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Les comportements des élèves du lycée technique de Ouagadougou face au dépistage VIH volontaire

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par Pascal Louis Germain COMPAORE
Université de Ouagadougou - Maà®trise de sociologie 2006
  

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II-1- Les avantages du dépistage

Selon le rapport32 du Ministère de la santé, les avantages et les inconvénients du dépistage peuvent être formalisés en termes de comportements. En effet, l'ajustement du comportement tant préventif du point de vue sexuel que les possibilités d'engagement aux protocoles thérapeutiques sans oublier celui nutritionnel ne peuvent être mis en oeuvre sans une connaissance préalable de la sérologie. Le fait est qu'en l'absence de connaissance de la sérologie la légitimité du comportement paraît moins évidente alors que seul le dépistage permet un comportement en toute connaissance de cause comme le reconnaît Salam (22 ans, musulman, 2ème année topographie, adhérent) qui s'est fait dépister :

« C'est très intéressant de savoir si on est positif ou négatif puisque ça peut contribuer à bien organiser le futur en quelque sorte. Si toutefois tu es atteint, tu peux essayer de t'abstenir, de poursuivre les centres médicaux pour les traitements. Et si tu n'es pas atteint, tu peux essayer de prendre plus de précautions pour ne pas un jour l'avoir. »

L'un des avantages du dépistage est effectivement la connaissance précoce du statut sérologique pour une mise en oeuvre de soins préventifs et traitements contre les infections opportunistes et ultérieurement, au regard de l'état biologique, la mise en oeuvre du traitement anti-rétroviral, en cas d'infection.

Cet avantage de pouvoir ajuster le comportement thérapeutique semble connu et reconnu par certains élèves . Cependant, la question de la prévention des infections opportunistes est ignorée et seul l'aspect du traitement ARV fait l'objet des discours. Ainsi, Amadou (19ans, musulman, terminale F1, réticent)

32 Ministère de la santé, Normes et procédures. Prise en charge de l'adulte infecté par le VIH, présente à la page 8 les différents comportements avantageux liés au test négatif ou positif ainsi que les comportements désavantageux qui peuvent se lier au test positif.

bien que n'ayant pas fait son test reconnaît cet avantage du dépistage en ces termes :

« Il y a des avantages puisque si on est au courant tôt, on peut se faire prendre en charge ; là peut-être que ça va diminuer un peu la progression du virus parce que le nombre de virus qui était dans le sang par rapport à la prise des ARV, on peut diminuer ça. Ça peut te permettre de vivre plus longtemps que si tu laisses les virus se propager, se multiplier rapidement. Mais si on est au courant et qu'on a la chance, on peut se faire prendre en charge. »

L'ajustement du comportement est aussi sexuel et se présente dans les deux cas de figures pouvant résulter du dépistage à savoir en cas de sérologie positive ou en cas de sérologie négative.

Dans le premier cas, l'ajustement du comportement sexuel consiste à se protéger contre la réinfection et la surinfection et à protéger ses éventuels partenaires sexuels de l'infection. Cette double exigence du comportement sexuel est connue des élèves et Robert (22 ans, catholique, terminale F3, adhérent) qui n'est pas sans savoir cela, dit ceci :

« Je sais que faire le test de dépistage c'est se mettre en confiance avec soi-même d'abord. Et puis, ça permet si on est atteint de limiter les dégâts si on est conscient bien sûr. Par exemple si on n'avait pas fait le test, si on est infecté on peut par là infecter pleins d'autres personnes sans le savoir, involontairement. Mais si on a fait le test et puis on est infecté, on sait qu'en continuant de faire[des rapports sexuels], tu perds tes forces et tu es exposé à être en contact avec d'autres sidéens. »

Dans le second cas, le comportement sexuel de prévention acquiert toute sa légitimité et peut de ce fait faire l'objet de plus de précaution pour ne pas s'infecter. Ce comportement de prévention n'est pas ignoré non plus et Lauraine (20 ans, catholique, terminale G2, réticente) qui n'a pourtant pas fait le dépistage se disposerait à pareil comportement en déclarant :

« Si je fais et puis je me rends compte que je ne suis pas atteinte, je serai tellement contente que je vais tout faire pour ne pas contracter le sida. »

Les avantages du dépistage sont l'ajustement des comportements en toute connaissance de cause de la sérologie. L'ajustement du comportement sexuel de prévention de soi et de prévention des autres est un avantage connu par nos interviewés. L'ajustement du comportement thérapeutique en cas d'infection est aussi connu comme un avantage mais est réduit au seul aspect de la mise sous traitement ARV. Les autres avantages tels que le conseil nutritionnel, l'appui psychosocial ne sont pas mentionnés par les élèves. Si l'on ne peut absolument pas dire que tous les enquêtés connaissent tous les avantages, tous ont pourtant envisagé négativement au moins un scénario du type que se passera-t-il si le test est positif ?

1I-2- Les désavantages du dépistage en cas d'infection

Les désavantages du dépistage sont des perceptions que les élèves lient à la connaissance du statut sérologique surtout dans le cas de la sérologie positive.

1I-2-1- Le futur menacé

En face du dépistage, l'hypothèse de l'annonce d'un statut sérologique positif est perçue comme la survenue d'un événement redoutable. La perception négative de soi-même en tant que personne amoindrie des points de vue psychologique et social due à l'infection par VIH se pose alors sur le futur comme le montre ce propos de Rose qui se demande comment elle continuera sa vie :

« L'année passée ils sont venus, il y a des élèves de notre classe qui l'ont fait mais je l'ai pas fait. Si toutefois je partais faire le test du sida et j'étais séropositive, toute ma vie allait être bouleversée par cette nouvelle. Ce qui fait que je ne veux vraiment pas faire le test. C'est pas la peur de l'entourage ! C'est surtout ma vie à moi. Quand je vais savoir que je suis séropositive, ça va beaucoup changer ma vie. Je me demande si j'aurai vraiment le courage encore de persévérer ; je me demande si je ne vais pas tout abandonner...l'école... » (Rose : 20 ans, catholique, 2ème année comptabilité, réticente)

Ainsi, la conséquence immédiatement perçue ici paraît inhérente d'abord au statut même d'élève qui s'effondrait avec l'annonce d'un statut sérologique positif.

Mais en fait, derrière l'anéantissement du statut d'élève, ce sont les perspectives même du futur, compte tenu du statut actuel d'élève, qui s'évanouissent comme le pense Amadé (19ans, musulman, terminale 1ère G2, réticent) qui voit tous ses efforts simplement réduits à rien :

« Le fait même que je suis élève, je continue le combat ; j'allais perdre beaucoup de courage et en ce moment tout mon combat c'était pour rien maintenant. »

Cette catégorie de perception est particulièrement présente chez les interviewés en classe d'examen comme le rapporte Sanatou (21 ans, musulmane, 2ème année comptabilité, réticente) qui craint d'être perturbée à son examen :

« Ils sont venus faire ça [le dépistage] à l'école mais moi je n'avais pas envie pas de faire ça cette année. Moi je supporterai mal quoi ! je pense pas que je pourrai tenir dans une classe d'examen si j'apprends une mauvaise nouvelle ... avec le BEP et le bac...Je préfère attendre l'année prochaine après les examens. »

Ce conflit interne à la personne elle-même faisant qu'elle n'arrive plus à se projeter dans l'avenir peut se doubler soit d'une perception de culpabilité envers son entourage proche ou un mépris de soi. Natacha (20 ans, catholique, terminale G1, réticente) confie à ce sujet :

« C'est un cauchemar, je n'ose même pas imaginer ! Parce que en fait, quand tu as le sida, toimême, c'est pas toi-même le problème, c'est l'entourage, l'effet que tu fais aux proches. Par exemple, il ne serait pas intéressant que mon papa apprenne que sa fille est atteinte du sida. Moralement il sera abattu. Tout, en fait tout, même s'il a des projets, il a des millions, en fait tout d'un côté ça va basculer. »

Et Amadou (18 ans, musulman, 1ère F3, adhérent) tient ce propos :

« Même si autour de toi on ne te méprise pas, toi-même tu vas te mépriser si tu vois tous les projets que tu as eus à mettre en place pour le futur. »

L'annonce d'un statut sérologique positif est perçu comme une menace du futur. Cette perception de leur futur qui «s'écroule » par certains élèves, abandon de tout, incapacité à se projeter dans l'avenir, est en fait la perception des conflits multiples et multiformes qui peuvent survenir avec l'avènement d'une sérologie positive. Ces conflits se rencontrent dans la réalité des personnes infectées comme le rapporte Issa (psychologue et chargé de l'accompagnement psychosocial des PVVIH dans une association) en ces propos :

« Les problèmes sont multiformes. Il y a des gens qui ont des conflits intra familiaux c'est-àdire un conflit qui a été suscité par le VIH et il y a beaucoup d'incompréhensions, beaucoup de souffrances. A côté de ça, il y a aussi comment la personne vit cette maladie personnellement ; parfois cela les amène à une autodépréciation qui fait qu'ils baissent les bras ou peut les amener à ne plus se battre alors que non ! Donc, ils sont multiformes, multidimensionnels, des conflits inter relationnels entre l'intéressé et son entourage, des conflits internes à la personne elle-même soit qu'elle se culpabilise, soit qu'elle n'arrive plus à se projeter dans l'avenir, ce qu'on peut appeler la dépression pure et dure. »

Le «monde qui s'écroule » est présent chez nombre de nos interviewés, adhérents comme réticents. Il s'agit d'une perception des nombreux conflits multiples et multidimensionnels que peut susciter l'infection du VIH.

1I-2-2-L'accusation

Elle se présente dans les discours comme une déviance sur le plan comportemental sexuel et l'élève a peur d'en être accusé. La perception populaire de l'infection du VIH donne une place prééminente à la transmission par voie sexuelle sur les autres modes de transmission mettant systématiquement en cause le comportement sexuel. L'infection est alors perçue comme la conséquence d'un écart avec l'ordre social régissant le comportement sexuel. C'est la déviance portant le cliché social de `vagabondage sexuel '.

Sanatou (21 ans, musulmane, 2ème année comptabilité, réticente) rapporte à ce sujet :

« Si on dit :'j'ai le sida', les gens voient seulement que c'est sur le côté sexuel qu'on a attrapé ; donc on vous qualifie de quelqu'un qui n'est pas du tout sérieux. »

De même, Léonard (21 ans, catholique, terminale G2, réticent) préfère rester dans l'ignorance de son statut sérologique que d'affronter cette étiquette :

« Les gens ont tendance à dire que quand tu as le VIH c'est le vagabondage sexuel. Pourtant !

Comme on ne peut pas changer la mentalité des gens, je préfère rester dans l'ignorance. »

Cette mise en accusation du comportement sexuel, à tort ou à raison est le fait que le dépistage volontaire est présenté par la Santé Publique comme la norme à laquelle il convient de souscrire. Or, «les propositions qu'elle [la Santé Publique] énonce, aussi bien en termes de réalité observée qu'en termes de normes prescrites, s'inscrivent dans un rapport à la fois symbolique et matériel au monde social... » 33

Ainsi, le dépistage paraît dans la perception populaire non pas comme un but ( connaître son statut sérologique pour agir conséquemment) mais plutôt comme un moyen (contrôler l'éventuelle déviance sexuelle de l'individu). Cet hiatus entre la norme et la perception de la norme s'explique par le fait que la logique que sous-tend le dépistage (démarche volontaire) est inhabituelle et se perçoit populairement comme un aveu de culpabilité du comportement sexuel. Indépendamment donc de la réalité comportementale sexuelle d'un individu, toute personne infectée est dans l'apriorité perçue comme déviant sexuel. Cette réaction sociale d'accusation de la sexualité est perçue par les élèves.

Léonard (21 ans, catholique, terminale G2, réticent) imaginant l'accusation la présente en ces termes :

« On t'indexe :'est-ce que tu sais que celui c'est un vagabond sexuel ? »

Valérie (18 ans, catholique, 1ère G2 adhérente) elle, perçoit la scène d'accusation de la sorte :

« On te regarde bizarrement, toujours tu es le vif du sujet : `ouais! c'est comme ça, je savais que ç'allait être comme ça... »

Le procédé d'accusation est donc sans équivoque : l'infection par VIH sera perçue comme la conséquence d'une déviance sexuelle que le dépistage permet de révéler indépendamment donc de tout comportement sexuel. C'est à cette conclusion que parviennent les discours y relatifs et bien résumés par Georgette (21 ans, catholique, terminale G2, adhérente) qui se dit qu'en cas de séropositivité, elle est certaine d'être accusée et culpabilisée sur le plan sexuel :

« Si aujourd'hui j'ai le sida, je sais que c'est pas par rapport aux rapports sexuels [mais] je sais forcément que quand- même les gens vont dire :'elle n'était pas sérieuse'. »

33 DOZON Jean Pierre, , in Critique de la Santé Publique. Une approche anthropologique, Balland, Paris, 2001, p9.

La très forte connotation sexuelle de l'infection engendre une accusation systématique d'une «sexualité vagabonde ». Ce cliché social de déviance sexuelle est perçu et redouté aussi bien par des élèves réticents qu'adhérents au test sérologique VIH.

1I-2-3-Le rejet

La réaction de rejet par l'entourage est perçue comme la perte des liens sociaux avec l'environnement immédiat (famille, amis) soit comme un rejet total par la société. L'origine de la crainte, c'est donc «l'autre » : comment réagira-til en face d'une personne infectée ? Cette perception de rejet est fondée sur l'altérité négative qui est la réaction négative à l'égard des «autres » en cas d'infection. Issouf (24 ans, musulman, terminale E, adhérent) tient à ce propos, la préoccupation suivante :

« Sincèrement dit (...) j'avais peur d'aller faire le test et puis voir que j'étais séropositif. Au fait, c'était vis-à-vis des autres que j'avais peur d'aller faire le dépistage. (...) leurs regards, la manière dont mes amis vont me considérer ; ils ne seront plus comme ils étaient avant sachant que j'ai la maladie : ils allaient me repousser. »

Mais, «l'autre » qui pourrait réagir de façon négative, c'est aussi la famille :

« Supposons que tu as le VIH !Qu'est-ce que ton entourage va dire ?

Tes parents, comment ils vont réagir ? Tout ça-là, ça ne pousse pas hein ! »

déclare Sylvie (18 ans, catholique, 1ère G1, réticente) .

L'incertitude de la réaction que l'entourage pourrait développer est pourtant bien fondée dans la réalité comme le témoigne Emile (médecin chargé de la prise en charge médicale dans une association ) qui relate l'expérience décevante d'une de ses patientes:

« Les gens n'ont toujours pas compris ! Moi, ce matin, parmi mes patients, il y a une qui m'expliquait que elle a discuté avec son grand frère ; le grand frère, il semblait être informé et il dit que vraiment, actuellement il y a beaucoup de trucs pour les malades du sida. Donc, elle s'est dit que c'est le moment pour l'en informer parce qu'elle a fait son dépistage depuis deux ans et elle ne savait pas comment dire à son frère. Maintenant que son frère à commencé à parler comme ça, elle a confié sa sérologie et la réaction de son frère, c'était le contraire. Il dit qu'il imagine ça chez les autres mais pas chez lui. Donc il a commencé à repousser sa petite soeur, il ne veut même plus utiliser les mêmes objets qu'elle : commencer à la rejeter carrément. »

La réaction de rejet toujours actuelle dans la société peut se justifier du fait de l'ancrage historique des images négatives sur le sida avec particulièrement l'altérité négative consistant au rejet de l'infection uniquement imaginée possible chez l'autre. L'altérité négative est la conséquence de l'ancrage historique de la «sexualisation du sida » aboutissant à «faire porter la responsabilité de la transmission et de la prévention sur les individus, selon le principe classique

consistant à blâmer la victime »34 comme déviant sexuel et opprobre familial. De même, les premières informations diffusées sur le sida l'ont présenté comme une maladie grave :

« Quand vous prenez les premières publicités qu'on a fait du sida, on a fait voir le sida comme étant une maladie grave, pas comme les autres quand bien même après on a essayé de rattraper l'information. Mais c'est resté quand-même ancré dans les mentalités aujourd'hui. » Ahmed (président du cercle de relais sida du LTO)

La menace de rejet perçue demeure donc réelle. Elle s'étend et apparaît comme une menace de rejet venant de la société. « L'autre », dont on a peur de la réaction, c'est tout le monde et à la fois personne, c'est la réaction de la société en général. comme le présume Assita (20 ans, musulmane, terminale E, adhérente) par ce propos:

« Imagine, tu as le sida ! Tout le monde va de minimiser. Qui va s'approcher de toi ? Même tes parents vont te fuir. Faut pas ! Parce que tout le monde va te fuir. »

La perception du rejet est présente chez nos interviewés, adhérents et réticents. Cette perception de la réalité est assez fondée, le contexte étant toujours marqué par une image négative de l'infection par le VIH.

1I-2-4-L'issue fatale

La perception de l'issue fatale de l'infection par VIH présente la mort inexorable comme intervenant au terme d'une déchéance physique profonde et comme fondant la différence entre le sida et les «autres maladies » :

« C'est une maladie comme les autres mais les autres maladies...je peux dire des maladies tolérantes, des maladies qu'on peut soigner. Mais le sida ! Le sida vraiment, compte tenu qu'on n'a pas de produit qui puisse soigner, c'est une maladie qui fini chaque fois par la mort »

déclare Salam (22 ans, musulman, 2ème année topographie, adhérent) .

Cette issue fatale se présente donc en dépit de tout ce dont on peut disposer pour s'arracher de la mort. C'est en fait la perception d'une impuissance due à l'absence de traitement curatif assimilant l'infection par VIH à la mort. Mais cette perception de la réalité fausse la réalité elle-même à cause de la confusion entre traitement prophylactique et traitement curatif d'une part et d'autre part entre séropositivité et « sida maladie », ravalant ainsi toute possibilité médicale comme dans ces propos:

« ça évoque la mort bien sûr !Tu as ça, quand tu as ça, c'est la mort parce que de toute manière même si tu luttes comment comment ça va finir par t'emporter : il n'y a pas de médicament ! » Sylvie (18 ans, catholique, 1ère G1, réticente)

34 FASSIN Didier, L'anthropologie entre engagement et distanciation. Essai de sociologie des recherches en sciences sociales sur le sida en Afrique, Karthala, 1999, p51.

« On est sûr seulement qu'on va mourir ! Sinon parlant même des ARV et consorts-là, ça ne va nulle part. Ce qui est sûr, c'est le tombeau seulement. » Marcel (20 ans, catholique, 1ère G2, adhérent)

A cette confusion de l'information à l'origine de la perception s'ajoute un élément subjectif non moins important, également consubstantiel de cette catégorie de perception.

En effet, « la connaissance de son statut sérologique impose en elle-même la recherche d'un traitement, indépendamment d'une quelconque souffrance physique. » 35. Autrement dit, l'une des principales préoccupations en face de la «maladie », c'est le désir de guérir. La connaissance de son statut sérologique impose donc en elle-même ce désir de guérison qui demeure cependant sans solution, du reste pour le moment. C'est cette préoccupation qui apparaît dans cet extrait d'entretien avec Rose (22ans, catholique, 2ème année comptabilité, réticente) qui déclare ceci :

« C'est vrai qu'on voit souvent à la télé des associations qui proposent la prise en charge des

malades du sida. Mais pour moi ça ne resoud pas le problème puisque ça ne guérit pas. »

L'écho direct de cette absence de traitement curatif est alors la perception du traitement anti-rétroviral comme le prolongement des souffrances des personnes infectées. En fait, c'est toute la dimension chronique36 du SIDA qui est ainsi perçue dans ces deux traits caractéristiques : la longue durée et le problème de la gestion des implications sociales de la maladie chronique. En effet, en tant que maladie chronique, «la personne malade doit être appréhendée non seulement à partir de sa trajectoire de maladie mais aussi de sa biographie personnelle dans laquelle cette même trajectoire s'insère. »37Autrement dit, la gestion du malade implique les liens sociaux du malade, parents, amis, etc. autant que durera la maladie dans toutes ses phases :

« Avec le sida tu vas souffrir, tu vas faire souffrir tes parents, ton entourage, tes amis. Ils vont mettre beaucoup de capitaux mais ça ne va rien donner, ça ne va rien changer. Ce qui est sûr tu vas mourir. Mais si c'était une autre maladie, peut-être... Y a des maladies qui durent comme ça mais c'est pas comme le sida ; tu vas mourir pour les libérer aussi. Mais avec le sida, y en a qui sont là, qui traînent mais on ne peut pas les laisser parce que il y a les sentiments qui sont toujours là. Mais si c'est les autres maladies, c'est mieux, tu vas même pas traîner. » Marcel (20 ans, catholique, 1ère G2, adhérent)

« De toute façon tu va partir [mourir] un jour (rire). C'est pas la peine de prendre les anti retro ou bien c'est quoi là même ! Tu prolonges ta vie, tout le monde sera fatigué de toi. Tu es là, tu ne meures pas, c'est pas cela ! De toute façon tu ne vas même pas vivre. » Assita (20 ans, musulmane, terminale E, adhérente)

35 VIDAL Laurent, Le silence et le sens. Essai d'anthropologie du sida en Afrique, Paris, 1996, p29.

36 GODENZI Alberto, et al , 2001, pp 11-12 citant BASZANGER Isabelle caractérisent la chronicité par la longue durée mais surtout par le problème de la gestion quotidienne de la maladie sur cette longue durée.

37 GODENZI Alberto et al, op.cit, p13

Ce qui fonde toujours une telle perception peut aussi être l'ignorance des atouts actuels de la médecine. En effet, comme le déclare Issa, psychologue : « iiy a aussi l'ignorance qui fait que les gens croient qu'on ne peut pas soigner une

personne qui est malade. Jusque là beaucoup de gens ont ce raisonnement-là alors qu'ils ne savent pas que aujourd'hui les médecins sont formés, ils peuvent traiter les infections opportunistes. Les gens ignorent les atouts de la médecinei

L'infection par VIH est perçue par certains élèves comme la mort. Cette perception se fonde sur une confusion entre soigner et guérir et une ignorance des possibilités médicales actuelles.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand