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Les comportements des élèves du lycée technique de Ouagadougou face au dépistage VIH volontaire

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par Pascal Louis Germain COMPAORE
Université de Ouagadougou - Maà®trise de sociologie 2006
  

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UNIVERSITE OUAGADOUGOU

UNITE DE FORMATION ET DE

RECHERCHE/ SCIENCES HUMAINES

DEPARTEMENT DE SOCIOLOGIE

MEMOIRE DE MAITRISE DE SOCIOLOGIE

LES COMPORTEMENTS DES ELEVES DU

LYCEE TECHNIQUE DE OUAGADOUGOU FACE

AU DEPISTAGE VIH VOLONTAIRE

Présenté et soutenu par Sous la direction de

Pascal Louis Germain COMPAORE SOUBEIGA André

Mai 2OO6 Maître-assistant de

Sociologie

INTRODUCTION

Le dépistage volontaire est un enjeu fondamental dans la lutte contre le SIDA car il se situe à l'interface d'une politique efficace de prévention et de soins. En effet, l'absence de connaissance de la sérologie ôte toute légitimité aux propos sur la prévention d'une part et d'autre part empêche l'importante mise en oeuvre de soins précoces.

Si donc, le départ de la prise en charge c'est de connaître son statut sérologique, savoir qu'on est séropositif peut être cependant vécu comme la révélation d'une mort proche ; cette appréhension peut trouver son fondement dans le fait que la lutte contre la « séro-ignorance » pèche par l'absence d'une prise en charge effective et élargie à toutes les catégories sociales.

Alors, pourquoi faire un test sérologique en face d'une maladie incurable si l'on sait qu'un résultat positif peut entraîner un rejet social, sans garantie certaine d'accès aux soins anti-rétroviraux ?

C'est donc dans un contexte de discriminations possibles, d'absence de thérapie curative et d'accessibilité relative aux soins anti-rétroviraux que chaque groupe social et chaque individu «s'approprient et réinterprètent »1 les informations provenant des multiples canaux possibles de communication, y compris le discours biomédical.

Effectivement, «dans le domaine de la santé, certaines informations restent très souvent abstraites et les perceptions qu'ont les individus de ces questions sont bien souvent faussées. Chaque individu a son propre système d'interprétation de la maladie (cause, manifestation clinique ...) et définit sa propre grille d'explication en fonction, bien évidemment, du discours médical, mais aussi de sa propre perception, de son système de valeur et de la réaction de son entourage. »2

Ainsi, l'assimilation du dépistage volontaire ne se fait pas sur un mode passif mais bien plutôt actif c'est-à-dire selon les informations à l'origine des perceptions que les individus ont sur la question du VIH/SIDA.

1 « Le monde profane se révèle beaucoup plus poreux aux connaissances scientifiques qu'on ne le suppose généralement même si la circulation de l'information ne se fait pas sur le mode de l'acquisition passive mais sur le mode de l'appropriation et de la réinterprétation » FASSIN Didier et DOZON Jean Pierre, L'universalisme bien tempéré de la santé publique. In critique de la santé publique. Une approche anthropologique, Balland, 2001, p17

2 GUILLAUME Agnès, Les conséquences du sida : les difficultés de la mesure. In Les sciences sociales face au sida. Cas africains autour de l'exemple ivoirien, ORSTOM, 1995, p214

De ce qui précède, on peut soutenir que les stratégies de mise en oeuvre d'un programme de dépistage volontaire ne pourraient faire l'économie du degré d'information et des perceptions d'une population cible déterminée. A cet égard, notre intention de recherche se circonscrit au secteur de l'éducation considéré comme «l'un des secteurs sociaux les plus vulnérables à l'infection du VIH en ce qu'il constitue un environnement d'apprentissages, de brassages et d'interactions entre les jeunes scolarisés3

Nous nous sommes plus particulièrement intéressé au cas du Lycée Technique de Ouagadougou (LTO) qui a servi comme l'un des cinq sites d'accueil de la campagne de dépistage en milieu scolaire et universitaire du 13 au 23 avril 2004. La campagne a enregistré au total 954 volontaires dépistés, 933 résultats négatifs contre 21 résultats positifs soit respectivement les taux de 97,8% et de 2,2%.

En ce qui concerne exclusivement le seul site du LTO, 343 élèves ont été volontairement dépistés dont O3 tests positifs. Malheureusement, le rapport4 ne donne pas la distribution des effectifs par établissements d'enseignement car chaque site prenait en compte les lycées environnants ; cela ne nous permet pas dans notre cas, de comparer l'effectif total des élèves du LTO au nombre de ses volontaires dépistés. Néanmoins, on peut d'ores et déjà observer que ce site d'accueil du LTO a enregistré un nombre de volontaires (les 343 élèves) très en deçà de l'effectif de ce seul lycée à la date de la campagne (1211 élèves).

Par ailleurs, du point de vue de l'objectif, la campagne se voulait d'atteindre 25 000 élèves, étudiants et enseignants. Que faut-il alors conclure du quorum de 954 volontaires dépistés ? Une recherche sur le comportement, entendu comme choix d'adhésion ou de refus, des élèves face au test sérologique VIH paraît donc primordiale. Qu'est-ce qui explique la différence de comportement ?

L'étude comporte deux grandes parties. La première partie définit le cadre théorique et la méthodologie de recherche ; la seconde quant à elle, déploie l'analyse des entretiens de l'enquête de terrain et apporte la réponse à notre interrogation initiale.

3 Burkina Faso -PNUD, Rapport sur le développement humain. La lutte contre le VIH/SIDA, Ouagadougou, 2001, p81

4 Association Laafi La Viim, Rapport de la campagne de dépistage en milieu scolaire et universitaire, avril 2004. Tous les chiffres relatifs à ladite campagne sont tirés dudit rapport.

PREMIÈRE PARTIE : CADRE
THEORIQUE ET METHODOLOGIE
DE RECHERCHE

CHAPITRE I : cadre théorique

Nous avons pris connaissance des réflexions d'auteurs dont les préoccupations nous permettent de dégager des axes de discussions ainsi que la charpente conceptuelle de notre recherche.

I-1-Revue de littérature

« Une des principales contributions qu'attendent des sciences sociales, les sciences biomédicales et les programmes nationaux de lutte concerne le vaste sujet des causes et des ressorts de la dynamique du sida en Afrique. »5 Si cette affirmation de l'anthropologue Jean-Pierre DOZON est fondamentale, elle a cependant été détournée aux fins d'une lecture culturaliste et réductionniste de l'épidémie africaine aux premières heures de mobilisation contre le fléau, avec pour corollaires l'émergence et l'enracinement des représentations, stéréotypes, attitudes... négatifs. C'est à cela même que s'attaque Didier FASSIN en terme de «la distance abolie ».

En effet, les premières études anthropologiques sur le SIDA en Afrique ont négligé les précautions épistémologiques habituelles. Ainsi, d'une part, les études se sont focalisées sur le seul thème de la sexualité incriminant les pratiques sexuelles sans une «mise en perspective sociologique sur les conditions de vie globalement »6 ; d'autre part, cette réduction se double de l'intention de prouver que l'origine du SIDA est africaine : « Serait- il possible que le SIDA ait eu son origine dans le Rwanda rural [questionne Douglas FELDMAN et qui conclut]: Je n'ai pas trouvé le remède traditionnel guérissant le sida que je cherchais. Il n'est toutefois pas inconcevable que l'on puisse le trouver plus à proximité du site originel du sida, en Afrique centrale. »7

Cette approche culturaliste et réductionniste des pionniers a entraîné non seulement le succès du thème de la promiscuité sexuelle d'un sida africain mais surtout a eu deux effets négatifs. En effet, d'une part la responsabilité de la maladie est imputée à l'individu perçu comme un déviant sexuel et d'autre part, on a assisté soit à la dénégation de la maladie soit au rejet des programmes de prévention axés sur l'utilisation du préservatif.

Ce détour par la dimension diachronique du «phénomène sida » permet de resituer l'une des principales sources des représentations et des perceptions sur le SIDA. Ces représentations sont construites de façon théorique par Claude FLAMENT comme «des ensembles non autonomes ou faiblement structurés

5DOZON Jean Pierre, Des appropriations sociales et culturelles du sida à sa nécessaire appropriation politique. Quelques éléments de synthèse. In vivre et penser le sida en Afrique, Karthala, 1999, p679

6 FASSIN Didier, L'anthropologie entre engagement et distanciation. Essai de sociologie des recherches en sciences sociales sur le sida en Afrique. In vivre et penser le sida en Afrique, Karthala, 1999, p50

7 FELDMAN Douglas, cité par FASSIN Didier, Op.cit p49

parce qu'elles seraient organisées autour de principes organisateurs divers (mort /amour) activés alternativement, en fonction des contextes. »8 L'observation par Laurent9 VIDAL du vécu de personnes atteintes montre que ces représentations gravitent autour de réflexions sur l'origine de la contamination, de la mort, du rôle des médecins et du message préventif tout en confondant séropositivité et sida en tant qu'état physique grabataire. Enfin, analysant les perceptions, Marc-Eric GRUENAIS et Patrice Juste N'DOLO10 concluent que dès lors que les populations ont une meilleure perception des conséquences de la connaissance de son statut sérologique, elles développent une plus grande peur d'être testées. Ainsi, la prégnance de perceptions négatives au sein de notre population d'étude n'éclipse-t-elle pas les avantages qui pourraient être liés à la connaissance du statut sérologique? Par ailleurs, quelle perception les élèves ont-ils de la notion du risque ?

Le risque est le plus souvent lié aux comportements sexuels des élèves. En effet, par rapport à l'activité sexuelle, le constat demeure que les jeunes en général et plus particulièrement les élèves commencent leurs activités amoureuses sans informations sur la sexualité (Thomas BALIMA :1999)11. Cette expérience individuelle de la sexualité est pourtant socialement influencée : «le quartier, l'école, les groupes de pairs et les soirées dansantes constituent des cadres de rencontres entre filles et garçons, au sein desquels se construisent des réseaux de sociabilité. »12 Ainsi, l'âge au premier rapport sexuel tourne autour de 14 ans mais l'âge moyen varie et surtout se déplace vers 16 ans et plus avec toutefois une propension plus grande de la précocité masculine.

Le risque observé est le fait du multipartenariat sexuel: « il ressort que les groupes cibles en l'occurrence les élèves (...) ont plus d'un partenaire ou entretiennent des rapports sexuels avec des partenaires occasionnels. »13 Il est également lié à une utilisation irrégulière du préservatif, remarque toujours Thomas BALIMA; ce même constat est relevé par Théodore KOUAMA qui observe toutefois que « la raison souvent avancée de cette non utilisation du préservatif est la prétendue connaissance du partenaire sexuel. »14 Cela est le fait que l'utilisation du préservatif semble décroître avec l'accroissement du sentiment

8 FLAMENT Claude cité par SECA Jean Marie, Les représentations sociales, Armand Colin, 2002, p44

9 VIDAL Laurent, Le silence et le sens. Essai d'anthropologie du sida en Afrique, Anthropos-economica, 1996,218p.

10 GRUENAIS Marc-Eric, N'DOLO Patrice Juste, L'acceptabilité du dépistage, fonction des contexte. In Le dépistage VIH et le conseil en Afrique au sud du Sahara, Karthala, Paris,1997, 321p.

11 BALIMA Thomas, Entrée dans la sexualité d'étudiants burkinabé aux temps du sida, mémoire de maîtrise en sociologie, FLASHS, Université de Ouagadougou, 1999.

12 BALIMA Thomas, Op. Cit. P5.

13 BALIMA Thomas, Op. Cit, p4.

14 KOUAMA Théodore, Les infections sexuellement transmissibles et les comportements sexuels à l'école secondaire: cas des lycéens du département de saponé,p42.

amoureux. Cependant, comme il l'observe fort justement, cette connaissance apparaît secondaire puisqu'elle n'implique pas une connaissance du statut sérologique. Ces analyses ne peuvent certainement pas être appliquées en tant que comportements homogènes à l'ensemble des élèves. Par ailleurs, la perception du risque dès lors se focalise sur les comportements sexuels.

Pourtant, pour chaque société, chaque groupe et sous groupe social, les ressources socioculturelles utilisées pour appréhender la notion de risque opèrent une stratification sociale.

En effet, pour Marcel CALVEZ «la mise en oeuvre des politiques de prévention du sida peut alors être regardée comme un procès de stratification quihiérarchise les positions sociales en fonction du risque.»15 Dit autrement, le

risque est en fait attribué à des catégories groupales selon les limites de la critique morale de chaque société. Ainsi, dans notre contexte, les «prostituées », les chauffeurs routiers, les orpailleurs etc. sont dans la perception populaire aux premières loges des «groupes à risque » ou «groupes vulnérables». Cependant, cette stratification peut développer chez d'autres catégories sociales une altérité négative consistant non seulement au rejet du risque à l'autre mais parce qu'elles ne sont pas identifiées comme «groupes à risque » ne se sentent pas forcement concernées par le SIDA. C'est ce qu'a révélé l'enquête d'alors du Ministère de la Santé et de l'Action Sociale concernant les élèves : sur un échantillon de 466 individus «seulement 11% des élèves se voient eux-mêmes comme étant sujets à risque. »16

Cette mise en question de la notion du risque éclaire sous un jour nouveau en montrant que sa mise en circulation dans l'information implique une appropriation et une réinterprétation en tant qu'attribut d'identité des différents groupes sociaux. L'altérité négative observée chez nombre d'élèves peut bien aussi expliquer la différence de comportement si les élèves ne perçoivent pas le dépistage sérologique VIH, indépendamment de ce procès d'accusation de l'autre, en tant que moyen d'une meilleure prévention de s'infecter ou de développer le SIDA.

Or la prévention s'inscrit dans des constructions sociales en fonction du sens donné à la maladie, sens lui-même objet de construction sociale. Ainsi, retenons avec Jean-Pierre DOZON 17 trois mises en sens émique du sida

15 CALVEZ Marcel, Le risque comme ressource culturelle dans la prévention du sida. In Critique de la santé publique. Une approche anthropologique, Balland, 2001, p121

16 Ministère de la santé et de l `action sociale, Sexualité et sida en milieu scolaire secondaire à Ouagadougou, octobre 1989, p8

17 DOZON Jean Pierre (1999). Les modèles de préventions sont tirés du même auteur mais dans : Quatre modèles de prévention. In Critique de la santé publique. Une approche anthropologique, Balland, 2001, p26

auxquelles peuvent être joints deux modèles de préventions. Premièrement, le «phénomène sida » est appréhendé à partir des catégories nosologiques et étiologiques locales. Le savoir biomédical est alors relégué au dernier plan, ce qui engage une lecture culturelle de la maladie (amaigrissements, diarrhée, etc. pouvant le confondre d'ailleurs à d'autres catégories nosologiques). Il se range alors avec le registre des interdits et transgressions sociales, notamment l'adultère. Le modèle de prévention dans ce cas de figure est celui magicoreligieux qui se présente comme un dispositif de prévention ordonnant préalablement les causes ou les étiologies.

La seconde mise en sens interprète le SIDA comme une nouvelle maladie liée aux transformations des sociétés africaines, particulièrement aux désordres et dérèglements affectant les relations entre sexes et générations. Cette construction sociale recoupe en certaine manière la prévention magico-religieuse. Elle diffère en effet des protections contre des agressions ou des punitions d'entités transcendantes ou des attaques sorcellaires mais elle met en jeu des métaphores qui imagent la sanction due au désordre social d'une modernité chaotique.

La troisième mise en sens résulte des diverses constructions de l'altérité (la prostituée, l'étranger, le chauffeur routier, en un seul mot l'autre). Seul l'autre est donc concerné par l'infection et la prévention.

Toutes ces constructions sociales du SIDA appellent des modèles de préventions qui s'éloignent de l'exigence du modèle contractuel que commande le dépistage volontaire. En effet, dans le modèle contractuel de prévention, la maladie ne se rapporte plus aux manifestations d'entités18 invisibles ou transcendantes mais à l'organisation pratique rationnelle19de la société. La prévention suppose alors une logique d'action de sujets agissant de façon éclairée c'est-à-dire que la prévention (y compris le dépistage VIH), se protéger et protéger les autres, relève du ressort d'une responsabilité individuelle informée et éclairée. Or, en mettant en jeu le consentement éclairé des populations, ce modèle de prévention fonctionne dans l'idéal en tant que rapport dont la nature se veut essentiellement pédagogique pour justement permettre aux populations d'accéder et d'adhérer aux propositions de prévention énoncées par le savoir biomédical. De ce point de vue donc, tous les élèves ne disposent pas de ressources suffisamment déterminantes pour les décider à faire un test sérologique VIH : « la faible fréquentation des structures de lutte (...) la superficialité des informations entre

18 LAPLANTINE François théorisant les modèles étiologiques rend compte ainsi du modèle exogène: "la maladie a son origine dans la volonté mauvaise d'une puissance anthropomorphe ou anthropomorphiseé" In Anthropologie de la maladie, Paris, Payot, 1992, p77.

19 « L'idée de rationalité est utilisée comme un réflexe visant à mettre en avant la civilisation occidentale dans le cadre de la science occidentale. Par là elle dénie la rationalité inhérente à la diversité culturelle. » DISSAKE Emmanuel, Feyerabend, Epistémologie, anarchisme et société libre, 2001, p88.

camarades d'école, le silence des parents »20 sont des facteurs de vulnérabilité, autant ils peuvent expliquer la différence de comportement face au dépistage volontaire.

En arrière plan, c'est en fait toute la question de la médecine préventive qui se trouve soulevée. En effet, elle est selon Bernard HOURS un phénomène occidental né du développement de la biomédecine et de la prise de conscience d'une solidarité entre malades et bien-portants par le biais de la contamination, de la contagion et de la transmission.

Or en tant que cadre de gestion de la maladie, la médecine préventive est venue se superposer à des systèmes antérieurs propres aux diverses sociétés non occidentales. Et pourtant, comme le remarque fort bien Bernard HOURS «anticiper l'occurrence de la maladie pour l'empêcher est une autre logique que celle qui traque les causes du mal et qu'on relève dans toutes les sociétés. »21 Ainsi, c'est toute la philosophie de la démarche volontaire de dépistage qui est remise en cause car elle sous-tend une logique inhabituelle dans les sociétés où la médecine préventive est peu développée.

I-2- Problématique

Le test sérologique VIH volontaire est considéré comme l'un des axes stratégiques dans la lutte contre le VIH/SIDA. En effet, l'adhésion au conseil dépistage ainsi que son développement permettraient une plus grande lisibilité de la maladie et surtout pourraient servir de catalyseur de la mise en oeuvre de soins précoces pour éviter que le sida ne soit assimilé à la mort.

Mais il demeure difficile à l'intégrer dans la réalité des différents groupes et sous groupes sociaux en raisons de : d'une part il s'agit d'une maladie incurable et l'accès aux soins anti-retroviraux demeure limité et d'autre part, les représentations, perceptions, stéréotypes etc. négatifs peuvent jeter sur un sujet séropositif l'opprobre social ; par ailleurs, la prééminence de la connotation sexuelle de l'infection peut faire de l'entreprise de la démarche volontaire un acte d'aveu public d'une sexualité «vagabonde et culpabilisante ».

Les élèves entrant assez tôt dans l'activité sexuelle sans souvent en possession d'informations en la matière encourent des risques. Ces risques s'observent à travers leurs comportements sexuels. En effet, le multipartenariat sexuel ou le partenariat sexuel occasionnel, la non utilisation systématique du

15 Université de Ouagadougou, département de sociologie. Sous la direction de SOUBEIGA André, Rapport de stage de terrain. La vulnérabilité des jeunes lycéens face au VIH/SIDA dans la ville de Ouagadougou, juin 2004, p11

21 HOURS Bernard, In Les pratiques de santé dans un monde globalisé, Karthala, 2003, p38

préservatif sont autant de facteurs de risque d'infection. La perception du risque forte d'une promiscuité sexuelle entraîne le plus souvent son analyse sur le seul aspect comportemental sexuel. Pourtant, la notion du risque ainsi vue éclipse facilement les autres modes de transmissions et les éléments socio-économiques qui sous-tendent l'infection mais surtout opère une stratification sociale en identifiant des catégories sociales. Il peut en suivre que des élèves ne se reconnaissant pas à travers les catégories d'identité dites à risque développent une altérité négative qui les exclut de «l'aire du SIDA » donc de la justification du test sérologique.

Au-delà des préoccupations précédentes, les élèves appartiennent à différents milieux sociaux d'immersion, relèvent de divers réseaux relationnels et s'informent par une multiplicité de canaux possibles. Or le «phénomène SIDA » en tant que maladie est lue suivant le prisme de diverses constructions sociales engageant elles-mêmes des constructions sociales des modes de prévention. Pourquoi certains élèves disposent de ressources déterminantes pour se décider de façon informée et éclairée (modèle contractuel de la prévention) d'accepter volontairement le test VIH en tant que moyen de prévention alors que d'autres n'en disposent pas ?

Alors, est-ce que la différence de comportement des élèves en face du dépistage s'explique tout simplement par une différence de rapport au dépistage?

- Quelles perceptions les élèves ont-ils du dépistage volontaire ?

- Les rapports des élèves aux structures de luttes contre le VIH/SIDA sontils de nature à leurs apporter à tous l'éclairage souhaité pour une adhésion au dépistage ?

- Enfin, la vulnérabilité de l'élève et les interactions dans l'environnement social des pairs et de la famille influencent-ils le comportement, face au dépistage ?

I-3-Intérêt de la recherche I-3-1- Justification

L'étude répond d'abord à une préoccupation de recherche car la problématique du VIH/SIDA déborde largement les cadres des sciences médicales à cause de ses multiples implications : sociales, culturelles, économiques etc.

Ensuite, nous nous mettons au diapason de la politique actuelle de lutte qui met l'accent sur le dépistage volontaire.

I-3-2- Objectifs et but

Le comportement des élèves du LTO face au dépistage volontaire est un objet socialement construit. Nous visons à une compréhension du comportement d'adhésion et de refus des élèves du LTO face au test VIH.

Au-delà de cet objectif général, nous cherchons spécifiquement à appréhender les perceptions des élèves sur le dépistage, le niveau de connaissance des élèves sur la prise en charge, et à mettre en évidence des déterminants de comportement.

Le but visé est de parvenir à produire des connaissances scientifiques sur la question du dépistage en milieu scolaire.

I-4- Hypothèses

Afin de pouvoir élucider notre problème, nous proposons une explication théorique à partir de l'hypothèse suivante :

Hypothèse principale

La connaissance du statut sérologique se présente aux élèves du LTO comme étant désavantageuse parce qu'ils perçoivent plus les conséquences négatives d'une sérologie positive que les possibilités de la prise en charge. La différence de comportement s'explique par des déterminants qui sont la vulnérabilité et les interactions dans l'environnement social des pairs et de la famille.

Sous hypothèses

- La prééminence des perceptions négatives sur les possibilités de la prise en charge s'explique par une faiblesse de l'information ;

- La vulnérabilité et les interactions influencent le comportement des élèves. D'une part, plus l'élève est vulnérable plus il refuse le dépistage ; d'autre part, l'élève bénéficiant d'interactions favorables au dépistage s'y conforme.

I-5- Les variables I-5-1- La variable dépendante

La variable dépendante est celle que la recherche veut expliquer : le comportement des élèves face au test sérologique VIH.

I-5-2- Les variables indépendantes

Ce sont celles ayant une influence sur la variable dépendante et susceptibles de l'expliquer ainsi que ses variations.

I-5-2-1-Les variables personnelles

Ce sont l'âge, le sexe, la religion, le niveau scolaire. Ils permettent de rapporter des analyses aux caractéristiques socio-démographiques des enquêtés.

I-5-2-2-Les variables liées aux aspects du phénomène

- Les perceptions et l'information : ce couple de variables permet de décrire et de mettre en évidence les différentes perceptions et le degré d'information ; une lecture croisée permettra ensuite de montrer l'influence de ces variables sur le comportement des élèves.

- La biographie sexuelle : cette variable permet de décrire la vulnérabilité de l'élève. Rapportée aux deux variantes de comportements observés, elle en fournira l'explication.

- La conformité permet de rendre compte des interactions dans le cadre familial et dans le cadre relationnel : cette variable permettra aussi une explication du comportement d'adhésion.

I-6- Définition des concepts

Définir les concepts est une tâche indispensable dans une recherche sociologique afin que l'on sache ce qui est en question sans équivoque. Nous tenterons dans les lignes suivantes de trouver le sens sociologique des concepts essentiels à notre étude.


· Vulnérabiité

«Le concept de vulnérabilité prend en compte des facteurs personnels et externes, la dimension temporelle, ainsi que les interactions entre ces différents facteurs qui peuvent varier suivant les cultures et les sociétés. Ces facteurs sont «l'inadéquation » des programmes sur le SIDA, «l'inaccessibilité » de tels

services due à leur éloignement et leur coût, et «l'incapacité » du système de santé à répondre à une demande de soins et d'aides des personnes infectées et affectées par le VIH. »22

Laurent VIDAL ironise en critiquant la définition en termes de la vulnérabilité du concept de vulnérabilité. En effet le concept ainsi défini par l'ONU /SIDA «se heurte à l'hétérogénéité des situations englobées et la diversité des interprétations dont il est l'objet. »23 Effectivement, son utilisation tend à se focaliser sur des groupes sociaux identifiés comme vulnérables en raison de leur statut dans une société donnée, d'où très souvent l'association généralisatrice du concept au genre alors que pour chaque société et pour chaque individu, la vulnérabilité correspond à des situations bien précises dont les facteurs objectifs de réalisation (risque) sont observables.

Alors comment procéder à une définition prenant en compte autant de diversités tout en restant générale ? Cette question pose un problème classique d'ordre épistémologique en l'occurrence la prééminence entre une définition empiriste ou rationaliste des concepts. En effet, «pour les empiristes, la généralité du concept résulte de la somme d'expériences, de situations qui leur étaient commune »24 alors que pour les rationalistes cette généralité procède de la définition même du concept «c'est-à-dire de l'existence d'une propriété essentielle, abstraite, commune à toutes les situations qui relèvent du concept. »25 Ainsi, les premiers privilégient une démarche se fondant sur la valeur de l'observation alors que pour les seconds il s'agit de constructions logiques, avant tout déductives, allant du général au particulier.

Fort de ce débat, nous ne pouvons donc pas dans l'a priori définir le concept de la vulnérabilité prenant en compte la diversité voulue dans notre échantillon. Cependant, dans les limites déductives de nos hypothèses, nous pouvons désigner par vulnérabilité l'ensemble des expériences précises vécues par un individu, l'exposant à l'infection du VIH.

Cette définition, bien que dans l'apparence large, est analytiquement opératoire pour notre cas. En effet, elle nous permet d'abord d'éviter de voir spontanément la vulnérabilité selon le contexte ou à coller de façon tendancielle le concept à des catégories sociales présumées vulnérables. Outre de nous épargner cette réduction, elle nous offre l'avantage de voir en quoi un individu est vulnérable par l'examen de sa biographie, notamment les expériences sexuelles.

22 ONU/SIDA (La situation des risque et la vulnérabilité : 1998) cité par VIDAL Laurent, Anthropologie d'une distance : le sida, de réalités multiples en discours uniformes. In Le sida des autres. Constructions locales et internationales de la maladie, IRD, 1999, p23

23 VIDAL Laurent, Op.cit, p23

24 GRAWITZ Madelaine, Méthodes des sciences sociales, DALLOZ, Paris, 2001, p18

25 GRAWITZ Madelaine, Op.cit, p18


· Risque

Madelaine GRAWITZ définit le risque comme «la probabilité plus ou moins grande que survienne un événement dangereux. »26Le concept ainsi défini est détaché de tout champ social précis d'application. Ainsi, dans le domaine de la santé, il n'a pas toujours servi de mesure probable notamment lorsqu'il se lie au SIDA.

Karine DELAUNAY note dans le cas du SIDA qu'en «l'absence d'un modèle étiologique établi[la construction sociale du risque] a conduit à rechercher ce que ces malades avaient en commun et, partant, à les constituer en groupes. » Selon cette logique épidémiologique de classement, le risque désigne un vecteur du SIDA en association à des catégories sociales dites « groupes à risque ». Ensuite, le risque est passé d'une «recomposition de la logique de classement en logique de classification fondée sur les modes de transmission du virus. »27 Il désigne alors la possibilité de s'infecter à travers des «comportements à risque». Enfin, le risque est mis en relation avec les conditions de vie des individus et des groupes sociaux désignant de ce fait les différents facteurs exposant à l'infection du VIH. A ce niveau de l'analyse, la marge entre le concept de risque et celui de vulnérabilité n'est que mince. En outre les différents facteurs de risque ne sont pas exhaustifs et même sont difficilement définissables puisqu'ils ne le peuvent être qu'en fonction de la diversité individuelle et sociale.

C'est pourquoi nous préférons le rattacher au concept de vulnérabilité pour définir le risque comme la probabilité d'infection prenant sa valeur avec le degré de vulnérabilité d'un individu.

Cette définition nous offre aussi l'avantage de ne pas appliquer le concept en tant que catégorisation de comportements dits à risque. Ainsi, le risque devient une variable qualitative dont les valeurs graduelles (nulle, peu élevée, élevée) prennent leur signification en fonction de la vulnérabilité.


· Altérité négative

L'altérité est de façon générale la construction d'une identité par rapport à un groupe social ou une société donnée. « L'autre » est alors regardé à partir de valeurs portées par celui qui regarde. L'altérité négative dans ce cas-ci est l'association négative de l'autre au phénomène SIDA lui imputant la responsabilité de la prévention, de la transmission, et de tout autre rapport au

26 GRAWITZ Madelaine, Lexique des sciences sociales, Dalloz, 1994, p341

27 DELAUNAY Karine, des groupes à risque à la vulnérabilité des populations africaines. Discours sur une pandémie. In Le sida des autres. Constructions locales et internationale de la maladie, IRD,1999, p37

VIH /SIDA. L'altérité négative devient en fait la reconnaissance de ma personne quant à ses impossibles rapports sociaux ou biologiques à la maladie et ses implications tout en les légitimant pour « l'autre »

CHAPITRE II : Méthodologie de recherche

La méthodologie a pour objectif d'exposer la procédure de recherche. Ainsi, dans ce chapitre, après avoir présenté le champ de l'étude, nous présenterons les différents procédés, outils et techniques utilisés pour les besoins de l'étude.

II-1-Le champ d'étude

II-1-1-Présentation du Lycée Technique de Ouagadougou

Le lycée technique industriel et commercial de Ouagadougou, communément appelé LTO jouxte l'Université de Ouagadougou à son côté Nord. Il compte un bâtiment administratif, trente trois (33) salles de classes, deux (2) laboratoires d'informatique, un (1) laboratoire de science physique, quatre (4) ateliers (genie-civil, mécanique générale, électronique, et électrotechnique), une (1) bibliothèque, une (1) cantique scolaire et un (1) complexe sportif.

Les services offerts par ledit lycée sont la formation professionnelle continue et cinq filières d'enseignement :

- l'enseignement général (série E ou mathématique et technique)

- l'enseignement tertiaire (la série G1 ou techniques administratives et la série G2 ou techniques quantitatives de gestion)

- l'enseignement industriel (la série F1 ou mécanique générale, la série F2 ou électronique et la série F3 ou électronique) ; ces trois filières d'enseignements préparent les élèves à un baccalauréat. Quant aux deux autres filières, elles préparent les bénéficiaires au Brevet d'Etudes professionnelles (BEP) et sont :

- l'enseignement tertiaire (BEP secrétariat, BEP comptabilité et BEP technique de vente et de commerce)

- l.'enseignement industriel (BEP génie civil et BEP topographie).

II-1-2- Critères de choix

Le LTO est le plus grand établissement public mixte d'enseignements général puis technique industriel et commercial ayant servi de site d'accueil à la campagne de dépistage volontaire en milieu scolaire du 13 au 23 avril 2004. IL y existe un club sida. Pour l'année scolaire 2004-2005, l'établissement compte 143728 élèves, 130 enseignants, 26 personnels administratifs et 12 personnels de soutien.

28Il s'agit de l'effectif de l'année scolaire 2004-2005. Le chiffre de 1211 élèves indiqué dans l'introduction correspond à l'effectif de l'année scolaire précédente, à la date de la campagne de dépistage, avril 2004.

A côté de ces critères, la dimension sociale a aussi guidé notre choix. En effet, tous les élèves proviennent d'autres établissements où ils ont achevé le premier cycle de l'enseignement secondaire. Ils ont un âge compris entre 16 et 25 ans. Il s'agit donc d'un espace social en mosaïque d'acteurs de clivages sociaux différents, d'appartenances culturelles, religieuses, etc. diverses, et dans une tranche d'âge de recherche d'épanouissement, notamment sexuel.

II-2 - Echantillonnage II-2-1- La population cible

Notre étude se situait à cheval sur deux années scolaires, 2003 - 2004 puis 2004-2005. Nous avons donc considéré les seuls élèves des classes de 1ère , de 2ème année BEP et de terminales de l'année en cours (2004-2005 au moment de l'enquête) ; ainsi nous ne prenons en compte que la population qui a vécu l'expérience de la campagne de dépistage volontaire du 13 au 23 avril 2004 au sein dudit établissement.

Les entretiens ont visé le plus grand nombre possible, selon ce critère d'éligibilité afin de recueillir, selon la diversité, les discours sur les perceptions, la vulnérabilité de l'élève, et les interactions familiales et relationnelles.

II-2-2- Les personnes ressources

Le choix des personnes ressources s'est fait selon le profil socioprofessionnel des personnes susceptibles d'apporter un éclairage à notre étude. Ainsi, nous avons pris en compte un certain personnel du lycée ; outre ces personnes, nous avons pris en compte un médecin chargé de prise en charge médicale et un psychologue chargé de l'accompagnement psychosocial de PVVIH. Enfin nous avons considéré le discours de quelques parents d'élèves.

II-3 - La collecte des données II-3-1-L'entretien

L'outil de collecte des données demeure intimement lié à l'objet construit. C'est cette exigence qui nous a imposé le choix de l'entretien comme répondant aux mieux à notre objet de recherche. Il s'agit d'«un procédé d'investigation scientifique, utilisant un processus de communication verbale, pour recueillir des informations, en relation avec le but visé. »29

29 GRAWITZ Madelaine, Méthodes des sciences sociales, Dalloz, 2001, p644

Pour Nomma MAYER30, il existe plusieurs types d'entretien en fonction du degré de liberté laissé aux interlocuteurs et du type de connaissance visé.

L'entretien semi-structuré ou semi-directif que nous avons utilisé se présente comme une technique d'enquête qualitative structurée par un guide d'entretien. Elle réalise une situation intermédiaire entre l'entretien structuré ou directif et non structuré ou non directif. Cette technique intermédiaire nous a permis d'explorer notre objet dans les axes définis par nos hypothèses d'étude et conformément à nos variables.

II-3-2- L'observation directe

Afin de nous rendre compte par nous-mêmes de certains aspects liés à la circulation de l'information au sein du lycée et pendant la campagne de dépistage, nous avons visité les tableaux d'affichage et avons suivi une séance d'information sur le dépistage, animée par ALAVI.

II-4- Approche analytique

La nature qualitative de l'étude impose une description analytique des discours recueillis.

Pour ce faire, nous avons procédé par une analyse de contenu «parce qu'elle offre la possibilité de traiter de manière méthodique des informations et des témoignages qui présentent un certain degré de profondeur et de complexité comme par exemple les rapports d'entretien semi-directifs. »31 L'analyse de contenu nous a permis donc de décrire et d'agréger d'abord les informations en thèmes pertinents suivant les objectifs de la recherche. Mais, la tâche du sociologue étant d'expliquer, l'analyse proprement dite suivra les descriptions et se saisira de la teneur des discours pour en donner une explication.

Mais, afin de garder l'anonymat des enquêtés à cause de la délicatesse des questions abordées par l'étude, nous annoncerons les extraits d'entretiens avec des sobriquets que nous aurons nous-mêmes attribués aux interviewés. Pour ce faire, nous avons retenu l'initial du vrai prénom de l'interviewé ; ensuite, nous avons utilisé cet initial pour la formation du sobriquet en respectant ce que le prénom représente (prénom masculin ou féminin, et chrétien ou musulman). Les autres caractéristiques individuelles demeurent sans changement.

30 MAYER Nomma, `entretien', Dictionnaire de sociologie, Larousse-Bordas, 1999, p86

31 QUIVY Raymond, CAMPENHOUDT Luc Van, Manuel de recherche en sciences sociales, DUNOD , Paris, 1995, p230.

II-5- Le terrain

Nous avons été sur le terrain d'enquête du 7 avril 2005 au 14 mai 2005. Au total quarante-trois (43) entretiens ont été réalisés :

- trente-trois (33) entretiens avec les élèves (population cible) ainsi réparti :

· dix-huit (18) adhérents et quinze (15) réticents

· seize (16) du sexe féminin et dix-sept (17) du sexe masculin ; toutes les classes concernées par l'études ont été prises en compte ;

- dix (10 ) entretiens avec les personnes ressources composées de :

· quatre (4) personnes du lycée ( le président du cercle de relai sida, une infirmière, une enseignante en économie sociale et familiale puis marraine du club ABBEF, une surveillante puis marraine du club FAWE) ;

· un (1) médecin chargé de prise en charge médicale dans une association de lutte contre le VIH/SIDA ;

· un (1) psychologue chargé de l'accompagnement psychosocial dans une association de lutte contre le VIH/SIDA ;

· un (1) médecin du comité ministériel de lutte contre le VIH/SIDA et chargé du programme national de la prise en charge médicale ;

· et trois ( 3 ) parents d'élève.

Nous avons conduit seul tous les entretiens qui ont été enregistrés par dictaphone, transcrits fidèlement et dépouillés manuellement.

II-6- Limites de l'étude

La première limite de l'étude est inhérente à la nature même de l'étude. En effet, en optant pour une étude qualitative de cas, notre propos sur la question du dépistage ainsi que les analyses produites sont restrictifs au seul cas des élèves du LTO.

Ensuite, nous n'avons pas pu joindre les deux animateurs de la campagne de dépistage du site du LTO. Ils avaient été recrutés pour la circonstance. Cela n'a pas permis de recueillir leur discours sur la question.

Enfin nous n'avons entendu que trois parents d'élèves, ce qui rend également une réalité étriquée sur cet aspect.

DEUXIÈME PARTIE : RESTITUTION
ANALYTIQUE DES DONNEES

CHAPITRE I Description du profil socio-démographique des élèves

La description du profil socio-démographique des élèves est avant tout une présentation des caractéristiques individuelles comme l'âge, le sexe, la religion, etc. l'objectif étant de s'imprégner un tant soit peu de la constitution de la population cible. Le rapport de ces caractéristiques aux discours produits ou aux comportements ne pouvant être totalement neutre, il est donc nécessaire de voir en quoi elles peuvent influencer les discours ou les comportements.

I-1- Le sexe

Nos entretiens ont touché seize (16) élèves du sexe féminin et dix-sept (17) du sexe masculin.

Par rapport au type de comportement observé, la répartition selon le sexe est la suivante :

- neuf (9) adhérentes et neuf (9) adhérents soit un total de dix-huit (18) adhérents au dépistage ;

- huit (8) réticentes et sept (7) réticents soit un total de quinze (15) réticents au dépistage.

L'apparence de la symétrie de cette répartition par sexe entre les deux types de comportements, loin d'être préméditée, est plutôt le reflet de la saturation. Dans nos interprétations, le sexe apparaît comme une caractéristique essentielle qui rend compte des interactions favorables dans le sous groupe masculin alors qu'elle apparaît quasi inopérante dans le sous groupe féminin.

I-2- L'âge

L'âge de nos interviewés oscille entre dix-sept (17) ans, âge minimal, et vingt-deux (22) ans, âge maximal. Ainsi, nous avons de façon exhaustive la répartition suivante :

Age

Nombre d'élèves

Dix-sept (17) ans

Un (1)

Dix-huit (18) ans

Sept (7)

Dix-neuf (19) ans

Neuf (9)

Vingt (20) ans

Huit (8)

Vingt-un (21) ans

Quatre (4)

Vingt-deux (22) ans

Quatre (4)

Nous pouvons aisément remarquer une concentration de l'âge de nos enquêtés entre la tranche de dix-huit (18) ans à vingt (20) ans qui rassemble vingt- quatre (24) élèves sur les trente-trois (33).

L'âge au premier rapport sexuel est de quinze (15) ans dans le sous groupe féminin et de dix-sept (17) ans dans le sous groupe masculin.

Si aucune régularité de la distribution de l'âge en fonction du sexe et du type de comportement ne peut être sollicitée pour rendre une explication dans le cadre de cette étude qualitative, nous pouvons tout de même constater que la majorité des élèves de notre échantillon sont dans une tranche d'âge d'épanouissement, notamment sexuel. Ceci pourrait rendre compte de certains aspects des comportements sexuels.

I-3- La religion

Les religions chrétiennes et l'islam sont les appartenances religieuses apparues dans notre échantillon d'élèves. Dix-neuf (19) élèves sont chrétiens catholiques, deux (2) élèves sont chrétiens protestants et les douze (12) autres restant sont musulmans. Nous observons donc une prédominance de la religion chrétienne dans notre échantillon.

Par rapport au comportemental, là aussi, la nature qualitative de notre étude ôte la légitimité et la signification d'une distribution de chiffres. Cependant, la religion peut apparaître dans le cadre familial comme un facteur déterminant de la position familiale face à la question du dépistage.

I-4- La classe

Nous voulons entendre par classe la répartition des élèves de l 'échantillon en classe d'examen et en classe intermédiaire. Ainsi, sur les trente-trois (33) élèves touchés par l'enquête, vingt (20) sont en classe d'examen et treize (13) en classe intermédiaire.

Parmi ceux qui sont en classe d'examen, douze (12) sont allés au dépistage et les huit (8) autres n'ont pas fait le test de dépistage.

Quant aux treize (13) élèves qui sont en classe intermédiaire, huit (8) ne sont pas allés au dépistage et cinq (5) ont accepté de se faire dépister.

Les proportions ci-dessus ne peuvent, bien évidemment pas, faire l'objet d'une lecture croisée et comparée. Cependant, le fait d'être en classe d'examen se

présente de certaine manière comme une influence sur la perception du futur. Toutefois, cela n'est pas l'apanage exclusif des élèves en classe d'examen.

I-5- La résidence et le statut socioprofessionnel des parents I-5-1- La résidence

La résidence des élèves de notre échantillon est celle de leurs parents. La résidence peut être scindée en deux catégories : quartiers populaires et cités.

Ainsi, en ce qui concerne les élèves résidant dans une cité, cinq (5) élèves s'y retrouvent de la sorte :

- Cité 1200 logements : trois (3) élèves ; - Cité AN II : un (1) élève ;

- Cité AN III : un (1) élève.

La résidence des vingt-huit (28) autres élèves est disséminée dans des quartiers populaires et de la façon suivante :

- Boulmiougou :deux (2) élèves ; - Cissin : trois (3) élèves ;

- Dassasgho : cinq (5) élèves ; - Gounghin : deux (2) élèves ; - Kossodo : un (1) élève ;

- Ouidi : un (1) élève ;

- Pag-la-yiri : deux (2) élèves ; - Patte d'oie : deux (2) élèves ; - Pissy : trois (3) élèves ;

- Sã-yiri :un (1) élève ;

- Tampouy : quatre (4) élèves ; - Tanghin : un (1) élève ;

- Zone une : un (1) élève.

La majorité de nos interviewés résident donc dans des quartiers populaires de la ville de Ouagadougou.

I-5-2- Le statut socioprofessionnel des parents

Sans pouvoir ici donner en détail le statut socioprofessionnel des parents d'élèves de notre échantillon, nous rassemblerons en grands traits celui des pères et celui des mères.

Ainsi, le statut socioprofessionnel des pères se concentre plus autour des professions de niveau élevé tels que chirurgien, expert-comptable, conseiller des affaires économiques, conseiller juridique, conseiller pédagogique, ingénieur en informatique, proviseur de lycée, etc. Cependant, certains ont pour profession : chauffeur, artisan, agent de bureau, militaire, instituteur; d'autres sont à la retraite.

Quant au statut socioprofessionnel des mères, la tendance de concentration est inverse. Outre les treize (13) ménagères, la plupart des professions sont de niveau moyen telles qu'institutrice, infirmière, accoucheuse auxiliaire. Cependant, on rencontre quelques professions de niveau élevé tels que conseiller des affaires étrangères, conseiller des affaires économiques, inspectrice de l'enseignement, secrétaire de direction.

L'association des différentes professions dans un couple de parents est majoritairement du type profession de haut niveau-profession de moindre niveau.

Notre échantillon est constitué d'élèves des deux sexes, âgés de dix-sept ans à vingt-deux ans, d'appartenance religieuse chrétienne ou musulmane. Ils résident avec leurs parents, dans une grande majorité dans des quartiers populaires de la ville de Ouagadougou. Les familles d'origine ont dans l'ensemble une situation économique non précaire mais non point trop élevée.

CHAPITRE II Les élèves face au dépistage : la réalité en une pluralité de discours

La perspective de connaissance du statut sérologique place d'emblée l'élève au coeur d'un rapport d'évaluation du dépistage. La préoccupation des interviewés peut être de ce fait bien rendue par ce propos : « Quand on se décide à aller faire le test, il faut d'abord s'asseoir voir le pour, le contre avant d'aller. »

Des discours recueillis, aussi bien ceux d'élèves adhérents que réticents au dépistage, ce rapport d'évaluation porte aussi bien sur les avantages et les désavantages du test sérologique VIH que sur la confidentialité et la fiabilité du test, le tout sur fond d'angoisse.

II-1- Les avantages du dépistage

Selon le rapport32 du Ministère de la santé, les avantages et les inconvénients du dépistage peuvent être formalisés en termes de comportements. En effet, l'ajustement du comportement tant préventif du point de vue sexuel que les possibilités d'engagement aux protocoles thérapeutiques sans oublier celui nutritionnel ne peuvent être mis en oeuvre sans une connaissance préalable de la sérologie. Le fait est qu'en l'absence de connaissance de la sérologie la légitimité du comportement paraît moins évidente alors que seul le dépistage permet un comportement en toute connaissance de cause comme le reconnaît Salam (22 ans, musulman, 2ème année topographie, adhérent) qui s'est fait dépister :

« C'est très intéressant de savoir si on est positif ou négatif puisque ça peut contribuer à bien organiser le futur en quelque sorte. Si toutefois tu es atteint, tu peux essayer de t'abstenir, de poursuivre les centres médicaux pour les traitements. Et si tu n'es pas atteint, tu peux essayer de prendre plus de précautions pour ne pas un jour l'avoir. »

L'un des avantages du dépistage est effectivement la connaissance précoce du statut sérologique pour une mise en oeuvre de soins préventifs et traitements contre les infections opportunistes et ultérieurement, au regard de l'état biologique, la mise en oeuvre du traitement anti-rétroviral, en cas d'infection.

Cet avantage de pouvoir ajuster le comportement thérapeutique semble connu et reconnu par certains élèves . Cependant, la question de la prévention des infections opportunistes est ignorée et seul l'aspect du traitement ARV fait l'objet des discours. Ainsi, Amadou (19ans, musulman, terminale F1, réticent)

32 Ministère de la santé, Normes et procédures. Prise en charge de l'adulte infecté par le VIH, présente à la page 8 les différents comportements avantageux liés au test négatif ou positif ainsi que les comportements désavantageux qui peuvent se lier au test positif.

bien que n'ayant pas fait son test reconnaît cet avantage du dépistage en ces termes :

« Il y a des avantages puisque si on est au courant tôt, on peut se faire prendre en charge ; là peut-être que ça va diminuer un peu la progression du virus parce que le nombre de virus qui était dans le sang par rapport à la prise des ARV, on peut diminuer ça. Ça peut te permettre de vivre plus longtemps que si tu laisses les virus se propager, se multiplier rapidement. Mais si on est au courant et qu'on a la chance, on peut se faire prendre en charge. »

L'ajustement du comportement est aussi sexuel et se présente dans les deux cas de figures pouvant résulter du dépistage à savoir en cas de sérologie positive ou en cas de sérologie négative.

Dans le premier cas, l'ajustement du comportement sexuel consiste à se protéger contre la réinfection et la surinfection et à protéger ses éventuels partenaires sexuels de l'infection. Cette double exigence du comportement sexuel est connue des élèves et Robert (22 ans, catholique, terminale F3, adhérent) qui n'est pas sans savoir cela, dit ceci :

« Je sais que faire le test de dépistage c'est se mettre en confiance avec soi-même d'abord. Et puis, ça permet si on est atteint de limiter les dégâts si on est conscient bien sûr. Par exemple si on n'avait pas fait le test, si on est infecté on peut par là infecter pleins d'autres personnes sans le savoir, involontairement. Mais si on a fait le test et puis on est infecté, on sait qu'en continuant de faire[des rapports sexuels], tu perds tes forces et tu es exposé à être en contact avec d'autres sidéens. »

Dans le second cas, le comportement sexuel de prévention acquiert toute sa légitimité et peut de ce fait faire l'objet de plus de précaution pour ne pas s'infecter. Ce comportement de prévention n'est pas ignoré non plus et Lauraine (20 ans, catholique, terminale G2, réticente) qui n'a pourtant pas fait le dépistage se disposerait à pareil comportement en déclarant :

« Si je fais et puis je me rends compte que je ne suis pas atteinte, je serai tellement contente que je vais tout faire pour ne pas contracter le sida. »

Les avantages du dépistage sont l'ajustement des comportements en toute connaissance de cause de la sérologie. L'ajustement du comportement sexuel de prévention de soi et de prévention des autres est un avantage connu par nos interviewés. L'ajustement du comportement thérapeutique en cas d'infection est aussi connu comme un avantage mais est réduit au seul aspect de la mise sous traitement ARV. Les autres avantages tels que le conseil nutritionnel, l'appui psychosocial ne sont pas mentionnés par les élèves. Si l'on ne peut absolument pas dire que tous les enquêtés connaissent tous les avantages, tous ont pourtant envisagé négativement au moins un scénario du type que se passera-t-il si le test est positif ?

1I-2- Les désavantages du dépistage en cas d'infection

Les désavantages du dépistage sont des perceptions que les élèves lient à la connaissance du statut sérologique surtout dans le cas de la sérologie positive.

1I-2-1- Le futur menacé

En face du dépistage, l'hypothèse de l'annonce d'un statut sérologique positif est perçue comme la survenue d'un événement redoutable. La perception négative de soi-même en tant que personne amoindrie des points de vue psychologique et social due à l'infection par VIH se pose alors sur le futur comme le montre ce propos de Rose qui se demande comment elle continuera sa vie :

« L'année passée ils sont venus, il y a des élèves de notre classe qui l'ont fait mais je l'ai pas fait. Si toutefois je partais faire le test du sida et j'étais séropositive, toute ma vie allait être bouleversée par cette nouvelle. Ce qui fait que je ne veux vraiment pas faire le test. C'est pas la peur de l'entourage ! C'est surtout ma vie à moi. Quand je vais savoir que je suis séropositive, ça va beaucoup changer ma vie. Je me demande si j'aurai vraiment le courage encore de persévérer ; je me demande si je ne vais pas tout abandonner...l'école... » (Rose : 20 ans, catholique, 2ème année comptabilité, réticente)

Ainsi, la conséquence immédiatement perçue ici paraît inhérente d'abord au statut même d'élève qui s'effondrait avec l'annonce d'un statut sérologique positif.

Mais en fait, derrière l'anéantissement du statut d'élève, ce sont les perspectives même du futur, compte tenu du statut actuel d'élève, qui s'évanouissent comme le pense Amadé (19ans, musulman, terminale 1ère G2, réticent) qui voit tous ses efforts simplement réduits à rien :

« Le fait même que je suis élève, je continue le combat ; j'allais perdre beaucoup de courage et en ce moment tout mon combat c'était pour rien maintenant. »

Cette catégorie de perception est particulièrement présente chez les interviewés en classe d'examen comme le rapporte Sanatou (21 ans, musulmane, 2ème année comptabilité, réticente) qui craint d'être perturbée à son examen :

« Ils sont venus faire ça [le dépistage] à l'école mais moi je n'avais pas envie pas de faire ça cette année. Moi je supporterai mal quoi ! je pense pas que je pourrai tenir dans une classe d'examen si j'apprends une mauvaise nouvelle ... avec le BEP et le bac...Je préfère attendre l'année prochaine après les examens. »

Ce conflit interne à la personne elle-même faisant qu'elle n'arrive plus à se projeter dans l'avenir peut se doubler soit d'une perception de culpabilité envers son entourage proche ou un mépris de soi. Natacha (20 ans, catholique, terminale G1, réticente) confie à ce sujet :

« C'est un cauchemar, je n'ose même pas imaginer ! Parce que en fait, quand tu as le sida, toimême, c'est pas toi-même le problème, c'est l'entourage, l'effet que tu fais aux proches. Par exemple, il ne serait pas intéressant que mon papa apprenne que sa fille est atteinte du sida. Moralement il sera abattu. Tout, en fait tout, même s'il a des projets, il a des millions, en fait tout d'un côté ça va basculer. »

Et Amadou (18 ans, musulman, 1ère F3, adhérent) tient ce propos :

« Même si autour de toi on ne te méprise pas, toi-même tu vas te mépriser si tu vois tous les projets que tu as eus à mettre en place pour le futur. »

L'annonce d'un statut sérologique positif est perçu comme une menace du futur. Cette perception de leur futur qui «s'écroule » par certains élèves, abandon de tout, incapacité à se projeter dans l'avenir, est en fait la perception des conflits multiples et multiformes qui peuvent survenir avec l'avènement d'une sérologie positive. Ces conflits se rencontrent dans la réalité des personnes infectées comme le rapporte Issa (psychologue et chargé de l'accompagnement psychosocial des PVVIH dans une association) en ces propos :

« Les problèmes sont multiformes. Il y a des gens qui ont des conflits intra familiaux c'est-àdire un conflit qui a été suscité par le VIH et il y a beaucoup d'incompréhensions, beaucoup de souffrances. A côté de ça, il y a aussi comment la personne vit cette maladie personnellement ; parfois cela les amène à une autodépréciation qui fait qu'ils baissent les bras ou peut les amener à ne plus se battre alors que non ! Donc, ils sont multiformes, multidimensionnels, des conflits inter relationnels entre l'intéressé et son entourage, des conflits internes à la personne elle-même soit qu'elle se culpabilise, soit qu'elle n'arrive plus à se projeter dans l'avenir, ce qu'on peut appeler la dépression pure et dure. »

Le «monde qui s'écroule » est présent chez nombre de nos interviewés, adhérents comme réticents. Il s'agit d'une perception des nombreux conflits multiples et multidimensionnels que peut susciter l'infection du VIH.

1I-2-2-L'accusation

Elle se présente dans les discours comme une déviance sur le plan comportemental sexuel et l'élève a peur d'en être accusé. La perception populaire de l'infection du VIH donne une place prééminente à la transmission par voie sexuelle sur les autres modes de transmission mettant systématiquement en cause le comportement sexuel. L'infection est alors perçue comme la conséquence d'un écart avec l'ordre social régissant le comportement sexuel. C'est la déviance portant le cliché social de `vagabondage sexuel '.

Sanatou (21 ans, musulmane, 2ème année comptabilité, réticente) rapporte à ce sujet :

« Si on dit :'j'ai le sida', les gens voient seulement que c'est sur le côté sexuel qu'on a attrapé ; donc on vous qualifie de quelqu'un qui n'est pas du tout sérieux. »

De même, Léonard (21 ans, catholique, terminale G2, réticent) préfère rester dans l'ignorance de son statut sérologique que d'affronter cette étiquette :

« Les gens ont tendance à dire que quand tu as le VIH c'est le vagabondage sexuel. Pourtant !

Comme on ne peut pas changer la mentalité des gens, je préfère rester dans l'ignorance. »

Cette mise en accusation du comportement sexuel, à tort ou à raison est le fait que le dépistage volontaire est présenté par la Santé Publique comme la norme à laquelle il convient de souscrire. Or, «les propositions qu'elle [la Santé Publique] énonce, aussi bien en termes de réalité observée qu'en termes de normes prescrites, s'inscrivent dans un rapport à la fois symbolique et matériel au monde social... » 33

Ainsi, le dépistage paraît dans la perception populaire non pas comme un but ( connaître son statut sérologique pour agir conséquemment) mais plutôt comme un moyen (contrôler l'éventuelle déviance sexuelle de l'individu). Cet hiatus entre la norme et la perception de la norme s'explique par le fait que la logique que sous-tend le dépistage (démarche volontaire) est inhabituelle et se perçoit populairement comme un aveu de culpabilité du comportement sexuel. Indépendamment donc de la réalité comportementale sexuelle d'un individu, toute personne infectée est dans l'apriorité perçue comme déviant sexuel. Cette réaction sociale d'accusation de la sexualité est perçue par les élèves.

Léonard (21 ans, catholique, terminale G2, réticent) imaginant l'accusation la présente en ces termes :

« On t'indexe :'est-ce que tu sais que celui c'est un vagabond sexuel ? »

Valérie (18 ans, catholique, 1ère G2 adhérente) elle, perçoit la scène d'accusation de la sorte :

« On te regarde bizarrement, toujours tu es le vif du sujet : `ouais! c'est comme ça, je savais que ç'allait être comme ça... »

Le procédé d'accusation est donc sans équivoque : l'infection par VIH sera perçue comme la conséquence d'une déviance sexuelle que le dépistage permet de révéler indépendamment donc de tout comportement sexuel. C'est à cette conclusion que parviennent les discours y relatifs et bien résumés par Georgette (21 ans, catholique, terminale G2, adhérente) qui se dit qu'en cas de séropositivité, elle est certaine d'être accusée et culpabilisée sur le plan sexuel :

« Si aujourd'hui j'ai le sida, je sais que c'est pas par rapport aux rapports sexuels [mais] je sais forcément que quand- même les gens vont dire :'elle n'était pas sérieuse'. »

33 DOZON Jean Pierre, , in Critique de la Santé Publique. Une approche anthropologique, Balland, Paris, 2001, p9.

La très forte connotation sexuelle de l'infection engendre une accusation systématique d'une «sexualité vagabonde ». Ce cliché social de déviance sexuelle est perçu et redouté aussi bien par des élèves réticents qu'adhérents au test sérologique VIH.

1I-2-3-Le rejet

La réaction de rejet par l'entourage est perçue comme la perte des liens sociaux avec l'environnement immédiat (famille, amis) soit comme un rejet total par la société. L'origine de la crainte, c'est donc «l'autre » : comment réagira-til en face d'une personne infectée ? Cette perception de rejet est fondée sur l'altérité négative qui est la réaction négative à l'égard des «autres » en cas d'infection. Issouf (24 ans, musulman, terminale E, adhérent) tient à ce propos, la préoccupation suivante :

« Sincèrement dit (...) j'avais peur d'aller faire le test et puis voir que j'étais séropositif. Au fait, c'était vis-à-vis des autres que j'avais peur d'aller faire le dépistage. (...) leurs regards, la manière dont mes amis vont me considérer ; ils ne seront plus comme ils étaient avant sachant que j'ai la maladie : ils allaient me repousser. »

Mais, «l'autre » qui pourrait réagir de façon négative, c'est aussi la famille :

« Supposons que tu as le VIH !Qu'est-ce que ton entourage va dire ?

Tes parents, comment ils vont réagir ? Tout ça-là, ça ne pousse pas hein ! »

déclare Sylvie (18 ans, catholique, 1ère G1, réticente) .

L'incertitude de la réaction que l'entourage pourrait développer est pourtant bien fondée dans la réalité comme le témoigne Emile (médecin chargé de la prise en charge médicale dans une association ) qui relate l'expérience décevante d'une de ses patientes:

« Les gens n'ont toujours pas compris ! Moi, ce matin, parmi mes patients, il y a une qui m'expliquait que elle a discuté avec son grand frère ; le grand frère, il semblait être informé et il dit que vraiment, actuellement il y a beaucoup de trucs pour les malades du sida. Donc, elle s'est dit que c'est le moment pour l'en informer parce qu'elle a fait son dépistage depuis deux ans et elle ne savait pas comment dire à son frère. Maintenant que son frère à commencé à parler comme ça, elle a confié sa sérologie et la réaction de son frère, c'était le contraire. Il dit qu'il imagine ça chez les autres mais pas chez lui. Donc il a commencé à repousser sa petite soeur, il ne veut même plus utiliser les mêmes objets qu'elle : commencer à la rejeter carrément. »

La réaction de rejet toujours actuelle dans la société peut se justifier du fait de l'ancrage historique des images négatives sur le sida avec particulièrement l'altérité négative consistant au rejet de l'infection uniquement imaginée possible chez l'autre. L'altérité négative est la conséquence de l'ancrage historique de la «sexualisation du sida » aboutissant à «faire porter la responsabilité de la transmission et de la prévention sur les individus, selon le principe classique

consistant à blâmer la victime »34 comme déviant sexuel et opprobre familial. De même, les premières informations diffusées sur le sida l'ont présenté comme une maladie grave :

« Quand vous prenez les premières publicités qu'on a fait du sida, on a fait voir le sida comme étant une maladie grave, pas comme les autres quand bien même après on a essayé de rattraper l'information. Mais c'est resté quand-même ancré dans les mentalités aujourd'hui. » Ahmed (président du cercle de relais sida du LTO)

La menace de rejet perçue demeure donc réelle. Elle s'étend et apparaît comme une menace de rejet venant de la société. « L'autre », dont on a peur de la réaction, c'est tout le monde et à la fois personne, c'est la réaction de la société en général. comme le présume Assita (20 ans, musulmane, terminale E, adhérente) par ce propos:

« Imagine, tu as le sida ! Tout le monde va de minimiser. Qui va s'approcher de toi ? Même tes parents vont te fuir. Faut pas ! Parce que tout le monde va te fuir. »

La perception du rejet est présente chez nos interviewés, adhérents et réticents. Cette perception de la réalité est assez fondée, le contexte étant toujours marqué par une image négative de l'infection par le VIH.

1I-2-4-L'issue fatale

La perception de l'issue fatale de l'infection par VIH présente la mort inexorable comme intervenant au terme d'une déchéance physique profonde et comme fondant la différence entre le sida et les «autres maladies » :

« C'est une maladie comme les autres mais les autres maladies...je peux dire des maladies tolérantes, des maladies qu'on peut soigner. Mais le sida ! Le sida vraiment, compte tenu qu'on n'a pas de produit qui puisse soigner, c'est une maladie qui fini chaque fois par la mort »

déclare Salam (22 ans, musulman, 2ème année topographie, adhérent) .

Cette issue fatale se présente donc en dépit de tout ce dont on peut disposer pour s'arracher de la mort. C'est en fait la perception d'une impuissance due à l'absence de traitement curatif assimilant l'infection par VIH à la mort. Mais cette perception de la réalité fausse la réalité elle-même à cause de la confusion entre traitement prophylactique et traitement curatif d'une part et d'autre part entre séropositivité et « sida maladie », ravalant ainsi toute possibilité médicale comme dans ces propos:

« ça évoque la mort bien sûr !Tu as ça, quand tu as ça, c'est la mort parce que de toute manière même si tu luttes comment comment ça va finir par t'emporter : il n'y a pas de médicament ! » Sylvie (18 ans, catholique, 1ère G1, réticente)

34 FASSIN Didier, L'anthropologie entre engagement et distanciation. Essai de sociologie des recherches en sciences sociales sur le sida en Afrique, Karthala, 1999, p51.

« On est sûr seulement qu'on va mourir ! Sinon parlant même des ARV et consorts-là, ça ne va nulle part. Ce qui est sûr, c'est le tombeau seulement. » Marcel (20 ans, catholique, 1ère G2, adhérent)

A cette confusion de l'information à l'origine de la perception s'ajoute un élément subjectif non moins important, également consubstantiel de cette catégorie de perception.

En effet, « la connaissance de son statut sérologique impose en elle-même la recherche d'un traitement, indépendamment d'une quelconque souffrance physique. » 35. Autrement dit, l'une des principales préoccupations en face de la «maladie », c'est le désir de guérir. La connaissance de son statut sérologique impose donc en elle-même ce désir de guérison qui demeure cependant sans solution, du reste pour le moment. C'est cette préoccupation qui apparaît dans cet extrait d'entretien avec Rose (22ans, catholique, 2ème année comptabilité, réticente) qui déclare ceci :

« C'est vrai qu'on voit souvent à la télé des associations qui proposent la prise en charge des

malades du sida. Mais pour moi ça ne resoud pas le problème puisque ça ne guérit pas. »

L'écho direct de cette absence de traitement curatif est alors la perception du traitement anti-rétroviral comme le prolongement des souffrances des personnes infectées. En fait, c'est toute la dimension chronique36 du SIDA qui est ainsi perçue dans ces deux traits caractéristiques : la longue durée et le problème de la gestion des implications sociales de la maladie chronique. En effet, en tant que maladie chronique, «la personne malade doit être appréhendée non seulement à partir de sa trajectoire de maladie mais aussi de sa biographie personnelle dans laquelle cette même trajectoire s'insère. »37Autrement dit, la gestion du malade implique les liens sociaux du malade, parents, amis, etc. autant que durera la maladie dans toutes ses phases :

« Avec le sida tu vas souffrir, tu vas faire souffrir tes parents, ton entourage, tes amis. Ils vont mettre beaucoup de capitaux mais ça ne va rien donner, ça ne va rien changer. Ce qui est sûr tu vas mourir. Mais si c'était une autre maladie, peut-être... Y a des maladies qui durent comme ça mais c'est pas comme le sida ; tu vas mourir pour les libérer aussi. Mais avec le sida, y en a qui sont là, qui traînent mais on ne peut pas les laisser parce que il y a les sentiments qui sont toujours là. Mais si c'est les autres maladies, c'est mieux, tu vas même pas traîner. » Marcel (20 ans, catholique, 1ère G2, adhérent)

« De toute façon tu va partir [mourir] un jour (rire). C'est pas la peine de prendre les anti retro ou bien c'est quoi là même ! Tu prolonges ta vie, tout le monde sera fatigué de toi. Tu es là, tu ne meures pas, c'est pas cela ! De toute façon tu ne vas même pas vivre. » Assita (20 ans, musulmane, terminale E, adhérente)

35 VIDAL Laurent, Le silence et le sens. Essai d'anthropologie du sida en Afrique, Paris, 1996, p29.

36 GODENZI Alberto, et al , 2001, pp 11-12 citant BASZANGER Isabelle caractérisent la chronicité par la longue durée mais surtout par le problème de la gestion quotidienne de la maladie sur cette longue durée.

37 GODENZI Alberto et al, op.cit, p13

Ce qui fonde toujours une telle perception peut aussi être l'ignorance des atouts actuels de la médecine. En effet, comme le déclare Issa, psychologue : « iiy a aussi l'ignorance qui fait que les gens croient qu'on ne peut pas soigner une

personne qui est malade. Jusque là beaucoup de gens ont ce raisonnement-là alors qu'ils ne savent pas que aujourd'hui les médecins sont formés, ils peuvent traiter les infections opportunistes. Les gens ignorent les atouts de la médecinei

L'infection par VIH est perçue par certains élèves comme la mort. Cette perception se fonde sur une confusion entre soigner et guérir et une ignorance des possibilités médicales actuelles.

II-3- l'incertitude de la confidentialité et de la fiabilité du test

La fiabilité du test ainsi que la confidentialité du résultat sont revenues dans une moindre mesure dans certains discours qui les présentent comme incertaines.

II-3-1- La confidentialité du résultat

Dans le milieu scolaire, la confidentialité du résultat n'apparaît pas comme la chose la mieux garantie. Cette crainte de certains élèves n'est pas à négliger car elle peut engendrer une méfiance du dépistage en milieu scolaire. En effet, la question de la confidentialité est particulièrement chère en milieu scolaire à cause de la peur de la réaction des camarades. Elle semble d'autant plus fondée que Valérie (18 ans, catholique, 1ère G1, adhérent) rapporte ceci :

«Je n'ai pas fait ça [le dépistage] à l'école ici. C'est peut-être la peur puisque je me disais que c'est risqué d'aller m'arrêter avec les élèves pour faire. Vous savez, les rumeurs-là ça courent hein ! Deux jours après, on a entendu qu'il y avait parmi ceux qui ont fait, deux séropositifs. Donc tout ça, ça fait que vraiment j'ai préféré faire ça seule dans l'anonymat.»

En fait, la procédure de dépistage a failli au post-conseil car la remise de certains résultats a été confiée à la surveillance comme le rend ce témoignage :

« Les responsables du test ne pouvaient pas se promener de classe en classe pour remettre les résultats. Comme j'étais chef de classe, et quand je suis allé pour prendre mon cahier de texte, on me fait comprendre que tous ceux qui ont fait le test de dépistage peuvent passer prendre leurs résultats (...). A la surveillance, c'était le surveillant général qui remettait ça. » Salam ( 22 ans, musulman, 2ème année topographie, adhérent)

Pourtant, le counselling ou conseil «devrait obligatoirement accompagner [toute remise de résultat afin d'aider] la personne dont le résultat est négatif à s'approprier l'information, à prendre conscience de ses risques et à mieux se protéger par la suite. En cas de séropositivité, cet encadrement permet de

proposer une prise en charge précoce aux personnes nouvellement contaminées. »38

En outre, dans un contexte toujours marqué par la stigmatisation des personnes infectées et malades du VIH/SIDA, la confidentialité du test sérologique demeure une préoccupation majeure. Cette préoccupation qui existe dans le milieu scolaire est bien reconnue par Ahmed (Président du cercle de relai sida du LTO) qui déclare :

« Je me rappelle une fois, lors d'une activité de sensibilisation, on avait demandé aux élèves de sortir de la salle et de bien vouloir aller se faire dépister. Il y en a qui ont dit que vraiment, ce n'est pas qu'ils ne veulent pas mais ils ont peur. Ils ont peur de l'anonymat, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas sûrs que la chose puisse être gardée de façon secrète. »

L'incertitude d'une garantie de la confidentialité39 du résultat a été présente dans le milieu scolaire du LTO et a déterminé chez certains le comportement de refus.

II-3-2- La fiabilité du test

La fiabilité du test est aussi mise en cause dans le milieu scolaire par certains élèves. Georgette (21 ans, catholique, terminale G2, adhérente) témoigne ceci à l'endroit de certains de ses camarades qui ont refusé le dépistage :

« Ils n'avaient pas confiance en ce que les gars là faisaient. Ils ont dis que tous ceux qui ont fait ça ici, c'est pas sûr qu'ils ne sont pas positifs, que donc ils préfèrent ne pas faire ça. »

Effectivement, il existe «la possibilité de résultats faussement positifs accompagnés d'un traumatisme psychologique »40. Une marge d'erreur possible sur le résultat du test sérologique VIH est reconnue par le Ministère de la Santé. Mais cet état de fait ne peut être affiché comme une réalité récurrente. Par ailleurs, la répétition41 du test sérologique a aussi pour fonction d'éliminer tout doute en confirmant ou en infirmant les résultats précédents. Néanmoins, cette appréhension a été perçue comme s'en plaint avec méfiance Amado (18 ans, musulman, 1ère F3, adhérent) qui a pourtant fait son test :

« Il y a d'autres tests qui viennent malheureusement avec des erreurs ! Donc, c'est ça moi j'avais peur qu'ils fassent une erreur et me coller quelque chose que je n'aimerai pas entendre. »

38 TRANSVERSAL, 'le journal des acteurs de la lutte contre le sida', février-mars 2001, n°1, p16.

39 " SANOU Paul-Thomas précise que "la notion de la confidentialité partagée [avec une tierce personne] se comprend comme étant le partage de la confidentialité dans le cadre de la prise en charge, qu'elle soit médicale ou psychosociale." In Le dépistage et le conseil au sud du sahara, Paris, Karthala, 1997, p172.

40 Ministère de la santé, Normes et procédures. Prise en charge de l'adulte infecté, p8.

41 "En cas de difficulté d'interprétation de la sérologie, le patient est reconvoqué dans un délai de 2 à 4 semaines, pour un nouveau prélèvement." Ministère de la santé, Normes et procédures. Prise en charge de l'adulte infecté, p12

Bernard (18 ans, protestant, 1ère E, réticent) lui, par exemple, estime que les conditions du test ne sont pas bonnes et voit même une possibilité de se faire contaminer :

« J'aime un travaille qui est fait dans de bonnes conditions. Parce que ces gens, par déficit de seringues, ils peuvent utiliser la même seringue pour te contaminer. »

Bien qu'étant apparue dans peu de discours, la fiabilité du test est récusée dans le milieu scolaire du LTO.

II-4- Au creuset de la peur

La peur est incontestablement le sentiment qui a le plus habité la plupart de nos interviewés, adhérents comme réticents.

II-4-1-La peur des réticents

Pour ceux qui ne sont pas parvenus à dominer leur peur, la raison essentielle peut être le manque, la faiblesse ou une non assimilation des informations relatives au dépistage ce qui n'a pas changé les perceptions négatives sur l'infection du VIH. En effet, comme le déclare Ahmed (président du cercle de relai sida du lycée) :«l'un des facteurs qui semble être important, c'est la sensibilisation. Si au niveau des établissements la sensibilisation n'a pas bien porté, il va sans dire que les élèves ne se décideront pas. L'approche est très importante. Il faudrait faire comprendre aux élèves que c'est une maladie comme toutes les autres maladies sinon ils auront une peur bleue d'aller se faire dépisteri

Cette peur fait adopter par certains élèves une attitude catégorique de refus du dépistage comme c'est le cas chez Rose (22 ans, catholique, 2ème année comptabilité, réticente) qui tient ce discours :

« Une fois que je découvre que je suis séropositive, je me dis qu'aucun soutien ne pourra vraiment changer ce qui est en moi. Peut-être que c'est parce que je n'ai pas encore fais le test que je parle comme ça ; peut-être que c'est parce que aussi je n'ai pas encore parlé avec des gens qui me fait penser comme ça. En tout cas, pour le moment, c'est ma manière de voir les choses. »

Chez d'autres réticents, l'attitude vis-à-vis du dépistage est moins catégorique. En fait, le côté avantageux du dépistage est perçu et la peur semble le dernier rempart à franchir pour passer de l'attitude positive au comportement concret. C'est dans une telle position favorable que se trouve par exemple Narcisse (19 ans, catholique, 1ère G2, réticent) qui déclare :

« J'avais peur ! Mais je pense que, qu'il y ait la peur ou pas, je vais le faire parce que le dépistage c'est le seul moyen de savoir si on a le VIH ou pas. Donc, qu'il y ait la peur ou pas, je crois que c'est mieux de le faire. »

La peur a habité les réticents au dépistage. Sa présence peut s'expliquer par une faiblesse de l'information ou sa non-assimilation sur la nécessité du dépistage.

II-4-2-La peur des adhérents

Si pour les réticents la peur se présente comme l'obstacle à franchir pour aller au dépistage, les termes se posent en l'envers pour les adhérents. En effet, pour ces derniers qui sont allés au dépistage, la peur n'est pas au début mais à la fin c'est-à- dire la période d'attente du résultat mais surtout le face à face de l'annonce du résultat, comme le résume ce propos : « C'est pas facile ! C'est plus facile d'aller faire son test que d'aller retirer son résultat. Ça fait peur ! »

La période d'attente est présentée par Robert (22 ans, catholique, terminale F3,adhérent) comme une période d'angoisse à cause sans doute de l'inconnu qui s'imposera pourtant en deux solutions possibles, positif ou négatif :

« Pendant la semaine d'attente, j'étais là, je ne savais pas ce qui m'attendait au résultat mais au fur et à mesure que les jours passaient, je m'habituais. »

Cependant, le summum de la peur est vécu au moment de la connaissance du résultat comme le témoigne Djénabou (20 ans, musulmane, 2ème année CAS, adhérente) qui raconte ce jour-là :

« Je ne savais pas qu'on peut avoir aussi peur que ça. Je ne savais pas pour quelle raison j'avais peur. Mais, quand je partais pour faire le test je n'avais pas peur. C'est pour prendre le résultat que j'avais peur. Je suis arrivée, on m'a appelée et je suis entrée seule. Quand je suis entrée, le gars il m'a rassurée de ne pas avoir peur. Il m'a posé des questions et puis ils m'ont donné l'enveloppe, j'ai ouvert, j'ai lu les résultats, c'était bien (rire). Après il m'a donné certains conseils, de continuer dans ma lancée, de ne pas faire des vagabondages [sexuels] de me protéger, des trucs comme ça. »

La peur a été aussi le lot des adhérents au dépistage. Elle se présente comme un sentiment fort ressenti surtout au moment du face à face avec le résultat du test sérologique VIH.

CHAPITRE III La faiblesse des connaissances sur la prise en charge et les Limites de l'information

Dans les lignes qui suivent, nous traiterons de la faiblesse des connaissances des élèves sur les possibilités de la prise en charge. Cette faiblesse se saisie autour des possibilités médicales, du coût des traitements et des mécanismes public et associatif de la prise en charge. Mais avant de clore le chapitre, nous essayerons de montrer les origines de cette faiblesse.

III-1-La possibilité de la prise en charge médicale

Tous les interviewés connaissent l'existence de traitement par ARV et la prise en charge médicale. Mais comme précédemment montré, il subsiste une persistance des perceptions négatives qui peut être par ignorance.

Pour appréhender cet état de fait, intéressons-nous d'abord à la définition de la prise en charge esquissée par certains élèves :

«Je crois que la prise en charge, par exemple il y a des centres, au niveau des malades on prend des ARV». «La prise en charge, c'est quand tu es malade et puis tu pars à l'hôpital on te donne des médicaments, des ARV ou dans une association ; je crois que c'est ça. »

Cette situation d'incertitude est générale à tous les enquêtés. Néanmoins, dans cette matière définitoire hésitante, les éléments de définition caractérisent toutefois le moyen (ARV), le lieu (hôpital ou association), et l'état biologique (malade).

III-1-1- L'état biologique

Les modalités de la prise en charge médicale sont mises en oeuvre en fonction de l'état biologique d'une personne infectée. De ce fait, la prise en charge médicale «regroupe d'abord la prévention et le traitement des infections opportunistes, ensuite la prise en charge même du sida par les anti- rétroviraux dont la mise en oeuvre du traitement anti-rétroviral et du suivi de ce traitement anti-rétroviral avec tout ce que cela implique comme le suivi des effets indésirables, le suivi des rechutes du traitement voire les complications liées au traitement, les échecs de traitement. » Emile (médecin chargé de la prise en charge médicale dans une association)

A la lumière de cette définition, l'examen du discours de la plupart des élèves révèle qu'ils prennent pour équivalents `séropositivité asymptomatique ' et `sida maladie', en témoignent ces deux exemples :

« Si tu fais le test et puis tu as le sida... »

« Si jamais je me lève pour aller faire, c'est pour savoir si j'ai le sida ou pas... »

Or, de cette confusion découle une seconde qui est celle entre `soigner' et `guérir' en témoignent également ces bouts de discours :

« Le sida vraiment ! Compte tenu qu'on n'a pas de produit qui puisse soigner... »

« Du moment que tu vas te mettre dans la tête que tu as cette maladie qu'on ne peut pas soigner... »

C'est cette connaissance confuse qui conduit non seulement à occulter la prévention et le traitement des infections opportunistes mais surtout qui place d'emblée l'après-test positif non pas comme la révélation d'une sérologie positive contrôlable médicalement mais comme le sida commandant la mise sous traitement ARV42. Pourtant, comme l'affirme Emile (médecin chargé de la prise en charge médicale dans une association) : «ce n'est pas seulement avec un test positif qu'on doit bondir sur les médicaments. On fait d'abord un examen initial pour mettre le patient dans une étape bien donnée et pour les patients qui sont en très bonne situation, qui ont une immunité toujours forte, on leur dit d'attendre. Mais, on leur donne un traitement préventif pour éviter les infections opportunistes. »

En tout état de cause, comme précédemment montré, même le traitement ARV est perçu par certains comme vain et ceci justement à cause de la confusion entre `soigner' et `guérir' ; par ailleurs, le traitement ARV demeure inaccessible selon nombre de discours recueillis.

III-1-2- Le traitement anti-rétroviral

La connaissance sur le traitement anti-rétroviral accuse des limites par l'inactualité des coûts rendant de ce fait la prophylaxie ou le traitement par ARV inaccessible :

« Si on remarque, il n'y a pas beaucoup de personnes qui ont accès aux ARV. Donc je trouve que ça c'est parce que les coûts sont élevés. » Syprien (20 ans, catholique, terminale topographie, adhérent)

Cette déclaration présente le coût comme l'obstacle à l'accès du traitement anti-rétroviral. Or la source de connaissance sur ces coûts relève de l'imagination personnelle puisant elle-même sa source dans l'information informelle et imprécise comme le confirme ce propos de Robert (22 ans, catholique, terminale F3, adhérent):

« Je pense, j'imagine comme ça ! Façon que les gens parlent-là, je peux dire que les coûts sont chers. »

42 Les modalités de la mise en oeuvre du traitement ARV ou pas selon la charge virale sont décrites à la page 23 des Normes et procédures. Prise en charge de l'adulte infecté, recommandées par le Ministère de la Santé.

Or, dans la source informelle, l'information n'est pas forcément au diapason des coûts actuels comme le révèlent ces deux déclarations :

« On parle souvent de traitement, des anti-rétroviraux comme ça. Mais il paraît que pour avoir ces produits-là, il faut dépenser à peu près 200.000fcfa. » (Osée, 19 ans, catholique, terminale E, réticent)

« Le coût des traitements, vraiment ! Les ARV, j'aurais appris par des amis, je sais pas si les informations sont fondées ou pas, que c'est cher, que ça dépasse en tout cas les 500.000fcfa. » Amadou (18 ans, musulman,1ère F3, adhérent)

L'inactualité de l'information rend donc toujours le traitement ARV inaccessible du point de vue coût. Pourtant, «actuellement, hormis les médicaments les plus récents qui sont sortis, la plupart des médicaments utilisés dans le monde sont disponibles au Burkina et la trithérapie la moins chère coûte 12.000fcfa par mois et la plus chère doit être entre 50.000-60.000 fcfa contrairement aux années 99-2000 où les traitements se payaient à coût de centaines de mille, 200, 300, parfois 400.000 fcfa. » Emile (médecin chargé de prise en charge médicale dans une association)

L'origine de la cherté des ARV remonte donc à cinq ans et cette sous information peut susciter une réaction de mépris comme le manifeste Assita (20 ans, musulmane, terminale E, adhérente) :

« C'est qui même qui a mis en place les anti-rétroviraux là- même ! Vous dites que vous voulez aider les gens et puis avec un médicament qui coûte plus cher même que... Mieux vaut mourir même que si tu ne sais même pas [qu'il existe des médicaments]. »

La sous information sur le traitement par ARV présente ce traitement comme inaccessible du point de vue du coût. Mais ça serait voir la réalité de la sorte avec des «lentilles grossissantes » car tout de même certains élèves connaissent les avantages des ARV ainsi que les coûts actuels voire la "gratuité des soins". C'est ce qui ressort de la déclaration suivante de Narcisse, pourtant réticent au dépistage :

« Je sais que pour que la maladie ne se déclenche pas, il faut se soigner. Je sais qu'il y a les ARV pour ça. Je sais que maintenant ça doit être gratuit pour les malades. Donc, avec les soins, on peut facilement contrôler la maladie puis ensuite si tu suis les indications du médecin c'est facile de contrôler la maladie. » Narcisse (19 ans, catholique, 1ère G2, réticent)

Par ricochet, la notion des infections opportunistes43 (et surtout leur prévention primaire et secondaire ainsi que leur traitement ) ne sont pas non plus bien connues de nos enquêtés.

43 La prévention et le traitement des infections opportunistes sont synthétisés dans: Normes et procédures. Prise en charge de l'adulte infecté par le VIH, pp 14-21.

Les infections opportunistes sont définies par Emile (médecin chargé de prise en charge médicale) comme « des maladies qui surviennent quand l'immunité de l'homme est affaiblie. Et ce sont des maladies qui sont directement imputables au VIH.»

Josiane à l'évidence semble ne pas ignorer ce qu'elles sont mais c'est difficilement qu'elle parvient à en donner un énoncé clair :

«Je sais mais je ne sais pas comment expliquer. Je pense que c'est une maladie...puisque quand on est atteint su sida, l'organisme s'affaiblit. Donc eh! On est exposé à plusieurs maladies. L'organisme n'a plus de...le système de défense n'est plus du tout ça. » (Josiane,19 ans, catholique, 1ère G1, réticente)

C'est également avec peine et moindre précision que Carine parvient à en donner l'esquisse suivante:

«Les infections opportunistes, je ne sais pas! Ça ne serait pas les... quand par exemple la maladie [le sida] est déclarée chez un malade du sida, ça ouvre les portes à toutes les maladies.» Carine (18 ans, protestante, 1ère G2, réticente)

Toute mention de la prévention et du traitement médicalement possible des infections opportunistes n'apparaît dans aucun discours.

Le coût du traitement anti-rétroviral apparaît pour la plupart de nos interviewés comme inaccessible. Mais, certains ont une connaissance exacte du bénéfice des ARV et son coût `social gratuit'(ceci demeure assez relatif selon les catégories sociales). Concernant les infections opportunistes, les interviewés ne parviennent tout juste qu'à une esquisse de leur définition. Quel est l'état des connaissances des élèves au sujet des mécanismes d'accès à la prise en charge médicale ?

III-2- Les mécanismes d'accès à la prise en charge médicale

« Où trouver les ARV ! Je me dis à l'hôpital ou bien dans les associations de lutte contre le sida. » Tous les interviewés le répètent, c'est à l'hôpital ou dans une association de lutte contre le sida qu'ils pourront trouver des ARV. Par contre, ce qu'aucun discours ne mentionne, c'est comment accéder à ces médicaments ?

III-2-1- La faible connaissance des procédures de la prise en charge publique

Au niveau public, on peut regrouper en quatre catégories les structures de prise en charge médicale dite structures de gestion de «file active » qui sont :

- les trois (3) Centres Hospitaliers Universitaires (CHU) ;

- les neuf (9) Centres Hospitaliers Régionaux (CHR) ;

- les Centres Médicaux avec Antenne chirurgicale (CMA);

- et des structures spécifiques tels le centre de traitement ambulatoire, la clinique El Fateh Suka, le centre médical Saint-Camille, etc.

Comme le décrit Germaine (médecin chargé du programme de prise en charge au CNLS : «théoriquement, le patient dépisté séropositif est référé, à son gré, à l'une de ces structures par une fiche de référence et de contre référence délivrée par la structure qui a procédé au dépistage. Le patient (PVVIH) est alors répertorié dans un registre de «file active » et une carte de suivi lui est délivrée pour bénéficier de la gratuité. »

Dans le fait, le patient répertorié contribue mensuellement un forfait de 5.000fcfa pour les ARV et 3.000fcfa pour le bilan de suivi. Mais il existe une possibilité d'exonération totale pour le patient insolvable ; le mécanisme consiste en un certificat d'indigent délivré par le CNLS et donnant accès gratuitement aux

ARV et au bilan de suivi médical. Cependant, comme le reconnaît Germaine, «iin'y a aucune disposition particulière pour les élèves et des difficultés résident

aussi dans l'enregistrement si bien que des patients après avoir essayé en vain se découragent et abandonnent ».

Mais, en tout état de cause, ce mécanisme est totalement méconnu de tous les enquêtés. Issouf (20 ans, musulman, terminale E, adhérent) en donne la preuve :

« Selon moi en tout ça, c'est à l'hôpital. Si tu es malade, tu peux pas rester à la maison puis te soigner. Il faut que ce soit à l'hôpital. Tu vas aller voir ce qu'on peut faire pour toi. »

Les propos suivants illustrent toujours cette méconnaissance totale :

« Comment accéder à ces soins ! Je n'ai pas beaucoup d'idées là-dessus mais ce que je pense, je crois que dans certains centres hospitaliers je vois ces soins. » Amadé (19 ans, musulman, 1ère G2, réticent)

« Je ne suis pas informé. Peut-être en emmenant le patient à l'hôpital, ils vont se débrouiller làbas avec les traitements des docteurs et consorts-là. Sinon d'autres moyens, je vois pas ; même s'il y en a , je suis pas informé. » Marcel, (20 ans catholique, 1ère G2, adhérent)

Le mécanisme public de la prise en charge médicale est totalement absent des discours recueillis qui ne mentionnent que des lieux et encore, de façon imprécise.

III-2-2- La faible connaissance des procédures de la prise en charge associative

. Quant aux mécanismes associatifs, ils dépendent de la nature même de

l'association. Ainsi, les associations, qui ont principalement pour activité la prise en charge psychosociale, jouent le rôle d'informateur en regroupant et en référant les membres séropositifs et malades répertoriés aux structures de prise en charge médicale dites les «files actives » ; elles se contentent donc de l'éducation thérapeutique et de l'appui à l'observance et n'assurent pas elles-mêmes le suivi médical comme l'atteste Emile :

« Il y a des associations qui n'ont pas de médecins mais qui réfèrent leurs malades dans les hôpitaux et après ils les récupèrent pour faire le suivi. Donc, tout le groupe de parole se fait au niveau de l'association et le suivi médical se fait dans les hôpitaux . C'est là que les associations jouent leur rôle : on met les gens en confiance, on les rassemble, on leur donne l'information et on leur dit d'aller dans tel lieu qu'il y a des médicaments. Donc, l'association fait son travail d'accompagnement psychosocial, de suivi alimentaire et maintenant pour le suivi médical on leur dit « allez-y dans telle structure ». » Emile (médecin chargé de prise en charge médicale dans une association)

Pour les associations de prise en charge médicale proprement dite, elles sont en convention avec le Ministère de la Santé et offrent en leur sein, à coût social, l'ensemble des modalités de la prise en charge médicale tout en intégrant des activités psychosociales.

Si les associations apparaissent comme une issue plus favorable parce qu'elles intègrent les dimensions psychosociale et médicale, des difficultés se posent néanmoins, notamment l'accès effectif à la prise en charge. En effet, il arrive que des patients répertoriés après un test positif ne bénéficient pas de cette opportunité à cause de certaines contraintes structurelles propres à l'organisation :

« Cette possibilité [la prise en charge effective de toutes les PVVIH répertoriées] est limitée parce que nous avons plus de 1500 personnes inscrites mais nous n'avons que 200 qui prennent des ARV. Avec les perspectives qu'on a pour 2005, on va peut-être atteindre 500 personnes mais pour le moment nous sommes limités et à cause de cette limite nous sommes obligés de sélectionner nos patients. » Emile (médecin chargé de prise en charge médicale dans une association)

Bien qu'en tout état de cause également, le constat demeure que l'information sur les mécanismes associatifs ne ressortent pas des discours. Cette situation peut de prime abord s'expliquer par des rapports distants entre les associations et les élèves comme le montre ces déclarations :

« J'en connais pas. J'entends seulement parler qu'il y a des associations sinon je ne connais pas une association. » Marcel (20 ans, catholique, 1ère G2, adhérent)

« Selon ce que j'ai entendu, d'après les gens, il y a des associations qui distribuent des ARV mais franchement je n'ai aucun nom ni la localité d'un d'eux. » Syprien (20 ans, catholique, terminale topographie, adhérent)

L'information sur les mécanismes public et associatif de la prise en charge médicale peut tout simplement se résumer en une situation donnée par ce propos :

« Ce que je sais des traitements ! J'entends seulement parler de traitements juste pour calmer, pour ralentir mais vraiment je ne sais pas par quelle acrobatie il faut passer pour avoir ces traitements. » Salam (22 ans, musulman, 2ème année topographie, adhérent)

Cette situation de méconnaissance des recours de gestion (les structures et les mécanismes) de la séropositivité, présente chez tous les enquêtés, engendre en eux un état d'égarement bien traduit par des expressions tels que :'comment j'allais me débrouiller', `comment j'allais faire'. La gestion des aspects sociaux liés à l'infection ainsi que la gestion médicale de l'infection elle-même demeurent des questions posées et sans solutions pour les élèves. C'est ce même constat que résume bien Ahmed (président du cercle de relais sida au LTO) : «...quand on est positif, comment on va se comporter, comment on va être pris en charge, tout ça, c'est des équations que les enfants se posent. Ça fait qu'ils ont une peur de la chose [le dépistage]i

Tous nos interviewés connaissent l'existence de la prise en charge. Ils savent également que c'est dans une structure sanitaire publique ou une association de lutte contre le SIDA que peut se trouver cette prise en charge. Mais, comment y accéder ? Même si l'accès effectif à la prise en charge connaît des limites qui méritent d'être élucidées (mais ceci n'est pas l'objet de notre étude) la question demeure posée.

III-3- Les origines de la faiblesse des connaissances des élèves.

La faiblesse des connaissances sur la prise en charge, générale à nos enquêtés, peut être cernée par les limites de l'information autour de quatre points essentiels permettant d'apprécier globalement la situation.

III-3-1-La faible fréquentation des structures associatives de lutte contre le sida

Au sein de l'établissement, il existe un club sida fonctionnel et dynamique selon Ahmed (Président du cercle de relais sida ) qui assure en outre «qu'ils sont déjà à plusieurs activités et même qu'il est question d'installer ici [LTO] un centre d'écoute pour jeunes dans le cadre du sida. »

Pourtant, la surprise peut être la réaction de certains élèves à l'évocation de ce sujet comme le montrent ces deux réactions :

« Au lycée ici ! Au LTO ici, un club sida! Moi je savais même pas. » Assita (20 ans, musulmane, terminale E, adhérente)

« Donc l'information ne passe pas ! Je n'ai jamais entendu parler ; depuis la seconde je suis là. » Elise (18 ans, catholique, 1ère G2, adhérente)

Cette surprise au sujet de l'existence d'un club sida au sein du lycée est revenue dans plusieurs discours par des expressions : `je ne savais pas', `jamais entendu', `je ne suis pas au courant'. En fait, l'accessibilité à l'information est en partie tributaire de la proximité de l'élève par rapport au bâtiment administratif. En effet, les salles de cours de la section commerciale jouxtent le bâtiment administratif, pôle de l'information, alors que celles de la section industrielle en sont éloignées. C'est ce constat qui est bien rendu par cet extrait :

« A l'école ici ! Je pense pas qu'il y a un club sida ici. Même s'il y en a, vraiment moi je n'en sais pas. Je n'ai jamais entendu parler. Parce que des trucs comme ça quand ça se crée ici, ils passent dans chaque classe, ils présentent les membres ; mais nous, comme on est un peu à l'écart, ils partent là-bas [la section commerciale],

ils ne viennent jamais chez nous [la section industrielle]. » Issouf (20 ans, musulman, terminale E, adhérent)

La polarisation de l'information ne favorise pas son accessibilité par tous les élèves. Toutefois, la fréquentation de ce club, par ceux qui en ont l'information parmi nos enquêtés, est quasiment aléatoire. Ce sont pareils discours qui sont tenus :

« C'est pas que ça ne m'intéresse pas mais je n'avais pas pensé à ça. Je n'ai pas encore pensé à ça. » Natacha (20 ans, catholique, terminale G1, réticente)

« Une fois j'ai participé à l'élection du délégué, de la trésorière, depuis ce temps-là je ne sais

pas quels genres d'activités ils mènent. » Valérie (18 ans, catholique, 1ère G1, adhérente)

« Non, je ne participe pas ; sauf tout dernièrement ils ont fait une projection sur le sida, on est parti suivre. » Josiane (19 ans, catholique, 2ème année comptabilité, réticente)

Ce qui ressort des discours recueillis montre une aléatoire participation aux activités ou simplement la méconnaissance de l'existence de ce club. Par ailleurs, du point de vue du contenu de l'information, «il s'agit d'activités de sensibilisation sur les modes de transmission du VIH et les moyens de prévention, la question du dépistage n'étant abordée que par des structures qui interviennent de façon ponctuelle. » Ahmed (président du cercle de relais sida du lycée)

Ces structures, les associations de lutte contre le sida, ne connaissent pas non plus une fréquentation « fervente » ; Sylvie (18 ans, catholique, 1ère G1, réticente) a une tante formatrice dans une association, elle déclare :

« C'est elle qui fait les formations sur les IST/SIDA mais j'ai oublié le nom de leur association. »

Puis elle ajoute :

« L'association passe d'école en école. Ce jour-là, il y avait plusieurs écoles; ils ont donné une petite formation mais à part ce jour je ne suis pas encore allée. »

La situation de rapports distants avec les structures susceptibles d'apporter l'information juste et éclairante sur les questions du VIH/SIDA en général et particulièrement celles du dépistage volontaire apparaît comme une réalité dans laquelle l'élève perd l'opportunité de s'informer :

« Quand on faisait le test, il y avait une association, c'est une association même qui

est venue mener les causeries avec les élèves même. Une association qui se trouve aux cités 1.200 logements mais vraiment je n'ai pas eu de contact avec eux. En réalité, j'ai un peu oublié le nom de cette association. » Yvon (19 ans, catholique, 1ère E, adhérent)

« Il y a ALAVI qui fait le test de dépistage régulièrement mais vraiment je ne sais pas quels soins ils prennent. Je n'ai jamais eu l'occasion d'échanger avec eux comme ça, savoir maintenant ce qu'il faut faire quand les gens sont atteints. » Amadé (19 ans, musulman, 1ère G2, réticent)

Cette association avec laquelle certains affirment n'avoir pas eu de contacts est pourtant ALAVI, la structure même qui a parrainé et animé la campagne de dépistage au LTO.

En fait, ce rapport distant des élèves avec les structures de lutte contre le sida tient à l'altérité négative qui rejette l'intérêt prioritaire à accorder à ces structures, aux « autres » comme seuls concernés par les questions du VIH/SIDA. Sandrine (infirmière au LTO) reconnaît la prégnance de cette altérité négative dans le milieu scolaire en ces termes :

« C'est la jeunesse, l'insouciance... comme on le dit, ils se disent que ça n'arrive qu'aux autres, c'est pas nous d'abord. »

Les premiers intéressés par des structures de luttes contre le sida seraient donc les premiers concernés c'est-à-dire les personnes séropositives ou malades du sida.

III-3-2- L'abstraction de l'information par les structures associatives

En retournant la perspective, l'information allant de ces structures aux élèves accuse aussi une limite car du point de vue de son contenu elle n'éclaire pas sur les modalités et mécanismes de la prise en charge qui est pourtant mise en avant pour encourager au dépistage. L'information demeure abstraite, imprécise quant à son contenu :

« Lors de la formation que j'ai suivie, on nous a dit que non seulement il y avait des bons pour

le dépistage, il y avait des bons aussi pour la prise en charge mais ils n'ont pas précisé »,

déclare Sylvie (18 ans, catholique, 1ère G1, réticente). Cette absence de précision est également déplorée par Alexis en ces termes:

« On nous avait dit, lorsque tu étais séropositif, on te prenait en charge pour les ARV et lorsque tu étais négatif ça te permet toi-même de changer un tant soit peu ton comportement. ( ...) Ils n'ont pas précisé tout ça. Ils ont juste dit que si tu étais séropositif tu avais une prise en charge. » Alexis (22 ans, catholique, 2ème année comptabilité, adhérent)

Cette abstraction de l'information, nous l'avons nous-mêmes constatée en observateur direct lors d'une séance d'animation pendant la campagne de dépistage. En effet, les animateurs ont focalisé la sensibilisation sur les modes de transmission et les moyens de prévention du VIH avec des démonstrations des aspects `pratiques et techniques' de l'utilisation du préservatif masculin. Or « l'inefficacité relative des actions d'information en milieu scolaire (...) semble provenir du fait que ces actions abordent principalement et exclusivement les questions techniques de la sexualité44 ». Ainsi, la question du dépistage a été effectivement résumée à : "il y a une prise en charge".

L'information par les structures de lutte contre le sida est limitée. Le développement de l'altérité négative conduit à un désintérêt vis-à-vis de ces structures qui elles-mêmes ne livrent pas une information concrète permettant une connaissance éclairée sur la question de la prise en charge.

III-3-3-L'information limitée par le cercle des pairs

L'information par le cercle des pairs accuse également les mêmes limites. Elle ne touche pas directement la question du dépistage car, comme nous l'avons montré précédemment, l'ensemble des interviewés ignorent les mécanismes de la prise en charge.

L'information dans le cercle des pairs se présente donc dans les discours plutôt sous forme de discussions sur les modes de transmission du VIH et les moyens de s'en prévenir. A ce titre, Rose (22 ans, catholique, 2ème année comptabilité, réticente) et Elise (18 ans, 1ère G2, adhérente) respectivement rapportent :

« Entre camarades, on discute seulement, on parle du sida... C'est pas une bonne maladie, une maladie qui n'a pas de remède donc il faut faire tout pour éviter cette maladie. »

44 ' Le journal du sida' une expérience pédagogique au-delà de l'éducation sexuelle, n°42, août-septembre 1992, p38

« Presque tout le temps on parle principalement du sida, des IST, comment les prévenir, est-ce que c'est possible de s'abstenir jusqu'au mariage... Ce sont ces genres de choses-là. »

Lorsque les discussions touchent à la question du dépistage, c'est en termes d'évaluation en avantage et désavantage. Or le côté inconvénients apparaît plus perceptible que le côté avantageux comme le rapporte ce témoignage encore :

« Souvent d'autres disent que eux ils vont attendre le mariage pour aller faire, comme ça c'est pour se marier en même temps. D'autres sont là qu'ils vont faire,

s'ils font ça et puis ils sont malades, ils préfèrent se suicider que de souffrir. » Sylvie (18 ans, catholique, 1ère G1, réticente)

La nature (assez lacunaire) donc des discussions ne porte pas essentiellement et de façon efficiente sur le dépistage. Par ailleurs, ces discussions peuvent véhiculer des informations erronées comme ce discours l'atteste :

« Souvent quand j'en parle avec des amis, ils donnent des pourcentages. La fois passée on a parlé de 43% je crois ; la fois passée on parlait de 43% de sidéens au Faso. » Bernard (18 ans, protestant, 1ère E, réticent)

Des informations erronées pouvant circuler entre élèves est reconnue par Yolande (enseignante d'Economie Sociale et Familiale au LTO et marraine du club ABBEF) qui déclare :

« Les élèves se donnent souvent des informations qui sont fausses. J'ai des élèves qui m'ont dit que les garçons ont dit que le sperme rajeunit, ça soigne le cancer de sein... »

Dans le cercle des pairs, l'information peut être limitée aux discussions portant sur la prévention du VIH, et éventuellement sur une évaluation du dépistage, sans avoir vraisemblablement une très grande incidence sur la connaissance des enjeux du test sérologique VIH.

III-3-4-L'information limitée par le cercle familial

Concernant l'information dans le cercle familial, elle ne se rattache pas non plus directement au dépistage mais se présente plutôt sous forme de conseils de prévention adressés par les parents à l'endroit des élèves comme ce qui ressort de ces extraits de discours :

« Mon papa, il n'est pratiquement pas à la maison. C'est ça qui fait qu'on ne discute pas. La maman est là mais on ne discute pas trop comme ça. Elle me donne des conseils, elle dit que si on ne peut pas s'abstenir d'utiliser le préservatif. » (Josiane, 19 ans, catholique, 1ère G1, réticente)

« Avec les parents, tout ce qu'ils disent... On discute pas pour longtemps hein ! Par exemple à travers la télé, pour quelques cinq minutes ils ouvrent la page mais chaque fois ils insistent...ils n'insistent pas à ce qu'on n'ait pas des rapports [sexuels] mais ils insistent à ce que nos rapports soient toujours protégés. » Amadé (19 ans, musulman, 1ère G2, réticent)

Il s'agit donc essentiellement de conseils dont la prodigalité se fait souvent difficilement, l'opportunité étant saisie par le biais d'émissions télévisuelles ; mais pour certains, c'est le silence à rompre comme le rapporte Djénabou (20 ans, musulmane, 2ème année communication, administration, secrétariat , adhérente)

« Je n'ai jamais essayé mais eux aussi n'ont jamais essayé (rire). Faire le premier pas ! Non. Je crois que c'est à mon papa de commencer à parler. C'est quelque chose qui est un peu tabou. »

Cette difficulté de communication réside aussi chez les parents. En effet la connexion directe du VIH/SIDA à la sexualité45 rend la question difficile et comprendre cette difficulté suppose d'élucider toute la question de la socialisation sexuelle dans notre contexte.

Néanmoins, on peut faire appel à l'analyse de Laurence WYLIE, dans autre contexte et époque, qui affirme que «cette attitude devant les problèmes sexuels se reflète dans l'éducation des enfants. Les parents ne parlent jamais de ces questions à leurs enfants. Cela leur semblerait ridicule, inconvenant et contraire à la pudeur d'expliquer les «choses de la vie » à leurs enfants. »46 C'est ce constat que ressort ce discours :

« C'est difficile ! Rarement. Sauf s'il y a un film qui passe souvent, mais c'est comme ça , en un clin d'oeil. C'est même pas... bon ! C'est la société africaine, c'est comme ça. Rare de fois les parents parlent de sexualité à leurs enfants. Ils éprouvent une gêne à ça et les enfants mêmes ont peur de poser certaines questions aux parents. » Mohamed (inspecteur du trésor, parent d'élève)

Cependant, aucune situation ne pouvant être vraie et valable globalement à tous, cette situation de silence n'est pas l'apanage de tous les parents. Madeleine (éducatrice sociale, parent d'élève) tient en effet ce propos :

« Bon ! C'est une maladie qui est vraiment dangereuse, donc il faut vraiment s'abstenir. Et puisque j'ai trois filles, elles sont quand-même grandes, je discute avec elles du sida. La dernière, elle a seize ans cette année donc elle n'est pas une petite fille. Surtout, je mets l'accent sur l'abstinence. J'attire l'attention des filles aussi, souvent c'est pas la faute des garçons... ` y a des filles aussi qui vont provoquer des garçons, maintenant que il est en érection vous ne savez plus quoi faire ! Donc, je leur dis d'éviter, quand on ne veut pas avoir des rapports sexuels, on évite les circonstances où il peut avoir des... ces excitations. Donc je leur explique comme ça. »

Concernant le dépistage, elle poursuit en ces termes :

« Je me dis que si les élèves refusent, c'est qu'ils ne connaissent pas, ils n'ont pas été sensibilisés, ils ne connaissent pas réellement les avantages du dépistage volontaire, ce que ça peut leur garantir. Si tu sais que tu es séronégatif par exemple, tu vas prendre toutes les précautions pour le rester, pour ne pas être dans la vague du sida, de te protéger et protéger les

45 La sexualité telle que vue par BALANDIER Georges, c'est-à-dire « un phénomène social total » `Le sexuel et le social. Lecture anthropologique' In Cahiers internationaux de sociologie, vol LXXVL, 1984, pp 5-19.

46 WYLIE Laurence, Un village du Vaucluse, Gallimard, 1979 édition augmentée, p144.

autres. Mais il y a aussi la peur ! Bon, avant comme il n'y avait pas de traitements, c'était en tout cas être deux fois sûr de sa mort.»

Mais, on peut pencher que le rôle des parents peut se résumer en rôle de protection concordant avec le discours des élèves c'est-à-dire que la plupart des parents peuvent tout juste être limités à donner que des conseils de prévention qui n'incluent pas le dépistage VIH :

« Je pense que les parents, c'est leur rôle même ; c'est leur premier rôle même de pouvoir en tout cas protéger leurs enfants et puis leur donner tous les conseils nécessaires pour que, en tout cas ils se préservent de ça. » Justine (institutrice, parent d'élève)

L'information par le cercle familial se présente plus sous forme de discussions et de conseils sur les aspects de la prévention saisie de façon opportune par certains parents au cours d'émissions télévisuelles. Elle peut ne pas toucher la question du dépistage et par connexion celle de la prise en charge. Sa nature peut donc ne pas contribuer à donner à tous les élèves une connaissance du dépistage et de la prise en charge.

CHAPITRE IV Les déterminants au dépistage et leurs influences

Le choix de comportement développé par nos enquêtés peut être rendu compréhensible par la mise en évidence de déterminants dont la vulnérabilité de l'élève et les interactions favorables dans le cadre familial ou celui des pairs.

IV-1-La vulnérabilité

La biographie sexuelle, vulnérable ou non vulnérable par la présence ou l'absence de rapports sexuels protégés ou non protégés influence le choix de comportement.

1V-1-1- Les influences de la biographie sexuelle non vulnérable

L'absence de tout rapport sexuel dans la biographie sexuelle peut rendre la nécessité du dépistage injustifiable à cause de la très forte connotation sexuelle de l'infection. En effet, parmi les élèves qui n'ont pas fait le test de dépistage, comme le rapporte Ahmed (Président du cercle de relais sida au LTO), «il y en a qui disent carrément qu'ils ont un comportement normal, ils n'ont pas à s'en faire. Ce qui est sûr ils savent qu'ils ne sont pas atteints ; et ils ne sont pas atteints parce qu'ils n'ont pas eu d'approches sexuelles. Donc ça fait qu'ils préfèrent ne même pas venir. »

Ce discours, rapporté, est effectivement celui que présentent certains réticents dont la biographie sexuelle est vierge de tout rapport sexuel. C'est cela qui est clairement exprimé par Carine (18 ans, protestante, 1ère G2, réticente) qui bannit toute possibilité de contamination par la voie sexuelle :

« Dès le début, j'ai été catégorique. Je lui [son amoureux] ai dit ce que j'avais choisi comme méthode pour éviter... c'est pas seulement pour éviter le sida et les IST ! Je pense qu'en faisant cela [rapport sexuel] avant le mariage, cela va porter atteinte à ma paix intérieure. Donc, on ne parle même pas de ça. C'est à bannir. Je suis sûre à 99% que je ne suis pas atteinte. »

Il apparaît alors qu'une fois la principale voie d'infection bannie, le risque comme probabilité d'infection en fonction de la vulnérabilité sexuelle, est quasiment nul. Une «légitime assurance » certaine contre le VHI est alors développée, rendant du même coup le dépistage sans nécessité : en effet, pourquoi chercher à connaître sa sérologie si «l'on sait » déjà qu'on n'est pas infecté ? C'est alors que le but proposé par le dépistage devient nul.

La réduction de l'infection au seul aspect sexuel de la transmission peut donc développer un refus du dépistage. La nature de ce refus est une altérité négative consistant ici à se disculper. C'est ainsi que Carine (18 ans, protestante, 1ère G2, réticente) poursuit en ces termes :

« En tout cas, ce qui est sûr je ne me soupçonne pas (rire). Je veux dire que je n'ai rien fait qui puisse me donner le sida. Donc, je ne me soupçonne pas d'avoir le sida. C'est pour cela que je ne suis pas allée faire. »

En se réfugiant derrière cette altérité négative `de refus', en fait, le contentement n'est pas uniquement de se «blanchir » mais aussi et surtout de culpabiliser la sexualité de «l'autre » :

« Tu sais ce que tu as fait avant d'aller faire le dépistage. Donc moi je sais ce que j'ai fait ; je ne suis pas pressé d'aller faire le dépistage »,

insinue Bernard (18 ans, protestant, 1ère E, réticent).

« L'autre », celui qui accepte de se faire dépister, c'est alors celui qui reconnaîtrait sa vulnérabilité par la sexualité. Ce témoignage de Salam (22 ans, musulman, 2ème année topographie, adhérent) confirme cette altérité négative présente chez les réticents immaculés de rapport sexuel :

« A voir la manière dont le gars il explique les choses, que lui il n'est pas une personne qui drague les filles, qui a des rapports sexuels avec des filles, lui il n'a jamais des rapports sexuels avec des filles... Il veut faire comprendre seulement que lui il n'a pas de rapports avec les filles donc il ne peut pas être atteint. »

L'absence de rapport sexuel dans la biographie sexuelle est un déterminant au dépistage sous-tendu par une altérité négative qui accuse la sexualité de l'autre comme la justification de son adhésion au dépistage.

Mais le cas inverse peut se produire. En effet, si la biographie sexuelle vierge peut entraîner le refus, elle peut être à l'origine aussi d'un comportement d'acceptation du dépistage. Ce cas est le plus observé parmi les adhérents. Ce comportement d'adhésion se trouve également soutenu par une altérité négative dont l'expression est l'envers de l'altérité négative conduisant au refus. Alexis (22 ans, catholique, 2ème année comptabilité, adhérent) en donne l'essence par ce propos :

« J'étais confiant. Je ne peux pas dire à 100% mais j'étais sûr que j'étais séronégatif. Là où je pouvais douter, c'était concernant les objets souillés ;mais sinon, jusqu'à présent je n'ai pas encore connu de rapports sexuels. Ce qui me mettait en confiance, qui me poussait en tout cas à faire le dépistage. »

L'altérité négative d'adhésion confère donc la même «légitime assurance » contre l'infection. L'absence de vulnérabilité sexuelle inhibe aussi presque

totalement le risque et tout comme dans le cas de refus, l'altérité négative d'adhésion accuse également «l'autre » d'être vulnérable sur le plan sexuel et donc ayant une raison nécessaire de refus :

« Moi j'ai fait mon test ! moi j'ai pas peur là. ! C'est parce que tu sais que tu as fait quelque chose que tu as peur. Il y a des élèves qui ont refusé de faire » ,

accuse clairement Assita (20 ans, musulmane, terminale E, adhérente) .

` Je suis confiant', `je n'ai rien fait', `je n'ai rien à me reprocher', `mon coeur est blanc' sont autant d'expressions d'accusation qui se relèvent dans les deux cas de l'altérité négative. Il se crée alors comme un paradoxe de l'altérité négative :dans le cas de refus, l'altérité négative consiste en ceci : « ceux qui vont faire le dépistage ont un motif de doute qui est leur vulnérabilité sexuelle. Je n'ai pas eu de relations sexuelles, donc je ne vois pas pour quelle raison je ferai le dépistage » ; au contraire, l'altérité négative d'adhésion affirme ceci : « Il n'y a pas de raison que je refuse le dépistage puisque je n'ai pas eu de relations sexuelles. Ceux qui refusent le test se reprochent leur vie sexuelle ».

En réalité, ce qui apparaît comme un paradoxe ne l'est pas. Il s'agit plutôt de l'expression unique et totale de l'accusation (II-2-2). Comme on peut le constater, l'accusation de déviance sexuelle apparaît clairement et de façon réciproque entre élèves adhérents et élèves réticents. Ce qui nous permet de conclure de façon réaliste que l'accusation spontanée de la sexualité de «l'autre », perçue par les élèves et mise en oeuvre par eux également, est le reflet exact de la perception populaire prégnante dans la société.

En dernière analyse, nous constatons que parmi les élèves qui présentent une biographie sexuelle non vulnérable, les adhérents au dépistage ont un âge oscillant entre 18 ans et 22 ans avec toutefois une concentration de l'âge entre 20 et 22 ans. En observant l'âge de la minorité non vulnérable réticente au dépistage, il varie entre 17 ans et 21 ans avec une concentration entre 18 ans et 19 ans. La tendance globale est donc que les adhérents non vulnérables sont plus âgés que les réticents. L'altérité négative caractérisant le refus se lie donc beaucoup plus à la jeunesse des enquêtés. Au contraire, l'altérité négative caractéristique de l'acceptation semble plus le comportement des plus âgés.

1V-1-2- Les influences de la biographie sexuelle vulnérable

La vulnérabilité sur le plan sexuel ôte à l'élève la «légitime assurance » contre le VIH au contraire des cas précédents. La perte de cette «légitime assurance » se comprend aisément, la voie sexuelle se présentant comme le principal mode de transmission. Le risque prend ici une valeur probable non

nulle, peu élevée ou élevée ; et plus le risque sera évalué grand moins l'élève vulnérable se sent assuré.

A ce titre, le cas d'Amadé (19 ans, musulman, 1ère G2, réticent) illustre à souhait cette influence de la vulnérabilité. Il a déjà eu des relations sexuelles non protégées avec de multiples partenaires :

« Parfois c'est dans les show comme ça, moi je suis un jeune, je m'intéresse au show. Donc parfois dans ça, c'est des amies du quartier, on se rencontre, on échange, on finit par s'engager dans la chose. Elles n'ont jamais dit qu'elles auraient dû avoir des relations sans être protégées mais moi particulièrement ça me venait instinctivement comme ça d'avoir des relations [sexuelles] non protégées. Mais maintenant, j'ai vraiment pris position pour ne pas risquer »,

raconte-t-il.

L'influence de cette vulnérabilité due au multipartenariat sexuel, et aggravée par la non protection des rapports sexuels se fait sans appel pour Amadé qui poursuit :

« C'était la peur. Je me disais que je n'allais même pas faire le test jusqu'en ce moment. Le fait d'avoir eu des rapports sexuels parfois protégés, parfois non protégés, il y avait la crainte, la peur même tout en sachant que c'est une maladie fatale. »

Ce même cas est celui d' Awa (19 ans, musulmane, terminale G1, réticente). Elle a eu son premier rapport sexuel à 17 ans et a déjà connu deux partenaires sexuels et avec le dernier, la protection n'a pas été observée. Elle confie :

« Je ne suis pas confiant. J'ai eu une aventure non protégée avec quelqu'un qui n'est pas vraiment du tout conseillé. Je parle parce que j'ai appris que la personne n'était pas... C'est quelqu'un qui n'est pas du tout tranquille, qui a beaucoup de relations avec les filles ; le genre de pas du tout conscient pour ne pas dire dangereux. »

La vulnérabilité sexuelle ne met donc pas l'élève dans une position d'être motivé de faire le test VIH car le risque prend une valeur probable élevée. C'est ce que ce témoignage d'Alexis (22 ans, catholique, 2ème année comptabilité, adhérent) achève de convaincre :

« Par exemple l'année passée, parmi mes amis, certains ont refusé de faire le test soi-disant qu'ils avaient eu des comportements à risque et cela ça ne les mettait pas dans une position d'être motivés de faire le test. Le plus souvent, ce sont des rapports sexuels non protégés et avec des personnes que ces personnes considèrent douteuses. »

La présence de la vulnérabilité sexuelle peut conduire au refus du dépistage. L'élève perd la « légitime assurance» conférée par la non vulnérabilité sexuelle. Mais, en dépit de leur vulnérabilité sexuelle, certains enquêtés ont accepté le dépistage.

Ces cas observés ne sont pas nombreux. En outre, d'une part il s'agit d'élèves ayant bénéficier d'interactions favorables et d'autre part, il s'agit tous de rapports sexuels protégés qui n'enlèvent donc pas totalement à l'élève sa «légitime assurance » contre le VIH. La valeur probable du risque dans ce cas est peu élevée. Le dépistage fonctionne alors comme un moyen de recouvrer sa «légitime assurance» en éliminant un doute minimal, jugé quelconque. Valérie (18 ans, catholique, 1ère G1, adhérente) confie à ce sujet :

« Il n'y a pas ce jour-là où on a fait [des rapports sexuels] sans préservatif »,

et elle poursuit :

« Chaque jour on voit à la télé, dans ce pays, il y a tant de séropositifs, partout on parle de sida ; je me suis dit pourquoi ne pas aller faire ton test pour voir ce que ça va donner parce que on n'en sait jamais. J'ai fait et puis je suis séronégative, donc ça me permet de positionner sur quelque chose de précis. »

On peut aisément remarquer qu'elle voulait se rassurer en éliminant définitivement tout doute sur la question de son statut sérologique. C'est ce même besoin d'extirper le doute qui a conduit aussi Djénabou (20 ans, musulmane, 2ème année CAS, adhérente) au dépistage :

« En fait, je me suis dis : même si je me protège, peut-être que j'ai pu l'avoir comme ça. Donc ça fait que je voulais être sûre de moi. »,

déclare-t-elle.

La vulnérabilité due aux rapports sexuels non protégés peut influencer négativement et conduire au refus du test. Le risque est évalué élevé par le sujet qui s'exclut de ce fait de l'aire de toute assurance. Mais en situation de risque évalué peu élevé, (situation de moindre vulnérabilité évidemment) l'acceptation du dépistage apparaît comme une réassurance.

En examinant le comportement des élèves vulnérables en fonction de leur âge et de leur sexe, les tendances observées sont inverses aux cas des élèves non vulnérables. En effet, les expériences vulnérables apparaissent plus dans la biographie sexuelle des filles que des garçons. Concernant l'âge, celui des réticents vulnérables varie de 18 ans à 22 ans avec une concentration entre 19 ans et 21 ans alors que l'âge des adhérents vulnérables court entre 18 ans et 20 ans. En situation de vulnérabilité, les plus jeunes adhèrent alors que les plus âgés refusent le dépistage.

Les facteurs favorisant cette vulnérabilité sont multiples et divers. Les espaces sociaux des rencontres entre filles et garçons sont préférentiellement le lycée et le quartier sans un marquage de disjonction entre ces deux espaces car les

réseaux de sociabilité les lient. C'est cet emboîtement des espaces de rencontres que livre le discours de Djénabou (20 ans, musulmane, 2ème CAS, adhérente) qui a rencontré son amoureux par l'entremise du frère de celui-ci qui fréquentait la même classe qu'elle:

« On s'est rencontré dans le quartier! Je faisais la même classe que son petit frère, donc je partais chez eux, chez son petit frère quoi! Là il m'a vue... c'est comme ça.. »

Les circonstances prisées par les élèves pour leurs expériences amoureuses sont les sorties en boîte de nuit, aux projections cinématographiques, et les nuits culturelles des lycées. Valérie (18 ans, catholique, 1ère G1, adhérente) rapporte:

« On est sorti, on est parti à la projection cinématographique de notre école; et on est allé en boîte tout dernièrement le 27 [avril 2005] à côté »

Par rapport à l'origine sociale des élèves vulnérables, nous ne pouvons qu'affirmer prudemment qu'elle peut constituer un facteur déterminant de vulnérabilité; en effet, le multipartenariat sexuel tout comme la non protection des rapports sexuels sont des comportements présents aussi bien chez des élèves d'origine sociale assez aisée que chez des élèves d'origine sociale moins aisée. En revanche, l'origine sociale assez aisée détermine chez les garçons le choix de l'espace où ont lieu les rapports sexuels. Issouf par exemple habite à la cité AN III mais pour ces expériences sexuelles, il les vit chez ses amis qui ont leurs chambres à l'extérieur du bâtiment des parents.

. « Moi je suis à la cité AN III. Là-bas, bon! Dans les immeubles, pour amener une fille à l'intérieur, c'est un peu compliquer »

. « Rarement [les rapports sexuels] en famille! De fois chez des copains, des amis qui habitent en famille mais leurs chambres se trouvent un peu à l'écart des parents quoi! »

. « ça se passe la plupart du temps la nuit. On sort du maquis et puis on revient là-bas. Ça fait que les parents sont couchés, soit peut-être ils ont voyagé. Ça fait que les parents ne sont jamais au courant. » Issouf (20 ans, musulman, terminale E, adhérents)

De même, Osée habitant la cité 1200 logements à vécu sa première expérience sexuelle chez un de ses amis dont la chambre est extérieure au bâtiment des parents:

. « Il se trouvait que bon! jusqu'à, c'est l'année passée seulement que j'ai eu ma propre chambre. Donc, je n'avais pas de chambre, au fait ma chambre était à l'intérieur de la grande maison! Donc pour passer avec une fille la nuit et puis entrer, ç'allait être trop dur. Donc je suis allé chez un ami (...)qui a une chambre à l'extérieur. »

A parler proprement de l'utilisation du préservatif, il y a chez certains élèves une persistance de comportements sexuels (rapports sexuels) sans protection. C'est par exemple le cas d' Awa qui a déjà eu plusieurs rapports sexuels sans protection:

. «Bon! Quelquefois, quelquefois mais bon! Une fois en passant quoi! Mais c'est arrivé, c'est ... c'est pas arrivé volontairement. C'est arrivé comme ça seulement quoi! Ça n'a pas dépassé deux à trois fois. » ( Awa, 19 ans, musulmane, terminale G1, réticente)

reconnaît-elle.

Cependant, d'autres semblent catégoriques sur la question et n'envisagent pas des relations sexuelles non protégées. Natacha affirme qu'elle romprait sa relation amoureuse si l'utilisation du préservatif n'en est pas le " credo". Elle confie:

. « Il n'a pas intérêt à se plaindre hein! [d'utiliser le préservatif] Mon type, tu te plains on se laisse hein! Moi je ne vais pas risquer ma vie : on se connaît à peine 9 mois, on ne peut pas se permettre de faire des choses comme ça [rapports sexuels non protégés] . » (Natacha, 20ans, catholique, terminale G1, réticente)

Toutefois nous pouvons penser, en ce qui la concerne, que sa prise de position catégorique s'affaiblira avec le temps en fonction de l'accroissement de son sentiment amoureux ( KOUAMA Théodore : 2002). Effectivement, la raison qu'elle avance pour son comportement d'utilisation stricte du préservatif semble se fonder sur le temps (connaissance à peine de son partenaire) qui n'implique pas la connaissance de l'état sérologique.

Le multipartenariat sexuel et les rapports sexuels non protégés sont des comportements qui persistent chez certains élèves d'où leur plus grande vulnérabilité face au VIH/SIDA qui les conduit au refus du dépistage.

1V-2- Les interactions influentes

IV-2-1- Croisement de biographie avec un malade du sida

Le contact avec un proche parent malade du sida peut affecter profondément l'élève et en être un déterminant de son comportement. Sylvie (18 ans, catholique, 1ère G1, réticente) a été bouleversée. Elle raconte au sujet de sa tante décédée du sida :

« Elle était chez nous à la maison, puisque quand elle est tombée malade, elle avait des enfants, comme elle ne pouvait pas s'occuper de ses enfants, on a pris une autre personne pour s'occuper de ses enfants ; elle était venue à la maison, il y avait grand-mère puis nous aussi on était là. »

Elle retient de cette expérience vécue avec sa tante malade des images douloureuses des souffrances chroniques :

« C'est grave ! Tu vis avec une maladie, tu sais que coûte que coûte, quel que soit ce que tu vas
faire, tu vas mourir. Et puis, si seulement on meurt ! On sait que tout le monde va mourir un
jour, mais ça dépend de comment tu vas mourir. Si tu mourais simplement sans souffrir ! Tu vas

passer ton temps à traîner, de temps en temps ça va mieux, de temps en temps ça rechute ; tu va maigrir, n'avoir que la peau sur les os comme on aime le dire. C'est trop de souffrances ! »

Mais à côté de ces souffrances, il y a aussi l'expérience de l'impuissance de la médecine face à la mort de sa tante laissant des orphelins. Elle poursuit tristement son discours (au bord des larmes) :

« Les médicaments, elle en prenait beaucoup. Je ne sais pas combien on a dépensé pour ça ? Quand on veut voir les cartons de médicaments qu'on a achetés, c'est trop ! Moi je vois à présent ses enfants, ils sont toujours petits. On les a fait faire le test de dépistage, ils sont séronégatifs mais qu'est-ce qu'ils vont devenir sans la maman à côté. »

Ces mêmes effets du croisement de biographie sont présents chez Amadé (19 ans, musulman, 1ère G2, réticent). En effet, la vision des souffrances et de l'état physique grabataire tout comme la médecine révélée dans son impuissance se relèvent également dans son expérience vécue aux côtés de son oncle malade:

« Il prenait des soins. Il avait vraiment, je peux dire qu'il avait le maximum de soins parce qu'il avait un docteur à sa disposition. Chaque fois il venait. Si c'est les soins,

il a eu les soins. Si c'est les soins qui devaient contribuer au fait qu'il ne mourrait pas, il ne devait pas mourir. Ça je peux le dire ! »

Il tire lui-même la conclusion d'une telle expérience :

« Vraiment, c'est tout ça qui m'a vraiment fait peur ; et puis ça m'a donné comme une leçon aussi. J'ai vu comment la maladie se manifeste. J'ai vu vraiment que c'est une maladie, on sent que tu souffres ; tu es vraiment dans une souffrance, tu traînes, tu ne meures pas vite. Tout ça m'a fait peur. Ça me faisait vraiment peur d'aller faire le test et puis savoir peut-être... »

L'aboutissement donc de l'expérience de tant de souffrances sans issue vitale peut être la peur d'aller au dépistage ou tout simplement aller à la rencontre de ce que l'on connaît par expérience.

Cependant, il peut arriver le contraire. En effet, l'interaction avec un parent malade du sida peut susciter aussi le désir de connaître son statut sérologique. C'est le cas par exemple de Tatiana (17 ans, catholique, terminale G2, adhérente) qui a vécu près de son oncle malade :

« Je vivais avec un oncle qui avait le sida. Il est décédé il n'y a pas longtemps. C'est que, quand quelqu'un a le sida, je l'accepte comme tel. Il était tombé gravement malade, sa femme est décédée, donc il était chez nous à la maison. »

Et comme elle le précise, cela ne l'a pas bouleversée négativement mais l'a emmenée au dépistage :

« Moi ça ne m'a rien dit ! C'est à cause même de tout ça que je suis allée faire mon test. »

Le croisement de biographie entre l'élève et un proche parent malade du sida peut influencer favorablement ou défavorablement son rapport au dépistage.

IV-2-2- La contrainte parentale

Elle se présente comme une conformité et est en ce sens «le fait d'une discipline imposée. »47par un membre autoritaire de la famille et qui l'impose aux autres membres. Le choix de comportement individuel se retrouve enrobé par une seule volonté influente d'adhésion au dépistage. C'est donc cette volonté superlative qui produit l'effet de coercition à l'origine de la conformité. Parmi les interviewés, certains ont été sous cet effet.

C'est ainsi qu'Elise, membre de la Jeunesse Catholique pour la Chasteté, (18 ans, catholique, 1ère G2, adhérente) voit la volonté paternelle comme le contre poids à sa propre volonté irrésolue face au dépistage. Elle raconte :

« Comme on est une famille catholique, le papa a décidé que toute la famille allait faire le test. Donc on est parti ensemble faire le test. »

Mais, comme elle le reconnaît, la peur qui a hanté ses camardes en face du dépistage au lycée avait été sienne aussi et sans l'effet de coercition sur sa propre volonté elle n'irait pas au dépistage :

« En tout cas beaucoup ont peur. Ils se disent que c'est préférable de ne pas savoir.

C'est la peur surtout, c'est la peur ! Même moi, peut-être c'est parce que c'était avec la famille, j'étais un peu contraint sinon volontairement comme ça, c'est pas sûr que

je serai partie faire le test. »

C'est cette même coercition parentale qui a conduit Salam (22 ans, musulman, 2ème année topographie, adhérent) à faire le test. Il confie d'abord :

« Au début d'abord, c'est le papa même qui nous a obligés de faire le test. Le papa, à partir de ma soeur qui fait la 3ème, l'an passé c'était elle et moi le papa a obligés d'aller faire le test puisque les autres là ils étaient jeunes. Le papa nous a obligés d'aller faire le test et moi j'ai fait le test. Je ne voulais pas partir prendre le résultat

mais il m'a chauffé plusieurs fois et je suis allé prendre le résultat mais c'était négatif. Je suis venu le montrer et depuis lors, bon ! »

Et il ajoute :

« Vous savez, chez nous on est éduqué à base du Coran. Ça fait que quand notre papa te voit avec une fille même, il a cette réaction, c'est comme une malédiction, il parle beaucoup. Ça fait que chez nous on n'est pas bien placé pour fréquenter les filles. »

La contrainte parentale n'offre pas à l'élève la possibilité de s'astreindre du dépistage. La décision de faire le test VIH émane d'une volonté transcendant la

47 MENDRAS Henri, Eléments de sociologie, Armand Colin, Paris, 1996, p94 explique que la conformité peut être enthousiaste ou le fait d'une discipline imposée.

propre volonté de l'élève qui adopte un comportement y conforme. La religion apparaît comme le facteur déterminant l'adhésion familiale au dépistage. La conformité familiale semble alors s'ajuster elle-même à une conformité idéale religieuse prescrivant un ordre sexuel (abstinence, fidélité...).De ce fait, le registre d'intérêt du dépistage (le but proposé par la Santé Publique étant de connaître pour mieux ajuster les comportements) peut glisser en moyen de contrôle de la sexualité, le VIH se transmettant principalement par voie sexuelle.

Cependant, la coercition à l'origine de la conformité peut aussi provenir d'un membre de la famille et dont le statut socioprofessionnel a un rapport privilégié avec le champ de la «santé ». A ce titre, Cader (19 ans, musulman, terminale topographie, adhérent) tient ce propos :

« Le premier grand frère, c'est un docteur. Comme lui-même c'est un docteur, donc il est venu faire le test pour tout le monde. Tout le monde a fait, il n'y a pas eu quelqu'un qui n'a pas voulu. »

Dans le cercle familial, l'interaction peut être une contrainte favorable au dépistage.

IV-2-3- L'enthousiasme des pairs

Elle se présente sous forme d'effet d'entraînement par le groupe de pairs. Sans cet effet, la propre volonté de l'élève ne l'aurait pas décidé à faire le dépistage comme le témoignent ces deux cas :

« Sans l'effet du groupe, c'est pas sûr que je serais allé seul, parce que je peux dire que le courage m'aurait manqué ; je me dis que c'est parce qu'on était nombreux. Comme on est en groupe, on est motivé ; ça donne le moral. Sinon, si c'était seul, ce n'est pas sûr que ce soit faisable. » Syprien (20 ans, catholique, terminale topographie, adhérent)

« Les amis de classe, ceux à qui moi je fréquente fréquemment, on est toujours ensemble. Eux en tout cas ils sont partis et puis comme je ne voulais pas partir, donc ils m'ont dit seulement : il faut venir, que y a rien, que c'est mieux, il faut connaître son statut sérologique, que c'est bien. C'est ce qui m'a amené à partir. En tout cas, mon courage ne me permettra pas de partir. S'il n' y avait pas ces conseils là, je n'allais pas partir. » Marcel (20 ans, catholique, 1ère G2, adhérent)

Le soutien du groupe paraît orienter favorablement le comportement individuel. En effet, dans la conformité «il faut être soutenu par un groupe d'amis qui vous convainc qu'il n'y a pas de raison d'avoir peur...»48

Mais, en fait, ce qui sous-tend la conformité, c'est la peur de la réaction des pairs, en cas de non-conformité car comme des élèves l'affirment : « ceux qui ont fait se moquent de ceux qui n'ont pas fait ». Amadou (18 ans, musulman, 1ère F3, adhérent) en rend le témoignage suivant :

48 MENDRAS Henri, Eléments de sociologie, Armand Colin, Paris, 1996, p97.

« Je les [les réticents] ai montré le résultat bien sûr ! C'était la moindre des choses pour leur prouver en fait que c'était des « mouillards »49 . Là où je suis, si on me demande : toi-même :ta sérologie ? je suis capable de le dire. Mais eux, quand on va parler dans une discussion du sida, eux ils seront persécutés. »

Moins donc que le bénéfice d'information pour une adhésion enthousiaste, l'entraînement au dépistage s'explique plus par le courage qui est une qualité à prouver, préserver et conserver au sein de la sphère relationnelle car : « certains sont venus se faire dépister par orgueil parce que leurs camarades vont, eux aussi ils vont aller» précise Aline (Surveillante et marraine du club FAWE du LTO). A ce sujet toujours, Robert (22 ans, catholique, terminale F3, adhérent) en donne le discours suivant :

« Moi je ne voulais pas aller. Je les ai laissés partir et puis entre temps, je ne me suis dis pourquoi pas ? Il faut aller faire, ça fait partie du courage. Parce que moi je sais que celui qui n'est pas courageux ne peut pas faire le test. Le courage- là, dire que je suis courageux, je suis courageux, c'est en ce genre de test. Donc je les ai rejoint après, on a fait le test. »

La conformité est présente dans le sous groupe masculin alors que dans le sous-groupe féminin elle n'apparaît pas. Ce constat peut être un reflet de la différence de socialisation entre sexe qui induit une différence de comportement en face d'une situation de risque en tant qu'événement probable dangereux.

49 Dans le jargon scolaire, l'expression « mouillard » désigne une personne qui fuit les situations difficiles.

Conclusion

Le dépistage volontaire se présente comme un axe stratégique dans la lutte contre le VIH / SIDA, ce qui a suscité l'intérêt de l'étude.

Le choix d'adhésion au test sérologique ou de son refus par les élèves du Lycée Technique de Ouagadougou ne paraît pas forcément commandé par la possession d'une information précise sur les enjeux de la connaissance de son statut sérologique. Parlant d'avantages liés au dépistage, nos interviewés ont une connaissance du bénéfice de l'ajustement comportemental sexuel en cas de sérologie négative ou positive et la mise en oeuvre du protocole thérapeutique est connue mais sans réelles précisions.

Mais en ce qui concerne la prise en charge, la seule connaissance à la fois sûre et incertaine qui apparaît pour nos 33 enquêtés c'est qu' «il y a une prise en charge ». Sûre, parce que la multitude50 des institutions des services de conseil dépistage volontaire et de prise en charge en font le leitmotiv de leurs discours pour une adhésion au dépistage ; incertaine, parce que cette information demeure abstraite puisqu'elle ne livre pas les modalités et les mécanismes de la prise en charge dont il est tant question. Une certaine faiblesse de l'information est aussi due à la fréquentation aléatoire sinon à l'indifférence (du fait de l'altérité négative) des élèves vis-à-vis des structures associatives ; aux niveaux de la sphère relationnelle et familiale, l'information apparaît également limitée.

Or, le dépistage volontaire en tant que moyen de prévention commande un modèle de prévention fondée sur la mise en oeuvre d'information à nature pédagogique entre les émetteurs (institutions, pairs, parents) et les récepteurs (élèves) afin que ces derniers puissent connaître les avantages liés au test positif ou négatif et particulièrement connaître les modalités et les mécanismes de la prise en charge pour adhérer de façon éclairée à la proposition de dépistage.

Par défaut, les avantages de l'après dépistage sont moins perceptibles que les conséquences négatives pouvant se lier à une sérologie positive. Ces perceptibles conséquences négatives sont multiformes et multidimensionnelles. La perception de cette mosaïque de souffrances, qui se combinent en une seule réalité complexe de conflits entre l'individu et lui-même et l'individu et son environnement social, a apeuré aussi bien les élèves adhérents que les élèves réticents au test VIH. C'est pour ainsi dire que l'enjeu qui a sous-tendu les choix

50 Selon le Répertoire National des service de conseil et dépistage volontaire et de prise en charge des PVVIH/SIDA, CNLS-IST, juin 2003, le Burkina en compte 59 dont 18 à Ouagadougou. Mais seules 7 structures assurent effectivement une prise en charge médicale

de comportements se justifie ailleurs que dans le bénéfice des possibilités d'une prise en charge d'autant plus qu'elle n'est pas perceptible51.

Ainsi, la non-vulnérabilité conduit à la fois à l'acceptation et au refus du test. Ce paradoxe est soutenu par deux formes d'altérité négatives (altérité négative d'adhésion et altérité négative de refus) dont le trait commun est le développement d'une «légitime assurance» contre le VIH en l'absence de risque. Cependant, elles diffèrent par leur mise en oeuvre contradictoire avec toutefois une même finalité qui est la mise en accusation de la biographie sexuelle de « l'autre » comme son motif de refus ou son motif d'acceptation. Sur l'ensemble des cas de biographie sexuelle non vulnérable, la majorité des élèves ont accepté le dépistage. Autrement dit, l'absence de vulnérabilité sexuelle penche plus pour un comportement d'adhésion, même si le contraire s'est produit chez d'autres (la minorité) dû au développement de l'altérité négative de refus.

La vulnérabilité conduit également soit au refus du test soit à son acceptation. Dans le premier cas, la vulnérabilité due aux rapports sexuels non protégés ôte à l'élève la «légitime assurance» contre le VIH du fait de la «sexualisation » de l'infection, elle-même s'expliquant par la prééminence de la transmission sexuelle sur les autres modes de contamination. Le risque prend alors ici sa valeur maximale. La majorité des réticents vulnérables avaient tous eu des rapports sexuels non protégés. Dans le second cas, le dépistage fonctionne comme une re-assurance, les rapports sexuels protégés altérant la «légitime assurance » sans que le risque soit élevé. Les adhérents vulnérables avaient tous eu des rapports sexuels protégés. En clair, la plus grande vulnérabilité sur le plan sexuel penche plus pour un comportement de refus.

Concernant les interactions, le croisement de biographie de certains élèves avec celle d'un malade du SIDA a laissé les traces de souffrances chroniques et d'impuissance de la médecine. Mais ce contact des vécus peut aussi enclencher chez d'autres le désir de la connaissance du statut sérologique. Quant à l'interaction favorable dans le cercle familial, elle se présente sous une conformité positive et imposée qui enrobe l'évaluation personnelle du dépistage et ôte ainsi la possibilité du refus. L'interaction favorable dans le cadre relationnel des pairs, elle met en jeu également une conformité positive prévalant au sein du groupe de pairs et conduisant à l'adhésion au dépistage. Mais cette interaction influente n'apparaît pas dans le sous-groupe féminin.

51 « Au Burkina, nous avons besoin de mettre sous traitement pas moins de 45.500 personnes, seules 2.700 ont actuellement accès aux ARV. » RAME, `Le médicament' n° 005 juillet-septembre 2005, p16

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Autres publications

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ANNEXES

Guide d'entretien individuel/ élèves

I- Identification

A- Profil socio-démographique

- Prénom

- Sexe

- Age

- Religion

- Classe (niveau d'étude)

B- Origine sociale

- Statut socioprofessionnel des parents ou tuteurs - Quartier de résidence

II- Perceptions et informations sur le sida

A- Perceptions

- Ce à quoi renvoie le sida

· Peur

· Mort

· Rejet social

- Métaphores utilisées pour désigner le sida

- Différence entre le sida et les «autres maladies »

- Utilité et efficacité de la prise en charge médicale

B- Informations

- Avantage du dépistage

- Connaissances de la prise en charge médicale et psychosociale

· Gestion de l'annonce de la séropositivité

· Gestion des infections opportunistes

· Gestion de la mise sous traitement ARV

- Connaissances sur les coûts du traitement

- Connaissances sur les structures publiques de prises en charge médicale

- Connaissances des structures associatives de prise en charge médicale et psychosociale - Fréquentations des structures d'informations et de lutte contre le sida

III- Vulnérabilité ou expériences précises vécues

A- Biographie sexuelle - Partenariat sexuel

· Identité du ou des partenaires

· Circonstances de rencontre

· Précautions prises lors des rapports sexuels

B- Autres expériences - Antécédents de MST - Transfusion sanguine

IV- les interactions

A- interaction familiale

- Croisement de biographie avec une personne infectée (malade) - expérience du dépistage par un membre de la famille

- conversations sur le sida/dépistage

- imposition du dépistage par une autorité de la famille B- interaction relationnelle

- conversations avec les pairs sur le sida/dépistage - adhésion ou refus des pairs

- influence des pairs sur la décision individuelle

Guide d'entretien individuel/ personnes ressources - Guide d'entretien individuel/personnel du LTO

- Qu'est-ce qui explique le refus du dépistage volontaire par des élèves ?

- Qu'est-ce qui explique la différence de comportement entre élèves adhérents et élèves réticents?

- Guide d'entretien individuel/chargés de prise en charge médicale et psychosociale

- Qu'est-ce la prise en charge médicale ?

- Qu'est-ce que l'accompagnement psychosociale ?

- Quels en sont les avantages ?

- Quel est le mécanisme public de la prise en charge médicale ?

- Quel est le mécanisme associatif de la prise en charge médicale et psychosociale ?

- Guide d'entretien individuel/parents d'élèves

- Discussion sur sexualité / VIH-SIDA avec les enfants - Discussion du dépistage volontaire en famille

Extrait d'entretien

Sobriquet :Amadé Classe: 1ere G2

Age: 19

Religion : musulman

- Vous avez fait votre test ?

- Non, non. Pour le moment non. J'ai pas encore fait le test mais je pense le faire un jour en tout cas.

- Au moment de la campagne de dépistage l'année dernière vous étiez là ?

- Oui, c'était une journée exceptionnelle, une journée très animée. Il y avait beaucoup d'élèves. Moi-même je voulais faire le test mais la queue était longue. J'ai essayé de m'aligner plusieurs fois, mon tour n'était pas arrivé donc j'étais impatient. C'était une belle journée ! on aimerait revoir ces journées-là encore.

- Cela veut dire que vous êtes prêt à faire le test alors ?

- Oui, moi particulièrement je suis prêt à faire le test maintenant. Avant, j'avais peur pour certaines raisons ; maintenant on est arrivé à me conscientiser, je suis prêt.

- Quelles sont les raisons qui vous amenaient à avoir peur ?

- Bon ! les raisons qui m'amenaient à avoir peur de faire le test... par exemple si je faisais , je sais que si je faisais et puis j'obtenais un résultat positif ç'allait jouer sur ma vie. Le fait même que suis élève, je continu le combat. J'allais perdre beaucoup courage et en ce moment je pensais que tout mon combat c'était pour rien maintenant. Parce que je savais qu'en ce moment d'un jour à l'autre je pouvais mourir. Je n'allais pas avoir beaucoup de courage pour mon combat encore. C'est ce qui me faisait peur. Bon ! Maintenant avec certaines sensibilisations, je me dis que non ! Même si je fais le test et que je trouve que je suis positif, c'est pas tellement une fatalité. Je peux toujours continuer mon combat, c'est vrai il n'existe pas de remède pour ça pour le moment mais il y a des soins et avec beaucoup de courage on pense que y aura quelque chose contre ça un jour.

- Vous savez comment accéder à ces soins ?

- Bon ! Comment accéder à ces soins ? Je n'ai pas beaucoup d'idées là-dessus mais c'est ce que je pense, je crois que dans certains centres hospitaliers je vois ces soins. Mais je sais pas s'ils sont à des coûts acceptables ou pas, mais je sais qu'il y a ces soins dans certains centres en tout cas.

- Au niveau des associations, est-ce que vous avez des informations concernant la prise en charge des malades ?

- Bon ! tout ce que je sais, je connais un certains nombre d'associations, même dans un village eh ! à 25 Km , Tanghin-Dassouri ; ici, il y a une association , ALAVI qui fait régulièrement le dépistage mais vraiment je ne sais pas quels

soins ils prennent en charge ? Je n'ai jamais eu l'occasion d'échanger avec eux comme ça et savoir maintenant ce qu'il faut faire quand les gens sont atteints.

- Vous n'êtes pas au courant des possibilités de prise en charge médicale et psychosociale ?

- Non. Tout ce que je sais, c'est que j'entends parfois dans les radios, à la télé, qu'il y a des prises en charge pour ça, c'est un combat, plusieurs pays luttent contre ça, donc ce qui fait que des prises en charge ont été élaborées. Mais je n'ai pas d'idées comme ça là-dessus : comment ça se passe, je n'ai aucune idée. Tout ce que je sais, je sais qu'il y a une prise en charge mais comment ils prennent ça, je n'ai aucune idée.

- Est-ce que vous fréquentez une association ?

- Non, non. Je n'ai jamais fréquenté une association comme ça. C'est dans les sensibilisations seulement, je consacre mon temps juste quinze minutes, je m'arrête, j'écoute comme ça et je continue. Mais je n'ai jamais fréquenté une association avec beaucoup d'échanges davantage.

- Ça ne vous intéresse pas ?

- Bon : ça m'intéresse mais pour le moment... A partir de maintenant si j'ai l'opportunité je pourrai me renseigner beaucoup. Sinon avant ça ne ... je n'aimais même pas entendre parler du sida. Vraiment ça me mettait en boule déjà.

- Pourquoi avant ça ne vous intéressait pas de parler du sida ?

- Bon ! Avant ça ne m'intéressait pas comme ça parce que peut-être tout ça c'était quoi ? C'était la peur ! Je me disais que je n'allais même pas faire le test jusqu'en ce moment mais je vais le faire maintenant. Avant, c'était la peur, tout ça, le fait d'avoir eu des rapports [sexuels] parfois protégés, parfois non protégés, il y avait la crainte, la peur même tout en sachant que c'est une maladie fatale qui ravage. C'était à cause de ça.

- Combien de fois vous avez déjà eu des rapports sexuels non protégés ?

- Bon ! Une ou deux fois, mais actuellement, à partir d'aujourd'hui je ne m'engage plus dans des rapports non protégés. Je sais vraiment que le sida c'est vraiment une fatalité, ça ravage de gauche à droite, je prends toutes mes précautions maintenant. Je sais que si je ne suis pas atteint, s'il plaît à Dieu je ne serai plus atteint quoi ! Je prendrai toutes mes précautions.

- Avec combien de filles vous avez eu des aventures sexuelles ?

- Bon ! disons avec cinq filles comme ça.

- Vous vous êtes rencontrés comment ?

- Bon ! Parfois c'est dans les shows comme ça, moi je suis un jeune, je m'intéresse aux shows. J'aime le show biz. Donc parfois dans ça, c'est des amies du quartier, on se rencontre, on échange, on finit par s'engager dans la chose.

- Et elles ont consenti à avoir des relations sexuelles non protégés avec vous ?

- Bon ! Elles n'ont jamais dit qu'elles auraient dû avoir des relations sans être protégées. Mais moi particulièrement, parfois ça me venait instinctivement

comme ça, involontairement d'avoir des relations non protégées ; ne pas avoir la maîtrise de sa personne même. Mais maintenant, j'ai vraiment pris position pour ne pas risquer, avoir des relations sans préserver.

- Vous habitez dans quel quartier ?

- J'habite au secteur 17, Pissy.

- Vous êtes avec vos parents ?

- Oui, je suis avec mes parents.

- Qu'est-ce que le père fait comme travail ?

- Il travaille dans une ONG, ma maman ne travaille pas, elle est ménagère. - Vous avez des frères et soeurs ?

- Ouais, j'ai jusqu'à cinq petits frères et puis deux grands frères, donc on est huit dans la famille.

- Qu'est-ce que vos grands frères font ?

- Bon ! Mes grands frères, tous les deux sont des instituteurs ; mes petits frères, ils bossent toujours, moi aussi je bosse toujours.

- Il vous arrive d'avoir des discussions sur le thème du sida en famille ?

- Bon ! Parfois à travers la télé comme ça, la radio, quand on entend parler on

essaye de discuter. Parfois, les grands frères conseillent toujours : « vous

voyez que c'est une fatalité, ça tue, il n'y a rien contre ça, donc chacun n'a

qu'à faire beaucoup attention pour que ça ne passe pas par lui aussi quoi. » - Et avec les parents, vous discutez aussi ?

- Bon ! Avec les parents, tout ce qu'ils disent, on discute pas pour longtemps hein ! Par exemple pour quelques cinq minutes, ils ouvrent la page, mais chaque fois ils insistent, ils n'insistent pas à ce qu'on ait pas des rapports [sexuels] mais ils insistent toujours à ce que nos rapports soient toujours protégés quoi.

- Est-ce que quelqu'un dans votre famille a déjà fait son test ?

- Oui, mes deux frères, ils ont déjà fait le test.

- Et vos « potes » ?

- Certains amis ont fait leur test l'année passée. Ils ont reçu tous un résultat négatif. Ça m'a encouragé même un peu plus. S'ils peuvent le faire, moi aussi je peux prendre mon courage et puis le faire.

- Est-ce que vous avez des mots pour désigner le sida ?

- Parfois on remplace ça par « la maladie de la jeunesse », « la maladie qui ravage », « la fatalité » On aime vraiment prononcer des mots comme son nom l'indique, le sida. Certains disent «la chose » ; par exemple, on dirait qu'une telle personne souffre de la «chose-là »

- Est-ce que vous avez déjà été en contact avec un malade du sida ?

- Malheureusement, actuellement il n'est plus là, il est, il y a une année de cela

il est parti. Mais on essayait de l'encourager ; il ne perdait pas courage en

tout cas. Mais malheureusement, il est parti, il n'est plus.

- C'était un proche à vous ?

- Oui, c'était un parent proche à moi.

- Et ça se passait comment en famille ?

- Bon ! En fait dans la famille on arrive tous à le comprendre ; vraiment il n'y avait pas de problème en famille comme ça. La famille, en fait, moi je vis dans une famille alphabétisée, pas une famille, vous savez parfois dans les familles qui n'ont pas l'école en tant qu'il est malade chacun le fui, aucun ne veut l'approcher, personne ne veut manger avec lui... C'était pas le cas en famille ; tout le monde arrivait à le comprendre, on savait que c'était pas en causant avec lui comme ça, en essayant de le moraliser [relever le moral] qu'on allait être contaminé.

- Et quand vous causez avec lui, qu'est-ce qu'il disait sur sa maladie ?

- Franchement quand on causait, lui-même il répétait qu'il savait qu'un jour il allait mourir, bon ! et puis dans sa causerie il faisait parfois pitié. Dans sa causerie il faisait vraiment ressentir qu'il savait qu'il allait mourir d'un jour à l'autre.

- Et c'est en quel moment il a accepté vous dire qu'il était séropositif ?

- Bon ! Vraiment, moi principalement, il ne m'a jamais dit ça. C'est à travers ses paroles parfois j'arrivais à constater ça ; et puis on connaît les signes que ça manifeste ; et puis quand ça devient grave tout le monde connaît les signes que ça développe.

- Il n'a pas fait un test pour confirmer ?

- Peut-être qu'il a fait un test mais ça s'est passé entre les autorités de la familles ; vous savez, nous, on n'a pas été en contact tout ça.

- Il était marié ?

- Il n'était pas marié d'abord. Il était célibataire. C'était quelqu'un, son travail lui permettait pas de se marier. Il voyageait dans les pays, il allait au Ghana, même en Europe parfois. C'était en quelque sorte un homme d'affaire quoi ! Donc, ça fait qu'il n'était pas encore marié.

- Il a quel lien de parenté avec vous ?

- C'était mon oncle..

- Il était jeune ?

- Il avait environ 30 ans comme ça.

- Au moment de la campagne de dépistage l'année dernière, il était toujours là ?

- Il était toujours là mais sa santé était devenue très critique. Il se sentait gravement malade, on attendait maintenant... parce que en ce moment-là, pour qu'il se relevait ç'allait être dur. On sentait qu'il était vraiment fatigué quoi. Il était fatigué.

- Est-ce que cette situation de contact avec un malade a influencé votre refus d'aller faire le test ?

- Oui, vraiment, c'est tout ça qui m'a vraiment fait peur ; et puis ça m'a donné comme une leçon aussi. J'ai vu comment la maladie se manifeste, j'ai vu vraiment que c'est une maladie, non seulement la personne est amenée à mourir un jour mais c'est une maladie, on sent que tu souffres ; tu es vraiment dans une souffrance quoi ! et tu traînes, tu ne meures même pas vite. Tout ça

m'a fait peur, ça m'a conscientisé de prendre davantage de précautions et puis ça me faisait vraiment peur d'aller faire le test et puis savoir peut-être... Si je suis séronégatif, ça va ! Mais si je suis séropositif, ç'allait me décourager. Mais maintenant, j'ai enlevé cette peur-là, cette crainte-là de moi ; je me suis dis je vais faire le test et dans tous les cas je pense que je suis séronégatif. Dans les jours avenir, si je gagne un laps de temps seulement, je vais le faire.

- Est-ce que votre oncle prenait des soins ?

- Oui, il prenait des soins. Il avait vraiment, je peux dire qu'il avait le maximum de soins parce qu'il avait un docteur à sa ... chaque fois il venait. Si c'est les soins, il a eu les soins. Si c'est les soins qui devaient contribuer au fait qu'il ne mourrait pas, il ne devait pas mourir ! Ça, je peux le dire !

- Il le faisait avec l'aide de la famille ou avec ses propres moyens ?

- Bon ! C'était avec l'aide de la famille puisque bon ! Quand quelqu'un est malade comme ça, c'est ce que je vous disais, c'était un homme d'affaires ; toutes ses affaires étaient bouchées, il n'avait plus d'argent comme ça, donc c'est la famille qui le supportait.

- Vous l'avez déjà une fois accompagné à l'hôpital ou dans un centre ?

- Moi, je l'ai jamais accompagné à l'hôpital ? Tout ce que j'ai vu, il était à la

maison il était devenu faible et il ne pouvait plus sortir ; le docteur venait à la

maison.

- Vous discutez souvent de ça avec vos amis ?

- Oui, parfois on discute. On se donne des conseils pour vraiment échapper à ça. - Et vos amis qui refusent de faire le test, qu'est-ce qu'ils avancent comme raisons ?

- Bon ! ils avancent comme raisons, la peur, la crainte d'aller faire et de constater qu'ils sont séropositifs ; et dans ce cas, ils ne pourront pas continuer la vie quoi ! Leur durée de vie sera réduite parce que en ce moment ils pensent qu'ils sont amenés un jour à mourir ; ils ne pourront plus continuer leur combat, ils seront découragés. Ils se disent qu'en faisant le test, le résultat du test ne peut pas les empêcher de ne pas mourir ; selon eux, faire le test, ne pas faire le test, c'est la même chose. Et selon eux, la meilleure solution c'est de ne pas faire parce qu'en ne faisant pas, on n'a pas de doute, on a toujours confiance en soi.

- Vous savez comment on procède, quand on est déclaré séropositif, pour accéder aux soins ?

- Quand on est déclaré séropositif, il faut immédiatement contacter un centre médical ou une association qui s'occupe... dont le projet a pour but d'aider les gens atteints du VIH parce qu'ils auront les soins à te diffuser qui ne seront pas trop chers, parfois des produits gratuits même que tu pourras prendre.

Profil des interviewés Population cible (élèves)

Variables Identification

sexe

âge

religion

classe

Comportement

Josiane

Féminin

19

Catholique

1ère G1

Réticente

Sanatou

Féminin

21

Musulmane

2ème AC

Réticente

Amadou

Masculin

19

Musulmane

Terminale F1

Réticent

Djénabou

Féminin

20

Musulmane

2ème CAS

Adhérente

Natacha

Féminin

20

Catholique

Terminale G1

Réticente

Awa

Féminin

19

Musulmane

Terminale G1

Adhérente

Rose

Féminin

22

Catholique

2ème AC

Réticente

Béatrice

Féminin

18

Catholique

1ère G1

Réticente

Valérie

Féminin

18

Catholique

1ère G1

Adhérente

Sylvie

Féminin

18

Catholique

1ère G1

Réticente

Léonard

Masculin

21

Catholique

Terminale G2

Réticent

Balkissa

Féminin

20

Musulmane

Terminale G1

Adhérente

Amadé

Masculin

19

Musulman

1ère G2

Réticent

Elise

Masculin

18

Catholique

1ère G2

Adhérent

Narcisse

Masculin

19

Catholique

1ère G2

Réticent

Lauraine

Féminin

20

Catholique

Terminale G2

Réticente

Salam

Masculin

22

Musulman

2ème AT

Adhérent

Alexis

Masculin

22

Catholique

2ème AC

Adhérent

Georgette

Féminin

21

Catholique

Terminale G2

Adhérente

Robert

Masculin

22

Catholique

Terminale F3

Adhérent

Carine

Féminin

18

Protestante

1ère G2

Réticente

Marcel

Masculin

20

Catholique

1ère G2

Adhérent

Tatiana

Féminin

17

Musulmane

1ère G2

Adhérente

Issouf

Masculin

20

Musulman

Terminale E

Adhérent

Assita

Féminin

20

Musulmane

Terminale E

Adhérente

Osée

Masculin

19

Catholique

Terminale E

Réticent

Ernest

Masculin

19

Catholique

Terminale F1

Adhérent

Amadou

Masculin

18

Catholique

1ère F3

Adhérent

Yvon

Masculin

19

Musulman

1ère E

Adhérent

Bernard

Masculin

18

Protestant

1ère E

Réticent

Paul

Masculin

21

Catholique

2ème AC

Réticent

Cader

Masculin

19

Musulman

Terminale T

Adhérent

Syprien

Masculin

20

Catholique

Terminale T

Adhérent

Envoyer

Personnes ressources

Sandrine

Infirmière d'Etat / infirmière au LTO

Ahmed

Proviseur/Président du cercle de relais sida du LTO

Aline

Surveillante/marraine du club FAWE du LTO

Emile

Médecin chargé de prise en charge médicale/association

Yolande

Enseignante d'économie sociale et familiale/marraine club ABBF du LTO

Issa

Psychologue chargé de l'accompagnement psychosociale/association

Germaine

Médecin chargé de prise en charge/CNLS-IST

Mohamed

Inspecteur du trésor/ parent d'élève

Madelaine

Educatrice sociale/parent d'élève

Justine

institutrice/parente d'élève






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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault