade uniquement de victime, qu'elle essaye de prendre un rôle actif, responsable, non de ce qu'il lui est arrivé mais, de sa vie. Non pas quelqu'un qui cherche uniquement assistance et justice mais quelqu'un qui reprend sa vie en main. Reconnaître qu'elle est victime mais la sortir de cette position de victime ».

    5. En cas de traumatisme de guerre, qu'est-ce qui fait que le psychisme ne cesse de se rappeler ?

    Pour le sujet, la question est assez complexe et il pense qu'il y a encore une grande part de mystère autour de ce phénomène. « On ne maîtrise pas par quel processus exactement ces phénomènes s'imposent à la conscience ». Il est évident qu'il y a une mise en échec du processus de contrôle des éléments stockés dans la mémoire. « Dans des conditions normales, on utilise les éléments stockés quand on en a besoin. Alors que dans le cas d'un traumatisme, ce processus de stockage déraille et les éléments n'arrivent pas à être stocké mais ils s'imposent, ils envahissent la mémoire de telle manière qu'ils deviennent perturbateurs ».

    Le sujet est en accord avec l'avis de Jacques Roisin. Pour cet auteur, les réviviscences sont l'oeuvre de la pulsion de mort et une fascination de la personne par rapport à son propre anéantissement. Le sujet dit que « peut être banalement lorsque vous avez vécu quelque chose d'extrêmement violent, ça s'imprime en vous, c'est tellement fort que vous ne pouvez vous en passer ». Ces reviviscences constantes de scènes violentes qu'a vécu la victime, qui s'imposent par des flashs back, dans des cauchemars, etc., le sujet les voit comme une incapacité de digérer l'événement car c'était trop fort pour lui.

    Quoique, le sujet, se réfère plutôt à la pratique. Il dit que « mes meilleures références ce sont les patients ; les patients qui racontent comment ils vivent ça. Parfois je n'arrive pas bien à comprendre mais je leur fais confiance ».

    · Avez rencontré des patients qui ont oublié les moments de l'événement traumatique ou des moments fortement chargé émotionnellement ?

    Le sujet a rencontré des patients victimes de traumatismes qui présentent des amnésies. Le sujet met en évidence des problèmes que rencontrent certains demandeurs d'asiles liés à ces amnésies. « Dans des situations dramatiques, cette amnésie était la cause de leur refus d'être reconnu comme réfugié parce que des éléments essentiels dans leur histoire étaient effacés, comme dit Lacan : `il y avait des blancs, des vides dans leur histoire' ». Parfois, l'Office des Etrangers envoie des demandeurs d'asile chez des psychologues avec l'espoir que le psy aide à combler ces vides. Mais, pour le sujet, ce n'est pas le rôle du psy de lever ces amnésies car ce sont les mécanismes de défense que ces gens développent qui sont en jeu. « L'inconscient essaye d'éliminer cet intrus parce que c'est trop douloureux pour eux. L'oubli névrotique n'est pas la même chose que l'oubli de nom d'une rue, d'un numéro de téléphone. Dans le traumatisme, il y a une sorte de volonté d'oublier, une sorte de processus actif d'éloignement de quelque chose qui est affectivement pénible et qui, évidemment, revient toujours clandestinement d'une manière symbolique : dans les rêves, les actes manqués, etc. ».

    Nous voyons que le sujet préfère de ne pas lever ces amnésies mais il s'interroge énormément à ce sujet. « Ici ça pose une question délicate sur le plan pratique : est ce qu'il faut aller fouiller, les aider à se rappeler pour analyser ou bien vaut- il mieux respecter ce mécanisme qu'ils ont mis en place pour se protéger ? ».

    6. Ces personnes éprouvent-elles des difficultés à parler du traumatisme vécu ?

    Au départ, ces personnes viennent souvent pour autre chose. « Parois il y a des plaintes d'incapacités, des blocages dans certains domaines parce que ça se manifeste souvent ailleurs. Ca peut être psychosomatique, ça peut être des échecs, des problèmes professionnels, etc. ». Mais parfois, le sujet affirme que ce sont des situations vraiment délicates. D'après ses dires, nous sommes en face d'une ambiguïté de la demande d'aide. Il y a une volonté voir un psy régulièrement mais il ne souhaite pas parler de ses vécus traumatiques. « J'ai vu des réfugiés rwandais qui ont échappé au génocide et ne souhaitaient pas aborder, en tout cas pour longtemps, ce qu'ils avaient vécu. On parlait de la difficulté de la survie ici, des vexations, des problèmes administratifs, de racisme, de l'incapacité à trouver un logement, des problèmes des enfants, d'emploi, des papiers. Mais on sent que ce qu'ils ont vécu au départ fait le lit, c'est le soubassement ».

    Souvent ces patients ne parlent qu'après longtemps de leur vécu traumatique. Le sujet souligne qu'il faut respecter le rythme des patients. « Dès le début, on est obligé de faire preuve de réticence au niveau de la volonté de savoir. On ne souhaite pas et on ne fait rien pour que la personne aborde cela. Nous attendons que la personne elle-même sente la nécessité d'en parler, se sente mûre psychiquement pour l'aborder. On lui offre un lieu pour aborder quand elle sera prête, et ça peut être très long ».

    Le sujet met en évidence les problèmes rencontrés par ces patients avec le commissariat dû à cette volonté du patient de ne pas en parler. Le commissariat exige que la demande d'asile soit justifiée selon leurs critères. Alors, pour le faire, ils les envoient chez le psy avec l'espoir qu'ils pourront faire parler ces personnes. Mais « ça m'est arrivé avec un demandeur d'asile qui ne souhaitait pas aborder ses vécus. Jean Claude Metraux utilise le terme de « deuil gelé ». C'est-à-dire que les personnes ont préféré le mettre au frigo. Il ne faut pas le dégeler non plus. C'est à eux de sentir le moment pour le faire ».

    7. Comment aider au mieux ces victimes ? Quelle théorie vous aide pour votre pratique ?

    Il n'y a pas de recette, c'est vraiment dans notre pratique que la personne doit sentir la récupération, le soulagement. Dans un premier temps, le sujet essaye de voir d'abord ce qui est en jeu chez son patient, dans son symptôme douloureux qui suit des événements extrêmement violents. « Moi je l'analyse en me référant à la psychanalyse. Sur les mécanismes de culpabilité par exemple, des mécanismes de déni, des mécanismes de perte de confiance en l'humain ». Le sujet pense qu'il y a un temps psychique pour digérer certains événements et qu'il ne faut pas se précipiter à vouloir supprimer les symptômes tout de suite. « Moi je respecte le rythme des gens. Ensuite, le sujet met l'accent sur l'empathie et la confiance. «  Dans les cas que j'ai suivis, la première chose pour moi, était de créer une sorte d'empathie, de leur donner confiance car chez ces personnes, c'est la foi en l'être humain telle quelle qui s'écroule ».

    Reconnaître la souffrance de ces personnes est aussi une composante qui doit être incluse dans la démarche thérapeutique. « On ne peut pas rester neutre devant certaines choses. Comment peux-tu rester neutre devant des crimes pareils ?  Reconnaître que ce qu'il a vécu est vraiment abominable, et de lui donner la possibilité de réaliser d'abord cela et de l'accepter à la limite, non pas de l'accepter parce que c'était juste mais c'est fait, c'est fait. C'est un fait, c'est abominable mais qu'est ce que tu voudrais faire ? On ne peut plus changer ce passé là ».

    « Ce qui est le plus douloureux chez les victimes, c'est que la communauté internationale était là ; mais on a massacré et personne n'a réagi, ou on a réagi trop tard, ou trop faiblement. Il y a quelque chose qui nous interpelle comme humain sur le plan éthique et qui nous oblige à protester contre ces barbaries. Je crois que c'est notre devoir de thérapeute de témoigner en tant qu'être humain que ce qui leur a été fait est inacceptable ».

    8. Quelle importance a le soutien social dans l'accompagnement de la victime ?

    Le sujet n'a pas de réponse catégorique. Il dit que d'après la littérature le soutien social aide mais lui met des points d'interrogations. D'après ses observations, ça ne peut aider que des gens qui ont déjà des ressources. « On voit ceux qui participent à des groupes de paroles, qui ont des contacts avec d'autres mais qui ne s'en sortent jamais ». Si l'entourage a une bonne manière de faire, dans certains cas ça peut aider mais si par contre il a une approche inadéquate, ça peut aggraver encore plus, c'est-à-dire rendre la souffrance encore plus grande. Le sujet dit qu'il y a des cultures qui prohibent, qui négativisent le fait d'exprimer des souffrances de cette nature. « Tu dois les digérer, tu dois les supporter et faire face, et montrer un visage digne ». Notre sujet prend l'exemple du Burundi et du Rwanda. Dans ces pays, souvent, un homme ou une femme digne ne va pas raconter ses misères aux autres. Il doit assumer. Parfois, dans certaines situations, ça peut marcher, parfois il faut un long délai pour qu'il y ait une confiance entre les gens.

    9. Est-ce que le concept de «  résilience » vous est utile pour penser votre pratique ?

    Tout dépend de l'histoire des gens et de leurs ressources. « On voit des gens qui dépassent ces traumatismes. Où trouvent-ils ces ressources ?

    Le sujet pense que les facteurs très importants qui font développer la capacité de résilience sont ceux où l'enfant s'imprègne, s'alimente. « La résilience ne doit pas être une capacité personnelle privée interne mais ça doit être quelque chose qui résulte d'une situation. La résilience est contextuelle ». Toutes les personnes qui sont autour de l'autre : un ami, un prêtre, une référence par laquelle on est imprégné. « Ce référent qui t'a marqué, qui t'a transmis quelque chose de fort, reste référent même s'il n'est pas présent ». Bref, d'après le sujet, il y a toute une complexité des facteurs qui font que certains s'en sortent et d'autres pas.

    Parfois, le traumatisme vécu donne une autre orientation de vie à ces personnes. « Certains s'orientent vers l'église, d'autres dans des associations humanitaires, caritatives, etc. Il y en a d'autres qui s'alimentent par le support social, « les appuis qu'ils ont autour d'eux, qui les aident, qui leur donnent de la confiance en l'homme, etc. ». Mais il y a d'autres aussi « qui n'y 'arrivent pas, qui sombrent dans l'alcoolisme, dans la dépression, qui n'arrivent pas à se stabiliser dans un emploi, etc. ».

    Pour les personnes traumatisées qui se trouvent en exil, le sujet met l'accent sur une autre composante, celle de l'espoir. « Je me dis souvent que pour ces personnes qui ont réussi à arriver ici, la vulnérabilité se trouve surtout au niveau de l'espoir. Les gens viennent avec l'espoir que plus jamais ça, qu'on va entrer dans un monde de justice, d'équité, d'amour, etc. et quand ils arrivent ici, souvent ce n'est pas ça. Une fois que ce monde juste déçoit, que ce n'est pas du tout ce qu'ils avaient espéré, certains vont être profondément déçus et blessés ».

    10. La reconnaissance sociale est-elle une voie vers la réparation ?

    Il y a des faits qui sont l'horreur absolue et qu'on ne sait jamais réparer. « Quand quelqu'un tue votre père, votre mère, votre enfant que vous aimez le plus au monde, comment peut-il réparer ça ? Il ne peut pas ». Mais, une chose qui aggrave la souffrance, est quand cet autre ne reconnaît même pas le mal qu'il a fait. Le sujet pense que la victime est en partie soulagée lorsqu'il y a une reconnaissance que ce qui a été fait est inhumain.

    Tandis que dans le sens de réparation proprement dit, pour le sujet, il y a des réparations là où la victime rend possible la réparation, entreprend la démarche de réconciliation. Parce que si c'est le bourreau lui même qui le fait, quand la victime n'est pas prête, ça ne change rien. Le sujet s'appuie sur ses observations au Rwanda. Il dit qu'on a condamné à mort certains auteurs du génocide. Le but était de les punir mais en même temps, il y avait un sens de réparation. Pourtant, certaines victimes n'étaient pas soulagées car on les a tués sans souffrir ce qui était le contraire de ce que les victimes elles-mêmes avaient vécu de la part de leurs bourreaux.

    Le sujet fait une remarque sur le rôle du clinicien. « Le clinicien ne doit pas bloquer le travail que la personne elle-même peut faire. Le travail de maturation. C'est à la personne elle même de condamner, de pardonner ou de faire la démarche ».

    Professionnelle B

    1. Quelle est votre définition du « traumatisme psychique » ?

    Le traumatisme est une notion liée à la rupture dans la trajectoire de la personne à 3 niveaux  niveaux :

    - Rupture de l'enveloppe physique et/ou psychique de l'individu. Confrontation à la mort, douleur extrême avec atteinte du point de rupture.

    - Rupture des liens familiaux, communautaires et sociaux : perte des liens concrets et symboliques qui permettent normalement de faire face à la douleur et de donner du sens aux expériences.

    - Rupture liée à l'exil : précarité sociale, rejet, racisme...

    Pour notre sujet, le traumatisme ne concerne pas seulement à la guerre. D'autres événements peuvent provoquer aussi de traumatismes tels que maltraitance dans l'enfance, etc.

    2. Y a-t-il des différences entre les traumatismes causés par des événements naturels et les traumatismes infligés par l'homme?

    Il faut distinguer sûrement au niveau du contenu des traumatismes liés à la guerre, à une catastrophe naturelle ou à un inceste exemple.

    « Leonor Terr a distingué traumatismes de type I et de type II, le type II étant induit dans le cadre d'une relation interpersonnelle et provoquant des dégâts en profondeur.  Par exemple, dans le cadre de la torture : l'autre est déshumanisé, c'est justement ce qui permet de torturer. Pour pouvoir torturer, il faut couper le mouvement empathique naturel qui existe chez l'humain. Il faut le couper par une mystification : c'est un chien, c'est une merde, un inhumain,... ce qui permet de torturer et détruire ». Tandis que dans une catastrophe naturelle, dit notre sujet, il n'y a pas de responsabilité humaine, ni d'intentionnalité, cela change les choses.

    · En situation de guerre, pensez-vous qu'il y a des différences de répercussion lorsque la victime perçoit directement l'intention de faire mal de la part de l'ennemi (contact direct) et lorsqu'elle ne peut le percevoir (explosion d'une bombe) ?

    La bombe a été lâchée dans l'intentionnalité de détruire aussi. On peut identifier l'ennemi, mais on n'y est pas confronté en direct, il n'a pas de visage, c'est peut-être moins destructeur au niveau psychique ? « Je pense par exemple aux femmes violées dans le cadre de conflits armés qui revoient sans cesse le visage du violeur qui vient s'interposer dans des situations d'intimité. Mais dans l'exemple de la bombe, ce qui va être traumatique ne sera pas forcément en lien avec l'agresseur mais par exemple avec la vision de l'horreur, la mort ou la souffrance de la personne ou de ses proches... »

    · Lorsqu'on ne connaît pas le sort de l'être cher après un enlèvement, quelles sont alors les difficultés dans le travail de deuil ?

    Dans ce cas, le deuil est gelé. Il ne peut être fait car subsiste toujours un espoir de retrouvaille. En plus, la personne ne peut même pas se dire « maintenant au moins il ne souffre plus » et cela est une source terrible d'angoisse aussi, à laquelle on pense moins souvent peut-être.

    3. Au moment de l'effroi le sujet se sent-il extrêmement abandonné ?

    4. Quels symptômes avez-vous rencontré chez ces patients ?

    « Souvent il y a des flashs back suite à un stimulus extérieur et qui replonge la victime dans l'événement traumatique. Il y a des patients qui ont très longtemps ce phénomène après l'événement traumatique. Ceci est plus fréquent juste après le choc traumatique : il y a souvent un temps de latence avant qu'apparaisse ce phénomène ». Mais le sujet nous dit qu'il n'est pas spécialiste de la réaction immédiate après un choc traumatique car ces personnes demandent de l'aide à ce centre au moins quelques mois plus tard.

    Le sujet pense qu'avec le temps, les réviviscences diminuent et laissent place à l'anxiété, la dépression et les symptômes psychosomatiques. Mais il se peut que ces flashs back durent plus longtemps. « J'ai connu une femme algérienne qui a été violée dans des conditions terribles. Cette femme était très isolée et n'arrivait pas à s'en sortir. Après des années, elle avait encore des phénomènes de flashs back. Elle entrait encore dans un état de sidération et revoyait la scène traumatique. Ca lui arrivait de se perdre en rue, de tomber parce qu'elle était prise par la reviviscence des événements ».

    Le sujet nous cite aussi d'autres symptômes tels que : hyperexcitabilité neurovégétative : accélération du rythme cardiaque, sudation ... ; dépression ; anxiété ; troubles dissociatifs ; troubles psychosomatiques.

    Un phénomène que le sujet a remarqué très souvent, c'est quand le patient est en train de s'en sortir et reçoit un nouveau coup. « Par exemple, une famille exilée qui essaye de s'implanter ici, essaye de trouver un sens à son existence et de se reconstruire quand elle reçoit un avis négatif du commissariat général aux réfugiés, elle replonge dans son état antérieur. Elle va avoir de nouveau des cauchemars, de la dépression, des somatisations chez un enfant ».

    Le sujet met en évidence un autre phénomène chez les réfugiés. Quelqu'un qui a lutté longtemps pour obtenir ses papiers, au moment où il reçoit son avis positif du commissariat, il se lâche, il décompense et va avoir des symptômes très, très forts liés au traumatisme vécu antérieurement lequel émerge à ce moment là. Pourquoi à ce moment ? « Peut être à ce moment là elle peut se permettre. Elle n'est plus dans la survie. Tant qu'on est dans la lutte de survie tout est gelé puis, au moment où on se pose, toute la violence vécue revient ».

    · Pensez vous que certains traumatisés présentent une régression psychoaffective ?

    Le sujet nous répond : « J'ai remarqué que quand les patients commencent à aller mieux, ils ont envie d'aller vers les autres, ils trouvent une capacité d'empathie pour les autres et d'altruisme et ils ont besoin même d'aller vers les autres, ont besoin d'apprendre aux autres ce qu'ils ont appris à travers leurs épreuves et ça les aide, ça les renforce, ça continue à les soigner. Dans un premier temps en tout cas ».

    Souvent ces personnes recherchent le sens de leur existence et ont besoin parfois d'un support philosophique ou éthique pour retrouver du sens : par exemple, s'engager auprès des autres leur redonne du sens à la vie et ça les soutient aussi dans leur reconstruction. « Par ex une femme va investir son enfant comme quelque chose de ressource, une impulsion vers l'avenir, vers la vie. Elle dit : ma vie n'a pas de sens seulement pour accompagner mon enfant vers l'age adulte. Donc, il y a un investissement à l'extérieur de soi pour pouvoir se soutenir soi même. Et on a souvent besoin d'aller chercher à l'extérieur ».

    5. En cas de traumatisme de guerre, qu'est-ce qui fait que le psychisme ne cesse de se rappeler ?

    Au niveau psychique, il y a une tentative d'élaborer. Répéter c'est comme essayer de le dépasser, de trouver une issue. Le problème est que souvent cette répétition est stérile, dit notre sujet, parce que la personne n'arrive pas à trouver une voie. Elle a besoin d'une aide, d'un accompagnement thérapeutique. « La répétition : c'est l'incapacité d'élaborer le vécu ».

    Suite à notre question : «  qu'est ce qu'il pense sur le clivage dans le traumatisme », le sujet nous dit : « Moi je parle de dissociation de conscience qui est invalidante parce que ça se fixe. Au départ c'est un mécanisme adaptatif qui permet de diminuer cette souffrance et qui peut tendre vers quelque chose qui va plus en profondeur mais où ? Pour moi ça ne veut rien dire mais qu'est ce que le sujet en fait de ça ? Ça, ça veut dire pour moi quelque chose. Et chaque sujet va faire de quelque chose de particulier, de singulier qui est en lien avec sa propre histoire ».

    · Avez rencontré des patients qui ont oublié les moments de l'événement traumatique ou des moments fortement chargé émotionnellement ?

    « Oui. Le patient raconte son histoire puis dit : là j'ai un blanc. Mais, en général, les patients se plaignent de se souvenir trop ». En tout cas, dit le sujet, c'est la mémoire qui est touchée : soit d'oublier, soit de se rappeler.

    6. Ces personnes éprouvent-elles des difficultés à parler du traumatisme vécu ?

    D'après le sujet, il faut respecter le rythme du patient. « Je ne fais jamais parler le patient du traumatisme. Je trouve ça violent. Faire parler est traumatisant car ça réactive l'événement ». On peut parler du traumatisme quand le lien thérapeutique est bien instauré, quand la personne parle dans un lieu qui a du sens pour elle, où elle se sent protégée. Selon le sujet, il y a des cas exceptionnels où la victime ne fait rien d'autre que parler du traumatisme qu'elle a vécu. Ceci n'est pas positif non plus. « J'ai connu une personne qui n'arrêtait pas de parler du traumatisme : elle parlait, parlait, ...Là, il fallait l'arrêter et donner la place à autre chose, à une autre vision des choses, car il n'y a pas de sens, ça devient un symptôme ». Par contre, beaucoup de personnes, à un moment donné, arrivent à parler, même d'une façon très profonde, de ce que leur est arrivé mais souvent quand il y a déjà un minimum d'élaboration grâce au soutien thérapeutique ou grâce à ce qu'elles-mêmes avaient mis en place naturellement. « Et, à ce moment là, il y a une manière de parler qui n'est pas directe, qui n'est pas crue, qui est une façon de parler comment ils étaient atteints et qu'est ce que ça a provoqué ». C'est un signe de reconstruction qui se met en place. « Alors parler à ce moment là, ça devient positif car tu peux renforcer cette reconstruction, étayer ».

    7. Comment aider au mieux ces victimes ? Quelle théorie vous aide pour votre pratique ?

    Le sujet opte pour l'approche systémique. « C'est donc comment placer les choses dans leur contexte. Je te parle de différentes ruptures : au niveau individuel, au niveau familial, au niveau social, au niveau communautaire. On essaye de répondre à ces différents niveaux de rupture en apportant un support qui va plutôt dans le sens de « réhumaniser » et de permettre à la personne de se sentir soutenue dans des liens solidaires que nous pensons réparateurs dans ces situations là ». D'après le sujet, le centre où elle travaille propose aux patients différents espaces où il va pouvoir élaborer sa souffrance dans un lien thérapeutique avec le thérapeute mais aussi avec un groupe de patients, avec sa communauté.

    Quant à la notion de neutralité en thérapie, le sujet nous dit que le thérapeute ne peut pas se permettre de rester neutre dans des situations comme ça parce que justement c'est l'humanité qui est atteinte. « Souvent les patients me disent « j'ai l'impression de devenir fou », « je ne suis plus comme avant », ... Chez beaucoup de victimes qui ont vécu le génocide, la torture, etc. par exemple, il y a vraiment une peur de sombrer dans la déshumanisation ». Le thérapeute doit reconnaître que la personne a vécu quelque chose de très violent, d'injuste, d'inimaginable. Il doit exprimer de l'empathie devant ces patients. « Un être humain est un animal social qui a besoin de l'échange avec d'autres pour se construire et c'est pareil dans la guérison. Quand tu es détruit, tu as besoin du regard d'un autre pour te reconstruire. Et ce regard est soutenu par les compétences de l'empathie du thérapeute face à son patient ».

    Le sujet ajoute que le travail du thérapeute consiste aussi à permettre à ces personnes de penser ce qui s'est passé autrement. D'analyser l'intentionnalité de l'autre pour pouvoir se dégager de lui, d'externaliser la cause de cette souffrance. « Car la tendance de la victime est d'internaliser : c'est de ma faute, si j'avais fait autrement, etc. Ce n'est pas lui qui est coupable. Par exemple, dire au patient (pour ceux qui ont parlé pendant la torture) que ce n'était pas l'intention de faire parler parce que le bourreau connaissait déjà ces informations, mais arriver à la détruire dans leur groupe, etc. » Cette approche aide la personne à se déculpabiliser. Le sujet termine avec l'idée que l'aide thérapeutique aide à sortir la victime de sa fascination face à l'horreur, de l'acte insensé et horrible.

    8. Quelle importance a le soutien social dans l'accompagnement de la victime ?

    La forme de déshumanisation notamment dans la torture, dans la guerre, dans les conflits interethniques crée de la rupture au niveau de sentir un être humain chez les victimes lesquelles développent un syndrome psychotraumatique. Le sujet pense que le fait de pouvoir offrir des contextes qui sont chaleureux, réhumanisants est un premier pas pour se reconstruire. « C'est évident, pour nous, cette notion de contexte est essentielle ». Le sujet souligne qu'il y a des contextes qui rendent malade comme le contexte de la guerre, les conflits interethniques, la répression, ... et il y a des contextes qui permettent de guérir comme les contextes solidaires où les cultures peuvent entrer en dialogue. « Donc le premier geste du thérapeute est de reconnaître comme un humain à part entière, dans l'accueil, dans le respect. C'est un premier geste thérapeutique de la personne qui a subi ce genre de traumatisme ».

    Le sujet fait une distinction entre les individus. « Le traumatisme ne va pas donner forcement les mêmes conséquences d'un sujet à l'autre ». Ca dépend aussi comment et où la victime cherche des ressources. Par exemple, il y a des gens qui font plus facilement confiance à des professionnels. Il y a des gens qui font confiance à n'importe qui et ils seront roulés, ce qui ne fait que renforcer la souffrance, donc qui n'arrivent pas à trouver de l'aide. « Donc la capacité à trouver de l'aide après un événement traumatique est déterminante pour sa guérison, sa résolution ».

    9. Est-ce que le concept de «  résilience » vous est utile pour penser votre pratique ?

    Les personnes qui ont le plus de difficultés à se sortir du traumatisme sont souvent des gens pour qui c'est une répétition, c'est-à-dire, qui ont déjà vécus des traumatismes intenses dans leur vie. Par exemple perte de parent, maltraitance, abus sexuel, violence. Ces personnes avaient réussi à trouver plus au moins un équilibre et avec le survenu d'un autre traumatisme tel que viol, emprisonnement, perte de ses biens, etc. durant la guerre, c'est un coup sur une personnalité qui est déjà vulnérable. Avec ces personnes il y a plus de difficulté et l'accompagnement dur très longtemps. Par contre, des gens qui avaient une personnalité bien structurée ont la capacité de s'en sortir relativement rapidement. Ces personnes restent marquées, auront des cicatrices et ont besoin d'aide aussi mais réagissent très vite à cette aide. C'est-à-dire vont mieux en quelque mois. À condition que le contexte leur offre une opportunité de se construire un projet de vie. Ca c'est essentiel. « Même si cette personne est solide et qu'elle met tout en place pour s'en sortir mais qu'autour d'elle on sape toutes ses tentatives de reconstruction de projet de vie, évidemment elle va devenir malade ».

    « Je n'ai jamais vu des gens totalement détruits par un traumatisme. Le fait de rester en vie, d'avoir mis en place un tas de mécanismes adaptatifs qui sont plus au moins efficaces et sains, ça oui ».

    L'être humain a une plasticité extraordinaire. Il peut se sortir de beaucoup de souffrances si on lui donne la possibilité de s'implanter quelque part, de trouver un projet. Bien sûr, le traumatisme va laisser une cicatrice mais il va être viable. Parfois, il va donner un nouveau sens à sa vie. « Parfois ça va même être l'occasion de faire rebondir sa vie vers quelque chose qui a plus de sens ».

    10. La reconnaissance sociale est-elle une voie vers la réparation ?

    Notre sujet trouve important cette démarche. Il nous rappelle que chez les réfugiés victimes de traumatismes un bon accueil, une reconnaissance de ce qu'elles ont subi, c'est la prévention d'énormément de troubles à long terme. Au contraire, « quand ils ne sont pas reconnus dans leur souffrance, c'est un facteur très, très négatif pour le pronostic de l'évolution de la santé de la personne. C'est un risque majeur. C'est essentiel. C'est un coup en plus. Parfois les gens disent : j'ai souffert beaucoup là bas mais c'est encore pire maintenant. Ca signifie vraiment que le fait de ne pas être accueilli, de ne pas être reconnu est une souffrance énorme. C'est comme si t'enfonce la tête dans l'eau. Ils sont plus que déçus, vraiment désespérés ». Dans de telles circonstances, ces gens deviennent malades et des familles comme systèmes deviennent malades : le père qui se referme sur lui-même, la mère, le couple qui éclate puis les enfants qui sont parentifiés, adultifiés pour soutenir émotionnellement leur parents, ou adultifiés pour faire des démarches que les parents devraient faire.

    Professionnel C

    1. Quelle est votre définition du « traumatisme psychique » ?

    Un traumatisme survient quand il y a débordement des capacités d'adaptation par rapport à un événement vécu. « On a des événements malheureux et certains types entraînent des conséquences et deviennent invalidantes au niveau du fonctionnement quotidien ». D'après le sujet, les événements peuvent être de plusieurs types : peuvent survenir d'une manière inattendue ou sont cumulatifs donc répétés. En général, ces types d'événements exposent les personnes à des événements graves. « Parce que la guerre c'est quelque chose qui menace la vie de quelqu'un, donc ça le confronte à la mort. Souvent les réfugiés sont confrontés à plusieurs événements traumatiques cumulatifs dans le temps, c'est-à-dire c'est un parcours long sur lequel la souffrance a duré longtemps. Donc, les réfugiés se déplacent d'abord dans des camps de déplacements. Ils doivent s'organiser, ils doivent survivre en attendant l'aide du gouvernement, des O.N.G. Ils se déplacent toujours en fuyant l'agresseur jusqu'à se retrouver en dehors de leur territoire dans des conditions très difficiles. Donc, c'est un traumatisme qui s'est cumulé des mois et des mois, voir des années ». Un traumatisme cumulé est un traumatisme complexe auquel s'ajoute toute une morbidité psychiatrique qui rend plus difficile le traitement. Et, plus le temps dure, plus la prise en charge risque d'être délicate et longue.

    Que la personne soit confrontée directement au non, pour notre sujet, la guerre suscite l'inquiétude par rapport à l'intégrité physique donc, à la mort. « Quand tu entends une bombe qui éclate ou quand tu entends des agresseurs qui arrivent etc., automatiquement c'est la pensée à la mort, c'est une confrontation à ça ». Souvent, on oublie qu'une semaine d'inquiétude, dans la guerre, parfois peut être tellement intense que la personne est dépassée par la frayeur. La confrontation à la mort est effrayante car, est inhabituelle, parce que personne ne sait ce qu'est la mort : si la mort signifie anéantissement, si la mort signifie une autre vie au-delà, etc. « Personne n'a été pour nous dire : « voilà, c'est ça !»

    Le sujet met l'accent sur le fait que personne n'est immunisé contre le traumatisme, donc c'est une réaction tout à fait normale.

    Il y a aussi quelque chose de l'ordre d'impuissance qui est en jeu. « On est impuissant par rapport à certains événements. On est obligé de fuir ou parfois, on est dans une position où on ne peut pas fuir. Et cette incapacité de réaction est autant douloureuse parce qu'on est réduit à l'impuissance totale. On est tellement effrayé par ce qui va arriver ou ce qu'il aurait pu arriver ».

    2. Y a-t-il des différences entre les traumatismes causés par des événements naturels et les traumatismes infligés par l'homme?

    Tous les deux sont des traumatismes mais ce qui est particulier, quand un traumatisme survient dans des circonstances de catastrophes naturelles, il est pris comme telle. « On peut dire que c'est le hasard, on peut dire que c'est peut être suite à la volonté de Dieu. Donc, la rationalisation est plus simple et les gens l'acceptent plus comme tel ». Mais, quand le traumatisme est infligé par l'humain, ça prend d'autres proportions. Parce que l'humain est considéré comme étant bon mais là, on est confronté à l'autre extrême qui est mauvais.

    · En situation de guerre, pensez-vous qu'il y a des différences de répercussion lorsque la victime perçoit directement l'intention de faire mal de la part de l'ennemi (contact direct) et lorsqu'elle ne peut le percevoir (explosion d'une bombe) ?

    « En fait, là ça se complique. Les traumatismes qui sont générés par l'homme provoquent des dégâts assez compliqués au niveau de leur récupération parce que, dorénavant, les sentiments que la personne développe ne sont pas seulement d'ordre traumatique mais sont aussi d'ordre relationnel. Je pense que c'est ce qui explique les difficultés d'altération des relations, parce qu'on voit souvent que les gens ont tendance à s'isoler, à se replier sur eux-mêmes, ils deviennent méfiants par rapport à l'entourage. L'agression provoquée par l'homme rompt ce sentiment d'appartenance à la communauté, au monde ».  

    · Lorsqu'on ne connaît pas le sort de l'être cher après un enlèvement, quelles sont alors les difficultés dans le travail de deuil ?

    En cas de disparition, le sujet nous parle d'un deuil qui n'arrive pas être terminé car le proche du disparu se trouve dans l'ambiguïté entre vie et mort. « On constate que lorsqu'il s'agit de disparition, au niveau du deuil ça devient difficile parce que le proche du disparu a des sentiments qu'il est encore en vie, qu'il surgira un jour. Il pense que peut être il est en prison, qu'il est en train de subir de la violence, etc. Il y a des sentiments diffus qui persistent. La personne est dans une ambiguïté et le deuil ne peut pas être définitif. Car il n'a pas vu le corps, il n'a pas enterré, n'a pas accompagné, n'a pas fait de rituel, etc. ».

    3. Au moment de l'effroi le sujet se sent-il extrêmement abandonné ?

    Ce sentiment d'abandon est quelque chose de récurant. Quand les personnes sont confrontées à ce type de problèmes, elles se sentent abandonnées. « Personne ne vient au secours, attendu en vain ». Ces sentiments d'abandon, de rejet persistent chez les réfugiés. Pour le sujet, les réfugiés arrivent ici avec l'espoir de trouver un espace de sécurité mais ils se trouvent de nouveau confrontés à cette agression humaine. Parce qu'ils leur rappellent justement ce qu'ils ont vécu.

    4. Quels symptômes avez-vous rencontré chez ces patients ?

    Chez les personnes qui ont été exposées à des événements traumatisants, on retrouve souvent les surgissements des événements vécus. Ces réviviscences ne surviennent qu'après un certain temps de latence. Donc, les évènements reviennent dans leurs pensées d'une façon incoercible, ce qui les handicape dans leur mode de réflexion mais aussi dans leur travail quotidien parce que, souvent, quand ils sont en train de penser à un problème, ces idées resurgissent. D'après le sujet, ces flashs back reviennent pendant la journée mais aussi dans leur sommeil sous forme de cauchemar. « On voit souvent qu'ils ont une altération de la qualité du sommeil ou de la quantité même. Le sommeil est discontinu avec parfois des difficultés d'endormissement et des réveils précoces. Ensuite, ils ont difficile à se rendormir ».

    Souvent, ces personnes présentent de la dépression. Le sujet nous parle aussi des phobies jusqu'à des comportements obsessionnels, mais ne donne pas plus d'explications. Il y a des troubles anxieux de types attaque panique. On trouve aussi des phénomènes hallucinatoires de type auditif, visuel, etc.

    Les victimes deviennent hyper-vigilantes et ça devient un inconvénient pour elles car elles sont toujours aux aguets, toujours en attente de danger. Cette hypervigilance devient perturbatrice que ce soit au niveau biologique ou psychologique. Les personnes traumatisées sont caractérisées aussi par des évitements. Ca concerne certaines situations qui réactivent les traumatismes : Ca peut être des films violents, ça peut être le fait d'entendre des événements violents, etc. Les personnes traumatisées, souvent, se rendent compte qu'elles ont un rythme de fonctionnement qui est devenu différent des autres personnes. « Elles ont tendance à se replier sur elles-mêmes parce que les traumatismes se sont réalisés par nos semblables. Donc, souvent les personnes réalisent que le monde dans lequel elles sentaient une certaine protection constitue un monde dangereux. Donc, l'homme voit l'homme dans cette double identité qui est bon et mauvais. D'où, il a parfois la crainte des gens ». Le sujet nous parle de la perte de contrôle chez la victime. « Elle n'est plus capable de contrôler la situation. Elle n'est plus consciente de ce qu'elle fait. Elle a des automatismes gestuels ou verbaux ». Le sujet termine en disant qu'il y a une souffrance intérieure qui n'est pas visible.

    · Pensez vous que certains traumatisés présentent une régression psychoaffective ?

    Le sujet ne nous donne pas de réponse à ce sujet car il dit que c'est un domaine réservé aux psychologues.

    5. En cas de traumatisme de guerre, qu'est-ce qui fait que le psychisme ne cesse de se rappeler ?

    Le sujet compare le psychisme de la personne qui a été exposée à des événements traumatisants avec les séquences d'un film en préparation. « Au début, on enregistre les séquences à l'état brut. Les images du film dans la tête du sujet ne sont pas fixées. Elles sont enregistrables à l'état brut. Après un certain temps le sujet doit les révisualiser. Je dirais que c'est comme le cinéaste : après quand il a fini toutes les séquences, il doit revisualiser pour essayer ». Le sujet appelle ces séquences : « dysmnésies ». Parce que les vécus ne sont pas évoqués dans l'ordre, ne surgissent pas dans l'ordre tel que la personne l'a vécu. Ainsi, dans le travail thérapeutique on aide la personne à mettre de l'ordre dans ses idées, on essaye de couper des images pour faire des séquences qui sont plus réalistes pour les personnes qui vont visualiser le film.

    « Souvent, j'ai dit que la mémoire d'un traumatisé était fragmentée. Donc, ça vient par fragment.  C'est pour cela que dans le travail thérapeutique il faut mettre un peu d'ordre ».

    · Avez rencontré des patients qui ont oublié les moments de l'événement traumatique ou des moments fortement chargé émotionnellement ?

    D'après les constatations du sujet, la plupart des traumatisés ont souvent des troubles mnésiques, donc des pertes de mémoire qui les confrontent parfois à certaines difficultés de procédure. Ces personnes se trouvent confrontées à la non-reconnaissance car, souvent, chez les personnes traumatisées leur mémoire est fragmentée. Il y a aussi des personnes qui ont vécu des choses graves mais qui parlent plutôt des autres détails que de l'événement lui-même. Ces amnésies peuvent être aussi liées à la vie quotidienne. Tel est l'exemple d'une patiente. Cette femme est partie au marché avec son bébé dans une poussette. En rentrant chez elle, elle oublie son bébé dans le bus. Elle ne s'en rappelle jusqu'à ce que la police vienne sonner chez elle à ce sujet...

    6. Ces personnes éprouvent-elles des difficultés à parler du traumatisme vécu ?

    Il y a des personnes qui ne veulent pas parler de leur histoire, de ce qu'elles ont vécu. Il y a ceux qui n'en parlent même pas. Il y en a d'autres pour qui parler devient tellement éprouvant qu'il faut prendre du temps. Il faut vraiment respecter leur rythme. Et puis, il y en a ceux qui en parlent mais en limitant certains détails.

    Le sujet nous donne l'exemple d'une personne qui au premier événement a vu une bombe tomber sur sa maison. Les membres de la famille ont été obligés de fuir dans toutes les directions possibles. La famille s'est désintégrée et elle est venue en Belgique. Cette personne n'a aucune nouvelle de sa femme après trois ans. Lui, c'est quelqu'un qui a été torturé par les miliciens, etc. « Ce que me disait mon patient, c'est plutôt la façon dont il a essayé de trouver à manger, de survivre etc. Et plus tard, quand il se sentit mieux, il m'a raconté tout le début de son histoire. Ça m'a bouleversé parce que je croyais que c'était quelqu'un qui avait fuit les hostilités, qui n'avait pas été impliqué d'une manière ou d'une autre ».

    7. Comment aider au mieux ces victimes ? Quelle théorie vous aide pour votre pratique ?

    C'est un travail à long terme, nous dit le sujet. « Je pense qu'il faut respecter leur rythme ». Pour aider quelqu'un qui a été victime, la première étape est la reconnaissance de ce statut. « Parce que si on ne reconnaît pas cela je me demande comment on peut l'aider ». Le sujet nous parle des difficultés que rencontrent les réfugiés devant l'Office des Etrangers, parce qu'ils se sentent obligés à nouveau de se justifier. « Se justifier veut dire raconter toute l'histoire qu'ils ont vécue ».

    En dehors de cet élan de récupération de leur santé, ces personnes sont confrontées aussi à des problématiques existentielles. « Il y a des événements qui entretiennent leurs difficultés, qui ne les aident pas à se reconstruire. Il y a des difficultés de procédure, par exemple. Mais pas seulement cela, parce que pour se reconstruire il faut aussi être autonome. La plupart de ces personnes sont obligées d'être réduites à un mode de dépendance, ce qui n'est pas valorisant ». Penser à la récupération c'est penser aussi à toute cette difficulté que l'on rencontre.

    Concernant les théories utilisées, notre sujet pense qu'aucune théorie ne peut s'inventer comme étant la plus adaptée au traumatisme, que ce soit au niveau psychanalytique, au niveau cognitivo-comportementaliste, au niveau systémique, etc. Il faut une intervention dans un contexte plus global, parce que la prise en charge de certaines situations est tellement complexe. Le sujet prend l'exemple la thérapie par abréaction. « Je pense qu'il y a des personnes avec qui ça peut marcher et pour d'autres ça ne marche pas. Chez d'autres encore, c'est contre-indiqué. Il y a des personnes qui spontanément ont besoin de ça, de relater des faits vécus, de verbaliser, d'être écouté, de témoigner, surtout, de dénoncer. Il y en a d'autres qui trouvent que ça ne servira à rien. Puis, il faut respecter aussi la personne, si elle ne veut pas raconter, il ne faut pas insister ».

    Une approche multidisciplinaire est indispensable car, selon notre sujet, le traumatisme ne laisse pas seulement des problèmes psychologiques mais le traumatisme se passe aussi dans le corps, il laisse des traces, des séquelles. Le sujet précise qu'il y a souvent des troubles somatiques qui sont associés chez ces personnes. Mais, le contexte social est aussi très important. « Bref, il y a tout un accompagnement qui parfois est nécessaire ».

    8. Quelle importance a le soutien social dans l'accompagnement de la victime ?

    Suite à des violences systématisées, à des événements qui impliquent toute une communauté, le soutien social permet, à la majorité de la population, de s'en sortir. « Quand le traumatisme est introduit par l'homme, quand la personne est déshumanisée, il n'y a que la communauté qui peut restaurer cette humanisation, ce sentiment d'appartenance. Ceux qui sont parvenus à s'en sortir, c'est ceux qui ont été socialement soutenus. On ne peut pas améliorer quelqu'un dans l'isolement, dans la solitude ».

    Le sujet fait une remarque par rapport à certaines circonstances qui s'avèrent problématiques. « On parle souvent d'intégration sociale mais quand on a eu des problèmes à cause de l'homme, souvent on voit, même longtemps après que la guerre est finie, qu'il y a des mouvements qui circulent et qui ne favorisent pas la récupération. Les victimes qui ne sont pas reconnues, parfois on les blâme ou on dit : voilà cette personne veut se victimiser ; elle doit tourner la page ; etc. alors que la personne n'en est pas capable. Cette façon de les rehumilier, de ne pas reconnaître sa souffrance ne favorise pas la récupération. Je crois que le contexte social est très important ».

    9. Est-ce que le concept de «  résilience » vous est utile pour penser votre pratique ?

    La capacité que les gens ont de rebondir les événements vécus, dépend du développement psychologique de l'individu. La compétence résiliente est innée. Parfois, elle peut devenir acquise en fonction des expériences dans la vie. Quelqu'un qui a vécu dans une communauté soutenante, qui a acquis des aptitudes de résistance, résiste mieux à certains événements qu'un autre.

    Le sujet dit qu'il y a aussi des personnes qui ont été exposées à des événements traumatisants chroniques et qui finissent par développer des mécanismes adaptatifs, donc développer des capacités de résilience qui sont surprenantes.

    « Les traumatisés ont quand même des capacités d'adaptation énormes. Lorsqu'on voit après qu'ils ont été confrontés à des situations dramatiques, parfois on est étonné de voir qu'ils sont encore capables d'établir des liens sociaux. On est parfois surpris de voir qu'ils parviennent à s'intégrer ou à faire des choses malgré ce qu'ils ont vécu ».

    10. La reconnaissance sociale est-elle une voie vers la réparation ?

    C'est le problème de l'Etat de reconnaître ces personnes comme victime. Cependant, le sujet est sceptique face à cette tendance de réparation. « Réparer oui, mais à quel pourcentage ? Est- ce qu'on peut réparer ? Je crois qu'il faut renoncer à ça. C'est une tendance vers une réparation symbolique mais il y a des points d'interrogation ». La non-reconnaissance du statut de réfugié chez ces personnes montre cette incapacité de réparer la souffrance qu'elles ont subie parce que ça se répète ici. « La majorité des patients que j'ai sont encore dans le traumatisme parce que ils n'ont pas de papiers depuis x années ...».

    Professionnel D

    1. Quelle est votre définition du « traumatisme psychique » ?

    Pour le sujet, un traumatisme psychique est une notion sur laquelle on peut beaucoup débattre, et à propos de laquelle il y a souvent une confusion entre le fait de vivre des événements à portée traumatique, donc qui peuvent avoir un impact traumatique, et un traumatisme en tant que tel. Il y a des événements qui, chez certaines personnes, vont entraîner une réaction de type traumatique, au niveau psychologique, et que d'autres apparemment vont traverser avec plus de facilité. « Donc, on ne peut pas, comme c'est le cas pour un traumatisme physique, identifier de la même manière des traces ou des signes clairs au niveau clinique de ce qu'est un traumatisme ». On peut parler d'un événement à portée traumatique quand une personne a été exposée d'une manière brutale à un événement très violent, où l'intégrité physique et psychologique de lui-même ou de ses proches ont été mises en danger et face auquel elle a été sans ressources et a en conséquence vécu un moment d'effroi.

    Il peut y avoir des traumatismes à partir d'un événement unique, à partir d'événements qui se sont répétés, et à partir d'événements qui restent « à l'oeuvre ». Les spécialistes répertorient sous la nomination d'état de stress post-traumatique ou de névrose traumatique les manifestations symptomatiques typiques que développent des personnes qui ont été soumises aux types d'événements pré-cités, en lien direct avec cette exposition.

    A côté de la confrontation à la mort, le sujet met en évidence un autre phénomène propre à l'exposition à ce type d'événement, qui pour lui est au moins aussi perturbant psychologiquement et accentue le sentiment d'effroi : « C'est la rupture du contrat social sur lequel on base l'ensemble des relations, des valeurs auxquelles on croyait et sur lesquelles on avait bâti le socle sur lequel se construisent la vie collective et la vie sociale. Tout d'un coup, il y a une transgression de ces lois fondamentales. C'est un double effroi : de la présence de la mort et de l'absence des règles minimales nécessaires à la vie en société ».

    2. Y a-t-il des différences entre les traumatismes causés par des événements naturels et les traumatismes infligés par l'homme?

    « J'ai déjà répondu dans la première question avec l'introduction du deuxième type d'effroi, lié à la transgression radicale des règles du contrat social ». Donc, il y a une différence entre ces deux types d'événements car ils laissent des traces différentes sur le fonctionnement psychique de la victime. Néanmoins, le sujet met l'accent sur les particularités de chaque personne. Il faut prendre en compte le contexte de situation dans lequel ces personnes se trouvent et leurs ressources individuelles. « Si on devait graduer les événements, sans doute qu'une atteinte traumatique dans lequel il y a eu une violence organisée par d'autres humains, en terme de gravité, je dirai que c'est plus grave mais je mets des nuances parce que pour un être humain on ne sait jamais déterminer ce qui est grave ou pas pour lui ». Parce que, dit notre sujet, il y a aussi des personnes qui réagissent d'une manière catastrophique à des événements non provoqués par l'homme et avec lesquels le travail est excessivement difficile. Par exemple à la mort d'un enfant dans un accident. « Mais on doit quand même invoquer un autre ordre de gravité de l'atteinte quand l'événement traumatique est volontairement induit par un humain ».

    · En situation de guerre, pensez-vous qu'il y a des différences de répercussion lorsque la victime perçoit directement l'intention de faire mal de la part de l'ennemi (contact direct) et lorsqu'elle ne peut le percevoir (explosion d'une bombe) ?

    Dans une situation où la victime est placée dans un contexte de déshumanisation de son être, c'est sûrement différent. De plus, dans le contexte de la demande d'asile, pour certains c'est un événement qui n'est pas fini, c'est-à-dire que l'événement n'est pas clôturé. Ces personnes se sentent toujours en danger par rapport à ces situations. « Donc c'est le cas pour pas mal de demandeurs d'asiles qui sont dans la procédure où, non seulement ils ont été victimes d'événements traumatiques au sens le plus dur du terme, mais en même temps ils ne sont pas sûrs, ils n'ont pas la garantie que c'est terminé ».

    · Lorsqu'on ne connaît pas le sort de l'être cher après un enlèvement, quelles sont alors les difficultés dans le travail de deuil ?

    « Dans ce type de situation, il est presque impossible de faire le deuil. C'est ce que nous constatons chez ces personnes qui n'arrivent pas à se débarrasser de ces « fantômes », disparus mais pas vus dans la mort, ni veillés, ni accompagnés vers l'au-delà. La recherche du corps du disparu, quand elle est possible, obsède le(s) survivant(s), les laissant très souvent dans l'incapacité de « faire avec » cette absence ».

    3. Au moment de l'effroi le sujet se sent-il extrêmement abandonné ?

    Cela correspond également à mon point de vue. C'est le socle de ce qui fonde l'être humain comme animal social qui est brisé, il se retrouve en conséquence seul, abandonné.

    4. Quels symptômes vous avez rencontré chez ces patients ?

    Le sujet énumère certains symptômes qu'il a rencontré chez ces patients comme : l'impression de revivre constamment cet événement sous forme de flash-back, que l'événement reste présent alors qu'il a eu lieu il y a longtemps ; des troubles de la concentration ; troubles du sommeil, comme des difficultés d'endormissement et/ou des cauchemars à répétitions ; perte de la confiance en soi et de goût dans la vie ; moment d'irritabilité importants ; les oublis ; etc. Le sujet fait remarquer qu'il y a toute une série de signes cliniques possibles qui se présentent mais qui ne sont pas nécessairement tous présents en même temps chez la même personne.

    · Pensez vous que certains traumatisés présentent une régression psychoaffective ?

    Le sujet a une perspective d'encadrement et d'interventions globales, de soutien global de la personne, ce qui a pour conséquence que l'essentiel du travail est centré sur la mobilisation des ressources dans la situation actuelle.

    « On peut identifier chez certains d'entre eux des manifestations de dépendance, de grande passivité face au renouvellement des épreuves qui peuvent en être des expressions, mais nous n'envisageons pas de les traiter dans une perspective de ce type ».

    5. En cas de traumatisme de guerre, qu'est-ce qui fait que le psychisme ne cesse de se rappeler ?

    Le sujet fait l'hypothèse que la répétition dans le traumatisme est une tentative « archaïque » d'apprivoiser ce qui est arrivé, c'est-à-dire une tentative d'élaboration mais qui, souvent, échoue. « C'est un point d'arrêt sur lequel la personne achoppe ou trébuche tout le temps au même endroit parce qu'il n'a pas la possibilité de le dépasser. Ainsi, elle reste calée dans une forme de sidération par rapport à ces événements où le réel a, en quelque sorte, fait une effraction ». Le mécanisme qui maintient cette espèce de retour systématique de l'événement et cette impossibilité d'élaboration, pour notre sujet, pourrait être de l'ordre de la pulsion de mort et lié à une forme de confrontation à la jouissance. Le sujet ajoute qu'on peut parler de fascination par rapport à l'événement qu'on a rencontré suite auquel le champ pulsionnel a été tellement chamboulé qu'on n'arrive pas à le dépasser.

    · Avez rencontré des patients qui ont oublié les moments de l'événement traumatique ou des moments fortement chargé émotionnellement ?

    Le sujet nous dit qu'il a rencontré des patients qui présentent plutôt des confusions spatio-temporelles. Ces patients sont incapables  de restituer précisément dans le temps l'événement. « Certains ont des pertes de repères temporels par rapport au moment où ça c'est passé. Une fois ils disent que cela s'est passé le matin, une fois l'après-midi ; La confusion gagne souvent toute la scène, le nombre de personnes concernées, les lieux.. C'est comme si la scène se brouillait, paraissait floue. D'autres, par contre, sont très précis, se souviennent de détails incroyables. Les deux peuvent être mêlés : confusion à certains niveaux, hyper précision du souvenir à d'autres. »

    6. Ces personnes éprouvent-elles des difficultés à parler du traumatisme vécu ?

    Ce qu'ils expriment n'est pas toujours de l'ordre de la plainte, ils ont souvent des attentes très concrètes pour les aider dans des aspects de la vie quotidienne qu'ils ne parviennent pas à gérer, les accompagner dans des démarches, rompre la solitude et l'isolement dans lesquels ils se trouvent. Il n'y en a presque aucun qui vient directement pour parler des événements traumatiques, sauf s'ils s'y sentent obligés.

    Un autre point que notre sujet trouve important, c'est de ne pas forcer les portes de la mémoire par rapport à l'événement et à sa remémoration. « Moi, je ne suis pas du tout favorable à des formes de traitement cathartique de l'événement traumatique. La personne peut venir deux ans sans en parler. Donc, selon moi, il faut la suivre dans ce qu'elle veut nous livrer, dans ce qu'elle veut travailler avec nous ici ». Néanmoins, on doit lui montrer qu'on est prêt à entendre ce qui est de l'ordre de l'innommable, si possible sans en précipiter la révélation.

    Malheureusement, cette attitude n'est pas toujours possible avec les demandeurs d'asile. La procédure de demande d'asile invite en effet à forcer le retour sur les événements. Créer les conditions pour que ce soit le moins inhumain possible apparaît souvent comme la seule alternative possible, pour que, grâce au psychologue, le patient puisse témoigner de la réalité de ce qu'elle a enduré de manière crédible devant un autre moins bienveillant. « Ce n'est pas idéal de ce qu'on devrait faire dans un cadre thérapeutique. Nous le faisons parce que la sécurité du droit au séjour doit être assurée en premier lieu, elle prime sur tout le reste en matière de gages d'apaisement psychologique. Sans elle, la perspective de se projeter dans l'avenir, en assumant les épreuves passées, ne peut être travailléeDonc, on est face à une contradiction : on doit travailler au droit au séjour prioritairement, et pour ce faire, on doit parfois favoriser de lever les oublis, de faire retour sur des événements alors que la personne n'y est pas prête, ne le désire pas, alors qu'en soi, ce ne serait pas souhaitable, que cela peut être considéré comme contre-thérapeutique ».

    Pour notre sujet, la procédure d'asile est, dans beaucoup de cas, un une forme de réactivation traumatique, un événement traumatique secondaire. La non reconnaissance de la souffrance par le pays d'accueil et l'humiliation d'avoir à prouver le contexte dans lequel la victime a été mise en péril, que ça soit physiquement ou psychologiquement, c'est en soi très, très violent.

    7. Comment aider au mieux ces victimes ? Quelle théorie vous aide pour votre pratique ?

    Notre sujet s'inspire de la psychanalyse ainsi que de la psychothérapie institutionnelle telle que s'est développé dans les années 40-50-60. C'est un modèle d'accueil et de l'institution soignante où chacun peut avoir un rôle et une fonction qui est globalement enveloppant et soignant pour la personne. « Dans l'espace que représente Ulysse comme un lieu d'asile où on peut se déposer et se sentir bien, être protégé, enveloppé par l'institution dans son ensemble  ».

    Quand on a été victime d'une déshumanisation complète, il y a quelque chose à restaurer qui est plus profond, qui est différent et qui demande une forme de présence thérapeutique dans une forme de réhumanisation du contact, de la relation et de la confiance dans l'autre.

    Pour le sujet, la première chose qu'il faut faire c'est d'aller au-delà de la position classique de neutralité. Il faut pouvoir marquer une forme de présence, d'humanité et d'accueil dans laquelle ces personnes peuvent trouver asile. Il faut aussi pouvoir témoigner de son engagement dans la condamnation de la violence que la personne a subi et qu'elle continue à subir, autrement lorsqu'elle est soupçonnée de mentir, tenue de prouver que les événements traumatiques ont réellement eu lieu. On est dans une position de soutien, de reconnaissance de sa qualité d'être humain. C'est nécessaire de manifester cette attitude. « Donc, on est à coté d'eux et on est avec eux, on montre qu'on est sensible à ce qui leur est arrivé et à ce qui peut encore leur arriver. »

    La neutralité en face des ces personnes n'est pas adéquate, parce qu'elles ont besoin de se sentir dans un cadre relationnel où le danger est exclu ou sans se sentir en danger d'une autre manière.

    Le sujet fait une remarque par rapport à l'attitude du psychologue. « Il faut être clair sur la position que nous nous proposons d'occuper, sans leurrer pour autant la personne sur notre (faible) capacité à tout arranger, à la sauver ».

    Notre sujet met en évidence un autre effet que la procédure d'asile a par rapport au vécu traumatique. L'attente de la reconnaissance ou non du statut de réfugié a dans certains cas comme impact de geler provisoirement le processus de métabolisation ou d'élaboration de traumatisme. « On le met en `conserve' le temps de la procédure, parce que la question de la survie est en jeu. Il y a des gens qui peuvent continuer à bien fonctionner tant qu'ils sont dans une logique de survie ». Parfois, on rencontre des gens qui s'écroulent dès qu'ils obtiennent le statut.

    Autre remarque : pour notre sujet, être régularisé214(*) ce n'est pas la même chose que d'être reconnu comme réfugié, en termes de restauration narcissique. « Personnellement, j'encourage toujours les personnes ayant obtenu la régularisation avant la clôture de leur procédure d'asile à poursuivre celle-ci pour tenter d'obtenir le statut de réfugié ». A côté de cela, il y a d'autres atteintes à la valorisation narcissique : la non reconnaissance professionnelle, la perte du statut social, l'inactivité forcée... L'exil est une épreuve qui ne s'achète pas mais qui coûte cher.

    8. Quelle importance a le soutien social dans l'accompagnement de la victime ?

    « C'est primordial. Les réponses fournies plus haut attestent du rôle essentiel que nous donnons au soutien global, dans lequel le soutien social a une place essentielle. C'est souvent sous le couvert d'un suivi social qu'on peut démarrer autre chose, de plus relationnel ».

    9. Est-ce que le concept de «  résilience » vous est utile pour penser votre pratique ?

    Notre sujet ne veut pas faire une critique trop rapide, même s'il lui parle peu. « Ce n'est pas un concept que nous utilisons.  Faire référence à des référents hérités de la physique, de la biologie et de l'éthologie ne nous apparaît pas comme le meilleur moyen de comprendre la logique du traumatisme chez l'être humain ».

    10. La reconnaissance sociale est-elle une voie vers la réparation ?

    Voici ce que nous dit le sujet : « Je ne sais pas quoi en penser. Je ne connais pas l'usage fait de ce terme dans la théorie du traumatisme. Je croyais qu'on l'utilisait pour des objets. S'il s'agit de réparation narcissique à quoi il fait référence, je trouve cela un peu ` bateau `, trop évident »

    Chapitre III. Analyse transversale

    Pour faciliter l'élaboration de notre partie pratique et pour éviter les répétitions, nous avons décide dans notre analyse transversale de reprendre parfois plusieurs questions ensembles qui vont plus au moins dans le même sens. A travers des réponses obtenues par les professionnels nous allons essayer d'analyser des différents points de vus qui impliquent la notion de traumatisme. Pour diminuer la lourdeur de la lecture, nous avons inclus dans ce chapitre une analyse comparative avec les auteurs de référence de notre partie pratique

    1. Autour de traumatisme : (question 1, 2)

    Nous avons remarqué que les définitions du traumatisme pointent des similitudes au regard des références théoriques présentées dans cette étude. Pour ceux qui optent pour les conceptions freudiennes, le traumatisme sera un événement qui s'impose par violence (sujets A et D), où l'intégrité physique et/ou psychologique de la personne (sujet B et D), où de ses proches, a été mise en péril (sujet D). La victime se trouve sans ressource et répond par l'effroi (sujet D). Ceci déborde les capacités d'adaptation (sujet C), fait effraction dans le psychisme, déchire l'enveloppe protectrice215(*) (sujet A).

    Le sujet B nous parle de rupture : Confrontation à la mort, douleur extrême avec atteinte du point de rupture. Personne n'est immunisé contre le traumatisme, donc c'est une réaction tout à fait normale (sujet C).

    Concernant la rencontre de la mort en situation de guerre, le sujet C souligne que même si on n'est pas confronté directement elle sous-entend un danger de mort. Et « la confrontation à la mort est effrayante car, est inhabituelle, parce que personne ne sait ce qu'est la mort : « Personne n'y a été pour nous dire : « voilà, c'est ça !»

    Nous voyons que le sujet C perçoit la représentation de la mort, telle qu'elle est décrite par certains spécialistes (Lebigot, Crocq, etc.). « Nous n'avons pas de " représentation mentale " de la mort, pour la bonne raison que nous n'en avons jamais eu de " présentation " préalable » 216(*).

    Les sujets ont mis en évidence qu'on peut être traumatisé par différents facteurs. À part d'une confrontation à la mort, viol, torture, etc., d'autres facteurs peuvent aussi déclencher un traumatisme comme le fait de voir sa maison brûler, de perdre toutes ses biens etc. sans pouvoir porter plainte ou réclamer la réparation du préjudice subi, etc. (sujet A), etc. Il existe également d'autres événements qui peuvent entraîner des blessures profondes et qui ne concernent pas la guerre (sujet A et B). Un mauvais regard, le manque d'affection, la perte d'êtres chers, etc. (sujet A) ou encore la maltraitance dans l'enfance, etc. (sujet B).

    Toutefois, tous les professionnels distinguent les traumatismes provoqués par les catastrophes naturelles ou accidentelles et les traumatismes infligés par l'humain. Les traumatismes provoqués par l'homme et, précisément, dans un contexte de guerre, ébranlent la foi en l'Homme par le fait que le mal vient de l'humain. Dans ces cas, ils soulignent que la souffrance, la douleur est plus profonde  parce que l'humain présuppose que l'homme est bon et que cette image de l'humain est confrontée à la représentation extrême de l'homme mauvais (sujet C). Non seulement la personne est blessée dans son corps, dans son psychisme, mais quelque chose se déchire au niveau de la confiance en l'homme, en l'être humain (sujet A). Nous trouvons ces considérations aussi dans la théorie.

    D'après certains auteurs comme Günter Seidler « Les traumatismes d'origine humaine laissent des traces plus profondes que ceux déclenchés par des catastrophes naturelles, et ils sont d'ailleurs plus difficiles à traiter»217(*).

    Suite à notre question consistant à déterminer si l'impuissance, les humiliations, les chosifications dans les cas de tortures, viols, etc., qui touchent directement le narcissisme de base du sujet, ont des répercussions plus graves sur la victime ; les professionnels sont d'accord : il y a des complications en raison de ces composantes supplémentaires.

    La bombe est lâchée avec l'intention de détruire mais, au niveau psychique, cela peut être moins destructeur car la victime n'est pas confrontée directement à l'agresseur. Cette situation est plutôt en lien avec la vision de l'horreur. Tandis que, quand il y a une agression directe, ce qui est le cas de la torture ou du viol, « l'autre (la victime) est déshumanisé : c'est un chien, c'est une merde, un inhumain,... ». Par exemple, dans le cas du viol, la femme revoit le visage du violeur qui vient s'interposer dans des situations d'intimité (sujet B). Elle est en face de son bourreau qui dispose d'elle comme il veut (sujet A). Cette incapacité de réaction est autant douloureuse parce qu'on est réduit à l'impuissance totale (sujet C). Cette douleur atteint la dignité de son être. On mesure les répercussions à travers leur relations : peur de se confier à quelqu'un, entrer dans une relation affective, perte d'amour, incapacité à assumer des relations sexuelles, etc. (sujet A). Voici comment Crocq englobe les dires de nos sujets : « Le viol fait intervenir dans le trauma qu'il occasionne les sentiments d'impuissance, de révolte réfrénée, de honte, de dévalorisation, d'inhibition, de rejet social, de frigidité, de culpabilité pouvant conduire au suicide »218(*).

    Le sujet A nous parle aussi de l'impuissance à protéger son enfant : il y a une sorte de déception par rapport à sa responsabilité. Le bourreau ne fait pas seulement mal à l'être humain mais également au père, dans son rôle du père protecteur.

    Pour Crocq219(*), les violences délibérément exercées, les mauvais traitements infligés sans motif à des sujets sans défense, prisonniers ou déportés, et la torture appliquée avec sadisme, sont des situations traumatisantes qui suscitent un maximum d'horreur et d'incompréhension. Par rapport aux autres traumatismes et agressions, il y a alors violation explicite de la loi qui régit au sein de chaque conscience les droits les plus élémentaires de l'Humanité. Les professionnels vont dans le même sens. Les traumatismes générés par l'homme notamment dans un contexte de guerre brisent les liens avec le monde. Ces blessures sont d'ordre relationnel (sujet C). L'agression provoquée par l'homme rompt les liens familiaux (sujet B), rompt le sentiment d'appartenance, de la communauté, (Le sujet A, C), à la vie en société (sujet B et D), au monde (sujet C). Il y a rupture liée à l'exil  (sujet B). Quelque chose se déchire, s'ébranle au niveau de la confiance en l'homme (sujet A et C) car, tout d'un coup, il y a des transgressions des lois fondamentales  sur lesquelles se construisent la vie collective et sociale (sujet D). Ce sont les liens concrets et symboliques qui permettent normalement de faire face à la douleur et de donner du sens aux expériences (sujet B), sur lesquels on base l'ensemble de relations, des valeurs (sujet D).

    Le comportement des victimes qui ont tendance à s'isoler, à se replier sur elles-mêmes, qui deviennent méfiantes par rapport à l'entourage explique cette altération de relation (sujet C)220(*).

    C'est ce que nous dit Crocq221(*) : « tout l'environnement, les choses comme des êtres, deviennent agressifs pour la personne traumatisée. C'est une autre manière de percevoir, de sentir, d'agir, etc. »

    Les perceptions de nos sujets nous rapprochent de l'expérience de non-sens dans une existence jusqu'alors sensée. Il s'agit des bouleversements à différents niveaux. « A l'instant de l'irruption traumatique, l'espace ordonné du monde physique bascule pour faire place au chaos ; les convictions narcissiques s'effondrent, laissant le sujet désemparé ; les valeurs essentielles de l'existence - paix, morale, prix de la vie et accessibilité au sens des choses - sont tout à coup déniées et remplacées par l'absence d'ordre, de cohérence et de signification ».222(*).

    Tandis que Rousseau les décrit comme suit : « c'est qui fonde l'humanité même du sujet qui est touché : les liens sont rompus, la Loi attaquée, l'ordre symbolique bouleversé, les tabous fondamentaux brisés ». (...). Ce type de situation affecte non seulement les individus, mais aussi la famille, le groupe qui se trouvent désorganisés, privés parfois de leur capacité à se protéger les uns les autres »223(*)

    Nos sujets parlent aussi des traumatismes liés à l'exil. Pour le sujet D, à part des traumatismes marqués par un événement unique et ceux marqués des événements répétés, il existe également des traumatismes qui restent « à l'oeuvre » : certaines personnes se trouvent momentanément loin des conflits, mais l'état de danger n'est pas terminé. « ...c'est le cas pour pas mal de demandeurs d'asile qui sont dans la procédure où, non seulement ils ont été victimes d'événements traumatiques au sens le plus dur du terme, mais en même temps, ils ne sont pas sûrs, ils n'ont pas la garantie que c'est terminé ». Certains auteurs vont dans même sens : « (...) exil, oui, mais pas garanti, avec le risque de se voir refuser cet asile et de devoir être menacé d'expulsion. On imagine sans peine combien cette insécurité dans la réalité entre en résonance avec le sentiment d'insécurité interne »224(*) .

    Pour d'autres encore les traumatismes se répètent ici (sujet C) du à la précarité sociale, rejet, racisme, etc. (sujet B). A côté de cela, il y a d'autres atteintes à la valorisation narcissique : la non reconnaissance professionnelle, la perte du statut social, l'inactivité forcée, etc. (sujet D). Au niveau théorique, nous avons décrit que pour certains auteurs « les réfugiés traumatisés dans leur pays d'origine vivent (...) un triple traumatisme : le traumatisme pré-migratoire, les effets potentiellement traumatiques de la migration et le traumatisme découlant du déni de leur vécu par le pays d'accueil ».

    Dans la partie théorique, nous avons mis en évidence que, dans un contexte de guerre, de nombreuses personnes ont vécu des traumatismes multiples. Les auteurs appellent cela le poly-traumatisme. Nos sujets confirment la théorie. La plupart des patients traumatisés par les conséquences de la guerre ont vécu plusieurs événements traumatiques cumulés pendant des mois, voire des années (sujet C). M. Samy décrit la complexité du trauma comme suit : « ...Le trauma suite à la violence politique comme celui qui touche les réfugiés du Kosovo, n'est pas uniquement un trauma ponctuel (exemple: un accident d'auto), (...). Mais c'est également un trauma continu, un trauma du vécu quotidien et qui se prolonge dans le temps (...) »225(*). Pour le sujet C, ces personnes sont dans un contexte de traumatisme complexe auquel s'ajoute toute une co-morbidité psychiatrique et donc plus difficile à traiter. Certains auteurs226(*) citent aussi cette complexité : « les personnes polytraumatisées de guerre sont des groupes à haut risque qui devraient bénéficier prioritairement de soutien psychologique, de suivi et de réinsertion ».

    En ce qui concerne les disparus, tous nos sujets mettent l'accent sur la difficulté même de l'impossibilité de faire le deuil. Il est évident que d'avoir vu un être cher et d'avoir pu l'accompagner dans ses derniers moments (sujet A et C), accomplir le rituel, l'enterrer (sujet C), aide à faire le deuil. Dans le cas de la disparition, il est très difficile (sujets A et C), presque impossible (sujet D), de terminer un travail de deuil (sujets A et C). Le deuil devient parfois compliqué et peut même évoluer vers un deuil pathologique (sujet A), car les proches du disparu se trouvent dans l'ambiguïté entre vie et mort (sujets A, B, C, D). Dans ce cas, le deuil est gelé en raison de l'espoir des retrouvailles (sujet B). Les proches pensent que le disparu est peut-être en prison, en train de subir des violences, etc. (sujet C). Les proches ne peuvent même pas dire « maintenant au moins il ne souffre plus » et cela est une source d'angoisse à laquelle on pense moins souvent peut-être (sujet B). Dû à ces sentiments diffus persistant, entre espoir et déception (sujet A), le deuil ne peut pas être définitif (sujet C).

    Par conséquent, comme nous l'avons exposé dans la partie théorique, la morbidité psychique se complexifie par la spécificité de la perte des ses proches. Dans ces cas, les auteurs parlent de deuil traumatique. « Pour les deuils traumatiques, la sémiologie est double avec un état de stress post-traumatique et un syndrome "dépressif" caractéristique de l'état de deuil. L'accent est mis sur des considérations étiopathogéniques, en particulier, le lien de causalité traumatogène entre les circonstances de la mort, de la disparition et les réactions psychiques de l'endeuillé» 227(*) .

    Malgré le fait que nos sujets mettent en évidence que les traumatismes infligés par l'homme entraînent des dégâts plus profonds et plus compliqués, aucun sujet n'a remis en question (ce que certains auteurs ont mis en évidence) le tableau (de l'état de stress post-traumatique) du DSM IV. Ces auteurs pensent que ce tableau n'est pas suffisant pour désigner les traumatismes issus des conflits, des guerres. « Certains demandeurs d'asile ont été exposés à des souffrances dramatiques et extrêmes. Nous ne pensons pas que nos outils usuels, comme le concept d'état de stress post-traumatique, soient adaptés à ces cas : en raison de la gravité des trauma subis, souvent sous-tendus par une cruauté extrême »228(*).

    2. Au moment de l'effroi le sujet se sent-il extrêmement abandonné ?

    Ce sentiment d'abandon est un fait récurant (sujet C). C'est ça qui fait le trauma. « Les blessures physiques font mal, mais (...) ce qui fait que la blessure physique devient indépassable, c'est le contexte. Vous la subissez dans une situation de total abandon » (sujet A). « Personne ne vient au secours, il est attendu en vain » (sujet C). Dieu lui-même vous laisse tomber. Vous n'avez personne à qui vous adresser pour arrêter ça, à adresser votre demande de secours. Vous êtes seul devant votre bourreau qui dispose de vous comme il veut » (sujet A). C'est le socle de ce qui fonde l'être humain comme « animal social » qui est brisé, (sujet D). Il y a quelque chose de plus révoltant, c'est explosant, car vous êtes accroché aux parois du néant » (sujet A).

    Ces sentiments d'abandon, de rejet persistent chez les réfugiés. Ces personnes arrivent ici avec l'espoir de trouver un espace de sécurité mais elles se trouvent de nouveau confrontés à cette agression humaine parce qu'ils leur rappellent justement ce qu'ils ont vécu (sujet C).

    3. Qu'est ce qui fait que cet événement devient indépassable ? Est-ce que le concept de «  résilience » vous est utile pour penser votre pratique ? (question 9).

    Les sujets A et D trouvent ces situations complexes. Il y a un élément important et qui reste obscur, c'est le psychisme de chacun ». On ne peut pas se baser uniquement sur des faits (sujet A). Les événements ne sont pas traités de la même manière. On ne sait pas déterminer ce qui est grave ou pas pour elles (sujet D). Certaines personnes ont peu perdu mais sont affectées profondément et d'autres arrivent à relativiser (sujet A). Il faut voir au cas par cas. « On rencontre des gens qui ont assisté à la mise à mort de leurs parents, qui ont subi de grandes violences, on a tué un parent ce qui lui a fait très, très mal. Ils ont été dans un danger de mort eux-mêmes, ce qui leur a fait très mal mais la chose qui leur a fait le plus mal et qu'ils n'arrivent pas à se pardonner, c'est de ne pas pouvoir enterrer dignement ces gens-là (son père, sa mère, etc.) » (sujet A).

    Quant à la résilience, « faire référence à des référents hérités de la physique, de la biologie et de l'éthologie ne nous apparaît pas comme le meilleur moyen de comprendre la logique du traumatisme chez l'être humain » (sujet D). Il y a toute une complexité des facteurs qui font que certains s'en sortent et d'autres pas (sujet A). Chez les sujets A et C, nous remarquons des idées de base inverses. C'est-à-dire pour le sujet C, la capacité résiliente est innée et elle dépend du développement psychologique de l'individu. Parfois, elle peut s'acquérir en fonction des expériences dans la vie. Quelqu'un qui a vécu dans une communauté soutenante, qui a acquis des aptitudes de résistance, résiste mieux à certains événements qu'un autre. Le sujet A pense qu'il y a toute une complexité des facteurs qui font que certains s'en sortent et d'autres pas, pour lui la résilience n'est pas une capacité personnelle privé mais plutôt résulte d'une situation : elle est contextuelle. Pour le sujet A, le facteur très important qui permet le développement de la capacité de résilience est celui où l'enfant s'imprègne, s'alimente de toutes les personnes qui sont autour de lui : un ami, un prêtre, une référence qui l'a marqué, qui lui a transmis quelque chose très fort, qui reste référent même s'il n'est pas présent.

    Il y en a d'autres qui s'alimentent par le support social. Ceux qui les aident, qui leur donnent de la confiance en l'homme, etc. mais il y en a d'autres qui sombrent dans l'alcoolisme, dans la dépression, qui ne se stabilisent pas dans un emploi, etc. (sujet A).

    Pour le sujet B, les personnes qui éprouvent le plus de difficultés à se sortir du traumatisme sont souvent des gens qui ont déjà vécu des traumatismes intenses dans leur vie (abus sexuels, maltraitance, etc.). Ces personnes avaient réussi à trouver plus au moins un équilibre mais le second traumatisme tel que viol, emprisonnement, perte de ses biens, etc. durant la guerre, endommage une personnalité déjà vulnérable.

    Cela nous rappelle les propositions de Crocq : les sujets avec des prédispositions névrotiques ne posséderont pas d'énergie quantitative suffisante pour faire face aux événements traumatisantes car toute leur énergie disponible est utilisée pour maintenir leur équilibre névrotique. D'autres peuvent présenter une vulnérabilité d'altération qualitative du mode de réaction : il s'agit des sujets prédisposés qui réagissent en toutes circonstances, de paix ou de guerre, par leur frayeur morbide, névrotique.

    Tandis que pour le sujet C, des personnes qui ont été exposées à des événements traumatisantes chroniques finissent par développer des mécanismes adaptatifs, donc à développer des capacités de résilience qui sont surprenantes. « Les traumatisés ont quand même des capacités d'adaptation énormes. Lorsqu'on voit après qu'ils ont été confrontés à des situations dramatiques, parfois on est étonné de voir qu'ils sont encore capables d'établir des liens sociaux. On est parfois surpris de voir qu'ils parviennent à s'intégrer ou à faire des choses malgré ce qu'ils ont vécu ».

    Les propos de C manquent peut-être de clarté : quand il nous dit que les personnes qui ont été exposées à des événements traumatisants chroniques finissent par développer des mécanismes adaptatifs. Est-ce qu'il s'agit des traumatismes vécus depuis l'enfance ou encore autre chose ?

    Pour le sujet B les individus qui ont une personnalité bien structurée ont la capacité de s'en sortir relativement rapidement. Ces personnes restent marquées, auront des cicatrices et ont besoin d'aide aussi mais réagissent très vite à cette aide. C'est-à-dire vont mieux en quelque mois. À condition que le contexte leur offre une opportunité de se construire un projet de vie. Ca c'est essentiel. (Sujet B). La capacité de résilience dépend aussi de leurs ressources (sujet A et D), de leurs croyances, du soutien qu'elles trouvent autour d'elles (sujet A, B). Le sujet B soutient que l'être humain a une plasticité extraordinaire. Il peut se sortir de situations de souffrance si on lui donne la possibilité de s'implanter quelque part, de trouver un projet, etc. Bien sûr que le traumatisme va laisser une cicatrice mais il va être viable (sujet B). Souvent, ces personnes recherchent un support philosophique ou éthique pour retrouver un sens à la vie (sujet B). Les sujets A et B affirment que parfois le traumatisme va être l'occasion de refaire sa vie sur une base qui a plus de sens pour la personne, par exemple, l'engagement dans des associations humanitaires. Certaines s'engagent auprès des autres. Par exemple, elles investissent leur enfant. « Il y a un investissement à l'extérieur de soi pour pouvoir se soutenir soi-même » (sujet B).

    Par contre, même si la personne est solide « et qu'elle met tout en place pour s'en sortir mais que, autour d'elle, on sape toutes ses tentatives de reconstruction de projet de vie, évidemment elle va devenir malade » (sujet B).

    Nous remarquons que nos sujets prennent en compte plusieurs facteurs : les ressources de la victime, l'environnement familial et social. Semblable à la théorie, la résilience est un processus multidimensionnel «  car il se situe à la croisée de plusieurs paramètres où convergent différentes variables »229(*). La résilience dépendra alors des facteurs individuels, des facteurs familiaux et des facteurs sociaux.

    Malgré cela, le sujet B nous apprend qu'il n'a jamais vu une personne détruite totalement par le traumatisme. « Le fait de rester en vie, d'avoir mis en place un tas de mécanismes adaptatifs qui sont plus au moins efficaces et sains, ça oui ». Cependant, Crocq met en évidence les suicides suite à un traumatisme. Contrairement aux propos du sujet B, pour nous, ce sont des indications que ces personnes décident de se détruire totalement. (Demandons-nous si le sujet B parle uniquement à partir de son expérience clinique ?)

    4. Autour des symptômes (questions 4)

    Le temps de latence est évoqué par le sujet B et C. Selon les auteurs, le temps de latence est une étape obligée entre le vécu et l'apparition des symptômes psychotraumatiques tels que décrits par le tableau clinique du DSM IV ou à la façon française. Le syndrome post-traumatique ne devient invalidant qu'après un certain temps de latence mais il y a quand même des éléments prédicteurs, tels que l'état dissociatif230(*), qui peuvent montrer réellement que la personne présente des risques. Ces « éléments prédicteurs » correspondent aux propos de Crocq231(*).

    Pour l'auteur, pendant ce temps de latence, par une observation attentive, on remarque que les personnes risquant de développer un syndrome psychotraumatique présentent divers états : ruminations perplexes, tristesse avec émission de pleurs ou, à l'inverse, euphorie exubérante. Concernant les états dissociatifs, le sujet C n'a pas donné d'exemple concret.

    Concernant les huit modalités du syndrome de répétition, tous nos sujets mettent en évidence que les symptômes principaux sont les reviviscences. Ces reviviscences peuvent survenir pendant la journée ou pendant le sommeil sous forme des cauchemars (sujets C et D), de répétitions232(*) (sujet D). Pendant la journée, il s'agit d'une impression de revivre233(*) l'événement traumatique sous forme de flashs-back (sujet D) suite à un stimulus extérieur, ce qui replonge la victime au sein de l'événement traumatique (sujet B). Donc, les événements reviennent dans les pensées des victimes de façon incoercible234(*), ce qui les handicapent dans leur mode de réflexion mais aussi dans leur travail quotidien parce que, souvent, quand elles sont en train de penser à un problème, ces idées resurgissent (sujet C). Il y a des patients qui présentent ces reviviscences pendant très longtemps (sujet B). Le sujet B nous apprend que, chez certaines personnes, même après des années, les réviviscences peuvent être présentes. Le sujet B nous donne l'exemple d'une de ses patientes : « plusieurs années après avoir été violée, elle avait encore des phénomènes de flashs back. Elle entrait encore dans un état de sidération. Il lui arrivait de se perdre en rue, de tomber parce qu'elle était prise par la reviviscence des événements ».

    Le sujet C nous cite aussi des symptômes comme des hallucinations235(*) (visuelles, auditives, etc.),

    Concernant les automatismes gestuels et verbaux, notre sujet nous dit que la victime a perdu le contrôle de la situation. Elle n'est plus consciente de ce qu'elle fait. Dans le tableau clinique français, nous trouvons des phénomènes moteurs élémentaires. Ce sont des réactions motrices comme des tics, sursauts ou recroquevillements lorsque le sujet est confronté à des stimuli ou des reviviscences sans un stimulus provoquant. Nous trouvons aussi des conduites à répétition. Ce sont des conduites motrices plus organisées, des actions complexes inconscientes qui sont en lien avec l'expérience traumatique comme des fugues, des récits répétitifs, des jeux répétitifs chez l'enfant, des comportements agressifs, des actes délicieux, etc. Nous pensons qu'il est probable que ces automatismes se trouvent dans ces deux modalités, mais nous sommes incapables d'être plus précis. Le sujet C n'a pas donné d'exemples pour comprendre de quels automatismes il s'agit.

    Les sujets A et B parlent de la présence de culpabilité236(*) chez la victime. Pour les auteurs, ce sentiment est très présent chez les victimes et, souvent, il s'agit d'une culpabilité irrationnelle.

    « C'est de ma faute, si j'avais fait autrement. » (sujet B). La dépression237(*) est évoquée par les sujets B et C.

    Le sujet B nous dit que les victimes de traumatisme se rendent compte qu'elles ont un rythme de fonctionnement qui est devenu différent des autres personnes. Crocq nous parle de personnalité traumato-névrotique. Ce sont des changements des rapports avec soi-même et le monde, une nouvelle manière de percevoir, de ressentir, de penser, d'aimer, de vouloir et d'agir.

    Les sujets B et C disent que les victimes des traumatismes deviennent hypervigilantes (blocage de la fonction de filtration). Cette hypervigilance constitue un inconvénient car les victimes sont toujours aux aguets, toujours en attente de danger et cela les perturbe que ce soit au niveau psychologique ou biologique (sujet C). Nous pensons qu'il s'agit d'hyperexcitabilité neurovégétative238(*) : accélération du rythme cardiaque, sudation... (sujet B).

    Chez ces victimes, il y a souvent des troubles du sommeil (sujet D). Il s'agit d'une altération de la qualité et de la quantité du sommeil : le sommeil est discontinu, les réveils précoces (sujet C). Les victimes éprouvent des difficultés à s'endormir (sujets C et D). Concernant les troubles du sommeil, Crocq239(*) parle d'une résistance à l'endormissement volontaire. Les victimes deviennent hypervigilantes car elles n'arrivent pas filtrer les stimulations de l'extérieur. Pour elles, toute stimulation est perçue comme dangereuse. Ainsi vivent-elles avec un sentiment d'insécurité permanente, d'où la résistance à l'endormissement, car s'abandonner au sommeil serait se livrer aux agressions venant du dehors.

    L'évitement face à un stimulus qui rappelle le trauma est décrit par le sujet C. Les stimuli comptent être des films violents, le fait d'entendre des événements violents, etc.

    Cette altération de la personnalité se traduit aussi par un blocage de la fonction d'amour et de relation à autrui. Les professionnels confirment certains symptômes :

    Un de ces symptômes est la régression. Chez certains patients, il y a des manifestations de dépendance (sujet D). Une demande d'enfant, une demande d'affection, d'amour. Une sorte de demande de reconnaissance du mal qu'ils ont subi. Ceci est remarqué aussi dans la posture des patients : parfois le patient se présente démuni comme s'il revenait à l'enfance (sujet A). Le sujet A prend l'exemple d'un homme qui adoptait des postures de foetus, se recroquevillait sur lui-même, adoptait un comportement inadapté. Le sujet A a remarqué, chez certaines personnes, une sorte de positionnement dans le statut de victime qui cherche réparation.

    Un autre symptôme est l'irritabilité importante des victimes (sujet D). La victime devient allergique aux critiques (sujet A). Elle perd confiance en elle (sujet D) et en l'homme (sujets A et C). Crocq explique que ce blocage - qui se traduit aussi par de l'irritabilité et de l'agressivité envers les autres - est présent parce que tout l'environnement, les choses et les êtres pour la victime est devenu agressif. La peur que l'agresseur suive encore la victime est habituelle dans la névrose traumatique. Alors, la victime met en place des conduites d'évitement et de réassurance. La conséquence est qu'elle perd son autonomie, son indépendance et sa liberté d'action.

    Tandis que le sujet B nous dit que, dans son expérience clinique avec ces patients, elle a remarqué que, lorsque les patients commencent à aller mieux, « ils ont envie d'aller vers les autres, ils trouvent une capacité d'empathie pour les autres et d'altruisme et même ils ont besoin d'aller vers les autres ».

    Pour rappel, c'est dans la théorie de Ferenczi que nous rencontrons pour la première fois le terme de « régression narcissique »240(*), utilisé à propos des sujets traumatisés par la guerre,. L'auteur avait remarqué que les névrosés de guerre retirent leurs investissements objectaux antérieurs et retournent au stade infantile où ils n'étaient pas capables d'aimer un autre qu'eux-mêmes en raison de lésions graves du Moi. Les effets de cette régression se traduisent par une impuissance sexuelle, une recherche la sécurisation, une extrême dépendance affective. D'autres symptômes encore qui ne sont pas évoqués par les professionnels sont des exigences capricieuses, des réclamations surenchéries envers autrui. Paradoxalement, le sujet exprime des revendications d'autonomie.

    Le sujet C a abordé le repli sur soi. Pour notre sujet, cette attitude se traduit par une recherche d'une certaine protection contre un monde qui constitue un danger pour la victime. Parce que, le mal vient de nos semblables. La victime s'aperçoit que l'homme peut aussi être mauvais et dangereux.

    Chez des femmes violées, le sujet A nous dit que, fréquemment, il y a perte de l'amour, l'incapacité d'avoir des relations sexuelles avec un homme car elles rappellent le grand trauma. Ceci a des répercussions relationnelles avec leur partenaire. « Il y a des femmes qui n'arrivent pas à s'imaginer se remettre avec un homme ».

    Dans le blocage de la fonction de présence, nous trouvons des personnes qui deviennent tout d'un coup passives (sujet D), apathiques, (sujet A) qui perdent le goût en la vie (sujet D).

    Nos sujets parlent aussi des symptômes non spécifiques. Le sujet D a remarqué chez les victimes des troubles de la concentration241(*). L'anxiété242(*) est évoquée par les sujets B et C, ainsi que les superstructures psychonévrotiques telles que phobies et comportements obsessionnels (sujet C). Certaines personnes doutent de tout, n'osent plus rien faire (sujet A). Le sujet A nous dit que d'autres sombrent dans l'alcoolisme, n'arrivent pas à se stabiliser dans un emploi, etc. Ces symptômes sont répertoriés dans la catégorie des troubles de conduite. Le sujet A nous a donné l'exemple d'une femme qui, après le traumatisme était devenue très, très active. « Elle était tout le temps en train de faire quelque chose. Elle ne supportait pas le moindre échec. Elle devait toujours réussir ». (Nous nous demandons si ce comportement est de type obsessionnel, ou relève plutôt de l'agitation maniaque, ou...) Les sujets B et C nous parlent de troubles dissociatifs, tels que des amnésies (sujets A, B, C et D), et de troubles psychosomatiques (sujets B et C).

    Une autre confirmation théorique repose sur le déplacement ou transposition des symptômes dans la durée à distinguer de l' l'anxiété. Le sujet B dit qu'avec le temps, les réviviscences diminuent et laissent place à l'anxiété, la dépression et les symptômes psychosomatiques. A ce sujet, M. De Clercq243(*) nous explique que, pendant la phase aiguë, les symptômes associés à l'anxiété (les pensées envahissantes, les flash-back, les troubles du sommeil et les cauchemars) sont prédominants. Si on ne traite pas ce stade, l'affection devient chronique (après plusieurs mois ou plus) : l'anxiété diminue et cède le pas à l'abattement, à la dépression, aux troubles sexuels et à la somatisation.

    Nous remarquons que nos sujets ont mis en évidence des symptômes qui ne sont pas repris dans le DSM IV. Nous les trouvons par contre dans le tableau clinique du syndrome psychotraumatique français tels que : les troubles psychosomatiques, psychonévrotiques, etc. Malgré cela, aucun de nos professionnels n'a fait une remarque concernant le DSM ni mentionné le tableau clinique du syndrome psychotraumatique française.

    5. Autour de la compulsion de répétition (question 5)

    Le sujet A donne le même avis que les auteurs exposés dans la partie théorique : le processus de la compulsion de répétition dans le traumatisme (dans le cas des réviviscences chez le sujet traumatisé) est une partie obscure. Le sujet D émet l'hypothèse que la répétition dans le traumatisme est une tentative « archaïque » d'apprivoiser ce qui est arrivé (sujet D), d'élaborer ce qui s'avère stérile, sans succès (sujets A, B et D) car la victime est incapable de digérer l'événement  (le sujet A). Le mécanisme qui maintient ce retour systématique de l'événement et cette impossibilité d'élaboration pourrait être généré par la pulsion de mort (sujet A et D) et lié à une forme de confrontation à la jouissance244(*) (sujet D).

    C'est un point d'arrêt sur lequel la personne achoppe ou trébuche tout le temps au même endroit car, le vécu a été tellement fort. Le champ pulsionnel a été tellement chamboulé (le sujet D) que la victime ne peut pas de s'en passer (sujet A et D). Donc, la victime reste calé dans une forme de sidération par rapport à ces événements car le Réel a fait une effraction » (sujet D). C'est une fascination de la personne par rapport à son propre anéantissement (sujet A et D). Lorsque la personne a vécu quelque chose d'extrêmement violent, peut-être que cet évènement s'imprime en elle (sujet A).

    Chez les traumatisés, il y a une mise en échec des processus de contrôle d'éléments stockés dans la mémoire (sujet A). En tout cas, c'est la mémoire qui est touchée : soit oublier, soit se rappeler de manière répétitive (sujet B).

    Suite à ces propos des professionnels, nous voyons que la compulsion de répétition dans le traumatisme psychique reste un point très discutable sans pouvoir donner une explication plus précise du type de mécanisme psychique dont il s'agit.

    Le sujet A se réfère plutôt à la pratique : « Mes meilleures références ce sont les patients; les patients qui racontent comment ils vivent ça ».

    Concernant les amnésies, tous les professionnels confirment qu'elles sont présentes chez les sujets traumatisés. Que ce soit des amnésies liées à la vie quotidienne (rappelons la maman qui oublie son bébé dans le bus) que des amnésies liées à un moment de l'événement traumatique : « ici, j'ai un blanc » disent parfois les patients (sujet A et B). Les patients oublient également des noms qui sont en lien avec le vécu traumatique. Ils n'arrivent pas à resituer dans le temps le vécu traumatique (une fois ils disent que l'évènement s'est déroulé le matin, une autre fois, l'après midi); le nombre de personnes concernées (une fois, ils disent que quatre personnes étaient présentes, une autre fois cinq), les lieux, etc. (sujet D). Le sujet C parle de dysmnésie car, la mémoire d'un traumatisé est fragmentée, c'est-à-dire les fragments de l'événement ne surgissent pas dans l'ordre tel que la personne l'a vécu. Nous n'avons pas rencontré cela dans la théorie. Par contre, les auteurs nous parlent qu'une victime, elle manque de cohérence dans son récit du au choc qu'elle vient de subir. (Voir dans le chapitre de la prise en charge immédiate et post-immédiate).

    Certains patients, par contre, sont très précis. Parfois, les deux situations peuvent être mêlées : les patients sont confus pour certaines choses et sont hyper précis pour d'autres (sujet D).

    Malgré certaines amnésies, tous les professionnels confirment la théorie selon laquelle le problème principal, pour les patients, reste de se souvenir trop (sujet B) ou plutôt de revivre sans cesse l'événement. Ceci rejoint la théorie. Houbballah qui nous parle d'hypermnésie.

    Globalement, les propos de nos sujets rejoignent les propos de Sironi245(*) : « le sujet oublie ce qu'il ne devait pas oublier (l'événement non traumatique), et n'arrive pas à oublier ce qu'il devrait oublier (l'événement traumatique) ».

    Pour les professionnels, les amnésies en rapport avec l'événement traumatique, sont des tentatives d'effacer ces événements qui les font trop souffrir. « L'inconscient essaye d'éliminer cet intrus parce qu'il est trop douloureux pour lui » (sujet A). Nous rejoignons l'effet paradoxal de la mémoire  dans le traumatisme décrit par Fischer : « d'un coté, il l'empêche de faire son travail d'oubli et, de l'autre, il crée des formes d'amnésies par rapport à l'événement »246(*).

    Dans le cas d'un syndrome psychotraumatique, pour Tisseron, cette tentative volontaire d'effacer l'événement s'appelle clivage. « ...l'oubli d'un événement vécu avec une souffrance extrême se fait par l'enfermement de cet événement (avec l'ensemble des sentiments qui l'ont accompagné et des images des protagonistes qui y étaient impliqués) dans un lieu totalement isolé du reste de la personnalité et inaccessible au sujet lui-même.(...) »247(*).

    Malgré ce processus actif d'éloignement de quelque chose qui est affectivement pénible, elle revient clandestinement d'une manière symbolique : dans les rêves, les actes manqués, etc. (sujet A)*.

    *Nous nous questionnons sur ce point. Ce processus actif d'éloignement de quelque chose qui est affectivement pénible et qui revient clandestinement d'une manière symbolique : dans les rêves, les actes manqué, etc. (sujet A), dans la théorie, nous le trouvons plutôt chez les trauma d'enfance lié avec des désirs sexuels coupables. D'après les auteurs, l'enfant va refouler ses désirs et quand un retour de refoulé a lieu, ils reviennent à travers des symptômes, actes manqués, etc. D'après la théorie, les traumatismes qui sont des conséquences directes à la suite d'une agression, d'une catastrophe, de guerre, d'une maltraitance parental, etc. ne peuvent pas revenir d'une manière symbolique (faute de non-représentation, d'incapacité de symboliser l'événement) mais ils reviennent dans un état brut. La victime revit avec les mêmes émotions l'événement traumatique que le jour inaugural. Pour pouvoir parler de refoulement dans le deuxième type de traumatisme Tisseron dit : « ce n'est que progressivement, au fur et à mesure de son élaboration par la psyché, que le travail du refoulement proprement dit peut s'installer. L'un des signes en est que la situation traumatique ne fait plus retour au psychisme du sujet avec ses caractères originaires, mais sous une forme symbolique. Tel sujet traumatisé par une explosion n'est plus réveillé dans son sommeil par le souvenir de cette explosion, mais par exemple par la menace d'un lion qui rugit de façon menaçante »248(*).

    Concernant le clivage, les professionnels n'ont pas donné d'explication car, comme nous l'avons indiqué plus haut, c'est un point qui reste obscur pour eux. Toutefois, le sujet B parle « de dissociation de conscience249(*) qui est invalidante parce que ça se fixe. Au départ, c'est un mécanisme adaptatif qui permet de diminuer cette souffrance et qui peut tendre vers quelque chose qui va plus en profondeur mais où ? ».

    En ce qui concerne ces oublis chez les demandeurs d'asile, tous les professionnels mettent en évidence les répercussions par rapport à l'Office des Etrangers lors refus de reconnaissance comme réfugié parce que certains éléments essentiels dans leur histoire étaient effacés. Les auteurs expliquent que: « les troubles mnésiques, incohérences, non réponses, seront généralement interprétées par l'OFPRA comme témoignant de mensonges ou d'affabulations de la part du requérant »250(*).

    6. La prise en charge (question 6, 7)

    · Pour des vécus spécifiques, un traitement spécifique

    Exprimer l'empathie, reconnaître la souffrance, reconnaître la victime, oublier la neutralité sont les points de départ du travail de tous les professionnels face aux sujets qui ont vécu des événements potentiellement traumatiques.

    On ne peut pas rester neutre devant certaines choses. Comment peut-on rester neutre devant des crimes pareils (sujet A) ? La neutralité en face de ces personnes n'est pas adéquate, parce qu'elles ont besoin de se sentir dans un cadre relationnel où le danger est exclu ou sans se sentir en danger d'une autre manière (sujet D). Le fait de pouvoir offrir des contextes chaleureux, ré-humanisants, c'est un premier pas pour reconstruire (sujet B). Un être humain est un animal social qui a besoin de l'échange du regard avec les autres pour se construire et c'est pareil dans la guérison. Quand tu es détruit, tu as besoin du regard d'un autre pour te reconstruire. Ce regard est soutenu par les compétences de l'empathie du thérapeute face à son patient » (sujet B).

    Par conséquent, quand on a été victime d'une déshumanisation, il y a quelque chose à restaurer qui est plus profond et qui demande une forme de présence thérapeutique dans une forme de re-humanisation du contact, de la relation et de la confiance dans l'autre (sujet D).

    - La première étape c'est la reconnaissance de cette victimisation, parce que si on ne reconnaît pas cela, comment peut-on aider le patient ? (sujet C)

    - « La première chose pour moi, c'est de créer une sorte d'empathie, leur donner confiance car chez ces personnes la foi en l'être humain telle quelle s'écroule. La deuxième chose que je fait avec ces gens-là qui souffrent, c'est de reconnaître leur souffrance » (sujet A).

    - « On pense qu'il ne faut pas rester neutre dans des situations comme ça parce que justement c'est l'humanité qui est atteinte. Souvent les patients me disent "j'ai l'impression de devenir fou", "je ne suis plus comme avant" (...) » (sujet B).

    - « Chez beaucoup de victimes qui ont vécu le génocide, torture, etc., il y a vraiment une peur de sombrer dans l'être déshumanisé. Evidemment, le thérapeute ne peut pas se permettre de rester dans la neutralité face à ces situations. Il doit pouvoir reconnaître ce que la personne a vécu comme quelque chose très violent, d'injuste, d'inimaginable » (sujet B).

    - Il faut aller au-delà de la position classique des psychologues et il faut pouvoir marquer une forme de présence et d'humanité et d'accueil dans laquelle ces personnes peuvent trouver asile, dans un espace de relation qu'on met en place avec elles. Il faut aussi une condamnation de la violence que la personne a subie et qui continue à subir autrement, lorsqu'elle est soupçonnée de mentir, tenue de prouver que les événements traumatiques ont réellement eu lieu. On est dans une position de soutien, de reconnaissance de sa qualité d'être humain (sujet D).

    Au cours de la lecture des ouvrages rédigés par les spécialistes dans ce domaine, nous épinglons la position de Werber et Prieto251(*) qui soutiennent que la reconnaissance solidaire de la souffrance de la victime et de son préjudice, la croyance en ce qu'elle dit et la reconnaissance de l'expérience traumatique comme atteinte à son intégrité sont des étapes importantes et indispensables pour le rétablissement de la confiance, des liens sociaux. Il faut une distinction claire et affirmée de l'agresseur et de l'agressé.

    · Comment pourrions faire pour que ça s'arrête ?

    Il n'y a pas de recette, c'est par la pratique que la personne doit sentir la récupération, le soulagement (sujet A). Mais, « il faut être claire sur la position que nous nous proposons d'occuper, sans leurrer pour autant la personne sur notre (faible) capacité à tout arranger, à la sauver » (sujet D). Pour ceux qui ont subi ce genre de traumatisme, le premier geste du thérapeute est de reconnaître comme un humain à part entière, dans l'accueil, dans le respect (sujet B). Dans un premier temps, on essaye de voir ce qui est en jeu chez le patient, dans son symptôme douloureux qui suit des événements violents (sujet A). Puis, on essaye de mettre de l'ordre dans les « images du film » que le psychisme de la victime a enregistrés dans l'état brut. C'est-à-dire on essaye de mettre de l'ordre dans ses idées (sujet C). L'aide thérapeutique aide de sortir la victime de sa fascination face à l'horreur, de l'acte insensé et horrible (sujet B) puis, de l'accepter à la limite car on ne peut pas changer ce passé (sujet A). La thérapie consiste à penser ce qui c'est passé autrement (sujet B), sur les mécanismes de perte de confiance en l'humain, des mécanismes de déni, de culpabilité (sujet A). Par exemple, avec les personnes victimes de torture, on analyse l'intentionnalité de l'agresseur pour pouvoir externaliser son influence. « Car la tendance de la victime est d' internaliser : "c'est de ma faute, si j'avais fait autrement", etc. Ce n'est pas elle qui est coupable. Par exemple, dire au patient (pour ceux qui ont livré des informations pendant la torture) que ce n'était pas l'intention de le faire parler parce que le bourreau connaissait déjà ces informations, mais bien de le détruire dans leur groupe, etc. » (sujet B).

    Nous sommes dans la composante de la culpabilité et dans la référence théorique de Sironi. Nous avons exposé, dans la partie théorique, que les victimes développent des sentiments de culpabilité en se sentant responsable de ce qui leur est arrivé, d'avoir survécu alors que leurs proches ont perdu la vie.

    « La culpabilité est l'expression de la tristesse ressentie du fait d'avoir survécu à un événement qui a coûté la vie à d'autres ou d'avoir une vie meilleure que celles d'êtres chers. La culpabilité peut aussi provenir du fait que l'on se sent en partie ou entièrement responsable de la situation »252(*).

    Pour une explication plus claire, basons-nous sur l'expérience des prisonniers politiques au Kosovo. Les accusés sont sommés de livrer des informations concernant leur travail perçu comme étant contraire à l'intérêt de l'Etat. La livraison de ces informations sous la pression de la torture est considérée par leur groupe comme une trahison, ce qui a comme conséquence le rejet du « traître ».

    Pour rappel, Sironi nous explique que l'intentionnalité du bourreau vise à briser, brouiller tous les repères, détruire les liens qui reliaient l'individu à son groupe d'appartenance et par lesquels une identité individuelle se construit, de le réduire à un être sans spécificité culturelle, sans singularité, ce qui a pour effet la déstructuration de la personnalité initiale.

    · Les patients ont difficile à parler de leur vécus (question 6)

    Unanimement, les professionnels expriment qu'il est nécessaire de respecter le rythme du patient. Presque aucun patient ne vient directement pour parler des événements traumatiques, sauf s'ils s'y sentent obligés (sujet D). Certains ne veulent pas parler de ce qu'ils ont vécu. Pour d'autres, parler devient tellement éprouvant qu'il faut prendre du temps. D'autres encore en parlent mais en évitant certains détails (sujet C). « Je ne fais jamais parler le patient du traumatisme. Je trouve ça violent. Faire parler, c'est traumatisant car ça réactive l'événement » (sujet B). Il faut respecter le rythme et ne pas forcer les portes de la mémoire par rapport à l'événement et à la remémoration (sujet D). Dès le début, on est obligé de faire preuve de réticence au niveau de la volonté de savoir. On ne souhaite pas et on ne fait rien pour que la personne aborde ses souvenirs (sujet A). On est dans une position de soutien et on lui montre qu'on est prêt à entendre aussi à un moment donné quand elle souhaite en parler d'elle-même (sujet D). On lui offre un lieu pour aborder ces thèmes quand elle sera prête et ça peut être très long (sujet A).  « On peut parler de traumatisme quand le lien thérapeutique est bien instauré, quand la personne parle dans un lieu qui a du sens pour elle, où elle se sent protégée. Elle peut en parler quand il y a déjà un minimum d'élaboration grâce au soutien thérapeutique ou grâce à ce qu'elle avait mis en place naturellement » (sujet B). Il y a un temps psychique pour digérer certains événements et qu'il ne faut pas se précipiter à vouloir supprimer les choses tout de suite (sujet A). La personne peut venir deux ans sans en parler (sujet D).

    · Des problèmes rencontrés avec les réfugiés

    Nous remarquons que respecter le rythme des patients n'est pas toujours possible pour les réfugiés demandeurs d'asile. Nous avons un manque théorique à ce sujet. Les professionnels mettent en évidence trois types de problèmes qui se présentent pour ces personnes face à l'Office des Etrangers. Nous voyons qu'il y a des personnes qui ont oublié certains moments de leur vécu, ce qui leur cause des problèmes pour obtenir leur statut de réfugiés. Il y en a d'autres qui en parlent mais en limitant certains détails. D'autres encore ne se sentent pas prêtes à parler de ce qu'elles ont vécu.

    Le sujet C nous donne l'exemple d'une personne qui au premier événement a vu une bombe tomber sur sa maison. Les membres de la famille ont été obligés de fuir dans toutes les directions. La famille s'était désintégrée. Seul ce membre était venu en Belgique. Cette personne n'avait aucune nouvelle de sa femme après trois ans. Lui, avait été torturé par les miliciens, etc. « Ce que me disait mon patient, c'est plutôt la façon dont il a essayé de trouver à manger, de survivre etc. Et plus tard, quand il se sentit mieux, il m'a raconté tout le début de son histoire. Ça m'a bouleversé parce que je croyais que c'était quelqu'un qui avait fuit les hostilités, qui n'avait pas été impliqué d'une manière ou d'une autre ».

    Le deuil est « gelé » : les victimes préfèrent « mettre au frigo » leur vécu. Il ne faut pas le dégeler. C'est à elles de sentir le moment pour le faire (sujet A). Malheureusement, la procédure de demande d'asile ne nous permet pas d'attendre. Elle nous invite à forcer le retour d'événement pour que le demandeur d'asile, grâce à nous, soit apte à le faire. Ce n'est pas idéal dans un cadre thérapeutique. Nous le faisons parce que la sécurité du droit au séjour doit être assurée. Ca c'est primordial, car sans elle, la perspective de se projeter dans l'avenir, en assumant les épreuves passées, ne peut être travaillée. Donc, on est face à une contradiction : on doit travailler au droit de séjour et, pour ce faire, on doit parfois favoriser de lever les oublis, de faire retour sur des événements alors que la personne n'est pas prête. Cela peut être considéré comme contre-thérapeutique » (sujet D).

    · Différents types d'approches utilisées

    Pour la plupart des professionnels, la méthode cathartique de Crocq n'est pas préconisée. Ceci nous a poussé à leur poser la question quant à l'utilisation de cette méthode. « Je ne suis pas du tout favorable à des formes de traitement cathartique de l'événement traumatique. La personne peut venir deux ans sans en parler. Donc, selon moi, il faut la suivre dans ce qu'elle veut nous livrer, dans ce qu'elle veut travailler avec nous ici » » (sujet D). Le sujet C pense qu'aucune théorie ne peut se déclarer comme étant la plus adaptée au traumatisme, que ce soit au niveau psychanalytique, au niveau cognitivo-comportementaliste ou au niveau systémique. Par exemple, la méthode cathartique, pour certaines personnes, peut être utile et, pour d'autres, non, voire est tout à fait déconseillée. Nous nous demandons si le sujet C fait référence à une thérapie multimodale253(*) ? Par cette approche, le thérapeute doit être capable de naviguer, selon le cas et selon le moment pour le même cas, entre différents modes thérapeutiques. Pour le sujet C il faut une intervention dans un contexte plus global : une approche multidisciplinaire s'avère indispensable pour ces patients car, « ces personnes n'ont pas seulement des problèmes psychologiques. Le traumatisme se passe aussi dans le corps, il laisse des traces, il laisse des séquelles ». Le sujet D s'inspire de la psychanalyse, mais aussi de la thérapie institutionnelle. La seconde est un modèle d'accueil et de l'institution soignante où chacun peut avoir un rôle et une fonction. Cet accueil est globalement enveloppant et soignant pour la personne : l'institution offre un bien-être, une protection, une relation de confiance avec les victimes de déshumanisation et cela est essentiel.

    Le sujet B fait référence à l'approche systémique. Aux différentes ruptures qui ont eu lieu chez les victimes (au niveau individuel, au niveau familial, au niveau social, au niveau communautaire), le sujet essaie d'apporter un support qui va dans un sens de « re-humaniser » et de permettre à la personne de se sentir soutenue dans des liens solidaires qui peuvent être réparateurs. Pour ce faire, le sujet propose aux patients différents espaces où il va pouvoir élaborer sa souffrance dans un lien thérapeutique avec le thérapeute mais aussi leur permettre de se remettre en lien 254(*) avec un groupe de patients, avec sa communauté.

    · des inconvénients sur le plan de récupération avec les exilés

    Concernant les réfugiés victimes de traumatismes, les professionnels ont mit en évidence un problème essentiel sur le plan de récupération de ces personnes dû à la non-reconnaissance de leur statut et un mauvais traitement dans les centres d'accueil.

    - Les réfugiés se sentent obligé à nouveau de se justifier devant l'Office des Etrangers. Et se justifier veut dire raconter toute l'histoire qu'ils ont vécue. Ces personnes se trouvent confrontées à la non-reconnaissance car, souvent, leur mémoire est fragmentée (sujet C).

    - Pour le sujet B, une telle expérience représente un risque majeur. Un bon accueil, c'est la prévention énormément de trouble à long terme chez les réfugiés et leurs enfants. La non-reconnaissance dans leurs souffrances constitue un facteur très négatif pour le pronostic de l'évolution de la santé de la victime. Le sujet B nous explique que certains demandeurs d'asile soutiennent qu'ils ont beaucoup souffert mais c'est encore pire maintenant. Pour le sujet B, « cela signifie vraiment que le fait de ne pas être accueilli, de ne pas être reconnu est une souffrance énorme. C'est comme si on t'enfonce la tête dans l'eau. Ils sont plus que déçus, vraiment désespérés ». Les auteurs nous disent à ce sujet qu'« on imagine sans peine combien cette insécurité dans la réalité entre en résonance avec le sentiment d'insécurité interne »255(*).

    - La procédure d'asile est, dans beaucoup de cas, un événement traumatique secondaire (sujet D).

    - La non-reconnaissance de la souffrance de la personne et l'humiliation de ne pas être reconnue comme personne en péril, physiquement ou psychologiquement, par le pays d'accueil sont ressenties comme une expérience très violente pour la personne. En même temps, cette procédure fait revivre le vécu traumatisant, ce qui n'est pas du tout souhaitable thérapeutiquement (sujet D).

    Le sujet B nous parle des répercussions non seulement sur l'individu mais aussi sur la famille entière. C'est la famille comme système qui devient malade : le père qui se referme sur lui-même, la mère, le couple qui éclate puis les enfants qui sont parentifiés, adultifiés pour soutenir émotionnellement leur parents, ou adultifiés pour accomplir les démarches que les parents devraient faire.

    Un autre phénomène mentionné par les professionnels - que nous n'avons pas abordé non plus dans la théorie - est la suspension du travail d'élaboration du vécu traumatique chez les exilés non reconnus. Le sujet D dit qu'un des effets de la procédure par rapport au vécu traumatique est la tendance à geler le processus de métabolisation ou d'élaboration de traumatisme.

    Les demandeurs conservent leur énergie le temps de la procédure, parce que leur survie est encore en jeux. Dans le temps de la survie, le traumatisme n'est pas nécessairement à l'oeuvre. Certaines personnes peuvent continuer à bien fonctionner tant qu'elles sont dans une logique de survie.

    Au moment où ils reçoivent leurs avis positif du commissariat ils se lâchent, décompensent (sujets B et D). A ce moment là, ils vont avoir des symptômes très, très forts liés au traumatisme vécu antérieurement. C'est à ce moment qu'ils se permettent car, ils ne sont plus dans la survie (sujet B).

    Le sujet A et C mettent en évidence l'espoir et la déception envers le pays d'accueil pour ces personnes. « Les gens viennent avec l'espoir que plus jamais ça, qu'on va entrer dans un monde de justice, équité, d'amour, etc., (sujet A), avec espoir de trouver un espace de sécurité (sujet C) et quand ils arrivent ici, souvent ce n'est pas ce qu'ils ont espéré (sujet A). Ils se trouvent de nouveau confrontés à cette agression humaine (sujet C). Une fois que ce monde juste les déçoit, certains vont être profondément déçus et blessés » (sujet A) parce qu'ils leur rappellent ce qu'ils ont vécu (sujet C). C'est ainsi dit Fischer : « La croyance en un monde juste donne un espoir de résilience »256(*).

    Quant au sujet C, l'incapacité de réparer la souffrance que les demandeurs ont subi par cette reconnaissance du statut de réfugié maintient ces personnes dans une répétition du traumatisme. Par exemple, parmi les facteurs traumatisants subis par les victimes de guerre au Kosovo, pouvant intervenir isolement ou d'une manière cumulée, dans l'étiologie des syndromes psychotraumatiques présentée par L. Crocq, nous trouvons aussi ce facteur : « avoir été accueilli avec hostilité dans un pays limitrophe » 257(*).

    Le sujet D fait une distinction entre la régularisation258(*) et la reconnaissance comme réfugié en termes de restauration narcissique. Car, la reconnaissance du statut de réfugié, c'est reconnaître de ce qu'ils ont vécu. Ainsi, le sujet D nous dit qu'il encourage à poursuivre la procédure d'asile même si ces personnes sont régularisées. Nous manquons de références théoriques à ce sujet mais l'idée du sujet D nous parait logique. Cette logique nous la basons sur notre expérience personnelle.

    A coté de la non-reconnaissance du statut de réfugié, il y a d'autres atteintes narcissiques (sujet D). Ces personnes sont confrontées aussi à des problèmes existentiels dus aux conditions difficiles dans les centres d'accueil, de dépendance du CPAS, etc. Ces difficultés de la procédure réduisent ces personnes à un mode de dépendance (sujet C), de l'inactivité forcée (sujet D) ce qui n'est pas valorisant pour elles. Pour se reconstruire, il faut aussi être autonome (sujet C). Nous avons trouvé dans plusieurs références les propos de nos sujets. A partir de sa pratique avec les demandeurs d'asile et réfugiés, P. Jacques explique que pour les personnes qui se trouvent dans des situations d'attente de reconnaissance, le temps est suspendu : « Sans papiers. Oisiveté, sentiment d'inutilité. Dépendance, infantilisation, logique "d'assistanat"; atteinte à sa fierté, changement de rôle social (...) »259(*).

    7. Quelle importance a le soutien social dans l'accompagnement de la victime ? (Question 9)

    Les professionnels mettent l'accent sur l'importance du soutien social mais aussi sur le fait que ce soutien social peut aussi être destructeur. Le sujet D, travaille déjà dans ce sens car son approche thérapeutique se base sur la psychanalyse mais aussi sur la thérapie institutionnelle. Pour lui, « c'est souvent sous le couvert d'un suivi social qu'on peut démarrer autre chose, de plus relationnel » (sujet D). Donc, le contexte social est très important (sujet C), essentiel (sujet B), primordial (le sujet D). Il y a des contextes qui rendent malade comme le contexte de guerre, les conflits interethniques, la répression, ... et il y a des contextes qui permettent de guérir comme les contextes solidaires où les cultures peuvent entrer en dialogue (sujet B).

    Suite à des violences systématisées, à des événements qui impliquent toute une communauté, ce soutien social permet, à la majorité de la population, de s'en sortir. « Quand le traumatisme est introduit par l'homme, quand la personne est déshumanisée, il n'y a que la communauté qui peut restaurer cette humanisation, ce sentiment d'appartenance. Les individus qui ont été soutenus par l'entourage parviennent bien à s'en sortir en général. On ne peut pas améliorer quelqu'un dans l'isolement, dans la solitude » (sujet C). Néanmoins, le sujet A nous expose que ce soutien ne peut aider que des gens qui ont déjà des ressources : « On voit ceux qui participent à des groupes de paroles, qui ont des contacts avec d'autres mais qui ne s'en sortent jamais ». Par contre si le soutien social ne relève pas d'une démarche positive, la situation de la victime peut s'en trouver aggravée : cela peut rendre la souffrance encore plus grande. Le sujet C met en évidence que parfois l'entourage ne reconnaît même pas la souffrance de la victime. « Les victimes qui ne sont pas reconnues, parfois on les blâme ou on dit : voilà cette personne veut se victimiser ; elle doit tourner la page ; etc. alors que la personne n'en est pas capable. Cette façon de les ré-humilier, de ne pas reconnaître la souffrance ne favorise pas la récupération » (sujet C). Le sujet B nous dit que ça dépend aussi comment et la victime cherche des ressources. Par exemple, il y a des gens qui font plus facilement confiance à des professionnels. Il y a des gens qui font confiance à n'importe qui et ils seront roulés, ce qui renforce la souffrance.

    Le sujet A prend en compte certaines cultures qui prohibent, qui négativisent le fait d'exprimer des souffrances de cette nature. « Tu dois les digérer, tu dois les supporter et faire face, et montrer un visage digne ». Par exemple, au Burundi et Rwanda, souvent, un homme ou une femme digne ne déclare pas ses misères aux autres. Il doit assumer. Parfois, dans certaines situations, ça peut marcher, parfois il faut un long délai pour qu'il y ait une confiance entre les gens (sujet A).

    « Donc, la capacité à trouver de l'aide après un événement traumatique est déterminante pour la guérison, sa résolution » (sujet B).

    Ces perceptions sont en accord avec tous les spécialistes rencontré dans la théorie. Par exemple, la reconnaissance de la souffrance, l'importance du soutien social, compréhension, tolérance et l'insertion dans la société peut aider la personne se reconstruire et céder graduellement son statut de victime.

    « ... le traumatisme psychique est lié à l'événement objectif, mais, surtout, ce qui est traumatisant, c'est l'absence de mots autour de cet événement. Le silence, le non-dit qui entoure le drame, est plus traumatisant que l'événement en lui-même. C'est le désaveu de l'entourage et la non- reconnaissance qui constituent une violence traumatique venant s'ajouter à la violence réelle »260(*).

    Nous remarquons que, selon les propos des professionnels et de la théorie, le rôle du soutien social s'avère très important car la construction de l'identité de la personne est indissociable du regard de l'autre. Si la personne a déjà des ressources et si le soutien social a une approche adéquate ça aide à se reconstruire. Par contre, si le social ne reconnaît pas la victime ou s'il a une approche inadaptée, ça rend la souffrance encore plus grande. C'est ainsi nous dit Fischer : « c'est dans la relation à autrui que chacun peut se construire ou peut être détruit (...). On comprendra alors qu'il y a des blessures parce qu'il y a relation »261(*).

    Cependant, aucun professionnel ne nous a parlé de l'exclusion, de la marginalisation de certaines victimes comme c'est le cas du viol, surtout dans certains types de sociétés plus traditionnelles. Par exemple, nous avons abordé dans la théorie qu'une femme violée au Kosovo est marginalisée et/ou rejetée par la société. Voici ce que disent les auteurs : « ...après les exactions serbes commises sur des femmes, certains époux ont divorcé. (...). Une fille violée aura énormément de difficultés pour trouver un mari. Alors, beaucoup se taisent. Le viol est vécu comme une honte terrible car c'est à la fois la pire humiliation pour elles et le pire affront pour leur famille »262(*). Le traumatisme reste alors l'axe central de toute relation sociale.

    8. La reconnaissance sociale est-elle une voie vers la réparation ? (Question 10)

    Pour le sujet D, s'il s'agit de réparation narcissique. Les autres professionnels nous ont donné des réponses diverses. Ils demeurent sceptiques face à certains vécus dramatiques.

    Pour le sujet C « c'est une tendance vers une réparation symbolique mais il y a des points d'interrogation ». C'est un problème de l'Etat de reconnaître ces personnes comme victime. Le sujet C se demande si on peut réparer quelque chose : « Est-ce qu'on peut réparer ? Je crois qu'il faut renoncer à ça » (sujet C). De toute façon, quelqu'un qui a tué ton père, ta mère, il ne réparera jamais ça ». Cependant, une chose qui aggrave la souffrance, est quand cet autre ne reconnaît même pas le mal qu'il a fait. La victime est en partie soulagée lorsqu'il y a une reconnaissance que ce qui a été fait est inhumain (sujet A).

    Le sujet A pense qu'au moins la justice peut prononcer des condamnations qui aideraient la victime sur le chemin de la réparation. Mais, dans des nombreuses situations, même ce geste symbolique de la justice n'existe pas.

    Concernant la réparation chez les exilés, le sujet C nous apprend que l'incapacité de réparer la souffrance que les victimes ont subi par cette reconnaissance du statut de réfugié maintient ces personnes dans une répétition du traumatisme. « La majorité des patients que j'ai sont encore dans le traumatisme parce qu' ils n'ont pas de papiers depuis x années ...».

    Même si l'Etat ou l'agresseur reconnaît la victime, pour le sujet A, il ne peut avoir des réparations que si la victime rend possible la réparation, entreprend la démarche de réconciliation. Parce que si c'est le bourreau lui même qui le fait, quand la victime n'est pas prête, ça ne change rien. Le sujet s'appui sur ses observations au Rwanda. Il dit qu'on a condamné à mort certains auteurs du génocide. Le but était de les punir mais en même temps, il y avait un sens de réparation symbolique. Pourtant, certaines victimes n'étaient pas soulagées car on les a tués sans souffrir ce qui était le contraire de ce que les victimes elles-mêmes avaient vécu de la part de leurs bourreaux. Ces propos nous rappellent cette femme albanaise qui demandait vengeance pour la réparation.

    Le sujet fait une remarque sur le rôle du clinicien. « Le clinicien ne doit pas bloquer le travail que la personne elle-même peut faire. Le travail de maturation. C'est à la personne elle même de condamner, de pardonner ou de faire de démarche ».

    Dans ce sens les auteurs disent que la violation explicite de la loi exige réparation en justice, mais « la justice ne peut réparer que le réparable et il y a toujours une part d'irréparable »263(*). Pour cela, il faut laisser la mémoire de faire son travail qui permet, au moins, l'apaisement et l'instauration d'une culture de la paix.

    Les réponses de nos professionnels sont en lien avec cet apaisement de la victime. Néanmoins, nous n'avons pas eu des réponses sur l'autre point qui nous parait important aussi : rétablissement d'une culture de paix. Nous avons mis en évidence dans la partie théorique que l'horreur que la victime traverse, révèle en elle la partie la plus sombre : haine, vengeance, violence, etc. Pour que la Loi soit rétablie, la justice doit représenter une alternative à la vengeance. Elle doit faire son travail qui s'exprime par cette reconnaissance de la victime comme une personne lésée et le coupable comme responsable de ses actes qui doit être condamné.

    La reconnaissance du statut de réfugié pour les victimes en exil (sujets A, B, C, D) a un rôle très important pour la récupération. Nous trouvons ces propos aussi chez Sironi264(*) que nous avons décrits dans la partie théorique.

    Conclusion de la partie pratique

    A travers les 10 axes de recherche, nos rencontres avec les professionnels ont donné des résultats souvent similaires à notre recherche théorique. Voici en synthèse de ce qu'a été mis en évidence par les professionnels :

    La notion du traumatisme comprend un événement qui par sa violence a mis en péril l'intégrité physique et/ou psychologique de l'individu ou de ses proches. La victime se trouve sans ressources et répond par l'effroi. Ceci déborde les capacités d'adaptation, fait effraction dans le psychisme, traverse les défenses psychiques de l'individu.

    Quant à la rencontre de la mort en situation de guerre, elle confronte brutalement l'être à son propre anéantissement. L'expérience de ce Réel ne supporte pas la représentation.

    On peut être traumatisés par l'expérience de différents événements : de différents facteurs : confrontation à la mort, viol, torture, le fait de voir sa maison brûler, de perdre toutes ses biens etc. sans pouvoir porter plainte ou réclamer la réparation du préjudice subi, etc. Il y a également d'autres traumatismes qui peuvent entraîner des blessures profondes et qui ne concernent pas la guerre : un mauvais regard, le manque d'affection, la perte d'êtres chers, la maltraitance dans l'enfance, etc.

    Les traumatismes infligés par l'homme laissent des traces plus profondes car des transgressions des lois fondamentales (concrètes et symboliques) sur lesquelles se construit la vie collective et sociale s'imposent brutalement au sujet. Les traumatismes sont aussi d'ordre relationnel. Ils ont pour conséquence une perte de foi en l'humanité (brise les liens avec le monde). Il y a aussi des traumatismes « additionnels » liés à l'exil, à la précarité sociale, au rejet, au racisme, etc.

    L'impuissance, les humiliations, la chosification dans les cas de torture, viols, etc. ont des répercussions graves car la victime est en face de son bourreau qui dispose d'elle comme il veut. Cette incapacité de réaction est d' autant plus douloureuse parce qu'elle est réduite à l'impuissance totale. Quelque chose qui se fondre dans sa dignité, dans son être.

    Les professionnels ont mis en évidence que le sentiment d'abandon est écrasant car elle est accrochée aux parois du néant. Ces sentiments d'abandon, de rejet persistent chez les réfugiés car ces personnes viennent avec l'espoir de trouver un espace de sécurité mais elles se trouvent de nouveau confrontées à cette agression humaine. Toute attitude à tendance agressive leur rappellent ce qu'elles ont vécu. 

    Dans le contexte de guerre, souvent les individus subissent plusieurs traumatismes dans le temps ce qui complexifie le travail de récupération. En ce qui concerne les disparus, il est très difficile presque impossible de mener à son terme un travail de deuil. D'avoir vu un être cher mourir et d'avoir pu l'accompagner dans ses derniers moments, d'accomplir les rituels, sont en cela d'une importance capitale.

    Un même événement peut se vivre différemment d'un sujet à l'autre. Pour certains, il devient indépassable, d'autres s'en sortent avec plus de facilité. Les facteurs en cause sont complexes : ça dépend de la vulnérabilité de la victime, du contexte, de la qualité de soutien qu'il a autour de lui, de l'investissement dans un projet de vie, etc. La résilience dépendra donc des facteurs individuels, des facteurs familiaux et des facteurs sociaux (contextuels).

    Nous trouvons des symptômes tels qui sont décrits dans le DSM IV et dans le tableau clinique français mais, aucun professionnel n'a parlé du tableau clinique français. Les professionnels mettent en évidence que la mémoire de la victime est bouleversée. Les amnésies, dysmnésies et hypermnésies sont évoquées. Quant aux amnésies, elles seraient des tentatives d'effacer ces événements qui font trop souffrir. Les professionnels mettent en évidence deux éléments essentiels pour les troubles de la mémoire : - les sujets oublient ce qu'ils ne devraient pas oublier (l'événement non traumatique), et n'arrivent pas à oublier ce qu'ils devraient oublier (l'événement traumatique) ; - la mémoire empêche de faire le travail d'oubli (hypermnésie), le psychisme crée également des formes d'amnésie de l'événement. En général, les professionnels mettent en évidence que la victime se plaint de trop se souvenir. 

    À propos de la compulsion de répétition, semblablement à la partie théorique, les professionnels nous donnent plusieurs réponses : cette compulsion de répétition est régie par la pulsion de mort. Les réviviscences sont dues à la fascination de la personne par rapport à son propre anéantissement. Elles sont des vaines tentatives d'élaborer l'événement. Concernant le processus psychique de ces troubles mnésiques, aucun professionnel ne nous a parlé de clivage. Un professionnel nous a parlé de dissociation de conscience. C'est un axe qui nous reste à étudier.

    Quant à la prise en charge, il est indispensable de reconnaître la souffrance, montrer de l'empathie envers la victime. Un accueil ré-humanisant constitue la prévention des troubles. Les victimes éprouvent souvent des difficultés à parler de ce qu'elles ont vécus, il faut respecter leur rythme. Cependant, ceci n'est pas toujours possible pour certains demandeurs d'asile, parce que, pour que la demande du statut de réfugié soit acceptée, le commissariat leur demande des preuves précises et cohérentes. Pour pouvoir parler ou lever les oublis, le commissariat envoie ces personnes chez les psychologues.

    La suspension du travail d'élaboration du vécu traumatique chez les exilés en attente de leur procédure d'asile est mentionnée par les professionnels. Pendant que les personnes se trouvent en danger, ils sont dans la logique de survie et au moment où ils reçoivent leurs avis positif du commissariat ils se relâchent. A ce moment, ils peuvent décompenser et présenter des symptômes liés au vécu traumatique.

    Le travail thérapeutique consiste à pouvoir intégrer l'événement, pouvoir faire le deuil de ce qui est perdu, pouvoir penser autrement. Pour ceux qui ont subi la torture, le viol, etc. la psychothérapie consiste à chercher l'intention de bourreau et par là de pouvoir annuler le sentiment de culpabilité, l'autodépréciation. Le soutien social est un autre axe qui peut aider la victime à condition que ce soutien soit adéquat.

    Le dernier point concerne à la réparation. Nos sujets sont sceptiques, mais celle-ci est indispensable car elle procure un indéniable effet de soulagement. Néanmoins, il peut avoir une réparation que si la victime la rend possible. Il existe des vécus graves qu'on ne peut réparer. l'Etat et la Communauté Internationale n'investissent pas assez de moyens pour qu'un travail correct de réparation puisse avoir lieu. L'installation d'une culture de paix et sa pérennité inaugure l'idéal humain. Certains s'y attèlent... mais ceci est une autre histoire... !

    Conclusion générale

    Il reste beaucoup à écrire, encore plus à comprendre concernant la notion de traumatisme de guerre. Nous voulons ici mettre en exergue quelques points particuliers :

    Un traumatisme ou névrose de guerre n'est pas une affection mentale découlant de simples frustrations liées à la vie quotidienne ou d'un conflit intrapsychique La vision de l'horreur, les massacres, tortures nous paraissent des épreuves de l'abominable et de l'indicible. Ces vécus spécifiques demandent des traitements spécifiques. Ils doivent être adaptés pour chaque « catégorie de victime ». On ne traite pas de la même manière le témoin ou la victime d'un massacre. En ce domaine, la dédramatisation n'est jamais une attitude thérapeutique.

    - Les mécanismes de défense que le psychisme de la victime met en place pour se protéger contres les épisodes douloureux de son histoire traumatique suscitent en nous un intérêt important. Nous réserverons une place à leur étude dans notre avenir.

    - Un autre point parait essentiel est le rétablissement de la loi dans ce pays qui vient de vivre des telles transgressions gravissimes. La violence et l'anarchie qui découlent après un conflit, une guerre prennent bien souvent le pouvoir. Les conséquences peuvent déstabiliser gravement l'avenir de tout un peuple ou nation. Dans ce sens, la réparation de la part de l'Etat est capitale. Elle nécessite l'instauration d'une justice humaine où la distinction entre victime et coupable doit être nettement établie, reconnue et proclamée.

    L'élaboration de ce travail de mémoire n'a somme toute pas tellement changé le souvenir de mon passé de réfugiée politique. Malgré mon désir d'objectivation, j'ai, durant de nombreuses années, ressenti les séquelles de ce passé, de manière inconsciente et insidieuse. Aujourd'hui, je ressens un certain détachement par rapport à cette expérience, ce qui m'a justement permis d'entreprendre la rédaction de ce travail de la  manière la plus professionnelle possible. Par ailleurs, mon sujet initial ne devait englober, dans un premier temps, que les traumatisés de guerre. Par la suite  la recherche m'a amenée à traiter également de la situation des réfugiés politiques dans un pays d'accueil.

    BILIOGRAPHIE

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    * 1 Sironi, F. (2002). Les enfants victimes de torture et leurs bourreaux.

    www.ethnopsychiatrie.net/actu/Dinan.htm

    * 2 Maqueda, F. (1992). LA PURIFICATION, LES PONTIFES ET LES "PSY" : L'APPROCHE RELATIONNELLE DU TRAUMA PSYCHIQUE PAR UNE ÉQUIPE D'INTERVENANTS "PSY" HUMANITAIRES DANS LES CAMPS DE RÉFUGIÉS EN EX-YOUGOSLAVIE. Revue de psychanalyse Filigrane. Le volume 13, numéro 1. http://rsmq.cam.org/filigrane/archives/purifi.htm

    * 3 Günter Seidler. (2005). Une thérapie fait disparaître les symptômes - les cicatrices restent... ARTE. www.arte-tv.com/fr/histoire-societe/935372.html

    * 4 Malcolm, N. (2001). Kosovo : a short history. London: Macmillan. Remarque: Nous nous appuyons la recherche de l'histoire du Kosovo sur les données de ce livre. L'auteur est docteur en histoire.

    * 5 Castellan, G. (2001). Histoire de l'Albanie et des Albanais. Paris : Armeline. http://www.bibliomonde.net/pages/fiche-livre.php3?id_ouvrage=2773

    * 6 Quasi touts les albanais étaient chasés de région de Morava où il y avait des centiènes villages albanais, ainsi que dans les villes Prokuple, Leskovc et Vranje. Aujourd'hui ces régions sont peuplés par les serbes.

    * 7 Les 8 entités comprennent les 6 républiques (Serbie, Macédoine, Slovénie, Croatie, Bosnie et Monténégro) et deux provinces autonomes (Kosovo et Vojvodine) qui existaient depuis la 2ème guerre mondiale.

    * 8 Giono, J. (s.d.). Je ne peux pas oublier. www.chez.com/bacfrancais/oublier.htm

    * 9 En pathologie chirurgicale, le mot traumatisme signifie « transmission d'un choc mécanique violent exercé par un agent physique extérieur sur une partie du corps et provoquant une blessure ou une contusion ». L. Crocq. (1999).Les traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page 214

    * 10 De Mijolla, A. (2002). Dictionnaire international de psychanalyse. Paris : Calman-Lévy.

    * 11 Crocq, L. (1999). Les traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page 216.

    * 12 De Clerq, M. & Lebigot, M. (2001). Traumatismes psychiques. Paris : MASSON

    * 13 Grand dictionnaire de la psychologie (2000). Larousse

    * 14 Freud, S. (1920). Essai de psychanalyse : Au de là du principe de plaisir. Paris : Payot, 1968

    * 15Pour Freud, cette énergie défensive dont dispose l'organisme pour expulser l'agression est la « libido », ou pulsion de vie et d'amour. Crocq, L. (1999). Les traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile jacob. Page 257.

    * 16 Jolly. A. (2002). Stress et traumatisme : Approche psychologique de l'expérience d'enseignants victimes de violence.

    http://www.anne-jolly.com/publications/these/these.htm

    * 17 Bertrand, M. Restaurer l'humanité dans l'humain. http://www.alliance21.org/2003/IMG/pdf/final_human_fr-2.pdf

    * 18 Freud propose de faire revivre l'événement porteur de toute sa charge d'affect - pour évacuer justement cette charge d'affect restée coincée - et d'associer à son sujet, pour « réinscrire l'événement dans le grand complexe des associations », c'est-à-dire faire en sorte qu'il appartienne à l'histoire du patient, au lieu d'être un corps étranger. Crocq, L. (1999). Les traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile jacob. Page 257.

    * 19 Crocq, L. Dépassement et assomption du trauma. www.enm.justice.fr/centre_de_ressources/ dossiers_reflexions/oeuvre_justice2/3_depassement_trauma.htm

    * 20 Crocq, L. (1999). Les traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page 197.

    * 21 C. Crocq, L. Dépassement et assomption du trauma. www.enm.justice.fr/centre_de_ressources/ dossiers_reflexions/oeuvre_justice2/3_depassement_trauma.htm

    * 22 Roisin, J. (2003). De la survivance à la vie : clinique et théorie psychanalytique du traumatisme. Thèse de doctorat non éditée, Université Catholique de Louvain.

    * 23 Le Journal International De Victimologie. Traumas psychiques chez les demandeurs d'asile en France. www.jidv.com/BAUBET,T-JIDV2004_%202(2).htm

    * 24 De Clercq, M. & Lebigot, F. (2001). Les traumatismes psychiques. Paris : Masson

    * 25 Houbballah, A. (1998). Destin du traumatisme. Paris : Hachette Littératures. Page 75.

    * 26 De Mijolla, A. (2002). Dictionnaire international de la psychanalyse. Paris : Calmann-Lévy.

    * 27 Crocq, L. Dépassement et assomption du trauma. www.enm.justice.fr/centre_de_ressources/ dossiers_reflexions/oeuvre_justice2/3_depassement_trauma.htm

    * 28 Tisseron, S. (2003). Mémoire et création. 1libertaire.free.fr/tisseron6.html 

    * 29 Tisseron, S. (2003). Mémoire et création. 1libertaire.free.fr/tisseron6.html 

    * 30 M. Torok et N. Abraham l'appellent ce type de mécanisme « L'inclusion au sein du Moi ». Ibidem.

    * 31 Le déni est aussi un mécanisme de défense qui vise à nier la réalité de quelque chose qui est très douloureuse pour la personne.

    * 32 Tisseron. S. (2003). Mémoire et création. 1libertaire.free.fr/tisseron6.html 

    * 33 De Clercq, M. & Lebigot, F. (2001). Les traumatismes psychiques. Paris : Masson. Page

    * 34 Fischer, G-N. (2003). Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob. Page 44.

    * 35 Le Journal International De Victimologie. (2004). Traumas psychiques chez les demandeurs d'asile en France. www.jidv.com/BAUBET,T-JIDV2004_%202(2).htm

    * 36Ficher, G-N. (2003). Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob. Page 33

    * 37 Ibidem. Page 38

    * 38 Cyrulnik, B. Le pape de la résilience. Esprit libre. www.ulb.ac.be/espritlibre/html/el062005/41.html

    * 39 Le titre de l'essai « Au-delà du principe de plaisir » provient de cette inspiration.

    * 40 Houbballah, A. (1998). Destin du traumatisme. Paris : Hachette.

    * 41 Grand dictionnaire de la psychologie. (2000). Larousse.

    * 42 Crocq, L. (1999). Traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page 258

    * 43 Houbballah, A. (1998). Destin du traumatisme. Paris : Hachette Littérature.

    * 44 Nasio, J.- D. (1994). Cinq leçons sur la théorie de Jacques Lacan. Paris : Payot. Page 22-23.

    * 45 Houbballah, A. (1998). Destin du traumatisme. Paris : Hachette. Littérature. Page 136.

    * 46 Freud, S. (1920). Essais de psychanalyse : Au-delà du principe de plaisir. Paris : Payot, 1968

    * 47 Pour plus d'explication, voir en annexe : Discussions des conceptions : « stress » et « traumatisme »... (la partie : entre stress et traumatisme).

    * 48 De Clercq, M. & Lebigot, F. (2001). Les traumatismes psychiques. Paris : Masson. Page 86

    * 49 Ibidem.

    * 50 Serniclaes, O. (Janvier 2003). Le soutien psychologique aux intervenants. Journal International De Victimologie. Année 1, Numéro 2, JIDV.COM http://www.jidv.com/VERMEIREN,E%20-%20JIDV%202003%201%20(2).htm

    * 51 L'Etat de Stress Traumatique Secondaire et l'Etat de Stress Post-Traumatique ont les mêmes symptômes.

    * 52 Croq, L. (1999). Les traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page 350.

    * 53 Crocq, L. (s.d.). Dépassement et assomption du trauma. www.enm.justice.fr/centre_de_ressources/ dossiers_reflexions/oeuvre_justice2/3_depassement_trauma.htm

    * 54 Crocq, L. (1999) Traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob.

    * 55 Ibidem.

    * 56 Crocq, L. (1999) Traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page 197

    * 57 Ibidem.

    * 58 Moro, M-R. (1995). Psychiatrie humanitaire en ex-Yougoslavie et en Arménie. Paris : Puf. Page 65.

    * 59 Samy, M. (2003). Trauma et événement traumatique : les réfugiés du Kosovo et les autres de la planète. Association canadienne pour la santé mentale - Filiale de Montréal www.acsmmontreal.qc.ca/ publications/equilibre/refugies.html

    * 60 Ibidem.

    * 61 Ficher, G-N. (2003). Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob

    * 62 « A la base, ce terme est utilisé en métallurgie : c'est la capacité interne d'un métal à retrouver sa forme initiale après avoir reçu un choc ».

    Anaut, M. (2003). La résilience : surmonter les traumatismes. Paris : Nathan université. Page 34.

    * 63Ibidem. Page 33

    * 64 Ibidem. Page 42.

    * 65 Ibidem. Page 45.

    * 66 Ibidem. Page 51.

    * 67 Anaut, M. (2003). La résilience : surmonter les traumatismes. Paris : Nathan université. Page 13.

    * 68 Crocq, L. (1999) Traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page 201.

    * 69 PSF-redaction. (18 avril 2004). Parole sans frontière. Introduction au volume « Le traumatisme et l'effroi ». http://p-s-f.com/psf/plan.php

    * 70 Fischer, N-G. (2003). Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob. Page 40

    * 71 Houballah, A. (1998). Le destin du traumatisme. Paris : Hachette Littérature Page 25.

    * 72 Ibidem. 32

    * 73 Suite à un traumatisme, le plus souvent, la victime est envahie par un sentiment de culpabilité irrationnel.

    * 74 Metropolitan Immigrant Settlement Association de Halifax. (s.d.). Document à remettreaux parents Survivre aux traumatismes. www.attachmentacrosscultures.org/ francais/impact/trauma_f.pdf

    * 75 Sironi, F. Les stratégies de déculturation dans les conflits contemporains. Revue de psychiatrie sud/nord, N° 12, 1999. www.ethnopsychiatrie.net/actu/sudnord.htm

    * 76 Sironi, F. (1999). Bourreaux et victimes. Paris : Odile Jacob.

    * 77 Ficher, G-N. (2003). Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob.

    * 78 Bessoles, Ph. (2003). Le meurtre du féminin, la clinique du viol. Paris : Theetete

    * 79 Miria, S. (22 mai 1999). Les viols sont une stratégie de guerre orchestrée par le pouvoir serbe.

    www.humanite.presse.fr/ journal/1999-05-22/1999-05-22-290017

    * 80 Pour rappel, les premières aides psychologiques ont été apportées aux kosovars quand la population a été chassée en Albanie, Macédoine et Monté Négro.

    * 81 Miria, S. (22 mai 1999). Les viols sont une stratégie de guerre orchestrée par le pouvoir serbe. http://www.humanite.presse.fr/journal/1999-05-22/1999-05-22-290017

    * 82 Crocq, L. (1999). Les traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob, page 155

    * 83 Lopez, G &Piffaut-Filizzola, G. (1993). Le viol. Paris : PUF. Page 18, 75

    Pour Melanie Klein, l'enfant n'a jamais dépassé complètement ses stades. Ses expériences traumatiques commencent de premier contact avec le monde extérieur. Dans le ventre de sa maman, il vit un état de plénitude. A la naissance il rencontre la « dure réalité » qui est vécue par toute sortes de pénétration douloureuse : l'air dans les poumons, section du cordon ombilical, etc. qui sont perçus comme déplaisirs et demeurent dans ses fantasmes. Mais avec un travail psychique important qui est vital pour lui, il parvient à se libérer de ses fantasmes. Le viol qui est une effraction défait ce travail et réveille en lui tous ces fantasmes archaïques.

    * 84 Lopez, G &Piffaut-Filizzola, G. (1993). Le viol. Paris : PUF. Page

    * 85 Ibidem. Page 75

    * 86 Festraës M. (26.08.1999). LEXPRESS.fr - Quel avenir pour Kosovo ? - L'honneur violé des Kosovares

    http://www.lexpress.fr/info/monde/dossier/Kosovo2/dossier.asp?ida=426874

    * 87 De Clercq, M. & Lebigot, F. (2001). Les traumatismes psychiques. Paris : Masson. Page 109

    * 88 Ibidem. Page 112

    * 89 Sirroni, F. (1999). Bourreaux et victimes. Paris : Odile Jacob. Page 22.

    * 90 Ibidem.

    * 91 « Etant entendu que toutes les personnes qui ont connu la torture se comportent de la même manière, se vivent comme différentes, soustraites aux codifications de leur univers familier, incontestablement `à part' des autres, quelle que soit leur culture ». Ibidem. Page 41.

    * 92 « Quelle que soit l'origine culturelle des patients, le vécu lié à la torture et le désordre qu'elle provoque se manifestent de façon similaire. Une victime de torture turque ou chilienne ressemble davantage à une victime de torture marocaine qu'à un compatriote turc ou à un compatriote chilien qui n'a pas été torturé e qui n'a pas été confronté à la violence politique ». Ibidem. Page 47

    * 93 Sironi, F. Bourreaux et victimes. (1999). Paris : Odile Jacob. Page 25

    * 94Sironi, F. (1999). Bourreaux et victimes. Paris : Odile Jacob. Page 33

    * 95 Ibidem.

    * 96 Ibidem. Page 85.

    * 97 Sironi, F. Bourreaux et victimes. (1999). Paris : Odile Jacob. Page

    * 98 Sironi, F. (31 Janvier 2001). Comment devient-on un bourreau ? www.ethnopsychiatrie.net/actu/collegedeF.htm

    * 99 Sironi, F. Bourreaux et victimes. (1999). Paris : Odile Jacob. Page 51

    * 100 D'après Docteur Loncar (centre médical pour les droits de l'homme de Zagreb), les témoignages sur les tortures sexuelles contre les hommes dans le cadre de la purification ethnique par les serbes sont les suivants : émasculation (entraînant toujours la mort), castration (incision du scrotum, section ou ligature des testicules), sodomisation (plus rare), bastonnade des testicules (de loin la plus fréquente) laquelle provoque un oedème local engendrant très fréquemment la stérilité ». En 1999, au Kosovo, à la prison de Lipljan, l'un des libérés rapporte le discours de son tortionnaire : « Ta femme ne pourra plus jamais avoir d'enfants de toi, elle devra se faire baiser par quelqu'un d'autre si tu veux avoir un fils ». Il s'agit, si l'on ne tue pas l'adversaire mâle en tranchant son sexe, de le rendre impropre au coït ou à la reproduction. Cette stérilisation des hommes par la torture est le symétrique de l'engrossement des femmes par cette autre torture qu'est le viol. Lorsqu'il ou elle n'est pas assassiné après avoir servi au plaisir des bourreaux, l'adversaire est relâché une fois humilié, détruit, portant dans ses entrailles la trace de sa défaite ».

    Guillon, C. (mercredi 23 juin 2004). Guerre aux femmes. http://claudeguillon.internetdown.org/article.php3?id_article=15

    * 101 Sironi, F. Bourreaux et victimes. (1999). Paris : Odile Jacob. Page 57

    102 Ibidem. Page 51

    * 103 Ibidem.

    * 104 Doçi, N. (2001). Shpirti i dërmuar : dhuna serbe ndaj femrës shqiptare në Kosovë (1997-1999). Forumi i gruas i LDK. Remarque: La traduction du livre : «l'âme mortifiée: la violence serbe envers la femme albanaise au Kosovo». L'auteur est professeur, écrivainne, une de fondatrice de l'association de la femme. Elle a fait un travail sur le terrain en receuilant des temoignages sur la tragedie de la femme albanaise au Kosovo pendant la guerre (1997-1999).

    * 105 Bailly, L. Traumatismes de guerre chez l'enfant et conséquences mnésiques. http://perso.wanadoo.fr/fripsi/Bailly.html & Crocq, L. (1999). Les traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page 161.

    * 106 Grappe, M. (2002). Enfants- soldats. http://www.ceri-sciences-po.org/themes/pouligny/pdf/c07032002.pdf

    * 107 Ibidem.

    * 108 Ibidem.

    * 109 Ibidem.

    * 110 Ibidem.

    * 111 Ibidem.

    * 112 Crocq, L. (1999). Les traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page 160.

    * 113 Viognier, C. (12.06.2003). Les blessures invisibles des guerres. Radio France International. http://www.rfi.fr/fichiers/MFI/Sante/922.asp

    * 114 Ficher, G-N. (2003). Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob. Page 79.

    * 115 Ficher, G-N. Ibidem.

    * 116 Ficher, G-N. Ibidem. Page 81.

    * 117 Jacques, P. (mai 2001). Trauma et culture. Psychiatrie et violence. www.pines.qc.ca/psychiatrie_violence

    * 118 Ibidem.

    * 119 Jacques, P. (Mai 2001). Trauma et culture. Psychiatrie et violence. www.pinel.qc.ca/psychiatrie_violence

    * 120 Lachal, C. & Ouss-Ryngaert, L& Moro, M-R et al. (2003). Comprendre et soigner le trauma en situation humanitaire. Paris : Dunod. Page 211

    * 121 Bosquet, A. (2002). Les cent plus beaux poèmes du monde. Paris : le cherche midi.

    * 122 Lachal, C. & Ouss-Ryngaert, L& Moro, M-R et al. (2003). Comprendre et soigner le trauma en situation humanitaire. Paris : Dunod. Page 38

    * 123MSF. (avril 1999). Kosovo : Histoires d'une déportation

    http://www.reliefweb.int/library/documents/kosovofr.htm

    * 124 Ibidem.

    * 125 Nathan, T. (Avril 2004). Traumas psychiques chez les demandeurs d'asile en France : des spécificités cliniques et thérapeutiques. Le Journal International De Victimologie. Année 2, Numéro 2

    http://www.jidv.com/BAUBET,T-JIDV2004_%202(2).htm

    * 126 Fischer, G-N. (2003). Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob. Page

    * 127. Requet, S. (2001-2002). Interactions et dynamiques identitaires chez deux figures différenciées de l'exclu : les demandeurs d'asile et les SDF. Université lumière Lyon 2. www.ressources-psy.com/exclu-sdf.htm

    * 128 Le Journal International De Victimologie. Année 2, Numéro 2, Avril 2004

    Traumas psychiques chez les demandeurs d'asile en France : des spécificités cliniques et thérapeutiques

    http://www.jidv.com/BAUBET,T-JIDV2004_%202(2).htm

    * 129 Ibidem.

    * 130 Jacques, P. (mai 2001). La survivance : Trauma e culture. www.pinel.qcca/psychiatrie_violence

    * 131Un deuil « compliqué » est quand la perte est reconnue mais les manifestations ne sont pas adaptées (excessives ou absentes).

    * 132 Définition de deuil : « Etat de perte d'un être cher s'accompagnant de détresse et de douleur morale, pouvant entraîner une véritable réaction dépressive et nécessitant un travail intrapsychique, dit `travail de deuil' (S. Freud), pour être surmonté » Grand Dictionnaire de la Psychologie (2000). Larousse.

    * 133Grappe, M. (2003). Le deuil traumatique. In Lachal C., Ouss-Ryngaert L., Moro M.-R. et al. Comprendre et soigner le trauma en situation humanitaire. Paris : Dunod, Page 177

    * 134 Marta Lyda l'hoste. (2004). Le terrorisme d'État: vicissitudes de la souffrance psychique et des institutions psychanalytiques. 2004. filigrane. Revu de psychanalyse. rsmq.cam.org/filigrane/archives/terroris.htm

    * 135 Le Court, M-P. (29-30 janvier 1999). Torture morale, mort sans sépulture PsyFrSp99c

    * 136 Ibidem.

    * 137 Houballah, A. (1998). Le destin du traumatisme. Paris : Hachette Littératures. Page 222

    * 138 Brenot, J-L. & Diebold, G. (2005). Traumatisme, stress et transformation. PsyFrSp99c

    * 139 Ibidem

    * 140 Le Journal International De Victimologie Traumas psychiques chez les demandeurs d'asile en France. http://www.jidv.com/BAUBET,T-JIDV2004_%202(2).htm

    * 141Les psychiatres francophones142 distinguent trois phases dans la pathologie psychotraumatique : la phase immédiate, la phase post-immédiate et la phase différée, le plus souvent chronicisée.

    La phase immédiate : dure quelques heures à une journée. C'est la seule phase qui peut être dénommée stress. Néanmoins, ce stress peut s'avérer adaptatif (avec comme symptômes pâleur, sueur, tachycardie, spasmes viscéraux, tension anxieuse, etc.) ou dépassé, avec ou sans séquelles par la suite.

    (Selon la nosographie anglo-saxonne, cette phase recouvre l'état de stress aigu et la durée se situe au-delà de la première journée jusqu'à quatre semaines)

    La phase post-immédiate : recouvre le lendemain, les 1ers jours ou les 1ères semaines. Le sujet peut très bien dépasser le stress causé par la 1ère phase ou bien il peut dériver vers une névrose traumatique durable. Pour rappel, la pathologie post-immédiate englobe les décharges de stress différé, les réactions névropathiques différées, la queue de stress et l'entrée dans la névrose traumatique.

    Selon DSM IV, cette phase est dénommée « état de stress aigu » et la durée est comprise entre deux jours et un mois, et l'apparition dans le premier mois après le vécu traumatisante. Tandis que CIM-10 (classification internationale des maladies mentales) le dénomme  « réaction aiguë à un facteur de stress » et les critères de la durée sont de quelques heures à trois jours avec manifestations immédiates ou quelques minutes après le vécu. Crocq met en évidence la possibilité de confondre les deux pathologies : immédiate et post-immédiate.

    La phase différée : Le plus souvent chronicisée, cette phase recouvre les pathologies psycho-traumatiques transitoires (les symptômes ne durent que quelques mois), les syndromes durables (ceux qui répondent aux critères pour le diagnostic de PTSD chronique du DSM IV, les authentiques névroses traumatiques (avec l'altération typique de la personnalité), et les cas proches de la psychose. Cette phase ne peut être appelée stress car le tableau clinique diffère de celui du trauma. Elle est se nomme « syndrome psycho-traumatique différé ».

    * 143 Le temps de latence  est une période `silencieuse' d'une durée variable qui va du vécu traumatique à l'apparition des symptômes. C'est un phénomène constant dans toute névrose traumatique.

    * 144 C'est un état psychique causé par la survenue des reviviscences. Ceci implique la perception d'une menace et l'impression d'absence de secours. Le sujet revit ce qu'il a éprouvé lors de l'événement traumatique : l'impuissance face à l'événement, sans pouvoir agir ou effectuer les gestes qu'il aurait fallu faire, ou qu'il n'a pas reçu l'aide ni les secours qu'il souhaitait recevoir ou s'est senti abandonné.

    * 145 Ficher, G-N. (2003). Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob. Page 68

    * 146 Sironi, F. (1999). Bourreaux et victimes. Paris : Odile Jacob.

    * 147 Crocq, L. (1999). Les traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob.

    * 148 Ces symptômes sont qualifiés non-spécifiques car on peut les trouver aussi dans d'autres névroses et dans d'autres affections mentales.

    * 149 Crocq, L. (1999). Les traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page 117

    * 150 Ficher, G-N. (2003). Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob. Page 61.

    * 151 Crocq, L. (1999). Les traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page 133

    * 152 De Clercq, M. & Lebigot, F. (2001). Les traumatismes psychiques. Paris : Masson. Page 108.

    * 153 Crocq, L. (1999). Les traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page 132

    * 154 De Clercq, M. & Lebigot, F. (2001). Les traumatismes psychiques. Paris : Masson. Page 268.

    * 155 L. Crocq fait une remarque à ce propos en disant qu'il s'agit de changement dans la personnalité et pas changement de personnalité car la victime sait bien qu'elle a conservé le noyau de sa personnalité de toujours, la continuité dans le sentiment de soi. Crocq, L. (1999). Les traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob.

    * 156 Crocq, L. Ibidem. Page 139.

    * 157 Ferenczi a étudié surtout les combattants de la guerre Première Guerre Mondiale

    * 158 Barrois, C. (1988). Les névroses traumatiques. Paris : Dunod

    * 159 Defusing (to defuse, désamorcer) est une technique hérité de la « psychiatrie d'avant » de Salomon. C'est une première approche psychologique qui se fait à proximité du lieu (car le lieu même incite des reviviscences pathogènes) de l'événement. De Clercq, M. & Lebigot, F. (2001). Les traumatismes psychiques. Paris : Masson. Page 153

    * 160 Ibidem. Page 156

    * 161Pour Lebigot, un soldat ayant perdu sa section, une personne agressée dans une rue déserte, etc. sont des expériences de détresse extrême, d'absolue déréliction et vont installer d'emblée un état grave. Le souvenir de ces premières heures après le vécu traumatique sera parfois une source de souffrance psychique plus grande que l'événement lui-même, quelle qu'ait été sa violence. Ibidem. Page 100, 157.

    * 162 Ibidem. Page 160

    * 163Débriefing (bilan psychologique) : C'est une intervention rapide après le traumatisme, une mesure préventive qui vise à traiter et soulager les expériences traumatiques. Le psychiatre et son équipe invitent le sujet à verbaliser son expérience traumatisante, afin d'être en mesure de la maîtriser et d'éviter une évolution pathologique.

    * 164 De Clercq, M. & Lebigot, F. (2001). Les traumatismes psychiques. Paris : Masson. Page 165.

    * 165 Ibidem. Page 171.

    * 166 La queue de stress: c'est un état de un stress normal qui peut durer quelques heures à quelques jours Pendant ce temps, le sujet a des réactions telles que: le sujet a l'impression d'irréalité. Il a difficile à retrouver l'ambiance du monde normal. Cela il le traduit par des épisodes de distraction, de vécu d'étrangeté, d'insecurité et par la résurgence du souvenir de ce qui vient d'être vécu. Parfois le sujet a crises de larmes, il est irritable ou agressif. Ces symptômes s'éteignent progressivement ou réapparaissent sporadiquement.

    * 167De Clercq, M. & Lebigot, F. (2001). Les traumatismes psychiques. Paris : Masson. Page 172.

    * 168 Ibidem.

    * 169 Bernard, Ch. (13 avril 1999). Compte rendu. Nr. 29. www.assemblee-nationale.fr/cr-cdef/98-99/c9899029.asp

    * 170 Gresh, A., Pauly, E., Pierrot, P., Rivière, P., Samary, C. Touret, F. & Vidal, D. (Avril 1999). Un cahier spécial sur le Kosovo : histoires d'une déportation. http://www.monde-diplomatique.fr/cahier/kosovo/

    Remarque :

    * 171 Les missions de MSF dans le monde. (2001). Les activités de MSF en Yougoslavie : auprès des personnes déplacées du Kosovo. http://www.msf.be/fr/terrain/pays/europe/yougoslavie.shtml

    * 172 Crocq, L. (1999). Les traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page 328.

    * 173 Ibidem. Page

    * 174Miria, S. (22 mai 1999). Les viols sont une stratégie de guerre orchestrée par le pouvoir serbe. http://www.humanite.presse.fr/journal/1999-05-22/1999-05-22-290017

    * 175 Crocq, L. (1999). Les traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page 282

    * 176 Ibidem.

    * 177 Ficher, G-N. (2003). Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob. Page 121

    * 178 Houbballah, A. (1998). Destin du traumatisme. Paris : Hachette Littérature. Page 136.

    * 179 Grappe, M. (7 mars 2002). Enfants-soldats. http://www.ceri-sciences-po.org/themes/pouligny/pdf/c07032002.pdf

    * 180 Sironi, F. (31 Janvier 2001).Comment devient-on un bourreau ? http://www.ethnopsychiatrie.net/actu/collegedeF.htm

    * 181 Weber, E. & Prieto, N. 119 (2003). Approche psychothérapeutique du traumatisme psychique. www.iutcolmar.uha.fr/internet/recherche/ Jcerdacc.nsf/0/e5a22d643a51d199c1256d170045b40a

    * 182 Ficher, G-N. (2003). Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob Page 121

    * 183 Ficher, G-N. (2003). Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob. Page 122

    * 184 Ibidem. Page 121

    * 185 De Clercq, M. & Lebigot, F. (2001). Les traumatismes psychiques. Paris : Masson, page 246.

    * 186 Ibidem. Page

    * 187 Ibidem. Page 101.

    * 188 Ficher, G-N. (2003). Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob. Page 129

    * 189 Ibidem. Page 130

    * 190 Ibidem. Page 134

    * 191 G. Briole et al, 1994 dans Crocq, L. (1999) Traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page 336.

    * 192 F. Lebigot dans Crocq, L. (1999) Traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page 336.

    * 193 « Après-coup » est un terme utilisé par Freud. Ce terme a la valeur de la « période de latence ».

    * 194 Houbballah, A. (1998). Destin du traumatisme. Paris : Hachette Littératures. Page 15

    * 195 Catharsis est une méthode thérapeutique « qui vise à obtenir une situation de crise émotionnelle telle que cette manifestation critique provoque une solution du problème que la crise met en scène ». Grand dictionnaire de psychologie. (2000). Larousse.

    * 196Crocq, L. Dépassement et assomption du trauma. http://www.enm.justice.fr/centre_de_ressources/dossiers_reflexions/oeuvre_justice2/3_depassement_trauma.htm

    * 197 Le tiers extra-psychique : terme utilisé pour l'opposer à conflit intrapsychique. Le facteur extra-psychique sous-entend une autre personne, et tout ce qui est mis en place intentionnellement par lui enfin de détruire psychiquement une personne, un groupe.

    * 198 Crocq, L. Dépassement et assomption du trauma. http://www.enm.justice.fr/centre_de_ressources/dossiers_reflexions/oeuvre_justice2/3_depassement_trauma.htm

    * 199 Sironi, F. (1999). Bourreaux et victimes. Paris : Odile Jacob. Page 12

    * 200 Ibidem. Page 225

    * 201 (Eye Movement Desensitization and Reprocessing - Désensibilisation et reprogrammation par des mouvements oculaires) repose sur le mouvement des yeux.

    * 202 Servan-Schreiber, D. (2003). Guérir. Paris : ROBERT LAFFONT. Page 99.

    * 203 Ibidem. Page 101.

    * 204 Ficher, G-N. (2003). Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob. Page 91.

    * 205Ministère de la justice Canada. (28.10.2005). Guide de traitement des victimes d'actes criminels : Application de la recherche à la pratique clinique. canada.justice.gc.ca/fr/ ps/voc/publications/hill/p8.html

    * 206Ibidem.

    * 207 Ibidem.

    * 208 Ficher, G-N. (2003). Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob. Page 92

    * 209 Ficher, G-N. (2003). Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob. Page 91.

    * 210 Chafaï-Salhi, H. Oublier oui, pardonner peut être. Apparu dans le texte : Restaurer l'humanité dans l'humain. http://www.alliance21.org/2003/IMG/pdf/final_human_fr-3.pdf

    * 211 Ibidem.

    * 212 Ficher, G-N. (2003). Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob. Page 174.

    * 213 Dans un contexte de guerre comme celui de Kosovo, cette intervention n'a pas été possible autant que la guerre a duré pour des raisons que nous avons expliquées précédemment dans la théorie.

    * 214 « La demande de régularisation et la demande d'asile sont deux choses différentes. Elles ont une base juridique distincte, les procédures qui les régissent sont indépendantes et les motifs invoqués pour obtenir l'une ou l'autre sont, en principe, également différents ».  

    « Un réfugié, selon la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés de 1951, est une personne qui "craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays". Demander l'asile en Belgique signifie demander la protection des autorités belges ».

    « La demande de régularisation faite sur base de l'article 9, § 3 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, doit mentionner les raisons pour lesquelles la personne souhaite séjourner en Belgique ainsi que les circonstances exceptionnelles qui justifient l'introduction de cette demande en Belgique et non auprès du poste diplomatique belge dans le pays d'origine. Il s'agit donc de mettre en avant des éléments d'intégration (notamment la longue durée du séjour en Belgique, même s'il n'est pas légal, l'inscription à des cours de langues, la scolarisation des enfants, des attestations d'amis ou de connaissances, etc.) ou encore des motifs médicaux (une impossibilité de soigner telle maladie dans le pays d'origine) et, en même temps, les motifs rendant un retour dans le pays d'origine impossible ou particulièrement difficile. Cette demande peut être introduite à n'importe quel moment, indépendamment de la demande d'asile »,

    Amnesty International, Demander l'asile en Belgique, avril 2005, http://www.amnestyinternational.be/doc/article5212.html

    * 215 Dans une métaphore, Freud compare l'appareil psychique à une boule protoplasmique protégée des stimulations extérieures " pare-excitation ", qui a pour fonction de repousser ou de filtrer les stimulations qui viennent d'extérieur. Il y a trauma lorsqu'une grande quantité d'excitation venant de l'extérieur fait effraction au travers de sa couche pare-excitation de l'appareil psychique, et pénétrer au sein du psychisme, où elle demeure comme un corps étranger, provoquant de vains efforts pour l'expulser ou l'assimiler. Crocq, L. Dépassement et assomption du trauma. http://www.enm.justice.fr/centre_de_ressources/dossiers_reflexions/oeuvre_justice2/3_depassement_trauma.htm

    * 216 Barrois, C. Crocq, L. Dépassement et assomption du trauma. www.enm.justice.fr/centre_de_ressources/ dossiers_reflexions/oeuvre_justice2/3_depassement_trauma.htm

    * 217 Günter Seidler. Une thérapie fait disparaître les symptômes - les cicatrices restent... ARTE 2005 www.arte-tv.com/fr/histoire-societe/935372.html

    * 218 Crocq, L. (1999), Les traumatismes psychiques de guerre, Paris, Odile Jacob, p. 155.

    * 219 Croq, L. (1999). Les traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob. Page 350.

    * 220 Ce sont des symptômes que nous allons parler plus loin.

    * 221 Crocq, L. (1999). Les traumatismes psychiques de guerre. Paris : Odile Jacob, page

    * 222Crocq, L. Dépassement et assomption du trauma

    http://www.enm.justice.fr/centre_de_ressources/dossiers_reflexions/oeuvre_justice2/3_depassement_trauma.htm

    * 223 Le Journal International De Victimologie. Traumas psychiques chez les demandeurs d'asile en France. www.jidv.com/BAUBET,T-JIDV2004_%202(2).htm

    * 224 Traumas psychiques chez les demandeurs d'asile en France : des spécificités cliniques et thérapeutiques, année 2, numéro 2, avril 2004, Journal International de Victimologie,

    http://www.jidv.com/BAUBET,T-JIDV2004_%202(2).htm

    * 225 Mounir Samy. Trauma et événement traumatique : les réfugiés du Kosovo et les autres de la planète. 2003 Association canadienne pour la santé mentale - Filiale de Montréal www.acsmmontreal.qc.ca/ publications/equilibre/refugies.html

    * 226 Moro, M.-R. & Lebovici, S. (1995), Psychiatrie humanitaire en ex-Yougoslavie et en Arménie, Paris, PUF, p. 70.

    * 227 Grappe, M. (2003), Le deuil traumatique, in Lachal C., Ouss-Ryngaert L., Moro M.-R. et al., Comprendre et soigner le trauma en situation humanitaire, Paris, Dunod, p. 178.

    * 228 Le Journal International de Victimologie, Traumas psychiques chez les demandeurs d'asile en France, www.jidv.com/BAUBET,T-JIDV2004_%202(2).htm

    * 229 Anaut, M. (2003). La résilience : surmonter les traumatismes. Paris : Nathan université. Page 42.

    * 230 « Rupture de l'unité psychique provoquant un relâchement des processus associatifs sur lesquels reposerait le fonctionnement mental », Grand dictionnaire de la psychologie (2000), Larousse.

    * 231 Crocq, L. (1999), Traumatismes psychiques de guerre, Paris, Odile Jacob, p. 94.

    * 232 C'est la 8e modalité du syndrome de répétition : le cauchemar de répétition.

    * 233 C'est la 5e modalité du syndrome de répétition : le vécu comme si l'événement allait se reproduire.

    * 234 C'est la 3e modalité du syndrome de répétition : les souvenirs forcés.

    * 235 C'est la 1re modalité du syndrome de répétition : l'hallucination de répétition.

    * 236 Nous trouvons cette composante dans la 4e modalité du syndrome de répétition : la rumination mentale.

    * 237 C'est le premier registre de l'expression du syndrome de répétition. Le DSM IV et le tableau clinique français utilisent le terme « détresse psychique » pour qualifier l'état psychique induit par la survenue des reviviscences. « Etre dépressif n'est pas le trait d'une personnalité dépressive, mais bien la conséquence d'une altération profonde de l'état affectif provoquée par la blessure », Ficher, G-N. (2003), Les blessures psychiques, Paris, Odile Jacob, p. 68

    * 238 C'est le 2e registre de l'expression du syndrome de répétition.

    * 239 Nous trouvons ces troubles du sommeil dans le registre : altération de la personnalité (blocage de la fonction de filtration). Pour l'auteur, le terme « difficulté d'endormissement », utilisés par les patients et adoptés par beaucoup de cliniciens, est inappropriés. Crocq, L. (1999), Les traumatismes psychiques de guerre, Paris, Odile Jacob, p. 139.

    * 240 Ferenczi a étudié surtout les combattants de la Première Guerre mondiale.

    * 241 Le tableau clinique du syndrome psychotraumatique les répertorie dans l'asthénie sous les symptômes spécifiques.

    * 242 Critère D 2.

    * 243 De Clercq, M. et Lebigot, F. (2001), Les traumatismes psychiques, Paris, Masson, p. 108.

    * 244 Nous ne disposons pas de théorie à ce sujet.

    * 245 Sironi, F. (1999). Bourreaux et victimes. Paris : Odile Jacob.

    * 246 Fischer, G-N. (2003), Les blessures psychiques, Paris, Odile Jacob, p. 44.

    * 247 Serge Tisseron. Mémoire et création. http://1libertaire.free.fr/tisseron6.html

    * 248 Ibidem.

    * 249 Nous nous demandons si le sujet B fait référence à Pierre Janet qui parle de dissociation et d'idée fixe. Pour l'auteur, le trauma provoque une «  dissociation »  de la conscience. Cette dissociation réside dans le fait que, d'un coté l'événement traumatisant subsiste au sein du subconscient - comme un corps étranger ou un parasite - et se manifeste automatiquement dans une manière brute par des reviviscences visuelles, cauchemars, bouffées d'angoisse, sursauts, délires et conversions hystériques, etc., et, de l'autre coté, le reste de la conscience continue à fonctionner de façon normale, élaborant des conduites supérieures et adaptatives. Janet donne le nom d'idée fixe à ce corps étranger ou à ce parasite. Pour Crocq le terme « idée fixe » n'est pas adéquat car la souvenance brute de l'événement traumatique n'est ni une représentation mentale ni une cognition.

    Crocq, L. Dépassement et assomption du trauma. http://www.enm.justice.fr/centre_de_ressources/dossiers_reflexions/oeuvre_justice2/3_depassement_trauma.htm

    * 250 Le Journal International de Victimologie, année 2, numéro 2, avril 2004, Traumas psychiques chez les demandeurs d'asile en France : des spécificités cliniques et thérapeutiques,

    http://www.jidv.com/BAUBET,T-JIDV2004_%202(2).htm

    * 251 Weber, E. et Prieto, N. (2003), Approche psychothérapeutique du traumatisme psychique, www.iutcolmar.uha.fr/internet/recherche/ Jcerdacc.nsf/0/e5a22d643a51d199c1256d170045b40a

    * 252 Document à remettreaux parents Survivre aux traumatismes. www.attachmentacrosscultures.org/ francais/impact/trauma_f.pdf

    * 253 Approche pluraliste qui regroupe différentes approches psychothérapeutiques et préconise la flexibilité et l'adaptabilité du thérapeute à utiliser ces différentes approches quand celles-ci s'avèrent nécessaires, pour avoir plus de chance de résoudre un problème qui entrave la vie psychique du patient. Chambon, O. et Marie-Cardine, M. (2003), Les bases de la psychothérapie, Paris, Dunod, p. 35-37

    * 254 Nous pensons que le sujet nous parle de différentes activités que le centre met en place pour ces patients, comme par exemple des groupes de paroles pour adultes, etc.

    * 255 Le Journal International de Victimologie, année 2, numéro 2, avril 2004, Traumas psychiques chez les demandeurs d'asile en France : des spécificités cliniques et thérapeutiques,

    http://www.jidv.com/BAUBET,T-JIDV2004_%202(2).htm

    * 256 Fischer, G-N. (2003), Les blessures psychiques, Paris, Odile Jacob.

    * 257 Crocq, L. (1999), Les traumatismes psychiques de guerre, Paris, Odile Jacob.

    * 258 « La demande de régularisation et la demande d'asile sont deux choses différentes. Elles ont une base juridique distincte, les procédures qui les régissent sont indépendantes et les motifs invoqués pour obtenir l'une ou l'autre sont, en principe, également différents ».  

    « Un réfugié, selon la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés de 1951, est une personne qui "craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays". Demander l'asile en Belgique signifie demander la protection des autorités belges ».

    « La demande de régularisation faite sur base de l'article 9, § 3 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, doit mentionner les raisons pour lesquelles la personne souhaite séjourner en Belgique ainsi que les circonstances exceptionnelles qui justifient l'introduction de cette demande en Belgique et non auprès du poste diplomatique belge dans le pays d'origine. Il s'agit donc de mettre en avant des éléments d'intégration (notamment la longue durée du séjour en Belgique, même s'il n'est pas légal, l'inscription à des cours de langues, la scolarisation des enfants, des attestations d'amis ou de connaissances, etc.) ou encore des motifs médicaux (une impossibilité de soigner telle maladie dans le pays d'origine) et, en même temps, les motifs rendant un retour dans le pays d'origine impossible ou particulièrement difficile. Cette demande peut être introduite à n'importe quel moment, indépendamment de la demande d'asile »,

    Amnesty International, Demander l'asile en Belgique, avril 2005, http://www.amnestyinternational.be/doc/article5212.html

    * 259 Jacques, P. (décembre 2004), Souffrance sociale et pratiques de réseaux. http://www.pinel.qc.ca/psychiatrie_violence/articles/jacques1.htm

    * 260 Jacques, P. (Mai 2001). Trauma et culture. Psychiatrie et violence. www.pines.qc.ca/psychiatrie_violence

    * 261 Fischer, G-N. (2003). Les blessures psychiques. Paris : Odile Jacob. Page 32

    * 262 Silvana Miria. (22 mai 1999). Les viols sont une stratégie de guerre orchestrée par le pouvoir serbe.

    www.humanite.presse.fr/ journal/1999-05-22/1999-05-22-290017

    * 263 Chafaï-Salhi, H. Oublier oui, pardonner peut être. Apparu dans le texte : Restaurer l'humanité dans l'humain. http://www.alliance21.org/2003/IMG/pdf/final_human_fr-3.pdf

    * 264 Sironi, F. (1999). Bourreaux et victimes. Paris : Odile Jacob.






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