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La réparation du dommage environnemental causé par la pollution par des déchets industriels en droit international de l'environnement

( Télécharger le fichier original )
par Soumaà¯la AOUBA
Faculté de Droit et de Science à‰conomique de l'Université de Limoges (FRANCE) - Master 2 en Droit International et Comparé de l'Environnement 2010
  

Disponible en mode multipage

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AGENCE UNIVERSITAIRE DE LA FRANCOPHONIE
MASTER EN DROIT INTERNATIONAL ET COMPARÉ DE L'ENVIRONNEMENT
Formation à Distance, Campus numérique «ENVIDROIT»

TITRE DU MEMOIRE

LA RÉPARATION DU DOMMAGE ENVIRONNEMENTAL CAUSÉ PAR LA
POLLUTION PAR DES DÉCHETS INDUSTRIELS EN DROIT
INTERNATIONAL DE L'ENVIRONNEMENT

Mémoire présenté par Monsieur Soumaïla AOUBA
Sous la Direction du Professeur Damien ROETS

Août 2010

***********************

AGENCE UNIVERSITAIRE DE LA FRANCOPHONIE
MASTER EN DROIT INTERNATIONAL ET COMPARÉ DE L'ENVIRONNEMENT
Formation à Distance, Campus numérique «ENVIDROIT»

TITRE DU MEMOIRE

LA RÉPARATION DU DOMMAGE ENVIRONNEMENTAL CAUSÉ PAR LA
POLLUTION PAR DES DÉCHETS INDUSTRIELS EN DROIT
INTERNATIONAL DE L'ENVIRONNEMENT

Mémoire présenté par Monsieur Soumaïla AOUBA
Sous la Direction du Professeur Damien ROETS

Août 2010

SOMMAIRE

DEDICACE......................................................................................................p. 4 REMERCIEMMENTS...........................................................................................p. 5 LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS ET SIGLES.......................................................p. 6 INTRODUCTION GENERALE..................................................................................p. 8 TITRE 1 : LES CONDITIONS D'OUVERTURE DE LA REPARATION DU DOMMAGE ENVIRONNEMENTAL

CAUSE PAR LA POLLUTION PAR DES DECHETS INDUSTRIELS...........................................p. 12

CHAPITRE 1 - LES DOMMAGES À L'ENVIRONNEMENT : LE CAS DE LA POLLUTION PAR DES

DECHETS INDUSTRIELS....................................................................p. 14

CHAPITRE 2-LA DETERMINATION DE LA RESPONSABILITE ENVIRONNEMENTALE DU FAIT

DE LA POLLUTION PAR DES DECHETS INDUSTRIELS.......................................p. 33

TITRE 2 : LES MODALITES DE LA REPARATION DU DOMMAGE ENVIRONNEMENTAL CAUSE PAR LA POLLUTION PAR DES DECHETS INDUSTRIELS...................................................p. 49

CHAPITRE 1 : L'EVALUATION DU DOMMAGE ENVIRONNEMENTAL CAUSE PAR LA POLLUTION

PAR DES DECHETS INDUSTRIELS............................................................p. 51

CHAPITRE 2 : LA MISE EN OEUVRE DE LA REPARATION DES DOMMAGES À L'ENVIRONNEMENT

CAUSE PAR LA POLLUTION PAR LES DECHETS INDUSTRIELS...........................p.63

CONCLUSION GENERALE................................................................................. p.74

BIBLIOGRAPHIE..................................................................................................p. 79 TABLE DE JURISPRUDENCE ...................................................................................p. 82 TABLE DE LEGISLATION ........................................................................................p. 83 TABLE DESMATIERES..........................................................................................p. 84

DÉDICACE

Je dédie cette oeuvre ..

A ma tendre épouse, AOUBA/ SORY Mata,

A mes chers enfants AOUBA Hosni et AOUBA Chirine qui vient de naître. Je dédie également cette oeuvre :

A ma brave mère AOUBA/ KONATE Zénabou,

A mon défunt père AOUBA Moussa,

Aux membres de la famille qui nous ont quittés précipitamment

REMERCIEMENTS

Je remercie chaleureusement :

/ Mon Directeur de Mémoire, le Professeur Damien ROETS qui malgré la brièveté de notre collaboration a joué un rôle déterminant dans la réalisation de ce mémoire;

/ Mon cousin, Jean Aimé Souleymane AOUBA, Économiste, Consultant, pour son soutien, ses encouragements, et grâce auquel ce projet a été concrétisé;

/ Mon très cher ami, Dominique KABRÉ, Doctorant { l'Université de Namur, pour son soutien.

Je remercie aussi mes frères, soeurs et cousins pour leurs encouragements et leurs apports multiformes dans la réalisation de cette oeuvre.

LISTE DES PRINCIPALES ABRÉVIATIONS ET SIGLE

ADEME : Agence De l'Environnement et de la Maitrise de l'Énergie Aff. : Affaire

AJDA : Actualité Juridique de Droit Administratif

al. : alinéa

Art. : article

Avr. : Avril

Bull.civ. : Bulletin civil

°C : degré Celsius

C.E. : Conseil d'État (juridiction)

C.E.E. : Communauté Économique Européenne

C.J.C.E : Cour de Justice de la Communauté Européenne

CA : Cour d'Appel

Cass. civ. : Cour de cassation, chambre civile

Cass. com. : Cour de cassation, chambre commerciale

Cf. : confère

Chron. : Chronique

Civ. ou Cass.civ.: Arrêt de la Cour de cassation, chambre civile

CJCE : Cour de Justice de la Communauté Européenne

Col. : Collection

D. : Dalloz ou Recueil Dalloz

Déc. : décembre Doctr : doctrine éd., éd. G. : édition, édition générale

févr. : février

in : dans (tel ouvrage ou étude),

Infra : ci-dessous

J.C.P.: Juris-Classeur Périodique, la Semaine Juridique

J.O.C.E. : Journal Officiel du Conseil de l'Europe

J.O.U.E. : Journal Officiel de l'Union Européenne

Janv. : janvier

Juil. : juillet

L : Loi

L.G.D.J. : Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence

m3 : mètre cube mg : milligramme n° : numéro

Not. : notamment Nov. : Novembre OCDE : Organisme de Coopération et de Développement Économique

Oct. : Octobre

OGM: Organisme Génétiquement Modifié ONU : Organisation des Nations Unies op.cit : «opus citatum» ou ouvrage déjà cité p. : page (s)

P.U.F. : Presses Universitaires de France

R.G.D.I.P.: Revue Générale de Droit International Public R.J.E. : Revue Juridique de l'Environnement

Rép. Pén. D : Répertoire pénal Dalloz Rev.Dr. Pén. : Revue de Droit Pénal

s ou svt : suivant(s)

Sept. : Septembre

SJ/G : Semaine Juridique édition Générale Sté : Société

Supra : ci-dessus

t : tome

Trib. (Civ. ou Correct.) : Tribunal (Civil ou Correctionnel) V. ég. : Voir également

V. : Voir

Vol. : Volume

www: World Wide Web, adresse site web

INTRODUCTION GÉNÉRALE

1. Nonobstant, la prise de conscience remarquable de la communauté internationale ces dernières décennies dans la protection de l'environnement par l'adoption d'une panoplie de Conventions internationales censées constituées le miroir des agissements des personnes physiques et morales quant à l'utilisation rationnelle des ressources naturelles biotiques et abiotiques, de la faune et des paysages, le bilan à mi-chemin est globalement insatisfaisant. Les mesures de prévention, maîtres-mots de toutes ces Conventions n'ont pas toujours fonctionné. Car force est de constater que s'il existe des lueurs d'espoir, l'environnement mondial se porte globalement très mal. La réalité est que plus de quarante ans après la Déclaration de Stockholm et dix huit ans après la Convention de Rio, la pollution, la désertification, la déforestation et les nuisances sonores continuent de hanter les vies de milliards d'être humains, d'animaux et de végétaux et par ricochet d'annihiler les efforts de développement et l'avenir des générations futures. Les catastrophes naturelles et humaines continuent de se multiplier dans le monde. Les pollutions engendrées par les déchets industriels expliquent en grande partie cette mauvaise santé de l'environnement. Mais que d'illusions?

2. Les exemples de graves atteintes { l'environnement et des catastrophes écologiques coulent à profusion. Actuellement, la marée noire1 aux États-Unis précisément dans le golfe du Mexique, a occasionné une grande pollution à cause des fuites de pétrole rejeté dans la mer par les installations pétrolières (plateforme «DeepWater Horizon») de la multinationale British Petroleum ou BP, justifie à elle-seule le non respect des mesures de prévention. Cette pollution est d'ailleurs considérée comme l'une des plus grandes catastrophes écologiques au monde, sinon la plus importante aux USA avant celle de l'Exxon Valdez en 1985, de l'Amoco-Cadiz2 en 1978 et de Torrey-Canyon en 1967, non seulement par son ampleur et par ses coûts financiers, écologiques, économiques, touristiques, culturels et moraux. En outre, l'on peut évoquer le cas en août 2006 de ce déversement frauduleux de déchets industriels toxiques par la multinationale néerlandaise «Trafigura3> (affaire Probo koala) sur onze (11) sites en Côte d'Ivoire. La marée noire de l'Erika du 12 décembre 1999 s'ajoute à cette liste d'atteintes environnementales. Comment oublier l'explosion,

1 Selon plusieurs sources, le coût pour les assureurs et réassureurs mondiaux pourrait atteindre entre un et un milliard et demi de dollars américains. Parmi ces sociétés de réassurance il y a BERNMUDEDIEN PARTNER RE, TRANSATLANTIC RE, MUNICH RE. Ces derniers jours, la société BP dit qu'elle perdrait au total entre 17 à 20 milliards de dollars dans cette catastrophe sans compter son image de marque. Les ressources végétales, marines, l'écosystème des villes riveraines comme la Louisiane, de la Floride, de l'Alabama sont gravement affectée par cette grande pollution

2 Dans l'affaire de «Amoco Cadiz, marée noire du 16 mars 1978, le Tribunal de Chicago admit le préjudice écologique en concluant à la responsabilité principale de la Société AMOCO CORPORATION et à la responsabilité partielle des chantiers navals ASTILLEROS ESPAFIOLES DE CADIX.

3 V. Probo Koala : un réquisitoire à charge contre Trafigura, jeune Afrique, source internet du 22 juillet 2010. Le procès de cette affaire a été le 1er juin 2010, à Amsterdam (Pays-Bas) contre la société Trafigura, négociant en produit pétrolier, qui avait affrété le Probo Koala (un cargo) en 2006,en Côte D'Ivoire, déversant des déchets hautement toxiques sur onze sites en pleine agglomération qui ont contaminé les eaux et l'environnement et occasionné des intoxications alimentaires, problèmes cutanés et brulures à plusieurs personnes. Pour plus de détails V. article internet précité p.1..

le 10 juillet 1976 d'une usine { Seveso4 en Italie, avec sa formation de nuage toxique de dioxine. Ces catastrophes ont toutes engendré d'importantes pollutions et de graves problèmes de santé en l'occurrence des intoxications, de graves brulures, des contaminations de tous ordres, des destructions de la biodiversité.

3. Finalement, si tant d'efforts déployés en aval pour sauver l'environnement s'avèrent toujours inefficaces ou inappropriés, c'est bien parce qu'il y a certainement un antagonisme entre les intérêts individuels et l'intérêt collectif, entre l'économique et l'écologique, bref entre l'homme et son devenir. Pour l'«homo economicus> ou l'agent économique contemporain, personne morale et physique, les impératifs économiques prennent le pas à bien des égards sur la sauvegarde de l'environnement qui est un patrimoine collectif. La solidarité internationale affichée aux sorties des nombreuses conférences est chaque fois battue en brèche par l'instinct «égoïste> des États sinon leur ultranationalisme. Les engagements scellés se dénouent donc très vite fragilisant les pactes écologiques internationaux. La course effrénée pour le développement économique et la croissance tout azimut, lancée par la grande industrialisation depuis les années 1950 continue de germer un incivisme écologique collectif sans précédent. Le ? chacun pour soi? a accentué la surexploitation des ressources naturelles mais surtout une certaine inconscience collective dans l'utilisation de ces ressources. Les industries produisant { l'échelle mondiale, libèrent des gaz et substances toxiques qui polluent tout le milieu naturel et la biodiversité sans beaucoup se soucier de la santé humaine et de l'environnement.

4. Un marché international transfrontière de déchets dangereux et toxiques est né. Les pays industrialisés conscients du coût exorbitant de traitement sécurisé de leurs déchets dangereux se sont progressivement tournés vers les pays pauvres (Pays Africains notamment) et certains pays en difficultés économiques (Pays de l'Europe de l'Est, pays de l'ex-URSS) où les législations nationales en matière de protection de l'environnement sont, soit inexistantes, soit incomplètes, soit désuètes, soit laxistes, faisant de leurs territoires des ?tombes de pollutions à ciel ouvert?. Marchés florissants, marchés sans contraintes ni consciences, des sociétés et entreprises spécialisées dans le traitement de déchets dangereux opérant soit par sous-traitance mais clandestinement en général, soit directement par le biais de sociétés et entreprises locales s'adonnent entièrement { ce trafic de ?vente de pollution?. Le drame est que bien souvent, au mépris de l'environnement et de la santé publique, ce commerce illicite de déchets toxiques se fait sans vergogne, au vu, au su et aux ordres sinon avec la complicité de certains représentants de l'États au haut niveau, soit par omission (sous-estimations des risques de pollutions), soit à dessein par des canaux de corruption et pour assouvir des intérêts personnels, soit enfin par négligence en prétextant renflouer les caisses de l'État par les impôts qui seraient issus de ces activités. Ces

4 En réaction à cette catastrophe, il a été adopté la Directive du 24 juin 1982 dite directive Seveso qui demande notamment aux États et aux entreprises d'identifier les risques associés { certaines activités industrielles dangereuses et de prendre les mesures nécessaires pour y faire face. Elle a été complétée par la directive Seveso II qui renforce le système de prévention. Une directive 2003/105/CE modifia Seveso II et préconise la prise en compte des études relatives aux propriétés dangereuses de certaines substances.

déchets dangereux qui sont exportés depuis les pays industrialisés atterrissent dans les pays pauvres sous de faux prétextes de recyclages ou d'enfouissements car se retrouvent généralement dans la nature. Si ce commerce de déchets dangereux a pris corps et s'est enraciné, c'est en partie parce qu'il n'existait pas de législations internationales adaptées au contrôle de ces mouvements de déchets et à leur gestion. Durant cette période vide de Législation, force est de constater que plusieurs crimes environnementaux ont été commis. Au demeurant, ce n'est qu'en 1989 (le 22mars) qu'a été adoptée la Convention de Bâle, en 1991 (le 30 janvier) la Convention de Bamako et en 1993 (le 8 mars) la Convention de Lugano, qui constituent { l'heure actuelle, le cadre législatif référentiel au plan international, en ce qui concerne la lutte contre les pollutions transfrontières, les déchets dangereux, et les pollutions par les déchets industriels.

5. Bref, quand le mal est fait, il faut le réparer, en atténuant au mieux ses effets sur l'environnement et sur les hommes. Mais cette réparation doit-elle être juste, proportionnée et équitable. La réparation du dommage environnemental doit objecter de panser les lésions causées { l'environnement et { la biodiversité d'une part, et subsidiairement les dommages causés aux personnes touchées ou affectées, d'autre part, pour leur permettre de continuer à remplir naturellement leur rôle de régulation de la vie. Cette réparation peut s'appuyer sur le principe juridique selon lequel tout dommage, tout préjudice occasionné ou subi, volontairement ou involontairement, entraine réparation { la charge de l'auteur au profit de la victime. Conformément aux articles 1382, 1383 et suivants du Code civil que «tout fait quelconque de l'homme qui cause { autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer», que «chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou son imprudence»... Comme des «paroles d'évangile» le juriste contemporain semble se remémorer ces passages ?indélébiles? du Législateur civil qui a semé les graines de la responsabilité civile délictuelle ou quasi-délictuelle. Signe d'une grande vitalité ou d'une grande nostalgie, l'on peut constater que ces dispositions ont traversé le temps, et leur luminescence semble toujours l'emporté sur leur sénescence, mais pour combien de temps encore?

6.Le droit international de l'environnement, la plus jeune des disciplines internationales, tout comme plusieurs autres disciplines (droit des assurances, droit social, droit international..) épouse également ce principe de réparation du droit civil à quelques variantes près. Pendant longtemps d'ailleurs, le droit international de l'environnement s'était appuyée presqu'entièrement sur le droit civil pour engager la responsabilité civile des pollueurs, des dommageurs de l'environnement { quels que niveaux qu'ils se trouvent, et par là, compenser et soulager les souffrances des victimes.

7. Ces dernières années, elle s'en est même progressivement évincée puisque l'on assiste, de plus en plus, { une autonomisation du droit international de l'environnement de manière générale, mais surtout, en ce qui concerne le règlement des conséquences dommageables d'atteintes { l'environnement. Non sans difficulté, il existe maintenant une responsabilité civile environnementale c'est-à-dire une responsabilité environnementale distincte. L'objectivation de la responsabilité en cas de préjudice environnemental au détriment de la subjectivation, fondement

de la responsabilité civile (préjudice civil), l'élargissement de la catégorie des victimes avec la prise en compte des victimes indirectes, l'élargissement de l'accès { la justice par l'acceptation entre autres, des actions des personnes morales de droit privé comme les associations, les fondations, les organisations non gouvernementales de défense et de protection de l'environnement, la symbolisation du contentieux environnemental par la prise en compte des notions de risque et de perte de chance5 dans la déterminations des responsabilités, constituent les facettes de l'originalité de la réparation du dommage environnemental.

8. Cependant, une interrogation demeure. L'environnement n'étant pas le bien de personne, { qui reviendrait le droit d'agir en son nom? Ces questions ont longtemps nourri les débats dans le contentieux de l'environnement pour finir par livrer des solutions somme toute originales de nos jours. Justement puisque l'environnement n'est pas un bien approprié et puisque la mise en oeuvre de la responsabilité environnementale ne peut se faire sur le fondements des règles de droit civil classiques basées sur la triptyque d'éléments, fait générateur, faute et lien de causalité appliquées dans la protection de l'homme et de son intégrité et puisque finalement ce mécanisme s'est révélé inadapté dans la couverture des dommages { l'environnement, il fallait nécessairement le réadapter, le réinventer ou lui trouver ce palliatif. Au demeurant, la réparation des dommages environnementaux dus aux pollutions par les déchets industriels obéit à un processus assez complexe, où chaque phase du processus requiert une bonne maîtrise en tant que maillon essentiel. Tant que la responsabilité environnementale n'est pas situer, aucune réparation n'est possible. C'est pourquoi, est-il nécessaire d'abord d'étudier les conditions préalables à l'ouverture de la réparation, en l'occurrence la question de la responsabilité qui, de toute évidence passe par l'élucidation des notions de pollution et de déchet (Titre 1). Ensuite, compte tenu de la tendance { l'uniformisation des règles de protection de l'environnement au plan international dans le sens du renforcement de la lutte, l'on peut se demander comment s'opérera concrètement la réparation quant on sait que la responsabilité environnementale bénéficie d'un régime particulier ? (Titre 2).

5 Pour la perte de chance Cf, Affaire Zoé COLOCOTRONI, Commonwealth, 12 août 1980 et pour la prise en compte du risque, V. Cass. civ.2è,26 septembre 2002, Revue de Droit International, 2003,p.157; citées par TREBULLE (François Guy), «Les techniques contentieuses au service de l'environnement-le contentieux civil»; www.ahjucaf.org/spip.php?article76 du 29 juillet 2010, p. 4.

TITRE 1 : LES CONDITIONS D'OUVERTURE DE LA RÉPARATION DU DOMMAGE ENVIRONNEMENTAL CAUSÉ PAR LA POLLUTION PAR DES DÉCHETS INDUSTRIELS

9. Chaque jour { travers le monde plusieurs atteintes { l'environnement, { l'écosystème, aux espèces et aux paysages, graves ou bénins, sont perpétrés. Des millions de litres (environ huit millions) de pétrole brut se déversent d'ailleurs en ce moment dans le golfe du Mexique aux États-Unis, souillant la mer, contaminant les eaux et détruisant la biodiversité et privant des millions d'êtres humains et d'animaux d'un cadre de vie et d'un environnement sain. Plusieurs industries manufacturières ou productrices de biens et services génèrent elles-aussi, au même moment, des déchets dangereux et libèrent dans le ciel des millions de tonnes de gaz carbonique, de dioxyde de carbone, des fibres de plomb, des poussières d'amiante, tous très nuisibles à la santé. Des immondices de déchets dangereux d'origine ménagère, hospitalière et industrielle, sont illicitement déversés dans les rues des cités et une partie immergée dans les océans et les fleuves. Si ces agissements contre l'environnement sont faits à dessein par une partie des dommageurs, d'autres sont perpétrés par ignorance, par imprudence ou de manière accidentelle. Comment lutter alors contre cette nouvelle forme de «criminalité» contemporaine dressée contre la nature? Comment réparer les conséquences de ces graves atteintes { l'environnement, principaux facteurs perturbateurs de l'environnement, du milieu naturel, du climat et de l'écosystème, quand on sait qu'il encore y a des controverses sur les concepts mêmes d'«atteinte { l'environnement~, de «déchets» et «pollutions»? (Chapitre 1).

10. Comme dans la plupart des catastrophes, une fois survenues, les solutions idoines envisageables doivent consister en des actions concrètes et promptes tendant à faire cesser le trouble, à sauvegarder les biens et espèces menacés non atteints, à prévenir tout aggravation et tous dommages latents. Ensuite, faut-il situer civilement les responsabilités, sanctionner les auteurs qui ont occasionné les dégâts et les contraindre à assumer les conséquences de leurs actes. Mais alors que la mis en oeuvre judiciaire de la responsabilité civile des pollueurs était jadis rigide, ce mécanisme a été édulcoré, allégé en partie pour lui permettre de mieux s'adapter { la réparation des dommages environnementaux. La consécration des concepts de «préjudice écologique pur» ou «dommage écologique» en est l'illustration. Reste cependant { déterminer quels sont ces contours (Chapitre 2).

CHAPITRE 1.

LES DOMMAGES À L'ENVIRONNEMENT : LE CAS DE LA POLLUTION PAR DES DÉCHETS INDUSTRIELS

11. Le dommage environnemental peut se définir comme l'atteinte { l'intégrité ou à la qualité de l'environnement. Aux termes de l'article 2-1 de la Directive6 2004/35/CE du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale, on entend par ?dommage environnemental?«les dommages causés aux espèces et habitats naturels protégés (...); les dommages affectant les eaux, { savoir tout dommage qui affecte de manière grave et négative l'état écologique, chimique ou quantitatif ou le potentiel écologique des eaux concernées (...); les dommages affectant les sols, { savoir toute contamination des sols qui engendre un risque d'incidence négative grave sur la santé humaine du fait de l'introduction directe ou indirecte en surface ou dans le sol de substances, préparation, organismes ou micro-organismes». Il suit que sont principalement visées les choses non appropriées ou ?res communis?, c'est-à-dire la biodiversité et accessoirement les personnes physiques et morales de droit public ou de droit privé en position de victime.

12. Les atteintes à l'environnement, faut-il le rappeler, ne sont pas des phénomènes nouveaux. Qu'il s'agisse des pollutions ou des déchets, étaient-ils seulement traités comme des conséquences normales de la vie en société soumis au droit commun, sans aucun régime particulier. La pollution créée par l'accident nucléaire de Tchernobyl et la psychose qu'elle a générée par la suite dans la conscience collective au niveau mondial, a abouti le 29 juillet 1960 à l'adoption de la Convention de Paris sur responsabilité dans le domaine nucléaire. Peu de temps après, les vagues de marées noires aux États-Unis et en Europe causées notamment par des déversements d'hydrocarbures ont de nouveau marqué les esprits, accouchant de la Convention de Bruxelles du 29 novembre 1969 relative à la responsabilité environnementale internationale du propriétaire du navire transportant des hydrocarbures. Certes, cette convention sectorielle ne régissait que la pollution marine due aux rejets d'hydrocarbures, mais dans le fond, son application a consacré le préjudice écologique.

13. Que ces dommages environnementaux engendrés par les déchets industriels et la pollution soient perpétrés volontairement ou involontairement (par négligence ou inaction) ils tombent sous le sceptre des sanctions civiles prévues par le droit de la responsabilité civile ou de la responsabilité environnementale. Cependant, les frontières entre les déchets industriels et la pollution ne sont pas si étanches qu'elles en ont l'air. Au contraire, ils ont un dénominateur commun. Les déchets industriels lorsqu'ils ne sont pas traités engendrent systématiquement la

6 Cette Directive s'est fortement inspirée de la loi fédérale américaine de l'«US Oil Pollution Act)> (OPA) adopté en 1990 par le Congrès américain { la suite de la marée noire de l'Exxon Valdez en Alaska. Le dommage lui-même est défini par cette même disposition (article 2-2) comme «une modification négative mesurable d'une ressource naturelle ou d'une détérioration mesurable d'un service lié { des ressources naturelles, qui peut survenir de manière directe ou indirecte~.V. CORNU-THENARD (Emilie), «La réparation du dommage environnemental : Étude comparative de la Directive 2004/35/CE du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale et de l'US Oil Pollution Act>, RJE, 2/2008, a, p. 175 { 187.

pollution tandis que la pollution n'est pas forcément causée par des déchets dangereux. Cependant, des nuages de floues demeurent encore autour des notions de «déchet>>, de «pollution>> et même de «dommage environnemental>>, tant il en existe pour chaque notion une diversité d'approches (Section 1) qui ne se confinent qu'{ travers leur régime juridique (Section 2).

Section 1. Les notions de déchets et de pollutions

14. Jusqu'{ présent, autant du côté de la loi que de la jurisprudence, il n'existe aucun consensus véritable en droit international de l'environnement sur les notions de «déchets et de «pollutions».

I- LES DÉCHETS

15. Les progrès incessants des sciences et techniques ont fait évoluer rapidement les besoins et les goûts humains et exercés une influence considérable sur l'appréciation des déchets à tel enseigne que l'on ne plus classifier avec exactitude ces biens ou choses puisqu'ils sont considérés tantôt comme utiles, tantôt comme inutiles, tantôt comme nuisibles.

A/ Définition

1) Une notion controversée

16. Quand va-t-on parvenir à une définition consensuelle de la notion de «déchet>>? La question inquiète plus d'un spécialiste en droit international de l'environnement. Pourtant, son intérêt est certain car de nombreux litiges sont encore pendus { l'élucidation de cette définition. Difficultés d'interprétation ou de qualification, incapacité à cerner la réalité du phénomène ou le sens véritable du terme, il n'y a actuellement aucun compromis universel sur ce que l'on peut appeler «déchets>>, «déchets dangereux>> ou encore «déchets toxiques>>; les points de vue divergent dans le temps et dans l'espace, même si certaines approches sont plus pragmatiques que d'autres.

17. Aux termes de l'article 2 (1.) de la Convention de Bâle du 22 mars 1989 sur le contrôle des mouvements transfontières de déchets dangereux et de leur élimination «on entend par ?déchets?des substances ou des objets qu'on élimine qu'on a l'intention d'éliminer en vertu des dispositions du droit national>>. Cette définition se rapproche de celle donnée par la Directive européenne n° 75/442 du 15 juillet 1975 (Directive remplacée par la Directive 2006/12) qui qualifie de déchet, «toute substance ou tout objet dont le détenteur se défait ou { l'obligation de s'en défaire en vertu des dispositions nationales en vigueur>>. Il s'agit l{ en réalité des déchets ordinaires (ceux figurant { l'annexe 1). Il en résulte que ces définitions sont incomplètes pour la simple raison que tout ce dont on s'en défait volontairement ou non, ne peut d'emblée être considéré comme un déchet. Parmi les biens dont on s'en défait d'autres sont des épaves. Bien attendu, la notion de déchet au sens du droit de l'environnement rime avec les notions de nocivité et de dangerosité. Autrement dit, c'est parce que le déchet est nuisible { la santé humaine, faunique et floristique qu'il présente un intérêt comme objet d'étude en droit de l'environnement. La plupart des déchets sont

dangereux parce que toxiques. Le qualificatif «dangereux» a cependant son importance car la toxicité des déchets varient en fonction des éléments qui les composent. Conformément au préambule de la Directive 2000/76/CE du 4 décembre 2000 relative { l'incinération des déchets «La distinction entre déchets dangereux et non dangereux repose essentiellement sur les caractéristiques avant incinération ou coïncinération». En plus, tous les déchets ne sont pas forcément inutiles { l'environnement suivant la théorie de la génération spontanée développée par LAVOISIER selon laquelle «rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme».

18. Mais cette notion de «déchet», précise la Cour de justice des Communautés européenne (CJCE, 15 juin 2000, Aff. ARCO Chemie Nederland Ltd, C-418 et 419/97, Europe, aoûtseptembre 2000, n°273, obs. F. Kauf-Gazin), ne doit pas être interprétée de manière restrictive, car la notion «de se défaire» doit être analysée en tenant compte des objectifs de la Directive communautaire susvisée que sont la plus haute protection de la santé humaine et de l'environnement.

19. Quant { la Convention de Bamako du 30 janvier 1991 sur l'interdiction d'importer en Afrique des déchets dangereux et sur le contrôle des mouvements transfrontières et la gestion des déchets dangereux produits en Afrique, elle définit en son l'article 2-1, a) les «déchets dangereux» comme étant des «substances dangereuses qui ont été frappées d'interdiction, annulées ou dont l'enregistrement a été refusé par les actions règlementaires des gouvernements, ou dont l'enregistrement a été volontairement retiré dans le pays de production pour des raisons de protection de la santé humaine ou de l'environnement». Cette définition supplétive ne fait que compléter la liste des déchets dangereux figurant en annexe 1 de cette Convention (qui est une reprise de l'annexe I et H de la Convention de Bâle). Le problème est que la liste des déchets établie aussi bien par la Convention de Bâle que la Convention de Bamako est seulement énonciative et non limitative car elle ne contient pas toutes les espèces de déchets.

20. En droit comparé, la loi française du 15 juillet 19757 relative { l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux a également donné une approche du déchet. Son article 1er considère comme «déchet>, tout bien meuble abandonné par son détenteur, l'abandon étant défini par l'article 3 comme toute transaction simulée en vue d'échapper aux prescriptions légales. L'article 2 par contre dispose que «toute personne qui produit ou détient des déchets, dans des conditions de nature { produire des effets nocifs sur le sol, la flore et la faune (...) est tenue d'en assurer ou d'en faire assurer l'élimination conformément aux dispositions de la présente loi, dans des conditions propres à éviter lesdits effets». Cette définition reste également imprécise puisqu'elle a

7 GIROD (Patrick), « L'élimination des déchets et la récupération des matériaux (commentaire de la loi n°75-633 du 15 juillet 1975», D. 1975, p.237 { 244. Le Groupe interministériel d'Étude pour l'Élimination des Résidus Solides (G.E.E.R.S.) qui a sonné l'alarme sur la recrudescence des déchets et dont les travaux et propositions ont abouti { la loi susvisée, définissait les déchets comme «l'ensemble des biens, matériaux et éléments qui ne possèdent... dans les conditions de lieu et de temps de leur production... ni valeur marchande, ni état suffisant pour une valorisation éventuelle, compte tenu, soit de connaissances technologiques, soit des données économiques du moment» in Rapport du Groupe, 1974 cité par GIROD (Patrick), p.237 et 238.

donné lieu à des solutions jurisprudentielles controversées8 (C.A d'Angers, 4 janvier 1984 Aff. Boudhours). Finalement, l'on peut convenir que «le déchet désigne non seulement le bien abandonné mais celui que son détenteur destine { l'abandon>.9

21. Il n'ya donc jusqu'{ présent au plan international aucun consensus, ni compromis accepté par tous, sur la notion de «déchet>. Cette difficulté trouve sa source dans le fait qu'il n'y a de critères10 propres et stricts pour identifier le déchet. Le recours aux notions de «se défaire», de «résidu», de «bien sans valeur», de «bien abandonné» pour qualifier le déchet et l'isoler davantage des notions voisines pour éviter les confusions n'a pas toujours donné de solutions satisfaisantes (CJCE, 18 déc. 1997, Aff. C-126/96, Inter-Environnement Wallonie).

2°) A la recherche de critères d'identification

22. La notion de «déchet» apparait alors comme une notion polysémique, controversée, nonobstant les définitions données par les Conventions internationales et régionales. En fonction des personnes, de la situation géographique, du niveau de vie et du temps, ce qui est considéré comme un déchet par certains dans un espace donné ne l'ai pas forcément par d'autres personnes à un autre endroit. De même ce qui était par le passé ou à un moment donné rangé dans la catégorie de «déchet> ne l'ai plus dans tous les cas aujourd'hui et ne le sera certainement pas demain. Le concept de déchet évolue donc avec le milieu et le temps. A titre illustratif, beaucoup de personnes «pauvres» dans le monde se nourrissent et se vêtissent à partir de restes de poubelles rejetés par leurs abandonnateurs comme des déchets, des biens sans valeurs. A priori, si l'on s'en tient à l'une des définitions selon laquelle le déchet est tout ce dont on se défait, ces biens récupérés sont assimilés à des déchets. Que conclure alors si ces biens dits abandonnés «res derelictae» ont une utilité pour ceux qui les récupère dans ces poubelles? Cet exemple révèle sans doute les limites de la définition de déchets. Ceci prouve que seule une définition opérationnelle et dynamique et flexible permettrait de mieux cerner la notion.

23. Pendant longtemps également, les urines et les excrétas, étaient considérés euxaussi comme des éléments puants, nauséabondes dont il fallait se débarrasser parce qu'inutiles. Aujourd'hui, les données ont changé. Les scientifiques, les agriculteurs et les écologistes, tournés

8 Dans le cas d'espèce, un ramasseur d'huile du nom de Boudhours, poursuivi dans diverses procédures, a soutenu que les matières qu'il recueillait ne constituaient pas des déchets. Cette position avait été favorablement accueillie par le Tribunal de Grande Instance d'Angers qui a rejeté ce motif. Position suivie par la Cour d'Appel d'Angers le 4 janvier 1984. Pour plus de détails V. ROBERT (Jacques-Henri), «Infractions contre l'environnement~, Revue de Science criminelle et droit pénal comparé, p.333.

9 GIROD (Patrick), op. cit., p.238 à 244.

10 HARADA (Louis-Narito), in « Qualification juridique du déchet : à la recherche des critères perdus», n 1 et 3, BDEI 02 et 03_ECLAIR-bis (article internet), 7 p., précisait que «Tout exercice de qualification implique un choix privilégié qui s'accompagne nécessairement de l'exclusion des autres choix possibles~. Dans son article susdit, il relève les difficultés et divergences sur la qualification de produit ou de déchet { propos d'une Directive de la CEE n 75/442 du 15 juil. 1975, relative { des mesures de protection de l'environnement contre les producteurs de déchets. Mais que pouvait-on qualifier «déchet» si selon les procédés industriels utilisés, un déchet peut être considéré par certains de produit, et vice versa. Il a été proposé de recourir à la notion de «résidu» pour qualifier «déchet», idée abandonnée par la suite au profit de produits dont on peut «se défaire~. V. aussi PICHERAL (C.), «L'ambivalence de la notion de déchet dans la jurisprudence de la CJCE», RJE, n°4/1995, p. 559

vers la production biologique tendent à inverser les habitudes de production et de consommation, en renchérissant ces résidus considérés comme de l'engrais naturel, inoffensif et par ailleurs actuellement prisé dans la culture de plusieurs plantes, céréales et agrumes.

24. La jurisprudence confirme ce malaise. Le juge communautaire européen dans l'affaire «Palin Granit Oy» (CJCE11 18 avril 2002, C-9/00) pour élucider la notion de «se défaire» à partir de l'intention des détenteurs des biens, a dû péniblement dégager deux critères cumulatifs: en retenant d'une part, que suivant son mode d'utilisation un bien ou une chose peut être employée aux fins d'élimination (enfouissement par exemple) ou de valorisation (recyclage), ces opérations étant considérées comme une intention de s'en défaire; d'autre part, par rapport au mode de production, a-t-il estimé que des substances peuvent bel et bien entrer dans un processus de production tout en étant intrinsèquement des «déchets>, d'où la distinction entre «déchet> et «produit», et entre «résidu» et «sous-produit». En revanche, dans l'affaire de l'Erika, le juge du tribunal de Commerce de Saint-Nazaire12 (France) a eu plus de la peine à répondre à la question de savoir si le fuel lourd n°2 est un «déchet» ou un «produit».

25. De ce qui précède, il apparait difficile de définir très précisément ce qu'on peut traiter de «déchet». Or, l'alternative de décider au cas par cas si tel ou tel élément peut être considéré ou non comme un déchet, présente à son tour bien des dangers : le risque d'aboutir { une interprétation hétérogène, donc subjective. En conclusion, les seules références { l'action «d'abandonner>, de «se défaire>, de «toxicité> ne sont nullement des critères opérationnels permettant d'identifier, de manière univoque le «déchet». En matière environnementale, le déchet ne peut pas se résumer à un bien abandonné, mais doit être davantage considéré comme un bien approprié ou ?res propriae? soumis à un régime particulier, la seule réserve étant que la prérogative du propriétaire quant à son ?abusus? ou droit d'abuser est réduit par l'interdiction qui lui est faite de s'en débarrasser { sa guise. La seule référence { l'utilité et à la valeur économique pour définir le déchet en l'assimilant «à tout bien sans valeur économique» ne le singularise pas non plus, dans la mesure où la perte de valeur n'est pas spécifique au déchet. S'il n'existe pas de critères précis, étanches et univoques pour reconnaître le déchet, c'est justement parce que son contenu est très variable.

F/ Un contenu imprécis

26. Schématiquement l'on connait les grandes catégories de déchets qui sont : les déchets ordinaires (déchets inertes, les déchets solides et liquides), les déchets dangereux, les déchets radioactifs (déchets nucléaires). Mais cette dernière catégorie de déchets (radioactifs) est hors du champ de la présente étude car fait l'objet d'une législation internationale spécifique compte tenu de son caractère hautement sensible. Quant aux déchets ordinaires et aux déchets dangereux ils sont

11 Citée par ROBIN(Cécile), op. cit, p. 44. En l'espèce, la Cour décida « (...) que le détenteur de débris de pierres provenant de l'exploitation d'une carrière de pierres qui sont stockés pour une durée indéterminée dans l'attente d'une utilisation éventuelle, se défait ou { l'intention de se défaire de ces débris~, lesquels sont qualifiés de déchet.

12 Tribunal de Commerce de Saint-Nazaire, 6 déc. 2000, aff. Erika, précité.

règlementés quant à leur usage et élimination par les Conventions internationales sauf que l'énumération qui en est faite soulève d'autres problèmes juridiques pour n'être pas exhaustive.

1 °) Une énumération non exhaustive des déchets dangereux

27. Il résulte des annexes 1, 2 et 3 de la Convention de Bâle un listing des déchets dangereux établi suivant le domaine d'activité de l'émetteur ou producteur du déchet, la nature chimique du déchet, ou selon la matière qui compose le déchet.

28. Concernant le domaine d'activité (appelé flux de déchets), l'annexe 1 de la Convention distingue notamment : les déchets médicaux, les déchets pharmaceutiques et phytopharmaceutiques, les déchets issus de la fabrication de solvants organiques, les déchets thermiques (cas du cyanure), les déchets provenant de la production des huiles, les déchets issus de la production de peintures, vernis colorants, encres et assimilés, les déchets résultant d'opérations de pyrolyse (résidus de goudron), les déchets découlant d'opérations de production de préparation de latex, colles adhésifs, de résines et de plastifiants, les déchets provenant de la production photographique, les déchets et substances chimiques non identifiés provenant d'activités de recherche, d'enseignement, ceux issus d'opération d'élimination d'autres déchets...

29. S'agissant de l'énumération des déchets en fonction de leur nature chimique (constitution des déchets) exposée également { l'annexe 1, l'on peut relever principalement : les déchets ayant comme composant, soit le cyanure organique ou inorganique, soit le zinc, le cuivre, le plomb, l'amiante, l'éther, le phénol, soit les acides solides, l'arsenic, soit des produits composés tels les produits de la famille des dibenzofurannes poly-chlorés...

30. Quant { l'énumération des déchets par rapport { leur degré de dangerosité, effectuée sur la base d'affection de code, elle figure { l'annexe 3 de la Convention. On y distingue notamment : les matières explosives, les matières inflammables (solides ou non), les matières toxiques (particulièrement cancérigènes), les matières écotoxiques, les matières comburantes, les matières infectieuses, les matières corrosives...Cette liste figure au paragraphe 1 de l'article 1 de la Convention de Bâle. Cette liste est loin d'être exhaustive puisque la Convention de Bâle, prévoit elle-même, en son article 3 (1.) que chaque État partie à la Convention doit dans les six (06) de son adhésion informer le secrétariat de la convention de tous autres déchets autres que ceux figurant aux annexes I et II qu'il considèrerait comme déchets dangereux... De toute évidence, cette énumération de déchet, apparait énonciative et non limitative. Jusqu'{ ce jour, tous les dangers que peuvent présentés certains types de déchets sont méconnus, ignorés ou simplement non encore découverts.

2°) L'avènement de nouveaux types de déchets et implications

31. Aussi longtemps que l'industrialisation se poursuivra, que l'économie libérale sera la règle avec à son centre des consommateurs et agents économiques attachés au luxe, à la

technologie et à la nouveauté, il y aura toujours des déchets, de nouveaux types de déchets et des déchets dangereux. C'est le cas des déchets électroniques qu'on peut appeler «déchets du 21 è siècle> qui, bien qu'en augmentation croissante, n'ont été que partiellement pris en compte dans la Convention de Bâle et de surcroit comme des sous-produits du commerce. Ce type de déchet constitue pourtant { l'heure actuelle l'une des sources les plus importantes de pollution. L'Organisation des Nations Unies13 estime d'ailleurs { environ Cinquante millions (50 000 000) de tonnes, les matières les matières d'origine électronique jetées dans la nature chaque année. En Europe, ces matériaux polluants augmenteraient de 3 à 5%par année, soit trois plus vite que la production totale d'ordures. C'est dans les pays en voie de développement que les produits électroniques usagés, considérés en occident comme des déchets sont déversés (ordinateurs, téléphones portables, téléviseurs, réfrigérateurs, fer-à-repasser...). Savoir comment organiser la gestion sécurisée de ces déchets au quotidien, tout en intégrant leurs obligations et responsabilités liées à la production, à la collecte, au transport et à la commercialisation desdits déchets, incombent pourtant à tout industriel, exploitant de sites dangereux ou de déchets qui feignent malheureusement de les violer ou de les ignorer.

32. Si la Convention de Bâle de portée internationale, pêche par son caractère très général dans la règlementation des déchets, la règlementation communautaire européenne a quant à elle spécifiquement traitée des questions de déchets électroniques à travers plusieurs Directives. La plus spécialisée d'entre elles, la Directive 2002/96/CE14 du Parlement européen et du Conseil de l'Europe relative aux déchets d'équipements électriques et électroniques(DEEE) du 27 janvier 2003, constitue le cadre législatif de la prévention contre les DEEE notamment par des mesures d'encouragement { la réutilisation, au recyclage et au compostage desdits déchets, pour faciliter leur élimination et leur impact sur l'environnement (article 1). Cette Directive assortie de trois annexes, énumère dans ses annexes I-A et I-B, les catégories d'appareils visées ainsi que les modalités d'élimination. Elle est appuyée par la Directive 2006/66/CE du Parlement européen et du Conseil de l'Europe relative aux piles et accumulateurs ainsi qu'aux déchets de piles et d'accumulateurs qui de son côté intègre une partie des déchets électroniques. Dans le futur c'est certainement, les déchets électroniques d'origine industrielle, qui constitueront l'objet principal des préoccupations en matière d'élimination de déchets dangereux, étant entendu que la technologie a pénétré aujourd'hui tous les secteurs d'activité.

13 www.swissinfo : «Les déchets électroniques pèsent sur la Convention de Bâle, âgée de 20 ans>. Selon cette source «Pour les exportateurs, la façon la plus simple de contourner la régulation consiste { requalifier des déchets d'origine électronique en ?marchandises de seconde main?>. Dans le même sens, une étude de Basel Action Network en 2005, relevait que près de 75% des déchets provenant de téléviseurs et ordinateurs expédiés au Nigeria afin d'être recyclés comme «Produits de seconde main> avaient en réalités été incinérés ou enterrés. Un rapport établi par le Secrétariat de la Convention de Bâle, basé à Genève, 101 pays ont exporté légalement 11,2 millions de tonnes de déchets dangereux et autres produits toxiques vers 51 États en 2006.

14 Modifiée par la Directive 2008/34/CE du Parlement européen et du Conseil de l'Europe du 11 mars 2008, en ce qui concerne les compétences d'exécution conférées { la commission.

II- LES POLLUTION

33. Lorsqu'on parle de pollution, l'on parle d'un phénomène multidimensionnel, d'origine humaine ou accidentelle, mais dans tous les cas nuisible à la santé humaine, { l'environnement, au milieu naturel. Il existe donc plusieurs types de pollutions dont les plus importantes sont : la pollution atmosphérique (pollution de l'air), la pollution industrielle, la pollution marine. Le problème essentiel ici réside également dans la perception et dans l'identification de la pollution, car tout comme celle de déchet, la pollution est variable d'une législation { une autre (A). Quelquefois d'ailleurs, la pollution est traitée sous la rubrique des déchets car la plupart des pollutions sont déclenchées par des déchets (A).

A/ Définition

1°) Les difficultés et controverses

34. Tout comme les déchets, il n'existe pas au plan international une définition universelle de la «pollution>>. En outre, plus que dans le cas des déchets, aucun texte de dimension internationale n'encadre toutes les espèces de pollutions à la fois, car faut-il le souligner, il n'y a beaucoup de variété de pollutions selon leurs sources à tel enseigne que chaque espèce de pollution est réglementée de façon sectorielle (la pollution atmosphérique, la pollution hydrique, pollution des sols, la pollution agricole (pesticide, fongicide, herbicide, les OGM dans une certaine mesure...). La difficulté { définir la pollution est d'autant plus grande qu'{ l'intérieur de chaque groupe ou catégorie de pollution, il existe des sous-groupes qui eux-mêmes sont quelquefois démultiplier en genre de pollution. De la même manière, la doctrine15 est très divisées sur la taxinomie en ce qu'il existe autant de classifications, de typologies de catégorisations qu'il y a d'auteurs. Cette difficulté à cerner la pollution est même perceptible dans la mesure où dans bien des cas, elle est définie soit par rapport au pollueur, soit par rapport aux rejets toxiques qu'elle engendre, c'est-à-dire finalement par rapport à ses conséquences.

35. Le pollueur est ainsi perçu comme «celui dont l'activité est { l'origine d'une pollution, ou encore celui qui directement ou indirectement cause un dommage { l'environnement ou qui crée les conditions pouvant conduire à un tel dommage>>. L'application de cette définition a cependant révélé quelques difficultés dans l'identification du pollueur : est-ce finalement le propriétaire de l'industrie ou de l'exploitation en cause, est-ce son commettant ou le transporteur qui a effectué le déversement d'hydrocarbure dans la mer (cas de pollution marine), ou bien encore l'armateur, ou est-ce le propriétaire du navire qui est le pollueur? La difficulté est évidente même si l'option d'action récursoire demeure entre les présumés pollueurs. Cécile ROBIN, propose dans ce cas de considérer comme pollueur «l'agent économique qui a joué un rôle déterminant sur la pollution>>. Cette alternative se heurte aussi { des difficultés notamment si c'est la conjugaison de fautes ou

15 Cette différenciation d'approche est perceptible à travers une consultation de la doctrine environnementale. Les classifications sont différentes d'un auteur { un autre (pollution chronique et pollution graduelle, pollution des déchets solides et pollutions non solides...). Ces divergences d'approches sont notamment dues { la complexité du sujet de pollution en particulier et à celle du droit international de l'environnement en général.

d'erreurs par plusieurs personnes ayant accomplies des tâches différentes qui ont contribué de manière déterminante à la pollution. A ce niveau, l'on doit donc quelquefois envisager la responsabilité solidaire des co-auteurs. C'est d'ailleurs l'une des options en vogue dans la plupart des catastrophes écologiques et des graves pollutions. Toutefois, il importe de relever que si le principe de solidarité ou de la coaction pose moins de difficulté au plan civil il en est différemment au plan pénal où la participation de chaque acteur n'est admise que s'il a commis une infraction ou contribuer { l'infraction.

2°) Les différentes approches

36. En droit international, le pollueur est défini comme «celui qui dégrade directement ou indirectement l'environnement ou crée des conditions aboutissant { sa dégradation>16. La recommandation de l'OCDE17 du 14 novembre 1974 sur la mise en oeuvre du principe pollueurpayeur, définit la pollution comme étant «l'introduction... dans l'environnement de substances ou d'énergie qui entrainent des effets préjudiciables de nature { mettre en danger la santé humaine, { nuire aux ressources biologiques et aux écosystèmes, à porter atteinte ou à gêner des agréments ou d'autres utilisations légitimes de l'environnement».

37. En droit comparé, l'approche Tunisienne de la pollution est louable. En effet, l'article 2 de la loi n° 88-91 du 2 août 199118 portant création de l'Agence nationale pour la protection de l'environnement(ANPE) définit matériellement la pollution comme étant «l'introduction directe ou indirecte d'un polluant, organique, biologique, chimique ou physique dans l'environnement». Dans cette législation, la réglementation des pollutions et des nuisances, est largement fournie (loi relative { l'ANPE). Le Sénégal19 suis la même cadence, sur l'encadrement des pollutions et nuisances, puisqu'il traite également { travers sa législation, des pollutions d'une manière sectorielle (pollution de l'eau, pollution de l'air, des ressources naturelle, les déchets) et des nuisances (bruit) comme des atteintes { l'environnement et { la santé humaine. Sur les installations

16 V. Recommandations communautaire n° 75/436/Euratom/CECA/CEE du 3 mars 1975, JOCE n° L.194 du 25 juillet 1975, p. 1 à 4 ; citée par ROBIN (Cécile),«La réparation des dommages causés par le naufrage de l'Erika : un nouvel échec dans l'application du principe pollueur-payeur», RJE 1/ 2003, p. 40.

17 Recommandation C-74 233 final du 14 novembre 1974.

18 Cette loi complète l'article 2 du décret 85-56 du 2 janvier 1991 portant réglementation des rejets dans le milieu récepteur qui définissait la pollution comme «l'introduction directe ou indirecte par l'homme, de substances ou énergies dans le milieu susceptible d'altérer sa qualité et de causer des effets nuisibles tels que les dommages aux ressources en eau et aux ressources biologiques, risque pour la santé de l'homme ou l'animal, entrave { l'utilisation légitime du milieu naturel». V. BOURAOUI (Soukeina) & FERCHICHI (Wahid), Droit de l'environnement en Tunisie, Cours Droit comparé de l'environnement, p. 56 { 70. (format PDF).

19 Le régime sénégalais de l'eau est encadré par le Code de l'eau ( Loi n°81-13 du 4 mars 1981 et son décret d'application et des arrêtés ministériels. LY (Ibrahima) & NGAIDE (Moustapha), Droit de l'environnement au Sénégal, Cours Droit comparé de l'environnement, p. 77 { 92 (format PDF). Au Burkina Faso, les installations classées sont prévues par le Décret n°98-322/PRES/PM/MEE/MCIA/MEM/MS/MATS/METSS/MEF du 28 juillet 1998 portant conditions d'ouverture des établissements dangereux, insalubres et incommodes ; mais ce décret dont l'art. 2 fournit la définition desdits établissements n'est en réalité qu'une sorte de reprise de la loi française de 1976. Sur la question V. ZAKANE (V.) et GARANE (A.), Droit de l'environnement Burkinabé, Col. Précis de droit burkinabé, 2008, p. 302.

classées, l'approche Sénégalaise n'a rien de particulier car elle n'est qu'une reprise de la législation française sur les installations classées (établissements soumis à autorisation).

F/ Les différents types de pollutions et leurs caractéristiques

38. Qu'il s'agisse de la pollution de l'air, de la pollution de l'eau, de la pollution marine, la majorité des pollutions est occasionnée directement ou indirectement par des industries, des exploitations d'activités dangereuses. Ces pollutions, bien que diffuses, sont visibles ou perceptibles par partie { travers les organes de sens humain ou simplement par l'observation de leurs effets visibles sur les animaux et les plantes. Mais les pollutions sont en général invisibles sournoises et destructrices. C'est le cas des pollutions technologiques. Malheureusement, seules les pollutions visibles qui sont décelées plus facilement par les victimes font l'objet d'actions judiciaires. Les pollutions «sournoises» restent encore impunies dans leur majorité dans les pays sous développés, parce que l'identification de ces pollutions non visibles { l'oeil requiert d'importants moyens de recherche, d'analyse et d'expertise que peu de pays peuvent s'offrir. C'est pourquoi dans les pays en voie de développement, le lien est rarement établi entre certaines maladies chroniques (cancers, accouchements précoces, maux de ventre, maux d'hier, problèmes respiratoires et cardiovasculaires les maux, les désertifications), les décès et la pollution.

1°) S'agissant des pollutions marines

39. Quelles soient accidentelles ou non, elles font partie des plus dangereuses eu égard à leurs effets sur les personnes et sur la biodiversité. Elles engendrent des dommages matériels (extermination de nombreuses espèces, contamination de l'eau, maladies hydriques, quelquefois des morts d'hommes), des dommages écologiques, des dommages économiques (cessation d'activités des pêcheurs, pisciculteurs, plagistes, des industries de transformation des produits de la mer, ralentissement d'activités des restaurateurs, hôteliers), des dommages moraux (baisse du tourisme, dégradation des paysages et de la flore). Pour ce type de pollution, les opérations de prévention, de nettoyage et de restauration, nécessitent l'implication synergique des autorités administratives locales, des industriels et des exploitants dommageurs, des compagnies d'assurance..., des institutions de fonds d'indemnisation.

40. Ces pollutions causées par des hydrocarbures (c'est-à-dire le pétrole sous toutes ses formes) sont encadrées par plusieurs conventions avec toutefois une disparité dans leur application. Pour renforcer ce dispositif, la Directive européenne 2005/35 du Parlement européen et du Conseil de l'Europe du 7 septembre 2005 relative { «la pollution causée par les navires et { l'introduction de sanctions en cas d'infractions>, propose des mécanismes originaux tout en s'appuyant sur la Convention Marpol 73/78 de 1973 et son protocole de 1978 ainsi que sur la Décision-cadre 205/667/JAI du Conseil de l'Europe du 12 juillet 2005 sur le renforcement du cadre pénal. La Directive 2005/35 susvisée prévoit des infractions dans un but dissuasif et sanctionne les rejets illicites de substances polluantes provenant de tout type de navire, quel qu'en soit son

pavillon, dans les eaux intérieurs (y compris dans les ports), les eaux territoriales, les détroits utilisées pour la navigation internationale, la zone économique exclusive, la haute mer (article 3). La plupart des infractions retenues sont délictuelles et sanctionnent les actes commis intentionnellement, témérairement ou par une négligence grave, sauf dans des cas exceptionnels, ou le propriétaire du navire et/ou le capitaine de l'équipage ont agi { la suite d'avarie survenue au navire, ou pour assurer leur propre sécurité, ou dans d'autres situations où leur responsabilité est expressément exonérée. La Convention de Marpol (annexe II) quant à elle précise que «le rejet à la mer ne doit contenir, ni produits chimiques ou autres substances en quantité ou sous des concentrations dangereuses pour le milieu marin, ni produits chimiques ou autres substances utilisées pour échapper aux conditions prévues par la présente règle».

2°) Concernant la pollution atmosphérique,

41. C'est la première forme de pollution qui a attiré l'attention des États20 et de la communauté internationale. Selon l'article 1, a) de la Convention de Genève du 13 novembre 1979 sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance et ses protocoles, l'expression pollution atmosphérique «désigne l'introduction dans l'air par l'homme, directement ou indirectement, de substances ou d'énergie ayant une action nocive de nature { mettre en danger la santé de l'homme, { endommager les ressources biologiques et les écosystèmes, { détériorer les biens matériels, et { porter atteinte ou nuire aux valeurs d'agrément et aux autres utilisations légitimes de l'environnement». Toujours au plan international, la Convention de Vienne du 22 mars 1985 sur la protection de la couche d'ozone, la Convention-cadre des Nations-Unies du 9 mai 1992 sur les changements climatiques autorisant l'approbation du protocole de Kyoto du 11 décembre 1997, sont des cadres règlementaires d'envergure sur la pollution atmosphérique. Elles ont chacune comme maîtres-mots : la prévention, la réduction, la surveillance, l'utilisation rationnelle de l'énergie, la lutte contre les pollutions atmosphériques pour une meilleure qualité de vie. A titre comparatif, la loi française sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie de 1996 définit la pollution atmosphérique comme : «l'introduction par l'homme, directement ou indirectement, dans l'atmosphère et les espaces clos, de substances ayant des conséquences préjudiciables de nature à mettre en danger la santé humaine, à nuire aux ressources biologiques et aux écosystèmes, à influer sur les changements climatiques, à détériorer les biens matériels, à provoquer des nuisances olfactives»21

42. Au Burkina Faso, l'article 5 alinéa 12 du Code de l'environnement définit la pollution de l'air comme «la présence dans l'air ambiant de substances ou particules qui, de par leurs aspects, leurs concentration, leurs odeurs ou leurs effets physiologiques, portent préjudice à la santé et à la sécurité publique ou { l'environnement>. Cette pollution est { l'origine de la destruction de la couche d'ozone (gaz { effet de serre) et du réchauffement climatique. La plus récente de ces pollutions de l'air est incontestablement enregistrée en Russie courant juillet-août 2010 où la hausse

20 Par exemple, en France, on a eu la loi du 20 avril 1932 sur les fumées, la loi n°48-400 du 10 mars 1948 sur les normes énergétiques dans les constructions thermiques.

21 «Pollution atmosphérique», www.ademe.fr/midi-pyrenees/a_4_01.html , p.1

drastique des températures (plus de 40 ° C) a occasionné d'importants incendies responsables de pollutions. Selon Michel PRIEUR22 la pollution atmosphérique provient pour 50% des foyers domestiques, 25% de l'industrie et 25% des automobiles. Il reste que de manière large les pollutions automobiles sont des pollutions industrielles ce qui permet de revoir à la hausse le taux de la pollution atmosphérique dû aux déchets industriels.

3°) Quant à la pollution hydrique

43. Elle consiste au rejet direct ou indirect dans l'eau souterraine, maritime ou de surface, de substances polluantes d'origine industrielles, d'épandages agricoles, entrainant une modification substantielle de ses caractéristiques, chimiques et biologiques et de sa qualité, la rendant plus ou moins impropre à la consommation humaine, animale. La pollution de l'eau est régie au plan international partiellement par la Convention de Londres de 1962. Il importe de signaler également que la plupart des conventions luttant contre la pollution marine sont applicables, du moins en partie, à la pollution de l'eau qui n'est qu'une variante de la pollution marine. Pour les eaux douces souterraines ou de surface, elles sont des domaines régaliens des États. Ainsi les eaux de sources, les lacs et rivières locaux font l'objet dans chaque pays d'une réglementation. La lutte contre les pollutions de l'eau est une lutte synergique dans plusieurs pays avec l'implication de nombreux départements administratifs (agriculture, élevage dans toutes ses variantes, eaux et forêts...) et de la police administrative. Dans les législations africaines notamment burkinabé, tunisienne et sénégalaise qui s'alignent sur les conventions internationales, les questions de pollutions de l'eau font l'objet d'un traitement discriminatoire par rapport aux autres formes de pollutions car les autorités publiques y accordent plus d'importance (création de plusieurs structures publiques de contrôle, d'administration de l'eau, d'assainissement, adoption de Code d'hygiène publique), ce qui est tout { fait compréhensible au regard des enjeux de l'eau en Afrique..

44. Qu'elles soient atmosphériques, marines, ou hydriques ces pollutions sont habituellement générées à la base par des industries. De facto, la pollution industrielle résume donc toutes les autres formes de pollutions car les déchets rejetés par ces industries peuvent à la fois occasionnées la pollution marine, la pollution de l'eau et de l'air. En outre, toutes ces formes de pollutions produisent en général des effets transfrontières allant au-delà des frontières des États qui en sont { l'origine ou d'où la pollution a pris son envol. Ces pollutions transfrontières sont régies aussi par la Convention de Rotterdam du 11 septembre 1988 sur les produits chimiques et pesticides dangereux, le Protocole de Carthagène du 29 janvier 2000 sur la prévention des risques biotechnologiques, les Accords ACP-CE de Cotonou du 23 juin 2000 dans sa partie consacrée à la protection de l'environnement, la Convention de l'UNESCO du 6 novembre 2001 sur le patrimoine sous-marin. De ce qui précède, l'on peut se demander de savoir quels sont les effets de la réglementation sur la réduction de ces pollutions?

22 BEZIZ-AYACHE (Annie), «Pollution et nuisances», ENCYCLOPEDIE DALLOZ, PENAL VI, 2004, p. 3

Section 2. Le régime juridique des déchets et des pollutions industriels

45. L'importance d'une bonne gestion des déchets et des pollutions comme alternative { une bonne protection de l'environnement est très prononcée en droit international de l'environnement eu égard à l'abondante réglementation en vigueur (I). Ces différentes règlementations convergent vers la mise en oeuvre de mesures sécuritaires et rationnelles dans le traitement et l'élimination des déchets et des pollutions en général, dans le recyclage, le transport, la manipulation des déchets dangereux en particulier (II).

I- LA REGLÉMENTATION INTERNATIONALE DES DÉCHETS ET POLLUTIONS

46. Globalement, trois grandes conventions internationales, encadrent de manière plus large les déchets dangereux et pollutions transfrontières, l'une d'elle est mondiale (la Convention de Bâle), tandis que les deux autres sont régionales (la Convention de Lugano pour au niveau européen et la Convention de Bamako au niveau africain).

A/ En droit international de l'environnement

1°) Les conventions internationales à propos des déchets et pollutions: le cas de la Convention
de Bâle

47. Il résulte expressément de l'article 4 (a.) de la Convention de Bâle que chaque État qui interdit l'importation sur son territoire de déchet dangereux ou d'autres déchets en vue de leurs éliminations est tenu d'informer les autres États parties. Aucun État partie ne doit exporter des déchets dangereux vers un État qui a expressément interdit l'importation des déchets dangereux. Chaque État partie à la Convention doit veiller à ce que la production de déchets dangereux sur son territoire soit réduite au minimum; veiller à assurer la mise en place { l'intérieur de son territoire d'installations adéquates d'élimination pour une gestion écologiquement rationnelle des déchets dangereux; exiger que la communication aux États concernés de renseignements sur les mouvements transfrontières proposés se fasse conformément { l'annexe IV-A de sorte à ce que ces États puissent en évaluer les conséquences et risques sur la santé humaine et environnementale; empêcher les importations de déchets dangereux dans les pays qui ne possèdent pas les technologies d'élimination préconisées notamment dans les pays sous développés. La Convention de Bâle sanctionne également «le trafic illicite » de déchets dangereux (article 9, 1.) considéré comme tout mouvement de déchets dangereux opéré sans notification aux États concernés par l'opération, sans le consentement des États intéressés, ou par fraude. Enfin, en cas d'accident survenu au cours du mouvement transfrontière de déchets dangereux, présentant des risques pour la santé humaine et l'environnement, les États qui en ont connaissance doivent informer immédiatement les États menacés (article 13). Outre l'institution d'une collaboration et d'une coopération mutuelle dans la gestion et le traitement écologiquement rationnelle des déchets dangereux, les États parties, décident également, en fonction des besoins, de créer des centres de

formation et de transfert de technologie pour la gestion des déchets dangereux dont elles décideront des conditions et mécanismes de financement (article 14)

48. Ce qui est intéressant dans cette Convention, c'est qu'en plus des obligations qui pèsent sur les États parties, chaque État doit répondre des agissements des personnes relevant de sa compétence nationale en s'assurant de l'interdiction { elles faite, de transporter ou d'éliminer des déchets dangereux ou d'autres déchets { moins que ces personnes ne bénéficient d'une habilitation expresse (article 4, 7. a). Chaque État doit également faire en sorte que les déchets dangereux qui doivent être importés ou exportés soient convenablement emballés, étiquetés et surtout transportés suivant les normes internationales et qu'ils soient suivis d'un document de traçabilité indiquant leur mouvement et itinéraire, depuis leur origine jusqu'{ leur destination.

2°) Les conventions régionales (africaines et européennes) traitant des déchets et les pollutions
industriels

*Le cas de la Convention de Bamako

49. La Convention de Bamako qui a beaucoup de similitudes avec la Convention de Bâle prévoit en son article 4 (1) que tout État partie { cette convention a l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour interdire l'importation en Afrique de déchets dangereux en provenance d'États non parties { la Convention y compris certains pays africains comme le Maroc, l'Afrique du Sud qui ne sont pas parties à la Convention. Cette convention condamne également tout trafic illicite et transfrontière de déchets dangereux en provenance de pays tiers. La Convention de Bamako23, tout comme la Convention de Bâle, interdit le déversement, l'immersion des déchets dangereux dans la mer, dans les eaux intérieures, dans les fonds marins ou leur sous-sol, peu importe l'endroit, ou dans une moindre mesure, le subordonne à une autorisation. Elle interdit l'exportation de déchets { destination de pays qui en ont interdit l'importation. Mais paradoxalement, la Convention de Bamako n'exclut pas l'exportation de déchets vers des pays non parties n'ayant pas adopté une interdiction ferme de déchets dangereux sur leurs territoires.

*Les conventions européennes

50. La Directive 1999/31/CE du Conseil de l'Europe du 26 avril 1999 concernant la mise en décharge des déchets, de son côté, encadre compte son nom l'indique la règlementation sur les décharges des déchets. L'essentiel dans celle loi communautaire, c'est qu'en plus de compléter certaines autres lois sectorielles (La Directive 75/442/CE, la Directive 2000/76/CE du 4 décembre 1976 sur l'incinération des déchets) elle définit, outre les déchets non dangereux par élimination, les déchets inertes comme étant «les déchets qui ne subissent aucune modification physique, chimique ou biologique importante. Les déchets inertes ne se décomposent pas, ne brûlent pas, ne produise aucune réaction physique ou chimique, ne sont pas biodégradables et ne détériorent pas d'autres

23 Pour plus de détails V. OUGUERGOUZ (Fatsah), «La Convention de Bamako sur l'interdiction d'importer en Afrique des déchets dangereux et sur le contrôle des mouvements transfrontières et la gestion des déchets dangereux produits en Afrique», AFDI, 38 è éd., Paris, 1992, p. 871-884, Cours DICE, fascicule, p.17 à 31. Cette Convention de trente (30) articles est au plan africain la plus règlementation la plus complète sur le traitement des questions de pollutions et de déchets transfrontière, après la Convention de Bâle.

matières avec lesquelles ils entrent en contact, d'une manière susceptible d'entraîner une pollution et de nuire à la santé humaine» (article 2 point e). Elle fixe des normes techniques et opérationnelles strictes pour la décharge des déchets, en distinguant des décharges pour déchets dangereux, des décharges pour déchets non dangereux et des décharges pour déchets inertes et affecte à chacune des catégories un traitement spécifique (emplacement du site, maîtrise des gaz, des eaux et gestion des lixiviats, protection du sol et des eaux, clôtures...). Pour y parvenir, l'admission de toute décharge de déchets (article 11) par des inspections préalables, la vérification du cahier de charge c'est { dire des documents relatifs aux déchets, et la fourniture d'information sur les déchets. Quant à la proposition de Directive du 23 janvier 200224 sur la responsabilité environnementale, elle ambitionnait de mettre en oeuvre une responsabilité qui tienne compte, d'une part, du caractère dangereux de l'installation génératrice du dommage, et d'autre part, la nature de la ressource environnementale touchée par l'activité. Si le contentieux de la pollution est dominé par les règles du droit civil de l'environnement, il y a une imbrication entre le droit civil et le droit commercial25.

F/ En droit comparé1°) Le cas français

51. En droit français, la loi du 15 juillet 1975 «relative { l'élimination des déchets et la récupération des matériaux» distingua en son article 1 nettement les épaves des déchets; les premiers en tant que meubles involontairement perdus, et les seconds comme des biens volontairement abandonnés en l'occurrence les déchets considérés ici comme des «res derelictae». Les épaves en tant que biens sans maître ou «res nullius» ne sont donc pas a priori considérées comme des déchets au sens de cette loi. Avec le recyclage et la récupération de choses supposées être des déchets, la distinction entre bien abandonné, bien dont on se défait ou bien sans maître devient plus subtile sinon même aléatoire dans la mesure où un produit peu facilement passé d'un état à un autre. Par exemple un résidu traité peu recouvrer une valeur sociale. Pour éviter toute confusion, la loi de 1975 utilise la notion de «déchets» pour les substances à éliminer et celle de «matériaux» pour les résidus qu'on peut encore traiter et en récupérer une partie.

2°) Les cas sénégalais, tunisiens et burkinabé

52. En droit comparé, pour lutter contre les déchets et les pollutions notamment, le Québec s'est doté en 1978 d'un «Programme d'assainissement urbain et industriel> qui avait pour

24 V. STEICHEN (Pascale), «La proposition de directive du parlement européen et du conseil sur la responsabilité environnementale en vue de la prévention et de la réparation des dommages environnementaux, RJE 2/2003.

25 Voir Civ. 3, 8 juin 2006, n°04-19069, cité par CAMPROUX-DUFFRENE (Marie-Pierre) et CURZYDLO (Alexia), «Chronique de droit privé de l'environnement, civil et commercial, R.J.E 1/2007, p. 7. La Cour de cassation française, chambre civile relève que dans cette affaire que le défaut de diagnostic environnemental de la part du vendeur, empêchait la société acheteuse de se prévaloir d'un vice caché. V.aussi MARTIN (Gilles J.), «La responsabilité civile pour les dommages à l'environnement et la Convention de Lugano, RJE 2-3/ 1994, p. 132.

principal objectif la réduction des rejets industriels (rejets des métaux lourds provenant des effluents liquides, de la contamination bactériologique, assainissement des eaux usées, décontaminations des eaux usées, lutte contre l'épandage des fumiers et lisiers. Au niveau fédéral, la Loi sur les pêches (L.R. 1985) interdit d'immerger ou de rejeter une substance nocive dans les eaux où vivent des poissons. En Tunisie, les installations classées (installations dangereuses, insalubres et incommodes) sont-elles régies par le Code du travail (article 293 à 324) qui fixe les conditions, classifications de ces établissements, les cahiers de charge à remplir par les exploitants (position géographique du site, nature de l'industrie, procédés de fabrication, condition d'évacuation des eaux), leurs obligations, les modalités d'exploitation ainsi que les sanctions, le tout subordonnée { une étude d'impact qui situe les autorités administratives centrales et locales des dangers potentiels de ces installations. Au Burkina Faso, également les pollutions et nuisances sont régies globalement par le Code de l'environnement comme des facteurs de perturbation et de dégradation de l'environnement et du cadre de vie. A ce titre, elles font l'objet d'une stricte réglementation impliquant les autorités administrative locales26.

II- LE TRAITEMENT INTERNATIONAL DES DÉCHETS ET DES POLLUTIONS

A/ le traitement des déchets 1°) Le transport des déchets

53. Pour le transport des déchets dangereux, la Convention de Bamako impose aux États parties de veiller à ce que les mouvements transfrontières de déchets dangereux soient réduits { un minimum compatible avec leur gestion écologiquement rationnelle et d'examiner { intervalles réguliers la possibilité de réduire le volume ou le potentiel de pollutions des exportations. A cet effet, aucun État partie ne doit accepter sur son territoire, pour traitement et recyclage, que déchets dangereux provenant d'un État émetteur qui se situe à un niveau technologique inférieur ou moins évolué, pour traiter rationnellement, convenablement et en toute sécurité ses déchets. Ce qui signifie, { la lumière de la Convention de Bamako, qu'aucun pays africain partie à la convention ne devrait accepter, l'importation, le transport sur son territoire de déchets provenant de pays développés européens, américains qui sont à un niveau technologique supérieur et qui disposent de la logistique la mieux appropriée pour traiter tous types de déchets et précisément les leurs. Malheureusement, la porosité des frontières africaines le manque de structure de contrôle, la corruption, la pauvreté et la cupidité de certaines entreprises occidentales font que l'Afrique est devenue le plus grand dépotoir d'ordures, de déchets. A contrario aucune interdiction n'est prévue { l'encontre des États africains non parties à la Convention. Chaque exportateur de déchets dangereux doit notamment fournir les informations sur le lieu de production des déchets dangereux de même que l'identité et l'adresse du producteur desdits déchets (annexe IV A de la Convention). Suivant cette même convention, les États parties doivent non seulement réduire au minimum sur leur territoire la production de déchets dangereux, mais surtout veiller à prévenir toute pollution «au moyen de méthodes de production propres plutôt

26 V. ZAKANÉ (Vincent), GARANE (Hamidou) , Le droit de l'environnement burkinabé, préc. p.295 { 385.

qu'{ observer des limites d'émission autorisées en fonction d'hypothèses relatives { la capacité d'assimilation>. Ces mesures de prévention sont en vigueur { toutes les étapes de la production industrielle : extraction, traitement des matières premières, assemblage et finition du produit.

54. Quant { la Directive 2006/66/CE du Parlement européen et du Conseil de l'Europe relative aux piles et accumulateurs ainsi qu'aux déchets de piles et d'accumulateurs, une loi visant l'harmonisation au plan européen de toutes les mesures et lois nationales portant sur les déchets des piles et accumulateurs, elle constitue incontestablement un puissant cadre de prévention, de lutte contre la prolifération de ces déchets hautement toxiques du 21 è siècle que sont les énergies miniaturisées telles que les piles et batteries qui font fonctionner la plupart des appareils de nos jours. Cette mesure pourrait par extension être appliquée à certains déchets électroniques (appareils cellulaires, ordinateurs portatifs et bien d'autres) car l'article 3 point 11 de la Directive assimile à appareil «tout équipement électrique ou électronique tel défini par la Directive 2002/96/CE, qui est entièrement ou partiellement alimenté par des piles ou accumulateurs ou peut l'être». Les articles 8 et 12 définissent respectivement les systèmes de collecte, les systèmes et conditions de traitement et de recyclage dont les points de convergence sont pour une meilleure protection de l'environnement, de la santé humaine par une meilleure rationalisation des techniques de fabrication et d'élimination des déchets qui en résultent.

55. L'annexe III de la Directive 2006/66/CE prévoit non seulement que le traitement des piles et accumulateurs consistera en l'extraction de tous les fluides et acides, mais surtout que le traitement et le stockage y compris de manière temporaire dans les installations de traitement, doit avoir lieu sur des sites offrant des surfaces imperméables et un recouvrement résistant aux intempéries ou dans des conteneurs appropriés. L'exportation des piles et accumulateurs, leur traitement et collecte peut se faire selon l'article 15 en dehors du territoire de la communauté, pour autant que cela soit conforme au règlement CEE n°259/93 du 1er février 1993 relatif à la surveillance et au contrôle de transferts de ces déchets.

56. S'agissant du recyclage la même Directive prévoit que tout recyclage doit atteindre : au moins 65% du poids moyen des piles et accumulateurs lorsqu'ils sont en plomb-acide, au moins 75% lorsqu'ils sont ou contiennent du nickel-cadmium, et au moins 50% du poids moyen des piles et accumulateurs lorsqu'ils sont composés d'autres matériaux et déchets. L'annexe II de la Directive précise que la collecte des piles, et accumulateurs et leur assemblage en batterie doit se faire de manière séparée dans des poubelles sur lesquelles figure un dessin de la poubelle barrée à l'oblique. L'article 19 de cette Directive enjoint à tous les opérateurs économiques et tous les pouvoirs publics de prendre part aux systèmes de collecte, de traitement et de recyclage, tandis que l'article 20 insiste sur les mesures d'information, de vulgarisation du contenu de la loi au public (effets des déchets des piles sur l'environnement et la santé humaine, précaution { prendre pour collecter ces déchets et les recycler) pour requérir leur pleine participation (attirant l'attention du rôle que doit jouer les citoyens dans le traitement et le recyclage des piles et accumulateurs)

2°) L'incinération et l'enfouissement des déchets

57. Suivant la Convention de Bamako, seuls les déchets dont la production n'a pas pu être empêchée doivent être traités ou incinérés. Selon l'article la directive du Conseil de l'Europe du 15 juillet 1975 sur les déchets « conformément au principe du pollueur payeur, le coût de l'élimination des déchets doit être supporté par .... Les détenteurs antérieurs ou le producteur du produit générateur de déchet>>. La convention distingue notamment, d'une part, les opérations d'élimination sans recyclage et sans possibilité de récupération (déchets ordinaires), les opérations qui concernent les mises en décharge au sol, la biodégradation de déchets liquides, de boues, les rejets dans les milieux aquatiques en dehors des immersions, les injections en profondeur du sol, les immersions en mer, les enfouissements marins, les incinérations({ terre ou en mer); et d'autre part, les opérations avec possibilité de récupération et de recyclage (déchets dangereux) qui concernent les solvants, les substances organiques, les métaux et composés métalliques, les acides ou les bases, les produits servant à capter les polluants, les produits provenant des catalyseurs, les matériaux résiduels.

58. Si la Convention de Bâle et celle de Bamako sont un peu évasives en ce qui concerne les conditions et modalités de l'incinération des déchets, la Directive 2000/76/CE du Parlement européen et du Conseil de l'Europe quant { elle donne un régime complet de l'incinération et de la coïncinération. Conformément au protocole sur les métaux lourds signé par la Communauté européenne dans le cadre de la convention relative à la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance, élaborée par la commission économique pour l'Europe des Nations-Unies, la valeur limite juridiquement obligatoire est fixée à 10 mg/m3 pour les émissions de particules résultant de l'incinération de déchets d'origine médicale et de déchets dangereux, { 0,05 mg/m3 pour les émissions de mercure résultant de l'incinération de déchets dangereux et { 0,08 mg/m3 pour les déchets municipaux (préambule Directive 2000/76/CE). L'importance de la Directive 2000/76/CE réside dans le fait qu'elle fixe globalement, non seulement, les conditions (article 6) et les règles de l'incinération et de la coïncinération des déchets, mais prévoit surtout les seuils planchers et plafond pour l'incinération de tel ou tel de déchet, en vue de réduire les effets indésirables de l'incinération pour l'environnement et par ricochet de combattre la pollution atmosphérique, hydrique ainsi que les risques qu'elles engendrent sur la santé des personnes (article 2). Elle donne également en quelque sorte le contenu du «cahier de charge>> des entreprises et exploitations d'incinération ainsi que leurs obligations.

59. En droit français, les articles 1 et 2 de la loi de 1975 mettent à la charge des producteurs et détenteurs de déchets une obligation d'assurer leur élimination dans les conditions de sécurité et de rationalité prévue par la loi de sorte à protéger l'environnement et le milieu naturel.

F/ L'élimination des pollutions

60. Les règles applicables au traitement et { l'élimination des déchets sont également applicables aux pollutions car les deux phénomènes sont appréhendés ensemble comme des phénomènes de cause à effet.

1°) Les mesures de dépollution

61. La dépollution mesure d'élimination ou de réduction de la pollution est une tâche ardue et complexe. Contrairement aux déchets solides dont le traitement et l'élimination sont techniquement maitrisés, la dépollution est une opération souvent aléatoire en aval car l'on y est jamais certain d'y aboutir de manière satisfaisante du fait qu'elle s'attaque { des choses abstraites et immatérielles telles que l'air et les gaz, difficiles à cerner. A titre illustratif, la dépollution de l'air { la suite du grand incendie en Russie courant juillet-Août 2010 devrait nécessiter d'importants moyens logistiques, humains, financiers et surtout une expertise de pointe un peu différente de celle nécessaire au traitement et { l'incinération des déchets dangereux dans une usine. Bien souvent aussi, le facteur temporel joue dans les deux sens : l'opération de dépollution en elle-même requiert que l'on agisse vite pour circonscrire le danger, mais au même moment c'est une activité interminable qui peut s'étaler sur plusieurs jours, plusieurs mois et même plusieurs années de travail acharné pour contenir le danger ou les risques. Du reste, la plupart des graves pollutions ont des effets transfrontières qui vont au-delà du territoire où ils sont générés. Ceci impose une collaboration internationale et une synergie d'action entre les pays touchés et les pays menacés, sans oublier le concours utile de la communauté internationale lorsque la crise environnementale est importante.

2°) Les décontaminations

62. Lorsque des substances toxiques ou des déchets dangereux, industriels ou ménagers sont rejetées dans la nature sans aucune précaution, elles provoquent non seulement une pollution diffuse (odeurs nauséabondes, difficultés à respirer) mais également une contamination des ressources en eaux ou d'autres ressources naturelles biotiques et abiotiques. Dans ce cas, c'est par la décontamination des lieux, ou du site, qu'on peut parvenir à arrêter ou réduire les effets de cette pollution sur l'environnement et surtout sur les personnes usagers. Car la plupart des contaminations de ressources causées par la pollution provoquent des dégâts sur la santé humaine. Lorsque par exemple une industrie minière utilise une quantité importante de cyanure pour traiter ses minerais et qu'elle rejette directement cette solution cyanurée dans l'eau d'une rivière ou d'un lac, cette mauvaise action qui est une véritable atteinte { l'environnement, empoisonne l'eau et la rend impropre { l'usage et { la consommation. Si cette eau polluée et contaminée est consommée par des personnes ou des animaux, elle peut provoquer la mort sinon de graves maladies. Une telle eau contaminée doit nécessairement être décontaminée par des spécialistes en isolant l'accès au site contaminée. Jusqu'{ présent, les autorités ivoiriennes sont en train de décontaminées les sites et ressources touchées par la pollution causées par le déversement des déchets industriels toxiques du navire «Probo-koala» appartenant à la société néerlandaise «Trafigura». Ces opérations de décontaminations sont difficiles à réaliser car se font sur le long terme.

CHAPITRE 2 :

LA DÉTERMINATION DE LA RESPONSABILITÉ ENVIRONNEMENTALE DU FAIT DE LA POLLUTION PAR DES DÉCHETS INDUSTRIELS

63. Pendant longtemps, la mise en oeuvre de la responsabilité environnementale des pollueurs et des dommageurs de l'environnement ainsi que la réparation des préjudices qui en résultaient, se faisaient essentiellement sur le fondement des règles civiles de la responsabilité, soit délictuelle, soit quasi-délictuelle, soit contractuelle, soit du fait des produits défectueux. Cependant, force a été de constater que ces règles civiles qui plaçaient uniquement l'homme au centre des préoccupations et de protection se sont avérées inadaptées à protéger efficacement l'environnement et { régir les dommages environnementaux du fait d'une part, de leur faible propension { la prévention et d'autre part, des exigences de la preuve de la matérialité du dommage c'est-à-dire de la faute ainsi que du lien de causalité. A l'inverse, la protection de l'environnement, bien collectif non approprié, aspirait à s'enclencher par la simple perception de l'éventualité de la menace ou du risque sans qu'il ne soit besoin de faire la preuve scientifique de l'atteinte. Le démariage entre responsabilité civile de droit commun et la responsabilité environnementale se réalisait dès lors au point d'accoucher d'une responsabilité intermédiaire centré sur le dommage écologique.

64. Dès 1993, la Convention de Lugano (article 2, 7°) distingua clairement les «dommages communs» du «dommage écologique» perçu comme les pertes ou les dommages «résultant d'une altération de l'environnement». Cette consécration du préjudice écologique pur rendu possible par les efforts conjugués d'une législation internationale innovante et d'une jurisprudence audacieuse a marqué inéluctablement une étape importante en droit international de l'environnement. Ce renouveau de la responsabilité civile environnementale a été surtout facilité par la jurisprudence27, car le droit positif qu'il soit interne ou international, est souvent lent { réagir du fait de son inflexibilité. Mais, les difficultés de détermination de la responsabilité environnementale au plan international ne s'arrêtent pas aux dommages. Car pour situer ces responsabilités, il faut, suivant les nationalités des parties (auteurs et victimes), le lieu de perpétration du dommage environnemental, trouver non seulement la juridiction qui a compétence internationale à trancher

27 A titre illustratif, en droit comparé notamment en France, on peut relever l'affaire du Naufrage de l'Erika qui a vu la jurisprudence française s'affranchir des strictes règles civiles pour consacrer, sans anicroches, l'autonomie de l'atteinte { l'environnementale et par ricochet, la particularité du préjudice écologique en tant que préjudice objectif et distinct. La jurisprudence a également suivi la cadence puisqu'elle retient dans la même affaire Erika explicitement l'autonomie «du préjudice résultant de l'atteinte { l'environnement». Cette consécration marque un pas important dans le traitement des atteintes { l'environnement. V. MARTIN (Gilles J.), «La responsabilité civile pour les dommages { l'environnement et la Convention de Lugano, RJE 2-3/ 1994, p. 123.

du litige, mais encore, trouver surtout le droit applicable à la situation après qu'il eût été procédé { l'imputation de la responsabilité.

Section 1. Le cadre général de la responsabilité civile
environnementale au plan international

65. Classiquement, pour prétendre à réparation les victimes d'atteintes devaient prouver trois éléments indissociables à savoir : qu'il y a eu d'abord une faute, ensuite, que cette faute a occasionné un dommage, qu'enfin, le préjudice qu'elles ont subi résulte directement de cette faute. Il n'apparait pas nécessaire de développer de façon détaillée ces conditions de droit commun, mais d'en examiner les interférences. Le préjudice réparable de droit commun était donc perçu comme un préjudice personnel qui atteignait la victime dans sa personne, dans ses proches ou dans ses biens.

66. Inéluctablement, cette théorie de la responsabilité parce qu'elle était subjective, stricte et excluait plusieurs victimes collatérales ou indirectes et autres victimes personnes morales surtout privées (Associations de défense de l'environnement, mouvements écologiques...) s'avérait impropre28 à une prise en charge juste et équitable du dommage environnemental tant pour situer les responsabilités que pour réparer les dommages. Ceci, du fait que les dommages environnementaux sont par essence des dommages à large spectre, c'est-à-dire des dommages collectifs qui touchent souvent un nombre important de personnes à la fois dont chacune doit pouvoir prétendre à réparation. Finalement, l'on peut s'interroger de savoir quelles peuvent être les conséquences de l'objectivation de la responsabilité civile environnementale et des faveurs faites aux victimes par rapport { l'efficacité même de la réparation des atteintes environnementales?

I- L'INADAPTATION DES RÈGLES DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE CLASSIQUE DANS LE
TRAITEMENT DU DOMMAGE ENVIRONNEMENTAL

67. Parce qu'elle est une responsabilité subjective eu égard à ses éléments constitutifs, la responsabilité civile classique se trouve déphaser dans le litige environnemental où de nouveaux enjeux sont apparus. Lorsque les règles civiles doivent s'appliquer { des atteintes environnementales internationales, interindividuelles ou interétatiques, c'est-à-dire des situations ayant plusieurs éléments de rattachement, soit en raison du lieu de commission de l'atteinte environnementale, soit en raison de la nationalité des acteurs (dommageurs et victimes), soit en raison d'une clause élective de juridiction

28 ROBIN (Cécile), in «La réparation des dommages causés par l'Erika : un nouvel échec dans l'application du principe pollueur-payeur~, RJE, 1/2003, p. 32, affirmait dans le cas du procès de l'Erika que «cet arrêt illustre parfaitement dans une décision longuement motivée sur certains points les difficultés des juges à prendre en compte par le biais des règles classiques de la responsabilité civile délictuelle l'indemnisation des préjudices nés d'une pollution accidentelle. Il reflète parfaitement l'inadaptation des mécanismes légaux de la responsabilité civile délictuelle { l'appréhension des phénomènes d'atteinte { l'environnement~.

ou de loi, elles soulèvent des questions de conflits29 de lois et de juridiction qu'il faut résoudre : quelle est la juridiction territorialement compétente dans une telle situation? Quelle loi faut-il appliquée? Comment exécuter les décisions? A l'interne, ces conflits peuvent revêtir d'autres formes en l'occurrence opposés divers ordres de juridictions.

A/ Rappel des éléments constitutifs de la responsabilité civile classique 1°) La triptyque d'éléments constitutifs

68. Le dommage classique n'est réparable que s'il est direct, actuel, certain et si la victime justifie de son intérêt à agir. Concernant la faute civile, elle est constituée dès lors que du fait de la négligence, de l'imprudence ou intentionnellement, une personne cause à autrui ou à un bien appartenant { un tiers des dommages qu'ils soient matériels ou immatériels (responsabilité délictuelle). La faute peut résulter également de l'inaction ou être le fait d'une chose dont on est propriétaire (responsabilité des choses) ou que l'on détient même { titre précaire. Enfin, la faute civile peut être liée { la mauvaise exécution d'une obligation prédéfinie d'origine contractuelle (la responsabilité contractuelle). Avant de consacrer la faute environnementale, certains pays comme la France avaient prévu un mécanisme souple qui permettait de retenir la responsabilité d'une personne physique ou morale qui a manqué à son devoir de sécurité envers les autres (responsabilité des produits défectueux, article 1386-1 du Code civil français). S'agissant du dommage civil, c'est l'altération ou la détérioration par un auteur (dommageur) d'un bien ou d'une chose lui appartenant ou appartenant à un tiers. C'est en outre l'atteinte physique volontaire ou involontaire qu'une personne (l'auteur) occasionne à autrui (la victime). Le dommage civil est prouvée par sa matérialité et rarement par présomption. Quant au lien causal, c'est { la victime qui prétend avoir été lésée ou atteint dans ses biens ou dans sa personne de faire la preuve que les préjudices qu'il a subis sont directement liés { l'agissement fautif de l'auteur.

2°) Les éléments de dissociation du dommage civil et du dommage environnemental

69. A l'opposée de la réparation du dommage civil, la réparation du dommage écologique outre son caractère indirect, incertain et futur, peut être mis en oeuvre par toute personne qui en a souffert. En droit commun le préjudice doit être direct et personnel pour donner droit à réparation, en matière environnementale la preuve du caractère personnel est bien souvent difficile à faire dans le cas du dommage environnemental parce que la nature est un bien collectif qui De même, dans dommage écologique il n'est pas exigé que responsable ait commis une faute. Dans tous les cas, la démonstration du lien entre la faute et le dommage est ici plus difficile à faire. En conséquence, la victime est admise avec plus de largesse et de faveur quant à la production de la

29 BATTIFOL (Henri) et LAGARDE (Paul), Traité de droit international privé, t.1, 8 éd., L.G.D.J., Paris, 1993, p..57 à 76. V. ég. FRANCQ (Stéphanie), L'applicabilité du droit communautaire dérivé au regard des méthodes du droit international privé, thèse, Belgique, éd. BRUYLANT, L.G.D.J. 2005, (722 p), p. 15 à 41.

preuve. Les présomptions et risques appréciées souverainement par les juges, suffisent souvent à emporter la responsabilité. La Convention de permet ainsi aux juges de «tenir dûment compte du risque accru de provoquer le dommage inhérent { l'activité dangereuse30> (article 10) pour apprécier et justifier le lien de causalité.

70. Sanctionner en présence d'un moindre «risque> réel ou futur, c'est l{ l'une des originalités du droit international de l'environnement qui, face au haut désir de prévention et de protection fait fléchir les règles de responsabilité de droit commun. C'est le cas en droit français depuis un certain moment où la responsabilité civile fondée sur les articles 1382 (responsabilité pour faute), 1383, 1384 (responsabilité du fait des choses), 1386 (responsabilité du propriétaire) a été jugée inadaptée à répondre promptement aux besoins de la réparation des dommages environnementaux dus à des pollutions par des déchets industriels. Ce fléchissement des règles civiles est compréhensible au regard des enjeux. Certaines atteintes environnementales pouvant décimer des millions de personnes sinon exterminer la planète si elles venaient à se produire, il est bien raisonnable de veiller à ce que de tels cataclysmes ne se réalisent jamais. Il est donc conforme à la raison de causer de petits torts au droit civil pour préserver l'environnement et l'humanité.

F/ Les juridictions internationalement compétentes et le droit
applicable

1°) Les personnes responsables et victimes

71. Peuvent être désignées responsables d'une atteinte environnementale, aussi bien les personnes morales de droit privé et de droit public dont l'État que les particuliers personnes physiques. Les grandes pollutions engagent souvent la responsabilité des États. Cette
responsabilité de la puissance publique peut être soit directe, lorsque que l'atteinte est le fait d'une entité administrative, soit indirecte lorsque l'État a manqué { son devoir général de protection et de sécurité, en appliquant pas ou ne faisant pas appliquer la législation. Mais les particuliers, personnes physiques et morales sont par l'entremise de leurs exploitation { l'origine de la plupart des catastrophes écologiques et des pollutions en particuliers. Ce sont les responsables actifs. La détermination de la responsabilité des personnes morales posent plus de difficultés en tant qu'entités abstraites bien que représentées par leurs dirigeants. Car en fonction de la structuration de la personne morale (société, entreprise, groupement d'intérêt économique) les règles d'identification des dirigeants varient. Quelquefois, l'on fait face { plusieurs dirigeants. Il faut ainsi tenir compte du rôle joué par chacun et de son implication dans la survenance de la pollution ou de tout autre dommage.

72. Conformément { la Convention de Lugano, le responsable est l'exploitant de l'activité dangereuse ou du site au moment ou apparaissent les dommages, l'«exploitant étant défini comme la personne physique ou morale, de droit privé ou de droit public, «qui exerce le

30 MARTIN (G.J.), «La Convention du Conseil de l'Europe du 8 mars 1993 dite ?convention de Lugano?~, in Cours n°8 , Master 2 DICE, op.cit,p. 16.

contrôle de l'activité dangereuse> (article 2, 5°). Qui de celui qui exerce le contrôle opérationnel de l'activité ou de celui qui exerce une influence sur l'entreprise d'exploitation elle-même, est-il réellement l'exploitant peut-on s'interroger? S'il s'agit d'un site fermé avant la réalisation du dommage et après l'entrée en vigueur de la Convention, c'est le dernier exploitant qui sera désigné comme responsable. Les actions sont soumises au régime de la prescription triennale à partir de la connaissance des faits répréhensibles et la prescription trentenaire { partir de l'atteinte cause du dommage. Par contre, selon la Directive 2005/35, outre l'exploitant, les sanctions seront applicables au propriétaire du navire, au propriétaire de la cargaison, au capitaine du navire et à la société de classification. Mais de plus en plus de contrats passés entre les particuliers au moment des cessions, ou des reprises d'activité comportent des clauses d'acceptation des risques, ce qui peut influencer les règles de responsabilité. Ces clauses et contrats ne produisant leurs effets qu'entre les parties contractantes, car libre cours est laissé aux tiers d'exercer leurs actions en réparation en tant que victimes. Par contre, le propriétaire non exploitant n'est pas responsable sauf si les deux qualités sont confondues. Certaines conventions comme la Directive 2005/35 sur la pollution causée par les navires ont d'ailleurs précisé (préambule point 9) que les sanctions applicables ne sont pas liées { la responsabilité civile des parties et ne sont donc soumises à aucune règle concernant la limitation ou la détermination des responsabilités civiles, pas plus qu'elles ne restreignent l'indemnité efficace des victimes des incidents de pollution.

73. C'est d'abord autour du principe «pollueur-payeur» que la responsabilité civile des personnes morales était organisée. Or, comme l'a fait remarquer Geneviève VINEY31, ce principe était { l'origine un instrument de justice fiscale qui a par la suite pris une envergure avec la Directive 2004/35 sur la responsabilité environnementale. D'autres conventions internationales élargissent le champ des personnes responsables. C'est le cas de la Convention internationale du 20 novembre 1992 portant création des FIPOL qui affirme que les conséquences économiques des dommages par pollution ne devraient pas être supportées par les propriétaires seuls mais devraient l'être en partie par tous ceux qui ont des intérêts financiers dans le transport des hydrocarbures.

74. Quant aux personnes victimes, elles peuvent être des personnes physiques et morales de droit privé ou de droit public. La Convention de Lugano ouvre droit aux associations et fondations ayant statutairement pour objet la protection de l'environnement, c'est-à-dire celles reconnues d'utilité publique { agir en dehors de toute infraction pénale, pour demander { l'instance judiciaire ou administrative, d'interdire une activité dangereuse illicite (voire polluante) susceptible de causer un dommage { l'environnement. Sauf qu'en dehors des dommages personnels qu'elles ont subis, elles ne peuvent avoir une réparation pécuniaire pour les dommages causés aux intérêts collectifs qu'elles défendent.

31 VINEY (G.), « Les principaux aspects de la responsabilité civile des entreprises pour atteinte { l'environnement en droit français», JCP, éd. G, n°3, Doctr. 3900, p.40.

2°) La désignation des juridictions compétentes et le droit applicable

75. En droit interne, l'une des difficultés en matière environnementale a été souvent de savoir dans certaines situations quel est l'ordre de juridiction compétente : est-ce l'ordre judiciaire ou l'ordre administratif? Concernant les installations classées (insalubres et incommodes) ainsi que les sites d'activités dangereuses, l'on se demande souvent si c'est le juge judiciaire qui est compétent et qui doit être saisi d'une action en réparation ou d'une dénonciation d'un trouble anormal de voisinage ou si c'est l'autorité administrative qui a délivré l'autorisation qui est compétent pour ordonner la fermeture? La question est controversée. Cependant en droit comparé, l'arrêt de la Cour de cassation française (Cass32. civ, 1ère, 13 janvier 2004 aff. M.A (exploitant) C/un groupe de propriétaires voisins RDI 2005, p. 40,) rejetant le pourvoi formé contre la décision de la Cour d'Appel33 qui a ordonné la cessation temporaire d'une activité quand bien même cette activité était fonctionnelle et avait requis l'autorisation du Préfet, montre parfaitement que la solution n'est pas simple car cette décision confirme en la compétence du juge judicaire à ordonner de telles mesures qui semble relever a priori de la compétence de l'autorité administrative et au surplus du juge administratif.

76. En droit international, la question est beaucoup plus complexe parce que le litige international et présente plusieurs facteurs de rattachement (lieu de commission, lieu de réalisation, nationalités des responsables et des victimes, élection de juridiction). La compétence matérielle ou ?ratione materiae? ne soulève aucun problème particulier. En revanche, la compétence territoriale ou ?ratione loci? soulève plusieurs interrogations. En cas de pollution ou d'atteinte environnementale quelconque quelle juridiction faut-il saisir? Est-ce le tribunal du domicile du défendeur (dommageur)? Est-ce celui du domicile de la victime? Est-ce le tribunal du lieu du dommage? Ces questions ont soulevé quelques controverses à un certain moment qui se sont progressivement dissipé, puisque le principe retenu aujourd'hui est très souple et décidé au cas par cas en tenant compte, non pas de critères juridiques rigoristes, mais d'objectifs d'efficacité, de protection de l'environnement. C'est le pragmatisme qui prévaut ici puisque tous les trois facteurs de rattachements sont aujourd'hui acceptés comme éléments justificatifs de compétence, grâce à la jurisprudence. Le défendeur (pollueur, dommageur, exploitant ou propriétaire) peut donc être attrait devant le tribunal de son domicile. Il peut également répondre de ses faits devant le tribunal du domicile de la victime. Ce critère s'explique par le souci d'éviter plus de peines { la victime. En plus, comme il a été déjà dit le dommage environnemental atteint souvent plusieurs victimes, et de ce fait, il serait inopportun de les faires tous déplacés dans un autre pays ou ville pour être dédommagées. Enfin, le défendeur peut être jugé devant le tribunal où il a perpétré le trouble ou

32 Citée CAMPROUX-DUFFRENE (Marie-Pierre) et CURZYDLO (Alexia), in «Chronique de droit privé de l'environnement, civil et commercial», RJE 1/ 2007, p. 6 et 7.

33 En l'espèce, plusieurs propriétaires se disant victimes de nuisances olfactives, demandèrent { leur voisin exploitant éleveur de porcs titulaire d'une autorisation préfectorale la suppression des troubles et le paiement de dommages intérêts pour préjudices économiques. V. CAMPROUX-DUFFRENE (Marie-Pierre) et CURZYDLO (Alexia), op.cit. Dans son arrêt la Cour de cassation à propos de la suspension temporaire de mesure administrative concluait que «La Cour d'appel n'a rien outrepassé ses pouvoirs dans la mesure où le moyen invoqué ne soutient pas que cette mesure contrarierait les prescriptions de l'administration>.

désastre environnemental. La compétence de ce tribunal se justifie par la nécessité de permettre une meilleure expertise des préjudices de pollutions, donc une meilleure évaluation des dommages. La plupart du temps le domicile des victimes coïncident avec le lieu de perpétration du dommage ce qui facilitent les choses.

II- LA CONSÉCRATION D'UNE RESPONSABILITÉ CIVILE ENVIRONNEMENTALE SUI GENERIS

A/ La spécificité du préjudice écologique pur 1°) Explications

77. La notion de «dommage environnemental>> qui regroupe l'atteinte au milieu naturel ainsi que les troubles et nuisances environnementaux, apparait bien plus large que celle de «dommage écologique>> centrée sur l'environnement naturel et la biodiversité. Alors qu'au début, la jurisprudence était réticente { retenir la responsabilité du dommageur, auteur d'atteintes environnementales sans répercussions personnelles, ne se bornant qu'{ prendre seulement en compte les conséquences personnelles desdites atteintes, l'instant fut solennel quand le juge judiciaire, en se fondant notamment sur la notion de «préjudice moral>> admit le principe de la réparation de ces atteintes environnementales en dehors de toutes répercussions personnelles.

78. Saisi pour déterminer les postes de préjudices réparables nés de la pollution engendrée par la dispersion de l'hydrocarbure, le Tribunal de Grande Instance de Paris, dans sa décision du 16 janvier 2008, à distinguer nettement le préjudice matériel, le préjudice moral et le préjudice environnemental. Cette notion de préjudice moral à géométrie variable prend souvent la forme d'atteinte directe { l'image de marque (par exemple d'un site, d'un paysage, d'une ville) ou de trouble de jouissance. En 1985, le Tribunal de Grande Instance de Bastia34, dans son jugement dans l'affaire Montedison, une société qui provoqua une pollution par rejet de boues rouges, condamna cette société à réparer les effets de ses agissements fautifs aux départements de Corse. Dans la même mouvance en 2006, la Cour d'appel de Bordeaux a indemnisé plusieurs associations au titre du «préjudice subi par la flore et les invertébrés du milieu aquatique>>; tandis qu' en octobre 2007 le Tribunal de Grande Instance de Narbone a indemnisé les préjudices causés à un parc naturel régional consécutif { l'écoulement de produits chimiques dans les eaux marines et a évalué le préjudice en distinguant nettement le «préjudice matériel>>, le «préjudice moral>> et le «préjudice environnemental subi par le patrimoine naturel>> des lieux35. Dans l'affaire relative au projet «Gabcikovo-Nagymaros>> opposant la Hongrie et la Slovaquie la Cour internationale de Justice dans son avis du 25 septembre 1997 déclarait que «l'environnement n'est pas une abstraction, mais bien

34 V. « Projet de loi relatif à la responsabilité environnementale>>, http://www.senat.fr/rap/107-348/107-3485.html consulté le 29 juillet 2010, p. 1.

35 V. note supra, p. 1

l'espace où vivent les êtres humains et dont dépendent la qualité de leur vie et leur santé y compris pour les générations { venir...~36.

2°) Le champ d'application

79. Le dommage écologique est principalement et restrictivement une atteinte à la nature y compris ses ressources. Selon Cécile ROBIN, le dommage écologique pur peut être défini «comme un préjudice causé directement au milieu, pris en tant que tel, indépendamment de ses répercussions sur les biens et sur les personnes. Il s'agit d'un dommage spécifique mi-collectif et miindividuel, matériel et diffus, réversible à plus ou moins long terme, parfois incertain et direct, et souvent futur>37. Quant à Hermon CAROLE elle affirmait que «semblable traduction du dommage écologique en terme de préjudice moral aux associations permet d'assigner un coût aux faits de pollution et par suite peut avoir une fonction préventive pertinente. En cela elle est opportune. Pour autant, en l'absence d'affectation de dommages-intérêts alloués, elle ne règle pas la question du dommage écologique>38.

B/ Les fondements de l'autonomisation du préjudice
environnemental

1) Les fondements textuels et jurisprudentiels

80. A travers le procès de l'Erika, la jurisprudence a clairement affirmé l'autonomie du «préjudice résultant de l'atteinte { l'environnement>. Cette affirmation est d'autant plus claire que dans l'énumération des préjudices réparables pour les dommages causés par la pollution des hydrocarbures de l'Erika, les juges ont retenu de manière séparée deux préjudices de droit commun (le préjudice matériel et le préjudice moral) mais surtout le préjudice «résultant de l'atteinte { l'environnement> qui est par contre un préjudice original, admis en dehors de toute répercussion personnelle. Le 16 mars 1978, le Tribunal de Chicago dans l'affaire de la marée noire de «Amoco Cadiz>, admit le préjudice écologique en concluant à la responsabilité principale de la Société AMOCO CORPORATION et à la responsabilité partielle des chantiers navals ASTILLEROS ESPAFIOLES DE CADIX. Quant au Législateur, il a consacré cette distinction à travers la Convention de Lugano (article 2, 7°) par la différenciation, entre d'une part, les «dommages communs> et d'autre part le «dommage écologique>. Ce qui signifie que le dommage écologique n'est pas un dommage de droit commun en ce qu'il bénéficie d'un régime particulier. Mais du point de vue législatif cette consécration était implicite depuis la Convention de Bruxelles du 29 novembre 1969 relative à la responsabilité environnementale internationale du propriétaire du navire transportant des hydrocarbures.

36 Cf. C.I.J., Avis consultatif relatif à la licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, Rec. 1996, p.241-242 paragraphe 29) in «La responsabilité internationale en matière d'environnement (en savoir plus), Cours n°8, Master 2 DICE, Fascicule, p. 5.

37 ROBIN (Cécile), op. cit., p.41

38 CAROLE (Hermon),«La réparation du dommage écologique, les perspectives ouvertes par la Directive du 21 avril 2004, AJDA, 4 octobre 2004; citée par http://www.senat.fr/rap/107-348/107-3485.html, op. cit., p. 1.

81. En droit comparé, il apparait que si le juge civil français reconnait le préjudice écologique distinct, il en va autrement du juge administratif. A deux reprises le Conseil d'État français (CE, 12 juillet 1969, Ville de Saint Quentin; CE, 26 octobre 1984, Fédération des associations de pêche et de pisciculture de la Somme)39 s'est prononcé contre la reconnaissance du préjudice écologique dans des affaires concernant des associations de pêche demandant la réparation du dommage écologique constitué par la pollution des rivières, en arguant que ce dommage ne peut «par lui-même ouvrir droit à une réparation». Mais, l'on peut estimer que depuis lors, c'est-à-dire vingt-six (26) ans après sa jurisprudence hostile au préjudice écologique, le Conseil d'État a dû certainement revoir sa copie parce que les enjeux politico-judiciaires tendent à une plus grande protection de l'environnement.

2) Les considérations historiques et politiques

82. Historiquement, au sortir de la seconde guerre mondiale, des voix commençaient à s'élever partout dans le monde pour dénoncer la guerre, ses effets néfastes sur la paix et la sécurité universelles et surtout sur la préservation de l'environnement et des ressources naturelles. Les deux guerres mondiales ont contribué à elles-seules à une destruction sans précédent au plan international des ressources naturelles et provoqué des pollutions gravissimes. Des villes et villages entiers ont été décimés et rayés de la carte. Des forêts ont été dévastées pour en faire des champs de guerre. Les armes de destruction massives (bactériologiques) et les essais d'avant-guerre pour tester les performances des armes ont laissé à jamais des traces indélébiles dans certaines contrées (dans le pacifique, à Hiroshima et Nagasaki). Les navires de guerre ont pollué les mers et détruit la faune et l'écosystème. A la fin de la seconde guerre, le «crime» nucléaire de Tchernobyl, sans compter les vagues de marées noires qui s'en sont suivies (Amoco-Cadiz, Exxon Valdez, Erika...) ont enfoncé le clou des graves pollutions et catastrophes environnementales. A y voir de plus près, toutes ces pollutions et désastres environnementaux ont pour origine et point commun, l'industrialisation. Car cette industrialisation en tant que forme achevée et matérialisée des progrès scientifiques est aussi la cause de toutes ces destructions parce qu'elle a permis de produire toutes sortes de biens (pour se nourrir, se vêtir, se protéger et se tuer) et en même temps elle a engendré beaucoup de déchets (ordinaires et dangereux) qui constituent des souches de pollutions.

83. Quant à la politique, son rôle est déterminant par le fait qu'elle au début et à la fin des activités humaines. C'est elle qui a généré les guerres. C'est encore la politique qui a sonné le glas de la prise des dangers de l'environnement sur la santé, la biodiversité et le développement. Toutes les conventions internationales sont les résultats de longues et grandes tractations politiques. C'est donc la volonté politique affichée par les leaders politiques mondiaux poussés par la société civile mondiale aux sorties des nombreuses crises qui a permis de faire ces bonds environnementaux depuis maintenant un demi-siècle et de consacrer le préjudice écologique, comme meilleure alternative { la protection de l'environnement.

39 V. « Projet de loi relatif à la responsabilité environnementale», op. cit., p. 1.

Section 2. Les conditions d'imputation de la responsabilité environnementale

I- LES CRITÈRES D'IMPUTABILITÉ

A/ Vers une responsabilité plus objective ou sans faute

1°) L'exigence d'une atteinte { l'environnement

84. La première exigence pour que se mettent en place les mécanismes de responsabilité et de réparation est qu'il doit s'agir d'un dommage ou d'une atteinte environnementale. Cette atteinte qui a touché le milieu naturel doit avoir entrainé un dommage. Le dommage est défini par l'article 2-2 de la Directive 2004/35/CE du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale comme «une modification négative mesurable d'une ressource naturelle ou une détérioration mesurable d'un service lié { des ressources naturelles». Après, il est nécessaire que le dommageur soit identifié ou identifiable. Mais dans tous les cas, on n'exigera pas que la victime fasse nécessairement la preuve de la faute du dommageur. C'est pourquoi en matière environnementale l'on parle d'une «responsabilité sans faute>> ou d'une «responsabilité objective». Cette objectivation de la responsabilité résulte du fait qu'elle est enclenchée par le seul fait de l'atteinte.

85. L'article 33 de la de la Convention de Bamako soumet les producteurs de déchets dangereux à une responsabilité objective et illimitée pour les contraindre à communiquer leurs rapports d'activités au Secrétariat de la Convention. La Convention de Lugano retient également le principe de la responsabilité sans faute. Il reste que si cette responsabilité convient pour la protection de l'environnement stricto sensu, il en va autrement en ce qui concerne la protection de la faune où pour des raisons pragmatique l'on fait toujours appelle aux éléments de la responsabilité subjective basée sur la preuve de la faute et le lien de causalité pour condamner les dommageurs Dans ce cas par exemple il s'agira d'avoir la preuve du nombre d'oiseaux morts, du nombre d'habitats détruits, de déterminer la personne responsable. Aussi bien, le «Livre vert» de la Commission européenne du 14 mai 1993 que la proposition de Directive communautaire, retiennent le principe de la responsabilité sans faute. Dans ce sens, la proposition de directive désigne comme responsable en son article 3 «le producteur des déchets» indépendamment de toute faute. Dans le cas des pollutions marines par les hydrocarbures, la responsabilité du propriétaire est engagée de plein droit sans qu'il ne soit nécessaire de démontrer qu'il a commis une faute. Le seul lien de causalité entre le déversement d'hydrocarbures et la pollution générée suffit à retenir objectivement sa responsabilité. Par exemple, en France, la jurisprudence40 a décidé plusieurs fois que le fait pour un producteur de s'être débarrassé des déchets ne l'exonère pas de cette responsabilité.

40 Pour la France : Civ., 1ère, 9 juin 1993, J.C.P., éd. G. II 22202, note Geneviève VINEY. Au Burkina Faso : C.A de Ouagadougou, 21 février 1992, R.B.D., n° 27- Janvier 1995, p. 99. «La jurisprudence, de façon générale, admet que dès lors qu'est établie l'intervention de la chose dans la réalisation du dommage, elle est présumée en être la cause génératrice, sauf au gardien d'en rapporter la preuve contraire; or l'article 1384 al. 1, ne distingue pas suivant que la chose soit inerte ou en mouvement; il suffit, pour que la responsabilité du gardien soit reconnue, qu'il soit établi que la chose est, en quelque sorte, la cause du dommage qui sans elle ne se serait pas produit».

86. Par contre, le processus de détermination de la responsabilité va prendre en compte la nature des rapports entre le pollueur ou le responsable et la victime identifiée. Car dans certaines situations les atteintes et pollutions surviennent au moment de l'exécution d'un contrat entre les parties contractantes , victime et auteur qui peuvent être { l'origine, l'exploitant et le propriétaire, le propriétaire ou l'exploitant et le sous-locataire, ou bien le propriétaire ou l'exploitant failli et le repreneur. Il convient toutefois de signaler que le principe de la responsabilité objective est contesté par certains groupes sociaux41.

2°) L'admission du préjudice personnel résultant des nuisances nées de l'atteinte environnementale

87. En cas d'atteinte environnementale causée par la pollution ou les troubles de nuisances, les victimes doivent bénéficier de la réparation des préjudices personnels (contamination cutanée, perturbation olfactives dues au bruit). La seule différence avec le dommage civil réside dans l'administration de la preuve et dans le sens accordé au terme «personnel >. Que faut-il entendre par «personnel>? Est-ce une association subit-elle ou non un préjudice personnel en cas de préjudice écologique? En principe, le terme «personnel> doit être entendu au sens large ou il englobe les atteintes directes { l'intégrité physique de la personne, les atteintes directes ou indirectes à ses biens, mais surtout comme toute atteinte qui a directement ou indirectement des répercussions négatives sur la personne, sa santé et sur la collectivité. Cette définition large satisfait à la fois les exigences de la matière civile que de la matière environnementale. Dans tous les cas, l'on ne doit pas occulter le fait que même si l'on parle de la haute protection de l'environnement en matérialisant un préjudice écologique intrinsèque c'est pour garantir à la fois aux personnes et autres espèces vivantes, un mieux être et un cadre de vie sain, pour assurer leur épanouissement et leur développement sempiternel.

88. De ce point de vue, l'on ne saurait nier que toute atteinte { l'environnement atteint aussi les personnes, soit directement, soit indirectement. Le contenu des expressions «préjudices personnels> est différent selon les domaines de responsabilité. Dans la responsabilité civile de droit commun cette expression renvoie à son sens premier qui est que le préjudice doit avoir nécessairement occasionné, soit un préjudice matériel prouvé (préjudice patrimonial, préjudice corporel), soit un préjudice immatériel mais que l'on peut justifier (préjudice moral, psychologique, perte d'une chance). Sur le plan environnemental, le préjudice personnel désigne plus largement tout qui a des répercussions directes, indirectes, médiates ou immédiates sur la personne.

41 C'est le cas en France des Groupements professionnels qui réclament le retour { la responsabilité classique. V. Commission économique du Conseil National du Patronat Français (CNPF), «Observations du CNPF sur le livre vers de la CEE relatif à la réparation des dommages causés { l'environnement~, septembre 2003; cité par MARTIN (Gilles J.) op.cit., p.124.

B/L'élargissement du champ de la responsabilité civile en droit
international de l'environnement

1°) Concernant les victimes

89. La convention de Lugano a facilité le droit d'action des victimes en faisant, en quelque sorte, obligation aux États et autorités publiques de leur fournir sans conditions toutes les informations environnementales qu'ils détiennent sauf celles concernant la sureté et la sécurité de l'État (article 14 et 16). La convention reconnait également le droit d'action des associations et organismes se consacrant { la protection de l'environnement. Mais les réclamations de réparation pour ces associations ne sont admises que pour les dommages personnels (au sens large) qu'elles auraient subis, les réclamations monétaires à titre de dommages collectifs sont par conséquent exclues. En admettant le principe du préjudice écologique pour atteinte { l'environnement les juridictions ont commencé à admettre accueillir plus largement l'action des associations, ONG et fondation, personnes morales de droit privé à revendiquer des réparations pour leurs oeuvres. Ainsi, dans l'affaire du «Balbuzard-pêcheur», la Cour de cassation française, en 1982, a considéré que la destruction de cet animal rapace avait causé { l'association de protection des oiseaux «un préjudice moral direct personnel en relation avec le but et l'objet de ses activités>42. En droit français la loi43 n° 95-101 du 2 février 1995 portant renforcement de la protection de l'environnement, a également consacré cette extension aux associations du droit d'ester en justice pour la défense de leurs intérêts. De manière subtile, tout se passe { l'égard des associations, à quelques différences près, comme dans le cas de la responsabilité civile de droit commun où il faut prouver le dommage, la faute et le lien de causalité.

2°) La facilitation de l'accès { la justice

90. Dans le procès de l'Erika, ce sont, des particuliers, des collectivités territoriales, et surtout des associations qui ont mis en mouvement l'action publique en portant plainte avec constitution de partie civile devant le Tribunal de Grande instance de Paris44 contre la Société Total, propriétaire de la cargaison. Cette jurisprudence a également consacré l'extension du droit d'action, en sus des associations, aux collectivités locales (départements touchés), { l'État (pouvoir public central), aux autres organismes privés ou public (fondations, ONG, ..) d'ester en justice, chaque entité, pour défendre les intérêts collectifs de ses membres.

91. Si cette extension ou facilité d'action est salutaire sur le plan procédural en ce qu'elle constitue une meilleure garantie de la réparation et partant, une meilleure protection de l'environnement, elle soulève quelques inquiétudes car les dérives ne sont jamais loin. Le risque de désordre, de double indemnisation, de lourdeur des procès, d'iniquité dans la réparation, menace cette faveur «à double tranchant». Premièrement, ne serait-ce que du côté de l'administration, il y a

42 V. « Projet de loi relatif à la responsabilité environnementale», op.cit., p. 1. En France, la loi du n°95-101 du 2 février 1995 (JCP 1995, éd. G, III, 67289) relative au renforcement de la protection de l'environnement a favorisé le droit d'action des associations.

43 V. JCP 1995, éd G.,III, 67289. V. CAMPROUX-DUFFRENE (Marie-Pierre) et CURZYDLO (Alexia), op. cit., p.14.

44 V. NEYRET (Laurent), «Naufrage de l'Erika : vers un droit commun de la réparation des atteintes { l'environnement~, D. 2008, Chron., p. 2681.

tellement d'entités et de structures sectorielles impliquées dans la préservation des ressources de sorte qu'une absence de concertation ou de délimitation de missions peut créer une confusion et affaiblir l'État pourtant garante de l'ordre public. De même, il serait illusoire de penser qu'il y aurait une véritable symbiose entre les actions de toutes les autorités administratives (locales et centrales) car bien souvent et comme ça été le cas dans plusieurs catastrophes, les autorités centrales (Président, Ministres) pour des raisons politiques s'arrogent et supplantent les pouvoirs locaux (Maires et Préfets) pour intervenir directement. Deuxièmement, au niveau du privé, notamment des personnes morales, il risque d'y avoir une concurrence exacerbée entre associations, ONG, organismes spécialisés, groupements de défense, à tel enseigne que sans interlocuteurs consensuellement désignés, l'on peut aboutir { des blocages, { des «guerres> de clans. Troisièmement, cette extension soulève bien d'autres questions. A quoi doivent servir les indemnités allouées aux personnes morales de droit privé? En principe, ces sommes d'argent versées aux associations et mouvements de défense de la nature devraient servir exclusivement à renforcer leurs actions au profit de l'environnement (reboisements, empoisonnements, dépollutions...) et si besoin est, une partie pourrait leur servir à renforcer leurs capacités technique et humaine (formations du personnel, acquisition de matériel...). Dans tous les cas cet argent ne doit aucunement être redistribué aux membres de ces entités. Il est donc utile les rôles et missions de chaque entité soient bien précisés pour permettre une bonne collaboration45sur le terrain.

II- LES CAUSES D'EXEMPTION OU D'EXONÉRATION DE LA RESPONSABILITÉ EN CAS DE DOMMAGE DÛ À LA POLLUTION ET/OU AUX DÉCHETS INDUSTRIELS

A/ Les causes traditionnelles

1°) Les cas fortuits : pollution diffuse et généralisée, catastrophes naturelles

92. C'est la responsabilité objective qui est retenue { l'encontre des dommageurs. Cependant, lesdits propriétaires ou responsables peuvent s'exonérer de leur responsabilité dans le cas de pollution marine due { un déversement d'hydrocarbures s'ils parviennent { démontrer que le dommage résulte soit d'un acte de guerre, d'un cas de force majeure, d'une faute imputable aux autorités administratives (logistique mise en place inadaptée), d'un acte de sabotage orchestré par un tiers, d'une faute intentionnelle de victimes. D'ailleurs, comme il est de coutume, la responsabilité des propriétaires de navires (pétroliers) est souvent limitée grâce aux clauses d'exonération et des fonds de garantie. Lorsque c'est le cas, cette couverture (limitation) ne peut tomber que s'il est prouvé que le dommage (déversement d'hydrocarbure) est lié { une faute personnelle et inexcusable du propriétaire. Conformément à la Convention de Londres du 20

45 Et sur ces questions, comme le propose NEYRET (Laurent), in «Naufrage de l'Erika : vers un droit commun de la réparation des atteintes { l'environnement>, D. 2004, chron. p. 2686, les autres pays devraient s'appuyer sur l'exemple américain, régit par les lois sur la «Comprehensive Environnemental Response, Compensation and Liability Act» (CERCLA) du 11 décembre 1980 et celles sur les «Oil Pollution Act» (OPA) qui prévoient une institution la « Resource trustees)>, chargée d'agir en réparation des dommages causés aux ressources naturelles sur une base d'obligation de coopération des «trustees)> assortie d'interdiction de double indemnisation d'un même dommage.

décembre 199246, il est également interdit par exemple aux victimes d'agir contre les mandataires et préposés du propriétaire, quelquefois le pilote du navire, le gérant du navire, de toute personne prenant des mesures de sauvegarde.

93. La Convention de Lugano, en son article 8 retient comme cause d'exonération de responsabilité, les actes de guerre, la force majeure, le fait intentionnel d'un tiers (acte de sabotage par exemple). L'article 35 de cette Convention considère comme cause d'exonération le «risquedéveloppement» c'est-à-dire l'ignorance au moment de l'atteinte que l'activité, les produits ou substances, pouvait être dangereux, du fait que les autorités publiques locales ne les a pas listées comme dangereux parce qu'elles ne méconnaissaient scientifiquement elles-mêmes à cet instant la dangerosité révélée. Quant à la Directive 2004/35 sur la responsabilité environnementale, elle exclut, outre les cas suscités, qu'elle ne s'applique pas aux activités menées principalement dans l'intérêt de la défense nationale ou de la sécurité internationale et aux activités menées dans le but de protection contre les catastrophes naturelles. Paradoxalement, le principe de responsabilité ne peut être appliqué quand il s'agit d'une pollution généralisée47 et diffuse (changement climatique).

2°) Exclusion des préjudices éventuels et incertains

94. La plupart des conventions, sous la pression des milieux d'affaires, des industriels et des banques et ne sont pas favorables à la prise en compte des préjudices éventuels et incertains pour des raisons économiques et pour éviter leurs faillites. Cependant les préjudices éventuels, sont admis en principe, avec circonspection il est vrai, lorsque l'éventualité repose sur des éléments connus.

F/ Les causes d'exonération spécifiques au dommage

environnemental

1°) Les causes internes ou nationales d'exonération

95. Certaines causes d'exonérations de responsabilité sont { rechercher, non pas, dans les traités, conventions internationales et communautaires, mais plutôt, dans les lois nationales (organiques ou règlementaires) car ces conventions renvoient expressément pour certains aux autorités législatives ou les invitent souvent à légiférer ou à les compléter. La Directive 2004/35 précité dit expressément en son article 3 «sans préjudice de la législation nationale pertinente, la présente directive ne confère aux parties privées aucun droit à indemnisation à la suite d'un dommage environnemental ou d'une menace imminente d'un tel dommage». Doit-on alors comprendre que cette directive exclut de son champ les actions en réparations du dommage environnemental par les personnes physiques privées? A contrario peut-on considérer que seules les personnes morales, publiques ou privées bénéficient du droit { réparation? L'affirmation semble être la réponse à ces questions parce qu'elle correspond mieux { l'esprit de ce texte.

46 V. DELEBECQUE (Philippe), op. cit., p.126.

47 V. Responsabilité environnementale- livre blanc, http://www.europa.eu/legislation_summaries/other/128107_fr.htm.

2°) La prise en compte de la gravité de l'atteinte

96. Comme en matière pénale où la gravité de la sanction est fonction de la graduation de l'infraction dans l'échelle des peines, en matière civile et environnementale, le degré de la faute, ou de l'atteinte détermine aussi le niveau de la réparation, ou dans une moindre mesure le niveau de tolérance. Le dommage n'est pas réparable s'il résulte d'une pollution «d'un niveau acceptable, eu égard aux circonstances locales pertinentes» (article 7, 4°, d de la Convention de Lugano). La Convention de Marpol 73/78 susvisée en ce qui concerne les hydrocarbures a fixé des seuils. Ainsi le taux instantané de rejet des hydrocarbures ne doit pas dépasser trente (30) litres par mille marin; la quantité totale d'hydrocarbures rejetée dans la mer ne doit pas dépasser pour les pétroliers existants 1/15 000 de la quantité totale de la cargaison particulière dont les résidus proviennent et, pour les pétroliers neufs, cette quantité ne doit pas dépasser 1/30 000 de la quantité totale de la cargaison. De même, la teneur en hydrocarbure et l'effluent non dilué ne doit pas dépasser quinze (15) parts par million. Le dommage causé par la pollution doit être significatif, c'est-à-dire un certain seuil de nuisance pour être pris en compte. Le dommage doit donc «affecté gravement» les espèces, habitats et aux protégées suivant la Directive 2004/35/CE (article 2-1 a et b). En outre le dommage écologique pur c'est-à-dire celui causé à la biodiversité produit ses effets à long terme.

97. En conclusion, l'on peut retenir que même si d'emblée, il est difficile de circonscrire de manière univoque les notions de pollution et de déchets du fait de leur variabilité dans le temps et dans l'espace, mais également des nombreuses similitudes qui existent entre ces deux phénomènes d'atteintes environnementales, l'on peut convenir que les déchets qu'ils soient ou non très dangereux sont sources de pollutions. Ces atteintes environnementales sont difficilement remédiables parce qu'elles nécessitent du temps, de l'argent et de la volonté.

98. Pour lutter efficacement contre les pollutions et les déchets, chaque citoyen doit alors adopter des comportements éco-citoyens respectueux de la nature, car s'il agit autrement, outre le fait qu'il subit ou subira les effets pervers de ses agissements, sa responsabilité civile peut à tout moment être engagée grâce aux mécanismes légaux et aux techniques d'évaluation propre { la matière environnementale (Chapitre 1). Ceci signifie que tout dommageur doit réparer convenablement et intégralement les dégâts qu'il a occasionnés aux personnes, aux biens et { l'environnement ainsi que toutes les conséquences collatérales (Chapitre 2).

TITRE 2 s LES MODALITÉS DE LA RÉPARATION DU DOMMAGE ENVIRONNEMENTAL CAUSÉ PAR LA POLLUTION PAR DES DÉCHETS INDUSTRIELS

99. Dès lors que l'atteinte environnementale a été consommée et les responsabilités juridiquement situées, tant objectivement que subjectivement, la phase de réparation proprement dite doit enfin s'ouvrir. Mais l{ encore, faudra-t-il, d'abord, isoler les dommages réparables, c'est-à-dire ceux qui entrent dans le champ de la responsabilité civile environnementale au plan international, des dommages irréparables qui ne peuvent pas juridiquement donner lieu à réparation, soit en raison de leur nature, soit au regard de leur gravité, soit du fait qu'ils résultent d'une dégradation plutôt naturelle de l'environnement, ou soit enfin parce qu'ils tombent sous le coup d'une exonération; ensuite, l'on doit aboutir à la réparation stricto sensu suivant des clefs de réparation établies en fonction du type d'atteinte (Chapitre 1).

100. Pour parvenir à une réparation optimale et satisfaisante, conciliant à la fois les intérêts des victimes directes et indirectes, personnes physiques et morales et ceux des dommageurs notamment les industriels et les exploitants à poursuivre malgré tout leurs activités de manière plus rationnelle, les préjudices doivent être bien évaluées par des structures compétentes et selon des techniques opérationnelles (Chapitre 2).

CHAPITRE 1.

L'ÉVALUATION DU DOMMAGE ENVIRONNEMENTAL CAUSÉ PAR LA POLLUTION PAR DES DÉCHETS INDUSTRIELS

101. En fonction de la gravité d'une atteinte { l'environnement, certains dommages peuvent être réparés plus ou moins convenablement tandis que d'autres malheureusement sont intrinsèquement irréparables parce que l'atteinte est par nature irréversible ou purement abstraite. Une seule atteinte environnementale génère souvent divers préjudices et d'importantes nuisances qui naissent par ramifications.

102. La réparation des dommages née d'une atteinte environnementale peut être judiciaire ou extrajudiciaire. La réparation extrajudiciaire est surtout pratiquée dans les pays anglosaxons et s'opère par voie transactionnelle c'est-à-dire par règlement { l'amiable entre les dommageurs et les victimes donc en dehors de la justice. Cette voie pacifique de règlement à l'avantage de préserver les relations entre victimes et dommageurs mais souvent l'inconvénient d'accorder de faibles indemnités aux victimes. Quant à la réparation judiciaire plus fréquente, hormis sa lenteur, elle à vocation à trouver un équilibre entre le tort environnemental crée par le dommageur et le coût de la réparation dû aux victimes. Dans tous les cas, le problème est de savoir quels sont les dommages qui doivent être pris en compte au moment de la réparation (section 1)? Et comment les évaluer concrètement (section 2)?

Section 1. Les préjudices réparables

103. En principe pour être réparables, les dommages doivent avoir un caractère «personnel. Ce qui signifie que l'atteinte doit avoir directement ou indirectement des conséquences pour l'être humain. De prime abord on pourrait alors penser que les atteintes environnementales sans répercussions sur les personnes ne sont pas réparables dans la mesure une telle action ne pourrait être exercée à défaut de victime (demandeur) donc en l'absence de la qualité pour agir. Mais il n'en est pas ainsi, d'abord parce certaines atteintes au milieu naturel sont réparables sur le fondement de la théorie du préjudice écologique pur sans avoir à prouver matériellement les conséquences immédiates sur les hommes; ensuite parce que tout bien ou toute chose qui existe dans la nature est par nature un bien collectif qui a forcément une utilité connue, inconnue, ou non découverte48 de sorte que son altération a des répercussions sur la communauté humaine. Or, intrinsèquement, le préjudice collectif est luimême admis en justice { travers les groupes de défense d'intérêts collectifs ou des associations de défense de la nature. On comprend alors que toute atteinte { l'environnement quelle qu'elle soit peut, ne serait-ce que subtilement constituer un motif d'action en justice pour obtenir réparation.

48 Dans l'affaire de l'Erika, TGI de Paris, 16 janvier 2008, «le tribunal démontre que la notion d'intérêt personnel { agir ne rime pas uniquement avec l'intérêt individuel mais englobe aussi les intérêts collectifs~, NEYRET Laurent, op. cit p.2685.

I- LES PRÉJUDICES CAUSÉS À L'ENVIRONNEMENT

104. Les atteintes à l'environnement touchent gravement l'écosystème, les ressources biotiques et abiotiques en sus des préjudices directement ou indirectement causés aux personnes.

A/Les préjudices causés aux ressources naturelles et à la faune

1°) L'impact de la Directive européenne 2004/35 dans la réparation du préjudice écologique

105. Conformément à la Directive 2004/35 (annexe 1) les atteintes réparables doivent être celles qui sont significatives, mesurables et leur prise en compte doit être fonction du nombre d'individus touchés, la densité et la surface couverte par l'atteinte, le degré d'implication de ces individus dans la conservation de l'espèce ou de l'habitat, la rareté des espèces touchés, leur capacité de multiplication, la capacité de régénération naturelle, la capacité de l'espèce ou de l'habitat { se rétablir en un temps limité. L{ encore, le choix balance en faveur de la large admission du préjudice objectif (matériel) au détriment du préjudice subjectif.

106. Doit être réparé avec une attention particulière, en cas d'atteinte { l'environnement, le préjudice écologique pur; en d'autres termes, les préjudices liés { la destruction ou à la dégradation de la nature, la perte de valeur esthétique que ceci induit. Le préjudice écologique pur est une atteinte au milieu naturel, aux «choses communes» appelées «biens-environnement». Selon l'article 2-11 de la Convention de Lugano, «l'environnement comprend les ressources naturelles abiotiques et biotiques, telles que l'air, le sol, la faune et la flore et l'interaction entre les mêmes facteurs, les biens qui composent l'héritage culturel et les aspects caractéristiques du paysage». C'est l'ensemble de ces éléments que la réparation du préjudice environnemental objecte de couvrir. Métonymiquement, certains parlent même de plus en plus de «lésions { l'environnement>49. C'est cette orientation de personnification de l'environnement que semble adopter la Directive communautaire 2004/35 précitée. En plus du dommage direct dont la responsabilité incombe au dommageur qui en est l'auteur, la réparation inclut tout dommage indirect c'est-à-dire tout autre préjudice collatéral.

107. Conformément { l'annexe II-1 de la Directive européenne 2004/35 «la réparation de dommages environnementaux liés aux eaux ainsi qu'aux espèces ou habitats naturels protégés s'effectue par la remise en l'état initial de l'environnement par une réparation, primaire, complémentaire et compensatoire...». Ces trois phases de réparations du préjudice écologique constituent un panel complet de restauration de l'environnement. La réparation primaire désigne l'ensemble des mesures qui doivent permettre aux ressources naturelles endommagées ou services de recouvrer leur état initial ou un état voisin. Par contre, l'objectif de la réparation complémentaire est de fournir aux ressources naturelles ou aux services en cas de non retour des ressources à leur état initial (échec des mesures primaires) ce dont elles bénéficieraient si le site ou la ressource endommagée avait pu être remis à son état initial. Quant à la réparation compensatoire, comme son nom l'indique sa vocation est de suppléer, de combler les pertes provisoires de ressources

49 V. VINEY (G.), op.cit., p. 44.

naturelles endommagées en attendant leur régénération. S'agissant des sols pollués ou contaminés, il est prévu de supprimer les contaminants ou à tout le moins, de réduire leur virulence de sorte à ce qu'ils ne puissent pas avoir d'impact négatif sur la santé humaine et la biodiversité.

108. Pour réussir la réparation selon cette Directive «les options de réparation raisonnables devraient être évaluées { l'aide des meilleures technologies disponibles lorsqu'elles sont définies suivant des critères suivants : les effets de chaque option sur la santé et la sécurité publique, le coût de la mise en oeuvre de l'option, les perspectives de réussite de chaque option, la mesure dans laquelle l'option empêchera tout dommage ultérieur et évitera des dommages collatéraux, la mesure dans laquelle chaque option a des effets favorables pour chaque composant de la ressource naturelle ou du service, la mesure dans laquelle chaque option a des aspects sociaux, économiques et culturels pertinents..., le délai nécessaire { la réparation effective du dommage environnemental, la mesure dans laquelle chaque option permet la remise en état du site du dommage environnemental, le lien géographique avec le site endommagé>. S'agissant de la réparation des sols, les mesures prises doivent permettre de garantir au minimum la suppression, le contrôle, l'endiguement ou la réduction des contaminants concernés.

2°) L'originalité du système américain de réparation du préjudice écologique

109. Le système américain de l'OPA, prend en compte dans la réparation du préjudice écologique, comme dommages réparables ceux touchant «à la terre, aux poissons, à la faune sauvage, { l'ensemble des formes de vie animale et végétale dans un système donné, l'air, l'eau, les eaux souterraines, les provisions d'eau potable et autres ressources y compris celles de la zone économique exclusive»50. En revanche, exclut-elle de son champ d'application «les ressources qui ont un propriétaire, celles qui sont gérées ou tenues en trust, celles qui sont contrôlées par les États-Unis, soit par un gouvernement étatique ou local, soit par une tribu indienne ou un gouvernement étranger. Mais contrairement { la Directive européenne susvisée, l'OPA inclut dans les critères de qualification du préjudice écologique «la perte de valeur» des ressources naturelles et plus largement de la biodiversité. Dans cette perspective, la simple perturbation des habitats des espèces fauniques est constitutive du préjudice écologique, même si par ailleurs cette loi dit que l'atteinte environnementale est celle qui induit un changement mesurable ou observable c'est-à-dire notoire. Il suit que dans le système américain la notion de dommage écologique est plus large que ne l'a voulu la Directive.

110. Concrètement, dans la réparation, les conventions internationales renvoient souvent aux législations nationales l'initiative de fixer ou de déterminer la valeur ou le coût de chaque composante de l'écosystème (poisson, oiseau, tec, insecte, plantes diverses...) soit forfaitairement en élaborant un canevas (barème), soit au cas par cas, en recourant à des expertises ou en parvenant à un consensus entre victimes et dommageurs. Pour le préjudice écologique pur, c'est généralement l'État qui se présente en victime pour réclamer réparation au nom de la collectivité, en tant que «propriétaire» de tous les biens collectifs et choses placés hors

50 V. CORNU-THENARD (Emilie), op. cit. p.176.

d'appropriation se trouvant à l'intérieur de ses frontières. Seuls les préjudices directs et effectifs causés { l'environnement sont généralement admis.

111. L'on peut par extension inclure au titre du préjudice environnemental, le coût de la réparation environnementale, c'est-à-dire l'ensemble des dépenses de nettoyage des lieux pollués et des contaminants, les frais générés par l'arrêt et la stabilisation de l'incident ou de l'accident écologique, les frais de prévention temporaires pour éviter les risques d'aggravation des dommages, les frais de capture, de soin et de sauvetage de la faune. Autrement dit, en plus de l'atteinte { la nature, les préjudices immédiatement nés de la sauvegarde temporaire du lieu dégradé (usine, mer, forêt). Il s'agit grosso modo des préjudices nés de la prise de mesures d'urgence visant à pallier le pire. Ces coûts ne sont donc pas à confondre avec les dommages et intérêts qui pourraient être supportés par les responsables, ni les frais d'expertise et le coût des services rendus, les frais de décontamination et tous les autres coûts induits par des travaux qui n'appelaient pas de célérité ou d'urgence au sens strict.

112. Du reste, l'on doit en revanche, s'interroger de savoir si le préjudice écologique pur est d'ordre patrimonial ou d'ordre extrapatrimonial? Tout dépend de la place que l'on donne { la nature (bien privé ou bien collectif) et des sujets de droit que l'on considère comme victime. Le préjudice écologique est certainement un préjudice extrapatrimonial parce que la nature n'a pas de prix et parce qu'elle symbolise plus que le simple bien matériel. Le préjudice écologique peut également être considéré d'un autre point de vue comme un préjudice d'ordre patrimonial ne serait- ce qu'en considérant que intrinsèquement l'environnement comme est un patrimoine commun national ou international. De ce point de vue, l'on supposera que ce n'est pas parce que l'environnement n'est pas dans le marché qu'il n'a pas de prix, mais c'est parce qu'il est hors de prix car trop cher qu'il n'est pas sur le marché. Ceci est d'autant vrai que dans certains pays tels les États- Unis, de milliers de particuliers richissimes achètent pratiquement la nature, ou une grande partie de l'environnement incluant la biodiversité, avec toutes les prérogatives qui s'y attachent (usus, fructus et abusus).

B/Les préjudices liés aux personnes et aux biens 1°) Les atteintes aux personnes

113. S'il est indéniable que l'atteinte { l'environnement est source de divers préjudices { classification variable, il reste que parmi ces préjudices la loi51 environnementale et la jurisprudence n'admettent que quelques uns, pendant que d'autres sont accueillis avec plus de circonspection. Les préjudices personnels objectifs, c'est-à-dire les lésions directement ou indirectement subies par les personnes (pertes ou détérioration d'un bien privé, mort de personne, perte d'un membre du corps, atteinte { l'intégrité physique avec incapacité partielle ou totale, pertes économique ?perte d'une chance?ou ?gain manqué?...) sont mieux acceptées que les préjudices personnels subjectifs ou immatériels (préjudice psychologique évolutif ou non, moral, affectif) permanents ou temporaires. De ce qui précède, l'on en déduit que dans la réparation du dommage environnemental, les

51 La Directive 2004/35 par exemple préconise de s'en tenir aux préjudices objectifs significatifs.

préjudices patrimoniaux sont privilégiés par rapport aux préjudices extrapatrimoniaux ce, contrairement à la réparation des dommages de droit commun. Mais dans la vague des préjudices subjectifs, le préjudice moral (la réputation d'une personne, l'image de marque d'une ville, d'un paysage donné, échec des actions de protection d'une ressource naturelle ou faunistique, perte de l'esthétique) est accueilli plus facilement que le préjudice psychologique (symbole de l'endroit détruit, considération immatérielle, peur, anxiété dû au dommage).

114. S'il en est ainsi, c'est parce que, d'une part, dans l'atteinte environnementale, il y a tellement de préjudices qu'il est nécessaire de les filtrer en imposant aux victimes des critères d'admission. Cette exigence constitue une sorte de garantie d'équité, d'évitement d'erreur judiciaire, et enfin un obstacle justifié pour ne pas banaliser le procès environnemental. C'est aussi, d'autre part, parce que la nature est considérée comme un bien sans maître, un bien qui ne doit servir de prétexte à quiconque pour s'enrichir personnellement. En barricadant, la fenêtre des préjudices réparables, la jurisprudence52 n'a-t-elle pas cependant fait un pas en avant et deux pas en arrière? Elle, qui plusieurs années auparavant a admis un préjudice écologique pur, s'établissant de manière plus large dérogeant au droit commun, la victime n'ayant pas forcément à démontrer que le dommageur a commis une faute pour bénéficier de la réparation?.

2°) Les dommages aux biens

115. Certains préjudices environnementaux concernent directement ou indirectement des biens, meubles ou immeubles. Ces dommages aux biens désignent les situations de destruction, de détérioration, de perte de valeur marchande de biens appropriés { la suite d'atteintes { l'environnement. Par exemple, la démolition accidentelle d'un immeuble { la suite d'un incendie volontaire. La réparation des dommages causés aux biens est plus facile à réaliser en matière environnementale que les dommages écologiques. La plupart des biens, sont des biens marchands qui ont des prix indicatifs connus sur le marché auxquels il faut se référer. L'évaluation de ce type de préjudice n'est pas sujette { des complications particulières.

II- LES NUISANCES À L'ENVIRONNEMENT

A/ Les troubles de voisinage

1°) L'extension de la notion de voisinage en droit international de l'environnement

116. Les troubles de voisinages désignent un ensemble de perturbations environnementales, volontaires ou involontaires qui sont commis entre des propriétaires de fonds voisins allant des pollutions, des émissions d'odeurs, de fumées, de poussières, de production intempestive de lumière et surtout des bruits. Ce sont des préjudices environnementaux dérivés. La notion de

52 Dans le cas du procès de l'Erika (marée noire), le tribunal a rejeté l'action de certaines associations demandeurs, au motif qu'elles n'apportaient «aucun élément sérieux permettant au tribunal de fixer le montant de la réparation du préjudice résultant de l'environnement en ce qui les concernait~. En revanche, l'action de la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) qui avait pu, plus facilement quantifier le nombre d'oiseaux morts qu'ils ont pour mission de protéger, a été admise avec succès. Les juges ont tenu compte du critère quantitatif, estimatif (ampleur du dommage, ampleur du désastre ornithologique) mais aussi qualitatif (rareté des espèces mortes) pour admettre l'action de la LPO. V sur cette question, NEYRET (L.), op. cit. p. 2684.

«voisin» ou de voisinage doit cependant être entendue en droit international de l'environnement de manière très large53, sans allusion ni référence à la proximité. Le voisin en matière environnementale n'est donc pas forcément, le propriétaire du fonds contigu ou juxtaposé. Du fait des effets transfrontières des troubles, c'est le critère d'exposition au trouble qui permet de déterminer le voisinage. La réparation des troubles de voisinage doit être intégrale, visant d'une part { faire cesser le trouble et d'autre part, { remettre les choses en l'état. La particularité du trouble anormal de voisinage est qu'il s'évince des règles traditionnelles de responsabilité civile par le fait que ce trouble est retenu en l'absence de toute faute commise par l'auteur (Cass. civ. 3, 30 juin1998, intrafor c/Chaudouet, arrêt n° 1121, p. 96, Bull. civ. III, n° 144). Dans ce cas, le propriétaire d'un fond, usant normalement de son droit de propriété pourrait se voir reproché par son voisin un trouble manifestement anormal sur son fond, que les juges apprécieront souverainement.

2°) Les sanctions

117. En droit français, la théorie du trouble anormal de voisinage a eu un écho favorable auprès des juridictions (Civ.2, 5 octobre 2006, n°05-17602). Dans cette espèce54 la Cour de cassation française a non seulement admis le principe des préjudices au titre des poussières, des odeurs, des bruits, de la surpression aérienne et des vibrations du sol occasionnés par une société d'exploitation d'une carrière { ciel ouvert, mais elle a surtout admit aussi le principe de l'action du groupe qui permet l'action des personnes morales de droit privé notamment des associations. Mais la jurisprudence tient également compte d'un certain seuil de nuisances (Cass. civ. 2è, 8 mars 1978, D.1978, note Larroumet). S'agissant des activités classées, quand bien même l'activité est régulièrement menée c'est-à-dire son exercice subordonnée à une autorisation de l'autorité administrative compétente, la Cour de cassation55 française retient que le juge des référés peut constater le trouble de voisinage, ce qui complète les prérogatives déjà reconnues au juge judiciaire de prononcer la cessation momentanée d'une activité régulière génératrices de préjudices.

F/ Les nuisances sonores

1°) Les bruits qualifiés de pollutions

118. Suivant la théorie du trouble de voisinage qui a connu son essor avec le droit de l'environnement, les bruits ?insupportables?, constituent des troubles et des pollutions environnementales dérivées56. Au Canada, le bruit est considéré comme un contaminant de l'environnement. L'article 157 de la Loi sur la qualité de la vie (Québec), considère ainsi le son comme

53 TREBULLE (François Guy), «Les techniques contentieuses au service de l'environnement- le contentieux civil», www.ahjudicaf.org/spip.php?,article 76 consulté le 29 juil. 2010, p. 2. Selon cet auteur, dans le rapport annuel de la Cour de cassation de 1999, l'un de ses Conseiller (Villien) disait que « ne sommes-nous pas devenus les voisins de l'Ukraine depuis que la catastrophe de Tchernobyl nous a envoyés des radiations?».

54 V. CAMPROUX-DUFFRENE (Marie-Pierre), in «Chronique de droit privé de l'environnement, civil et commercial>, RJE 1/2007, a, p. 8.

55 Cass. civ. 1 ère, 15 mai 2001, Divanac'h c/Rannou, arrêt 770, D. 2001.

56 V. Cass. civ., 27 nov. 1844 (arrêt de principe), cité par TREBULLE (François Guy), op. cit., p 1.

57 MERCURE (Pierre-François) & NIANG (Oumar), Droit de l'environnement au Québec, Cours Droit comparé de l'environnement, p. 73 (PDF).

un contaminant susceptible d'altérer la qualité de l'environnement. Un guide contenant les niveaux sonores acceptables a été élaboré (45 décibels au plus entre 7 h et 19 h en Zone 1, rurale comme résidentielle et 40 décibels entre 19 h et 7h). Les communes ont aussi fixé par règlements les seuils au-del{ desquels l'auteur est répréhensible (émission de sons excessifs). Suivant la loi sur la santé et la sécurité au travail, deux types de bruits ont été distingués : le bruit continu qui est défini comme «tout bruit qui se prolonge dans le temps y compris un bruit formé par les chocs mécaniques de corps solides ou par impulsions répétées à une fréquence supérieure à une seconde»58 et le bruit d'impact qui est au contraire tout bruit dont l'impulsion est ou non répétée { une fréquence inférieure ou égale { une seconde.

119. En somme, il s'agit de bruits incommodants, insupportables non seulement par rapport à leur vigueur (nombre de décibels émis), par rapport { l'endroit où ils sont émis (domiciles, hôpitaux, écoles, cimetières), surtout par rapport au moment où ils sont émis (de jour, de nuit, à mijournée, pendant la chaleur ou le froid). Là aussi, même si des barèmes et niveaux existent dans de nombreux pays et même si les bruits sont réprimés par la police administrative sous forme contraventionnelle pour la plupart, il reste que la qualification du bruit-pollution et du bruit-tolérable est laissée { l'appréciation souveraine du juge ou de l'autorité administrative compétente. Certaines formes de bruits qui étaient durant des siècles mis hors des débats pour leur caractère sensibles, en l'occurrence les bruits de lieu de culte (appels sonorisés du muezzin, prêches sonorisées ou en public, émissions de cris aigus au moment des prières) commencent à refaire surface, en Europe notamment avec le débat sur les minarets. Reste à savoir si ces genres de bruits sont des bruits troublants ou des bruits normaux? Et tout le débat est là, car tout ce qui touche à la religion est sacré dit-on, et la difficulté justement est d'autant plus grande que toute idée de cartésianisme est ici rejetée. Or, le principe de laïcité, d'égalité de tous devant la loi, devait interpeller chacun sur ses devoirs de ne point perturber son voisin.

2°) Les préjudices extrapatrimoniaux

120. La plupart des bruits, sauf de rares exceptionnels (longues expositions au bruit, bruits de lieu de recréation) causent des préjudices extrapatrimoniaux c'est-à-dire des préjudices moraux ou des préjudices psychologiques. La preuve du préjudice psychologique étant difficile à faire en justice, elle n'est admise qu'avec beaucoup de circonspection. La prise en charge du préjudice moral lui-même a de tout temps soulevé des controverses en ce qui concerne certaines sources de pollutions ou d'atteintes environnementales tels les bruits. La minimisation des pollutions liées au bruit se ressent à travers la répression. La plupart des pollutions sonores sont sanctionnées au plan pénal que d'une peine contraventionnelle, en l'occurrence le versement d'amendes. La prise en compte du préjudice d'agrément (sorte de préjudice moral collectif) soulève davantage plus de difficultés. Ce préjudice parce qu'il est immatériel et abstrait est difficilement estimable. Son indemnisation en souffre donc. C'est pourquoi certains auteurs59 qualifient le préjudice moral « de fourre-tout de valeurs malaisées à évaluer».

58 V, note supra, p. 75.

59 REMOND-GOUILLOUD, op. cit., p. 260.

Section 2. Les systêmes d'évaluation des dommages et préjudices dans le cas de déchets ou de pollution

121. En dépit de la spécificité et surtout de la complexité de l'atteinte environnementale dont la détection, l'évaluation et la réparation requièrent beaucoup de savoir-faire et de maîtrise, il n'y a pas encore en droit international de l'environnement des techniques standards, des sciences et systèmes autonomes, ou d'institutions universellement reconnues et spécialement crées pour prendre en charge les dégâts environnementaux et tous autres catastrophes environnementales, qu'elles soient d'origine naturelles ou provoquées (I). Cependant, l'on peut relever que les techniques classiques d'évaluation des sinistres, des risques et des dommages sont appliquées avec succès, par moment adaptées à la matière environnementale. Du reste l'on peut constater de plus en plus qu'en matière environnementale l'approfondissement de ces techniques est entrain de faire naître des procédés modernes d'évaluation et des spécialisations, encore plus performantes et mieux adaptées à l'environnement (II).

I- LES MOYENS D'ÉVALUATION

A/ L'inexistence de sciences et de techniques autonomes d'évaluation des dommages environnementaux

1°) La jeunesse de la science environnementale

122. Au siècle dernier, l'homme pensait encore que les ressources naturelles, faunistiques et floristiques étaient en quantité inépuisable et qu'il n'avait de compte { rendre { personne, pas en tout cas, aux animaux et aux plantes. L'environnement a été en outre longtemps considéré comme un espace vide, comme un bien sans véritable maître appartenant à tous et à personne et dès lors, laisser au bon usage naturel de chaque être humain. Les avancées du désert, les pénuries d'eau, les guerres, les crashs pétroliers (celui de 1973 notamment) et surtout les séries de marées noires avec leurs effets transfrontières et mondialisés ont fait prendre conscience à la communauté internationale qu'il fallait désormais protéger les ressources naturelles et l'environnement pour non seulement empêcher leur épuisement total, mais surtout pour permettre la pérennité de la vie à travers les générations futures. Par leurs travaux, de nombreux scientifiques et chercheurs ont attiré l'attention sur l'importance de veiller { la conservation et { la protection de la diversité biologique comme seule alternative pour un meilleur équilibre de la vie. A partir de ce moment, l'espèce humaine s'est rendu compte qu'il a tant besoin des autres espèces et réciproquement. Cette relation d'interdépendance triangulaire est { l'origine de l'essor de la science environnementale.

123. La science environnementale est donc une discipline jeune qui a pris son envol depuis moins d'un siècle. Martine REMOND-GOUILLOUD60 souligne cette réalité en ses termes : «le droit à l'environnement, discipline adolescente { la recherche de ses racines ne peut se suffire de ces

60 REMOND-GOUILLOUD (Martine), «Du préjudice écologique (A propos du naufrage de l'Exxon-Valdez», D. 1989, Chron., p. 259 et suivants.

tergiversations». L'on peut sans détour lier l'inexistence de branche spécifique de réparation du dommage environnemental à la jeunesse de cette matière qui a fait ses premiers pas il y a moins d'un siècle mais qui pêche encore par sa complexité à cerner complètement le dommage écologique qui est un dommage multiforme.

2°) La complexité du dommage environnemental

124. Il est incontestable ne serait-ce qu'en faisant allusion { la diversité des conventions internationales, communautaires et nationales qui tentent d'encadrer les phénomènes environnementaux que le droit international de l'environnement en général et le dommage écologique en particuliers sont assez complexes. Un clin d'oeil { la jurisprudence et { ses nombreuses contradictions qui certes, somme toute, ne sont pas spécifiques au domaine environnemental, confirme cette ambivalence du dommage environnemental. Fixer un prix à un arbre terrassé ou écorché, déterminer le prix d'un poisson, d'un oiseau ou d'un éléphant, évaluer monétairement la valeur d'une rivière, d'une forêt, d'un site archéologique n'est de toute évidence pas une tache aisée. S'il existe quelquefois des repères (indications, barèmes) pour s'en référer dans de nombreuses situations, il faut adapter les méthodes et raisonner par analogie pour prendre en compte et réparer certains préjudices. Cette complexité intrinsèque au dommage environnemental justifie l'inadaptation des méthodes classiques de réparation.

B/ L'émergence de techniques d'évaluation de dommages en droit international de l'environnement

125. Même s'il n'existe pas de législation internationale uniforme sur les pratiques d'évaluation des dommages environnementaux, des initiatives intéressantes existent en droit comparé qui peuvent en constituer le socle.

1°) L'expertise environnementale

126. L'expertise environnementale doit a pour objectif de déterminer les effets de l'atteinte ou du dommage environnemental. Elle doit, en fonction des situations, être menée par un ou plusieurs spécialistes en science environnementale ou science écologique. Qu'elle soit judiciairement ordonnée, ou menée { titre privé dans le cadre de transaction, l'expertise est généralement l'oeuvre d'une équipe pluridisciplinaire car l'environnement en lui-même est une discipline, éclectique et hybride.

127. En droit comparé, le Canada possède, aux cotés des États-Unis, l'une des législations les plus évoluées en matière d'expertise environnementale. A l'initiative du gouvernement canadien, un centre d'expertise61 en analyse environnementale fut crée depuis 1997

61 V MERCURE (Pierre-François) & NIANG (Oumar), Droit de l'environnement au Québec, Cours Droit comparé de l'environnement, 61 p. et s. (PDF). Le rôle de ces centres est primordial dans la protection des ressources, dans l'évaluation du préjudice écologique notamment en cas d'atteinte, dans le maintien de la qualité de vie chère aux canadiens. D'autres centres d'expertises similaires existent pour l'air et les espèces animales.

et un centre en expertise hydrique depuis 2001. Totalement indépendant et doté de laboratoires «high-tech» certifiés qualité ISO/CEI 17025, ce centre d'expertise environnementale est composé d'experts qualifiés en chimie, biochimie, biologie, microbiologie et écotoxicologie, et a pour rôle est de garantir à travers des études écotoxicologiques, des études de terrain et des analyses de laboratoires, la disponibilité, la qualité et la continuité de l'expertise et de l'information analytique pour les besoins de la protection de l'environnement et la conservation des ressources naturelles. Bien entendu, ce centre procède à des accréditations. Et pour diffuser les résultats des recherches et l'information environnementale, il participe aux conférences, colloques, débats sur les questions environnementales. Quant au centre sur l'expertise hydrique, il est également composé d'une équipe pluridisciplinaire d'experts (ingénieurs, géomètres, géotechnicien en construction et gestion des barrages, experts en hydrologie et en hydraulique, notaires..) chargé de gérer le patrimoine hydrique de l'État, de fournir de l'expertise en matière foncière, de gérer les documents juridiques relatifs au titre d'occupation, de délimiter les réserves écologiques et habitats floristiques. Aux côtés de ces centres, il en existe qui sont spécialisés dans l'expertise atmosphérique (loi québécoise sur la qualité de la vie) et dans l'expertise des ressources animales.

128. L'on peut également citer l'expérience russe dans le domaine de l'expertise environnementale. En effet, en Russie62, la sécurité environnementale des sites industriels est régie par la loi fédérale sur la protection de l'environnement (Loi n°7-FZ du 10 janvier 2002) sous le contrôle du Service Fédéral de supervision écologique, technologique et nucléaire (RTN en russe), rôle précédemment joué par le Service fédéral de supervision de gestion de la nature. Le lancement de tout projet industriel impliquant des travaux de construction, d'extension des installations, de reconstruction ou de modernisation technique (montage et construction) est soumis { l'obtention de l'«OVOS qui est l'abréviation russe, de l'évaluation de l'impact sur l'environnement. Cette expertise vise à vérifier la conformité du projet par rapport aux lois environnementales en vigueur. Concrètement cette évaluation procède comme suit : la collecte des données géographiques, sociales, économiques et environnementales, sur la zone où la projet doit être situé; la collecte de données sur la nature du projet et son impact sur l'environnement; la recherche globale d'un projet similaire, la prévision de l'impact du projet sur l'environnement et au moyen d'une technologie de statistiques et d'autres méthodes; la planification et justification des mesures nécessaires de protection de la nature { prendre dans le cadre du projet; l'organisation de consultation publique.. Enfin, toute évaluation doit non seulement toujours se faire en partenariat avec les autorités locales (lieu d'installation du projet) ainsi que les organismes de supervision compétents, mais doit-elle surtout, être approuvée dans le cadre global de l'expertise environnementale fédérale.

2°) L'audit environnemental et les études de dangers et d'impacts

129. Le règlement communautaire 1836/9363 du 29 juin 1993 prévoit l'audit environnemental et le management environnemental (entré en vigueur en 1995) des entreprises. Ce

62 V. «Conclusion d'expertise environnementale pour les projets industriels~,

http://www.fr.sgs.com/sgssites/gost/expertiseenvironnementale.htm. p. 1.

63 Pour plus de détails V. REMOND-GOUILLOUD (Martine), op.cit. , p. 43.

règlement ne crée pas d'obligation particulière { la charge des entreprises. C'est { celles-ci si elles le désirent de demander à adhérer pour bénéficier des conseils et expertisent en ce qui concerne les cessions de terrains et de sites potentiellement contaminés. Les structures mis en place à partir de ce règlement permettent aux entreprises remplissant les conditions, de bénéficier du concours d'un contrôleur «vérificateur environnemental» qui, en tant que professionnel, arrive à mieux situer les risques et à déceler les vices-cachés avant d'autoriser certaines transactions (ventes ou baux). Ce règlement constitue à ce jour, une opportunité et un cadre unique en Europe pour les entreprises, les exploitants de sites de déchets et d'activité dangereuses et polluantes, de pouvoir connaître le degré de pollution et de prendre les mesures de prévention et traitement qui s'imposent.

130. Les études de dangers et les études d'impacts prévues par de nombreuses législations sont des mesures préventives destinées à évaluer en avance le niveau de risque écologique et environnemental de l'installation industrielle ou de tout autre investissement { risque. Ces études permettent donc à amont de situer le niveau des risques et les dangers de l'activité. Le Code de l'environnement burkinabé définit en son article 2 l'étude d'impact comme «une étude { caractère analytique et progressif réalisée aux fins de l'identification et de l'évaluation des incidences sur l'environnement d'un projet ou programme de développement»64. Selon la loi burkinabé toute activité pouvant avoir des incidences sur l'environnement et la santé humaine peut être soumise { une étude d'impact. Les études d'impacts sont donc des mesures générales destinées à obliger les personnes publiques et privées à prendre en compte les préoccupations environnementales dans leurs activités ( qualités des installations, du matériel, durée de vie, heures de fonctionnement et toutes mesures susceptibles de permettre une optimalisation de la production, tout en favorisant une meilleure sécurisation des travailleurs, du public et de l'environnement).

131. En France65 par exemple, ces études permettent également de tenir compte des capacités financières de l'exploitant qui souhaite avoir une autorisation d'installation d'activités dangereuses. Elles visent «une estimation de la probabilité d'occurrence et du coût des dommages matériels potentiels aux tiers en cas d'accident survenant dans une installation>> (article 515-26 nouveau du Code de l'environnement). C'est en fonction de cette capacité financière que l'autorité locale, en l'occurrence, le Préfet ou l'autorité administrative locale, s'assure de l'exploitabilité de l'activité avant d'en délivrer l'autorisation. Au même moment, certaines injonctions peuvent être faites aux entreprises pour éviter des catastrophes. L'on peut les contraindre par exemple à fournir des garanties financières en cours d'activité quand bien même elles ont déj{ l'autorisation d'exercer, ou bien lors de la cessation d'activité pour permettre la remise en état du site66.

64 Code de l'environnement de 1997 (art. 17-24), et surtout le Décret n° 2001/PRES/PM/MEE du 17 juillet 2001 portant champ d'application, contenu et procédure de l'étude et de la notice d'impact sur l'environnement. V. ZAKANE (Vincent) et GARANE (Amidou), Droit de l'environnement burkinabé, Col. Précis de droit burkinabé, Université de Ouagadougou, septembre 2008, p.103.

65 V. THIEFFRY (Patrick), «Le renforcement de la responsabilité environnementale des entreprises : tendances législatives française et européenne divergente», Gaz. Pal, 2004, p. 1718 à 1721.

66 V. THIEFFRY (Patrick), op. cit., p.1719. V. Aussi l'art. L 516-1 du Code de l'environnement français.

II- LES OPÉRATIONS D'ÉVALUATION A/Les estimations

1°) Les difficultés d'estimation des composantes de la biodiversité

132. En matière environnementale, certains biens ou choses du milieu naturel (flore, faune, végétation, forêt, paysage) sont difficilement quantifiables car hors du commerce. Il s'en suit que lorsque des actions en réparation sont intentées devant les tribunaux pour les préjudices écologiques purs, les problèmes apparaissent en l'absence de base ou de référence pour fixer les intérêts civils. Alors que les pays anglo-saxons { l'image des États-Unis ont pratiquement trouvé des solutions palliatives pour prendre en charge l'indemnisation des composants de l'environnement par l'adoption de barèmes et tables d'évaluation (par exemple la «Natural resources damage assessment du 31 juillet 1986»), ailleurs dans beaucoup de pays, la situation est plus confuse. Les disparités dans le traitement des questions d'estimations et d'indemnisation du préjudice écologique sont notoires. Or, l'on sait aussi bien au plan international que national que le juge ne peut valablement fonder sa décision que sur des faits connus, prouvés. En l'absence d'une base, d'un barème international pour fixer le coût de destruction de tel arbre, telle espèce végétale, de tel animal terrestre ou marin en voie d'extinction ou non, chaque pays essaye de se déterminer à partir de règles internes bien souvent par analogie. Cette tendance est si marquée que la justice allemande dans une décision du 10 décembre 1987 (Umvelt und planlingsrecht 1988/3, 96, cité par REMOND-GOUILLOUD, op.cit p. 261) concluait «qu'en l'état du droit, la dégradation de la forêt allemande ne puisse fonder droit à indemnisation», et invitait le Législateur à légiférer pour combler ce vide juridique.

2°) La nécessité d'uniformisation des pratiques d'estimation

133. Beaucoup de chefs de préjudices sont ainsi refusés devant les juridictions par manque d'éléments d'appréciation. Mais le juge doit toujours pouvoir réparer en comblant au mieux cette absence de lois ou d'éléments sous peine comme dans plusieurs législations de déni de justice (article 4 du Code civil français et burkinabé). Les juridictions peuvent ainsi commettre des experts en environnement selon le domaine, pour donner des avis sur lesquels ils pourront s'appuyer sans faire sans tomber dans le «charlatanisme» ou des évaluations arbitraires. En attendant, une règlementation internationale globale sur les barèmes d'indemnisation de l'ensemble des éléments de l'environnement et du milieu naturel, les juridictions peuvent s'appuyer sur les conventions spécifiques67 régissant bien souvent seulement une catégorie d'espèce animale ou végétale. Car ces conventions contiennent souvent des barèmes (par exemple tant de francs, d'euros pour la capture, al mort d'.une baleine, d'un phoque, d'un jacquot, de courailles...). En dehors de ces Conventions spécifiques, les autorités locales peuvent prendre des décisions

67 Par exemple, la Directive 79/409/CEE du Conseil de l'Europe du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages, la Directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, la Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil de l'Europe du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau.

administratives68 (règlements, circulaires pour fixer le cadre de protection d'espèce environnementale y compris les conditions de repressions) pour peu que ces decisions administratives ne contredisent pas les lois communautaires et organiques. L'on peut aussi se référer de manière abstraite { l'importance et au coût d'opportunité que les citoyens ou usagers accordent au bien endommage.

134. Une autre difficulté est l'embarras que l'estimation de l'endommagement partiel d'une ressource naturelle ou environnementale peut induire, faut-il estime la chose suivant sa valeur residuelle ou venale, sa valeur actuelle, ou sa valeur passee? Aucun système { ce niveau n'est totalement fiable. Tout est question de jauge et de realisme. La Directive 2004/35 relative à la responsabilite environnementale retient par exemple à son annexe 1 (article 2-1, a) que le prejudice environnemental, precisement la conservation des espèces et des habitats «doit être evaluee par rapport { l'état de conservation { l'époque où le dommage a été occasionné..>.

135. Quelquefois, outre la remise en etat complète de la ressources ecologiques detruites, certains accords et règlement amiables vont au-delà, pour prendre en charge les frais de reparations atypiques pouvant se resumer à la construction de laboratoires de contrôle de la qualite de l'eau par exemple, au financement de l'empoissonnement d'une zone de pêche, { la mise en place de bassins artificiels d'empoissonnement, { la mise en place d'unité vétérinaire pour le soin des animaux, aux financement de frais de recherche...pour anticiper sur un renouvellement de l'atteinte écologique, c'est { dire des prejudices futurs. Ces arrangements, souvent realises entre les dommageurs soucieux de leurs images et les victimes constituees en association de defense, parviennent à termes à de meilleurs résultats que les réparations judicaires. C'est le cas de la transaction en France en 1987 entre la Clinique SANDOF et les associations des victimes du Rhin dont l'eau fut gravement polluée par des substances chimiques et toxiques.

B/La quantification et les barèmes 1°) Les éléments quantifiables

136. En general, les préjudices causés aux biens appropriés en cas d'atteintes { l'environnement sont plus faciles { quantifier par référence aux prix du marché. Le seul problème est de savoir si le bien doit être remplacé par un bien d'occasion de même nature ou s'il faut le remplacer par un nouveau bien. C'est l'une des difficultés de la réparation intégrale car en général les victimes s'en sortes bien avec des biens neufs ou leurs équivalents monétaires. Les réparations des biens endommages à leurs etats initiaux sont un peu plus rare sauf si les biens concernes sont très onéreux où s'ils n'ont été détruits qu'en partie. De même, pour les prejudices corporels

68 Par exemple, une ville française (Marseille) avait mis au point un barème permettant d'évaluer la destruction de chaque arbre suivant son âge, sa rareté et son emplacement. Toute destruction d'un arbre impliquait pour le dommageur le devoir de replanter cette même catégorie d'arbre en compensation. Sur la question V. REMONDGOUILLOUD, op. cit. p. 261.

patrimoniaux ou extrapatrimoniaux il existe dans chaque pays des canevas de réparations préétablis par la loi ou prévus par les médecins-experts et autres experts.

2°) L'importance de la quantification

137. La quantification de ces préjudices de droit commun est d'autant plus aisée que les Codes des assurances et les Sociétés d'assurances prévoient des barèmes, en tenant compte pour les préjudices corporels du taux d'incapacité permanent (impotence définitive, perte d'un membre ou de son usage) ou partielle ( nombre de jours d'indisponibilité au travail). Pour les pertes de chance, il faut que la victime les justifie à partir de son activité ou de ses revenus avant le dommage ou le sinistre dans le jargon des assureurs. Avec l'influence des assureurs, la réparation intégrale des dommages corporels et des dommages aux biens est en voie de déclin sur le plan international, car outre les nombreuses clauses et causes d'exonération que prévoient les assureurs, ils plafonnent les montants de réparation pour mieux maîtriser les risques. Au demeurant, l'importance des référentiels de quantification, c'est-à-dire de systèmes prévoyant { l'avance un coût d'indemnisation pour chaque poche de préjudice est considérable, en matière de réparation civile de dommage communs. Quant à la réparation civile de dommage environnemental, notamment en ce qui concerne le préjudice écologique c'est encore l'heure des balbutiements. Vivement qu'{ partir des Conventions sectorielles (Agenda 2000, les Conventions de l'OMC sur le commerce des animaux) qu'on parvienne à une législation internationale unique (comportant des barèmes), un peu comme la Convention de Bâle concernant les déchets dangereux.

CHAPITRE 2 :

LA MISE EN OEUVRE DE LA RÉPARATION DU DOMMAGE ENVIRONNEMENTAL CAUSÉ PAR LA POLLUTION PAR DES DÉCHETS INDUSTRIELS

138. L'instant fut solennelle en matière de réparation, lorsque le litige environnemental est réglé en justice, c'est quand la victime entend des juges énumérés les différents préjudices qu'elle a endurés qui seront réparés par le dommageur ou les sommes que celui-ci devra lui verser à titre de compensation pour les dommages non susceptibles de réparation en nature (Section 1). La phase de réparation in concreto qui parachève le long processus du contentieux environnemental est très attendue par toutes les parties directement touchées ou concernées, par leurs proches, mais aussi par les victimes collatérales, les «amoureux> de la nature et surtout par l'État, puissance publique et première garante de la sécurité publique et environnementale. Les déceptions sont souvent légion car comme on l'a déj{ dit, il y a tellement de victimes collatérales en matière d'environnementale qu'il est difficile de les contenter et de les satisfaire toutes. Pour les personnes pécuniairement désintéressées, mais intéressées par le sort de la nature elles sortent remonter des prétoires en se demandant quand va-t-on admettre les préjudices futurs ou simplement éventuels (Section 2)?

Section 1. Les modes de réparation

139. Suivant le type de dommage plusieurs modes de réparation sont possibles. Selon l'article 2-11 ces mesures de réparation, concernent «toute action ou combinaison d'action, y compris des mesures d'atténuation ou des mesures transitoires visant { restaurer, { réhabiliter ou remplacer les ressources naturelles endommagées ou les services détériorés ou à fournir une alternative équivalente à ces ressources ou services..». Dans la pratique cependant, la réparation va souvent au-delà du préjudice écologique ou environnemental considéré restrictivement.

I- LA RÉPARATION EN NATURE OU REMISE EN ÉTAT OU RESTAURATION A/ Définition

140. L'environnement en ce qu'il est un «patrimoine commun>69 ou collectif, sinon communautaire, n'a pas de prix. De ce fait, toute atteinte environnementale devrait en principe

69 Sur la notion d'environnement comme patrimoine commun, V. ATTARD (Jérôme), «Le fondement solidariste du concept ?environnement- patrimoine commun?, RJE 2/2003, (a), p. 161 à 175. Cet auteur a fait une pertinence analyse en se demandant, si c'est l'admission de l'environnement comme patrimoine commun ou collective qui permet de mieux le protéger en le mettant quant il est possible hors d'appropriation, si au contraire c'est la privatisation de l'environnement { travers la propriété privée des ressources qui permet de mieux le protéger? Il en conclut que chacun des deux postulats a ses avantages comme ses inconvénients, caricaturalement comme dans le capitalisme ou libéralisme et le socialisme ou collectivisme. Il reste { savoir si le concept de l'environnement permettra de créer cette troisième c'est { dire « le mariage entre la collectivisation et la privatisation de l'environnement~. Cette voie devra se faire par juxtaposition des deux théories, en tenant compte des spécificités des différentes composantes de la nature et

être réparée par nature, en rétablissant l'ordre écologique, la diversité biologique, ainsi que les écosystèmes préexistants. L'idéale de la réparation du dommage environnemental est donc la réparation intégrale qui permet de replacer la victime dans l'état où elle était avant la survenance du dommage. Autrement dit, la réparation devrait permettre { ladite victime d'être dans la situation antérieure aux dommages. Et l{, seule la réparation en nature, complétée, s'il y a lieu, par la compensation pour les préjudices immatériels peut rendre efficacement aux victimes ce qu'elles ont perdu et subi. La réparation en nature est également l'option proposée et consacrée par de nombreux traités et conventions internationales. En cas de pollution et de déversement de déchets dangereux à des endroits inappropriés, ce type de réparation devrait commencer par la dépollution du site. Cette dépollution doit se faire dans les conditions de sécurité maximales qui intègrent et la cessation du désastre écologique incriminé, mais elle devrait surtout se faire en préservant la sécurité et la santé des populations riveraines, celles des espèces végétales et animales, et enfin celles des ressources biotiques et abiotiques. L'on peut constater d'emblée que la réparation en nature est non seulement très onéreuse sur le plan financier mais encore qu'elle est techniquement et pratiquement difficiles sinon irréalisable dans la plupart des situations. Par exemple si une pollution industrielle entraine l'extermination d'espèce marine (type de poisson), l'on peut se demander comment rétablir correctement l'équilibre préexistant? Comment redonner vie à ces espèces?, où retrouver d'autres espèces semblables? Combien de temps pourrait durer une telle réparation? D'où les limites de la réparation en nature. En revanche , la destruction d'un bien marchand peut se remplacer en nature en se procurant exactement le même type de bien car souvent fabriqué en série.

141. L'article 2, 8° de la Convention de Lugano définit la remise en état comme étant «toute mesure raisonnable visant à réhabiliter ou à restaurer les composantes endommagées ou détruites de l'environnement>. Cette disposition avant-gardiste en préconisant d'une part, la rationalité, d'autre part, simplement la restauration des composantes détruites ou endommagés semble avoir anticipé sur les difficultés de la réparation intégrale en nature pour son coût notamment très exorbitant. A défaut, il est préconisé une compensation. La jurisprudence70 et le Législateur international furent pendant longtemps hostiles à une indemnisation trop large pour les mesures de restauration. Le Protocole révisant la Convention de Bruxelles sur la réparation des dommages de pollution pétrolière des mers précisait à son article 2 que «les indemnités versées au titre de l'altération de l'environnement autres que le manque { gagner dû { cette altération seront limités au coût des mesures raisonnables de remise en état qui ont été prise ou qui le seront ».

B/Les implications et limites de la réparation en natures 1°) Les implications

en éliminant autant que possible les impacts des croyances religieuses, des superstitions dans la gestion de l'environnement.

70 Dans le procès (Comm. Of Puerto Rico c/SS Zoe Colocotroni, cite par REMOND-GOUILLOUD, op. cit., p. 260, la juridiction américaine a décidé que «le montant du dommage accordé pour la restauration d'un espace naturel doit correspondre ?au coût raisonnable de sa restauration, sans dépense grossièrement disproportionnée».

142. Concrètement la réparation en nature signifie que le dommageur doit remettre l'environnement et l'écosystème qu'il a détruit dans l'état où ils se trouvaient avant la survenue du dommage. Ce qui signifie que pour chaque espèce d'animaux tués, le dommageur responsable devrait en rapporter de similaires autant en qualité qu'en quantité. C'est le même processus pour la destruction des paysages, des habitats, des plantes. Pour la destruction des ressources halieutiques, le dommageur doit en ce qui concerne les poissons qui ont péri procéder à un empoissonnement l'eau de la mer, du fleuve qui les abritait. S'agissant de la pollution enclenchée, les responsables et dommageurs dans le cas de la réparation en nature doivent dépollutionner l'atmosphère, les ressources hydriques, et veiller à la décontamination des sols et de toute la biodiversité touchée.

2°) Les limites

143. Ce sont autant de questions sur la réparation qui donnent lieu à des solutions mitigées. Mais dans la réalité, l'on remarque qu'il est pratiquement impossible dans beaucoup de situations de parvenir { remettre en état un écosystème détruit. Il en résulte que même si c'est le procédé idéal de protection de l'environnement la réparation intégrale en nature est compliquée à réaliser en pratique. Ce qui révèle les limites de la réparation en nature pourtant plus conforme aux principes gouvernant la protection de l'environnement.

II- LA RÉPARATION PAR ÉQUIVALENT: L'INDEMNISATION PÉCUNIAIR O L COMPENSATION

144. La réparation par équivalent traduit la situation où au lieu d'obliger le dommageur { restaurer les ressources environnementales endommagées ou détruites (eaux, air, animaux, végétaux), on le condamne à en payer la valeur aux victimes. C'est généralement le cas lorsque la réparation est demandée en justice par les associations de protection de la ressource environnementale endommagée (pêcheurs, naturalistes...).

A/ Les incertitudes de l'efficacité de l'indemnisation

1°) A propos des associations

145. Quelquefois, ces entités arguent le fait que dans la mesure où leurs activités consistent en la protection habituelle de la ressource en cause, pour réclamer la réparation en se proposant les sommes de l'indemnisation la restaurer au nom de la collectivité. Hors si certaines personnes morales privées sont crédibles, de plus en plus beaucoup se détournent de leurs missions. Comment savoir que telles ou telles associations qui a reçues une indemnisation pour la destruction par exemple d'une espèce de poissons (le thon rouge) procédera effectivement { l'empoissonnement des eaux? Comment va-t-elle le faire? Et combien de poissons seront finalement élevés (pisciculture) et reversées dans l'eau? Aucune garantie n'existe en la matière et c'est l{ une des failles du système. Ceci explique également qu'il y a des dangers { l'élargissement de la saisine des juridictions à certaines catégories de victimes.

2°) A propos des personnes physiques

146. La réparation civile des dommages environnementaux, autrement dit, l'indemnisation des atteintes environnementales a posé quelques difficultés. S'agissant des victimes personnes physiques le problème était plus simple. Il suffisait qu'il y ait eu une atteinte, que cette atteinte ait causé tels ou tels préjudices { la victime qu'elle soit en droit de réclamer réparation { hauteur de son préjudice. Comme, il s'agit l{ de préjudice personnel quantifiable, les juridictions se sont montré plus réceptives. Mais lorsqu'il s'est agi de préjudice écologique pur quand bien même la responsabilité du dommageur a été admise, la base d'indemnisation pour la destruction d'un arbre, la mort d'une espèce animale en dehors de barèmes a été admise avec difficultés. L'on peut alors remarquer que le quantum de l'indemnisation du préjudice écologique était insignifiant, bien souvent au franc ou { l'euro symbolique. Même quand les textes internationaux ne plafonnent pas le montant des indemnités, certains (Convention de Lugano, article 8) renvoient aux législations nationales ou leur laisse l'initiative du plafonnement.

B/ L'expérience américaine

147. Alors qu'en France, autrefois, la responsabilité des armateurs, auteurs de pollutions maritimes se fondait sur les règles de droit commun généralement (article 1382 et 1384, 1386), aux États-Unis, depuis les premières marées noires (Exxon-Valdez) des systèmes d'indemnisations volontaires appelés T.O.V.A.L.O.P. ou «Tankers Owners Voluntary Agreement concerning Liability for Oil Pollution>>71 ont été institués pour couvrir les dépenses engagées par les États pour lutter contre les marées et catastrophes écologiques sous-jacente. Mais la particularité de ce système d'indemnisation anglo-saxon est que le montant de l'indemnité est plafonné (10 millions de dollars dans le cas de la TOVALOP et 30 millions de dollars dans le cas du C.R.I.S.T.A.L. ou «Contract Regarding and Interim Supplement to Tankers liability for Oil Pollution>>. Si ces indemnisations versées par les navires et autres armateurs en cause présentaient une originalité du fait de leur caractère extrajudiciaire, volontaire et spontané, les montants plafonds apparaissaient insuffisants par rapports aux dégâts occasionnés par les pollutions marines par des hydrocarbures. C'est pour résoudre cette difficulté qu'{ été adopté la Convention internationale de Bruxelles du 29 novembre 1969 sur la «responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures>>. Selon Philippe DELEBECQUE72 par «dommage par pollution>>, il faut entendre, «le préjudice ou le dommage causé { l'extérieur du navire par une contamination survenue { la suite d'une fuite ou d'un rejet d'hydrocarbures du navire où que cette fuite ou ce rejet se produise>>. Mais «les indemnités versées au titres de l'altération de l'environnement autres que le manque à gagner dû à cette altération seront limitées au coût des mesures raisonnables de remise en état qui ont été effectivement prises ou qui le seront>>.

71 Pour plus de détails V. DELEBECQUE (Philippe), «Responsabilité et indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, JCP 2000, p. 125 et 126.

72 DELEBECQUE (Philippe), op. cit., p. 125.

148. Convient-il de souligner que ce ne sont pas les dommageurs, les particuliers, les industriels ou exploitants d'activité qui payent eux-mêmes les sommes d'indemnisation auxquelles ils ont été condamnées, mais ce sont les assurances qu'ils ont contractées volontairement ou par contrainte légale (lorsque la loi fait obligation de contracter l'assurance) qui le font { leur place. La loi fait habituellement obligation aux industriels73 et exploitants de contracter des assurances pour couvrir leurs responsabilités éventuelles.

Section 2. L'exécution des décisions de réparations des atteintes
environnementales

I- LES DÉBITEURS DE LA RÉPARATION

A/ Les débiteurs initiaux

1°) Les exploitants d'activités industrielles et les propriétaires

149. C'est l'exploitant de l'activité { l'origine du dommage qui doit non seulement être tenu pour responsable mais qui doit aussi supporter les coûts de la réparation. A ce titre, une fois le dommage survenu, l'exploitant doit informer sans délai l'autorité administrative compétente. Il doit en outre prendre les mesures idoines pour faire cesser le trouble en vue d'éviter, de limiter ou de prévenir d'autres dommages environnementaux et leurs incidences sur la santé humaine. Pour cela, doit-il éliminer, traiter, faire éliminer ou faire traiter immédiatement les substances ou produits contaminants { l'origine du dommage (article 6 de la Directive 2004/35). Si l'exploitant ne respecte pas ses obligations, l'État ou l'autorité administrative compétente peut l'y contraindre. L'exploitant doit également soumettre son plan de réparation { l'autorité publique qui doit apprécier et donner son avis après.

2°) Les tiers intervenants : l'État, les collectivités territoriales

150. L'État peut intervenir { double titre :soit comme «gérant d'affaires>> pour suppléer la carence totale de l'exploitant ou du propriétaire du site non identifié, jouer son rôle régalien lorsque la catastrophe est surdimensionnée, apporter la logistique complémentaire ou nécessaire à la limitation des risques; soit pour agir en amont lorsqu'il s'aperçoit de l'inefficacité de l'exploitant, des mesures qu'il a prises, de son manque de volonté { réparer promptement et rapidement le dommage qu'il a occasionné dont la réparation requiert pourtant la prise de mesures urgentes. Dans les catastrophes environnementales majeures, l'État a un rôle central { jouer en tant que garante de l'ordre public et de l'intégrité du territoire. C'est pourquoi, dès les premières heures d'une catastrophe écologique, l'État intervient généralement comme gérant d'affaires en mobilisant

73 Dans le cas de la France, c'est le groupe ASSURPOL qui offre les services spécialisés aux industriels et exploitants pour couvrir les risques de pollution. Ce type d'assurance supplée l'assurance responsabilité civile, mais ses primes sont élevées. Ce système d'assurance s'identifie au système de garantie financière prévu par le nouvel article 4-2 de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées. VINEY G., op. cit. , p. 45.

à la fois ses structures administratives compétentes avec toute la logistique nécessaire (avions, bateaux, matériels de décontaminations, navires-hôpitaux, structures vétérinaires) et le personnel qualifié (spécialistes en environnement, médecins, vétérinaires, biologistes, agents des eaux et forêts, agents de sécurité pour sécuriser les lieux...). C'est au dommageur d'endosser finalement les charges et dépenses assurées par l'État pendant la crise écologique. Dans la marée noire du Golfe du Mexique, les autorités américaines ont clairement exigés de BP la prise en charge de toutes les dépenses de secours et d'intervention des fonctionnaires comme des bénévoles. Les lois américaines sur les pollutions marines (OPA) fixent d'ailleurs le cadre de cette indemnisation à verser { l'État et l'ensemble de ses démembrements impliqués.

F/ Les débiteurs finaux 1°) Les sociétés d'assurances

151. En général, les particuliers et surtout les industriels contractent des assurances de responsabilité civile pour couvrir les éventuels dommages qu'il serait amenés { causés aux personnes et aux biens ou choses. Certaines atteintes { l'environnement étaient ainsi couvertes en droit commun par des assurances de responsabilité civile comme des atteintes aux biens publics ou privés. Mais la consécration du préjudice écologique pur avec la particularisation du traitement réservé au «res communes» ou biens collectifs non appropriés ainsi que les coûts exorbitants des indemnisations on peu à peu pousser les assureurs à aménager des assurances écologiques adaptés aux dommages environnementaux. Beaucoup de Sociétés d'assurance ({ l'image de l'ASSURPOL) se sont ainsi spécialisées dans la couverture des risques écologiques dus à la pollution par les déchets industriels et aux pollutions marines. Mais l{ aussi, dans de nombreux cas, c'est plusieurs assurances individuellement ou organisées en groupe avec option de réassurances qui couvrent souvent une activité industrielle donnée, ce qui leur permettant de partager plus facilement les risques. Ces contrats d'assurances écologiques contiennent aussi, non seulement de nombreuses clauses d'exonération (faute ou négligence de l'assuré, cas fortuits sociétés) mais surtout un plafonnement des indemnités suivant des critères prédéfinis. Pour les pollutions marines que ce soit la Convention de Bruxelles de 1969, la Convention Marpol, elle consacre un plafonnement de l'indemnisation. Le protocole de 1992 prévoyait un plafond de 550 millions de francs français (environ 838 410 euros) maximum.

2°) Les groupements professionnels et les fonds de garanties

152. Pour anticiper sur le futur et faire face ensemble aux responsabilités qui pourraient leur être imputé en cas d'atteinte { l'environnement, les exploitants d'activités dangereuses soumises ou non { autorisation ont commencé { mettre en place des fonds d'indemnisation. Les fonds de garanties n'excluent pas toutefois les assurances de responsabilités, bien au contraire, dans le meilleur des cas puisque ces assurances sont obligatoires, le fonds ne vient qu'à titre complémentaire lorsque le maximum des indemnités { payer par l'assureur en fonction des primes versées, ne suffit pas { couvrir la totalité du montant de l'indemnisation. Dans ce cas le fonds supporte ce surplus pour éviter un double-emploi, une double indemnisation. Cette solidarité entre exploitants sur une base généralement volontariste (par adhésion) vise en outre à contourner les

sociétés d'assurance, jugées { tort ou { raison, imprévisibles et rigides. Ces fonds de garanties qui sont des formes d'assurances-mutuelles entre membres d'un groupe professionnel sont de plus en plus, obligatoires pour certaines formes d'activités comme les exploitations d'hydrocarbures (industries, production, transporté...).

153. Aux États-Unis, les systèmes d'indemnisation existent depuis longtemps avec l'«Oil Pollution Act>', crée { la suite de la grande marée noire qu'avait connu ce pays (Exxon Valdez). Au plan international, la Convention de Bruxelles du 29 novembre 1969 a également mis en place un système de fonds de garantie similaire à celui des américains appelé «FIPOL>>74 ou Fonds International d'Indemnisation pour les dommages dus { la pollution par les hydrocarbures. Pour que le FIPOL se mette en place il faut que des demandes d'indemnisations soient formulées { l'encontre du propriétaire du navire en cause, de son assureur ou contre le fonds lui-même. La Directive 2004/35 a prévu un mécanisme de garantie financière digne d'intérêt. En effet, en application de l'article 13-1 de cette directive «les États membres prennent des mesures visant à encourager le développement, par les agents économiques et financiers appropriés, d'instruments et de marchés de garantie financière y compris des mécanismes financiers couvrant les cas d'insolvabilité, afin de permettre aux exploitants d'utiliser des instruments de garantie financière pour couvrir les responsabilités qui leur incombent en vertu de la présente directive>>.

154. Seules les questions liées aux conditions et modalités de renflouement des caisses alimentant le fonds soulèvent encore quelques interrogations. Faut-il opérer des cotisations ou au contraire instaurer des sortes de taxes (écotaxes) ou bien asseoir un système mixte? Quel montant fixé pour les cotisations ou les taxes? Les solutions sont multiples. Mais la Convention de 1992 prévoyait en son article 10 que les contributions au fonds sont calculées en fonction des quantités d'hydrocarbures effectivement reçues par l'importateur au cours de l'année civile en tenant compte des risques.

II- LE PROBLÈME DES PRÉJUDICES FUTURS

A/ Aspects juridiques 1°) Cas de préjudices différés

155. Au moment de la survenue d'un dommage environnemental, il peut arriver que certains préjudices ne soient pas décelés sur le champ, pas même avant plusieurs années. Que faut-il en faire? Les préjudices différés ou préjudices futurs soulèvent par conséquent des problèmes de preuves. La Directive 2004/35 prévoit par exemple qu'elle ne s'applique pas comme beaucoup d'autres lois, par rétroaction, aux dommages survenus avant son entrée en vigueur (article 18). Combien de temps cependant après la survenue du dommage principal pourrait-on accepter les

74 Ce fonds (FIPOL 1) a notamment permis l'indemnisation des victimes de la catastrophe de «Tanio { hauteur de 33 409 217 d'euros environ pour les dépenses de nettoyage, 370 326 d'euros environ pour les frais liés au tourisme, 7930 d'euros environ pour les frais liés { la pêche et 75 429 euros environ pour les autres préjudices. V. DELEBECQUE (Ph.), op. cit., p.127.

conséquences d'une pollution née d'un dommage collatéral? En droit commun de la responsabilité le préjudice futur est admis mais assortie de conditions. L'éventualité doit être très plausible, conçue à partir de faits connus.

2°) Le facteur temporel

156. De même, la Directive 2004/35 prévoit qu'elle ne s'applique pas aux dommages qui surviendraient plus de trente ans après son entrée en vigueur. Si cette prescription trentenaire est justifiée en droit commun de la réparation civile et appliquée avec succès aux dommages ordinaires, il reste qu'elle suscite des inquiétudes en matière environnementale. Car, certaines atteintes environnementales très graves mais suffisamment subtiles et sournoises risquent d'être découvertes longtemps après, simplement du fait que la logistique scientifique et les experts qualifiés ne sont pas encore à la portée de certains pays pauvres qui pourraient subir par négligence le déversement de déchets hautement toxiques mais autrement présentées par leurs producteurs de pays développés pourtant conscients des enjeux sanitaires. La prescription trentenaire s'avère donc courte parce que la détection de certaines pollutions et déchets dangereux requièrent une grande connaissance en biologie, chimie, microbiologie, chimie-nucléaire et autres sciences. Mais tout dépend de la manière d'interpréter la prescription. Si la computation des délais se fait comme en matière pénale { partir du jour où l'on est informé ou que l'on a découvert le phénomène incriminé et { même d'agir, dans ce cas l'application de la prescription serait plus équitable.

F/ Règlement du contentieux nés des préjudices futurs ou différés

1°) Qui doit supporter la réparation

157. Dans le dommage environnemental, ce sont les responsables dommageurs qui doivent supporter la totalité des conséquences pécuniaires nés de leurs fautes. Mais, alors que les juges ont conçu et peaufiné le concept du préjudice écologique plus favorable aux victimes, ils sont en revanche prudents pour l'admission des risques futurs ou simplement éventuels par ce que la base d'appréciation fait défaut. Faut-il accepter un préjudice qui peut survenir ou qui pourrait ne pas l'être ? Dans ces circonstances lorsqu'au moment du verdict un risque a été sous-estimé, mais survient après, c'est l'État qui va devoir supporter les effets de ce préjudices futurs où les victimes laissées { leur propre sort. Car si rien n'interdit aux victimes d'attraire les responsables de nouveau devant les tribunaux il risque de ce heurter { l'éternelle exigence de la justice : la production de la preuve.

2°) Le problème de la preuve

158. C'est certainement l'un des écueils du monde judiciaire, l'exigence de la preuve. Pour être indemnisé, la victime d'une pollution différée quelconque devra faire la preuve non seulement qu'elle a subi un dommage mais encore que ce préjudice n'avait pas été réparé ou indemnisé. C'est une question, de bonne foi quoiqu'elle soit laissée { l'appréciation du juge qui apprécie au cas par cas. Le préjudice éventuel ou futur n'a pas les faveurs des juridictions même dans dommage moins rigide comme l'environnement.

159. Selon une sagesse africaine «deux précautions valent mieux qu'une~. A supposé qu'il y ait encore quelques doutes sur la dégradation accrue de l'environnement et les graves dangers qui menacent l'humanité dans un futur proche si des actions concrètes ne sont pas menées aujourd'hui pour y faire face, cette alerte constitue moins un inconvénient qu'un atout supplémentaire pour persévérer dans le changement de comportement et mieux préserver l'environnement; car si à terme rien ne se produit, les inconvénients liées aux mauvaises prévisions n'auraient rien de comparables aux conséquences de la négligence qu'engendreraient ces catastrophes. Comme le dit Michel PRIEUR75, le principe de précaution est une «nouvelle forme de prévention imaginée pour protéger contre les risques encore inconnus ou incertains. (...) Autrement dit, face { l'incertitude ou { la controverse scientifique actuelle, il vaut mieux prendre des mesures de protection sévères à titre de précaution que de ne rien faire>>. Ce principe est consacré par le Traité d'Amsterdam (article 174-2), la Convention de Rio (principe 15), la Convention de Bamako sur l'interdiction d'importer en Afrique des déchets dangereux (article 3). Au demeurant, ces alertes répétées sur la mauvaise santé de l'environnement ne font que rappeler { chaque être humain que l'état de nature dont il croit s'en être évincé, l'interpelle constamment à la méditation sur ses réelles origines.

160. Les grandes catastrophes et accidents industrielles et nucléaires, ont fait prendre conscience à la communauté internationale des conséquences transfrontières de ces désastres d'envergure. Les États les plus nationalistes, se sont peu à peu rendu compte qu'en matière environnementale, les frontières nées de la balkanisation de la terre en continents et États ne sont que fictives car très fragiles. Le dommage environnemental montre également qu'aucun État, aucune personne ne peut mieux protéger sa personne, ses biens et les siens que si elle s'intéresse { son voisin, à son sort, et si elle collabore avec celui-ci pour le bien de l'humanité. A tout moment une catastrophe humaine perpétrée à des centaines, des milliers de kilomètres peut occasionner dans d'autres États riverains et même lointains, les mêmes dégâts humains et matériels que dans l'État générateur du dommage. Finalement l'on peut quelle que soit la manière dont elle est menée, la réparation environnementale ne peut être efficace et satisfaisante que si les dommageurs s'impliquent franchement dans la réparation de leurs erreurs et si les victimes de leur côté se préoccupent plus de la protection de l'environnement que par des billets de banques.

75 PRIEUR (Michel), Droit de l'environnement, D. 2004; cité par DUPUY (Pierre-Marie), «La responsabilité internationale en matière d'environnement, Cours n° 8, Master DICE, p. 3

CONCLUSION GÉNÉRALE

161. L'environnement, espace de vie humaine, animale et végétale, est un microcosme où se côtoient différentes espèces ayant des intérêts souvent opposés. Parmi toutes ces entités, force est de constater que les êtres humains sont les seuls à décider pour les autres espèces parce que dira-t-on, ils seraient les seuls capables de jugement car dotés de raison et d'intelligence. Paradoxalement, c'est encore l'homme qui est { l'origine directement ou indirectement de la plupart des graves atteintes { l'environnement. Il est aussi le premier à souffrir plus des dégâts environnementaux. Les grands progrès réalisés dans le domaine des sciences et des techniques, ont été le catalyseur d'une industrialisation sans limites (production d'armes, de produits chimiques, de produits manufacturées de consommation, développement des OGM, inventions d'engins de conquête de l'espace). Salutaires pour la plupart, ces actions et progrès qui ont permis { l'humanité d'avancer et de mieux comprendre son environnement n'en sont pas moins devenus des «monstres> froids pour l'homme et les autres espèces de vie. Car l'industrialisation a déclenché une surconsommation des biens et des produits. Une fois utilisés, les résidus de ces biens sont rejetés dans la nature sous forme de déchets qui génèrent de graves pollutions ayant des incidences négatives sur la santé humaine et la biodiversité. Or, contrairement à ce que pensent certains, les menaces environnementales ne sont pas une fiction.

162. En matière environnementale, parler de «réparation76>, c'est parler d'une situation difficile sinon déjà compromise. La plupart des atteintes environnementales quant elles ne sont pas irréversibles, ont des répercussions si désastreuses que leurs réparations nécessitent à la fois beaucoup de temps, beaucoup de moyens financiers et humains très qualifiés. Dans certaines situations, le mal écologique peut être si grave qu'aucune réparation véritable n'est possible. D'où l'importance de la prévention, placé aux antipodes de la protection de l'environnement. C'est pourquoi aussi «La meilleure politique de l'environnement consiste { éviter dès l'origine la création de pollutions ou de nuisances plutôt que de combattre ultérieurement leurs effets»77. La prévention, mesures de prudence et de réalisme doit donc demeurer la première balle qu'il faut privilégier dans la protection de l'environnement par rapport { toute idée de responsabilité et de réparation qui n'offrent aucune garantie a priori { la fois comme mesure de protection que comme mesure de dissuasion. Il est aussi vrai qu'il ne faut pas céder à la naïveté et espérer idéalement une sécurisation de l'environnement { partir des seules mesures préventives car les hommes guidés par leurs intérêts ont naturellement du mal à agir spontanément dans le bon sens et dans le respect des normes de la société. C'est dire donc que leurs déviances sont ainsi prévisibles. La réparation des conséquences des mauvaises actions individuelles et collectives sur l'environnement { travers les règles de responsabilité civile devient dès lors imparable.

163. En reconnaissant de façon autonome «le préjudice écologique pur», le «dommage environnemental» ou «préjudice environnemental» peu importe la terminologie, avec des modes de

76 La réparation est définie comme une remise en état d'un bien ou d'une chose qui a subi des changements plus ou moins notoires du fait de la survenue d'un dommage ou d'une altération.

77 Selon le 1er programme d'action des communautés européennes en matière d'environnement, JOCE, n° C 112 du 20 déc. 1973, p. 1.

réparation adaptée, le Législateur international et les différentes juridictions nationales et internationales, ont permis de franchir un pas important dans la protection de l'environnement et de ses ressources. La préférence de la désormais «responsabilité objective>> au détriment de celle subjective, la prise en compte du facteur ``risque?et de l' ?incertitude?et quelquefois de ?la perte de chance?dans l'enclenchement du processus de la responsabilité et de la réparation, la largesse accordée aux associations pour ester en justice dans la défense des intérêts collectifs, sont les leitmotivs de ce nouveau mouvement de reconnaissance du préjudice écologique.

164. Traité d'un sujet tel la «réparation internationale des dommages environnementaux dus { la pollution et aux déchets industriels>> n'a pas toujours été une tâche aisée car très vite des difficultés sont apparues. Des textes internationaux, très nombreux, très épars et souvent généraux, une jurisprudence internationale, en voie de construction et encore tatillonne, un sujet de recherche apparemment trop large à délimiter, un temps bref à la limite de travail insuffisant pour approfondir la recherche une documentation environnementale rarissime et indisponible au plan national sont autant d'écueils qu'il a fallu surmonter.

165. Pour délimiter le champ d'étude, il a fallu d'emblée, préciser les contours et le sens des notions telles les «déchets>> et «déchets dangereux>>, les «pollutions>>, l'«atteinte environnementale>>, le «dommage environnemental ou écologique>>. Une démarche synthétique basée sur la législation internationale et la jurisprudence internationale a permis d'élucider au mieux toutes ces expressions, a priori ou a contrario, en objectant de vider les controverses. La relation entre la pollution et les déchets a été établie comme une relation inclusive de cause à effet où, les déchets industriels sont considérés comme les conséquences directes ou indirectes des pollutions atmosphériques, hydriques, marines et des pollutions des sols. S'agissant, de la réparation des dommages environnementaux, il a fallu là-aussi, alors même que le droit civil et le droit pénal se chevauchent et que la tentation de basculer sur la voie pénale était latente, opérer un choix déterminant de n'aborder la question que sous l'angle essentiellement civil, jugé plus conforme au sujet d'étude.

166. La pluralité des normes et conventions internationales portant sur la pollution et les déchets ont quelquefois donné l'impression d'avancer sans jamais arriver, de n'avoir entre les mains qu'une seule source quand on pense en détenir plusieurs, la raison étant que les législations internationales sont systématiquement reprises par les législations régionales qui sont mimées à leur tour par les législations nationales. C'est notamment le cas entre la Convention de Bâle sur le «contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et leur élimination>> et la Convention de Bamako sur «l'interdiction d'importer en Afrique des déchets dangereux et sur le contrôle des mouvements transfrontières et la gestion des déchets dangereux produits en Afrique>>..

167. L'une des difficultés à consister dans le fond à identifier les préjudices réparables consécutivement à une atteinte environnementale, mais surtout à déterminer les techniques d'évaluation des préjudices environnementaux en l'absence de procédés universellement définis, de même qu'{ préciser les modes de réparation spécifiques { l'environnement, les quantum { allouer

en l'absence de barèmes et d'indicateurs quantitatifs univoques, en prenant en compte les divers situations d'exonérations. L'option d'analyse éclectique { ce niveau a pu donner des solutions satisfaisantes. Les préjudices réparables en cas de dommages { l'environnement se résument alors d'une part, aux lésions { l'environnement, au milieu naturel, et { la biodiversité en tant que «res communis>, et d'autre part, directement ou indirectement, aux dommages causés aux personnes incluant les préjudices physiques, moraux ainsi que les dommages aux biens appropriés.

168. La troisième difficulté a résidé certainement dans la complexification du dommage environnemental ainsi que les règles de réparation civile applicable; complexité bien illustrée par les balbutiements de la jurisprudence à asseoir des principes autonomes de réparation du dommage environnemental, dérogatoires du droit commun. La théorie semble donc loin de la pratique. La bataille juridique menée des mois durant par la Commune de Mesquer contre la Société Total Elf dans l'affaire Erika, aussi bien sur le plan civil et commercial, passant du Tribunal de Commerce de Saint-Nazaire jusqu'{ la Cour d'Appel que sur le plan pénal, par la saisine du juge d'instruction par plainte avec constitution de partie civile; procédure qui s'est poursuivie devant la Chambre de l'instruction et qui a connu son apothéose devant la Cour de cassation, en vue d'obtenir la condamnation civile et a fortiori pénale de cette Société à assumer les conséquences du déversement d'hydrocarbures (sources de marée noire et de pollution), est sur ce point riche d'enseignement sur le plan processuel et juridique.

169. Au plan processuel, c'est la complexité des procédures en l'occurrence le doubledegré de juridiction prorogeant les procédures et les délais de manière interminable, reproche généralement fait à la justice qui est { relever en l'espèce, car cette lenteur semble être aujourd'hui en déphasage avec les exigences de la protection de l'environnement où l'urgence est la mesure de l'action. Les atteintes environnementales ont besoin d'être réglées avec célérité pour éviter des conséquences plus grandes. Du reste, la rhétorique tend { procurer { l'heure actuelle dans certaines situations même dans le milieu judiciaire, plus de répulsion que d'émulation, rien { voir avec l'ère de l'éloquence et des formules que rappelle les plumes onctueuses et justes de PORTALIS, de TRONCHET, de DOMAT accouchant les prémisses Code civil de 1804 et tenant en veille des millions de juristes et d'admirateurs pendus à leurs discours.

170. Au plan juridique, le domaine de la protection de l'environnement est un domaine { controverse. Ne serait-ce qu'en s'appuyant sur la jurisprudence Erika et même si l'on peut louer, la perspicacité des juges qui ont tenté au mieux de préciser les contours de le responsabilité civile environnementale, sinon à dépeindre les limites des textes internes et internationaux jusque là applicables, l'on peut être un peu perplexe quant au futur de cette responsabilité environnementale parce qu'elle { encore du mal { s'évincer du droit commun de la responsabilité civil. La réplique des arrêts de la Cour de Justice des Communautés Européennes (dont l'arrêt Palin Granit Oy du 18 avril 2002 précité) prenant le contre-pied des juridictions françaises à la fois sur la notion obombrée de «déchets», de «faute», de «causalité» que sur les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité civile environnementale, est parlante et illustratrice des difficultés d'interprétation.

171. Finalement, doit-on se résigner à considérer le préjudice écologique comme un préjudice particulier ayant son régime à part ou simplement comme un préjudice de droit commun devant bénéficier seulement d'un traitement dérogatoire? L'on n'oserait pas entrer dans une polémique car la solution dépend de la manière d'appréhender l'atteinte environnementale et l'écologie. Il apparait en revanche que la science juridique ne doit pas se plaire de nouveautés lorsqu'il n' y a pas de nécessité et lorsque les règles existantes par leur flexibilité peuvent s'adapter à de nouvelles situations. Dans ce sens Cécile ROBIN78 précise que «la souplesse des systèmes jurisprudentiels de délimitation du dommage réparable permet de requérir, au moins pour partie, une indemnisation de ce ?nouveau? (préjudice écologique) dommage soit à la demande de la personne victime elle-même, soit par le biais d'associations..».

172. Cependant, l'on se doit de relever qu'il existe également, une certaine tendance { l' hyper-personnification et { la surprotection de l'environnement qui risque { la longue de fragiliser la sécurisation de l'environnement. «Trop de lois ne peuvent que tuer la loi». Avait-on besoin de créer une responsabilité civile environnementale (autonome) concurrente de la responsabilité civile, pour résoudre les problèmes de l'environnement quant on sait que techniquement, «le préjudice écologique», en lui-même, n'a de dissemblances avec la gamme de responsabilités civiles en l'occurrence celle des choses qu'en certains points? Les juristes contemporains qui ont un goût prononcé à la nouveauté ne sont-ils ?complices? d'un législateur international trop généreux79?

173. PORTALIS (Etienne-Jean-Marie) avait attiré l'attention que «les lois ne sont pas de purs actes de puissance; ce sont des actes de sagesse, de justice et de raison. Le législateur exerce moins une autorité qu'un sacerdoce. Il ne doit perdre de vue que les lois sont faites pour les hommes et non les hommes pour les lois (...); qu'il faut être sobre de nouveautés en matière de législation, parce que s'il est possible, dans une situation nouvelle, de calculer les avantages que la théorie nous offre, il l'est pas de connaître tous les inconvénients que la pratique seule peut découvrir; qu'il faut laisser le bien, si on est en doute du mieux; qu'en corrigeant un abus, il faut encore voir les dangers de la correction même (...)»80. François Guy TREBULLE81 abonde dans le même sens, à propos des les dérives il dénonce qu' «il existe un danger dont il ne faut pas minimiser l'importance; devant les limites inhérentes aux mécanismes de la responsabilité civile certains ont la tentation de les répudier en matière environnementale, comme d'autres, et parfois les mêmes (...). Il y a une tentation compréhensible, et une véritable erreur de perspective. Le droit de la responsabilité civile n'a pas fini de répondre aux enjeux environnementaux qui sont de son ressort; et s'il est des questions qu'il ne parvient pas à résoudre de façon satisfaisante, probablement faut-il envisager de développer de nouvelles réponses, non pas { la place, mais { côté de celles déj{ mises en oeuvre. Il est essentiel, en la matière, de donner raison à la tradition, cette tradition qui est mouvement perpétuel, mais

78 ROBIN C., op. cit., p. 41.

79 Plus de 600 conventions internationales sont en vigueur { ce jour, rien que pour l'environnement.

80 PORTALIS (Jean-Etienne-Marie), Discours préliminaire du premier projet du code civil de 1804, 1803, 50 p.(version police 13, interligne 1,5), source internet, p. 3.

81 TREBULLE (F.G.), op. cit, p. 3

mouvement lent, raisonné et serein, plutôt que de céder aux mirages tumultueux d'une prétendue modernité dépassée aussitôt que formulée».

174. Au demeurant, convient-il de contenir les peurs et de les convertir en actions positives et concrètes. Les réflexions sur la sauvegarde et protection de l'environnement doivent se poursuivre et même davantage, mais dans un cadre de collaboration internationale, de vision partagée mais surtout d'uniformisation des lois et des procédures.

BEBIEGRAPHIE A/ Ouvrages

BATTIFOL (Henri) et LAGARDE (Paul), Traité de droit international privé, t.1, 8 éd., L.G.D.J., Paris, 1993

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TABLE DE LÉGISLATION

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Convention de Bamako du 30 janvier 1991 sur l'interdiction d'importer en Afrique des déchets dangereux et sur le contrôle des mouvements transfrontières et la gestion des déchets dangereux produits en Afrique.

Convention de Lugano (ou Convention du conseil de l'Europe) du 8 mars 1993 relative à la responsabilité des dommages résultant d'activités dangereuses pour l'environnement.

Directive 2004/35/CE du Parlement européen et du conseil du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la répression des dommages environnementaux, JOUE n° L 143/56 à 75 du 30 avril 2004, 19 p.

Directive 2005/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la pollution causée par les navires et{ l'introduction de sanctions en cas d'infractions, JOUE, L n° 255/11 à 255/21 du 30 septembre 2005, 10 p.

Directive n°2008/68/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 septembre 2008 relative au transport intérieur des marchandises dangereuses, JOUE, L n° 260/13 à 260/59 du 30 septembre 2008, 47 p.

Directive n°2006/66/CE du 6 septembre 2006 relative aux piles et accumulateurs ainsi qu'aux déchets de piles et accumulateurs et abrogeant la Directive 91/157/CEE, JOUE, L n° 266/1 à 14 du 26 septembre 2006, 14 p.

Directive 1993/31/CE du Conseil de l'Europe du 26 avril 1999 concernant la mise en décharge des déchets, JOCE, L n° 182/1 à 182/19 du 16 juillet 1999, 19 p.

Directive 2000/76/CE du Parlement européen et du Conseil de l'Europe du 4 décembre portant sur l'incinération des déchets, JOCE, L. 182/1 { 182/19 du 28 décembre 2000, L 332/91 à 332/111, 20 p. Directive 2008/34/CE du Parlement européen du 11 mars 2008 modifiant la Directive 2002/96/CE

relative aux déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE), en ce qui concerne les compétences d'exécution conférées à la commission, JOUE, L n°81/65 et 81/66, 2 p. du 20 mars 2008.

Directive 2002/96/CE du Parlement européen et du Conseil de l'Europe du 27 janvier 2003 relative aux déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE), JOUE, L n° 37/24 { 38 du 13 février 2003. NB : source des Directives, www.actu-environnement

TABLE DE JURISPRUDENCE

CJCE, 15 juin 2000, Aff. ARCO Chemie Nederland Ltd, C-418 et 419/97, Europe, août-septembre 2000,

n°273, obs. F. Kauf-Gazin

C.A d'Angers, 4 janvier 1984, Aff. Boudhours

CJCE, 18 déc. 1997, Aff. C-126/96, Inter-Environnement Wallonie

CJCE 18 avril 2002, C-9/00, Aff. Palin Granit Oy

Tribunal de Commerce de Saint-Nazaire, 6 déc. 2000, Aff. Erika

Tribunal de Chicago, 16 mars 1978, Aff. Amoco-Cadiz

Commonwealth, 12 août 1980 , Aff. Zoé COLOCOTRONI

Cass. civ.2è, 26 septembre 2002,

TGI de Paris, 16 janvier 2008

Cass. civ. 3, 30 juin1998, intrafor c/Chaudouet, arrêt n° 1121, p. 96, Bull. civ. III, n° 144 Civ.2, 5 octobre 2006, n°05-17602

Cass. civ. 1 ère, 15 mai 2001, Aff. Divanac'h c/Rannou, arrêt 770, D. 2001.

TGI de Narbone, octobre 2007

TGI de Bastia, 1985, affaire Montedison,

CE, 12 juillet 1969, Ville de Saint Quentin;

CE, 26 octobre 1984, Fédération des associations de pêcheurs

Civ., 1ère, 9 juin 1993, J.C.P., éd. G. II 22202, note Geneviève VINEY

C.A de Ouagadougou, 21 février 1992, R.B.D., n° 27- Janvier 1995, p. 99.

Justice allemande, 10 décembre 1987, Aff. Umvelt und planlingsrecht 1988/3, 96

Cass. civ, 1ère, 13 janvier 2004 aff. M.A (exploitant) C/un groupe de propriétaires voisins RDI 2005, p. 40 Cass. civ. 3, 30 juin1998, intrafor c/Chaudouet, arrêt n° 1121, p. 96, Bull. civ. III, n° 144

Cass. civ., 27 nov. 1844

TABLE DES MATIÈRES

DEDICACE 4

REMERCIEMENTS 5

LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS ET SIGLES 6

INTRODUCTION GENERALE 8

TITRE 1 : LES CONDITIONS D'OUVERTURE DE LA REPARATION DU DOMMAGE ENVIRONNEMENTAL CAUSE PAR LA POLLUTION PAR DES DECHETS INDUSTRIELS 12

CHAPITRE 1.LES DOMMAGES À L'ENVIRONNEMENT : LE CAS DE LA POLLUTION PAR DES DECHETS INDUSTRIELS

14

SECTION 1. LES NOTIONS DE DECHETS ET DE POLLUTIONS 15

I- LES DECHETS 15

A/ DEFINITION 15

1) UNE NOTION CONTROVERSEE 15

2°) A LA RECHERCHE DE CRITÈRES D'IDENTIFICATION 17

B/ UN CONTENU IMPRECIS 18

1 °) UNE ENUMERATION NON EXHAUSTIVE DES DECHETS DANGEREUX 19

2°) L'AVÈNEMENT DE NOUVEAUX TYPES DE DECHETS ET IMPLICATIONS 19

II- LES POLLUTIONS 21

A/ DEFINITION 21

1°) LES DIFFICULTES ET CONTROVERSES 21

2°) LES DIFFERENTES APPROCHES 22

B/ LES DIFFERENTS TYPES DE POLLUTIONS ET LEURS CARACTERISTIQUES 23

1°) S'AGISSANT DES POLLUTIONS MARINES 23

2°) CONCERNANT LA POLLUTION ATMOSPHERIQUE, 24

3°) QUANT À LA POLLUTION HYDRIQUE 25

SECTION 2. LE REGIME JURIDIQUE DES DECHETS ET DES POLLUTIONS INDUSTRIELS 26

I- LA REGLEMENTATION INTERNATIONALE DES DECHETS ET POLLUTIONS 26

A/ EN DROIT INTERNATIONAL DE L'ENVIRONNEMENT 26

1°) LES CONVENTIONS INTERNATIONALES À PROPOS DES DECHETS ET POLLUTIONS: LE CAS DE LA CONVENTION DE BÂLE 26

2°) LES CONVENTIONS REGIONALES (AFRICAINES ET EUROPEENNES) TRAITANT DES DECHETS ET LES POLLUTIONS INDUSTRIELS 27

B/ EN DROIT COMPARE 28

1°) LE CAS FRANÇAIS 28

2°) LES CAS SENEGALAIS, TUNISIENS ET BURKINABE 28

II- LE TRAITEMENT INTERNATIONAL DES DECHETS ET DES POLLUTIONS 29

A/ LE TRAITEMENT DES DECHETS 29

1°) LE TRANSPORT DES DECHETS 29

2°) L'INCINERATION ET L'ENFOUISSEMENT DES DECHETS 31

B/ L'ELIMINATION DES POLLUTIONS 31

1°) LES MESURES DE DEPOLLUTION 32

2°) LES DECONTAMINATIONS 32

CHAPITRE 2 : LA DETERMINATION DE LA RESPONSABILITE ENVIRONNEMENTALE DU FAIT DE LA POLLUTION PAR
DES DECHETS INDUSTRIELS 33

SECTION 1. LE CADRE GENERAL DE LA RESPONSABILITE CIVILE ENVIRONNEMENTALE AU PLAN INTERNATIONAL 34

I- L'INADAPTATION DES RÈGLES DE LA RESPONSABILITE CIVILE CLASSIQUE DANS LE TRAITEMENT DU DOMMAGE ENVIRONNEMENTAL 34

A/ RAPPEL DES ELEMENTS CONSTITUTIFS DE LA RESPONSABILITE CIVILE CLASSIQUE 35

1°) LA TRIPTYQUE D'ELEMENTS CONSTITUTIFS 35

2°) LES ELEMENTS DE DISSOCIATION DU DOMMAGE CIVIL ET DU DOMMAGE ENVIRONNEMENTAL 35

B/ LES JURIDICTIONS INTERNATIONALEMENT COMPETENTES ET LE DROIT APPLICABLE 36

1°) LES PERSONNES RESPONSABLES ET VICTIMES 36

2°) LA DÉSIGNATION DES JURIDICTIONS COMPÉTENTES ET LE DROIT APPLICABLE 38

II- LA CONSECRATION D'UNE RESPONSABILITE CIVILE ENVIRONNEMENTALE SUI GENERIS 39

A/ LA SPECIFICITE DU PREJUDICE ECOLOGIQUE PUR 39

1°) EXPLICATIONS 39

2°) LE CHAMP D'APPLICATION 40

B/ LES FONDEMENTS DE L'AUTONOMISATION DU PREJUDICE ENVIRONNEMENTAL 40

1) LES FONDEMENTS TEXTUELS ET JURISPRUDENTIELS 40

2) LES CONSIDERATIONS HISTORIQUES ET POLITIQUES 41

SECTION 2. LES CONDITIONS D'IMPUTATION DE LA RESPONSABILITE ENVIRONNEMENTALE 42

I- LES CRITÈRES D'IMPUTABILITÉ 42

A/ VERS UNE RESPONSABILITE PLUS OBJECTIVE OU SANS FAUTE 42

1°) L'EXIGENCE D'UNE ATTEINTE À L'ENVIRONNEMENT 42

2°) L'ADMISSION DU PREJUDICE PERSONNEL RESULTANT DES NUISANCES NEES DE L'ATTEINTE ENVIRONNEMENTALE 43

B/L'ELARGISSEMENT DU CHAMP DE LA RESPONSABILITE CIVILE EN DROIT INTERNATIONAL DE L'ENVIRONNEMENT 44

1°) CONCERNANT LES VICTIMES 44

2°) LA FACILITATION DE L'ACCÈS À LA JUSTICE 44

II- LES CAUSES D'EXEMPTION OU D'EXONÉRATION DE LA RESPONSABILITE EN CAS DE DOMMAGE DÛ À LA POLLUTION ET/OU AUX DECHETS INDUSTRIELS 45

A/ LES CAUSES TRADITIONNELLES 45

1°) LES CAS FORTUITS : POLLUTION DIFFUSE ET GENERALISEE, CATASTROPHES NATURELLES 45

2°) EXCLUSION DES PREJUDICES EVENTUELS ET INCERTAINS 46

B/ LES CAUSES D'EXONERATION SPECIFIQUES AU DOMMAGE ENVIRONNEMENTAL 46

1°) LES CAUSES INTERNES OU NATIONALES D'EXONERATION 46

2°) LA PRISE EN COMPTE DE LA GRAVITE DE L'ATTEINTE 47

TITRE 2 : LES MODALITES DE LA REPARATION DU DOMMAGE ENVIRONNEMENTAL CAUSE PAR LA POLLUTION PAR DES DECHETS INDUSTRIELS 49
CHAPITRE 1. L'ÉVALUATION DU DOMMAGE ENVIRONNEMENTAL CAUSE PAR LA POLLUTION PAR DES DECHETS

INDUSTRIELS 51

SECTION 1. LES PREJUDICES REPARABLES 51

I- LES PREJUDICES CAUSES À L'ENVIRONNEMENT 52

A/LES PREJUDICES CAUSES AUX RESSOURCES NATURELLES ET À LA FAUNE 52

1°) L'IMPACT DE LA DIRECTIVE EUROPEENNE 2004/35 DANS LA REPARATION DU PREJUDICE ECOLOGIQUE 52

2°) L'ORIGINALITE DU SYSTÈME AMERICAIN DE REPARATION DU PREJUDICE ECOLOGIQUE 53

B/LES PREJUDICES LIES AUX PERSONNES ET AUX BIENS 54

1°) LES ATTEINTES AUX PERSONNES 54

2°) LES DOMMAGES AUX BIENS 55

II- LES NUISANCES À L'ENVIRONNEMENT 55

A/ LES TROUBLES DE VOISINAGE 55

1°) L'EXTENSION DE LA NOTION DE VOISINAGE EN DROIT INTERNATIONAL DE L'ENVIRONNEMENT 55

2°) LES SANCTIONS 56

B/ LES NUISANCES SONORES 56

1°) LES BRUITS QUALIFIES DE POLLUTIONS 56

2°) LES PREJUDICES EXTRAPATRIMONIAUX 57

SECTION 2. LES SYSTÈMES D'EVALUATION DES DOMMAGES ET PREJUDICES DANS LE CAS DE DECHETS OU DE POLLUTION 58

I- LES MOYENS D'ÉVALUATION 58

A/ L'INEXISTENCE DE SCIENCES ET DE TECHNIQUES AUTONOMES D'EVALUATION DES DOMMAGES ENVIRONNEMENTAUX 58

1°) LA JEUNESSE DE LA SCIENCE ENVIRONNEMENTALE 58

2°) LA COMPLEXITE DU DOMMAGE ENVIRONNEMENTAL 59

B/ L'EMERGENCE DE TECHNIQUES D'EVALUATION DE DOMMAGES EN DROIT INTERNATIONAL DE L'ENVIRONNEMENT 59

1°) L'EXPERTISE ENVIRONNEMENTALE 59

2°) L'AUDIT ENVIRONNEMENTAL ET LES ETUDES DE DANGERS ET D'IMPACTS 60

II- LES OPERATIONS D'ÉVALUATION 62

A/LES ESTIMATIONS 62

1°) LES DIFFICULTES D'ESTIMATION DES COMPOSANTES DE LA BIODIVERSITE 62

2°) LA NECESSITE D'UNIFORMISATION DES PRATIQUES D'ESTIMATION 62

B/LA QUANTIFICATION ET LES BARÈMES 63

1°) LES ELEMENTS QUANTIFIABLES 63

2°) L'IMPORTANCE DE LA QUANTIFICATION 64

CHAPITRE 2 : LA MISE EN OEUVRE DE LA REPARATION DU DOMMAGE ENVIRONNEMENTAL CAUSE PAR LA POLLUTION PAR DES DECHETS INDUSTRIELS 65

SECTION 1. LES MODES DE REPARATION 65

I- LA REPARATION EN NATURE OU REMISE EN ETAT OU RESTAURATION 65

A/ DEFINITION 65

B/LES IMPLICATIONS ET LIMITES DE LA REPARATION EN NATURES 66

1°) LES IMPLICATIONS 66

2°) LES LIMITES 67

II- LA REPARATION PAR EQUIVALENT: L'INDEMNISATION PECUNIAIRE OU LA COMPENSATION 67

A/ LES INCERTITUDES DE L'EFFICACITE DE L'INDEMNISATION 67

1°) A PROPOS DES ASSOCIATIONS 67

2°) A PROPOS DES PERSONNES PHYSIQUES 68

B/ L'EXPERIENCE AMERICAINE 68

SECTION 2. L'EXECUTION DES DECISIONS DE REPARATIONS DES ATTEINTES ENVIRONNEMENTALES 69

I- LES DEBITEURS DE LA REPARATION 69

A/ LES DEBITEURS INITIAUX 69

1°) LES EXPLOITANTS D'ACTIVITES INDUSTRIELLES ET LES PROPRIETAIRES 69

2°) LES TIERS INTERVENANTS : L'ÉTAT, LES COLLECTIVITES TERRITORIALES 69

B/ LES DEBITEURS FINAUX 70

1°) LES SOCIETES D'ASSURANCES 70

2°) LES GROUPEMENTS PROFESSIONNELS ET LES FONDS DE GARANTIES 70

II- LE PROBLÈME DES PREJUDICES FUTURS 71

A/ ASPECTS JURIDIQUES 71

1°) CAS DE PREJUDICES DIFFERES 71

2°) LE FACTEUR TEMPOREL 72

B/ RÈGLEMENT DU CONTENTIEUX NES DES PREJUDICES FUTURS OU DIFFERES 72

1°) QUI DOIT SUPPORTER LA REPARATION 72

2°) LE PROBLÈME DE LA PREUVE 72

CONCLUSION GENERALE 74

BIBLIOGRAPHIE 79

TABLE DE LEGISLATION 82

TABLE DE JURISPRUDENCE 83

TABLE DES MATIÈRES 84






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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams