WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le projet de la "mini-entreprise" répond t-il aux attentes, en termes d'apprentissage, pour ce type de public

( Télécharger le fichier original )
par Michel IGNASIAK
Université de Nancy 2 - Formation Continue - "TFA" Titre de Formateur d'Adultes "DTSU" Diplôme deTechnicien Supèrieur Universitaire 2009
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Nancy-Université Formation Continue

Le projet collectif de la Mini-Entreprise au sein de l'E2C d'Epinal

Répond t-il aux attentes,

en termes d'apprentissage, pour ce type de public ? 

Mémoire professionnel présenté dans le cadre du Titre : « Formateur D'adultes »

Guidant: Michel IGNASIAK

Jean Christophe VILATTE Année Universitaire 2009 / 2010

Remerciements

Je tiens à remercier l'ensemble des formateurs de Nancy-Université Formation continue pour ce joli voyage qu'a été la formation du « TFA ». Titre de Formateur d'Adultes.

Petite pensée pour Catherine GRENON qui m'a consacré une partie de son temps dans mes recherches d'ouvrages.

Je tiens également à remercier les formateurs et ma tutrice pour m'avoir intégré et accompagné tout au long de ma période de stage au sein de l'E2C d'Epinal (88)

Pour finir, je remercie mon guidant Jean Christophe VILATTE, pour son accompagnement, sa disponibilité et ses précieux conseils qui m'ont permis de réaliser ce mémoire et donc, de clôturer ce joli voyage.

SOMMAIRE

INTRODUCTION GÉNÉRALE 5

CHAPITRE 1 8

1 MON HISTOIRE PROFESSIONNELLE ET MON ORIENTATION EN TANT QUE FORMATEUR 8

1.1 MON PARCOURS 8

1.2 ORIENTATION PROFESSIONNELLE NUFC (NANCY -UNIVERSITÉ FORMATION CONTINU.) 9

1.3 SITUATION DE RÉFLEXIBILITÉ 10

1.4 DISPOSITIF ET ORIENTATION 10

1.5 MON RENDEZ-VOUS AVEC LA RESPONSABLE DE FORMATION DU NUFC 11

2 LE CONTEXTE INSTITUTIONNEL DE MON TERRAIN DE STAGE 12

2.1 L'ÉCOLE DE LA DEUXIÈME CHANCE (E2C) EN FRANCE 12

2.2 RAPPEL HISTORIQUE DE L'E2C. (EXTRAITS DES DOCUMENTS QUI M'ONT ÉTÉ REMIS PAR MA TUTRICE) 12

2.3 LES OBJECTIFS DE L'E2C 13

2.4 LE FONCTIONNEMENT 13

2.5 L'ORGANISATION 14

3 L'E2C À EPINAL (VOSGES OUEST 88) 14

3.1 HISTORIQUE 14

3.2 ORGANIGRAMME DE L'E2C D'EPINAL 15

3.3 L'ACCUEIL ET LE PARCOURS DES PUBLICS 15

3.4 ELÉMENTS STATISTIQUES DE L'E2C À EPINAL VOSGES OUEST 88 (SOURCES 2009 E2C EPINAL) 17

3.5 PROFIL ET NIVEAU DU PUBLIC DE L'E2C D'EPINAL 17

CONCLUSION DU CHAPITRE 1 19

CHAPITRE 2. 20

4 LE PROJET DE LA MINI-ENTREPRISE AUTOUR D'UNE PÉDAGOGIE DE PROJET 20

4.1 HISTORIQUE DU PROJET DE LA MINI-ENTREPRISE 20

4.2 LES OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES PRESCRITS 21

4.3 DESCRIPTION DU PROJET ET SON GUIDE PÉDAGOGIQUE DE MISE EN oeUVRE 21

4.4 MON RÔLE ET MES PREMIÈRES OBSERVATIONS DANS CE PROJET EN TANT STAGIAIRE EN FORMATION À L'E2C D'EPINAL 22

5 PROJET ET PÉDAGOGIE QUELLE DIFFÉRENCE ? 26

5.1 LA PÉDAGOGIE 26

5.2 LE PROJET 27

5.3 LA PÉDAGOGIE DU PROJET 28

5.4 LE PROJET PÉDAGOGIQUE 33

CONCLUSION DU CHAPITRE 2 35

CHAPITRE 3 37

6 LA CONSTRUCTION MÉTHODOLOGIQUE DE L'OBJET DE MON ÉTUDE 37

6.1 HYPOTHÈSES NAISSANTES 37

6.2 L'APPROCHE DE MA PROBLÉMATIQUE ET MES PREMIÈRES QUESTIONS 37

6.3 FORMULATION DE MA QUESTION DE DÉPART 38

6.4 LA RÉALISATION DE MON GUIDE POUR L'ENTRETIEN EXPLORATOIRE 39

6.5 ANALYSE DE L'ENTRETIEN EXPLORATOIRE 41

6.6 EVOLUTION DE MON QUESTIONNEMENT 43

7 RECUEIL DE DONNÉES OUTRE MES ENTRETIENS 44

7.1 RÉALISATION DE MON GUIDE D'ENTRETIEN 44

7.2 MÉTHODE D'ANALYSE DE MES ENTRETIENS 46

CONCLUSION DU CHAPITRE 3 48

CHAPITRE 4 49

8 LE PROJET DE LA MINI-ENTREPRISE DU POINT DE VUE DE L'INSTITUTION 49

8.1 COMPRENDRE LES RAPPROCHEMENTS ENTRE LES INSTITUTIONS 49

8.2 UNE RENCONTRE, UN PROJET, DES ENJEUX 51

8.3 LES OBJECTIFS D'APPRENTISSAGE VISÉS PAR L'INSTITUTION ET SES LIMITES 53

9 LA MISE EN oeUVRE DU PROJET ET L'APPRENTISSAGE AU SEIN DE L'E2C 61

9.1 LES DIFFICULTÉS DE LA MISE EN oeUVRE DU PROJET 61

9.2 LE PROJET RESTE TROP SCOLAIRE ET PREND TROP DE TEMPS SUR LE PARCOURS DU STAGIAIRE 62

9.3 L'APPRENTISSAGE DES APPRENANTS 66

10 LES RÔLES ET LES STATUTS DANS LE PROJET DE LA MINI-ENTREPRISE 75

10.1 LE RÔLE DU FORMATEUR 75

10.2 LES STATUTS ET LE RÔLE DES APPRENANTS DANS LA MINI-ENTREPRISE 77

10.3 L'ÉVALUATION DES APPRENANTS DANS LE PROJET 83

CONCLUSION DU CHAPITRE 4 87

CONCLUSION GÉNÉRALE 88

A) RETOUR SUR HYPOTHÈSES 88

B) MON POSITIONNEMENT 91

BIBLIOGRAPHIE 95

ANNEXE 1 97

ENTRETIEN EXPLORATOIRE 97

ANNEXE 2 98

GUIDE PÉDAGOGIQUE DE LA MINI-ENTREPRISE 98

Introduction Générale

Mon stage s'est déroulé au sein de l'E2C d'Epinal pour une durée totale de 10 semaines en alternance avec Nancy Université Formation Continue, (NUFC) où je préparais un diplôme de niveau III, de formateur d'adultes.

Ma formation à NUFC a consisté à apprendre et comprendre le métier du formateur, explorer de nouveaux concepts pédagogiques et acquérir de nouvelles connaissances pour, non pas les ranger dans un cartable une fois sorti des cours, mais pour me professionnaliser et construire des passerelles indissociables entre mon terrain de stage et l'Université. Cette pratique qu'est l'alternance fut pour moi un privilège, dans le sens où, j'ai pu de façon concrète vérifier, expérimenter, conceptualiser et articuler mes nouveaux savoirs. Il s'agissait là, de les tester, de me tester, mais aussi de me projeter dans mon futur professionnel : celui de formateur. L'alternance épouse à mon sens l'exigence, celle de l'adaptabilité, de l'ouverture vers..., de la compréhension de soi et des autres. Enfin, l'alternance entre le NUFC et mon stage professionnel m'a aidé à me positionner sur : « qui je suis aujourd'hui », et « qui je ne veux pas être demain » dans le monde de la formation, mais aussi en dehors, c'est-à-dire dans la vie de tous les jours.

Ces allés retour entre la théorie et la pratique m'ont permis également d'orienter mes axes de réflexion à la préparation et à la réalisation de mon mémoire de fin d'année. Ma progression au sein de l'E2C, et ceci, tout au long de mon stage, a été suivie et accompagnée par ma tutrice Responsable de pôle au sein de l'E2C d'Epinal.

Mes objectifs au cours de mon stage étaient de comprendre ce qu'est le dispositif de l'E2C, d'identifier les actions menées au sein de ce dernier et de m'intégrer au fur et à mesure, notamment en assistant à des modules de formation, en tant qu'observateur, de « Co-formateur » puis formateur.

Après quelques temps d'immersion au sein de l'école, j'ai pu accompagner et conseiller les stagiaires dans différents modules, notamment dans celui d'un projet collectif intitulé la mini-entreprise, organisé par EPA (Entreprendre pour Apprendre).

Découvrir le monde de l'entreprise, venir à l'E2C, respecter les consignes, se lever tôt, se préparer et arriver à l'heure, fait partie intégrante d'une pédagogie d'apprentissage pour ces jeunes en insertion. La préparation d'une resocialisation vers le monde est le point de départ pour un nouveau départ. Le projet collectif de la mini-entreprise fait parti de cet apprentissage et a été mis en place au sein des E2C, avec pour objectif « d'apprendre en faisant ». Ce projet est annoncé par l'institution comme une pédagogie de projet.

Mon étude se portera donc essentiellement sur le projet de la mini-entreprise au sein de l'E2C d'Epinal.

A ce titre, ma question centrale de mon étude est :

« Le projet collectif de la « mini-entreprise » au sein de l'E2C répond t-il aux attentes, en termes d'apprentissage, pour ce type de public ? »

Mais, qu'en est-il du projet en lui-même : « La mini-entreprise » ? D'où vient-il ? En quoi un tel projet collectif apporte-t-il un plus ? À qui profite-t-il ? Et dans quel but ? Les stagiaires de l'E2C apprennent quoi en réalisant un tel projet ? Et comment le vérifier? Pour compléter cette avalanche de questions, il me semble important de s'intéresser dans ce mémoire, à ceux qui encadrent le projet, c'est-à-dire les formateurs de l'E2C. Il s'agira donc dans ce mémoire de décortiquer et d'analyser ce projet collectif afin d'en comprendre le mécanisme et appréhender dans quelles conditions l'école de la deuxième chance l'intègre dans son dispositif.

« Le projet est une méthode d'action » dit J.P BOUTINET dans la préface de l'ouvrage de Jean VASSILEFF1(*). Le projet est au centre de nos sociétés, il participe à reconstruire des envies, resocialiser des personnes en difficultés, quelques fois en marge de notre société et aide à la découverte de nouveaux métiers. Selon J.P BOUTINET : « il permet à l'acteur d'effectuer une transformation de son rapport au monde ; plus qu'une adaptation à ce monde, il se veut recherche d'une insertion locale qui pour l'acteur ait un sens ».

Mais pour autant, peut-on créer des projets à tout va et demander à l'acteur de trouver un sens à ces projets ? Sachant que ces derniers n'ont pas été pensés ni même réfléchis dans ce but, et par l'acteur lui-même.

Le lecteur aura compris que ce mémoire est consacré à la mini-entreprise qui est l'un de ces projets clés en main. Il est destiné à la base aux élèves de lycées et de collèges. L'E2C expérimente ce qui lui semble être: « une pédagogie de projet » par le biais de la mini-entreprise mais qui pourrait, à mon sens, être contre productive car inadaptée à ce type de public. C'est ce que je tenterais d'analyser dans ce mémoire. Nous verrons également s'il s'agit réellement d'une pédagogie de projet.

Afin que ce mémoire soit le plus objectif et le plus proche de la réalité, je m'appuierai sur les différents témoignages que j'ai recueillis lors de mes interviews auprès des acteurs, directs et indirects, et qui participent à ce projet, c'est-à-dire les institutions, les formateurs et bien entendu, les stagiaires de L'E2C. Outre les interviews, il existe ce que l'on appelle des discussions informelles, celles qui se font dans l'action, entre deux pauses, le café à la main, ou encore dans les salles de classes et qui me permettent également de comprendre certaines attitudes ou certains comportements des uns et des autres. En tant que stagiaire formateur impliqué dans l'accompagnement de ce projet, j'ai pu saisir et observer ces moments de joie, de doute, de dégout et d'abandon de la part de certains stagiaires. Il me semblait important d'en tenir compte et de les retranscrire dans mon mémoire, ceci afin d'être le plus authentique possible dans ma démarche d'écriture.

Mais avant de commencer la première partie de mon étude à proprement dite, je voudrais donner quelques informations sur mon parcours professionnel et sur mon orientation dans le domaine de la formation. Cela permettra aux lecteurs d'établir des liens logiques lors de la lecture, notamment du choix de mon questionnement.

Chapitre 1

1 Mon histoire professionnelle et mon orientation en tant que formateur

1.1 Mon parcours

Je suis issu du monde de l'entreprise, mon parcours professionnel de plus de 20 années dans le commerce m'a permis d'apprendre comment fonctionne une entreprise. J'ai débuté en tant qu'attaché commercial à l'âge de 23 ans dans la grande distribution, mon rôle était de promouvoir les produits de mon entreprise de l'époque dans les grandes surfaces alimentaires. Puis, j'ai pu dès l'âge de 26 ans orienter ma carrière vers un poste stratégique en tant que directeur des ventes dans un grand groupe de plus de 5000 salariés. Mon rôle consistait à gérer un réseau de professionnels, plus ou moins franchisés, sur la moitié de la France. Ce poste exigeait une rigueur de travail à toutes épreuves. Quelques années plus tard, je quittais ce groupe pour m'orienter cette fois-ci, dans un tout autre domaine. C'est en 2004 que je pris la décision de créer ma société. Grâce à mes compétences acquises au fil des années, j'ai pu implanter un réseau de 17 revendeurs sur tout le territoire Français. Je m'occupais également du Nord de l'Italie. Les produits que je proposais étaient hautement techniques et destinés dans le secteur du bâtiment, notamment pour l'isolation thermique haute température. En parallèle j'avais créé une autre société indépendante de la première et qui avait pour objectif de distribuer les isolants sous un autre nom, afin de créer ma propre concurrence et de barrer la route à d'éventuels concurrents. Je revendis ma société quelques années plus tard pour enfin, prendre quelques vacances...

Mon parcours professionnel s'est construit durant une vingtaine d'année dans le milieu du commerce. C'est en tant qu'entrepreneur que j'ai pu mettre mes connaissances dans la création de sociétés et de faire ce que l'on appelle du « business ». Lorsque l'on veut créer son entreprise, il faut, à mon sens, être conscient des efforts qu'il va falloir fournir, des sacrifices personnels qu'il va falloir assumer. Créer une société est un projet à part entière à condition d'en avoir l'envie et les compétences. Outres les compétences que l'on a acquises ou que l'on va acquérir, et qu'il va falloir mettre en oeuvre à bon escient ; créer une entreprise relève d'une action choisie, personnelle et je dirais même, presque intime. C'est une sorte de voyage que l'on désire, que l'on réfléchie et prépare en harmonie avec soi même et ses futures collaborateurs. Le hasard n'a aucune exigence, il se moque du temps et de ses conséquences. Faire confiance au hasard vous conduit à la faillite assurée et ce dans tout les sens du terme.

1.2 Orientation professionnelle NUFC (Nancy -Université Formation Continu.)

C'est en lisant le journal que mon regard fut attiré par une annonce, et dans laquelle il était inscrit : « Devenez formateur ».

Je décidais donc de me rendre au pôle emplois pour plus d'informations. On m'orienta vers Nancy Université Formation Continue (NUFC) en me précisant que l'AFPA proposait également cette formation, mais que cette année (2009) il y avait des soucis de financement et donc, que j'aurais de toute façon plus de chances avec Nancy Université Formation Continue.

Je pris un rendez-vous avec une personne du NUFC pour voir si effectivement je pouvais dès cette année m'inscrire dans cette formation. Nous étions en avril 2009. Quelques jours plus tard, je me rendais sur les lieux et fut accueilli par une chargée d'orientation à qui j'avais envoyé au préalable et à sa demande, une lettre de motivation, exprimant mon désir de réorientation, accompagnée d'un curriculum vitae.

Notre rendez-vous a duré environ une heure trente. Dès mon arrivée, elle m'installa dans la salle d'orientation et me proposa d'expliquer mon parcours scolaire, professionnel, mes centres d'intérêts et mes motivations quant à mon désir de changement. Elle me parla en italien afin de vérifier si j'étais à l'aise dans cette langue. Car, elle me racontait que certaines personnes annonçaient sur leur CV la maitrise de telle ou telle langue, mais lorsqu'il s'agissait de la parler, il n'y avait pas vraiment le niveau que ces personnes prétendaient avoir. Finalement, au vu de mon parcours, qu'elle considérait très riche, elle me proposa de réfléchir à différentes possibilités qui pouvaient s'offrir à moi, telles que des formations diplômantes, de management ou encore, une validation des acquis, ceci afin d'obtenir un BTS en action commerciale. Il est vrai que je n'avais aucun diplôme supérieur dans le domaine dans lequel j'avais travaillé depuis toutes ces années. Elle avait même l'ambition de m'orienter vers un Master « Commerce International » ; mais je lui précisais que je ne m'en sentais pas du tout capable et qu'il fallait revoir mon orientation à la baisse. Cette personne avait sorti de ses rayonnages, des revues et des supports avec lesquels je pouvais approfondir mes recherches. Cet entretien ressemblait en effet, à une orientation éducative ; car la chargée d'orientation utilisait ses compétences et ses outils pour analyser mes aptitudes cognitives, mes capacités, mes compétences et le potentiel que je pouvais développer pour mon projet professionnel. Les théoriciens du choix professionnel tels que Guinzberg-Super confirment que : «  s'orienter c'est actualiser une certaine image de soi qui évolue avec l'environnement »2(*). C'est dans cette optique, me semble t-il, que ma chargée d'orientation a conduit nos entretiens.

1.3 Situation de réflexibilité

Finalement, j'étais un peu déboussolé car j'étais venu dans l'idée de m'informer sur le métier de Formateur d'adultes et pour le coup, je me rendais compte grâce à cette personne que j'avais d'autres possibilités. Elle me donna des documents et me proposa de réfléchir plus longuement sur ce que je désirais réellement faire. Elle me donna un rendez-vous pour la semaine suivante en me précisant que si je n'étais pas déterminé, il y avait également la possibilité de réaliser un Bilan de Compétences. Il est vrai que mon interlocutrice avait choisi de comprendre ma situation avant même de me diriger vers quoi que ce soit. Il s'agissait aussi, à mon sens, de me faire comprendre que mon projet devait être murement réfléchi pour réussir une bonne orientation. Il me semble que la chargée d'orientation du NUFC a rempli son rôle « d'éducateur de l'intentionnalité » c'est-à-dire qu'elle m'a fourni une multitude de moyens, d'alternatives afin que je puisse réfléchir concrètement à ma situation.

1.4 Dispositif et orientation

La semaine suivante, je retournais à notre rendez-vous en ayant bien réfléchi sur ce que je voulais faire. Finalement, je n'avais pas changé d'avis, je voulais toujours m'orienter vers la formation d'adultes et ce, malgré les différentes possibilités qui m'étaient offertes. J'avais étudié à l'aide de la documentation reçue lors de mon entretien à NUFC, tous les aspects et le contenu du programme de formation pour le Titre de Formateur d'Adultes. (TFA). La chargée d'orientation m'accueilli à nouveau dans la salle et me demanda si j'avais bien réfléchi à ce que je désirais. Je confirmais mon choix sans aucune hésitation. Elle m'encouragea et me dirigea vers l'assistante de Formation qui gérait les inscriptions pour la formation diplômante du T.F.A. Mais avant de m'envoyer vers le bureau d'inscription, elle insista pour me présenter un stagiaire présent au sein du NUFC qui réalisait la formation TFA 2008/2009. Elle me disait que cela me permettrait d'avoir un avis extérieur et qui plus est, dans l'action. Nous avons discuté tous les trois plus d'une heure, en abordant la formation, ses pré-requis, son contenu et du stage qu'il fallait réaliser. Cette discussion ouverte conforta mon choix.

Ma motivation avait décuplé, car effectivement je réalisais à ce moment là, grâce à mes entretiens préalables, que mon projet de formation était sans équivoque.

Si je devais conclure, je résumerais les phases de mon orientation selon le modèle opératoire de Noiseux, Pelletier et Bujold,3(*) c'est-à-dire : Exploration (je découvre) ; Cristallisation (je comprends) ; Spécification (je décide) ; Réalisation (j'agis).

Pour finir, j'ai pu ancrer ma décision grâce à la personne qui m'a orienté (NUFC) en me proposant différentes possibilités et dont l'objectif fut, que mon projet initial soit véritablement un projet réfléchi et choisi.

1.5 Mon rendez-vous avec la responsable de formation du NUFC

Lors de mon dépôt de dossier pour l'inscription à la formation du Titre de Formateur d'Adultes (TFA), je fus convoqué pour un entretien individuel avec la responsable de formation du NUFC. Cette dernière m'expliqua le contenu et les pré-requis pour intégrer cette formation. Puis, elle m'interrogea sur mon parcours et mes motivations quant à mon désir de devenir formateur. Je lui expliquais qu'au travers de mon parcours, je désirais partager et transmettre mes connaissances à des personnes désirant créer leur société. En effet, mon projet professionnel était orienté vers la formation de l'auto-entrepreneur. Puis, elle me précisa qu'il fallait réaliser un stage professionnel en alternance avec la formation. Je lui confirmais que j'en avais déjà trouvé un ; car étant informé au préalable, j'avais pris les devants.

Mais un doute s'installa chez mon interlocutrice, car mon stage devait se faire à l'école de la deuxième chance et finalement selon ses dires, ne correspondait pas avec mon parcours, ni même, à mon projet professionnel. Je lui répondis que l'insertion et l'entreprise n'étaient pas, selon moi, si éloignées que cela. De plus, je savais lors d'un rendez-vous avec le responsable de l'E2C d'Epinal, qu'un projet collectif intitulé : « mini-entreprise » devait être réalisé au sein du dispositif. Par conséquent, je pouvais parfaitement envisager une intégration et faire le parallèle avec mon projet professionnel.

C'est ainsi que je démarrais ma formation à NUFC au mois d'octobre 2009. J'étais et je suis convaincu que j'ai fait le bon choix. Les modules enseignés par les formateurs me passionnent et c'est peu de le dire...

Aujourd'hui, j'estime que mon stage au sein de l'E2C m'a apporté une certaine humilité dans le domaine de l'accompagnement et de l'insertion. C'est pourquoi, la première partie de mon mémoire y est consacrée. Je voudrais que les lecteurs s'imprègnent du contexte de stage dans lequel j'ai évolué, et ce, pour enfin mieux appréhender mon étude.

2 Le contexte institutionnel de mon terrain de stage

2.1 L'école de la deuxième chance (E2C) en France

Avant de rentrer dans le vif du sujet, il est primordial à mon sens que le lecteur puisse comprendre ce qu'est l'école de la deuxième chance, son historique, ses objectifs et son public mais surtout, comment fonctionne un tel dispositif dans la réalité, en prenant comme référence l'E2C d'Epinal Ouest, où je réalise mon stage. Il m'est impossible de traiter ma problématique dans ce mémoire sans expliciter le contexte dans lequel elle a pris toute sa dimension. Ce recueil de données est bien évidemment extrait de mes expériences en stage, mais également de mes lectures permettant ainsi mon questionnement concernant le projet collectif de la mini-entreprise. Un projet collectif qui fait partie intégrante du dispositif de l'E2C.

Comprendre l'E2C, c'est comprendre les institutions et les formateurs. Ces derniers sont au deuxième plan et oeuvrent pour une seule et unique cause : l'accompagnement et l'insertion des jeunes adultes en difficulté ; qui eux, sont au premier plan dans ce dispositif.

Enfin, comprendre ces jeunes en difficulté c'est comprendre le projet collectif de la mini-entreprise.

2.2 Rappel historique de l'E2C. (Extraits des documents qui m'ont été remis par ma tutrice)

L'association « Réseau E2C France s'est créée le 23 juin 2004, autour d'une « chartre des principes fondamentaux » qui s'inscrit dans la continuité des principes contenus dans le « livre blanc » de la Commission Européenne « Enseigner et apprendre - vers la société cognitive », présentée par Madame Edith Cresson en 1995. Les écoles de la deuxième chance en France s'engageaient ainsi à la création d'un organe technique associatif avec pour objets :

D'établir et de défendre les principes fondamentaux qui structurent les écoles de la 2 ? chance en France comme en Europe,

De concourir à l'obtention d'une reconnaissance la charte des principes et de la démarche pédagogique des écoles de la 2 ? chance en France.

Aujourd'hui, les Ecoles de la Deuxième Chance forment 4.500 stagiaires sur 41 sites implantés dans 12 régions et 25 départements.

2.3 Les objectifs de l'E2C

La vocation de l'E2C en partenariat avec les missions locales, est d'apporter une réponse formation nouvelle et adaptée aux besoins spécifiques des publics de 16 à 25 ans en voie d'exclusion sociale et professionnelle, tout en créant une structure ouverte sur le monde de l'entreprise, sur les pédagogies actives, sur l'individualisation des parcours et sur les outils du multimédia.

L'E2C est un espace de progression individualisée qui répond aux besoins d'un public de jeunes et de jeunes adultes de faible niveau de formation initiale et de faible niveau de qualification.

L'objectif est :

- De donner l'accès à la qualification et à l'emploi par l'alternance en entreprise

- De développer les savoirs fondamentaux et l'autonomie des publics

- De favoriser le maintien dans l'emploi du public formé, grâce à la démarche de formation et d'accompagnement mise en oeuvre par l'E2C

2.4 Le fonctionnement

Les trois grands principes de l'école fondés sur le livre blanc

- Faire bénéficier les jeunes d'une discrimination positive en tenant compte de leur situation et de les placer au centre du dispositif.

- Associer d'emblée les entreprises à l'effort de formation et particulièrement en formation professionnelle

- Utiliser des pédagogies actives facilitant la mise en action à l'inverse de l'apprentissage passif.

La mission de l'E2C est programmée sur deux à trois ans et ceci en 3 étapes.

Etape 1 et 2,

- en première année, le temps de formation est de trois semaines à l'école et de trois semaines en entreprise, en fonction des besoins du parcours de chaque jeune. Le statut de stagiaire en formation professionnelle leur est attribué. Les entreprises fortement engagées permettent la réalisation des stages, l'acquisition et le développement de compétences professionnelles, mais aussi la concrétisation d'un emploi ou la signature d'un contrat en alternance.

Etape 3,

- en deuxième et troisième année, l'E2C assure le suivi et l'assistance des jeunes qui ont un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation, ceci pour répondre aux attentes des entreprises et aux difficultés des jeunes. Les jeunes n'ayant obtenu aucune solution en termes d'emplois seront suivis, accompagnés et conseillés pendant deux ans afin de leur donner toutes les chances d'insertion professionnelle.

2.5 L'organisation

Un important travail de sensibilisation et d'information est réalisé en amont, avant tout démarrage de groupe de jeunes au sein de l'E2C, auprès des entreprises, tous secteurs d'activités confondus, de la région. Des contacts sont pris afin de proposer des recrutements de stagiaires (apprentissage, contrat de professionnalisation, emplois directs etc....)

L'idée est de mettre en place un fichier d'entreprises détaillant leurs besoins afin de les mettre en relation avec les stagiaires.

L'accueil des stagiaires est réalisé par groupe de 8 à 12 personnes. Un suivi individuel est mise en place, pour chaque stagiaire, sa progression déterminera son rythme d'apprentissage, d'immersion en entreprise et le type d'ateliers techniques ou professionnels qu'il devra suivre.

3 L'E2C à Epinal (Vosges Ouest 88)

3.1 Historique

Il existe neuf écoles de la deuxième chance (E2C) en Lorraine dont celle d'Epinal, créée en 2008 où je réalise mon stage. Le groupe CCI Formation 54, service formation et emploi de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Meurthe et Moselle, en accord avec les engagements de la CRCI de Lorraine, et en partenariat avec ALAJIL s'engagent conjointement à piloter les écoles de l'E2C en Loraine

3.2 Organigramme de l'E2C d'Epinal

La responsable de formation était ma tutrice, mais au cours de l'année elle prit la responsabilité de l'école en tant que responsable de pôle. C'est pourquoi, à ce jour le poste de responsable de formation reste vacant.

3.3 L'accueil et le parcours des publics

Rappel : Les stagiaires seront intégrés à l'E2C par petits groupes de 8 à 12 personnes. Les stagiaires évolueront au sein de l'école dans le cadre d'un parcours et d'un suivi individuels. La progression de chaque stagiaire déterminera son rythme d'apprentissage, son rythme d'immersion en entreprise et le type d'ateliers techniques ou professionnels qu'il devra suivre.

L'individualisation des parcours est une notion essentielle, car elle permet à chaque stagiaire d'évoluer et de réussir en fonction de ses capacités et non en fonction de la progression du groupe.

Le parcours au sein de l'E2C peut se présenter schématiquement, comme suit :

Etape 1 :

9 semaines (dont 4 semaines en entreprise)

Ce volume est modulable en fonction des besoins de chaque stagiaire.

- Mobilisation personnelle et professionnelle.

- Travail sur la mobilité et les freins personnels.

- Ouverture vers les métiers et vers le monde de l'entreprise, communication, approche des outils multimédia.

- Activités sportives et socio culturelles.

- Enseignements fondamentaux.

- Adaptation au rythme de stage, à la vie de groupe.

- Adaptation au rythme de l'entreprise d'accueil et aux règles de l'entreprise.

- Evaluation du parcours en entreprise.

Etape 2 :

20 semaines (dont 9 semaines en entreprise)

Ce volume est modulable en fonction des besoins de chaque stagiaire.

- Validation du projet professionnel

- Expérimentation technique au sein d'ateliers professionnels

- Acquisition des gestes techniques

- Développement des capacités et des apprentissages fondamentaux

- Communication, expression orale

- Développement des capacités à utiliser des outils multimédia

- Projection vers un métier et vers un emploi

- Evaluation de la progression personnelle et professionnelle en entreprise

- Appréhender la recherche d'emploi et développer des capacités à l'employabilité

Etape 3 :

12 à 24 mois

Ce volume est modulable en fonction des besoins de chaque stagiaire.

- Suivi dans l'emploi.

- Evaluation de la progression du stagiaire au sein de l'entreprise.

- Suivi et accompagnement des jeunes sans emploi ou formation.

Les points essentiels du dispositif

- L'individualisation des parcours de formation.

- Un système d'entrée et de sorties permanentes.

- Une approche pédagogique utilisant fortement le Multimédia comme outil relais des apprentissages et des progressions individuelles.

- L'accompagnement individualisé et permanent des stagiaires, tout au long de leurs parcours 

- La mise en oeuvre d'une démarche partenariale avec les organismes de formation pré-qualifiant et qualifiant du département, afin d'apporter la réponse de formation professionnelle adaptée aux besoins de chaque stagiaire.

- Le partenariat construit en amont, avec les entreprises, la participation et l'engagement des entreprises étant essentiels au fonctionnement de l'E2C.

3.4 Eléments statistiques de l'E2C à Epinal Vosges Ouest 88 (sources 2009 E2C Epinal)

Les éléments statistiques dates de l'année 2009, il est important à mon sens de connaitre certains chiffres de façon à pouvoir quantifier le nombre d'heures attribuées à l'E2C d'Epinal. Car toutes les écoles ne sont pas au même niveau. De plus, l'E2C d'Epinal est la seule école pour le moment à accueillir des jeunes de 16 à 25 ans venue des quatre coins des Vosges. Leur niveau scolaire ne passe pas le niveau V et la majorité sont des jeunes femmes.

3.5 Profil et niveau du public de l'E2C d'Epinal

Le dispositif, construit sur la base d'un fonctionnement d'entrées et de sorties permanentes a pu accueillir sur son site 154 stagiaires.

?42 033 heures de formation ont été dispensées en CENTRE

?29 309 heures d'immersion et d'accompagnement en ENTREPRISE ont été réalisées 20 % sont issus d'un milieu rural 80 % sont issus d'un milieu urbain 56 % sont sans AUCUNE expérience professionnelle 27 % sont demandeurs d'emploi inscrits depuis d'un an 17% sont bénéficiaires ou ayant-droits RMI

Répartition par sexe

Conclusion du chapitre 1

Le chômage et l'exclusion sont les fardeaux de notre époque, notamment pour les plus fragilisés que sont les jeunes sortis du système scolaire très tôt, sans diplôme et sans formation. Ajoutés à cela des problèmes familiaux, de divorces, d'abandons, de viols, de ségrégations ou encore, des problèmes avec la justice, les stagiaires de l'E2C sont des êtres humains souvent en arrière plan de notre société. Ce sont dans ces conditions que certains d'entre eux, entre 16 et 25 ans, arrivent à l'Ecole de la Deuxième Chance. Cassés, désorientés, ils intègrent le dispositif, tel un sas de décompression dans lequel des formateurs ont pour mission de les accompagner et leur redonner les moyens d'appréhender des remises à niveau individuelles et acquérir des savoirs en français, en mathématiques et en informatique. La mission des formateurs ne s'arrête pas là, elle est également dans l'accompagnement, pour un projet professionnel (savoir faire et être) en rapport avec le choix et le désir du stagiaire lorsqu'il en a un ; mais aussi en lien avec le potentiel offert par le marché de l'emploi local. Pour cela, des stages en entreprise sont intégrés dans leur parcours et ce, en alternance avec l'E2C. En complément à leur parcours, des projets collectifs tels que la mini-entreprise sont obligatoires au sein de l'E2C et s'adressent à des volontaires stagiaires.

Je comprends désormais, que le formateur, et ce de façon méthodique, doit être organisé pédagogiquement pour faire face à sa mission. C'est-à-dire qu'il doit s'adapter à son public, proposer des apprentissages cohérents où le stagiaire y trouve un sens. Le formateur doit être une personne ressource pour l'apprenant. « L'utilisation d'aides pédagogiques variées permet de consolider la communication par l'attaque multiple de plusieurs sens. Le choix des moyens pédagogiques adéquats dépends des objectifs que l'on poursuit ».4(*)

Chapitre 2.

4 Le projet de la mini-entreprise autour d'une pédagogie de projet

4.1 Historique du projet de la mini-entreprise

« Entreprendre pour Apprendre (EPA) France est une fédération nationale d'associations. Elle adhère au réseau européen JUNIOR ACHIEVEMENT - YOUNG ENTERPRISE. Son but est d'initier les publics scolaires à la vie économique. Elle contribue pour cela principalement à la création de Mini-Entreprises dans les collèges, lycées et établissements d'enseignement supérieur.

Né aux Etats-Unis dans les années 1920 sous l'appellation « JUNIOR ACHIEVEMENT », ce mouvement a rapidement gagné l'Europe, (1970) d'abord anglo-saxonne (« YOUNG ENTERPRISE ») puis l'Hexagone. Entreprendre pour Apprendre France s'appuie ainsi sur une histoire très dense bâtie sur des expériences capitalisées à l'échelle internationale.

La fédération française est aujourd'hui membre du réseau européen « JUNIOR ACHIEVEMENT - YOUNG ENTERPRISE » présent dans près de quarante pays.

L'association « Entreprendre pour Apprendre », fondée en France à la fin des années 1980. EPA lorraine a été créée en Lorraine en septembre 2008 par les membres fondateurs :

- Le MEDEF de Lorraine (Mouvement des Entreprise de France).

- La Caisse d'Epargne Lorraine - Champagne Ardenne.

- Le Centre de Jeunes Dirigeants (CJD).

- L'Association Jeunesse et Entreprise.

- L'Académie de Nancy-Metz.

- L'Union Nationale de l'Enseignement Technique Privé (L'UNETP).

L'association EPA Lorraine est présidée par Patrice LOMBARD (Président du MEDEF Lorraine). Laurent BARBIER (Président du CJD Lorraine) en est le Vice Président.

Forte de son expérience dans les collèges et dans les lycées, l'association EPA a été sollicitée par la Chambre de Commerce et de l'Industrie de NANCY (CCI) également partenaire avec le MEDEF, pour instaurer le projet dans les E2C de lorraine ».

4.2 Les objectifs pédagogiques prescrits

« Entreprendre pour Apprendre France a pour vocation d'initier les publics scolaires - du collège à l'université - et depuis peu à l'insertion, à la vie économique et plus particulièrement à la création d'entreprise. Cette mission s'articule autour d'une pédagogie de projet (Apprendre en Faisant) et de trois objectifs principaux selon Entreprendre pour Apprendre »5(*) :

- Pour les jeunes : découvrir l'entreprise et son fonctionnement, acquérir des clés de lecture leur permettant de comprendre le monde des affaires, développer des compétences nouvelles qui sont autant de savoir être utile au monde du travail et à la société dans son ensemble. La mini-entreprise favorise la confiance en soi, la prise de risques calculés, la méthodologie, la persévérance, la capacité à travailler en équipe, la responsabilisation, la prise en main de son avenir, la découverte des métiers.

- Pour les enseignants : établir un autre mode de relations avec les élèves qui ne soit pas uniquement fondé sur des rapports hiérarchiques, s'impliquer dans des projets transversaux ouverts sur la vie économique, appliquer leurs connaissances académiques à des expériences de terrain.

- Pour les professionnels d'entreprise bénévoles : s'investir dans des projets pédagogiques d'ordre intergénérationnel, promouvoir la responsabilité sociale, environnementale et éthique de l'entreprise, valoriser l'image des métiers.

4.3 Description du projet et son guide pédagogique de mise en oeuvre

La mini-entreprise est un projet pédagogique de création d'entreprise, réalisé par un groupe de volontaires accompagnés par leurs enseignants ou formateurs, un parrain et un référent de l'association EPA. Pour réaliser ce projet, EPA a mis à disposition pour les apprenants et pour les formateurs un guide pédagogique qui est un outil d'aide à la mise en oeuvre du projet. En quelque sorte les règles du jeu de la mini-entreprise. Ce guide reprend toute les étapes obligatoires que les apprenants devront respecter. Il comporte 7 étapes majeures. (Annexe 2)

Résumé des étapes :

- 1 Présentation du projet

- 2 Brainstorming

- 3 Etude de marché

- 4 Montage de la mini-entreprise

- 5 Mini-entreprise en activité

- 6 Préparation des championnats

- 7 Bilan

4.4 Mon rôle et mes premières observations dans ce projet en tant stagiaire en formation à l'E2C d'Epinal

Lorsque je suis arrivé sur le lieu de mon stage, ma tutrice avait organisé une réunion avec la formatrice référente et moi-même, afin de me parler du projet de la mini-entreprise. Elle m'expliqua ce qu'est ce projet et ses objectifs. Il est vrai que j'étais au courant de ce projet car lors de mon entretien avec le responsable de pôle, ce dernier m'avait vaguement informé que les E2C mettaient en place un projet, « une pédagogie de projet »t, basé sur la création d'entreprise. A l'époque, il est vrai aussi que je ne savais pas vraiment ce que voulait dire « pédagogie de projet ». Pour ce faire, ma tutrice et la formatrice m'invitèrent donc à prendre connaissance du guide pédagogique et ceci pour en parler plus longuement lors d'une réunion de travail prévue pour le lendemain matin. Le lendemain donc, après les salutations à toute l'équipe et une tasse de café à la main, la réunion, comme prévue la veille, fut engagée. La première question de la part de ma tutrice fut pour moi ; elle me demanda si le projet me paraissait intéressant, et pourquoi ? Je répondis spontanément: « oui, parce que j'avais une longue expérience dans le domaine ». La formatrice me demanda si le produit, que les stagiaires avaient choisi, et ce avant même d'avoir commencé le projet, était viable ? Il s'agissait de tee-shirts sur lesquels figuraient des slogans tels que : « dites non à l'exclusion ! » ou encore : « participez au développement durable pour protéger notre planète ». C'est alors que je demande à mes interlocutrices : « pourquoi ont-ils choisi ce produit et pourquoi veulent-ils y inscrire des slogans ? » La formatrice me répondit simplement que : « les stagiaires ont été influencés par les exemples cités par la responsable de région « Entreprendre pour Apprendre » lors de la réunion d'information au sein de l'école ». Sur le coup, je ne savais pas quoi penser, je préférais attendre la réunion de travail avec les stagiaires pour vérifier leur choix. La réunion se finit à 12h30. Je ressentis à ce moment là, que ma présence était la bienvenue ; car la formatrice m'avoua entre deux portes, avoir une appréhension quant à la mise en oeuvre de ce projet, plutôt ambitieux aux dires de toute l'équipe. Le timing était effectivement très serré, les étapes devaient être rigoureusement respectées, et pour ce faire, le projet aurait dû démarrer en octobre. Mais par manque de temps, il démarra concrètement en novembre 2009, pour finir fin juin 2010 avec le concours National organisé par EPA. La formatrice me confirma que pour participer à ce concours, il fallait d'abord franchir le cap du régional qui se déroulerait à Metz entre les E2C de Lorraine début mai 2010. » Si les stagiaires le gagnent », me dit-elle, « ils pourront aller à Paris disputer le concours National entre les E2C des régions de France ». L'objectif me dit-elle « c'est de réussir et d'emmener les stagiaires d'EPINAL le plus loin possible dans ce projet ». Je crus comprendre, à ce moment là, que « plus loin » voulait dire : « concours ». Elle me dit également que cela tenait à coeur à la direction de la CCI. A ce moment là, je ne mesurais pas encore les enjeux institutionnels. Ce n'était que plus tard, lors de la séquence de travail avec les stagiaires, que je commençais à me poser quelques questions. Car je ressentis profondément un stress de la part de la formatrice et à la façon dont elle parlait aux stagiaires : « Il va falloir maintenant vous bouger, ce n'est pas en faisant les idiots que l'on va créer une société ». Il était vrai que les stagiaires n'écoutaient guère ce que la formatrice disait. Sur le moment, je me disais que c'était normal, j'étais présenté comme stagiaire formateur et parrain de la mini-entreprise, donc des blagues par ci par là, sortaient de la bouche des stagiaires. Du style : « parrain, vous avez oublié nos cadeaux » Ou encore : « parrain elle est où marraine ? » Bref, pas très méchant mais énervant pour la formatrice. Pour ma part, je découvrais l'ambiance agitée des stagiaires de la mini-entreprise.

Finalement, me disais-je, « cela tombe bien que j'arrive au début de ce projet, de cette façon, je pourrai les accompagner jusqu'à la fin de ce projet ». Malgré tout, il était convenu dès le départ avec l'institution que le projet de la mini-entreprise devait être réalisé, non pas en fonction de ma présence au sein de l'école, mais en fonction de l'emploi du temps de la formatrice et celui des stagiaires. Et tout ceci, en tenant compte également de la contrainte d'alternance des apprenants (3 semaines en Centre et 3 semaines en Entreprise). A ma charge de reprendre les étapes auxquelles je n'aurais pas pu assister et de me les approprier afin d'être en phase avec les acteurs du projet et le projet en lui-même.

Je commençai à comprendre désormais d'où venait ce stress de la part de la formatrice : ces 9 mini-entrepreneurs volontaires n'étaient pas tous en stage en même temps. De plus, ils n'étaient pas non plus, dans la même promo. En effet, certains avaient une formatrice référente autre que la formatrice responsable de projet, d'où la difficulté d'être dans le timing et d'organiser ce projet. C'est au bout de la deuxième rencontre avec les stagiaires que je vérifiais mes observations. En effet, ce jour là il s'agissait de mettre en place la mini-entreprise. Par conséquent, la formatrice m'informa qu'il était important de leur lire le contenu de la première étape qui figurait dans le guide pédagogique et qui s'intitulait : « l'engagement du Mini-Entrepreneur ». C'est-à-dire un contrat didactique et pédagogique entre les stagiaires et EPA. Cette première étape consista à faire prendre connaissance aux stagiaires de leur responsabilité concernant ce projet. A ce moment là, la formatrice me dit : « Bon Michel, tu veux leur lire ? » Je lui suggérais qu'il était préférable que l'un des stagiaires commence à lire la première partie du document à haute voix puis un autre la deuxième partie etc... Ce fut fait, mais avec d'énormes difficultés de la part des stagiaires. Je me rendais compte qu'ils avaient pour la majorité beaucoup de mal à lire, chaque phrase était saccadée. De plus, il fallait en permanence expliquer ce que tel ou tel mot voulait dire. J'observais les stagiaires et je me rendais compte également, qu'ils avaient des difficultés de compréhension. La lecture et les explications des quatre documents prescrits se finissaient en fin de matinée. Après quoi, chaque stagiaire apposa sa signature au bas du document « l'engagement du Mini-Entrepreneur ».

Lors de la pause de midi, la formatrice me demanda ce que je pensais de cette matinée. Pour le coup, je lui répondis que je ne m'attendais pas du tout à cela, car je ne savais pas que les stagiaires avaient autant de difficultés à lire et à se concentrer. Elle me répondit : « bienvenue au club ». Je lui souris en lui demandant naïvement pourquoi elle me disait cela ? Elle me répondit que la majorité des stagiaires de l'E2C avait un niveau très bas et qu'ils y auraient certainement des difficultés pour les emmener au terme du projet. J'étais un peu déstabilisé, car elle me disait auparavant qu'il fallait les emmener le plus loin possible dans ce projet. Le professeur de Français était présent à table, elle confirma les dires de la formatrice en disant : « le projet est super, mais je crois qu'avec un niveau CM2, voir 6eme, ils ne vont pas pouvoir tout comprendre ». Ainsi, je lui demandais si je pouvais assister à son cours de français, pour me rendre compte. Elle accepta avec plaisir. Il s'agissait de travailler la conjugaison des verbes du premier groupe, au présent et au passé composé. Par la suite, j'ai pu accompagner le professeur de maths puis une formatrice référente dans un module intitulé : « Ouverture vers l'entreprise ». Ces premières semaines de stage m'ont permis de me questionner sur les stagiaires. En effet, le niveau était très bas, en mathématiques, certains stagiaires de la mini-entreprise réalisaient des additions, des soustractions et des divisions avec d'énormes difficultés. Concernant « l'ouverture vers l'entreprise », je sentais un manque d'intérêt pour ce module. Un jour en cours, il y avait tellement de brouhaha, que j'intervins gentiment en prenant la parole et en demandant aux stagiaires, s'ils se croyaient encore à l'école ? Tous me répondirent que oui. Je demandais pourquoi ? La réponse était : « parce que ça s'appelle l'école de la deuxième chance ». Alors, je leur posais la question suivante : « Avez-vous de bons souvenirs de l'école ? » La réponse était sans hésitation : « non ». Je leur posais la question : « pourquoi ? » Ils me répondirent que l'école n'était pas faite pour eux. J'en conclus que finalement les stagiaires reproduisaient les mêmes schèmes qu'ils avaient vécus lors de leur scolarité. C'est-à-dire, qu'ils ne trouvaient pas de sens « De toute façon, si on est là, c'est parce que on a besoin de tunes » me dit un stagiaire de la mini-entreprise. Naturellement, je tiens à préciser que tous les stagiaires ne réagissent pas comme ça. Certains ne disent rien et se laisse guider, tellement ils sont désorientés.

Au fur et à mesure des étapes du projet, l'ambiance se fit plus électrique entre les stagiaires, certains même avaient abandonné, tandis que d'autres travaillaient sans motivation et sans intérêt. Seuls deux stagiaires s'accrochaient au projet, mais ils éprouvaient de très grandes difficultés quant au suivi des étapes, notamment au niveau administratif. Finalement, je m'apercevais que le groupe n'était pas soudé, le directeur commercial me dit lors d'une séance, qu'il ne désirait pas être à ce poste et qu'il ne comprenait pas tout ce qu'on lui demandait. La directrice financière éprouvait des difficultés pour la comptabilité, car elle manquait de connaissances théoriques. La directrice administrative était désorganisée. Elle oubliait souvent les choses, elle était ailleurs, elle ne comprenait pas à quoi servaient tous ces papiers, me disait-elle souvent. La directrice technique me répétait à chaque séance, qu'elle en avait « marre », que ça ne servait à rien et qu'elle désirait démissionner. Tandis que le PDG, considéré comme bipolaire par le psychologue de l'E2C, était instable et irrégulier dans ce projet. Il avait été choisi comme PDG par le reste du groupe et jouait un rôle décalé. C'est-à-dire, qu'il considérait que c'était les autres qui devaient travailler et lui devait donner les ordres. En observant son attitude, je me dis que les statuts et les rôles de chacun n'avaient peut-être pas été suffisamment explicités. Je me souviens aussi d'une stagiaire, qui me disait : « De toute façon moi je suis ouvrière dans la mini-entreprise, je ne sais rien faire d'autre ». Je lui demandai pourquoi elle pensait ça ? « Parce que tout ma famille, mon père, ma mère sont ouvriers ». Là aussi, je sentis qu'il y avait de sa part une sorte de fatalisme dans son discours. Je compris petit à petit que les stagiaires éprouvaient une souffrance à réaliser ce projet, car il ne faisait pas sens pour eux. La question du sens dans cette situation repose, me semble t-il, sur le fait que les apprenants ne comprennent pas pourquoi ils font ce projet et quelle est son utilité puisque, l'institution a cru tenir compte de leurs besoins sans faire une analyse de la situation et de certains aspects que je détaille ci-dessous : dans « la pédagogie du projet ». (Paragraphe 5.3)

Dans l'ouvrage de Jean Paul MARTIN et Emile SAVARY6(*), les auteurs nous disent que : « si la formation est un changement, chercher à connaître les apprenants, c'est vouloir identifier le point de départ, l'état initial, la culture de ceux qu'il faudra guider vers l'objectif ». Parmi ces informations à recueillir chez l'apprenant, trois sont essentielles selon les auteurs : « les motivations et attentes, les pratiques et les acquis dans le domaine concerné, les représentations du sujet traité ». Les étapes administratives étaient le calvaire des stagiaires mais aussi de la formatrice. Car cette dernière était obligée, quand ce n'était pas moi, de faire une partie du travail à leur place. Ceci pour plusieurs raisons : la première était que les apprenants ne voulaient pas lire et encore moins écrire. La deuxième raison qui justifiait la première, était que les apprenants n'avaient pas le niveau requis pour remplir certaines étapes, comme la comptabilité par exemple. La troisième raison était que la mini-entreprise devait aller à tout prix jusqu'au bout aux yeux de la formatrice, par conséquent, il n'était pas question de prendre du retard sous prétexte que les apprenants n'y arrivaient pas. Et, je ressentis une certaine fierté, légitime à mon sens, de la part de la formatrice à ne pas abandonner le projet ; car une compétition entre les E2C était en jeu. Après ces premières observations et discussions de ce projet collectif avec les stagiaires et la formatrice, je commençais à m'intéresser sur ce qu'était exactement une pédagogie de projet, un projet pédagogique puis un projet. Car il régnait une ambigüité quant à ce qu'était ce projet et sa pédagogie. Je décidais donc de lire des ouvrages tels que « Education permanente » qui traite de ce sujet par le biais d'auteurs spécialistes, tels que VASSILEFF, J.P. BOUTINET. Finalement, après mes recherches, je me rendis compte que le sujet était vaste et complexe. C'est pourquoi, à présent, je décide de faire le point et de l'éclaircir dans ce mémoire.

5 Projet et pédagogie quelle différence ?

5.1 La pédagogie

Tout d'abord, il me semble important avant de comprendre ce qu'est le projet, de comprendre ce qu'est la pédagogie. La définition que propose « WIKIPEDIA7(*) » est : « La pédagogie est, étymologiquement, l'action de "conduire les enfants", du grec PAIDAGÔGIA. C'est donc l'art d'éduquer. Le terme désigne les méthodes et pratiques d'enseignement et d'éducation ainsi que toutes les qualités requises pour transmettre un savoir quelconque. Faire preuve de pédagogie signifie enseigner un savoir ou une expérience par des méthodes adaptées à un individu ou un groupe d'individus ». «  Le terme de « pédagogie » dérive du grec ðáéäáãùãßá, de ðáéäüò (/'pa?d?s/), « l'enfant », et ?ãù (/'a.g?/), « conduire, mener, accompagner, élever ». Dans l'Antiquité, le pédagogue était un esclave qui accompagnait l'enfant à l'école, lui portait ses affaires, mais aussi lui faisait réciter ses leçons et faire ses devoirs. « Pédagogie » est un mot remontant à 1495 d'après le dictionnaire Le Robert. L'Académie française l'admet depuis 1762 ». Être pédagogue signifie être praticien-théoricien de l'action éducative. Il cherche à conjoindre la théorie et la pratique à partir de sa propre action ». L'exemple du module de la « Grande Séquence »8(*) que nous avons réalisées à NUFC, nous a permis, à nous, futurs formateurs, de construire un dispositif de formation, dans lequel il s'agissait de transmettre des savoirs à des apprenants. Mais pour transmettre ces savoirs, nous avons dû d'abord réfléchir sur des méthodes adaptées aux individus, ceci dans le but qu'ils apprennent et changent leurs représentations. La pédagogie est donc une réflexivité du formateur, sur des méthodes d'apprentissages adaptées à des apprenants. Dans l'article de sciences humaines9(*), l'auteur nous dit que : «  L'andragogie c'est-à-dire la pédagogie pour adultes et la pédagogie sont des sciences appliquées. Elles puisent leurs sources théoriques dans les  sciences fondamentales, en l'occurrence les sciences humaines11(*). » Il est vrai que cette définition me permet de comprendre le sens exact du terme, mais ne suffit pas pour tout expliquer et ce que ce terme vient faire dans le projet. Donc ma deuxième réflexion est sur ce qu'est un projet. Pour cela, je fais appel également au site internet de WIKIPEDIA, mais aussi à mes différentes lectures.

5.2 Le projet

WIKIPEDIA12(*) : « Un projet est un engagement irréversible de résultat incertain, non reproductible a priori à l'identique, nécessitant le concours et l'intégration d'une grande diversité de contribution, et répondant à un besoin exprimé ». Nos sociétés modernes sont devenues des « sociétés à projets ». Les projets concernent autant les institutions (projet scolaire, projet d'établissement hospitalier, projet de loi, projet politique, projet de société...) que les individus, à tous les stades de la vie (du projet éducatif au projet de retraite, en passant par les projets professionnels, familiaux, existentiels...). Cette omniprésence du mode projet dans tous les aspects de l'activité humaine renvoie à une vision idéalisée de ce mode d'action. Le projet semble alors devenu un instrument qui donne l'espoir à l'homme de ne plus seulement subir les évènements, mais de pouvoir maîtriser le cours de l'histoire et forger le futur à sa façon. De quoi parle-t-on exactement ? Que se cache-t-il réellement derrière ce mot magique, supposé constituer un remède miracle pour les hommes et les organisations de ce début de siècle ? Cette définition nous montre que le projet est devenu dans nos sociétés modernes un besoin essentiel pour répondre à des besoins. Je décide de pousser plus loin mes recherches en me penchant sur l'ouvrage de Jean Vassileff qui dit que : « Le Pro-jet » = La projection « Jeter devant. C'est une action de prendre quelque chose en soi et de le jeter devant soi, d'apporter dans la réalité de l'environnement une part plus ou moins large de son désir. C'est la démarche de projection ». C'est la dimension spatiale du projet, celle qui se réalise dans le présent, dans l'ici et maintenant, tandis que le projet s'inscrit dans l'ailleurs et plus tard.13(*)

Pour résumer ce que dit l'auteur : « le projet est donc le produit de la projection ». Alors que la projection, considérée comme action, fait partie intégrante de l'individu qui la réalise. Tandis que le projet lui, peut être dissocié de la personne qui le met en place. C'est en effet le résultat d'une action, un produit et se transpose dans le futur. Exemple de l'auteur avec le métier de boulanger, que je remplace par celui de directeur commercial qui est un des statuts que les stagiaires sont obligés d'endosser dans le cadre de la mini-entreprise: Si Fred veut devenir Directeur Commercial, le projet « devenir directeur commercial », peut être séparé du projecteur Fred. On sait ce qu'est un Directeur Commercial sans être obligé de savoir qui veut l'être. Par contre, la projection de Fred dans l'ici et maintenant dans le cadre de la mini-entreprise ne peut se détacher de lui. On a besoin de la référence à son projecteur Fred, pour la comparer avec la projection de Nelly qui elle est directrice de production.

Comme le projet peut-être dissocié du projecteur, il permet de donner à celui-ci, une identité sociale (celle d'ailleurs et plus tard) distincte de celle de l'ici et maintenant. Dès le moment où Fred produit son projet il est toujours stagiaire à l'E2C, mais il devrait si ce projet était le sien, être un futur Directeur Commercial. L'auteur nous dit que : « cette faculté intrinsèque au projet est primordiale dans le processus de socialisation, ou de resocialisation, des formés ».  Je comprends dès lors, au travers de mes recherches et de mes observations sur le terrain, que ce projet de la mini-entreprise n'est pas un projet en relation avec le projet des apprenants et ne répond pas à un besoin précis. En effet, ces derniers participent à un projet décidé par l'institution, sans même y voir un lien avec leurs propres besoins. Etre Directeur Commercial du projet de la mini-entreprise est un statut emprunté dans une mise en situation, pour jouer un rôle dans l'ici et maintenant, mais sans pouvoir en faire un projet dans l'ailleurs et plus tard.

5.3 La pédagogie du projet

Le projet est donc considéré comme un besoin exprimé par l'individu et dans lequel, le projet joue un rôle essentiel dans la socialisation ou la resocialisation des formés. Pour compléter mes recherches, je désire maintenant comprendre ce qu'est la pédagogie du projet.

WIKIPEDIA14(*) me donne la définition suivante : « La pédagogie de projet est une pratique de pédagogie active qui fait passer des apprentissages à travers la réalisation d'une production concrète. Le projet peut être individuel (exposé, maquette) ou collectif (organisation d'une fête, voyage, spectacle). C'est une "entreprise qui permet à un collectif d'élèves de réaliser une production concrète, socialisable, en intégrant des savoirs nouveaux ».

Mes recherches montrent que d'un point de vue théorique, la mini-entreprise pourrait être une pédagogie de projet. Or, mes observations quant à la mise en oeuvre de ce projet au sein de l'E2C, montrent que dans la pratique, cette pédagogie de projet se voit déformée. Voici donc une synthèse de mes recherches concernant la pédagogie du projet.

Au début du XXème siècle, John Dewey,15(*) un pédagogue américain, propose sa théorie du « learning by doing : Apprendre en faisant » et annonce le début de la pédagogie de projet.

En France, Célestin Freinet16(*), instituteur, inspiré par les recherches menées en Europe par d'autres chercheurs comme Piaget17(*), Wallon18(*), observe l'inefficacité des méthodes traditionnelles pour construire des savoirs adaptés au monde qui évolue. Il va mettre en oeuvre les pratiques de ces recherches et de ces expériences en les conceptualisant dans des techniques connues sous le nom de « techniques Freinet » ou de « pédagogie coopérative ». Le principe est évolutif et permet de créer un projet d'action et de recherche pour construire des connaissances. L'exemple le plus connu est la classe qu'il dirige. En effet, elle est organisée sous forme de coopérative et produit puis diffuse ses propres outils de travail. L'objectif est de rendre l'enfant acteur et autonome dans cette démarche, donnant ainsi un sens social et authentique à l'écrit que fournit l'élève. Son implication dans un tel projet lui fait prendre conscience que ce qu'il apprend, lui servira ici et maintenant mais aussi dans le futur.

a) L'apprenant est l'acteur privilégié de ses apprentissages

L'institution prépare le formé à sa future vie sociale, à son autonomie physique et intellectuelle, à sa capacité d'adaptation et à celle de décontextualiser ses savoirs. Dans la pédagogie de projet, l'idée de J.Dewey, est centrale. C'est-à-dire que l'apprenant va se construire en agissant, il devient l'acteur principal. Cette pédagogie est différente de l'enseignement traditionnel et propose des contenus dont les apprenants trouvent un sens à ce qu'ils font. Dans le cadre d'une pédagogie de projet, le formateur n'est plus celui qui transmet des savoirs, mais il est celui qui joue un rôle de médiateur. Il organise et propose un éclaircissement didactique, aux apprenants.

L'apprenant devient donc un acteur de ses propres apprentissages et apprend à devenir autonome et responsable (individuellement et collectivement).

De plus, la pédagogie de projet peut se comparer à une résolution de problèmes, c'est-à-dire qu'il faut que l'apprenant soit dans des situations de questionnement. La démarche d'apprentissage y est déductive (la théorie ne précède pas la pratique)19(*). Au cours du projet, les apprenants doivent construire eux-mêmes leurs outils de résolution et leurs nouveaux savoirs.

Ainsi l'apprenant développera une réflexivité personnelle et pour le coup, donnera du sens à son apprentissage.

b) Projet et appropriation de l'espace temps et planification.

La pédagogie du projet serait-elle concept dans lequel il y a un projet ? Par conséquent, il est impératif de se poser les bonnes questions en tant que formateur et ce dès le début de la formation. Notamment sur ce que les apprenants doivent apprendre et quels sont leurs besoins et pour quelles disciplines ? Le projet en tant que tel, doit faire partir d'une analyse de situation et de besoins. Le projet en plus de répondre à ces besoins, va devoir motiver les apprenants afin que ces derniers y trouvent un sens leur permettant ainsi de les aider dans la mise en oeuvre dudit projet.

De plus, Jean Vassileff nous explique que dans le cadre d'une pédagogie de projet « le concept de propriété de l'espace-temps formation20(*) » peut se concevoir uniquement si un état d'esprit de confiance et de liberté s'instaure entre le formateur et le formé. « Se projeter dans l'ici et maintenant de la formation, donner du sens par soi-même à ses actes dans l'espace-temps immédiat de la formation, tout cela suppose que cet espace-temps soit considéré par les formés comme leur propriété ».

Puis il rajoute concernant le concept de droit pédagogique que : « La question de la propriété de l'espace-temps formation pose le problème de l'organisation des pouvoirs dans les rapports sociaux entre formateurs et formés, c'est-à-dire, le problème du Droit qui va régir ces rapports. Comme il existe un droit Civil, un droit Commercial, un droit du travail, etc., il y a lieu d'élaborer un droit pédagogique : quels sont les droits pédagogiques des formés ? Quels sont les droits pédagogiques des formateurs ? Quels sont les obligations qui en découlent ? »

Pour résumer, il faudra donc ne pas négliger les aspects cités ci-dessus ; et en analyser toutes les ressources et toutes les contraintes. Puis, négocier les différentes phases et les moyens que l'on se donne avec les apprenants pour la réalisation du projet. Ensuite vient l'étape de la planification qui consistera à ce que les apprenants organisent les objectifs pour enfin, structurer et adapter leurs apprentissages. L'étape de la réalisation se fait dans la continuité de celle de la planification. Il n'y a pas de coupure entre la théorie et la pratique.

c) L'individu et le collectif dans le projet collectif

Dans la pédagogie de projet, tout n'est pas réalisé en travail collectif. Il faut articuler temps de travail collectif et temps de travail individuel, « il faut aussi favoriser les conflits socio-cognitifs, en créant un écart entre les savoirs déjà acquis et ceux à acquérir »21(*) (travailler dans la zone proximale de développement,22(*) définie par Vygotski)23(*). Par conséquent, le travail en groupe entraîne une nécessaire pédagogie de différenciation pour répondre aux besoins spécifiques de chacun. Le rôle du formateur est absolument indispensable en amont du travail du formé, afin de créer les conditions d'apprentissage optimales.

Vassileff dit que : « la pédagogie du projet est une pédagogie personnalisée. Elle implique donc une individualisation de l'acquisition de connaissances. Des tests de connaissances et d'aptitudes seront utiles et appréciés des formés dans la mesure où ils ne seront pas utilisés à les orienter mais à les aider à se situer et à mesurer la nature et l'ampleur de l'effort à accomplir ».24(*)

d) Les dérives d'une pédagogie de projet

Selon Vassileff, donner du sens ou motiver un apprenant sous prétexte qu'il doit à tout prix apprendre, peut créer un blocage ou l'emmener vers un productivisme où les moyens pour la réalisation d'un projet, occulte l'objectif principal qui est le processus d'apprentissage, c'est-à-dire l'acquisition des nouveaux savoirs. De plus, le formateur ne doit pas faire à la place de l'apprenant par peur de perdre du temps ; et encore moins de tout préparer sous prétexte que l'apprenant ne sait pas s'organiser. Le formateur ne peut pas être le chef du projet et les apprenants les exécutants soumis à des règles strictes. Le projet malgré tout doit être cadré et ne doit pas rester sans objectif et être inventé au fur et à mesure par les protagonistes.

Pour finir, Marc BRU et Louis NOT25(*) définissent en cinq fonctions cette pédagogie :

1. Fonction de motivation : La situation a une valeur affective et intellectuelle pour l'enfant. Il va s'y engager individuellement et volontairement parce qu'il perçoit le sens, il sait à quoi, pourquoi et comment il s'engage.

2. Fonction didactique : Les connaissances acquises pour réaliser le projet, doivent être mobilisées par l'apprenant ceci afin de développer de nouvelles compétences.

3. Fonction sociale : Il faut coopérer avec les autres partenaires et médiateurs, ceci dans le but d'échanger les compétences, de définir le rôle de chacun dans la réalisation du projet et enfin de s'engager, en vue d'une production.

4. Fonction économique : Pour la réalisation du projet, il faut prendre en compte les différents aspects tels que les contraintes de temps, économiques, matérielles et humaines. Par conséquent, les apprenants doivent gérer leur environnement.

5. Fonction politique: Le projet demande une implication participative et donc collective. Le projet devient alors une formation à la vie civique.

La pédagogie de projet est donc celle de l'action, de l'implication des apprenants dans un projet choisi et réfléchi. Le besoin de l'apprenant est indissociable du projet.

Pour finir mes recherches, je désire savoir maintenant ce qu'est un projet pédagogique et d'en comprendre la différence avec la pédagogie du projet. L'objectif est de comprendre de quoi il s'agit lorsque l'on parle du projet de la mini-entreprise, ceci dans le but d'essayer de répondre à ma question principale de ce mémoire.

5.4 Le projet pédagogique

La définition de WIKIPEDIA : « Un projet pédagogique est généralement élaboré à l'échelle d'une structure (école, crèche, classe d'université, collège ou lycée, etc). Il peut se traduire et décliner en plans d'action éducative, en projets annuels, thématiques, coopératifs, collaboratifs, ouverts sur d'autres pays et cultures, etc. Il peut éventuellement s'appuyer sur des intervenants extérieurs (dans les limites autorisées par les ministères et lois concernant l'éducation, par exemple sans prosélytisme en France) »

Le projet pédagogique utilise la même démarche que la pédagogie du projet, sauf qu'elle met le formateur au centre ou en périphérie du projet. C'est lui qui construit la formation en fonction d'un cahier des charges, il se place entre l'institution et les stagiaires. Néanmoins, le projet pédagogique doit répondre, comme la pédagogie du projet, aux besoins de formation des élèves/stagiaires, il doit être adapté à leurs possibilités et répondre à leurs motivations. Le projet pédagogique ne permet pas à l'apprenant d'être acteur de son projet au sens d'une pédagogie de projet car le formateur ou l'enseignant maitrise le contenu à transmettre aux apprenants. Jean Pierre BOUTINET nous dit que : « Dans tous les cas, les enseignants gardent, sur le projet pédagogique, le pouvoir de proposition, mais d'une proposition toujours négociée, si l'on ne veut pas réduire le projet pédagogique à un simple projet d'enseignement (d'enseignant) ou d'apprentissage (d'apprenant).26(*)

Contrairement à la pédagogie du projet qui ne met pas les objectifs au centre du projet, le projet pédagogique est centré autour du but à atteindre et se construit avec des caractéristiques qui se vérifient lors de la formation face aux stagiaires. Des ajustements seront mis en place en fonction des décalages entre le contenu de la formation prévue et les connaissances des stagiaires.

Sur ce point, J P BOUTINET fait la différence avec le projet pédagogique et celui de la pédagogie du projet. Je cite 27(*): « Alors que le projet pédagogique décrit de façon opératoire une intention portée sur un objet à promouvoir, la pédagogie du projet entend valoriser une méthodologie basée sur le projet ; du projet-objet nous passons au projet méthode ».

Pour reprendre les points cités par mon guidant : « Lors d'un projet pédagogique, une négociation entre les enseignants ou formateurs et les élèves ou stagiaires est essentielle puisqu'il n'y a de pédagogie que dans le relationnel.

Si la négociation est court-circuitée, on n'est plus dans un projet pédagogique, mais dans un projet d'enseignant ou de formateur.

La négociation entre enseignant-formateur et élève-formé a au moins deux fonctions essentielles :

- elle permet d'effectuer un diagnostic de la situation pédagogique, notamment ne prenant en compte les acquis des élèves-stagiaires

- elle donne l'occasion aux élèves-stagiaires au travers d'une démarche active et concrète de s'interroger sur ce qu'ils veulent ; la négociation est alors la dimension essentielle d'une pédagogie qui se présente comme ouverture, en stimulant la motivation et l'imagination de tous les intéressés, en leur permettant de s'approprier la situation dans laquelle ils sont acteurs »

Conclusion du chapitre 2

Après ces distinctions concernant le projet et ses outils pédagogiques, il me semble que le projet de la mini-entreprise pourrait, et je dis bien pourrait à si méprendre, être un projet pédagogique plutôt qu'une pédagogie de projet. En effet, le projet est élaboré par EPA, c'est-à-dire l'institution et non pas, comme le veut une pédagogie de projet, par les apprenants ; il vise et valorise un objectif précis qu'est la création d'une mini-entreprise. Or, la pédagogie de projet tend à valoriser la méthodologie basée sur le projet. De plus, l'outil clé en main conçu par EPA, (le guide pédagogique) impose des étapes aux apprenants dans lesquelles tout est préparé et réfléchi à l'avance et à la place des formés. Il « suffirait » de suivre les étapes pour ne pas se tromper de direction. Tandis que la pédagogie du projet laisse aux apprenants le soin de construire leurs propres outils et de chercher des réponses à leurs questions, de résoudre les problèmes lié aux étapes et ce, au fur et à mesure de l'avancement de leur projet. Finalement, Il semblerait malgré tout, que ce projet pédagogique n'en est pas un, car si l'on regarde de plus près, il ne tient pas compte des acquis des apprenants et de leurs besoins, puisqu'il s'adresse aussi bien aux lycées, aux collèges qu'à l'insertion. Si les apprenants pouvaient s'approprier ce projet, nous serions effectivement dans un projet pédagogique, me semble t-il, or le contenu du guide est le même pour tout le monde et ne tient pas compte des pré-requis des apprenants de l'E2C. En fait, il est programmé pour un public, sans que ce dernier puisse négocier quoi que ce soit. Les objectifs ont été fixés par l'institution sans même savoir s'ils sont réalisables par les apprenants. Pour finir, le projet est programmé sur la période scolaire des élèves ou des stagiaires. Or si l'on regarde le fonctionnement de l'E2C, l'institution n'a pas non plus tenue compte de l'alternance des stagiaires, ce qui pose un problème supplémentaire dans l'organisation et le temps. En effet, il semblerait que l'institution porteuse du projet de la mini-entreprise n'a pas analysée la situation.

Pour reprendre les points essentiels de mon guidant à propos de l'analyse : « Analyser la situation c'est prendre en compte l'ensemble des paramètres qui momentanément agissent sur l'auteur, le groupe, l'institution entrain de décider de son projet :

- Les contraintes et les ressources de l'environnement,

- Les dysfonctionnements et problèmes observés,

- L'auteur (sujet, groupe, institution,...) son histoire, ses désirs, ses aspirations, ses inclinaisons, etc.

Analyser, c'est se représenter objectivement la situation pour juger et décider. Cette analyse implique une assez longue interrogation sur soi même (sujet, groupe, institution,...) comme sur son environnement. Elle pourra prendre des médiations plus ou moins longues, utiliser des personnes ressources, faire appel à des personnes patentées qui procéderont à un diagnostic ou effectueront un audit ».

Ces recherches me permettent désormais de faire mes premières hypothèses sur le projet de la mini-entreprise. Il s'agit pour moi de vérifier ce que les stagiaires apprennent dans cette pédagogie du projet qui à mon sens n'en est pas une. Le slogan EPA est : « Apprendre en faisant ». Oui mais, « apprendre quoi ? »  « Et comment ? »28(*)

Chapitre 3

6 La Construction méthodologique de l'objet de mon étude

6.1 Hypothèses naissantes

Mes observations sur le terrain de stage m'ont permis de faire les hypothèses suivantes :

- Le projet collectif de la mini-entreprise pourrait être contre-productif car inadapté aux stagiaires de l'E2C. De plus, l'institution n'a pas, me semble t-il, tenu compte des besoins des stagiaires, c'est le projet de l'institution et non celui des stagiaires.

- La pédagogie du projet utilisée comme outils pédagogique par les institutions, ne l'est que dans sa théorie, concernant ce projet pour les stagiaires de l'E2C.

- Le guide pédagogique clé en mains conçu par EPA s'adresse aussi bien aux lycées, aux collèges qu'aux E2C. Son contenu ne tient pas compte des écarts de niveau qui pourraient-être abyssaux pour les stagiaires de l'E2C.

6.2 L'approche de ma problématique et mes premières questions

Désormais, j'arrivais à l'E2C avec des interrogations concernant le projet de la mini-entreprise. Mon sentiment était mitigé et rejoignit les dires de l'équipe, à savoir que ce projet n'était peut-être pas adapté à ce type de public. Il est vrai que j'avais analysé le contenu du guide et je me disais : « Mais comment vont-ils faire pour remplir les tableaux comptables, les statistiques etc...? ». Je décidai donc d'en savoir un peu plus en allant voir la formatrice. Je lui demandais s'il y avait dans le projet un lien avec les cours enseignés à l'E2C. Elle me dit que non, car ce n'était pas réalisable étant donné la charge de travail à faire pour les formateurs. De plus, elle me dit outre le fait que les stagiaires ne faisaient pas tous partis de la même promo et qu'ils étaient en stage à des dates différentes, qu'il n'était pas possible de mobiliser des formateurs pour un projet de cette envergure. Puis elle rajouta que ce n'était pas le même rythme que dans les écoles. C'est alors que je commençais à comprendre que ce projet n'était peut-être pas vraiment adapté à l'E2C.

Mon retour en formation à CNUF, me permis de faire le point concernant ce projet. Je m'interrogeais sur la façon dont un projet pouvait être mis en place pour ce type de public.

C'est lors du module « Apprentissage » à CNUF, que je découvris ce qu'était la notion d'apprentissage et le projet. Je comprenais que ce cours était indispensable pour mes recherches futures « L'apprentissage est partout et dans chacun de nous, il n'y a pas une seule façon d'apprendre ». Je découvrais alors des concepts inconnus au bataillon. Jamais entendu parler ! Je compris que le processus d'apprentissage était capital pour le formateur et pour le formé, cela lui permettait d'être conscient de son propre apprentissage en étant réflexif « Etre capable de se remettre en question, de s'auto-former afin d'apprendre et devenir autonome dans leur processus d'apprentissage ». Je comprenais ainsi que ce module n'était pas simplement un module pour engranger des concepts en tout genre, mais que celui-ci m'aiderait dans mon propre apprentissage en tant que futur formateur. Mais surtout, qu'il m'aiderait à vérifier et à comprendre ma question principale sur l'apprentissage des stagiaires de l'E2C au travers du projet de la mini-entreprise.

Au fur et à mesure que j'avançais, des liens commençaient à se mettre en place dans mon esprit, concernant le projet de la mini-entreprise. Je me posais beaucoup de questions. Désormais, le module de l'apprentissage accentuait ces questions, en rajoutait, les éclaircissait et quelques fois semait le doute. Et je dirais « heureusement » car cela me permettait de réfléchir plus longuement, quant à la responsabilité du formateur face à des apprenants et notamment dans ce type projet qu'était la mini-entreprise.

En effet, plusieurs questions me venaient à l'esprit, notamment sur les objectifs d'un projet collectif. Quelles étaient les pédagogies utilisées pour les mener à terme ? Quels rapprochements pouvait-on faire entre un projet collectif et l'insertion ? Quel était le rôle et la place du formateur et ceux de l'apprenant, dans un projet? Un projet pouvait-il contribuer à l'autonomie des personnes en difficulté ? La mini-entreprise était-elle un projet d'apprentissage, un projet tout court ou simplement une vulgarisation pour la création d'une entreprise ?

6.3 Formulation de ma question de départ

Après plusieurs jours de réflexion, je désirais vérifier désormais si le projet collectif de la mini-entreprise au sein de l'E2C était adapté aux stagiaires? Qu'en était-il réellement de ce projet en termes d'apprentissage ? Et quelle place le formateur avait-il dans ce projet ? Ces questions devenaient primordiales. Je me sentais impliqué dans ce projet et je ne pouvais pas simplement faire une analyse du haut de mes 1,85 m en m'interrogeant uniquement sur le projet en tant que tel. Je devais aussi m'intéresser aux apprenants et à leur apprentissage dans ce type projet. Les cours du NUFC m'aidaient à construire mon raisonnement, mes réflexions. J'arrivais à réfléchir plus posément et faire le tri. Les modules de l'apprentissage, de méthodologie, d'outils du formateur, me permettaient d'organiser mes pensés. Finalement, plus je réfléchissais et plus ce projet me paraissait peut-être trop ambitieux. Il est vrai que, au regard de mon expérience dans ce domaine, je me demandais à ce moment là : « comment peut-on créer une entreprise en si peu de temps avec des personnes qui n'ont aucune connaissance théorique et pratique, aucune compétence, que ce soit en termes d'organisation, de gestion administrative, commerciale et ou, de négociation ? » Qui plus est : « des personnes qui ont de grosses difficultés que se soient : cognitives, personnelles, socioculturelles etc... »

6.4 La réalisation de mon guide pour l'entretien exploratoire

Finalement, l'entretien exploratoire m'a permis de cristalliser mes premières questions de départ. En effet, je décidais donc d'interviewer la formatrice responsable du projet de la mini-entreprise. Ce choix était important pour moi, car lorsque j'étais en stage, et que nous étions en accompagnement avec les mini-entrepreneurs, je ressentais toujours une certaine ambigüité sur la façon de mener ce projet. Elle me dit souvent : « Tu comprends Michel, il faut que les jeunes apprennent par eux-mêmes dans ce projet, c'est d'ailleurs l'objectif, car on est sur un projet où le stagiaire apprend en faisant, c'est une pédagogie de projet». Puis, lorsque nous sortions d'une séquence, elle me demandait si je ne pouvais pas faire le compte rendu de la séance avec la responsable administrative de la mini-entreprise, ou encore les statistiques de l'étude de marché. Pour justifier cette demande, elle me disait : « tu comprends Michel, on a très peu de temps, ils ne peuvent pas le faire, ils n'ont pas les compétences, ils ne sont pas autonomes, ils font plein de fautes etc... » Je reconnaissais que ses dires étaient fondés mais ne correspondaient pas, selon moi, à un apprentissage pour les stagiaires.

Exemple : lors de l'étape de l'étude de marché, les apprenants devaient remplir un questionnaire en interrogeant un panel de 60 personnes et dans lequel des questions vérifiaient si leur produit était viable et donc vendable sur le marché. Or, lors de la synthèse, je m'aperçus d'une part que les stagiaires avaient fait leur étude de marché n'importe comment et qu'ils s'en moquaient comme de l'an 40. D'autre part, le directeur commercial de la mini-entreprise se trouvait incapable de remplir les tableaux imposés par l'étape et encore moins de faire les statistiques justifiant ainsi la faisabilité du produit. Les pourcentages étaient pour lui une sorte de trou noir dans lequel il ne voyait strictement rien. Impossible pour lui de trouver un sens à cette science « socio-économico-commerciale ». Pour le coup, je fis tout à sa place. Je lui demandais si cela l'intéressait de voir comment on réalisait des pourcentages ? Il me répondit que « non » et que cela ne lui servirait à rien parce qu'il voulait devenir agent de sécurité. Alors j'essayais de comprendre pourquoi il avait choisi d'être dans la mini-entreprise, il me répondit qu'il ne savait pas et qu'il fallait bien faire quelque chose. Je restais « bouche bé » devant ses réponses. J'en parlais à la formatrice, et elle me répondit que cela ne l'étonnait pas, car ce stagiaire n'était pas fiable et ne s'intéressait à rien.

Bref, c'est alors que je compris effectivement que ce projet était réalisé dans l'urgence et qu'il comportait des étapes insurmontables pour les apprenants. De plus, ces derniers s'étaient engagés dans un projet sans vraiment savoir de quoi il était fait. La réunion d'information n'avait pas explicité, me semblait-il, ni aux formateurs ni aux apprenants, certains pré-requis pour la mise en place d'un projet de ce type. La gestion administrative était une corvée pour les apprenants et l'organisation s'en faisait ressentir.

Voici un exemple de statistiques qu'il fallait réaliser dans le cadre du projet. Or le stagiaire qui devait produire ces tableaux n'était pas formé pour ce type d'exercices. Son niveau en mathématique et en informatique était trop faible pour réaliser ceci.

Ces discussions et observations que je cite, sont informelles et ne franchissent pas les couloirs ou les salles de l'E2C ; et bien entendu ne figurent pas dans l'entretien exploratoire.

Malgré tout, au cours de notre entretien, les réponses de la formatrice sont suffisamment explicites quant à ce projet, les apprenants et sa mise en place au sein de l'école.

Cinq thèmes ressortent de mon analyse de l'entretien exploratoire.

Le premier thème est la question du projet en lui-même, je voudrais vérifier si ce projet a été conçu pour les stagiaires de l'E2C. Cela me permettra de répondre à la question que je me pose. A savoir si ce projet est adapté au public de l'E2C et d'en connaître ses limites.

Le deuxième thème concerne les apprenants et leur apprentissage. En effet, ce projet se dit être basé sur une pédagogie de l'action comme il est précisé dans le guide. Or, mes observations montrent qu'il en est tout autre et se vérifie lors des séances, lorsque la formatrice et moi-même faisons une grande partie du travail administratif tout simplement parce que les stagiaires ne veulent pas s'impliquer plus que cela dans le projet, dont certaines étapes sont infaisables par les stagiaires. Notamment les statistiques ou la comptabilité. Alors qu'apprennent-ils au bout du compte ?

Le troisième thème est de vérifier pourquoi ce projet est difficile pour la formatrice et pour les apprenants. Cela m'aidera à comprendre ce stress permanent?

Le quatrième thème concerne les statuts et les rôles de l'apprenant dans le projet. Cela m'aide à comprendre si les stagiaires sont conscients du rôle qu'ils doivent jouer.

Le cinquième thème concerne l'autonomie des stagiaires dans le projet. Car je me demande comment les stagiaires peuvent-ils être autonomes au travers d'un tel projet ?

6.5 Analyse de l'entretien exploratoire

Cette analyse m'a permis de mettre en évidence les points suivants :

Premier thème : La formatrice me fait comprendre que ce projet n'est pas compatible avec les stagiaires : « Bon alors, je vais dire que le projet de la mini-entreprise tel qu'il est écrit, conçu comme il est là n'est pas forcément adapté au public de l'E2C... » « ...ces jeunes là, des problèmes d'adaptation, des problèmes de travailler dans le temps, d'organisation, je dirais aussi des problèmes de s'adapter sur un projet comme ça qui est sur la durée, c'est des jeunes qui ne se projettent pas donc qui travaillent quasiment au jour le jour sur un projet comme ça qui est et qui n'aura de résultats réellement visibles que dans la durée,» L 3-13

Deuxième thème : Concernant l'apprentissage des apprenants :

« La partie administrative, apprentissage qui nécessite des connaissances de base quand même assez solides, beaucoup d'autonomie. Ca c'est des choses que la plupart de nos jeunes n'ont pas hein » L14-16

« ... L'apprentissage il est plus au niveau des « savoir être » parce que ça va être construire quelque chose en groupe » L 109-110

Elle compare le système scolaire et ses méthodes de travail que l'E2C n'a pas :

« ces phases administratives qui sont indispensables mais qui sont longues, elles sont difficiles à faire pour eux et d'AUTANT PLUS difficiles que j'pense que ils n'y mettent pas l'investissement que quelqu'un qui est déjà dans un processus scolaire, qui est déjà dans un dispositif d'apprentissage quotidien, ils ont déjà des méthodes de travail, des habitudes de travail, des habitudes d'être dans des cours de 8h du matin à 18h, ces choses-là, nous, on les a pas ici, nos jeunes ici ne les ont pas. » L26-32

Troisième thème : Le temps pose des difficultés quant à la mise en oeuvre du projet, elle me fait comprendre qu'elle a une surcharge de travail et par conséquent un manque de temps pour accompagner les apprenants dans leur projet.

« Il faut être là, ça veut dire que dans un planning, ça représente énormément de temps, que les projets collectifs pour les formateur référents, sont des choses qui sont en plus de leur quotidien de formateur. Il faut gérer ça en plus des groupes, en plus des problèmes que l'on a sur nos groupes. Et, on considère ces jeunes là, comme si c'était un groupe finalement. Je me rends compte finalement que la mini-entreprise, c'est comme si j'avais intégré une nouvelle promotion, ça me prend pratiquement autant de temps. Mais ce n'est pas du tout le même objectif » L 273-279

Quatrième thème : Puis elle parle des rôles que la mini-entreprise impose aux stagiaires :

« Donc le risque de confusion, j'vais dire que chez certains c'est possible. Ca, ça va dépendre de l'état psychologique de chacun, et du moment. En fait finalement je réfléchissais à ça et je pense quand ils se sentent surchargés par le travail que demande la mini, à un moment il peut y avoir confusion effectivement hein parce que parce que finalement c'est un rôle, un rôle qu'on leur demande de jouer et mais effectivement quand ils quittent les locaux eh ben ils ne sont plus dans c'rôle là, ils sont eux-mêmes, » L222-228

Cinquième thème : L'autonomie fait défaut aux stagiaires, la formatrice semble dire qu'ils ne sont pas suffisamment impliqués dans le projet pour devenir autonome.

« Si les jeunes étaient complètement autonomes, qu'on avait juste à leur dire voilà : « aujourd'hui vous êtes réunis pour la mini, vous savez qu'elle est l'étape, que vous devez gérer aujourd'hui, gérez votre étape. Hein, voilà, est ce qu'ils sont capable d'aller chercher leur clé USB, d'aller lire l'étape, de bien comprendre l'étape, de bien voir où ils en sont, ou faire la synthèse de ce qui......................... ! Ils ne sont pas suffisamment autonomes pour ça. On est obligé d'instruire quand même. Et puis aussi, faut leur dire non parce que, on ne doit pas faire, on ne fait pas pour eux. » L282-288

Ce cinquième thème mérite une analyse critique quant à l'autonomie. En effet, il me semble que le formateur doit se positionner dans ce type de projet, en tant que personne ressource pour l'apprenant. Il n'est pas concevable de laisser l'apprenant se « dépatouiller » avec son projet. Il s'agit de le guider et de l'aider dans ses recherches. L'idée est de lui faire prendre conscience de son apprentissage tout en lui laissant le choix. Lui faire dire les choses ; faire en sorte que chaque apprenant pose des questions et qu'il cherche par lui-même les réponses. Le rôle du formateur devient dans ce cas, celui de tuteur ; il devient la personne ressource qui fournit des conseils pour la planification et l'exécution du projet. Le tuteur doit gérer la dynamique propre au groupe et les processus de réflexion, mais ne prend pas de décisions à la place du formé. Il ne mène pas le projet, il veille au bon déroulement de ce dernier. Si les apprenants rencontrent des difficultés, le rôle du tuteur est de se positionner en tant que personne d'aide, mais sans résoudre les problèmes à leur place. Ce rôle est comparable à celui de mon guidant pour mon mémoire. En effet, il me donne les grandes orientations, des conseils, etc... mais jamais ne fait à ma place. C'est de cette façon que je deviens et me sens autonome. L'autonomie n'est pas possible sans une aide de conseil extérieur, me semble t-il.

Cette première analyse me permet de faire évoluer mon questionnement et de voir plus clair. Ceci dit, je reviendrai sur cet entretien que j'analyserai plus en profondeur dans le chapitre 4, consacré à l'analyse des contenus de mes entretiens.

6.6 Evolution de mon questionnement

Mon entretien exploratoire me fait prendre conscience que le projet de la mini-entreprise n'est pas aussi simple qu'il y paraît pour les apprenants, mais aussi pour la formatrice. Car ce projet n'est pas adapté aux apprenants en terme de contenu, n'est pas adapté au fonctionnement du parcours d'alternance d'un stagiaire de l'E2C et finalement, ce projet ne tient pas compte non plus de la surcharge de travail pour la formatrice à qui l'on a confié ce projet, trop lourd à porter par une seule personne. Ce qui m'amène à penser que ce projet n'est pas non plus un projet pédagogique. Car la formatrice ne maîtrise pas le contenu du guide pédagogique et encore moins les objectifs à atteindre. (Voir projet pédagogique page 33) De plus, je ressens une contradiction permanente de la part de la formatrice qui me répète souvent que c'est le projet des stagiaires et qu'il ne faut pas faire à leur place. Or, je me trouve en permanence devant l'ordinateur pour faire ce que les stagiaires ne peuvent pas ou ne veulent pas faire. J'ai le sentiment que la formatrice se donne « un mal de chien » à vouloir aller jusqu'au bout du projet, malgré le fait qu'elle considère ce projet comme inadapté, et ce, dans tous les sens du terme. D'autre part, les stagiaires qui au départ étaient 9, se trouvent à 8 dès la première semaine, quatre mois plus tard à 6 et quelque fois à 4 pour continuer le projet. La directrice administrative est enceinte et a dû arrêter pour cause de santé. Une autre stagiaire qui s'occupait de la fabrication a été renvoyée de l'E2C pour motif de vol sur les lieux de son stage. L'assistant du directeur commercial lui aussi a été renvoyé de l'E2C (motif : irrespectueux). Un autre stagiaire a fait des allers-retours dans le projet jusqu'à ce qu'il décide d'abandonner. Cela ne l'intéressait pas parce qu'il trouvait ça trop dur. Il ne m'en a pas dit plus, mais je pense, pour l'avoir vu lors des séances, qu'il était ailleurs, il ne s'impliquait pas. A chaque question il répondait : « ch'sais pas ». Je crois qu'il ne savait pas non plus ce qu'il faisait à l'E2C. Il a quitté l'E2C également pour cause d'absences répétées. Au mois de février, 4 stagiaires tiennent le projet et encore, ils ne sont pas toujours présents en même temps. Le PDG de la mini-entreprise avait disparu de la circulation pendant deux semaines. Il ne venait plus aux séances. La formatrice me disait que l'on ne pouvait pas le licencier car il fallait organiser une Assemblée Générale et que cela nous obligerait, soit à fermer la mini-entreprise soit à renommer un autre PDG. Or, il nous manquait du temps et de toute façon aucun des stagiaires ne voulait prendre ce poste. Je comprends que l'important maintenant, c'est d'aller au concours.

Dans ce contexte, des questions me trottaient dans la tête: « en quoi un projet collectif tel que la mini-entreprise, apporte-t-il un plus en terme d'apprentissage? À qui profite-t-il ? Et dans quel but ? Où se place le formateur dans ce type de projet ? ».

7 Recueil de données outre mes entretiens

7.1 Réalisation de mon guide d'entretien

A partir de toutes ces données, je conçois alors ma grille d'entretien pour les interviews définitives.

Finalement, je souhaite vérifier d'où vient ce projet et comment est-il venu s'intégrer dans les E2C, notamment à EPINAL. Je souhaite connaître les enjeux et les objectifs institutionnels à travers ce projet. Pour cela, je prends rendez-vous avec l'association « Entreprendre pour Apprendre » partenaire de la CCI et responsable des E2C de Lorraine. Ensuite, je m'intéresse également au responsable de formation de la CCI, ceci pour croiser les informations des deux institutions mais aussi pour comprendre pourquoi ce projet est aux E2C et quels en sont les objectifs pédagogiques pour les apprenants ?

Pour finir, je désire interviewer les apprenants afin de savoir si le projet leur apprend quelque chose et quoi ? Pour construire mon guide d'entretien, j'ai dû adapter mes questions aux institutions et aux apprenants. Je n'ai pu interroger que deux apprenants, car les autres n'ont pas accepté que je les enregistre. Je comprends derrière cette attitude que les stagiaires de la mini-entreprise ont du mal à s'exprimer et n'ont pas confiance en eux, ils préfèrent dire les choses à l'instant « T ». Les interroger ressemble à un interrogatoire m'ont-ils dit. C'est pourquoi, mes observations relevées au fur et mesure sont attrapées au vol, entre une pose cigarette des apprenants dans la cour, ou dans les couloirs de l'E2C.

Grille de questionnement pour le responsable formation des E2C Lorraine

La CCI a mis en place un projet collectif «  Mini-entreprise » au sein des écoles de la deuxième chance avec pour partenariat l'association « Entreprendre pour Apprendre ».

Questions

Ce que je veux vérifier et comprendre

1) Parlez-moi de ce projet qui a été mis en place, pourquoi avoir retenu ce projet ?

Je désir comprendre les enjeux et les objectifs de la CCI.

2) Quels sont les avantages d'un tel projet : pour les apprenants ? Pour les formateurs ? L'institution ?

Je voudrais comprendre «  en quoi un tel projet collectif « la mini-entreprise », apporte-t-il un plus en terme d'apprentissage? À qui profite-t-il ? Et dans quel but ? Ou se place le formateur dans ce type de projet ? ».

3) Pensez-vous qu'il y a des limites dans ce type projet ?

Cette question me permet de voir si le projet peut s'appliquer dans sa totalité aux E2C

4) Pensez vous qu'il y ait des pistes d'amélioration pour ce type de projet et ..., lesquelles ?

Ainsi je peux comprendre les difficultés non dites ou mal interprétées par l'ensemble des protagonistes de ce projet

5) Et enfin, pensez-vous que ce projet soit adapté au public de l'E2C ?

Cela me permet de vérifier si l'institution est consciente que ce projet n'est pas adapté aux apprenants

6) Comment évaluer les apprenants dans ce type de projet ? (Apprentissage : social, culturel, professionnel) (même remarque que pour la première grille)

Je veux comprendre quelle est l'évaluation dans un tel projet et comment cela se passe

Grille de questionnement pour la responsable du projet de l'association : « Entreprendre pour Apprendre »

Votre association « Entreprendre pour Apprendre » propose un projet collectif qui consiste à créer une Mini-entreprise au sein des établissements. Ce type de projet au départ est destiné aux élèves des collèges et des Lycées.

Questions

Ce que je veux vérifier et comprendre

1) Pouvez-vous m'en dire un peu plus ?

Je veux comparer les informations que j'ai réunies avec les siennes. (L'historique et les enjeux institutionnels) Comprendre si c'est une pédagogie de projet

2) Comment vous est venue l'idée de proposer ce projet aux E2C ?

Cette question me permet de vérifier et de croiser la réponse de la CCI.

3) Quelles sont les objectifs de ce projet pour les apprenants ?

Je veux vérifier si les objectifs sont en harmonies avec la CCI et les apprenants.

4) Quels sont les avantages d'un tel projet : pour les apprenants ? Pour les formateurs ? L'institution ?

Je voudrais comprendre comme pour la CCI «  en quoi un tel projet collectif « la mini-entreprise », apporte-t-il un plus en terme d'apprentissage? À qui profite-t-il ? Et dans quel but ? Ou se place le formateur dans ce type de projet ? ».

5) Pensez-vous qu'il ait des limites dans ce type projet ?

Sur ce point, je veux savoir si elle ressent des difficultés quant à la mise en oeuvre du projet au sein de l'E2C

6) Pensez vous qu'il y ait des pistes d'amélioration pour ce type de projet et ..., lesquelles ?

Ainsi je peux comprendre les difficultés non dites ou mal interprétées par l'ensemble des protagonistes de ce projet

7) Avez-vous des retours sur ce projet ? Qu'est-ce qu'on vous en dit ? (de positif et/ou de négatif)

Cette question me permet de vérifier si, ce que je constate sur le terrain notamment les difficultés de mise en oeuvre sont remontés par les formateurs des E2C

8) Et enfin, pensez-vous que ce projet soit adapté au public de l'E2C par rapport à la cible de départ que sont les collèges et les Lycées ?

Me permet de savoir si elle est consciente que les apprenants ont des difficultés d'appropriation du projet, car non adapté

9) Comment évaluer les apprenants dans ce type de projet ? (Apprentissage : social, culturel, professionnel)

Je veux comprendre si l'évaluation repose uniquement sur un concours

Grille de questionnement les stagiaires de l'E2C d'Epinal

1) Pouvez-vous me dire ce que représente ce projet pour vous ?

Je veux vérifier si le fait qu'ils participent au projet est un vrai choix ou un passe temps

2) Pour vous, quels est votre objectifs ?

Créer le débat

Cette question m'aide à comprendre l'intérêt de ce projet pour l'apprenant

3) Pensez-vous être aidé

Qu'est ce qui les dérange dans ce projet

4) Quelles sont les difficultés ?

Créer le débat

Je veux vérifier pourquoi les apprenants éprouvent-ils des difficultés et à quels moment

5) qu'avez-vous appris dans ce projet ?

Important au niveau de l'apprentissage

6) Avez-vous la sensation d'apprendre quelque chose ?

Créer le débat

Je pourrais savoir si l'apprenant trouve un sens à ce projet et de quelle façon il va pouvoir utiliser ce qu'il a appris.

7) Si vous deviez changer quelque chose dans ce projet, ce serait quoi ?

Créer le débat

Cela me permet de croiser tout ce qui vient de me dire et de vérifier son implication dans un tel projet.

7.2 Méthode d'analyse de mes entretiens

Ces entretiens m'ont permit de croiser les informations recueillies et ceci dans le but de les analyser, de comprendre le projet de la mini-entreprise et de vérifier mes hypothèses. De cette façon je pouvais construire un tableau à double entrée avec 5 colonnes représentant chaque interview et dans lesquelles, il s'agissait d'intégrer les thèmes et les sous-thèmes selon les propos de chaque interviewé. Pour identifier les thèmes, j'ai lu et relu attentivement chaque interview pour comprendre le point de vue de chacun.

Cette analyse transversale m'a permis de faire ressortir les grands thèmes qui me semblaient apporter des éléments de réponse par rapport à mon questionnement central.

Chaque propos est classé dans le tableau et se croise avec les autres. Certains propos concordent tandis que d'autres sont en contradictions.

Conclusion du chapitre 3

Pour construire cette méthodologie, j'ai dû observer, prendre des notes, les analyser pour essayer de comprendre chaque instant, chaque événement, que ce soit sur mon terrain de stage, mais aussi à NUFC. Il m'a fallu prendre du recul, poser les choses et ne pas me laisser influencer par les discours des uns et des autres, c'est-à-dire essayer d'être le plus objectif possible dans mon étude. J'ai voulu construire cette méthodologie avec le plus de réalisme possible, c'est-à-dire en me posant des questions, en me demandant en permanence pourquoi je fais ça, pourquoi je dois poser cette question, pourquoi j'observe chaque détail, chaque situation, au point de les comptabiliser, les classer, les trier puis les photographier dans ma mémoire ? Cette méthodologie est une sorte de miroir me permettant ainsi d'aller vers mon analyse de contenu qui a pour objectif d'essayer de répondre à mon questionnement principal de ce mémoire « Le projet collectif de la « mini-entreprise » au sein de l'E2C répond t-il aux attentes, en termes d'apprentissage, pour ce type de public ? »

Chapitre 4

8 Le projet de la mini-entreprise du point de vue de l'institution

8.1 Comprendre les rapprochements entre les institutions

La responsable d'EPA m'accorde un entretien pour parler du projet de la mini-entreprise. Avant de rentrer dans le vif du sujet, il me semblait important de faire le rapprochement entre le projet de la mini-entreprise et la CCI (Chambre de Commerce et des Industries) ; EPA (Entreprendre pour Apprendre) et enfin le MEDEF (Mouvement des Entreprises de France). Car lorsque l'on me parlait de la mini-entreprise, tantôt on me disait le projet du MEDEF, tantôt le projet EPA ou encore le projet de l'association et quelques fois ce fut le projet de la CCI. Bref, j'avais franchement du mal à m'y retrouver et comprendre qui faisait quoi. C'est alors que j'obtins la réponse par l'association EPA.

La responsable m'accueillait dans son bureau pour répondre à mes interrogations.

EPA : « Moi je suis salariée pour le MEDEF et détachée pour une partie de mon temps sur l'association EPA donc Entreprendre pour Apprendre en Lorraine qui met en place les mini-entreprises. C'est moi qui gère au quotidien toute les mini-entreprises, il y en a 18 cette année en Lorraine... » «....   (L 8-11)

Je comprends alors son rôle lorsqu'elle dit « c'est moi qui gère ». J'en déduis que les E2C sont tributaires de l'association en terme d'outils pédagogiques.

Puis, elle me résuma l'historique de la mini-entreprise en me donnant un fascicule dans lequel figure le contexte et les objectifs du projet de la mini-entreprise. Décrit dans le chapitre 2.

Mes recherches sur Internet confirmaient désormais que ce projet provenait d'Outre-Atlantique et qu'il était vieux de plus de 70 ans. Ce projet est donc né d'une réflexion de chefs d'entreprises américains, soucieux de recruter des étudiants en fin de cycle et affranchis au monde de l'entreprise. Ce début d'entretien me permettait maintenant d'approfondir le sujet et d'en comprendre les enjeux.

EPA : « Donc, ça a commencé par se développer par quelques grands chefs d'entreprises aux Etats-Unis et comme ça marchait bien, ça s'est importé dans les années 70 en Europe. A aujourd'hui, il y environ 25 pays en Europe qui participent au projet. » (L21-23)

Je comprends également à travers notre entretien que ce projet se veut comme une méthode. Le projet est axé sur la pédagogie du projet, or nous avons vu dans le chapitre 3, que la pédagogie du projet est tout le contraire de ce projet dans sa pratique à l'E2C. Lorsqu'elle parle de méthode, elle sous entend une action de la part des apprenants sans pour autant me donner la signification exacte.

EPA : « Des chefs d'entreprise américain dans les années 30 se sont dit ...» L16-17

« ...on va mettre en place une méthode pratique pour expliquer aux jeunes, qu'est ce que c'est le monde de l'entreprise » (L20-21)

Je suppose que lorsque la responsable EPA parle de méthode pratique, cela signifie méthode pédagogique basée sur : « Apprendre en Faisant » Il me semble important à ce moment là de comprendre ce que méthode signifie pour un spécialiste comme Philippe MEIREU.

Philippe MEIREU nous dit que : « l'expression « méthode pédagogique » recouvre des réalités bien différentes : « On parle aussi bien de la « méthode globale » pour l'apprentissage de la lecture que des « méthodes actives », ou bien encore de la « méthode des situations à problèmes » En réalité, la notion de méthode exprime trois réalités différentes mais qui se situe en continuité les unes avec les autres. En premier lieux, elle désigne un courant pédagogique caractérisé par les finalités qu'il cherche à promouvoir et par l'ensemble des pratiques qu'il préconise d'utiliser pour y parvenir : c'est ainsi que l'on peut parler par exemple de la « méthode FREINET » : l'élève ou le stagiaire « apprend en étant actif dans un travail qui a du sens pour lui ». L'autre méthode plus restreinte est caractérisé par des outils qu'elles mettent en oeuvre par exemple « l'enseignement assisté par ordinateur » est aussi une méthode pédagogique. « Cela peut favoriser la socialisation ». Et la troisième réalité : « au sens plus étroit, on peut parler de méthode pédagogique pour désigner une activité précise, un outil identifié, un moyen très pointu pour faire apprendre un contenu de savoir déterminé ». L'auteur nous donne un exemple : « Tel un bon tuteur en entreprise aura répété les gestes exactes qui, à un moment précis, permet d'accéder au tour de main, qui permettra de remettre une pièce parfaite ».29(*)

Cette introduction me permet de mettre à l'aise mon interlocutrice et d'ouvrir le débat en toute confiance.

8.2 Une rencontre, un projet, des enjeux

Mes investigations se poursuivirent pour essayer de saisir comment ce projet était arrivé à l'E2C et quels enjeux institutionnels et politiques pouvait-il y avoir derrière. Ces derniers sont en effet importants, car il s'agit, selon les dires de mon interlocutrice, d'un projet à grande échelle telle que la France et ses Régions, mais également de l'Europe toute entière. La responsable m'annonce clairement la couleur en argumentant son discours par des exemples significatifs.

Ce projet s'est développé en Lorraine grâce au MEDEF. Il en garantit le bon déroulement et se porte garant, quant à sa réussite. Les enjeux politiques d'EPA France dépassent le territoire Français et se doivent de donner une bonne image à l'ensemble des partenaires.

EPA : « Bon, il y a un lien fort entre le MEDEF et EPA, parce qu'en Lorraine c'est le MEDF qui a impulsé la mise en place des mini-entreprises en Lorraine ». (L11-12)

« C'est EPA France qui porte le projet de la mini-entreprise et s'assure d'être dans les clous au niveau Européen, parce qu'on participe au concours Européen concernant les lycées et les collèges et on travaille en collaboration avec eux, et c'est EPA France qui a traduit le projet en français, l'a adapté pour l'Education Nationale, les Ecoles de l'Insertion (E2C), missions locales, les CFA, » (L 24-29)

Il semblerait que le concours Européen marque une finalité et justifie le fait même que ce projet doit continuer ou pas d'exister. D'autre part, elle souligne le fait que ce projet a été traduit en Français et adapté pour l'Education Nationale, les écoles de l'insertion etc. Donc je décide d'en connaître un peu plus ; et là, mon interlocutrice m'annonce un « Scoop ». Et pas le moindre !

EPA : « EPA France vient de signer une convention à l'horizon 2011 avec l'Education Nationale stipulant que toutes les régions de France devront obligatoirement faire les mini-entreprises, y compris les DOM-TOM  Donc là euhhh, il y a un gros développement pour toutes les régions, parce que l'année dernière il y avait une dizaine de régions et cette année on est déjà à 16 et chaque région va créer son association régionale et la gère en toute indépendance, parce qu'au niveau des collaborations, on travaille ensemble uniquement au niveau des fascicules pour les championnats.» (L30-36)

Cette déclaration confirme bien que les enjeux sont d'ordres institutionnels et politico-économiques, car il s'agit d'éduquer les élèves au monde économique de l'entreprise. Les associations EPA sont créées et financées par les Régions dont l'objectif est de développer ce concept dans le maximum de régions en France. Mais, qu'en est-il de l'E2C ? Car l'Education Nationale n'est pas l'E2C, et il me semble que ce projet finalement, s'adresse à la base aux lycées, collèges et à l'enseignement supérieur. Mon hypothèse se vérifie car il s'appuie uniquement sur une expérience menée par le MEDEF, ce qui a permis de convaincre la Région pour le financement de l'association « EPA » en Lorraine.

EPA : « Mais, c'est vrai, qu'en Lorraine, c'est le MEDEF qui a impulsé l'idée à la région. En 2007 nous avons réalisé un test avec 5 mini-entreprises réparties dans les lycées et comme ça super bien marché, du coup, le 30 septembre 2008 la région a créée l'association EPA ». (L38-41)

C'est alors que je veux comprendre comment la CCI a intégré le projet dans les E2C. Le responsable de formation de la CCI m'avait effectivement confirmé lors de notre entretien qu'une rencontre provoquée dans un salon s'était faite entre avec une formatrice de l'E2C de Nancy et la responsable de « EPA ».

CCI : « Alors, il y a plusieurs raisons, ça vient d'une rencontre entre une formatrice nancéenne sur un salon qui a entendu parler du projet « Mini-Entreprise. Derrière des contacts ont été pris entre cette formatrice et « Entreprendre pour Apprendre » des contacts opérationnels, des contacts entre techniciens dans un premier temps, sachant que les infos sont rapidement remontées au niveau de la hiérarchie, c'est-à-dire au niveau de la direction...... » (L7-12)

EPA confirme les dires du Responsable de formation CCI.

EPA : « C'est eux qui ont entendu parler de nous, parce que l'année dernière nous étions que sur les collèges, les lycées et les écoles privées et on n'a pas fait de démarche plus que ça. De mémoire, c'est une dame de l'E2C de Nancy qui m'a contacté et voulait savoir comment l'on pouvait travailler ensemble. Donc je l'ai invitée sur plusieurs salons pour venir voir les démarches à réaliser, et puis après, comme l'E2C de Nancy était très, très intéressée, c'est remonté au réseau E2C, enfin la CCI et, du coup, c'est parti pour toutes les E2C. Finalement, c'est un peu le hasard. Et c'est vrai que c'est remonté sur toute la France ». (L43-49)

Enfin je saisissais comment ce projet fut implanté dans les E2C. Selon le discours du responsable formation CCI, je compris également qu'il y avait des intérêts entre ces deux institutions.

CCI : « .......on s'est rendus compte qu'il y avait un pont entre la CRCI, donc la Chambre Régional de Commerce et de l'Industrie et le MEDEF par rapport à ça, ça a reçu un écho très favorable de la part de la présidence de la CCI, ça a reçu un écho favorable de la part du réseau régional de l'E2C et ça a reçu un écho favorable des responsables de pôles ». (L12-15)

Ces informations me permettent de faire le lien entre les institutions, mais également de comprendre comment le projet de la mini-entreprise s'est implanté en Lorraine, et qui plus est, dans les E2C. Cette rencontre hasardeuse, au détour d'une allée d'un salon, a permis à la CCI de renforcer sa position en tant que partenaire avec le MEDEF, et pour le coup, la Région Lorraine qui participe au financement des E2C.

CCI : « .........développement du réseau, par la force des choses....... » (L27)

8.3 Les objectifs d'apprentissage visés par l'institution et ses limites

Comprendre d'où vient le projet et quels en sont les enjeux est indispensable pour continuer mon investigation. Car il s'agit pour moi maintenant de vérifier si le projet de la mini-entreprise est un projet qui a été adapté aux E2C.

Il est vrai que mes deux entretiens avec la CCI, puis EPA, m'ont permis d'avoir des indications précieuses quant à ma réflexion sur le projet. Mais, une question me vient à l'esprit : « pourquoi les stagiaires de L'E2C d'Epinal, où j'effectue mon stage, éprouvent-ils des difficultés quant à sa mise en oeuvre ? »

Tout en m'expliquant les objectifs pédagogiques et sociaux, le responsable de formation CCI me dit qu'il s'agit là, d'une pédagogie de projet.

CCI : « Ok, dans un premier temps, travailler sur la pédagogie de projet, travailler sur une action créative pour les stagiaires, développer toute leur créativité, Je parle des objectifs stagiaires, je ne parle pas des objectifs formateurs, donc, développement de l'autonomie, prise d'initiative, connaissance du fonctionnement d'une entreprise........... » (L23-26)

J'en déduis donc que ce discours ne reflète pas la réalité du terrain de la part du responsable, car mes observations et mon analyse sur ce thème montrent bien qu'il ne s'agit pas à mon sens d'une pédagogie de projet.

Dans un extrait tiré du livre de Jean Vassileff, « Histoire de vie », le magasine de science Humaine explique : « En pédagogie du projet à destination de publics en insertion, l'activité du formé est de travailler son projet : le rechercher, l'élaborer, le tester, acquérir les compétences qu'il requiert, le socialiser, le modifier... Ce projet lui appartient entièrement. Nul autre que lui ne peut le créer, ni le contester ou le remettre en cause ».30(*)

Effectivement, je constate que la mini-entreprise n'est pas en fonction du projet professionnel ou personnel des apprenants, mais plutôt en fonction d'une volonté institutionnelle désirant apprendre à des stagiaires la façon dont on crée une entreprise en préconisant comme outil pédagogique : « la pédagogie de projet ».

Les stagiaires éprouvent des difficultés à s'approprier ce projet, car les étapes du guide pédagogique ne leurs font pas sens. Ils ne font pas de rapprochement entre créer une entreprise et l'apprentissage ou encore leur projet professionnel et personnel. La formatrice elle-même considère que ce projet n'est pas adapté aux stagiaires.

La réponse précédée d'un blanc me donne le sentiment que la formatrice hésite à dire que ce projet est inadapté. Puis, elle confirme que sur le fond ce projet reste difficile pour les stagiaires. Mais elle déclare finalement, après réflexion, que ce projet sur le fond n'est pas adapté à l'E2C.

Formatrice : « Alors c'est vrai que sur le fond, si on répond réellement à la question, alors la question serait « non » puisque tel qu'il existe là, il n'est sans doute pas adapté à notre public ». (L 38-39)

Pour comprendre les difficultés que les apprenants éprouvent à travers ce projet, j'ai intégré dans cette partie un exemple qui permet de comprendre pourquoi c'est difficile pour les apprenants.

Il s'agit d'un bilan de fin de semaine que les apprenants remplissent. C'est une façon pour l'E2C d'avoir des retours sur chaque stagiaire, dont leur état d'esprit. On peut comprendre à travers ces documents que l'apprenant ne trouve pas sens à ce projet, car le décalage entre ce qu'il sait, ce qu'il est, ce qu'on lui demande de faire et d'être, montre bien qu'il n'y a probablement pas eu d'analyse sur les besoins et surtout les pré-requis de la part de l'institution pour les apprenants. L'idée de faire découvrir le monde de l'entreprise est certes intéressante, mais pour autant, il me semble que créer une entreprise et être chef d'entreprise ou directeur marketing est disproportionné par rapport aux pré-requis des stagiaires de l'E2C. Lorsque l'on parle de guide non adapté, c'est bien sûr des compétences que n'ont pas les stagiaires pour remplir les étapes demandées et ceci, que ce soit dans leur comportement, leur état d'esprit en général, la façon dont ils s'expriment à l'écriture ou à l'oral. Il ne s'agit pas de dénoncer ou de critiquer mais bel et bien de constater le décalage entre le prescrit et le réel.

Document:

On peut voir au travers de ce document les difficultés de l'apprenant, la façon dont il écrit et ce qu'il pense. Mais on peut aussi constater une difficulté à raisonner et à construire des phrases.

La responsable EPA me disait que la CCI était ambitieuse quant à ce projet pour ce type de public.

EPA : « Maintenant, je pense que la CCI a vu ou plutôt je trouve qu'ils sont très ambitieux, par rapport à ce projet. Il aurait été préférable de réfléchir et de voir les autres régions en France pour que ce type de projet soit plus euhhh, j'dirais en harmonie avec le public des E2C ». L 236-239

En effet, voici une des étapes du projet que l'on demande de réaliser aux apprenants :

Cette étape fait partie des sept autres, alors oui, je comprends désormais que ce projet n'a pas fait l'objet d'une analyse de la situation. (Voir page 35 analyse du projet)

La responsable EPA confirme les propos de la formatrice en les minimisant.

EPA : « Oui au départ, c'est vrai que c'est plus adapté aux collèges, aux lycéens et aux BTS ..................blanc. Aujourd'hui, on voit que sur les E2C ça marche, il faut juste adapter les paramètres, mais c'est vrai que ça demande des ajustements par rapport à la base qu'on a de départ » (L51-54)

Je comprends que la responsable EPA hésite, mais bon finalement elle ne trouve pas ça trop grave, car il suffit d'ajuster. Oui mais, ajuster quoi et comment ? Lorsque l'on regarde le niveau des stagiaires (voir contexteE2C page 18), il faudrait que les apprenants puissent acquérir des savoirs fondamentaux en français, en mathématiques, en informatique etc..., avant même de s'engager dans ce type de projet. Car, le guide tel qu'il est conçu à aujourd'hui, ne peut se passer de ces savoirs fondamentaux pour la mise en place de ce projet. De ce fait, il me paraît difficile d'ajuster quoi que ce soit dans ce guide sans même avoir fait au préalable une analyse de situation, non pas en fonction de l'E2C, mais en fonction des stagiaires qui désirent effectuer ce projet. C'est pourquoi, à aujourd'hui la formatrice me demande souvent de faire l'administratif à la place des apprenants, et dans ce cas, je constate que nous ne sommes plus dans une pédagogie de projet, ni même dans un projet pédagogique. Cela devient contre-productif et pour le coup, un non sens pour les apprenants, finalement ce n'est plus un projet au sens pédagogique du terme, me semble t-il.

La stagiaire DA (directrice administrative) confirme qu'elle trouve cela trop difficile.

DA: « Bof, ça va mais c'est difficile j' trouve ». (L6)

« Ouais mais on ne savait pas, enfin moi ch'savais pas que c'était aussi dur. Y a trop de papiers... » (L52)

Il suffit de regarder le document plus haut pour comprendre la stagiaire lorsqu'elle dit que c'est dur et qu'il y a trop de papiers. Je constate derrière son discours que la DA (directrice administrative) se pose des questions pour lesquelles l'institution n'a peut-être pas réellement réfléchie aux réponses. Elle a le sentiment de ne pas avoir compris, je ressens une culpabilité de sa part, elle semble gênée de la situation. Voici un autre exemple auquel l'apprenant doit faire face, sans aucune connaissance préalable.

Ce tableau comptable est à des années lumières de la réalité des apprenants. Alors oui, c'est très difficile pour eux de trouver un sens à ce projet et de se l'approprier.

La formatrice semble dire que le problème vient du fait que ce projet est trop difficile et n'est pas concret pour les apprenants.

Formatrice : « Ce qu'ils ne voient pas ou en tout cas c'qu'ils n'ont pas compris ou ce qu'ils perçoivent peut-être mal, parce que évidemment on leur a donné toutes les informations mais ils disent « oui » mais alors après quand ça arrive et qui faut faire, c'est autre chose... ». « ...c'est difficile pour eux car ce n'est pas du concret. Ils savent qu'il faut passer par là, que c'est une étape obligatoire de la mini, mais le faire c'est autre chose, ça fait appel pour eux quand même à quelque chose encore de très scolaire finalement, hein ! Et ça, ils ne veulent plus de ça ». L19-26

La question qui se pose est : « pourquoi les stagiaires n'ont pas compris ? » Suffit-il de donner des informations pour considérer que c'est une formation ? Lorsqu'elle dit que ce n'est pas concret pour eux, elle parle de l'administratif et des connaissances qu'il faut avoir pour les réaliser. Les stagiaires n'en perçoivent pas l'utilité, car ce sont des papiers à remplir, oui mais, qui leur montrent leur manque de connaissances et les difficultés qui ne peuvent pas résoudre. C'est du virtuel pour eux, me semble t-il.

Le responsable de formation de la CCI se dégage de toute responsabilité, car ce n'est pas lui qui a décidé de ce projet, c'est la présidence. Et pour le coup il m'explique que ce projet est scolaire :

CCI : « Pour moi c'est un projet qui a été monté par rapport à l'institution scolaire traditionnelle, puisque c'est un projet qui est destiné à des jeunes collégiens et des jeunes lycéens dans la mesure où nous, nous sommes sur des parcours de formation de sept mois en alternance avec d'autres contraintes que l'institution scolaire, oui il faut réadapter ! » (L88-91)

Certains stagiaires ont pris conscience que ce projet est difficile pour eux. C'est le cas du stagiaire PDG de la mini-entreprise, qui revendique au préalable une préparation pour ce type de projet.

PDG : « Et ben ouais, ça aurait été pas mal euhh franchement ça aurait vraiment été intéressant si par exemple à coté de la mini entreprise on avait des cours en parallèle pour euhh par exemple tout c'qui est par exemple gérer un budget euhh, par exemple en cours de maths avoir un cours par exemple qui nous permet de gérer un budget ou un en informatique, pour certaines personnes qu'ont des lacunes, justement pour combler les lacunes et voir si possible apprendre certaines choses par rapport à tout c'qui est «papiers » (L50-55) ».

Pour conclure cette première analyse, je constate que tous s'accordent à dire que ce projet n'est pas tout à fait adapté aux E2C. Or, la responsable EPA avait soulevé le problème à la direction CCI lors de leur rencontre, mais apparemment selon les dires de mon interlocutrice EPA, la CCI n'a pas voulu prendre en compte certains aspects du projet qui mettent en difficulté sa mise en oeuvre.

EPA : « Alors c'est vrai que j'ai fait des réunions d'informations avant le début de l'année, , pour les formateurs pour voir ce sur quoi on pouvait adapter. J'ai proposé en fonction des parcours des stagiaires, de faire un projet plus court, même si les stagiaires n'arrivent pas à concrétiser la vente des produits, l'idée était qu'ils aient une première approche concernant la création d'une entreprise. Ce qui m'a été dit, c'est que non..... Même si des stagiaires quittaient l'E2C, on en recruterait d'autres, donc euhhh, finalement on resterait sur les mêmes bases que le projet initial sans rien changer avec les difficultés que ça engendre. Que ça soit en termes de rentrées et de sorties des stagiaires, leurs difficultés personnelles etc » (L64-71)

De plus, la responsable EPA estime qu'il y a des choses à revoir dans le projet, mais que les formateurs n'ont pas été concertés pour réfléchir à ce projet.

EPA : « alors que c'est vrai, que bon, les formateurs, eux n'ont pas vraiment eu l'occasion de s'exprimer, voilà donc, la CCI, nous a demandé de mettre ce projet en place, et je le vois, c'est vrai ça créé un stress pas possible au niveau des formateurs. » L 241-243

Cette décision de la part de la CCI, pose un certain nombre de questions. « Les enjeux politiques sont-ils prioritaires à ceux des apprenants ? » « N'aurait-il pas fallu réfléchir plus longuement sur un tel projet ? » Comme le dit la responsable EPA, c'est avant tout un projet créé et adapté pour les Collèges, les Lycées et les BTS. Il ne s'agit pas de dire que les personnes de l'E2C ne sont pas capables d'entreprendre, mais faut-il pouvoir encore, leur en donner les moyens. Or, lors de notre discussion avec le responsable de formation concernant l'évaluation de ce type de projet, il m'indique que la priorité de l'institution est de faire du quantitatif plutôt que du qualitatif.

CCI : «...On arrive aujourd'hui à poser du quantitatif avec du résultat, du placement, maintenant les éléments qualitatifs, c'est peu travaillé, ce n'est pas dans notre culture, et ce n'est pas ce qui est attendu par des financeurs, ni par les institutions, en tout cas... » (L100-102)

C'est à partir de cette réflexion que je décide alors de m'intéresser aux apprenants et la façon dont ils se débrouillent avec ce projet imposé par la CCI, et ce, dans toutes les E2C de Lorraine. Pour ce faire, mon analyse sera de comprendre comment les apprenants mettent ce projet en place au sein de l'E2C et découvrir ce qu'ils en pensent. Quelles sont les difficultés rencontrées ? Cette étape me permettra d'enchaîner vers ce qui est pour moi l'essentiel d'un projet c'est-à-dire : « l'apprentissage », celui des apprenants à travers ce projet, et qui est le coeur de ma problématique.

Le poids de l'institution dans un tel projet peut-il mettre en danger l'apprentissage des apprenants ? Car je constate selon les dires du responsable CCI (voir plus haut) qu'il s'agit d'enjeux politico-institutionnels et le quantitatif l'emporte sur le qualitatif. En effet, il existe dans ce projet une obligation de résultats ; car un Concours faisant office d'évaluation d'une portée Européenne, Française et Régionale a été mis en place par, et pour les institutions ; et par conséquent, pour les apprenants. Or, ces derniers sont-ils suffisamment préparés pour les atteindre ?

9 La mise en oeuvre du projet et l'apprentissage au sein de l'E2C

9.1 Les difficultés de la mise en oeuvre du projet

Le projet de la mini-Entreprise provient donc d'une rencontre entre le MEDEF, EPA et la CCI. Séduit par ce concept cette dernière (CCI) la met en place au sein des E2C de Lorraine. L'objectif pour les acteurs du projet comme pour la formatrice, est de respecter le travail prescrit par l'institution c'est-à-dire les étapes. Or, il se trouve que la réalité est tout autre.

Travail prescrit ou travail réel « Travail réel : activité concrète mobilisée par un individu pour faire face aux impératifs de la tâche. C'est en quelque sorte le travail tel qu'il est, ou tel qui se réalise. A l'inverse du travail prescrit, il n'est pas écrit, formalisé, et ne se répète quasiment jamais à l'identique ».31(*)

L'organisation des séances de travail pour les apprenants comme pour la formatrice se fait en fonction des disponibilités de chacun. Il semblerait que l'alternance des stagiaires désorganise le projet et les apprenants ont du mal à raccrocher lorsqu'ils rentrent de stage. De plus, ils éprouvent des difficultés à gérer le projet dans le temps et la masse administrative reste très difficile pour eux. Je décide donc d'interroger les stagiaires de la mini-entreprise, la formatrice et les institutions pour essayer de comprendre les difficultés rencontrées pour la mise en oeuvre du projet. Le PDG me dit que l'alternance les coupe dans leurs élans.

PDG : « et ben le problème c'est que on a avec notre système de stage, une fois qu'on est bien lancés, on est coupé par le stage, c'est que on est obligé de revenir pendant les semaines de stages, et ben là, j'vois euhh par exemple aujourd'hui on est pendant la période de stage et on est venu euhh mais euhhh, le problème c'est qu'un projet collectif euhhh et ben on est quand même désavantagé par rapport, parce que le projet, le concours, présentent aussi des écoles, les collèges les lycées, et eux le truc c'est qui n'ont pas de stage à effectuer, donc nous euhh on a une période de trois semaines de stage après deux semaines de centre, ou quoi q'ce soit, donc c'est gros travail fourni sur une assez courte période, c'qui peut mettre la pression quand même ». L 102-110

Le PDG remet en question le travail prescrit de ce projet au sein de l'E2C. De plus, il le compare avec les collèges et les lycées et il estime que les E2C ne sont pas avantagés par rapport à eux et au concours qui aura lieu. Cela crée une pression supplémentaire pour l'organisation du projet. Le concours est omniprésent dans les esprits. J'observe une tension palpable de sa part.

Tandis que la directrice administrative me dit également que la mise en place du projet est difficile, pour cause, les stagiaires n'arrivent pas à se mettre d'accord. Le réel prend le dessus.

DA : « C'est dur et en plus, et ben déjà faudrait que tout le monde soit d'accord, y en à qui peuvent pas venir ou c'est comme quand on avait dit de se voir le mercredi après midi, y en a et ben : non moi j'ai si, j'ai ça, je peux pas venir, donc euhhh comment voulez-vous faire ? Si tout le monde ne met pas du sien on peut pas y arriver. On le voit bien là, on gros c'est chacun pour soit........................Blanc. En plus on aura, enfin y faut aller vite, y a le concours euhh, enfin moi j'm'en fous j'y s'rais pas ». L56-60

La responsable EPA admet qu'il fallait prendre en compte les spécificités du fonctionnement des E2C  et l'avait proposé dès le départ à la CCI, qui n'a pas voulu changer le dispositif.

EPA : « ...il faut prendre en compte les entrées et les sorties, un public particulier, avec un emploi du temps particulier, ce n'est pas comme un lycéen qui est là tous les jours de l'année ». L 56-58

La directrice administrative (DA) que j'ai interviewé me tient le même discours, elle a le sentiment que le projet stagne et qu'il est difficile de s'organiser entre les stages, les cours et le projet. Cela donne du travail en plus.

DA : « .... En plus ça fait 2 à 3 semaines qu'on a rien fait, chacun pense que ça suit pas en fait. En plus, on a les stages, les cours, en fait ça fait un truc en plus, la mini ». L 15-16

9.2 Le projet reste trop scolaire et prend trop de temps sur le parcours du stagiaire

Lorsque j'ai interrogé le responsable de la CCI, celui-ci semble parfaitement conscient des soucis d'organisation, tant pour les stagiaires que pour la formatrice. Il met en avant que ce projet est lourd et prend du temps à la formatrice et sur le parcours du stagiaire.

CCI : « il y a la mise en oeuvre, il faut pouvoir, articuler ce projet là, avec le dispositif, c'est-à-dire dans le parcours de formation du stagiaire, mais cela pose des problèmes en termes de timing, parce que, parce que, euhhh, c'est un projet qui prend énormément de temps, énormément de temps sur les heures du stagiaire, ça prend énormément de temps pour le formateur référent ». L 66-70

En effet, le temps est compté selon le responsable de la CCI, mais il me semble que le responsable éprouve des difficultés à parler du temps et de la mise en oeuvre, car aucune analyse de ce projet n'a été réalisée au préalable.

Tandis que la formatrice m'explique que ce qui pollue l'organisation et la mise en oeuvre du projet, c'est encore une fois toute la masse administrative car ce n'est pas concret pour les stagiaires de l'E2C, elle dénonce le fait que les stagiaires ne veulent plus faire comme à l'école.

Formatrice : « ...La masse administrative, par exemple, c'est difficile pour eux car ce n'est pas du concret. Ils savent qu'il faut passer par là, que c'est une étape obligatoire de la mini, mais le faire c'est autre chose, ça fait appel pour eux quand même à quelque chose encore de très scolaire finalement, hein ! Et ça, ils ne veulent plus de ça. Ils veulent tout de suite être dans le concret donc toutes ces phases administratives qui sont indispensables mais qui sont longues, elles sont difficiles à faire pour eux » L22-28

Finalement tous les stagiaires le disent : « c'est trop long et pas concret ». Ils considèrent l'administratif comme un poids et non concret dans ce projet. Ils voudraient passer directement à la fabrication du produit.

DA : « euhhh ben c'est pas comme quand on, enfin tant qui y a pas, tant quand fait pas le produit, c'est pas concret pour moi et aussi pour les autres enfin ouais c'est s'qu'on s'dit tous parce que euhh, beaucoup de monde le dit. C'est trop long, faut vraiment y croire, c'est ça l'truc. En plus le truc c'est que on gère pas vraiment euhhh de toute façon on peut pas sinon on se casse la binette ». L51-54

Le PDG dénonce également cette charge de travail qu'est l'administratif. Néanmoins il considère que pour lui ce n'est pas trop grave car il n'a pas beaucoup de papiers à faire. Or, c'est tout simplement qu'il ne lit pas vraiment les étapes et se repose sur les formateurs. A chaque fois que je lui demande s'il a fait le point sur ces étapes il me dit « non » mais qu'il allait le faire.

PDG : « C'est le papier, c'est la paperasse j'crois c'est pour n'importe quelle entreprise j'crois que c'est les papiers. Moi ch'sais qu'en tant que PDG dans la mini-entreprise j'ai pas tellement de papier à effectuer, mais j'vois par exemple le service administratif, que c'est vachement important quoi. Quand je vois le travail qui donne quoi ». L39-42

En même temps, la formatrice m'explique que les stagiaires de l'E2C ne sont pas comme des élèves en classe et qu'ils n'ont pas les mêmes rythmes et les mêmes méthodes de travail. Et cela représente un frein pour la mise en oeuvre.

Formatrice : « j'pense que ils n'y mettent pas l'investissement que quelqu'un qui est déjà dans un processus scolaire, qui est déjà dans un dispositif d'apprentissage quotidien, ils ont déjà des méthodes de travail, des habitudes de travail, des habitudes d'être dans des cours de 8h du matin à 18h, ces choses-là, nous, on les a pas ici, nos jeunes ici ne les ont pas. C'est aussi pour ça qu'ils sont là d'ailleurs et, ça pour eux c'est difficile ». L28-33

Puis elle pense que les stagiaires ne se sont pas approprié le projet, car ils n'ont pas compris.

Formatrice : «  alors moi je pense qu'ils ne se sont pas appropriés du tout le projet comme ça. Je pense que y eu donc la réunion d'informations qu'on leur a donné ici et les informations que j'ai eu moi, en amont, par le réseau sur la mini-entreprise. Y a eu ensuite la réunion avec la responsable qui fait partie « d'entreprendre pour apprendre » qui est venue expliquer réellement le fonctionnement de la mini, tous les enjeux etc aux jeunes et ensuite, c'est seulement à partir de ce moment-là qu'on a démarré la mini. Je ne suis pas certaine qu'ils se sont réellement appropriés le projet à proprement dit, je veux dire, l'histoire des étapes ils l'ont découverte au fur et à mesure du déroulement de la mini. Ils n'ont pas compris au moment où on leur a expliqué la mini, je pense, ils n'ont pas compris ça ».L43-51

La responsable EPA considère que les difficultés se retrouvent également dans les zones prioritaires, mais finalement elle reconnait que ce n'est pas la même approche avec les E2C

EPA : « On le retrouve, mais dans une moindre mesure, c'est vrai que cela se retrouve dans les zones prioritaires où les élèves sont à la limite du décrochage, mais,.........blanc, c'est vrai qu'ils ont, euhhh, entre parenthèse, la chance d'avoir toute l'année pour réaliser ce projet, tandis que les E2C, avec le système d'entrée et de sortie permanente, leur stage en entreprise qui dure 3 semaines, euhhh, c'est pas euhhh, comment dire, c'est pas la même approche. En fait, on ne peut pas vraiment comparer ».L114-119

Je comprends désormais cet état de stress que j'ai ressenti lorsque j'ai rencontré la formatrice pour la première fois. Les étapes obligatoires du projet, me semble-t-il, relèvent plus du « déclaratif » que du « procédural » et ne conviennent pas aux stagiaires de l'E2C qui veulent du concret. Or, sans connaissance déclarative, le projet ne peut pas se faire. De plus, on voit bien que la formatrice s'inquiète de la mise en oeuvre du projet, elle observe ces jeunes se « dépatouiller » comme ils peuvent avec leurs stages, les cours et les étapes du projet qui finalement perturbent tout le monde. Ils veulent du concret tout de suite. La formatrice se trouve coincée entre l'institution qui lui demande de porter le projet au bout, et les apprenants qui finalement ont des difficultés à mettre en oeuvre la mini-entreprise. Je constate que les stages en entreprise, les cours, le projet mettent les apprenants en surcharge cognitive et la formatrice dans une angoisse permanente. Alors, il est difficile pour elle de ne pas faire à la place des apprenants. Car elle n'a rien demandée. C'est pour elle « du travail en plus » me dit-elle.

Formatrice : « Donc ça pose des difficultés de gestion de planning, c'est autant de temps passée là que l'on ne passe pas ailleurs, hein. Le travail de formateur, c'est un travail où l'on nous demande déjà beaucoup de choses, beaucoup de choses, et on a déjà du mal à faire toutes ces choses là dans notre temps impartie Alors euhh quelque chose qui prend autant de temps. Qui n'est certainement pas le cas dans un collège ou un lycée hein. A mon avis, les mini entrepreneurs sont beaucoup plus autonomes, parce qu'ils ne sont pas dans le même mode de fonctionnement ». L291-298

Le responsable de la CCI se rend bien compte que les difficultés sont énormes. Avant de parler d'apprentissage, il y a un travail d'adaptation au projet me dit-il.

CCI : « le fait qu'on soit contraint sur une démarche pédagogique qui soit très ficelée, ça nécessite de s'adapter d'abord à la méthodo proposée, ensuite de la réadapter, donc, il y a tout un travail par rapport à ça, et ensuite de la mettre en oeuvre c'est aussi un gros boulot pour le formateur ». L73-76

Sauf que la formatrice ne peut pas tout faire comme elle le dit plus haut. J'ai l'impression que le projet ressemble à une « patate chaude ». Chacun donne sa vision et chacun doit se débrouiller avec. De plus, la responsable EPA pense, outre que l'alternance pose problème dans la mise en oeuvre du projet, mais que les stagiaires ont également des problèmes d'égo et donc l'organisation s'en fait ressentir :

EPA : « Moi ce que j'ai pu voir dans les autres E2C, c'est qu'il y a un gros problème d'égo de la part de certains stagiaires. Quand l'un propose une idée et que l'autre n'est pas d'accord, euhhh, et ben voilà, euhh le stagiaire dit j'arrête le projet, euhh, ils le sentent à chaque fois comme une agression, le fait que les autres ne valident pas, ça crée des conflits entre eux. Voilà, euhh il y a vraiment une crainte de la part de certains de se faire rejeter par le groupe, alors certains préfèrent quitter avant de se faire rejeter par le groupe. Et donc j'ai des groupes comme ça, qui se sont amenuisés comme une peau de chagrin à une vitesse grand V. Un autre groupe, par exemple, s'est complètement dissous, parce qu'une partie du groupe voulait imposer une idée de produit, du coup le reste du groupe a abandonné le projet. J'avais beau leur dire qu'il ne fallait pas prendre cela comme une agression, mais rien n'y faisait, mais voilà, ils le vivent comme une agression personnelle et c'est vrai qu'il y a beaucoup de paramètres comme ça qu'il faut gérer »L88-99

Ces remarques montrent bien finalement que ce projet n'a pas été réfléchi, c'est un projet dans la théorie, mais pas dans la pratique, en ce qui concerne les E2C. Il est difficile pour les apprenants, et ce dans ces conditions, de mettre le projet en oeuvre et de se l'approprier. Les obstacles que sont les stages en entreprise, les cours au Centre et le projet trop lourd à gérer, font que ce projet est un calvaire pour chacun d'entre eux. Certes, ils se sont portés volontaires pour ce projet mais il ne provient pas d'un besoin32(*) identifié « Le projet lui-même est le résultat d'un besoin, d'un désir, c'est-à-dire d'un intérêt mais aussi d'une confiance en soi et dans les autres », ils n'ont pas mesuré l'investissement qu'ils allaient devoir faire. Ils ont pris cela comme une activité de plus, et non pas comme un réel apprentissage. Or, l'institution n'a pas tenu compte des conditions dans lesquelles les apprenants pouvaient réaliser ce projet. Pourtant, elle en était consciente, car l'E2C a un fonctionnement très réglé avec des objectifs quantifiés et temporels pour le parcours des stagiaires, et qui ne laisse pas beaucoup de place pour un projet de ce type. (Voir contexte). De plus, le fait que la masse administrative, qui plus est, est compliquée pour les stagiaires, pollue le projet, montre également que l'institution n'a pas tenu compte des pré-requis. Face à ces difficultés, je ressens une démotivation de la part des stagiaires. A partir de ces entretiens, je me demande, comment les apprenants peuvent apprendre ? Et qu'apprennent-ils vraiment ? Quels sens donnent-ils à ce projet qui se veut comme une situation de travail formatrice? Dans l'ouvrage : « Pédagogie de l'alternance »33(*) les auteurs nous disent à propos du sens : « qu'il y a trois conditions majeures à l'attribution du sens »: 

« Voir le résultat de son action comme contribution à la procédure globale »

« Etre reconnu comme appartenant à l'entreprise (au projet)

« L'intérêt intrinsèque du travail »

9.3 L'apprentissage des apprenants 

Alors que l'institution confirme que le projet, dans son contenu, n'est pas vraiment adapté aux stagiaires de l'E2C, que l'alternance pose de réels soucis d'organisation pour l'école et pour les stagiaires, du coup, la mise en oeuvre du projet se fait dans un état d'urgence permanente. A ce stade, je me pose la question essentielle de mon étude : « Le projet collectif de la « mini-

-- entreprise » au sein de l'E2C répond t-il aux attentes, en terme d'apprentissage, pour ce type de public ? »

Les objectifs d'apprentissage de la CCI en terme d'apprentissage sont tout d'abord de travailler sur une pédagogie de projet, or nous l'avons vu, ce projet n'est pas, me semble t-il une pédagogie de projet ni un projet pédagogique. Mais l'objectif pédagogique visé par l'institution est de développer chez les stagiaires, leur coté créatif, leur autonomie, la prise d'initiative et connaître le fonctionnement de l'entreprise. Les savoirs être et faire sont le coeur de ce projet en terme d'apprentissage. Or, la formatrice me dit lors de notre entretien qu'il faut de solides connaissances pour réaliser ce projet.

« Si l'apprentissage est un processus personnel, on admet aujourd'hui qu'il doit être soutenu par un formateur qui facilite les acquisitions et assure la médiation entre le savoir scientifique et le savoir construit par l'apprenant ».34(*)

La formatrice me dit que l'apprentissage n'est pas le même que celui des collèges ou des lycées

Formatrice : « Après,......qu'est-ce qu'on entend derrière apprentissage. L'apprentissage chez nous à l'E2C et ben ce n'est pas le même que celui du collège d'à côté ou de lycée, hein. Moi, je n'entends pas l'apprentissage la même manière, ici, on leur apprend pas les mêmes choses. On travaille beaucoup les savoirs être, on travaille aussi, je vais dire, les sur de la remise à niveau, les acquis on essaie de compléter les acquis scolaires mais au bout du compte le plus gros boulot, c'est quand même l'insertion sociale et donc c'est les savoirs être. Je pense que ça apporte quand même, en même temps, ça apporte aussi ben là, le respect de la hiérarchie par rapport au fonctionnement de l'entreprise, qu'ils comprennent bien que tous les postes sont clés.... ».L142-150

a) Les contradictions relevées chez les uns et les autres.

Formatrice : « Et après, il y a toute la partie administrative, apprentissage qui nécessite des connaissances de base quand même assez solides, beaucoup d'autonomie. Ca c'est des choses que la plupart de nos jeunes n'ont pas hein !, donc le projet de « ....la mini- en lui-même, monter la mini, faire une entreprise » L13-17

Il semblerait que le projet développe, malgré le fait qu'il ne soit pas adapté, le savoir être chez les stagiaires du point de vue de la formatrice ».

Formatrice : « l'apprentissage il est plus au niveau des « savoir être » parce que ça va être construire quelque chose en groupe, tenir compte de l'avis des autres, sans se fâcher, sans critiquer, avoir un regard toujours positif, entendre les autres, statuer, prendre une décision, commune, aller dans le même sens, tous, trouver, trouver un juste milieu, faire des compromis» L109-113

Or, j'observe que la communication entre la formatrice et les apprenants reste difficile car le PDG me dit que certains se sentent « largués ».

PDG : « Et ben XXX elles se sentent larguées.... parce qu'ils s'demandent s'qui font, bien qu'au début ils étaient motivés ou quoi q'ce soit, le fait qui en aient beaucoup, euhhh vu qui en a qui avancent euhh par exemple on est tous dans le même wagon mais le problème c'est qui y en a euhhh, qui changent de wagon qui accélèrent les choses et y en a qui sont encore à l'arrière qui s'disent euhh on est largués euhhh pour nous euhhh qu'est c'qu'on fait là euhh ou quoi q'ce soit. Alors que bien au contraire euhhh on a toujours besoins d'eux euhhh ». L80-85

EPA pensent également que l'apprentissage dans ce projet est plus axé sur le savoir être. Mais ce sont « ses » attentes.

EPA : « Mes attentes pour ce projet, alors c'est de leur apporter des valeurs qu'ils n'ont pas, ou qu'ils n'ont plus, voilà, de leur redonner confiance en eux, euhhh qu'ils prennent un minimum d'initiatives, de les valoriser un maximum, donc on est plus, dans le savoir être que dans le savoir faire, concernant ce public » L78-81

Mais lorsque je pose la question aux stagiaires, ces derniers sont en désaccord, ils n'arrivent pas à s'entendre. Les attentes des institutions ne sont pas les attentes des stagiaires, me semble t-il.

DA : « Parce que là euhh au début c'était euhh, on été tous ensemble après chacun on avait notre truc à faire et après c'était plus du euhh ouais euhh comme par exemple, j'avais tous les trucs à faire euhh par exemple mon assistante me disait ouais toi ta tous les trucs à faire moi je suis là pour rien, les trucs comme ça en fait. En fait chacun fait ses trucs et puis après ça c'est dégradé et puis les assistants ne servaient plus à rien en fait ». L8-13

Il y a derrière ce discours une réalité propre à chacun des apprenants. En effet, lors des séances, j'ai pu observer que des clans se faisaient selon les humeurs de chacun et les rancoeurs des autres. Exemple : Un jour nous étions en séance pour faire le point sur les étapes à accomplir, soudain, une rixe éclata entre trois mini-entrepreneurs. Il s'agissait de remboursement d'essence. Le conducteur avait fait crédit à une stagiaire qui n'avait pas encore selon ses dires reçue son salaire que lui attribue le conseil régional, or il semblait que cette stagiaire mentait, car l'une d'entre elle l'avait rencontrée en ville avec des sacs remplis d'achats et l'avait rapporté au conducteur à qui elle devait de l'argent. Pour le coup, cette situation a provoqué le chaos dans la salle et plus personne ne voulait travailler. Chacun prenait la défense de l'autre, puis cela a dégénéré par des insultes entre eux. La formatrice cria plus fort que les stagiaires pour finalement les calmer, mais le mal était fait. A la pause, certains ne voulaient plus travailler avec un tel ou un tel. Ils disaient que de toute façon, ils y en avaient dans ce projet qui ne « servait à rien ». Ceci est une des anecdotes parmi tant d'autres. Je tiens à préciser que l'ambiance dans ce projet était constamment sur le fil du rasoir. Autant les stagiaires rigolaient entre eux, autant deux minutes plus tard, ils étaient prêts à « se taper » dessus. Il régnait une instabilité permanente entre les stagiaires que l'on peut effectivement et en partie expliquer par l'effet du projet non analysé.

Finalement la DA me dit que beaucoup de stagiaires sont découragés et que certains ne pensent qu'à partir à Paris au concours :

DA : « Et puis c'est qui en a beaucoup qui sont découragés parce que on n'est pas beaucoup qui travaille en fait, on n'est pas tous dans l'même truc. Par exemple, euhh ben, ils n'ont pas la même envie chacun euhh, enfin chacun fait un peu comme il veut. Y en a qui pensent qu'à partir à Paris et en fait euhh y en a beaucoup pour eux c'est une obligation. À force ça démotive quoi...................................Blanc » L40-44

Je comprends que derrière ce discours se cache une sorte de détresse et d'incompréhension pour cette stagiaire qui finalement abandonnera le projet pour des raisons médicales.

Je relève des contradictions permanentes chez la formatrice notamment sur les objectifs :

Formatrice : « Leur objectif, c'est mener leur projet à terme, c'est voir ce qu'ils vont pouvoir fabriquer et sans doute aller au salon régional, déjà, hein ». L119-120

Et tout de suite derrière elle me dit le contraire.

« Je ne suis pas intimement persuadée que c'est ça, que le salon soit l'objectif principal, je pense que pour eux vraiment l'objectif, c'est pouvoir mener ce projet à terme ». L120-123

Dans l'ouvrage du « formateur d'adultes »35(*) les auteurs nous rappellent que : « l'essentiel pour apprendre, n'est pas le produit final de l'activité mais le processus mis en oeuvre pour y parvenir ».

Je dois dire que c'est assez déstabilisant pour moi. J'ai du mal à suivre son raisonnement qui est sans doute dû à un stress et à un manque d'assurance pour ce projet. J'ai ce sentiment fort qu'elle a pris le rôle de chef de groupe dans le projet et veut à tout prix emmener ses stagiaires au bout de ce projet. Elle voudrait qu'ils fassent par eux mêmes, mais d'un autre coté, elle pense, outre le fait que ce projet ne soit pas adapté et ce dans tous les sens du terme, que les apprenants ne sont pas sûrs d'eux :

Formatrice : « parce qu'ils sont frileux quand même, c'est des jeunes qui n'ont pas confiance en eux, ils ne sont pas certains que leur produit euh et que leur manière de travailler va faire la différence hein avec un autre groupe. Ils en sont pas sûrs ça. Par contre, ils sont certainement sûrs de pouvoir mener ce projet à terme. Et pour eux, ça sera déjà une très grande réussite, c'est pour ça que je parle plutôt en « savoir être » L122-126

Mais, la formatrice pense que les apprenants sont sûrs d'emmener le projet à terme or, je remarque lorsque je suis en stage que les apprenants ne se sont pas appropriés le projet, ils sont démotivé et non soudés.

b) Ce que les stagiaires me disent en entretien sur leur apprentissage dans ce projet.

PDG : « Franchement, ben oui le fait d'avoir un projet comme la mini-entreprise ça permet, comme je l'avais déjà expliqué pour l'assemblée générale, ça permet de prendre conscience le fonctionnement d'une entreprise, voir comment se déroule une mini-entreprise, comment on établi un produit, comment on le revend, on s'imagine pas tout le travail qui a à faire quoi. Et euhh, ça permet aussi euh prendre euh enfin nous en tant que stagiaire d'avoir certaines responsabilités, surtout pour les personnes qui ont peu confiance en eux, ou qu'on pas eu de poste à responsabilité, de prendre conscience que en gros euhhh chaque personne est importante dans l'entreprise quoi ». L10-17

Oui mais, lorsqu'il parle de l'assemblée Générale, il oublie de dire que c'est la formatrice qui l'a préparée à sa place. Il a tendance à ne pas vraiment s'intéresser à l'administratif. Il considère que ce n'est pas vraiment son travail. Car il est PDG de la mini-entreprise et occulte tout naturellement ce qui ne l'intéresse pas ou ce qu'il ne peut pas faire.

La directrice administrative (D.A) me dit qu'elle apprend des « trucs » mais éprouve d'énormes difficultés à me les communiquer :

DA : « Et ben j'ai appris des trucs en informatique, des trucs que je savais pas faire et ben comment fonctionne une entreprise euhhh blanc » L19-20 « ........  et ben par exemples des trucs comme qu'on j'dois enregistrer des dossiers, euhhh par exemple des trucs sur la clé USB......... » L22-23

Puis elle me dit que finalement ça ne sert à rien et ne comprend pas vraiment à quoi ça sert tous ces papiers, elle ne trouve pas de sens à tout ça:

DA : « Des papiers en fait qui, en fait qui servent à rien enfin qui servent quand même mais euhhh............... Des trucs pour la mini. Mais bon j'aime bien mais des fois c'est chiant, on comprend pas vraiment pourquoi y a tout ça. Enfin si, on sait qu'on est obligé de faire ça pour comme quand on fait une entreprise. Blanc...................... » L23-26

Mais là aussi, je relève une contradiction lorsque je lui demande ce qu'elle aime dans le projet 

DA : « J'aime bien euhh c'est comme quand on est directrice de l'administrative, on voit un peu de tout, c'est pas comme quand on fait un seul truc euhh, et ben comme Aurore tout c'qui est technique. Sinon euhhh.....................Blanc, ch'sais pas quoi dire de plus ». L34-36

J'ai le sentiment que les stagiaires n'osent pas tout me dire car ils se sentent enregistrés et ne sont vraiment pas à l'aise. Mais de temps en temps, lorsqu'ils oublient l'appareil qui enregistre notre interview, ils se lâchent et disent ce qu'ils ont sur le coeur. La directrice administrative m'avoue la démotivation de certains.

DA : «  Et ben euhh c'est pas euhh y a pas d'entrain ouais euhh on a l'impression que ... Ouais c'est pas concret, ça n'avance pas euhhh en fait c'est du boulot en plus. Y en a pour qui c'est une corvée euhh j'vous dis ça clairement ».L46-48

La responsable EPA me dit que finalement ils vont acquérir des savoirs faire même s'ils ne vont pas jusqu'au bout. Alors que les apprenants eux, éprouvent des difficultés dans la gestion et revendiquent un apprentissage au préalable.

EPA : « Même si le savoir faire finalement, ils vont en acquérir, parce qu'une étude de marché, même s'ils ne vont pas jusqu'au bout, ils auront quand même appris quelque chose. C'est pareil gérer un budget, gérer ses comptes, alors c'est vrai qu'ils n'auront peut-être pas acquis l'ensemble des savoir faire proposés ». L81-85

Oui mais :

PDG : « ...Et ben ouais, ça aurait été pas mal euhh ».......... « Si par exemple à coté de la mini entreprise on avait des cours en parallèle pour euhh par exemple tous c'qui est par exemple gérer un budget » ................. « j'vois par exemple pour la euhh enfin tout c'qui a un rapport avec la finance par exemple »..............., « il aurait fallu un apprentissage à coté et elles l'auraient su quoi ». L50-63

Tandis que la responsable EPA me dit que l'objectif est également l'occasion dans ce projet de tester un métier.

EPA : « l'objectif aussi que j'explique et sur lequel on travaille beaucoup avec les troisièmes et qui fonctionne bien aussi sur les E2C, j'trouve que c'est un moyen de se tester pour eux sur un métier, on croit souvent quand on est jeune avoir des qualités ou des affinités pour le coté financier ou le coté commercial et puis via la mini, on se rend compte finalement que le commerce ça demande d'aller vers les autres et que ça peut être effrayant pour certaines personnes qui l'on choisi dans la mini. Alors je leur explique aussi en début d'année lorsque j'interviens, voilà, n'hésitez pas à vous positionner sur un métier, soit sur lequel vous avez vraiment envie d'y aller pour valider votre choix, ou soit sur lequel vous n'auriez jamais pensé à y aller, et sur lequel vous allez découvrir de nouvelles choses ».L141-160

Oui, l'idée serait intéressante mais dans le cadre de l'E2C, les apprenants n'ont pas à aujourd'hui un projet professionnel orienté vers la finance ou encore vers un poste de direction. Il me semble qu'elle tient un discours en rapport avec les collèges et les lycées.

Mes interviews montrent bien depuis le début qu'il y a un fossé entre le prescrit et le réel. Le projet parle « d'apprendre en faisant » pour les apprenants, mais en aucun cas parle des besoins des apprenants. Cette contradiction permanente est difficile pour moi. Car, je suis sur le terrain, et j'observe ce que veut la formatrice et ce que désirent les stagiaires. D'ailleurs, désirent-ils quelque chose ? Je dois en permanence m'adapter aux uns et aux autres. Il n'y a pas de cohérence dans ce projet mis à part le fait que l'objectif est d'aller au bout. A ce propos je pose la question aux stagiaires sur leurs objectifs concernant le projet.

c) Les objectifs des stagiaires

Lorsque je demande à la directrice administrative de me dire ce qu'elle changerait dans le projet, elle semble déjà ailleurs, car effectivement elle est enceinte et n'est plus dans « le jeu » du projet institué, mais dans la réalité, la sienne...

DA : « Et ben de toute façon on est obligé de faire les papiers avant, c'est ça que j'trouve enfin c'est difficile parce que c'est pas concret. En plus ça sert à rien si on regarde au fond, c'est comme qu'on veut nous faire croire que et ben euhh on pourra faire une entreprise tout seul, c'est pas possible y faut des sous, j'ai déjà du mal pour faire manger, pour mes enfants et puis même, maintenant j'ai plus de voiture, et la banque m'a refusé le crédit pour m'en acheter une autre. C'est pas pour demain que j'vais faire une entreprise (rire). Moi j'men suis toujours sortie toute seule mais bon euhh, j'préfaire quand même travailler pour quelqu'un. Bon maintenant c'est plus pareil, j'suis enceinte, il faut que je pense aux enfants ». L62-69

Elle préfère travailler pour quelqu'un et considère que l'E2C veut leur faire croire à quelque chose, qui finalement ne l'intéresse pas le moins du monde. Ses objectifs sont de s'en sortir toute seule comme elle a l'habitude.

Tandis que pour le PDG lui, se sent en compétition dans ce projet :

PDG : « Et ben moi le truc c'est qu'j'ai déjà un esprit de compétition, donc moi si euhh y a un truc à faire euhh j'ai toujours voulu être le meilleur dans c'que j'voulais faire, mais après ch'sais que dans le groupe enfin en général, c'est plus l'ambition d'aller euhhh de se présenter au concours et d'aller à Paris quoi ». L 75-78

Il me dit que finalement le concours intéresse plus les autres que lui. Or, à l'approche du concours Régional, et après ne plus avoir donné de nouvelles pendant presque deux semaines, il est réapparu se proclamant comme PDG. Les produits étaient fabriqués par les trois stagiaires qui étaient encore là, et devaient être vendus sur le marché d'Epinal. Pour le coup, le PDG a eu l'idée de faire valoir son rôle auprès de « ses employés ». Encore une fois, c'est lui qui devait organiser l'action commerciale avec le directeur commercial. Mais, les deux compères n'étant pas présents, c'est la formatrice qui organisa cette action commerciale. Finalement, partir à Paris serait une récompense pour lui :

PDG : « Et ben si demain on est sélectionné pour le salon c'est une certaines reconnaissance du travail qu'on a fourni euhh quand même. Parce que c'est quand même euhhh on a pas euhh, c'est vrais que quand on est simple consommateur on s'imagine pas justement c'que les entreprises fournissent comme travail, quoi. Et le fait d'euhhh, si on est sélectionnés justement au concours régional voire même à Paris, ça s'rait quand même une certaine reconnaissance pour le travail qu'on a effectués quoi ». L87-92

d) L'autonomie

Le terme d'autonomie provient de « auto-nomos = (se donner) soi-même ses lois ». Selon Alain Rieunier : « Si un individu doit apprendre à sauter, c'est lui qui doit sauter, pas son entraîneur »36(*)

Développer l'autonomie chez les stagiaires est sans doute l'un des points le plus important dans le projet pour l'institution. Or, lorsque je demande à la formatrice jusqu'où peut-on laisser les stagiaires dans leur autonomie d'apprentissage concernant ce projet ? Elle me donne une réponse qui me semble être à l'inverse de ce que le projet doit leur apprendre. Mais encore une fois, elle est dans les étapes, et considère qu'on ne peut pas les laisser en autonomie. Le formateur qui veut développer l'autonomie des stagiaires doit, à mon sens, susciter le questionnement qui est le moteur même de l'autonomie. Un stagiaire autonome est un stagiaire qui se pose et pose des questions à son entourage. Le formateur doit se préoccuper des intérêts des stagiaires.

Formatrice : « : Justement, je pense que ça sa pose problème dans la mini, telle qu'elle est faite aujourd'hui, par rapport à notre public hein, c'est que l'autonomie, ils l'on pour ainsi dire pas ! Ou en tout cas dans un temps très limité.... » L245-247

« ...Alors on peut décider de tout laisser faire en autonomie, sauf que là, on risque de griller les étapes hein ! Ne pas faire tout ce qui est demandé, et à ce moment là quand on va présenter la mini au salon régional... » L254-256

« ...Donc la c'est ce en quoi précisément, la mini n'est pas adaptée au public, c'est que nous nos jeunes, il faut qu'on soit derrière, ils ne sont pas à l'E2C pour rien, ils sont justement à l'E2C, parce que il y besoin pour ces jeunes là, qui est quelqu'un derrière eux, qui les accompagnent, et ça pour tout. Hein. Je dirais qu'à ce moment là, il faudrait démarrer la mini quand les jeunes sont en fin de parcours et que tous est acquis en amont, ce qui est inconcevable et infaisable ». L260-265

La directrice administrative me dit que ce qui est difficile, c'est d'être en autonomie :

DA : « Et ben des fois quand on nous laisse en autonomie euhh et quand on nous dit fais ça, fais ça euuhhh mais des fois on n'est pas censés savoir c'qui faut faire enfin parce que euhh ben ch'sais pas ». L38-39

Le PDG lui considère finalement qu'il apprend une certaine autonomie, même si les formateurs interviennent pour ce qu'il appelle « mettre un grain de sel »

PDG : « Ouè on a quand même une certaine autonomie et euh, enfin même si par la fois certains formateur mettent leur grain de sel ou quoi que ce soit dans notre euhh, dans notre projet on a quand même une certaine autonomie quoi, c'est pas le formateur qui décide justement de s'qu'on va faire et comment faut faire ainsi de suite. Ces qu'on à les démarche à effectuer et c'est à nous, enfin c'est, enfin c'est à nous, enfin on a le gros plan et c'est à nous de finaliser le tout en fait. C'est vraiment euhhh une certaine autonomie la dessus »L26-31

Pour conclure cette partie, je dirais que les objectifs d'apprentissage prescrits par l'institution pour ce projet ne sont pas en accord avec la réalité du terrain. La formatrice subit une pression pour atteindre l'objectif principal, celui d'aller au bout du projet. Les stagiaires eux, suivent sans vraiment comprendre ce qu'ils doivent faire. Le concours est une sorte de terre promise qui validera l'apprentissage des apprenants aux yeux de l'institution. Or, les étapes sont faites le plus souvent à « l'arrache » par la formatrice et moi-même. Par conséquent, il est impossible pour les apprenants de s'approprier ce projet car ils dépendent du formateur et dans ce cas, ils ne peuvent pas apprendre l'autonomie.

10 Les rôles et les statuts dans le projet de la mini-entreprise

10.1 Le rôle du formateur

Le rôle du formateur dans le cadre d'une pédagogie de projet doit permettre au stagiaire d'aller au bout de ses erreurs, sans prendre sur soi la responsabilité de cet échec. Le formateur soutient et confronte, mais n'agit pas à la place du stagiaire, aussi tentant que cela puisse parfois l'être. Travailler dans une pédagogie de projet demande au formateur une grande souplesse, de même qu'une grande confiance en la capacité de ses stagiaires à se prendre en main. Il s'agit de guider et d'animer plutôt que d'instruire, d'organiser et de planifier. Le formateur joue un rôle de coach, de médiateur, de tuteur et parfois d'arbitre.

Lors de mes entretiens avec la formatrice, elle me dit que le projet tel qu'il est conçu ne permet pas aux stagiaires de se prendre en main.

Formatrice : « Et c'est des jeunes qui sont capables de faire dix pas en avant dans un mois mais qui vont en faire vingt le mois d'après EN ARRIERE. Tout ça c'est des choses dont il faut tenir compte pour faire avancer ce projet là, hein. Tel qu'il est conçu aujourd'hui, le projet là ne permet pas ça, je pense. Il faut toujours aller de l'avant, il faut toujours les stimuler ». L97-101

Là, je commence à comprendre que le projet, certes n'est pas axé à mon sens sur une pédagogie de projet ni même sur projet pédagogique, provoque chez la formatrice un manque de confiance envers les stagiaires. Cette réaction est légitime car elle est consciente que ce projet n'est pas celui des stagiaires mais celui de l'institution, et par conséquent, elle se donne comme mission d'être constamment derrière les stagiaires pour les « pousser ».

Formatrice : « Effectivement avec tout ce que l'on vient de dire là, il faut bien un moment se..... Se mettre en face des réalités, et ce dire que la mini peut-être menée, même en autonomie à condition qu'il y est toujours quelqu'un derrière qui soit là et qui, qui dirige les axes prioritaires et qui vérifie quand même que tout est fait. Qui vérifie en tout cas de loin mais qu'il le fait quand même » L267-271.

Seulement comme les stagiaires ne sont pas impliqués dans le projet, pour les raisons déjà évoquées, non seulement il faut vérifier le peu que les stagiaires veulent bien faire et ce en fonction de leur présence, mais il faut également corriger et faire à leur place. Ce qui n'est pas le rôle du formateur dans ce type de projet. Le responsable CCI me répond, lorsque je lui pose la question sur le rôle du formateur :

« Le formateur doit s'adapter à son public et doit adapter le projet dans la mesure de ce qui peut-être adapté ! » L118-119

Cette réponse ambigüe reflète, me semble t-il, un détachement vis-à-vis de ce projet. Conscient des difficultés, j'ai eu le sentiment qu'il me disait : « vivement que ce projet se finisse ».

La responsable d'EPA convient que le formateur doit s'impliquer plus qu'un enseignant :

EPA : « les profs souvent lorsqu'ils rentrent de vacances au bout de 15 jours, ils nous disent souvent que c'est dur de raccrocher les élèves, car ils sont un peu déconnectés. Alors j'imagine les E2C, qui ne sont pas là pendant 3 semaines, ce n'est pas évident et c'est vrai que ça demande de la part du formateur, peut-être plus d'implication dans ce projet pour le mener à terme. » L58-62

« ... Le rôle du formateur est important, il doit être là pour dédramatiser... ». L103-105

Lorsque je demande à la responsable EPA de me donner les limites du projet, elle me dit que les limites sont les formateurs :

EPA : « Alors, je pense que ce qui fait la limite dans ce projet, c'est surtout l'équipe qui encadre., il faut il faut absolument que l'équipe, les formateurs soient là, les encadrent, les obligent à faire les choses en temps et en heure et qu'ils ne laissent pas trainer les étapes, parce que c'est un projet sur lequel on n'a pas de temps à perdre, l'année passe vite, et c'est vrai il faut veiller à ne pas être trop laxiste ». L164-168

Oui mais, on ne peut pas obliger quelqu'un à apprendre ! Mais il vrai que l'on peut obliger quelqu'un à faire. Mais s'il n'est pas motivé, il fera mal. Cette déclaration m'amène encore une fois à penser que l'objectif est au détriment de l'apprentissage. Sachant que ce projet n'est pas adapté aux E2C, le rôle du formateur est de se débrouiller pour aller jusqu'au bout. Car, elle nous dit que : « on n'a pas de temps à perdre, l'année passe vite »

Mais lorsque je lui pose la question des pistes d'amélioration pour ce projet dans le cadre de l'E2C en fin d'interview, elle reconnait que l'administratif décourage les stagiaires. Ce que je considère à mon sens comme une limite.

EPA : « Moi j'allègerais sur certaines, sur certains points administratifs, notamment l'étude de marché, parce qu'on sait très bien que si ce n'est pas fait dans les règles de l'art, ça ressemble pas souvent à grand-chose et puis l'assemblée générale etc, etc, etc. C'est souvent compliqué et ça décourage énormément les stagiaires, donc voilà, moi j'allègerais cette partie là. Parce qu'on remarque que lorsqu'ils commencent à fabriquer, ça y est il y a du concret ». L209-214

Finalement elle ne me dit pas la façon dont elle allègerait le dispositif, mais ce qui est sûr, c'est qu'elle est pleinement consciente des difficultés qu'éprouvent les apprenants.

10.2 Les statuts et le rôle des apprenants dans la mini-entreprise

Il me semble important de parler des statuts et rôles des apprenants dans ce projet. Car la mini-entreprise oblige les stagiaires à endosser la casquette de PDG, directeurs etc...

Selon EPA : « les élèves de collèges ne veulent pas toujours s'engager, parce que dire que l'on est PDG à son meilleur copain qui lui n'est qu'ouvrier, c'est pas euh toujours simple. Bon c'est vrai que ça stigmatise, mais bon, il faut leur expliquer que chaque rôle est important. Alors c'est vrai que dans les E2C c'est multiplié par dix mais voilà c'est une problématique qu'il faut gérer, enfin, voilà, le formateur doit pouvoir l'expliquer. Alors en même temps, certains se mettent volontairement dans des postes moins importants, parce qu'ils sont quelques fois trop timides, ou ils n'ont pas envie qu'on leur pose des questions, ils se mettent volontairement en retrait ». L120-127

La formatrice me dit qu'effectivement cela peut poser des problèmes.

Formatrice : « et on leur a donné des statuts, parce qu'il faut donner des statut dans la mini entreprise et ils n'ont pas tous, c'est ben, j'veux dire par exemple le commercial dans la vrai vie, quelqu'un qui est au service commercial, c'est quelqu'un qui à une vrai fibre commerciale au départ, il n'est pas là par hasard, alors que nous, nos jeunes sont choisis par hasard pour la mini, il se sont nommés eux, mais non pas forcément la fibre commerciale et les compétences hein, après les rôles ont été distribués d'un commun accord entre eux, mais pour autant, ils n'ont pas forcément euh un profil qui pourrait aller dans ce service là. Alors peut-être qu'effectivement ils peuvent se sentir dépassés par ça. En même temps c'est plutôt bon signe ça veut dire qu'ils prennent ça au sérieux. Et, il faut aussi relativiser. Ça je pense que oui, ça peut exister surtout quant un moment, ils sentent un peu qu'on leur bourre le mou là, on leur dit là, attention il faut réellement bosser cette étape la, sinon vous allez vous mettre en difficulté, vous ne serez pas dans les temps, etc., et la du coup, ça leur met une pression, peut-être que, cet état de fait, va engendrer par cette pression là. Hein ou alors des personnes fragiles psychologiquement, comme par exemple, (le PDG) qui est quelqu'un de bipolaire, qui a de gros, gros problèmes de personnalité, forcément pour lui ça peut poser un problème ».L 226-241

Le PDG, lui, éprouve des difficultés à se faire entendre et respecter :

PDG : « Y en a qu'on s'fréquente à coté de l'E2C et on se fréquente aussi à la fois à l'intérieur et une fois qu'on a la mini entreprise parfois au niveau de l'autorité c'est pas trop enfin on arrive parfois à avoir de l'autorité mais c'est pas neutre eh avec quelqu'un qu'on fréquente régulièrement on a du mal à lui donner un ordre par exemple avec beaucoup plus de fermeté que si c'était par exemple comme dans une entreprise eh ben t a pas de contact ou de lien euhh entre l'employeur et ses subordonnés quoi » L 19-24

La responsable EPA pense que le formateur doit faire attention aux dérives des stagiaires et me dit que les statuts obligatoires ne leur donne pas le pouvoir sur l'autre.

EPA : « Là aussi le rôle du formateur est important, il doit, faire attention qui en ait pas un qui prenne le pas sur l'autre, que finalement malgré les statuts qu'ils sont obligés d'endosser, ils sont tous au même niveau. C'est pour ça que le formateur est important surtout pour ce type de public, il doit vérifier, cadrer être toujours présent, parce que si la secrétaire ne remplit pas les courriers par exemple, et ben tout le groupe sera pénalisé forcément ».L108-112

Je profite de ce sujet pour raconter un événement que j'ai vécu lors d'une séquence avec les stagiaires pour la mini-entreprise. En effet, après 6 semaines d'absence, j'avais pour mission dès mon arrivée au sein de l'école, d'accompagner les stagiaires de la mini-entreprise. L'objectif premier de cette matinée était de passer à l'étape 2 de la procédure imposée par le projet qui consistait à trouver le futur Nom de la mini-entreprise. L'étape 1, à laquelle j'étais présent, était la mise en place du projet dans ses grandes lignes. Après avoir informé les stagiaires sur le déroulement de la matinée, je les laissais s'organiser entre eux tout en restant dans la salle. Pour ce faire, ils décidèrent de réfléchir en groupe et de noter leurs idées sur une feuille. Après quelques minutes d'hésitation de leur part, face à leur feuille blanche, je décidais d'intervenir afin de leur proposer une méthode plutôt bien adaptée à mon sens, pour ce type de recherche ; et qui fait appel à la créativité de chacun des protagonistes. Donc, je pris la parole en leur proposant de faire un Brain Storming de façon à produire une dynamique de groupe ceci afin que chacun donne un maximum d'idées. Tout allait bien, jusqu'au moment où, je me lançais dans l'explication et la méthode du Brain Storming. Subitement, le PDG de l'entreprise m'agressa verbalement. Je cite : « de quoi vous mêlez-vous, c'est notre entreprise, vous n'avez pas à nous casser les couilles, ce n'est pas vous qui décidez pour nous. Vous n'êtes qu'un stagiaire». Aussitôt, je voulais réagir et prendre la parole afin de m'expliquer, car il ne s'agissait pas pour moi de parasiter qui que ce soit, ou quoi que ce soit, mais plutôt de les aider à démarrer leur activité. Impossible de placer un mot, il étouffait ma voix à chaque fois que je voulais prendre la parole, en criant de plus en plus fort et en me menaçant de démissionner si j'intervenais encore une fois. Je cite : « si vous nous cassez encore les couilles, je démissionne et vous vous démerdez tout seul ». Le PDG avait parlé ! Son positionnement vis-à-vis de moi et du groupe était clair ; il a, je pense, voulu montrer que son statut lui donnait une légitimité d'homme responsable et respectable, car après tout, il avait postulé pour ce poste et c'est bien le groupe et l'institution qui avaient validé son statut de PDG de la mini-entreprise.

Quelques minutes après, il se leva brusquement de table et alla au tableau en disant : « Ok, on va le trouver ce Nom, mais c'est moi qui écrit au tableau ». Il reprit sa place de PDG, mais en s'inscrivant dans une démarche non pas de vaincu, mais de vainqueur. Car encore une fois, c'est lui qui décida de reprendre les rênes, en allant au tableau. Il m'avait fait prisonnier d'une situation et voyant que les rôles s'inversaient, il anticipa sa fuite en emmenant le groupe avec lui. Tel le monarque, ses serviteurs et ses généraux, à l'aube d'une révolution imminente. Puis il tourna son regard vers moi et me dit : « c'est quoi votre Brai, machin truc ? »

Après avoir expliqué ce qu'est le Brain Storming, chacun participa activement, pour finalement trouver le Nom de leur société « Mots' Délice ».

Pour conclure, je pense avoir bien réagi en laissant le conflit s'atténuer. Dans ces moments là, la colère aveugle celui qui la porte en lui. La patience reste la meilleure solution et aide à la réflexivité.

Il y avait dans cette situation de conflits, une volonté de retranchement derrière un pouvoir officiel qui mettait en péril tout un système. En effet, il y avait en face de moi un stagiaire E2C devenu PDG et légitimé par l'institution. Or, face à ce dernier et de son point de vue de PDG, il y avait un stagiaire formateur « étranger à l'E2C » et qui plus est, en formation. Cette confusion de rôle et de positionnement instituée, ressemblait à un labyrinthe dans lequel, aucune entrée et sortie n'avait été prévue.

Le recul m'a permis de comprendre qu'une situation de travail de ce type (le conflit) n'est pas prescrite dans un guide. Il n'y a pas cette possibilité d'organiser l'imprévisible. Le réel, dans ce cas de figure, prend toute sa dimension lorsque le rapport à l'humain devient conflictuel. En effet, mon intention ce jour là d'aider le groupe à trouver le nom de leur entreprise, en prenant mon expérience comme référence, a créé une tension chez le PDG qui, de par mon intervention de professionnel, a perçu cette situation, non pas comme un accompagnement ou une aide, mais comme une prise de pouvoir de ma part, engendrant ainsi un déséquilibre hiérarchique vis-à-vis du groupe et provoquant une remise en cause de sa crédibilité, en tant que PDG.

Comme le cite Mireille CIFALI dans sa conférence sur « les limites de l'accompagnement » du 22 novembre 2002 : « le professionnel vient avec ses outils, ses techniques, ses médiations, ses dispositifs ; c'est un professionnel bien intentionné qui voudrait que l'autre se transforme, évolue, quitte ses difficultés »37(*).

Mais pour autant, pour prétendre aider l'autre suffit-il d'avoir des outils, des techniques etc, permettant ainsi de se positionner en tant que professionnel, pouvant ainsi anticiper les éventuels conflits ? A mon sens la réponse est « non » car, il n'y a pas que l'aspect matériel et technico-professionnel qui programme le bon déroulement d'une situation d'apprentissage ; mais il y a l'humain, avec toute sa complexité, dont l'humeur et l'état d'esprit du moment doit être pris en compte avec le milieu dans lequel la situation d'apprentissage se déroule. Accompagner l'autre, c'est aussi essayer de comprendre la situation dans laquelle on se trouve avec l'autre, ici et maintenant. J'ai compris dans cette situation, que des paramètres extérieurs non convoqués ce jour là, se sont infiltrés dans l'environnement de travail, provoquant ainsi un double déséquilibre entrainant, pour le coup, un conflit violent. En effet, outre le fait que le statut du PDG avait était remis en cause devant le groupe par mon intervention et ce, sans le vouloir de ma part, j'ai découvert avec le recul et lors du module « Relation, entre travail et formation », qu'une jalousie non justifiée amplifia la colère du PDG et donc, le conflit.

En effet, il se trouve, comme je le précise dans le texte, que la directrice administrative de la mini-entreprise est également la « petite copine » dudit PDG. Or, ce dernier a sans doute, à mon sens, imaginé une concurrence entre nous et pour le coup, interprété mes attitudes et mon comportement que je qualifie d'attentionnés envers les autres, comme provocateurs.

Je comprends aujourd'hui d'où vient ce conflit. En effet, j'ai occulté sans le vouloir l'individu et son statut dans le projet de la mini-entreprise. Rajouter à cela sa jalousie et mon manque d'expérience en terme d'accompagnateur, cette situation réelle m'a apprise que mon désir d'aider l'autre doit être également partagé réciproquement.

Rogers dit concernant le facilitateur : « Il ne peut participer comme membre du groupe que lorsqu'il sent réellement que lui-même et ses étudiants se trouvent sur un pied d'égalité en tant qu'apprentis ».38(*)

Mais pour autant, je comprends que si le statut et le rôle ne sont pas clairement identifiés dès le départ par les individus dans une situation de travail, le risque de confusion peut engendrer un conflit de pouvoir entre ces derniers. Mon statut de stagiaire en formation au sein de l'E2C a eu un effet « Boomerang ». Je n'étais qu'un stagiaire avec un statut inférieur, au regard d'un autre stagiaire devenu officiellement PDG, grâce à la magie d'un projet collectif organisé par l'institution.

« Accompagner, c'est être sur cette tangente où l'on risque de basculer d'un coté ou de l'autre...... » « ..................or il faut permettre à l'autre de s'opposer à nous pour se retrouver ». Nous dit Mireille CIFALI dans sa conférence sur « les limites de l'accompagnement » du 22 novembre 2002.39(*)

Le projet collectif de la mini-entreprise doit être préparé et organisé certes, avec des outils pédagogiques adaptés à ce type de public. Mais, ce projet doit faire également l'objet d'une réflexion d'un point de vue sociologique. Car, créer un dispositif, (la mini-entreprise) avec un public en difficultés, dans un dispositif (l'E2C) destiné à resocialiser ces derniers, demande quant à sa mise en oeuvre, une réelle réflexion de la part de l'institution, du formateur mais aussi des apprenants. Or, le projet de la mini-entreprise tel qu'il est prescrit aujourd'hui, impose un double statut aux apprenants : celui de stagiaire en insertion à l'E2C, et celui d'entrepreneur (PDG, Directeur etc) dans l'E2C. Cette situation qui au départ ce veut : « apprentissage, découverte de l'entreprise » créé chez certains apprenants une confusion psychologique dans ladite situation. Cependant, la réalité que j'ai vécue montre bien qu'il suffit d'un élément déclencheur (la jalousie, l'intervention du formateur) pour que l'apprenant mette le feu aux poudres et se proclame maître de la situation.

Pourquoi cette confusion ? Il est important à mon sens de faire une différence non négligeable concernant le statut et le rôle dans ce type de projet. Parce que, dès la mise en place d'un tel projet, l'apprenant se voit dans l'obligation d'opter pour un statut tel que celui de PDG par exemple. Or, par rapport à un système social, l'entreprise est forcément impliquée elle-même, dans son propre système socio-économique réel. Donc, l'apprenant se doit également d'assumer un rôle en tant que PDG. Par conséquent, ce rôle englobe les attitudes, les valeurs et les comportements que la société lui assigne. La question que je me pose est : « comment le stagiaire au statut de PDG, peut-il remplir son rôle, alors que, que l'institution lui fait comprendre que ce rôle, n'est finalement qu'un jeu ? ». Or, cette même institution proclame paradoxalement, que ce projet « la mini-entreprise » n'est pas un jeu et qu'il s'agit ici, d'un apprentissage réel ; avec des statuts réels ; dans les conditions réelles à la création d'entreprise.

Par conséquent, je peux en déduire par rapport à mon expérience vécue dans cette situation, que ce conflit a pris naissance non pas uniquement pas parce que j'étais dans la position d'un stagiaire formateur, face à un stagiaire PDG et qui plus est jaloux, mais que ce conflit aurait pu, sans aucun doute éclater avec un formateur référent et à n'importe quel moment. Car le rôle du formateur comme celui du stagiaire PDG, n'a pas fait l'objet d'une réflexion commune, pouvant ainsi instaurer un cadre de travail basé sur la confiance.

Mon positionnement par rapport à cette situation est sans équivoque. Je me dois en tant que formateur dans l'accompagnement et dans l'insertion, être attentif à l'apprenant à qui je demande de s'impliquer dans un tel projet. On ne peut pas inventer un jeu où, le seul gagnant est celui qui prend le pouvoir sur l'autre. Autrement dit, un projet ne doit pas instaurer une hiérarchie dans une hiérarchie sans que les apprenants et les formateurs soient au clair sur les rôles de chacun. Qui fait quoi ? Comment et où ? Le cadre doit être posé au préalable.

Rappel : Jean Vassileff nous explique que dans le cadre d'une pédagogie de projet « le concept de propriété de l'espace-temps formation40(*) » peut se concevoir uniquement si un état d'esprit de confiance et de liberté s'instaure entre le formateur et le formé. « Se projeter dans l'ici et maintenant de la formation, donner du sens par sois même à ses actes dans l'espace-temps immédiat de la formation, tout cela suppose que cet espace-temps soit considéré par les formés comme leur propriété ».

Puis il rajoute concernant le concept de droit pédagogique que : « La question de la propriété de l'espace-temps formation pose le problème de l'organisation des pouvoirs dans les rapports sociaux entre formateurs et formés, c'est-à-dire, le problème du Droit qui va régir ces rapports. Comme il existe un droit Civil, un droit Commercial, un droit du travail, etc., il y a lieu d'élaborer un droit pédagogique : quels sont les droits pédagogiques des formés ? Quels sont les droits pédagogiques des formateurs ? Quels sont les obligations qui en découlent ? »

Par rapport à la prescription de ce projet, théorique déclaré par l'institut comme : « Pédagogie du Projet » et la réalité de sa mise en oeuvre, il existe à mon sens, un écart beaucoup trop important pour que l'apprenant puisse apprendre dans de bonnes conditions. Car d'une part, l'aspect sociologique n'a pas suffisamment était pris en compte par rapport à ce type de public et d'autre part, dans le cas de la mini-entreprise, j'ai le sentiment qu'il ne s'agit pas d'une pédagogie de projet. En effet, la mini-entreprise s'appuie sur un concept clé en main, un guide dans lequel les stagiaires (et les formateurs) doivent obligatoirement suivre le cursus et remplir les objectifs prescrits par l'institution et non négociables. Ce projet qu'est la mini-entreprise ne laisse pas vraiment aux stagiaires l'initiative, et qui plus est, de par l'obligation d'endosser un statut, il (le projet) enferme le stagiaire dans un rôle ambigu et qui ne lui permet pas d'avoir un certain recul face à la situation ; même si ce dernier se porte volontaire dans ce type de projet. Ce n'est pas le projet du stagiaire, c'est le projet prescrit par une institution qui veut, paradoxalement, redonner des valeurs et des principes à des personnes en difficultés.

10.3 L'évaluation des apprenants dans le projet

Ce projet est soumis à une évaluation sommative lors du concours régional et National. Sauf que, les apprenants n'eurent pas accès à leur note et encore moins à des commentaires. Ce qui me semble, en tant que formateur, ne pas être une évaluation. Il se trouve que j'ai assisté aux évaluations, car deux écoles de la deuxième chance sur neuf ont pu participer à ce concours régional qui se déroulait à Metz. Les deux écoles sont : Nancy et Epinal. Parmi les sept autres écoles, certaines ont abandonné tandis que d'autres non pas pu participer au projet, et ce, pour des raisons que j'ignore. Mes entretiens furent menés bien avant le concours, c'est pourquoi je relaterai certains faits vécus, en parallèle avec les entretiens que j'ai menés avec EPA et la CCI sur ce sujet. Finalement, l'E2C d'Epinal est allée jusqu'au bout du projet comme le voulait la formatrice. Les étapes ont été remplies comme le désirait EPA. Les deux seuls prix uniques de l'insertion ont été distribués. Le premier prix fut pour l'école de Nancy, qui disputera le concours National à Paris au mois de juin et le deuxième prix pour Epinal. Il n'y avait pas de troisième prix prévu. Cela tombait bien, si j'ose dire, puisque seules deux écoles se sont présentées.

Le responsable de la CCI considère que l'évaluation dans ce type de projet aurait du être préparé en amont, lorsque je lui ai posé la question : « Si ce projet n'est pas adapté, comment peut-on évaluer l'apprentissage des apprenants ? »

CCI : « Alors déjà, pour évaluer, il aurait fallu envisager une évaluation en amont, c'est-à-dire poser des indicateurs, pour moi qui doivent être plus qualitatifs que quantitatifs, ça nécessite de reposer un certain nombre de choses sur un référentiel pour avoir les mêmes bases de travail, que l'on travaille sur les mêmes bases que l'école de Nancy, d'Epinal ou Forbach, donc il faut travailler sur évaluation en amont, maintenant ça pose la problématique de l'évaluation qualitative » L 94-99

Il souligne le fait que toutes les écoles devraient finalement être sur le même diapason. Or, ce n'est pas le cas. Je confirme ces propos, car ce n'est pas la CCI qui évalue, c'est bien l'association EPA. Il y aurait pu, si le projet le permettait, y avoir des évaluations formatives mais cela aurait, aux dires de l'institution, ralenti le projet.

Lors de mon entretien avec EPA, je voulais vérifier, à l'époque, si le concours était considéré comme une évaluation et comment cela allait se passer. La responsable m'explique donc, tout le déroulement :

EPA : « alors, au niveau du salon, du championnat, on va leur poser certaines questions qui sont en rapport avec l'entreprise, mais c'est vrai que c'est difficile, surtout pour les groupes qui sont en alternance. Il va falloir qu'il prépare un rapport écrit sur ce qu'est leur entreprise, sur ce qu'ils ont fait, d'où vient l'idée du produit, du nom des slogans, c'est quoi une entreprise, comment ça fonctionne, quel est votre chiffre d'affaires, qu'est-ce qu'une étude de marché, comment ils l'ont réalisée, comment ils ont établi leur budget prévisionnel etc. Donc il y aura un jury qui passera sur chaque stand, avec un questionnaire et sur lequel toute une batterie de question leur sera posée. Voilà ce sera l'évaluation qui leur permettra de décrocher un prix, en fonction de tous ces paramètres. Donc, il faut qu'il y en est au moins un dans la mini, qui puisse répondre c'est là que le jury pourra savoir si les notions ont été intégrées ou pas ». L246-256

Effectivement cela s'est passé de cette façon, or les stagiaires ont été évalués sur des points qu'ils ne maitrisaient pas, car le rapport d'étapes par exemple, c'est la formatrice et moi qui l'avions réalisé, pour les trois quart. La synthèse de l'étude de marché, c'est moi qui l'ai réalisée dans sa totalité, car les stagiaires de l'E2C ne voulaient pas la faire parce que c`était compliqué selon le Directeur Commercial. Finalement, les stagiaires sont venus au concours, ils ont eu le deuxième prix sur les deux. La formatrice était satisfaite du résultat. Sauf que, les stagiaires eux, voulaient aller à Paris, ils étaient déçus et juraient de ne plus jamais faire un concours. Parmi les quatre stagiaires, trois n'ont pas accepté la défaite. Ils voulaient être les premiers pour aller à Paris. L'autre s'en moquait. L'une des formatrices de l'E2C d'Epinal me disait le lundi en rentrant à l'école, qu'une des stagiaires l'avait appelé en pleurant et en lui disant que tout ce qu'elle faisait dans sa vie ratait. Elle ne voulait plus venir au Centre. La formatrice en question est venue me voir en colère et en me disant que ce projet était une foutaise. Ce projet a été mis en place selon ses dires : « pour satisfaire les besoins de l'institution » et que cela faisait plus du bien à la CCI qu'aux stagiaires. Elle me disait que, de son point de vue, ce projet a mis ses apprenants encore une fois en échec. Elle me disait que maintenant il allait falloir rattraper « les conneries » des autres ». Le projet professionnel a été mis de côté pour réaliser ce projet, pour le coup elle se demandait comment elle allait faire. Quant à moi, et pour l'avoir vécu en direct sur le terrain de stage, je pense que les apprenants ont trop été conditionnés pour atteindre les objectifs au détriment d'un réel apprentissage.

Il semblerait que ce projet pourrait conduire à un échec pour les apprenants selon le discours d'une des formatrices. Mais il en est tout autre selon la responsable EPA elle y voit un avantage réel.

EPA : « Voilà donc l'avantage, c'est de pouvoir un moment donné dans ce type de projet, c'est de se projeter, voilà donc c'est de dire on est dans un projet cadré, vous risquez rien, vous vendez, vous ne vendez pas, il n'y aura pas de sanction derrière, à aucun moment dans la mini, parce que quelqu'un qui se trompe, il n'y aura de sanction. Donc jetez-vous à l'eau, testez-vous, testez vos envies, c'est vraiment j'dirais un p'tit cocon tranquille pour pouvoir se tester sur tous les plans possibles en fait ».155-161

Ceci dit, elle reconnait que les pistes d'améliorations seraient de ne pas faire le salon, car elle dit que c'est utopique.

EPA : « Pour l'E2C, qu'est ce que je changerais, ..........petit blanc, je ne sais pas vous me prenez à court là moi déjà, je ne mettrais pas le salon régional comme une finalité, parce que ceux qui lancent la mini, les jeunes mini-entrepreneurs, finalement on en retrouve peu au salon, c'est un objectif utopique voilà L203-207

Oui, mais en fin d'interview, elle me dit quand même que le salon est une récompense même si certains n'obtiennent pas de prix

EPA : « tout à fait, mais je pense que déjà arriver au salon, c'est déjà une belle récompense ».L269

La grille d'évaluation est la même pour tout le monde, catégorie insertion ne veut pas dire évaluation insertion.

Conclusion du chapitre 4

J'ai essayé au travers de mes entretiens de comprendre le projet de la mini-entreprise au sein de l'E2C d'Epinal, de vérifier si effectivement le projet, tel qu'il est présenté par les institutions, était basé sur une pédagogie de projet. L'objectif principal étant de savoir si un tel projet répond aux besoins des apprenants en termes d'apprentissage

Selon A. MUCHIELLI41(*) :"Le besoin est un état de tension insatisfait lié à une nécessité (biologique, psychologique ou sociologique) existentielle, orienté vers une catégorie d'objets satisfacteurs, qui pousse l'individu à rechercher un état d'équilibre plus satisfaisant par l'atteinte d'objets appartenant à un certain ensemble ».

Il s'agira donc dans la conclusion générale, de répondre à mes hypothèses de départ en ayant un regard critique et constructif, proposant ainsi de nouvelles pistes de réflexion. Et pour finir, je me positionnerais professionnellement en faisant référence à mes neuf mois de formation continue au sein du NUFC et à mon terrain de stage.

Conclusion Générale

a) Retour sur hypothèses

J'ai eu la chance de suivre ce projet collectif du début à la fin. Mes observations et mes participations régulières dans ce projet, en tant que stagiaire en formation professionnelle, m'ont permis d'être au coeur de ce projet et par conséquent, au coeur de mon étude. J'ai essayé le plus sincèrement possible d'aborder ma problématique en y mettant de la distance, c'est-à-dire en ayant un regard critique sur ce projet et ses acteurs. Il est vrai que lorsque l'on m'a posé la question, à savoir si ce projet était intéressant pour les stagiaires, je n'ai pas hésité une seconde à dire un « Oui » franc et massif. Mais, dès la première séance avec les stagiaires et la formatrice, j'ai pu constater que les apprenants éprouvaient certaines difficultés quant à la mise en oeuvre de ce projet. J'ai pu également ressentir un stress permanent de la part de la formatrice qui était en charge de ce projet.

Ma question centrale a fait l'objet pour moi d'une réflexion permanente tout au long de mon étude. Lorsque j'ai réalisé mes interviews, mon objectif était de me positionner en tant que chercheur mais aussi en tant que futur formateur professionnel. Pour cela, j'ai pris le temps d'écouter et de comprendre mes interlocuteurs et ce, sans jamais avoir de préjugés sur ces personnes. Mon intention était de vérifier mes hypothèses de départ.

Aujourd'hui, et au travers de mes apports théoriques appris à NUFC, de mes observations sur le terrain et de mon analyse des entretiens que j'ai menés tout au long de cette période, on peut dire que ma première hypothèse se vérifie :

- Le projet collectif de la mini-entreprise pourrait être contre-productif car inadapté aux stagiaires de l'E2C. De plus, l'institution n'a pas, me semble t-il, tenu compte des besoins des stagiaires, c'est le projet de l'institution et non celui des stagiaires.

Les institutions n'ont sembleraient-ils pas réalisé d'analyse de la situation quant à ce projet au vu de son déroulement à l'E2C d'Epinal. Elles n'ont sembleraient-ils pas pris en compte les éléments tels que : « les contraintes, les ressources de l'environnement, les dysfonctionnements et les problèmes observés, l'auteur (sujet, groupe, institution,...) son histoire, ses désirs, ses aspirations, ses inclinaisons, ses besoins et ses pré-requis », débouchant ainsi, sur un diagnostic pouvant créer une grille d'observation qui prend en compte : « les manques, les carences, les zones d'incertitude, les insuffisances, les dysfonctionnements observés, les contraintes et les obstacles ». De plus, le contenu du guide pédagogique proposé aux collèges, aux lycées et aux E2C ne fait aucune différence avec les compétences antérieures des formés au sein de l'E2C. Par conséquent, le travail administratif et sa mise en oeuvre demandés et imposés par l'institution ont été pour les trois quarts réalisés par le formateur, ce qui finalement montre l'aspect contre-productif en termes d'apprentissage pour les apprenants. De plus, l'association avait proposé à la CCI d'alléger le projet pour les stagiaires de l'E2C et ce en fonction de leur parcours. Or, cela a été refusé, quitte à remplacer les apprenants au fur et à mesure des abandons et autres. Ce qui montre que ce projet n'est pas celui des stagiaires.

EPA : « Alors c'est vrai que j'ai fait des réunions d'information avant le début de l'année, pour les formateurs pour voir ce sur quoi on pouvait adapter. J'ai proposé en fonction des parcours des stagiaires, de faire un projet plus court, même si les stagiaires n'arrivent pas à concrétiser la vente des produits, l'idée était qu'ils aient une première approche concernant la création d'une entreprise. Ce qui m'a été dit, c'est que non..... Même si des stagiaires quittaient l'E2C, on en recruterait d'autres, donc, finalement on resterait sur les mêmes bases que le projet initial sans rien changer avec les difficultés que ça engendre ».L64-70

La deuxième hypothèse se vérifie également :

- La pédagogie du projet utilisée comme outil pédagogique par les institutions ne l'est que dans sa théorie, concernant ce projet pour les stagiaires de l'E2C.

On peut dire que l'outil, qu'est la pédagogie du projet, voulu par l'institution dans ce projet n'a pas été utilisé comme tel, au sein de l'E2C. En effet, l'objectif final fut au détriment d'un processus d'apprentissage et les apprenants n'ont pas pu s'emparer et n'ont pas oeuvré pour ce projet, car ils n'y ont pas trouvé de sens. De ce fait, les objectifs institués non négociables ont créé des obstacles pour l'apprentissage des apprenants. En effet, le formateur a dû prendre la place de chef de projet, et faire à la place des stagiaires.

La troisième hypothèse se vérifie également :

- Le guide pédagogique, clé en mains conçu par EPA, s'adresse aussi bien aux lycées, aux collèges qu'aux E2C. Son contenu ne tient pas compte des écarts de niveau qui pourraient être abyssaux pour les stagiaires de l'E2C.

Les éléments cités dans mon mémoire en termes d'apprentissage et les critères sur la grille d'évaluation nous montrent nettement que certains objectifs ne sont ni en rapport avec ceux de l'E2C, ni avec le niveau initial (Voir contexte E2C) des stagiaires tels que : « Savoir établir des prévisionnels : Budget prévisionnel et stratégie commerciale, Assemblée Générale, statuts, capital de départ etc... ».

De plus, il n'y a pas eu, et ce tout au long de la période de ce projet, d'évaluations formatives permettant de gérer et de suivre l'évolution des apprentissages de chacun des apprenants. D'autre part, en ce qui concerne l'évaluation sommative des stagiaires, lors de la compétition entre les E2C de la région, elle n'a fait l'objet d'aucun commentaire et n'a pas non plus été remise aux stagiaires lors de la compétition.

Mon analyse me conduit donc à confirmer que ce projet ne répond pas aux attentes des apprenants de l'E2C d'Epinal, en termes d'apprentissage.

Jean Paul MARTIN et Emile SAVARY42(*) nous disent que : « évaluer c'est donner des repères pour apprécier les effets produits par l'action de formation. Aux apprenants, l'évaluation permet de prendre conscience des acquisitions réalisées, de mesurer leur progression, de définir des points à travailler » « Au formateur, elle fournit des indications sur le travail réalisé, les apprentissages effectués, les difficultés rencontrées, les ajustements à mettre en oeuvre à propos du rythme, du dispositif ».

Or, aucun de ces éléments qui me semblent fondamentaux en tant que formateur, lorsque l'on veut faire apprendre, n'a été utilisé dans l'évaluation des stagiaires. Ils sont partis comme ils sont venus, c'est-à-dire sans vraiment « savoir (s) ».

Alors qu'ont-ils appris ?

Comme le dit mon guidant lors de nos entretiens, et je suis d'accord avec ses propos, on apprend toujours quelque chose ! Oui mais quoi ? Outre le poids de l'institution et les enjeux sociopolitiques, l'urgence d'arriver au bout de ce projet, montre que les objectifs quantitatifs ont été réalisés au détriment d'un processus d'apprentissage qualitatif.

Ma conclusion sur la question : « Le projet collectif de la mini-entreprise  au sein de l'E2C répond t-il aux attentes, en termes d'apprentissage, de ce type de public ? » se vérifie et ce, tout au long de mon étude, car ce projet qui n'en est finalement pas un, n'est pas adapté. Par conséquent, les apprenants n'ont pas pu se l'approprier et donc il n'a pas répondu à leur besoins et aux attentes en termes d'apprentissage. Lorsque que j'ai interviewé les personnes responsables de ce projet, elles me confirmaient que le projet devrait être adapté ou encore allégé pour ce type de public de l'E2C. Certes, mais pour quel objectif ? Finalement, les stages en entreprise que font les stagiaires durant leur parcours de 7 mois au sein de l'E2C, ne suffisent-ils pas à leur faire découvrir le monde de l'entreprise?

Ce mémoire a eu pour objectif de vérifier si ce projet répondait aux attentes, en termes d'apprentissage, pour ce type de public. Mais je me rends compte que cette question en ramène d'autres dont une qui me parait essentielle c'est-à-dire : « la création d'une mini-entreprise est-elle un moyen suffisant pour faire apprendre ce qu'est le monde de l'entreprise à des individus en insertion ? ». Je pense que la question de l'apprentissage pour la création d'une entreprise est sans doute complexe car il n'y a pas une seule et unique méthode d'apprentissage. Au même titre que, il n'y a pas une seule ou unique méthode lorsque l'on désire créer une entreprise. Il y en a plusieurs naturellement et ce, en fonction des objectifs de chacun. Reste à définir lesquels !

b) Mon positionnement

Voilà, il est temps pour moi de conclure mon mémoire. Mon travail de réflexion mené dans le cadre de mon étude, me fait prendre conscience qu'un tel projet doit faire l'objet d'une analyse de situation afin de voir si ce dernier peut être réalisé. Il me semble que l'E2C qui se veut être, je cite : « un espace de progression individualisée et ceci afin de répondre aux besoins d'un public de jeunes et de jeunes adultes de faible niveau de formation initiale et de faible niveau de qualification », devrait à mon sens repenser ce type de projet pour ses stagiaires. Le projet et ses outils pédagogiques tels que la pédagogie du projet sont des outils pédagogiques que le formateur doit utiliser pour répondre à des besoins identifiés chez des apprenants et non selon les désirs des institutions. Quelque soit le projet, il doit être réfléchi, négocié avec les acteurs, c'est-à-dire les institutions, les formateurs et les apprenants et ceci, en organisant des réunions formelles afin de favoriser les échanges et de les faire progresser. Ce projet axé sur la création d'entreprise est à ce jour non adapté au public de l'E2C. Mais pour autant peut-on adapter un projet si l'on ne fait pas d'analyse de la situation ? En ce qui me concerne, la réponse est : « Non » car il y a non sens.

Mon étude me permet désormais de me positionner quant à la mise en oeuvre d'un projet. En effet, en tant que futur formateur, je refuse catégoriquement de me laisser emporter dans ce type d'action sous prétexte qu'un projet est intéressant. Cela ne suffit pas, pour faire apprendre, il ne suffit pas d'inventer un projet et dire que des apprenants vont pouvoir apprendre et devenir autonome. Le projet n'est pas une porte de secours, un idéal, ou encore une vitrine pour l'institution, le projet doit être pour, et ou, celui de l'apprenant. Je me rends compte désormais au travers de mon étude que, lorsque je suis arrivé sur mon terrain de stage et que l'on m'a posé la question si ce projet été intéressant, j'ai dit « oui », mais j'ai dit « oui » pour moi, j'ai dit « oui » parce que je regardais ce projet par rapport à mon expérience et de mon point de vue, mais pas celui des apprenants. Aujourd'hui, et ceci grâce à ma formation à NUFC et à mon étude, j'ai appris à me poser des questions lorsqu'il s'agit de formation et par conséquent, je ne dirais plus « oui » sans pouvoir comprendre à qui s'adresse ce « oui » et « pourquoi ? ».

Lorsque je suis arrivé à NUFC, mon projet professionnel était de devenir formateur dans le domaine de l'entreprise. Je voulais transmettre mes connaissances à des individus désirant créer leur entreprise individuelle. Aujourd'hui, mes motivations sont multiples, car j'ai découvert lors de mon stage, le métier de l'accompagnement et de l'insertion. Finalement, ce métier ne me paraît pas si éloigné que cela de mon projet professionnel qui évoluera en permanence. Je suis convaincu, de par mon expérience professionnelle, que je serai plus utile dans l'accompagnement des personnes en difficultés vers le monde de l'entreprise que je connais bien. Seulement, j'utiliserai mon expérience comme ressource pour les apprenants, et non comme exemple.

Dans mon introduction, je disais que ma formation à NUFC et mon expérience sur le terrain de stage, m'a permis de savoir : « qui je suis aujourd'hui »  et « qui je ne veux pas être demain » dans le monde de la formation, mais aussi en dehors, c'est-à-dire dans la vie de tous les jours.

Maintenant que mon étude arrive à sa fin, je vais tenter d'y répondre. Seulement pour y répondre, je vais d'abord vous raconter une histoire vraie qui est la mienne.

Lorsque j'étais enfant, j'observais les cailloux que je croisais sur le trajet de mon école. Je ne comprenais pas pourquoi ils étaient là, et pourquoi ils n'avançaient pas comme moi. « Que font-ils là ? Qui les avait posés à cet endroit ? » me disais-je à chaque fois que je les observais. Je me retournais souvent pour les voir s'éloigner de moi. Lorsque je rentrais de l'école, j'avais pris l'habitude de regarder si certains cailloux observés le matin étaient toujours au même endroit. Et souvent, j'avais pu les revoir. Le lendemain, je refaisais le même trajet et je vérifiais attentivement si les cailloux avaient bougé. Cette observation a duré quelques temps. Les matins en sortant de mon lit douillé, j'étais déjà tout excité de savoir si j'allais revoir les cailloux de la veille, à la même place. Je connaissais leur position et leur nombre exact, car j'avais pris le soin de les sélectionner visuellement en fonction de leur grosseur et de leur couleur. Un jour, comme la question qui était pour moi de savoir pourquoi les cailloux ne bougeaient pas, je décidais de donner un coup de pied dans un caillou mais qui ne faisait pas partie de ceux qui, finalement, m'appartenaient. Et là, croyez-moi ou non, ce fut une énorme découverte pour moi. Je venais de découvrir que j'avais le pouvoir de les faire avancer. Pendant longtemps, je crus que ma mission était de faire voyager les cailloux que je rencontrais sur mon chemin, de les faire bouger, de les emmener ailleurs. Au fur et à mesure des semaines qui passaient, c'était devenu pour moi une sorte de devoir, car je pensais que j'étais le seul à pouvoir le faire. A chaque fois que j'en rencontrais un, et qui me semblait vouloir aller plus loin que là où il se trouvait, je donnais un grand coup de chaussure dedans et je le regardais valdinguer jusqu'à ce qu'il s'arrête. De temps en temps, j'en traînais un avec moi jusqu'à l'école. En arrivant devant le portail, je prenais le soin de le cacher dans un petit recoin. Le soir, je le reprenais et lui faisait faire le chemin inverse et ce, jusqu'à ce que je sente qu'il en avait assez de se promener avec moi ou l'inverse. Quelques temps plus tard, je surpris un de mes camarades à « shooter » lui aussi dans un caillou. Et là, sans rien dire, je compris que je n'étais pas le seul à vouloir faire voyager les cailloux. Au fil du temps, je remarquais que finalement tous les enfants de mon âge faisaient la même chose. Sur le coup, j'étais déçu, mais après réflexion, je me suis dit « tant mieux », de cette façon ça me soulagerait un peu, car des cailloux, il y en avait beaucoup sur mon chemin, et souvent j'arrivais en retard à l'école. Tandis que ma mère qui ne comprenait pas comment mes chaussures pouvaient s'abîmer aussi vite, elle aussi serait soulagée, mais d'un point de vue financier. Des années plus tard, et encore aujourd'hui, lorsque j'observe des gamins qui « shootent » dans les cailloux, je me demande si finalement, eux aussi veulent les faire voyager comme je le faisais. Cela expliquerait peut-être pourquoi certains enfants donnent des coups de pieds dans les cailloux et pourquoi leurs chaussures s'abiment aussi vite.

Aujourd'hui, je suis un homme, un futur formateur qui pense, et ceci grâce ma formation à NUFC, que rien n'est figé dans l'éternité lorsqu'il s'agit d'accompagner un individu dans son apprentissage et de faire bouger les choses. C'est-à-dire changer de représentation. Il suffit d'essayer, d'oser et d'y croire fortement, pour que l'apprenant face à vous, lui aussi pense qu'il peut essayer, oser, et y croire. Apprendre, c'est être libre, c'est l'un des projets qui vous conduit vers ce que vous êtes ou ce que vous désirez être. Apprendre, c'est comme donner un coup de pied dans un caillou et construire son histoire qui va avec. Voilà le formateur que je veux être aujourd'hui et demain. Celui qui, un jour, étant enfant, a osé donner un coup de pied dans un caillou parce qu'il ne comprenait pas pourquoi ils n'avançaient pas.

Désormais, je peux dire que ma formation au NUFC m'a permis d'apprendre à aller plus loin dans ma réflexion, l'apprentissage et sur ce qu'est mon métier de formateur. Les formateurs du NUFC, m'ont appris, si j'ose dire, à donner un coup de pied dans un caillou, oui mais, cela de façon différente, plus précise, plus réfléchie et plus organisée. J'ai appris mon nouveau métier parce que mes représentations ont changé. J'ai appris à être libre et à ne pas me cacher pour apprendre. J'ai appris à comprendre comment j'apprenais et pourquoi j'apprenais. J'ai appris qu'il y avait des hommes et des femmes, c'est-à-dire les formateurs que j'ai rencontrés à NUFC, qui prenaient le temps d'écouter, d'expliquer et de regarder les individus à qui, ils apprenaient à apprendre. J'ai observé que ces mêmes formateurs n'étaient pas simplement là pour nous raconter leur histoire mais pour nous aider à construire la nôtre et nous faire prendre conscience de ce qu'est un « vrai » formateur. Je crois que j'ai compris, en fait, il n'y a pas de « vrai » formateur. Cela n'existe pas. Il y a simplement des hommes et des femmes formateurs qui ont une envie de partager, de transmettre des savoirs et de dire aux apprenants qu'il faut essayer, oser et croire que les cailloux ne sont jamais immobiles. Trop de personnes et notamment les jeunes en insertion n'ont plus confiance en eux et ne croient plus au lendemain. Moi, je les aiderai à y croire, mais avec leur projet d'apprentissage et leur histoire qui va avec.

Pour finir mon mémoire, ce que « je ne veux pas être demain », c'est un formateur qui dit « oui » à tout et ceci sans réfléchir aux conséquences dramatiques que cela engendre pour l'apprenant. Je ne veux pas être un formateur qui accepte qu'on lui dise au sujet d'un apprenant : « que ça ne sert à rien de lui apprendre, qu'il ne comprend rien », ou encore que : « cet apprenant est bête et ne s'en sortira jamais ». Je refuse.

Le formateur que je serai demain sera celui qui permettra aux apprenants à croire en eux.

BIBLIOGRAPHIE

Carl ROGERS, Liberté pour apprendre. Paris : Dunod, édition 1999. 370 p.

Célestin FREINET, Les techniques Freinet de l'école moderne : Edition A. Colin, 1973. 144 p.

Jean Paul MARTIN, Emile SAVARY. Formateur d'adultes. Chronique Sociale Lyon 5eme édition 2008. 360 p.

Didier NOYER - Jacques PIVETEAU, Guide pratique du formateur édition : INSEP CONSULTING PARIS 2002. 212 p.

Henri WALLON, L'évolution psychologique de l'enfant : Edition. A. Colin 2002. 187 p.

Jean VASSILEFF, La pédagogie du projet en formation Lyon : Chronique Sociale 1991. 131p.

Marc BRU et Louis NOT, Où va la pédagogie du projet ? Toulouse, Éditions universitaires du Sud, 1987. 303 p.

PELLETIER, NOISEUX, BUJOLD, Les approches en orientation professionnelle. Développement Vocationnel et Croissance Personnelle : Mac GRAW-HILL Editeurs, 1974.

MUCCHIELLI Alex, Les motivations : Paris. PUF. 2003. 127 p.

Pédagogie de l'alternance, Editeur HACHETTE collection 1991. 95 p.

RIEUNIER Alain, Préparer un cours : ESF éditeur, 2e édition, Paris 2004. 328 p.

ARTICLES

Les cahiers de l'accompagnement. Edition CARIF 2002 Poitou-Charentes. 79 p.

SCIENCES HUMAINE 1996 numéro12. Hors série interview de Philippe MEIREU sur les méthodes pédagogiques. 89 p.

EDUCATION PERMANENTE 1986 Projet formation-action n° 86. 158 p.

EDUCATION PERMANENTE 1987 Projet formation-action n° 87. 183 p.

Références utilisées : Modules étudiés à NUFC (Nancy-Université Formation)

Module : Apprentissage

Modules : Différenciation des stratégies d'apprentissage et d'évaluation

Module : Les approches en orientation professionnelle « Les influences de l'orientation éducatives

Module : Outil du formateur étudié au CNUF (Nancy-Université Formation Continue)

Module : Relation Travail Formation

Adresses Internet

43 http://entreprendre-pour-apprendre.fr/lire/index.php?rubid=3. Consulté le 15 mai 2010

Mots clés : EPA, entreprendre, apprendre, entreprendre pour apprendre, CCI Lorraine, MEDEF.

43 http://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9dagogie_de_projet. Consulté le 25 mai 2010

Mots clés : pédagogie, projet, pédagogie du projet.

43 http://fr.wikipedia.org/wiki/Sciences_humaines_et_sociales. Consulté le 25mai 2010

Mots clés : pédagogie, projet, pédagogie du projet.

ANNEXE 1

Entretien Exploratoire

ANNEXE 2

Guide Pédagogique de la mini-entreprise

Le projet collectif de la Mini-Entreprise au sein de l'E2C d'Epinal

Répond t-il aux attentes,

En termes d'apprentissage, pour ce type de public ? 

Créer une entreprise pour découvrir le monde de l'entreprise, serait-il un moyen facilitant l'insertion des jeunes de 16 à 25 ans en difficultés sortis du système scolaire trop tôt?

La mini-entreprise est l'un de ces projets proposé par l'association EPA (Entreprendre pour Apprendre). Ce projet a été créé à la base pour des élèves de lycées et de collèges et qui est axé sur la pédagogie de projet.

La CCI (Chambre de Commerce et de l'Industrie), par le biais de L'E2C (Ecole de la Deuxième Chance) expérimente cette pédagogie de projet qui pourrait, me semble t-il, être contre productive car inadaptée au public de l'E2C.

Selon J.P BOUTINET : « Le projet permet à l'acteur d'effectuer une transformation de son rapport au monde ; plus qu'une adaptation à ce monde, il se veut recherche d'une insertion locale qui pour l'acteur ait un sens ».

Mais pour autant, peut-on créer des projets à tout va et invoquer l'acteur à trouver un sens à ces projets ? Sachant que ces dernier n'ont pas été pensés ni même réfléchis pour, et par l'acteur lui-même.

De quoi parle t-on, lorsqu'il s'agit de pédagogie de projet ? Et de qui parle t-on lorsqu'il s'agit d'apprentissage ?

Mots clés :

Pédagogie ; apprentissage ; projet ; pédagogie de projet ; entreprise ; EPA ; CCI ; E2C.

* 1Jean Vassileff. 1991. La pédagogie du projet en formation page 8. Lyon : Chronique Sociale / 132pages

* 2 Module NUFC Les approches en orientation professionnelle « Les influences de l'orientation éducatives

* 3 Module NUFC « Les approches en orientation professionnelle » PELLETIER, NOISEUX, BUJOLD : Développement Vocationnel et Croissance Personnelle. Mac GRAW-HILL Editeurs, 1974.

* 4 Guide pratique du formateur 2002 page 99 : édition : INSEP CONSULTING PARIS Didier Noyer - Jacques PIVETEAU 212 pages.

* 5 http://entreprendre-pour-apprendre.fr/lire/index.php?rubid=3. Consulté le 15 mai 2010/ Mots clés : EPA, entreprendre pour apprendre.

* 6 Formateur d'adultes. Jean Paul MARTIN, Emile SAVARY. Page 185 Chronique Sociale Lyon 5eme édition 2008 Nombre de page : 363

* 7 http://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9dagogue. Page vue le 23 mai 2010

* 8 Modules NUFC : outils du formateur, différenciation des stratégies d'apprentissage et d'évaluation

* 910 Sciences humaine 1996 numéro12 hors série page 5 L'apprenant, le savoir et le formateur

* 11 http://fr.wikipedia.org/wiki/Sciences_humaines_et_sociales Consulté le 25mai 2010 Les sciences humaines et sociales sont un ensemble de disciplines scientifiques étudiant les aspects sociaux des diverses réalités humaines. Selon les définitions simplifiées des dictionnaires, les sciences humaines ont pour objet d'étude ce qui concerne les cultures humaines, leur histoire, leurs réalisations, leurs modes de vie et leurs comportements individuels et sociaux, tandis que les sciences sociales auraient pour objet d'étude les sociétés humaines, entités distinctes regroupant les humains pour des motifs divers

* 12 http://fr.wikipedia.org/wiki/Projet. Consulté le 25mai 2010

* 13 Jean Vassileff. 1991. La pédagogie du projet en formation page 35. Lyon : Chronique Sociale / 132pages

* 14 http://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9dagogie_de_projet. Consulté le 25 mai 2010

* 15 John Dewey née le 20 octobre 1859 à Burlington dans le Vermont est un philosophe américain spécialisé en psychologie appliquée et en pédagogie.

* 16 Célestin Freinet est un pédagogue français, né le 15 octobre 1896 à Gars dans les Alpes-Maritimes, mort le 8 octobre 1966. Les techniques Freinet de l'école moderne. Edition A. Colin, 1973 143 pages

* 17 Jean William Fritz Piaget, (9 août 1896 à Neuchâtel - mort le 16 septembre 1980 à Genève), est un psychologue, biologiste, logicien et épistémologue suisse connu pour ses travaux en psychologie du développement et en épistémologie avec ce qu'il a appelé l'épistémologie génétique.

* 18 Henri Wallon, né le 15 juin 1879 et mort à Paris le 1er décembre 1962, est un philosophe, psychologue, neuropsychiatre, pédagogue et homme politique français. A écrit à ce sujet : L'évolution psychologique de l'enfant. Edition. A. Colin, 2002 187 pages

* 19 Module outil du formateur étudié au CNUF (Nancy-Université Formation Continue)

* 20 La pédagogie du projet. Jean VASSILEFF page 39. LYON Edition Chronique Sociale. 131 pages.

* 21 Module d'apprentissage à NUFC

* 22 La zone proximale de développement est : « la distance entre le niveau de développement actuel, tel qu'on peut le déterminer à travers la façon dont l'enfant résout les problèmes seul et le niveau de développement potentiel, tel qu'on peut le déterminer à travers la façon dont l'enfant résout les problèmes lorsqu'il est assisté d'un adulte ou collabore avec d'autres enfants plus avancés ».

* 23 Lev Semionovitch Vygotski, (né le 17 novembre 1896 mort le 11 juin 1934) est un psychologue russe connu pour ses recherches en psychologie du développement et sa théorie historico-culturelle du psychisme.

* 24 La pédagogie du projet 1991. Jean VASSILEFF page 57 « l'acquisition des connaissances ». Edition Chronique Sociale. 131 pages.

* 25 Marc Bru et Louis Not Où va la pédagogie du projet ? 303 pages Toulouse, Éditions universitaires du Sud, 1987

* 26 Education permanente1987 Projet formation-action n°87 page 11

* 27 Education permanente1987 Projet formation-action n°87 page 13

* 28 Module NUFC : Outils du formateur, différenciation des stratégies d'apprentissage et différenciation des stratégies d'évaluation 

* 29 Sciences humaine numéro12 hors série page 23 interview de Philippe MEIREU sur les méthodes pédagogiques.

* 30 Sciences humaine numéro 1996 N°12 hors série page 33 Thème sur « Projet et Insertion »

* 31 Pédagogie de l'alternance 1991Editeur HACHETTE collection : Partie 3

* 32. Extrait du magasine de science humaine hors série n°12 page 41Thème : Apprendre à apprendre.

* 33 Pédagogie de l'alternance. 1999. page 70HACHETTE éducation 95 pages

* 34 Sciences humaine numéro1996 12 hors série page 6 Thème sur « l'apprenant, le savoir et le formateur »

* 35 Formateur d'adultes. Jean Paul MARTIN, Emile SAVARY. Page 241 Chronique Sociale Lyon 5eme édition 2008 Nombre de page : 363

* 36 RIEUNIER Alain : Préparer un cours, page 12. ESF éditeur, 2e édition, Paris 2004

* 37 Les cahiers de l'accompagnement. Edition CARIF 2002 Poitou-Charentes

* 38 Carl ROGERS : Liberté pour apprendre. Paris : Dunod, édition 1999, p162

* 39 Les cahiers de l'accompagnement. Edition CARIF 2002 Poitou-Charentes

* 40 La pédagogie du projet 1991. Jean VASSILEFF page 39. Edition Chronique Sociale. 131 pages.

* 41 Muchielli Alex. Les motivations. Paris. PUF. 2003

* 42 Formateur d'adultes. Jean Paul MARTIN, Emile SAVARY. Page 271 Chronique Sociale Lyon 5eme édition 2008 Nombre de page : 363






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle