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Caractérisation géophysique des glissements et sorties de fluides pleistocènes-actuel de la province centrale de l'éventail profond du nil

( Télécharger le fichier original )
par Martin Aristarque NGUENGO
Université de Perpigna Via Domitia - Master Pro en Géosciences Marines Appliquées 2008
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE DE PERPIGNAN VIA DOMITIA
MASTER MENTION « GEOSCIENCES ET ENVIRONNEMENTS MARINS »
SPECIALITE PROFESSIONNELLE « GEOSCIENCES MARINES APPLIQUEES

Caractérisation géophysique des glissements et sorties de fluides Pleistocènes-Actuel de la province centrale de l'éventail profond du Nil

Rédigé et présenté par :

I.1. Aristarque Martin NGUENGO

I.1.1 Année universitaire 2007-2008

Sous la direction de :

I.2. Lies LONCKE, Maître de Conférence à l'Université de Perpignan Via

Domitia

Institut de Modélisation et d'Analyses des GéoEnvironnements et Santé (IMAGES)

Sommaire

Sommaire 0

Liste de figures 2

Remerciement 3

Introduction 4

Chapitre 1 : Rappels sur les relations glissements/circulations de fluides 5

I. Glissements sous-marins. Définition et classifications 5

I.1. Définition et identification 5

I.2. Le glissement sous-marin 6

II. Pockmark, volcans de boue et hydrates de gaz 6

II.1. Définition et identification des pockmarks 6

II.2. Définition et identification des volcans de boue 8

II.3. Définition et identification des hydrates de gaz ou clathrates 9

II.3.1 Les hydrates de gaz 9

III. Type d'interactions glissements/fluides 12

Chapitre 2 : Présentation régionale et données disponibles 15

I. Localisation de la zone d'étude et processus sédimentaires récents au large de l'Egypte15

II. Données analysées 16

II.1. I.1. Les campagnes océanographiques 17

II.1.1 I.1.1. Campagne Prismed II 17

II.1.2 I.1.2. Campagne Fanil. 17

II.1.3 I.1.3. Campagne Nautinil 17

II.1.4 I.1.4. Campagne Vanil 17

II.1.5 I.1.5. Campagne Mimes 18

II.1.6 I.1.6. Campagne Medeco II 18

II.2. Bathymétrie et imagerie multifaisceau 19

II.2.1 Définitions 19

II.2.2 Principe et méthodes 19

II.2.3 ILes mesures 19

II.2.3.a Mesure de bathymétrie 19

II.2.3.b Mesure de l'imagerie acoustique 20

II.3. Données 3-5 kHz 20

II.3.1 Traitements effectués dans le cadre de ce stage 20

II.3.1.a Traitement et visualisation de la bathymétrie et de l'imagerie 20

II.3.1.b Importation et traitement des données 3-5 kHz 20

Chapitre 3 : Processus sédimentaires récents : apports de l'analyse des données multifaisceau et 3-5 kHz 22

I. Morphostructure de la province centrale de l'éventail profond du Nil 22

I.1. Analyse morphostructurale 22

I.1.1 Le haut de pente (500 à 1700 m) 22

I.1.2 La mi-pente (1700 à 2300 m) 23

I.1.3 La base de pente (2300 à 2900 m) 23

I.2. Cartographie des écho-faciès 3-5 kHz 24

I.2.1 Identification et classification des écho-faciès 3-5 kHz 24

I.2.2 Répartition des écho-faciès 26

I.2.2.a Les différents écho-faciès identifiés 26

Haut de pente 28

La mi-pente 28

La base de pente 28

Résumé 32

I.3. Eléments de chronologie relative 32

I.4. Calibration sédimentaire avec les données in situ 32

I.4.1 Les carottes 32

I.4.1.a Origine des carottes 32

I.4.1.b Résultats des analyses 33

Description de la carotte du haut de pente 33

Description de carottes à mi-pente 33

Description de la carotte de la base de pente 34

I.4.1.c Calibration écho-faciès/carotte et processus de dépôts 35

I.5. Les plongées ROY et Nautiles 36

I.5.1 Les plongées ROY 36

I.5.1.a Les plongées ROY 36

I.5.1.b Les plongées Nautiles 37

Chapitre 4 : Synthèse et discussion 41

I. Evolution Amont-Aval des structures et chronologie des évènements 41

II. Facteurs de contrôle des glissements. 43

III. Perspectives 43

References bibliographiques 44

Liste de figures

Figure 1: Un glissement de terrain (La Conchita, Californie) 5

Figure 2: Schéma montrant les différentes parties d'un 5

Figure 3 : La naissance d'une turbidite 6

Figure 4: Des Pockmarks de la marge continentale en Afrique de l'ouest (Gabon) 7

Figure 5: Modèle de formation des pockmarks 8

Figure 6 : Des volcans de boue 8

Figure 7 : Echantillons des hydrates de gaz 9

Figure 8: Localisation des gisements d'hydrates de gaz dans le monde 10

Figure 9: Domaine de stabilité des hydrates de gaz (le méthane) 10

Figure 10 : Diagramme de phase des HG (Hyndman and Davis, 1992) 11

Figure 11: Identification d'un BSR sur un profil sismique 12

Figure 12: Localisation du glissement de Storegga (a) et le profil sismique 2D (b) 13

Figure 13: Un profil sismique montrant les chéminées de gaz (zones verticales) au niveau du haut de la pente du

plateau de Vøring. (Bouriak et al., 2000) 14

Figure 14: Situation géodynamique de la méditerranée orientale. La zone d'études est 15

Figure 15: Le plan de position des campagnes océanographiques menées sur l'éventail profond du Nil (domaine

central) et dont les données géophysiques ont été analysées dans le cadre de ce mémoire 18

Figure 16: Schéma de la technique des faisceaux croisés 19

Figure 17: Schéma synthétique avec différentes étapes de la chaîne 21

Figure 18: Carte morphostructurale superposée sur la carte de 22

Figure 19: Zoom du haut de pente 23

Figure 20: Zoom sur quelques parties de la mi-pente et de la base de pente 24

Figure 21: Tableau mettant en relation les écho-faciès, les types sédimentaires 26

Figure 22: Carte des écho-faciès de la province centrale du Nil 27

Figure 23: Des profils de haut de pente montrant les relations 29

Figure 24: Profil de la mi-pente montrant les relations 30

Figure 25: Profils montrant le contact entre les zones instables et 31

Figure 26: Log de la carotte 84MD654 et le zoom de la section 4 (E. Ducassou, 2006) 33

Figure 27 : Comparaison des logs des carottes de la mi-pente (Ducassou, 2006) 34

Figure 28: Log de la carotte MD042729 (Est de la province occidentale) 35

Figure 29: Carte de la navigation du ROV au niveau de la province centrale 36

Figure 30: Des photographies de la plongée ROV 37

Figure 31: Photographie des structures d'échappement des fluides dans le fond marins fond réalisées avec le submersible Nautile (Bayon et al., 2006) 38
Figure 32: Cartes bathymétriques des deux sites explorés dans la province centrale du Nil et le tracé de la

position du Nautile et le profil 3-5 kHz NL2-6 A. 38
Figure 33: Carte de réflectivité de la zone explorée lors des plongées NL6 et NL14 obtenue avec le sondeur multifaisceaux EM300 et les profils bathymétriques, la carte des ècho-faciès et les graphes montrant les

quantités du méthane et la présence de la croûte carbonatée 39

Figure 34: Evolution Amont-aval des structures observées de la province centrale 42

Remerciement

Voilà enfin arrive la fin de cette période de stage. C'est grâce à Lies Loncke que cette période est rentrée dans l'histoire de mon existence. Sans elle je ne saurai pas ce que c'est qu'un pockmark, ni un volcan de boue. Deux mots qui n'ont jamais sorti de ma bouche avant le début de ce stage. Je voudrai par là, lui témoigner ma gratitude, surtout pour un suivi caractérisé par une exigence professionnelle hautement qualifiée qui m'a beaucoup aidé à mieux connaître la province centrale du delta du Nil et aussi pour la réalisation de ce document. Je tiens aussi à remercier toute l'équipe du laboratoire IMAGES pour leur disponibilité, l'ambiance entre midi et deux était bonne mais je suis souvent absent. Je ne terminerai pas ce paragraphe sans remercier ma très chère Néomie Réale qui a pu supporter cette absence. Noémie, sans toi je ne pourrais pas y arriver, tu ne m'as pas lâché une seconde.

Introduction

Le cône sous-marin du Nil est le plus important des deltas profonds de la méditerranée et compte parmis les plus importants appareils détritiques profonds du globe. L'intérêt de la communauté scientifique et surtout du monde pétrolier pour ce domaine sous-marin a engendré à partir de 1998 (la campagne Prismed II) différentes explorations de cette zone de la méditérannée qui était encore inexplorée. Dès la première campagne, qui avait mis en oeuvre des méthodes modernes d'investigation (bathymétrie multifaisceaux associée à la sismique et aux sondages à haute résolution), dans le delta profond du Nil, d'étranges structures ont été détectées sur le fond de la mer : volcans de boue, cheminées gazeuses et <<pockmarks>>.

On se propose dans le cadre de ce mémoire d'étudier les relations fluides-glissements en domaine de pente continentale le long d'une marge passive grasse tout en cherchant à connaître les typologies et les relations spatiales entre ces deux objets (fluides-glissements). Ce qui permettrait d'établir une chronologie relative des évènements à l'échelle de la pente Egyptienne et qui servira de base à l'analyse et au choix d'exploration de nouvelles carottes. Ces études permettraient notamment de mieux comprendre la récurrence des glissements et les forçages qui agissent sur le déclenchement de ces instabilités d'une part, et d'autre part, une bonne caractérisation des objets permettant une réalisation de meilleures modélisations analogiques et numériques de ce type de systèmes afin de répondre à la question importante qui est de savoir si ce sont les fluides qui sont les facteurs déclenchant des glissements ou bien ce sont les glissements qui favorisent la sortie des fluides (l'oeuf et la poule ?). Ce travail s'inscrit dans les programmes de recherche Français << Groupe De Recherche >>, GDR Nil et Actions Marges qui sont des programmes scientifiques axés sur l'étude de l'évolution des reliefs sous-marins, stabilité des pentes et dissipation de méthane dans l'atmosphère.

Concrètement, ce travail a consisté à traiter, compiler et analyser une importante base de données géophysiques disponible le long de la marge Egyptienne (6 campagnes à la mer) dans un domaine particulièrement instable et riche en suintements de fluides froids. Ces analyses ont été limitées à la partie la plus récente de l'édifice (derniers 100 mètres soit des âges pléistocène moyens à actuels).

Ce mémoire est organisé de la façon suivante :

- Un premier chapitre est dédié à une synthèse bibliographique concernant les

relations classiquement observées entre glissement et circulation des fluides ;

- Le second chapitre permet de dresser l'état des lieux des connaissances dans ce

domaine le long de la marge Egyptienne, les données disponibles sur site et les

méthodes de traitement et analyse mises en oeuvre ;

- Un troisième chapitre correspond au corps de ce mémoire et présente les traitements et analyses que j'ai effectués le long de la zone d'étude ;

- Le dernier chapitre est enfin consacré à la synthèse et la discussion des résultats obtenus

Chapitre 1 : Rappels sur les relations glissements/circulations
de fluides

I. GLISSEMENTS SOUS-MARINS. DEFINITION ET CLASSIFICATIONS

I.1. Définition et identification

Définis comme étant un phénomène géologique où une masse de roche descend une pente (fig.1 et 2), le long d'un de plan de glissement (plus ou moins continu, plan ou incurvé), les glissements de terrain sont des mouvements qui affectent les talus et versants naturels. Ils peuvent provoquer des dommages importants aux ouvrages et constructions, avec un impact économique sensible, et parfois causer des victimes.

Les glissements de terrain (ou landslides) ne sont qu'un type de mouvement gravitaire (ou mouvement de masse). Ce sont des déplacements lents (de quelques millimètres par an à quelques mètres par jour) et sont toujours reconnaissables, ce qui permet de les différencier des coulées de boue qui n'ont pas de forme propre.

Figure 1: Un glissement de terrain (La Conchita, Californie)
(source : www.ulg.ac.be )

Figure 2: Schéma montrant les différentes parties d'un
glissement de terrain (cours L. Loncke).

I.2. Le glissement sous-marin

Dans le domaine sous marin, le phénomène du glissement de terrain affecte beaucoup plus les marges continentales, plus précisément la pente. Les instabilités le long des marges océaniques sont souvent détectées soit par les masses glissées elles-mêmes, soit par les cicatrices qu'elles ont laissées derrière elles (Jacques Locat, 2000). Ils peuvent résulter des processus géologiques variés comme l'érosion, la sédimentation excessive, la fuite de gaz (hydrates de gaz), le tremblement de terre qui modifient le comportement des strates, le diapirisme, et les variations climatiques. Le produit du glissement se retrouve souvent dans la plaine abyssale et peut parfois donner lieu à des turbidites. (fig. 3)

Figure 3 : La naissance d'une turbidite
(source : www.ulg.ac.be)

Un glissement de terrain se produisant dans la partie supérieure du talus continental mobilise une grande masse de sédiments. Au début du glissement, le sédiment est simplement déstructuré par des failles rotationnelles ou transtationnelles. Progressivement, la masse de sédiments va incorporer des fluides pour devenir une coulée de débris (debris-flow) en descendant le talus continental. Cette masse érode et incorpore par ailleurs les sédiments rencontrés sur son chemin, puis sa densité et sa vitesse peuvent augmenter. Ensuite, par incorporation d'eau, la cohésion entre les particules de sédiment diminue, des tourbillons commencent à se former: le courant de turbidité se développe. A un certain moment, le debris-flow "gèle" et le courant de turbidité continue seul à se déplacer (fig. 3).

Des glissements de terrain sous-marins ont été localisés au niveau de nombreuses pentes continentales dans le monde parmi lesquelles on citera les glissements de Storegga au large de la Norvège, au Gabon et dans le Golfe de Guinée, le Golfe du Nil, au large de l'Afrique du Nord, etc ....

II. POCKMARK, VOLCANS DE BOUE ET HYDRATES DE GAZ

II.1. Définition et identification des pockmarks

Le terme Pockmark ou « un relief en cuvette » a, au départ, été employé pour désigner les dépressions sous-marines peu profondes (de quelques dizaines de mètres de diamètre et quelques mètres de profondeur associées à des échappements de gaz) (fig. 4 et 5). Mais il existe aussi des gigantesques pockmarks (Giant Pockmark) pouvant faire 800 m environ de diamètre avec une profondeur de 15 à 20 m (Gay et al., 2003). Ce type de

Pockmark a été étudié en détails durant le programme scientifique de recherche de l'IFREMER et ELF (TOTAL E&P), ZaïAngo (1998-2000) sur la marge Gabon-CongoAngola (A. Gay et al., 2005). Les pockmarks affectent généralement des sédiments fins des fonds sous-marins et sont la manifestation d'une fuite de fluide (gaz ou eau, mais principalement du méthane).

Dans certaines conditions, on peut avoir des pockmarks allongés par des courants sous marins profonds (Boe et al., 1998).

Le problème de la formation de ces pockmarks reste entier aujourd'hui. La formation de dépressions dans des sédiments meubles des fonds marins a été attribuée à deux phénomènes majeurs, une érosion et une explosion (fig. 5).

La première hypothèse invoque une interaction entre les échappements de fluides et des courants de fond (Josenhans et al., 1978): le flux de fluides montant érode les sédiments qui sont remis en suspension et balayés par les courants de fond (Fig. 5a). Le flux de fluides sortants peut être dévié par ces courants, induisant une érosion différentielle sur les bordures des pockmarks, ce qui peut expliquer la différence de pente observée sur de nombreux pockmarks. La morphologie des pockmarks pourrait alors servir d'indicateur de la direction des courants de fond.

Figure 4: Des Pockmarks de la marge continentale en Afrique de l'ouest (Gabon)

a - Des mega pockmarks au fond de la mer

b - Profil sismique des trois mega pockmarks (Plicher & Argent, 2007)

La deuxième hypothèse considère que les fluides sont d'abord piégés sous les pockmarks faisant augmenter la pression interstitielle et induisant un bombement de la

Couverture (Hovland and Judd, 1988). Lorsque la pression atteint le seuil de rupture, il y a explosion, puis expulsion des fluides et effondrement des sédiments sus-jacents (Fig. 5b) (Milkov, 2000 ; Hovland and Judd, 1988). Cet effondrement créerait une dépression sur le fond dont le diamètre et la profondeur sont proportionnels à la quantité de fluides expulsés.

Figure 5: Modèle de formation des pockmarks

a- Modèle de formation des pockmarks d'après Josenhans (Josenhans et al., 1978). Les courants de fond sont déviés par le flux sortant de fluides et érodent le fond en remettant en suspension les sédiments.

b- Modèle de formation des pockmarks d'après Hovland (Hovland and Judd, 1988).

II.2. Définition et identification des volcans de boue

Par définition, le volcan de boue ou << marée de boue » est une accumulation boueuse (contenant souvent de l'eau acide ou salée), de forme conique, engendré par une éruption des gaz (principalement du méthane, mais également du CO2 et de l'Azote) (fig. 6). Les volcans de boue peuvent être observés sur le continent et dans les fonds marins, surtout au niveau des zones tectoniquement actives, mais aussi dans des zones où l'on observe une accumulation importante de sédiments terrigènes (8-22 km d'épaisseur) présentant des niveaux plastiques sous compactés (Kvenvolden et al., 1993). Leur identification n'est pas facile et nécessite la combinaison des méthodes géophysiques et géologiques. Selon ce même auteur, on doit tenir compte de deux critères pour bien identifier les volcans de boues :

a. La topographie locale doit présenter un cratère et une ou des coulées de boue.

b. Les sédiments associés à ces volcans doivent être désorganisés, riches en clastes arrachés à l'encaissant et éventuelle empreints de traces de gaz (structure en << mousse », odeur de méthane).

Les plus grands volcans de boue peuvent atteindre 10 km de diamètre et atteignent 700 mètres de hauteur.

Depuis plus de trois siècles, le volcan de boue (Fig. 6) était le seul moyen permettant de comprendre le volcanisme d'origine géodynamique.

Figure 6 : Des volcans de boue

a - Eruption Du Volcan Merapi (île de Java, Indonosie) en Juin 2006

(De la boue à haute température jaillit du sol, accompagnée de gaz Toxiques)

b - Volcan de boue (Wyoming) (source : www.futura-sciences.com)

c - Volcan de boue d'Azeri, Azerbaijan (source : news.bbc.co.uk)

II.3. Définition et identification des hydrates de gaz ou clathrates

II.3.1 Les hydrates de gaz

Ce sont des molécules de gaz (comme le méthane) entourées par un réseau de molécules d'eau disposées en cage, d'où le nom de clathrate, du latin clatatrus qui veut dire encapsulé.

Les clathrates sont des structures solides, stables, ressemblant à de la glace et qui en fondant libèrent à la fois de l'eau et du méthane qui peut alors s'enflammer (fig. 7b). En d'autres termes, ce sont des composés de molécules de glace organisées en cages, qui piègent des molécules de gaz (Sloan, 1998). Sur cette photographie prise à bord de L'Atalante (campagne ZaïROV), on observe le 'dégel' de l'hydrate. A l'approche de l'allumette, le méthane libéré s'enflamme. Ces hydrates de gaz se forment sous forte pression et à basses températures. Ils pourraient notamment avoir été engendrés par la décomposition de matière organique enfouie dans les sédiments.

Figure 7 : Echantillons des hydrates de gaz

Dans la nature, les hydrates de gaz (HG) sont stables dans certaines conditions de température et de pression, qui sont celles de l'offshore profond (au-delà de 300 mètres de profondeur d'eau) pour les marges continentales situées à moyenne ou basse latitude, comme c'est le cas pour la marge atlantique de l'Europe ou de l'Afrique. Sous des conditions de pression et de température appropriées, ces molécules de méthane peuvent se trouver emprisonnées dans des cages cristallines de glace, et leur dissociation semble être à l'origine d'importants glissements sous-marins (Bouriak et al., 2000). D'importantes accumulations d'hydrates de gaz sous-marines ont été identifiées au large du Japon, dans la zone du Blake Ridge au large de la côte est des Etats-Unis, sur la marge continentale de Cascadia au large de Vancouver en ColombieBritannique au Canada, au large de la Nouvelle Zélande (Petersonn eet al., 2007) et dans la marge atlantique de l'Europe ou de l'Afrique (fig. 8). Les hydrates de gaz se forment également à proximité des terres, dans les zones de pergélisol en raison des températures dominantes très basses. Des gisements d'hydrates de gaz en pergélisol ont été découverts en Sibérie occidentale et sur le versant nord de l'Alaska (Sues et al., 1999).

Figure 8: Localisation des gisements d'hydrates de gaz dans le monde

La zone de stabilité des hydrates s'étend du fond de la mer à une profondeur maximale dans les sédiments qui est dictée principalement par les conditions de température ambiantes. Audelà d'une certaine profondeur, la température devient trop élevée. En pratique, les hydrates de gaz sont presque toujours rencontrés à partir des 300 premiers mètres sédimentaires sous le fond de la mer (sauf en Méditerranée où les températures de fond atteignent 13°C) et donc vers 2000 m de fond (fig. 9). Ils ont été mis en évidence lors de nombreux forages du programme de forage scientifique international ODP (Ocean Drilling program).

Figure 9: Domaine de stabilité des hydrates de gaz (le méthane) (source: www.ggl.ulaval.ca)

Deux modèles ont été proposés en ce qui concerne l'origine du gaz qui constitue les hydrates : - il est généré localement (in situ) ;

- il provient d'une zone plus profonde que la zone de stabilité des hydrates.

Dans la première hypothèse il est nécessaire qu'une quantité considérable de méthane biogénique soit produite pour atteindre la concentration minimale (85 à 90 mmoles/L) qui permet la formation des HG, ce qui implique la présence de gaz libre piégé sous la couche

d'hydrates. Dans la deuxième hypothèse des fluides (eau+gaz) migrent d'une zone plus profonde vers la zone de stabilité des hydrates, ce qui implique donc nécessairement la présence du gaz en dessous de la couche d'hydrates. En effet, le diagramme de phase des HG (fig. 7) permet de suivre la trajectoire d'un volume de fluides qui remontent et qui se transforment en HG sans passer par la phase gazeuse (Hyndman and Davis, 1992).

Figure 10 : Diagramme de phase des HG (Hyndman and Davis, 1992)

Sur ce diagramme, la ligne continue montre la trajectoire à pression constante (20 MPa) en utilisant l'équation d'état de Trebble-Bishnoi. La ligne en pointillée représente la décroissance de la solubilité du méthane à la température qui permet la formation des hydrates (18 °C environ).

Les critères de stabilité des hydrates de gaz se rencontrent théoriquement au niveau de la plupart des pentes continentales et rides sous-marines. Les hydrates de gaz, de par leurs conditions de stabilité (faibles températures, hautes pressions), sont les plus communs dans deux régions du globe : les régions polaires et les régions océaniques profondes.

Dans les premières, ils sont souvent associés aux pergélisols, dans les sédiments continentaux à terre et dans les sédiments des plateaux continentaux en mer. Dans les régions océaniques profondes, ils sont présents au niveau des marges continentales externes, dans les sédiments de pentes et de rides continentales où des eaux froides profondes sont présentes (Lafoy et Auzende, 2000).

Les hydrates de gaz ont en outre été décrits dans les sédiments marins depuis les années 1970 (Markl et al., 1970) par la présence d'un réflecteur sismique particulier, situé à distance constante du fond et parallèle et sous-jacent à ce dernier, appelé BSR (Bottom Simulating Reflector) (fig. 11). C'est un réflecteur qui marque la base du domaine de stabilité des hydrates de gaz. Il représente l'interface entre les sédiments contenant des gaz libres et l'hydrate de gaz. Il est aussi considéré comme le principal indicateur de la présence des hydrates de gaz sur les marges continentales. Sur un profil sismique, le BSR prend généralement l'allure du fond marin avec une distance généralement constante et coupe les réflecteurs sédimentaires (C. J. Peterson et al., 2007).

Figure 11: Identification d'un BSR sur un profil sismique
(source: woodshole.er.usgs.gov)

La signature sismique de la base de la zone des hydrates de gaz est caractéristique, avec une polarité inverse de réflexion (l'inverse de celle du fond de l'océan). Elle correspond à l'interface entre des formations à fortes vitesses qui en surmontent d'autres à faibles vitesses de propagation. Une quantité substantielle de gaz doit être présente sous les hydrates pour expliquer le contraste de vitesse à l'origine du BSR. Là où l'amplitude du BSR est faible, la zone d'accumulation de gaz sous-jacente est peu épaisse à absente. Parfois, la présence d'hydrates n'est pas soulignée par un BSR marqué, lorsqu'une quantité minimum de gaz est absente sous la base de la zone de stabilité des hydrates. Le BSR présente une forte discontinuité latérale. Si les BSR ont été observés sur beaucoup de marges continentales, les hydrates de gaz ont, par contre, rarement été échantillonnés (Lafoy et Auzende, 2000).

Il existe des cas où des BSR ne sont pas observés : dans de nombreux exemples d'hydrates prélevés lors de forages ou sur certains profils sismiques indiquant la présence des hydrates, par conséquent, on ne peut pas conclure que l'absence de BSR signifie l'absence d'hydrates. Lors de la campagne HYDRATECH en juin 2002 du navire océanographique « Le Suroît », la présence d'hydrates de gaz (hydrates de méthane) est révélée par l'observation de réflecteurs sismiques BSRs (Bottom Simulating Reflectors) caractéristiques du fort contraste d'impédance acoustique qui marque la limite hydrate solide (au-dessus) - méthane gazeux (endessous).

III. TYPE D'INTERACTIONS GLISSEMENTS/FLUIDES

Les glissements de terrains sous-marins sont souvent causés par la circulation des fluides

(hydrates de gaz) suite à une surpression. On distingue au moins trois types d'interactions :

- Les hydrates de gaz déterminent les propriétés physiques des sédiments qui les renferment : en réduisant la perméabilité des sédiments, ils facilitent le piégeage des hydrocarbures (en particulier des gaz) dans les niveaux sédimentaires sous-jacents (Les méthanes dans l'océan, Pour la science, N° 264, pp 86) : surpression de fluides; et cette fragilisation mécanique des terrains induit des risques de glissement sous-marins. D'une manière générale, la combinaison de circulation de fluides et niveaux imperméables est très favorable au déclenchement de glissement (Cobbold et al., 2004).

- D'autre part, la dissociation des hydrates peut être déclenchée par le réchauffement du climat terrestre, ce qui, de nos jours, joue un rôle très important dans le problème de la stabilité des pentes continentales. Les changements de phaseet de volume des

sédiments contenant des hydrates faciliteraient le déclenchement de glissements généralisés de la pente continentale ;

- Enfin, les sédiments apportés du continent déstabilisent parfois les pentes et provoquent des glissements de terrain sous-marins ou d'importants effondrements. Ces surcharges induisent alors une modification des conditions de pression et température du milieu et peuvent générer la dissociation des hydrates de gaz. Le glissement de storegga est typiquement un glissement dont l'origine est attribuée à la présence d'hydrates de gaz.

L'un des glissements les plus spectaculaires identifié en relation avec des sorties de fluides a eu lieu au large de Norvège il y a 8000 ans. 5580 Km3 de sédiments ont glissé sur une distance de 800 km environ (Bugge, 1983 ; Bouriak et al., 2000), du bord supérieur du talus continental jusqu'au bassin norvégien, formant l'avalanche sous-marine de Storegga, au large de la Norvège (fig. 12a). Ce glissement, qui a dû provoquer des raz de marée dévastateurs, a probablement été déclenché par des hydrates de gaz accumulés à des profondeurs comprises entre 400 et 1500 m (Mienert et al., 2005 ; H. Nouzé et al., 2004). A ce jour, huit glissements récents, qui auraient fonctionné de façon retrogressive et sur une courte durée (quelques heures), ont été identifiés, alors que le glissement principal de storegga a été daté à 7250-7300 ans, des datations récentes sur le flanc nord ont fait état de glissement à 5000 #177;300 ans, ce qui pose la question du risque actuel d'instabilité de cette zone (Haflidation et al., 2003).

Le glissement de Storegga a fait l'objet d'une étude lors de la campagne Hydratech sur le N/O Le Suroît permettant d'imager en détail l'extension et les propriétés du BSR, les structures d'échappement de fluides et les déformations sédimentaires. La combinaison des différentes données acquises lors de cette campagne ainsi que leur qualité permet de mieux comprendre les interactions encore mal contraintes entre fluides, hydrates de gaz et glissement (H. Nouzé et al., 2004).

Figure 12: Localisation du glissement de Storegga (a) et le profil sismique 2D (b)
sur le flanc septentrional (source : Ifremer)

Le profil sismique (fig. 12b) montre des zones séparées latéralement caractérisées par la présence des BSR localisés au niveau de la pente du plateau Vøring qui se trouve au nord du glissement de Storegga. L'analyse des données sismiques montre que ces réflecteurs représentent la base du domaine de la stabilité locale des hydrates de gaz (H. Nouzé et al., 2004). Donc une modification des propriétés mécaniques de cette base aurait des conséquences sur le comportement mécanique des sédiments du dessus.

La présence des hydrates de gaz dans le plateau de Vøring et leur possible rapport avec le
déclenchement du glissement de Storegga a été un sujet discussion. Selon T. Bugge, ce
glissement a été déclenché éventuellement par un tremblement de terre avec une possible

libération des gaz suite à une décomposition des hydrates de gaz (Bugge et al., 1987). Pour J. Mienert, il faut ajouter, en plus du changement climatique, un rechargement en sédiments qui a exercé une forte pression (Mienert et al., 1998).

Lors de la campagne Hydratech sur le N/O « Le Suroît », de nombreuses structures subcirculaires ont été mises en évidences. La plupart de ces structures sont des pockmarks. On peut observer des structures en dômes, mais celles-ci sont rares. Elles sont corrélées à des zones verticales (cheminées) sur les profils de sondeur de sédiments (fig. 13) et sur le profil sismique. Sur ce profil on voit que les réflecteurs sont interrompus le long des cheminées. Donc on peut dire que le changement climatique favorise une accumulation des gaz, induisant une surpression qui pourra fragiliser les sédiments.

Figure 13: Un profil sismique montrant les chéminées de gaz (zones verticales) au niveau du
haut de la pente du plateau de Vøring. (Bouriak et al., 2000)

Chapitre 2 : Présentation régionale et données disponibles

I. LOCALISATION DE LA ZONE D'ETUDE ET PROCESSUS SEDIMENTAIRES RECENTS AU

LARGE DE L'EGYPTE

Située entre N31°30'- N33°30 et E29° - E32°, la province centrale, est une partie de delta profond qui s'est installé dans le bassin méditerranée (oriental) sur la marge Egyptienne. C'est l'une des trois provinces qui forment le cône sous-marin du Nil.

Figure 14: Situation géodynamique de la méditerranée orientale. La zone d'études est

indiquée par le cadre rouge (Mascle et al., 2000 ; et auteur)

Au large de l'Egypte se développe le delta sous-marin du Nil qui s'étale sur près de 100.000 km2. Ce delta représente l'accumulation sédimentaire terrigène récente la plus importante de la Méditerranée. Les sédiments qui la constituent proviennent en grande partie de l'érosion du continent africain et acheminés par l'intermédiaire de l'immense bassin de drainage que le Nil. Le cône sous-marin profond du Nil représente la plus grande accumulation de sédiments clastiques dans la mer Méditerranée, et il se trouve dans un complexe géodynamique réglage (Loncke et al. 2000) (fig. 14). Les données collectées lors de la campagne Prismed II ont montré la présence d'un système de faille long de 200 km environ et de direction NNW-SSE. L'analyse de cet important ensemble de données a montré que le cône sous-marin profond est le lieu de nombreuses des instabilités de pente à plusieurs échelles. Trois principaux types d'instabilités ont été définis, principalement sur la base de leur taille ou leur origine (Loncke et al., 2008). Le Premier type d'instabilités concerne la diffusion gravitaire généralisée du Plio-Quaternaire en eau profonde sur l'éventail par la couche salifère du Méssinien. Le Deuxième type d'instabilités correspond à des mouvements de masse géant probablement déclenché soit par des tremblements de terre, des fluides, ou le climat et des variations eustatiques. Enfin, le troisième type d'instabilités correspond soit à la fragilisation des sédiments.

Les dépôts générés par ces mouvements de pente ont largement participé à la construction du delta profond du Nil (Loncke et al., 2008).

La surface du fond marin témoigne l'influence de la tectonique gravitaire induite par la présence de couches épaisses de Méssinien, période pendant laquelle l'évaporation d'eau de l'ensemble du bassin méditerranéen a conduit au dépôt d'une couche épaisse des évaporites (Ryan et al., 1973 in Loncke et al., 2000) et la création d'un grand canyon qui coupe profondément la pente continentale. Les couches méssiniennes ont été progressivement couvertes depuis le Pliocène à nos jours et en particulier au cours du Quaternaire.

Le bassin de la méditerranée orientale a fait l'objet des explorations géologiques et géophysiques qui ont notamment porté sur les mécanismes sédimentaires qui sont le contrôle de la géométrie et de l'évolution de ce domaine de la marge continentale (Loncke et al., 2000). Trois processus de dépôts, en ce qui concerne le Quaternaire récent, ont contribué à l'évolution de ce système turbiditiques (Ducassou, 2006). Il s'agit dune sédimentation pélagique et hémipélagique, des glissements et les écoulements gravitaires.

- La sédimentation pélagique et hémipélagique sont influencées uniquement par des modifications en apports terrigènes et biogènes fortement liés aux conditions environnementales. Elle est caractérisée par des dépôts des boues carbonatées, des vases hémipélagiques et des sapropèles. La province centrale est dominée par la sédimentation hémipélagique.

- Les glissements résultent de la rupture de sédiments souvent non consolidés qui sont des formations liées à la remobilisation puis au dépôt. Les faciès correspondant aux glissements sont caractérisés uniquement par leur structure interne. On distinguera un faciès microfaillé au niveau de la province centrale en plus des faciès caractérisés par des plissements observés dans l'ensemble du système turbiqitique profond du Nil (STPN).

- Enfin, les écoulements laminaires ou turbulents engendrent des dépôts ayant une granularité et une structure sédimentaire particulière. Tenant compte des faciès et des séquences, on distinguera les débrites (écoulement laminaire) observables dans les lobes distaux, les chenaux et sur la pente (haut) de la province centrale avec une matrice argilo-silteuse, et les turbidites (écoulement turbulent) pour lesquelles on distingue des séquences argilo-silteuses typiques de dépôts de débordements, et sablo-silteuses caractéristiques des dépôts de remplissage de chenal et des lobes (Ducassou, 2006). Les débrites ont donc pour origine des écoulements qui se sont directement initiés sur la pente. Les turbidites se retrouvent dans les environnements de levées sédimentaires (séquences arigilo-silteuses).

II. DONNEES ANALYSEES

J'ai synthétisé dans le cadre de ce mémoire des données de bathymétrie et imagerie multifaisceaux et 3-5 kHz issues de différentes campagnes que je vais rapidement présenter avant de détailler les principes d'acquisition et de traitement de la bathymétrie et du 3-5 kHz. J'ai synthétisé toutes les données de surface disponibles sur les 24000 km2 que représente la province centrale de l'éventail profond du Nil. J'ai traité moi-même les données 3-5 kHz de la campagne Medeco.

Avant 1998, peu de choses étaient connues sur l'éventail profond du Nil. Ce n'est qu'à partir de cette date que le laboratoire Géosciences-Azur a décidé de consacrer une partie de la campagne Prismed II à l'analyse de ce segment de la marge passive de la méditerranée. Depuis la campagne Prismed II, plusieurs campagnes océanographiques ont été menées dans cette zone. De toutes ces campagnes, six ont retenu notre attention et leurs données feront l'objet des analyses afin de mieux comprendre l'interaction glissement/fluides au niveau de cette zone (fig. 15).

II.1. I.1. Les campagnes océanographiques

II.1.1 I.1.1. Campagne Prismed Ii

Réalisée en hiver 1998 à bord du N.O l'Atlante, cette campagne est une campagne de bathymétrie multifaisceaux et d'acquisition de données géophysiques en continu. Elle a permis dans un premier temps de caractériser de façon détaillée la Ride méditerranéenne qui avait déjà été investiguée en 1995 au cours d'une campagne de sismique multitrace Prismed et des campagnes de cartographie multifaisceaux Médée etAnaxiprobe. La deuxième partie avait pour but d'analyser, pour la première fois, le delta profond du Nil dans son ensemble (Loncke, 2003). De toutes ces données, seules les données de la bathymétrie, de la réflectivité acoustiques et des enregistrements de sondeurs de sédiments sont exploitées dans ce rapport.

II.1.2 I.1.2. Campagne Fanil.

Réalisée en octobre 2000, cette campagne s'est réalisée en deux parties, à bord du N.O « Le Suroît ». Elle avait pour but de compléter dans un premier temps la couverture bathymétrique acquise lors de la campagne Prismed II, de cartographier les bords occidentaux et orientaux du delta profond du Nil, puis de prélever dans un second temps des sédiments par carottage au sein de zones cruciales du point de vue du transfert sédimentaire, ou dans les régions où des ascensions argilo-cinétiques et des processus halo-tectoniques avaient été mis en évidence (Loncke, 2003). Elle a donc été dédiée à l'analyse des processus de surfaces et subsurface opérant sur le delta profond du Nil. Ces données ont permis la réalisation de la cartographie des écho-faciès dans ce rapport.

II.1.3 I.1.3. Campagne Nautinil

Elle s'est déroulée du 3 septembre au 3 octobre 2003, à bord du navire de l'Ifremer, L'Atalante. L'objectif était l'analyse des émanations de fluides froids et de l'environnement profond associé, au sein des marges continentales méditerranéennes. Cette campagne constitue un remarquable exemple de coopération européenne (plusieurs laboratoires français, néerlandais et allemands y ont participé).

Les profils chirps de cette campagne ont servi à la réalisation de la cartographie des échofacies et les plongées aussi ont servi à une observation directe de la vie sous-marines et des structures associées aux émanations de gaz.

II.1.4 I.1.4. Campagne Vanil

Réalisée à bord du navire Marion Dufresnes en avril 2004, la campagne Vanil avait quatre objectifs principaux parmi lesquels on citera l'obtention d'un enregistrement sédimentaire, la précision de la nature, de l'origine et l'évolution dans le temps des transferts sédimentaires affectant l'ensemble du delta profond et la datation des différentes périodes de mise en place de vastes glissements sous-marins mis en évidence par les études géophysiques antérieures, ainsi que d'évaluer les conditions mécaniques et, si possible, les facteurs forçant à l'origine de telles déstabilisation en masse qui affectent d'importants secteurs de la pente continentale actuelle.

Les profils chirps de cette campagne ont contribué à la réalisation des la cartographie des écho-faciès dans ce rapport.

II.1.5 I.1.5. Campagne Mimes

Conduite du 13 juin au 14 juillet 2004 à bord du navire neerlandais Pelagia et dirigée par l'Université libre d'Amsterdam, cette campagne avait pour but l'analyse à mullti-échelle des suintements froids. Je ne dispose pas beaucoup d'information sur cette expédition. Les profils chirps 3-5 kHz ont également servi à la réalisation de la cartographie des écho-faciès.

II.1.6 I.1.6. Campagne Medeco II

Réalisée dans le cadre du programme européen HERMES (Hotspot Ecosystem Research on the Margins of European Seas) à bord du navire << Pourquoi pas ? », la deuxième partie de la campagne Medeco porte sur l'étude des environnements de suintements froids dans la région du delta profond du Nil et de l'arc calabrais. Certains sites du delta profond du Nil sont étudiés depuis 2003. Ils seront revisités lors de Medeco afin d'évaluer la variabilité temporelle de l'activité des émissions de fluides et de la colonisation de ces sites par les communautés benthiques. Les autres sites de la zone occidentale du delta profond du Nil et de l'arc calabrais seront explorés pour la première fois par un robot télé-opéré pour une meilleure connaissances des écosystèmes de suintements froids de la Méditerranée orientale. La campagne MEDECO est la première campagne océanographique spécifiquement dédiée à l'étude intégrée et multiéchelles de plusieurs écosystèmes profonds de la Méditerranée. Elle s'était organisée de façon à suivre les objectifs du programme HERMES qui visent :

- la description et la quantification des << natural drivers » (facteurs géologiques, hydrologiques et chimiques) qui contrôlent les écosystèmes des marges ;

- la caractérisation et la quantification de la biodiversité, des bactéries à la mégafaune et la compréhension du fonctionnement de ces écosystèmes ;

- ainsi que la première étude de leur dynamique incluant la biologie des espèces-clés. Les données de cette campagne ont beaucoup servi dans le déroulement de ce stage. J'ai entièrement dépouillé, traité, interprété ls nouvelles données. Je les ai ensuite intégrées aux données antérieures.

Il faut noter que quelques carottes de la campagne Noé en 1984 ont aussi servi pour la calibration dans ce mémoire.

Figure 15: Le plan de position des campagnes océanographiques menées sur l'éventail profond
du Nil (domaine central) et dont les données géophysiques ont été analysées dans le cadre de
ce mémoire.

II.2. Bathymétrie et imagerie multifaisceau II.2.1 Définitions

La bathymétrie est définie comme une science de la mesure de profondeur des fonds marins. L'imagerie, par contre, repose sur la mesure de la réflectivité (exploitation de l'amplitude du signal reçu). Cette mesure fournit à la fois une vision de la morphologie du fond et une indication concernant sa nature (C. Huguen, 2001).

II.2.2 Principe et méthodes

Le principe de mesure repose sur l'émission (suivant un angle) et la réception des ondes sonores par un sondeur acoustique installé sous un bateau (dans certains cas le sondeur peutêtre tiré par le navire).

Après propagation dans le milieu marin, les ondes sont réfléchies par le sol et retodiffusées en sens inverse. Elles sont alors réceptionnées par le sondeur, qui mesure le temps écoulé entre l'émission de l'impulsion sonore et sa réception. Dès lors, grâce à la connaissance de la durée du parcours des ondes et de leur vitesse dans l'eau, on peut déterminer la profondeur à laquelle se trouve le fond marin par rapport à la surface.

II.2.3 ILes mesures

II.2.3.a Mesure de bathymétrie

La mesure de la bathymétrie consiste à exploiter les signaux de chaque faisceau pour déterminer l'instant de retour de l'impulsion sonore. On obtient ainsi une mesure de profondeur par faisceau.

De nos jours on utilise de préférence les sondeurs multifaisceaux car leurs mesures sont d'une bien meilleure résolution et qu'on peut mesurer la profondeur dans plusieurs directions.

Le principe de mesure avec des sondeurs multifaisceaux repose sur la technique des faisceaux croisés (fig. 16) pour laquelle une impulsion sonore est émise au travers d'un lobe d'émission étroit dans la direction longitudinale (de l'ordre de 1 à 5 degrés) et large transversalement (typiquement 150 degrés). La réception se fait à l'aide de faisceaux étroits dans le plan transversal (de l'ordre de 1 à 5 degrés). Pour chaque faisceau de réception, la zone du fond explorée («pastille insonifiée») est l'intersection entre le lobe d'émission et le faisceau de réception. L'objectif de cette technique est de permettre la compensation des mouvements du navire : roulis, tangage (C. Huguen, 2001).

Figure 16: Schéma de la technique des faisceaux croisés

II.2.3.b Mesure de l'imagerie acoustique

L'imagerie acoustique est un outil relativement récent qui fournit une information sur la texture des fonds marins à partir de la restitution de l'énergie. L'amplitude du signal réfléchi au voisinage de la verticale est très élevée (signal spéculaire). Par ailleurs, le signal s'atténue en fonction de la distance parcourue, donc du temps. Afin d'éviter une saturation des amplificateurs et pour garder un niveau de signal toujours à peu près stable, une loi de TVG (time varying gain) est appliquée au signal reçu. La TVG est prédite avant réception à partir des cycles précédents et est construite de façon à optimiser le niveau moyen du signal par rapport aux fluctuations aléatoires de la réverbération de fond.

Une fois cette compensation établie, l'amplitude du signal reçu est appelée réflectivité. Elle s'exprime en décibels (dB) et est liée à la nature du fond. Ainsi, la réflectivité est directement liée à l'intensité du signal rétrodiffusé (Augustin et al., 1996), elle-même étroitement contrôlée par la nature et la structure du fond, l'angle d'incidence et la fréquence de la source utilisée. La mesure de réflectivité est disponible à la cadence d'échantillonnage (pas d'échantillonnage) du sondeur. La distance inter-échantillon diminue avec l'incidence. Il est à noter que lors de sa propagation dans l'eau, l'onde interéagit avec ce milieu, ce qui peut entrainer une modification de sa trajectoire. Dans le cas des domaines riches en fluides, l'imagerie est un outil très adapté à leur détection.

II.3. Données 3-5 kHz

Les donnes 3-5 kHz sont des données acquises avec un sondeur multifaisceaux dont la fréquence d'échantillonnage est comprise entre 3 et 5 kHz. Ils sont un équivalent des données « chirps ». La gamme de fréquences d'échantillonnage d'un chirp varie entre 2 et 8 kHz. La pénétration maximale pour ce type de données est de 100 m environ avec résolution de l'ordre de mètre. Elles ont été acquises lors des campagnes Prismed II, Nautinil, Vanil, Mimes et Medeco. Ces données permettent d'imager les 100 premiers mètres de sédiments sous le fond marin.

II.3.1 Traitements effectués dans le cadre de ce stage

II.3.1.a Traitement et visualisation de la bathymétrie et de l'imagerie

J'ai essentiellement utilisé caraïbes pour des visualisations 3D de la bathymétrie, réalisation du plan de position et vue de détails des données. Le traitement des données bathymétriques a été effectué à Géosciences Azur. Les principes de traitement sont appelés en Annexe I.

II.3.1.b Importation et traitement des données 3-5 kHz

Lors de la campagne Medeco en novembre 2007, les données 3-5 kHz ont été acquises grâce au logiciel SUBOP. Les données ont été enregistrées au format SEG rev1 standard. Une phase de traitement simple est appliquée sous Matlab permettant entres autres :

- la lecture des données SEGY ;

- la corrélation avec le chirp émis ;

- la correction de divergence sphérique ;

- appliquer un gain linéaire à partir du fond de l'eau ;

- la conversion en db de l'enveloppe du signal ;

- la compensation des mouvements de pilonnement ;

- l'application des délais d'enregistrement.

Précisons que ce prétraitement est réalisé grâce à un ensemble de programmes développés sous Matlab par Anne Paquaut (Ifremer). Ces programmes permettent ;

- d'avoir une image des données qui peut être enregistrée sous différents formats (jpeg, png, tiff, ...) et imprimée ;

- d'enregistrer les données traitées au format SEGY qui pourront être traitées de façon complémentaire avec un logiciel comme le Seismic Unix (su) ou le Sisbise ;

- d'enregistrer les données de navigation au format ascii.

Les données traitées sous Matlab montrent des décalages des réflecteurs. Par la deuxième phase du traitement, j'ai utilisé le logiciel Seimic Unix (su) afin :

1- de corriger ce problème de décalage;

2- d'égaliser les amplitudes des traces;

3- d'appliquer un filtre amélirant la donnée ;

4- d'obtenir une image optimisée du profil.

5-

Figure 17: Schéma synthétique avec différentes étapes de la chaîne
de traitement appliquée aux données 3-5 kHz

Chapitre 3 : Processus sédimentaires récents : apports de

l'analyse des données multifaisceau et 3-5 kHz

I. MORPHOSTRUCTURE DE LA PROVINCE CENTRALE DE L'EVENTAIL PROFOND DU

NIL

I.1. Analyse morphostructurale

La morphostructure de la province centrale du Nil est variable depuis le haut de pente jusqu'à la base de pente. Selon l'allure du fond marin et des structures observées dans cette zone, nous avons divisé la pente continentale en trois domaines. On distinguera le haut de pente, la mi-pente et la base de pente (fig. 18).

Figure 18: Carte morphostructurale superposée sur la carte de
la bathymétrie de la province centrale du Nil

I.1.1 Le haut de pente (500 à 1700 m)

Le haut de pente est caractérisé par différentes structures remarquables :

- d'un point de vue sédimentaire, ce domaine est le lieu de nombreuses cicatrices d'arrachement et chenaux discontinus et rectilignes (fig. 18 et 19). La topographie de ce domaine est relativement peu rugueuse comparée au domaine plus profond. A l'Est entre les volcans Atlon et Isis, de nombreux linéaments parallèles à la direction de la pente affectent les sédiments. Ils pourraient être des chenaux fossiles ou la trace de remobilisation récente de blocs. Quelques tronçons de chenaux fossiles entaillent le haut de pente;

- d'un point de vue « tectonique », différentes failles de direction NW-SE et NE-SW entaillent la pente. Ces failles, pour être visibles en bathymétrie, ont dû jouer relativement récemment. Elles correspondent à des directions structurales régionales ;

- enfin d'un point de vue des « fluides », de nombreux volcans de boue ont été identifiés. Leur diamètre varie de 500m à 5km. Ces volcans de boue s'agencent préférentiellement le long du rebord de plate-forme et le long des failles précédemment décrites (fig. 18).

Certains couloirs de glissement semblent associés au fonctionnement de ces volcans de boue (fig. 19, North Alex).

Figure 19: Zoom du haut de pente

I.1.2 La mi-pente (1700 à 2300 m)

- D'un point de vue sédimentaire, on observe des chenaux (disloqués par endroit) très marqués à l'ouest et des rides sédimentaires perpendiculaires à la pente (fig. 19, zoomB). Ces rides ont été interprétés comme les témoins de la reptation de la couverture sédimentaire vers l'aval (Loncke et al., 2002).

- D'un point de vue tectonique, la mi-pente est caractérisée à l'est, par la présence des failles de croissance de direction arquée E-W qui se présentent sous-forme des escarpements sur la carte de la bathymétrie (fig. 19, zoomC).

- Les volcans de boue sont plus rares mais les pockmarks deviennent très présents. Ils ont été identifiés essentiellement sur l'imagerie (fortes réflectivités)

I.1.3 La base de pente (2300 à 2900 m)

La base de pente est aussi caractérisée par quelques structures remarquables :

- d'un point de vue sédimentaire, on observe des rides sédimentaires à l'ouest, des chenaux et des pockmarks (fig. 20) ;

- d'un point de vue tectonique, on observe des plis de faibles longueurs d'ondes (Loncke, 2003) associés au glissement sur sel de la couverture plio-quaternaire (tectonique gravitaire grande échelle). C'est un domaine stable déformé par la tectonique salifère, on y observe des rides de sel et des minibassins (fig. 18, zoom D). Il n'y a pas de témoins dans ce domaine de dépôts récents en masses ;

- Enfin, d'un point « fluides », des pockmarks sont présents, surtout, du côté ouest de ce domaine.

Figure 20: Zoom sur quelques parties de la mi-pente et de la base de pente

De cette analyse, on distingue trois domaines :

- le haut de pente est un domaine d'initiation. On y observe des cicatrices multiples et des volcans de boue. Sa surface bathymétrique est relativement lisse. Les chenaux y sont discontinus. Le rebord du plateau continental qui montre probablement les zones d'initiation les plus continues n'est malheureusement pas imagé.

- A mi-pente, il y'a apparition de nombreuses rides sédimentaires perpendiculaires à la pente excepté vers l'Est où des failles de croissance d'origine salifère entaillent la pente. Des chenaux sous-marins, déconnectés du système amont, parcourent ce domaine. Cette province est parsemée de dizaines de tâches de forte réflectivité correspondant à des pockmarks et encoûtrements carbonatées (comme l'ont montré des plongées in-situ. Voir Bayon et al., soumis).

- En base de pente, les rides sédimentaires disparaissent progressivement, ainsi que les témoins de sorties de fluides.

I.2. Cartographie des écho-faciès 3-5 kHz

I.2.1 Identification et classification des écho-faciès 3-5 kHz

Au niveau de la province centrale de l'éventail profond du Nil, on a pu identifier au moins douze types d'écho-faciès sur des critères de clarté acoustique, continuité des réflecteurs du fond sous-marins. Ces types d'écho-faciès peuvent être regroupés en quatre familles principales suivantes (fig.21) :

- La famille des écho-faciès lités L regroupant des écho-faciès à faciès stratifié et à litage continu L1, Lité hâché et lité hâché avec sorties de fluides. Ces faciès lités sont typiquement associés à des sédiments détritiques déposés par des courants de turbidité ou des

hémipélagites. Les stratifications observées sont attribuées à une succession de litages sableux et silteux (Damuth, 1980a ; Pratson et Laine, 1989 in Loncke, 2003). Dans la partie profonde du bassin, ces écho-faciès peuvent aussi représenter des dépôts pélagiques ou hémipélagiques isolés des apports détritiques continentaux (Gaullier et Bellaiche, 1998 in Loncke, 2003). Les faciès lités hâchés sont très spécifiques du haut de pente des domaines glissés. Ils correspondraient à des sédiments fracturés en passe d'être remobilisés.

- Les faciès L0 sont quant à eux caractérisés par des sédiments lités ondulés, soit par des processus dépositionels (courant de contour, sédiments waves), soit par des processus de déformation post-dépôt (creeping). La famille des Lités ondulés Lo regroupe des écho-faciès à faciès stratifiés avec une ondulation bien marquée en surface Lo1, une ondulation peu pénétrante Lo3, des transparents ondulés Lo2 de fois avec des sorties de fluides Lo4 . Ils sont associés à des dépôts générés par des courants de turbidité et de contour, donnant lieu à des turbidites ou des hémipélagites.

Les faciès lités et lités ondulés montrent parfois des zones de surdité acoustique interprétées comme des sorties de fluides. Ces faciès caractérisent essentiellement les domaines de mi-pente. Ils correspondent en bathymétrie aux nombreuses rides sédimentaires identifiées dans ce domaine

- La famille des transparents T est constituée des écho-faciès transparents en surface T1 et deux faciès mixtes : les écho-faciès transparents perturbés Tp, correspondant à des faciès hyperboliques en surface et transparents en profondeur, et les écho-faciès transparentslités TL correspondant soit à des couches transparentes recouvertes par des faciès stratifiés, soit l'inverse. Ces écho-faciès sont associés à des dépôts sans cohérence interne, déposés par des processus de glissement gravitaire ayant donné lieu à des debris-flows. Ils peuvent dans certains cas correspondre à des dépôts riches en gaz (Gaullier et Bellaiche, 1998 in Loncke, 2003) ;

- La famile des écho-faciès hyperboliques réguliers H sont associés à des dépôts générés par des processus de types glissement ou fluage (creeping) (Damuth, 1980a, b, 1994 in Loncke, 2003). La présence de ces écho-faciès est surtout liée au degré de rugosité du fond sous-marin, classiquement amplifié par des mouvements en masse.

Figure 21: Tableau mettant en relation les écho-faciès, les types sédimentaires
et le processus de dépôts associés.

I.2.2 Répartition des écho-faciès

I.2.2.a Les différents écho-faciès identifiés

Ils ont été cartés et leurs limites ont été extrapolées à l'aide de la bathymétrie et de l'imagerie (figure 22).

Figure 22: Carte des écho-faciès de la province centrale du Nil

Haut de pente

Le haut de pente est constitué majoritairement des écho-faciès transparents à une ou deux masses, qui, dans certains cas, repose(nt) sur des débrites à base érosive, des faciès lités, lités perturbés et lités hachés avec ou sans sorties de fluides. Des écho-faciès hyperboliques sont aussi présents à l'ouest. Sur quelques profils chirps 3-5 kHz (fig. 23) on peut observer des sorties de fluides dans les faciès lités, lités hachés et transparents. L'analyse des écho-faciès confirme donc que le haut de pente est majoritairement déstabilisé (prédominance de faciès transparents) et très riche en fluides. Le faciès lité hâché pouvait correspondre à des domaines fracturés remobilisés mais non déstructurés ou à des zones stables en passe d'être remobilisées.

Le haut de pente est dominé par la famille des écho-faciès transparents (1MT et 2MT et perturbés). On y trouve aussi des faciès lité stable avec ou sans sortie de fluides à l'est du domaine et des faciès hyperboliques localisés un peu plus à l'ouest. C'est un domaine très instable.

La mi-pente

On y trouve presque toutes les familles des écho-faciès de la province centrale du Nil. De l'ouest à l'est on la famille des transparents 1MT, des faciès ondulés, des ondulés transparents, des transparents 2MT et la famille des lités stables avec ou sans sorties de fluides qui reposent ou pas sur des débrites. Ces sorties de fluides sont visibles sur quelques profils chirps 3-5 kHz (fig.24). La constance à mi-pente concerne la rugosité du fond marin qui est associée à des faciès lités ondulés, probablement associés à des processus de creeping comme suggère L. Loncke (Loncke et al., 2002). C'est donc un domaine instable, mais très différent du précédent. Les unités mamelonnées sont par ailleurs recouvertes par les débrites transparentes du haut de pente. Des failles de croissance présentes dans cette zone guideraient ces fluides.

La base de pente

Ce domaine est occupé en grande partie par la famille des faciès ondulés. On a des faciès ondulés lités transparents, des faciès ondulés, des faciès ondulés transparents avec ou sans sortie de fluides, des faciès lités stables et des transparents 1MT. Dans cette partie avale de la pente, on trouve aussi toute la famille des écho-faciès lités non déformés, c'est-à-dire stables. On a des faciès lités, lités ondulés peu pénétrants, des lité ondulés transparents avec ou sans sortie de fluides et des faciès transparents. C'est donc un domaine stable. Les profils 3-5 kHz (fig. 25) montrent parfois le contact entre domaines instables et stables (lités). Des indices de compression ont pu être observés ainsi que des glissements pelliculaires qui marquent probablement l'avancée du front de glissement.

Figure 23: Des profils de haut de pente montrant les relations
Spatiales entre les volcans de boue et l'instabilité

Figure 24: Profil de la mi-pente montrant les relations
Spatiales entre les sortie de fluides et l'instabilité

Figure 25: Profils montrant le contact entre les zones instables et
les zones stables au niveau de la base de pente

Résumé

En haut de pente, on observe des volcans de boue en association directe avec les glissements. Les volcans de boue pourraient être responsables du déclenchement des glissements. Selon le cas, la couverture est fracturée ou destructurée.

A mi-pente, les débrites du haut de pente reposent sur la couverture en reptation. Cette couverture permet l'échappement massif de fluides en fond de mer (nombreux pockmarks). Latéralement, des sorties de fluides semblent être guidées par les failles de croissance (fluides thermogéniques ?) d'origine salifère.

En base de pente, les déformations s'amortissent lentement. Certaines structures compressives ont été reconnues. Les sorties de fluides sont nombreuses.

I.3. Eléments de chronologie relative

On observe au niveau du haut de pente des débrites initiées en association avec des volcans de boue. Tout est entièrement déstabilisé entre 500 et 1700m de fond mis à part « un îlot » plus stable que le reste : c'est le faciès lités hâché. Cet ensemble de débrites (1MT ou 2MT) vient recouvrir la masse en creeping de la mi-pente. La mi-pente est un domaine de creeping avec des sorties de fluides dans les zones amincies (Bayon et al., accepté). Les séries y sont litées, donc non destructurées comme plus haut. La couverture sédimentaire semble plus stable. Elle semble stable à l'Est sous les dernières débrites du haut de pente. On y note aussi de nombreuses structures d'échappement de fluides qui semblent être guidées par les failles de croissance. Au niveau de la base de pente, le contact avec le domaine déstabilisé de la mi-pente est difficile à voir sur les profils chirps, mais on note quelques indices de compression.

I.4. Calibration sédimentaire avec les données in situ I.4.1 Les carottes

I.4.1.a Origine des carottes

La thèse de E. Ducassou (Ducassou, 2006) a permis pour la première fois de proposer une vue d'ensemble sur des répartitions sédimentaires récentes pour la presque totalité du delta profond du Nil. Pour la province centrale, on dispose d'une quarantaine de carottes prélevées repertoiriées dans le tableau 3 provenant des campagnes Noé en 1984, fanil, Nautinil, Vanil, Mimes Bionil et Medeco. De toutes ces carottes, seulement cinq d'entre elles ont été analysées dans la province centrale qui nous concerne (une au niveau du haut de pente et quatre à la mi-pente). Cette analyse inclus pour chaque carotte la description lithologique, l'analyse des images RX et des lames minces des sédiments indurés, de la granulométrie laser, la mesure des teneurs en carbonates et l'analyse des constituants pour la majorité des carottes grâce à des techniques développées à l'Université Bordeaux1 (Ducassou, 2006).

Tableau 1 : Synthèse des données et outils utilisés lors des campagnes sur la province centrale
de l'éventail profond du Nil

Un nombre important de méthodes, non destructrices ou destructrices, permet d'étudier les carottes (Bouma, 1969 in Ducassou, 2006). Les développements techniques très récents réalisés pour quelques-unes de ces méthodes ont permis de décrire avec une grande précision les séquences sédimentaires de dépôt et d'y associer des mécanismes dynamiques de dépôt.

I.4.1.b Résultats des analyses

Description de la carotte du haut de pente

Une douzaine de carottes ont été prélevées au niveau du haut de pente dont cinq sur des volcans de boue. Seule la carotte 84MD654, prélevée lors de la campagne NOE en 1984 dans un domaine de glissement de grande ampleur pluri-métrique, a été analysée par E. Ducassou (fig. 26). Cette carotte est localisée sur la figure23b.

Figure 26: Log de la carotte 84MD654 et le zoom de la section 4 (E. Ducassou, 2006)

Ce log (fig. 26) montre un faciès microfaillé. Le faciès transparent que nous avons interprété comme des débrites peuvent donc être faits de radeaux plus ou moins cohérents microfracturés.

Description de carottes à mi-pente

Au niveau de la mi-pente, treize carottes ont été prélevées, mais seulement quatre ont été analysées pour l'heure. Il s'agit des carottes FKSO4 réalisée lors de la campagne FANIL, NLK11 réalisée lors de la campagne NAUTINIL, 84MD652 et 84MD653 réalisées lors de la campagne NOE. Ces carottes sont localisées sur la figure 23b.

Figure 27 : Comparaison des logs des carottes de la mi-pente (Ducassou, 2006)

La particularité de ces carottes (fig. 27) est que chaque log montre un dépôt des sapropèles au sommet et sont toutes carbonatées avec une bioturbation marquée. On note la présence des coulées de débris dans les trois dernières carottes, au-delà de 7 mètres pour la NLK11 et 84MD652, et avant 1 mètre pour la 84MD654. Des slumps sont observés entre 8 et 9 mètres sur le log NLK11. Seule la débrite de la carotte NLK11 est assez profonde pour correspondre à la base du corps en creeping.

Description de la carotte de la base de pente

Dans cette partie de la province centrale, aucune carotte n'a été répertoriée, mais pour comprendre ce qui se passe à cet endroit, on va présenter une carotte qui a été prélevée à l'est de la province occidentale, la MD042729 (fig. 28, et fig. 23b pour la localisation). Ce secteur présente le même faciès acoustique que la base de pente de la province centrale. A grande échelle de temps, on peut avoir de très grandes débrites sous les zones stables.

Figure 28: Log de la carotte MD042729 (Est de la province occidentale)

Comme les autres carottes, ce log est riche en carbonates avec une bioturbation marquée jusqu'à environ 18,5 m en profondeur. On note une importante épaisseur de coulées de débris (5m environ) en profondeur puis la présence des slumps à la base du log.

I.4.1.c Calibration écho-faciès/carotte et processus de dépôts

J'ai essayé dans ce paragraphe, de mettre en relation les processus sédimentaires et les faciès observés dans les logs décrits ci-haut.

Les carottes montrent des dépôts dominés par des boues carbonatées ou pélagiques, les vases hémipélagiques et les sapropèles. C'est une sédimentation pélagique et hémipélagique influencée uniquement par des modifications en apports terrigènes provenant de la marge et biogenèses liés à la productivité biologique de surface. Le zoom fait sur la section 4 de la carotte 84MD654 (fig. 26) montre des micro-failles, preuve d'un glissement ou d'une destructuration de la couverture sédimentaire en haut de pente.

Les carottes ne présentent pas toujours des faciès caractéristiques des glissements de grande ampleur (Ducassou, 2006), suggérant que certaines parties des glissements identifiées contiennent des « radeaux » peu déstructurés. Les carottes NLK11, 84MD652 et 84MD653 montrent une alternance de lits carbonatés, ce qui correspond au faciès lité mamelonné. Ces hémipélagites ont donc simplement été déformées ; elles montrent des intercalations fines de types débrites et reposent sur une débrite plus massive (observé sur les données 3-5 kHz) dont le sommet a été atteint dans NLK11.

Le haut de pente est le siège des écoulements laminaires et turbulents donnant naissance à des débrites, des séquences turbiditiques massives et organisées, d'où la présence des débrites et des turbidites.

Dans les zones distales qui ne sont pas caractérisées par des corps sédimentaires particuliers (chenal, lobe ou levée) on observe l'écho-faciès lité continu qui peut représenter des successions des turbiditiques (assez fines) et/ou hémipélagites. L'écho-faciès transparent lité s'observe dans les lobes, les chenaux ou des zones de remplissage où il est également courant d'enregistrer des courants de turbidité associés à des coulées de débris.

I.5. Les plongées ROV et Nautiles

I.5.1 Les plongées ROV

I.5.1.a Les plongées ROV

Les plongées ROV de la campagne Medeco étaient effectuées principalement sur une zone de pockmarks, entre le haut de pente et la mi-pente, marquée par des encroûtements carbonatés fissurés par endroit.

Dédié à la recherche scientifique dans le domaine de l'océanographie, le ROV (Remotly Operated Vehicule) appelé encore Victor 6000 est un système téléopéré grande profondeur, instrumenté et modulaire, capable d'effectuer de l'imagerie optique de qualité, d'emporter et opérer divers équipements et outillage scientifique. Sa profondeur d'intervention est de 6000m. Il est doté d'un module de mesure en route (MMR) qui permet de dresser des cartes bathymétriques avec des résolutions de 25 à 50 cm à partir des levées effectuées entre 30 et 50m au-dessus du fond. Grâce à ce module, les scientifiques peuvent visualiser les réseaux de petites failles et fissures qui jouent un rôle important dans la perméabilité des sédiments, la remontée et l'émission des fluides. Cet engin a été utilisé lors de la campagne Medeco en 2007 pour la cartographie et la photographie du fond marin afin de faire un état des lieux de la biodiversité de ces écosystèmes profonds et de mettre en évidence l'évolution temporelle du milieu sur certains sites connus.

Quatre plongées ont été effectuées au niveau de la province centrale lors de la campagne Medeco au niveau d'un pockmark situé au point N32°30- N32°32 et E30°16-E30°21. Cet ensemble de plongées avait pour but l'exploration d'une zone de pockmarks où différents objectifs ont été définis lors des précédentes plongées (Bionil en 2006) (fig. 29).

Figure 29: Carte de la navigation du ROV au niveau de la province centrale
(Bayon et al., 2006)

Figure 30: Des photographies de la plongée ROV

a : des escarpments; b : un bouquet garni ; c :des faunes associées à des croûtes carbonatées entre les wp1 et p4 ; d : encoûtrement carbonaté ( zone fissurée entre wp1 et wp2) ; e : intense activité faunique aux alentours des encoûtrements carbonatés; f : une couche des bactéries; g et h: des pockmarks. A gauche, une partie colmatée de pockmark.

Ces plongées ont montré que le domaine de haut de pente était le lieu d'échappement de fluides associés à des encoûtrements carbonatés (Medeco report). Ces croûtes sont apparues très fracturées.

Notons que ces fissures, apparaissant comme des crêtes sur la bathymétrie, sont liées au mouvement des masses glissées. Ces principales fissures entre wp1 et wp2, de direction SW-NE (fig. 29), ont été explorées vers l'ouest au cours de la récente plongée (Bionil). Parfois récentes, elles affectent des sédiments hémipélagiques drapées par des encroûtrements carbonatés. Le long de ces encroûtrements carbonatés, on observe des sorties de fluides et certaines espèces comme de oursins, gastéropodes, des coquillages, lamellibranches se développent.

Plusieurs dépressions ont été explorées. Probablement issus des récents effondrements, les pockmarks semblent être remplis des débris qui seraient concentrés par des courants. Ils ont des formes circulaires dans certains endroits avec des diamètres qui varient entre 5 et 6 mètres et une profondeur d'environ 2 mètres.

I.5.1.b Les plongées Nautiles

Le Nautile et un sous-marin conçu pour l'observation et l'intervention jusqu'à 6000 mètres de profondeur. Lors de la campagne Nautinil, 22 plongées scientifiques ont été réalisées par des profondeurs variant de 700 à 3 000 mètres dans deux régions de Méditerranée orientale, l'une au sud de la Crête, au sein de la Ride méditerranéenne, l'autre au niveau du delta profond du Nil dont trois dans la province centrale. Ces plongées ont permis de localiser les volcans de boue, les cheminées gazeuses et les pockmarks (fig. 31).

Figure 31: Photographie des structures d'échappement des fluides dans le fond marins fond
réalisées avec le submersible Nautile (Bayon et al., 2006)

Ces plongées Nautiles ont cette fois-ci été opérées dans le domaine de mi-pente.

Un capteur de méthane a été installé sur le submersible Nautile permettant de détecter la présence de méthane et de tracer des profils microbathymétriques d'une plongée à une autre (fig. 32) (Bayon et al., 2006).

Figure 32: Cartes bathymétriques des deux sites explorés dans la province centrale du Nil et le
tracé de la position du Nautile et le profil 3-5 kHz NL2-6 A.

B : Plongée NL7 à 1700 m de profondeur ;

C : Plongées NL6 et NL14 à 2100 m de profondeur (Bayon et al., 2006)

La figure 32 présente la carte de réflectivité du fond marin, les profils bathymétriques, la carte des ècho-faciès et la présence de la croûte carbonatée le long de chaque plongée obtenue grâce au sondeur multifaisceau.

Figure 33: Carte de réflectivité de la zone explorée lors des plongées NL6 et NL14 obtenue
avec le sondeur multifaisceaux EM300 et les profils bathymétriques, la carte des ècho-faciès
et les graphes montrant les quantités du méthane et la présence de la croûte carbonatée

(Bayon et al. et al., 2006)

En combinant les données géophysiques, des observations in situ et les profils bathymétriques, on peut identifier quatre structures qui sont :

- des croûtes carbonatées superficielles de 500m de long et 5 m de hauteur (fig. 30 A,B,C et D);

- des larges dépressions sédimentaires d'environ 100 m de long et 3 m de profondeur montrant une intense activité biologique (fig. 30G) ;

- des zones carbonatées en creeping présentées en blanc sur la carte de réflectivité (fig. 32) ;

- des Pokmarks correspondant à des dépressions sub-circulaires à des tailles variables (fig. 30E, F)

- des carbonates fracturés ont été aussi observés au niveau des zones de scarpement (Fig. 30B).

Les plongées in-situ ont montré que les sorties de fluides étaient favorisées dans les zones amincies de la masse en reptation lente. (fig. 32). Des pics de méthanes y ont en effet été enregistrés.

Chapitre 4 : Synthèse et discussion

I. EVOLUTION AMONT-AVAL DES STRUCTURES ET CHRONOLOGIE DES EVENEMENTS

De toutes ces études qui ont été faites dans la zone de la province centrale du Nil et selon la figure de synthèse (fig. 34), on peut décrire l'évolution amont-aval des différentes structures observées de la manière suivante :

- Du point de vue « sédimentaire », on rencontre des cicatrices d'arrachement au niveau du haut de pente, des chenaux discontinus et rectilignes y sont aussi observés, certains de ces linéaments pourraient correspondre à des couloirs d'éboulement. Au niveau de la mi-pente et de la base de pente, des chenaux anciens sont disloqués par les masses glissées initiées en haut de pente. L'Ouest de la mipente et de la base de pente est caractérisé par des rides sédimentaires vraisemblablement associées à des processus de reptation lente.

- Du point de vue « tectonique », un ensemble de failles de directions NW-SE et NE-SW entaillent le haut de pente, et semblent guider les fluides thermogéniques vers la surface. Au niveau de la mi-pente, ce sont des failles de croissances de direction E-W qui sont observées à l'est de ce domaine. Des plis de faibles longueurs d'ondes sont localisés à l'ouest de la base de pente. Ceux-ci sont associés au glissement sur sel de la couverture plio-quaternaire.

- Du point de vue « fluides », des volcans de boues (500m à 5km de diamètre) sont localisés au niveau du haut de pente. Ils sont associés à certains couloirs de glissement. Ces volcans de boue sont rares au niveau de la mi-pente. Des pockmarks sont observés dans pratiquement tout l'ensemble de la zone d'étude et surtout dans les zones de creeping de la mi-pente et au droit des failles de croissance d'origine salifère.

Le haut de pente est donc un domaine majoritairement déstabilisé (entre 700 et 1500m) et très riche en fluides. Cet ensemble (débrites) vient recouvrir les masses en reptation lente de la mipente (caractérisé par un fond marin rugueux) et l'ouest de la base de pente. La base de pente est un domaine stable déformé uniquement par la tectonique salifère (fig 34).

Des datations effectuées par E. Ducassou ont permis de dater certains des évènements identifiés par le biais de notre analyse :

- La débrite soutenant la masse en reptation serait âgée de 125000 ans. Son sommet est très compacté (fig 34).

- La masse en reptation a ensuite été en partie recouverte par une série de débrites de haut de pente dont l'une a été datée de 73000 ans.

- Enfin, Bayon et al., ont évalué l'âge des encoûtrements carbonatées développant sur la masse en reptation à au moins 10000 ans.

Figure 34: Evolution Amont-aval des structures observées de la province centrale
(figure de synthèse)

Sur tout le domaine de la province centrale du delta profond du Nil, outre la tectonique salifère, on peut distinguer deux évènements majeurs identifiables sur les profils chirps. On soulignera d'abord un domaine stable sur lequel se reposent des masses glissées sur à des mouvements gravitaires qui auraient eu lieu vers 125000 ans (Ducassou, 2006). Cette unité est très remarquable au niveau de la mi-pente, caractérisé par des ondulations en surface des faciès. On y observe des failles de croissances qui seraient des conduits pour les sorties des fluides. Enfin, les débrites du haut de pente ont été datées vers 73000 ans et ont entraîné des masses du haut de pente.

II FACTEURS DE CONTROLE DES GLISSEMENTS.

Trois facteurs seraient à l'origine du déclenchement des glissements dans la province centrale du Nil :

- les fluides : des volcans de boue observés en haut de pente sont semblent avoir déclenché certains glissements. La perturbation mécanique associée à la mise en place de ces édifices pourrait avoir déclenché le glissement d'une partie de la couverture sédimentaire. D'autre part, les nombreuses sorties de fluides cartées dans cette province suggèrent que des mécanismes de surpression de fluide aient pu fragiliser la stabilité de la pile sédimentaire ;

- les hydrates : De récents travaux (Praeg et al., 2008) ont montré que les hydrates de gaz étaient présents sur site entre 2000 et 2500m de fond (entre 220 et 330 ms sous le fond marin). Il est possible que des variations d'épaisseur de cette zone à hydrates entre les cycles glaciaires/interglaciaire aie pu perturber considérablement la stabilité de la pente. Praeg et al. (2008) estiment que le domaine de stabilité des hydrates a pu migrer en période glaciaire jusqu'à 900m de fond. Les glissements datés pour l'heure ne se sont pas déclenchés lors des dernières transitions glaciaire/interglaciaire. Cet effet reste donc encore à préciser, probablement par des datations complémentaires ;

- le climat : le changement climatique a encore d'autres effets sur la stabilité des pentes. Pendant les périodes pluviales (régime de mousson). En effet, le taux de sédimentation augmentent beaucoup et certains glissements semblent se mettre préférentiellement en place, en particulier dans la province occidentale du Nil, qui est aussi la plus sédimentée (Ducassou, 2006).

III PERSPECTIVES

La province centrale n'a pas été explorée dans sa totalité. L'acquisition de données géophysiques à la limite de la plate-forme continentale permettrait certainement de mieux comprendre le système de glissements décrit dans ce mémoire.

D'autre part certaines carottes prélevées lors des campagnes Bionil et Medeco n'ont pas encore été analysées. L'analyse de ces carottes devrait permettre de mieux contraindre les processus de remobilisation des sédiments en haut de pente et permettre des datations complémentaires. Des carottages au niveau de la base de pente semblent nécessaires pour la connaissance de la stratification de cette zone. Des nouvelles plongées permettraient aussi de comprendre l'évolution de certaines structures en comparaison avec celles déjà effectuées.

Le temps ne nous a pas permis d'exploiter les données sismiques rapides acquises lors des campagnes Prismed II et Fanil. Or ce travail pourrait permettre la compréhension de l'évolution de ces structures à une autre échelle.

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