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Evolution et incidences de la Technologie sur les pratiques de communication en France des années 1960 à nos jours

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par Quinchy RIYA
Université Paris-Est Marne-La-Vallée - M1 2011
  

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1 C) Le marketing politique : Maîtrise de l'image, personnalisation du discours et séduction de l'opinion.

Le marketing politique fonctionne sur un principe relativement simpliste qui consiste à déterminer les attentes des électeurs ou d'un groupe d'électeurs par le moyen de sondages ou de groupe de réflexions composés de panels d'électeurs cibles, pour ensuite construire une politique qui correspondra à aux attentes de ceux-ci et incitera au vote71(*). Dans un tel système, les personnalités politiques ne sont donc plus seulement élues pour leurs idées mais tout autant pour ce qu'ils représentent. Les personnalités politiques s'inscrivent dans une stratégie politique. Le marketing politique s'appuie sur des études pour créer la campagne électorale la plus en adéquation avec les études menées72(*).

L'émergence du marketing politique en France se fait en parallèle du développement de la télévision, et de la construction de l'appareil médiatique. Celui-ci s'effectue sous la conduite des publicitaires qui accompagnent les hommes politiques dans les évolutions qui se mettent en place et proposent la mise en place de « plans média » afin de rallier l'opinion à une image qu'on identifie par la suite à un projet politique73(*).

En effet, les publicitaires, professionnels dans la maîtrise de l'image et du discours, rejoignent les personnalités politiques à cause du poids important de la télévision dans le schéma de la communication politique74(*). Le rôle des publicitaires est tout simplement essentiel puisqu'ils se chargent de réfléchir sur les formes de communication à adopter. Les politiques, eux, s'occupent de fédérer en fonction des conseils qu'ils reçoivent. Autrement dit, le rôle des publicitaires est de conseiller, de proposer la meilleure façon d'interagir avec l'opinion, ils préparent le terrain en imposant les sondages comme baromètre afin d'indiquer la feuille de route aux politiques75(*). La multiplication des émissions politiques télévisuelles, la retransmission des discours officiels constitue autant un terrain fertile pour séduire l'opinion qu'une contrainte parce que cela oblige les politiques à devoir maîtriser le nouvel outil pour en tirer le meilleur parti76(*).

Ce qui s'institutionnalise, c'est la prise de conscience que l'image joue un rôle décisif sur l'opinion et qu'il faut la maîtriser. Dans le même temps, cette évolution généralise le basculement vers une personnalisation du discours. Les deux transformations sont décisives dans le schéma de la communication politique puisqu'elles conditionnent tout et c'est autour de ces deux éléments que se fige l'ensemble du schéma.

Pour bien comprendre les évolutions de la production du discours politique, il est nécessaire de préciser que celui-ci, n'est pas unique. Il en existe plusieurs variétés et varie en fonction des conditions. En effet, la variété des formes du discours montre qu'il existe, de fait, plusieurs façons de faire de la politique et de s'exprimer en politique. Ainsi, Robert Hariman distingue quatre styles, avec chacun des caractéristiques propres à chacun : il distingue le style réaliste, le style courtois, le style bureaucratique et le style républicain77(*). Le style réaliste est celui qui s'est imposé et qui prédomine encore très largement. Son importance est décisive sur l'image, ce style s'attache à mettre l'idéologie au second plan et valorise le discours comme pragmatique et ancré dans le réel.

Pour illustrer l'importance exacerbée de l'image et de la production du discours en politique utilisons un exemple. La campagne électorale de Valéry Giscard d'Estaing de 1974, marque un tournant important parce V.G.E est véritablement le première homme politique à utiliser les médias pour théâtraliser son action politique. En effet, lors de la campagne électorale de 1974, la télévision est un objet banal dans les foyers français et l'importance de l'outil dans la communication politique n'est plus à démontrer dans la mesure où la télévision devient le premier moyen d'information des Français78(*). Pour autant, à partir de cette élection, ce qui change véritablement c'est que la forme devient tout aussi importante que le fond pour l'opinion publique. Le candidat de la droite, parvient lors de cette campagne à imposer l'image d'un candidat moderne et proche des gens, loin de celle d'un bureaucrate éloigné des préoccupations du peuple. Lors de cette élection, un élément a très largement contribué à faire de V.G.E, un personnage médiatique79(*). Cet élément c'est le débat télévisuel qui l'oppose à François Mitterrand, un débat intense, dans lequel très clairement, V. Giscard d'Estaing a su imposer son rythme et son image. A la toute fin de l'émission, il rétorque au candidat socialiste, qui restera dans les mémoires : «  Vous n'avez pas le monopole du coeur »80(*). Cette émission montre deux choses importantes. La première, c'est que la forme du discours joue un rôle au moins aussi important que son contenu. La seconde c'est que lors de ce débat, le candidat de la droite a clairement remporté la bataille de l'image.

L'apparence médiatique est désormais privilégiée et un enjeu considérable. Cela se vérifie

dès le lendemain dans les sondages81(*). Une fois élu, Valéry Giscard d' Estaing poursuit dans la même direction et utilise dans une très large mesure la télévision comme mode de « promotion », il participe notamment à un nombre important d'émissions où il est régulièrement invité. La maîtrise de l'image est donc devenue essentielle si bien que les sondages interrogent désormais sur l'impression que laissent les candidats après un passage télévisuel et beaucoup moins sur les idées qu'ils peuvent formuler. Le marketing politique, en tout cas tel qu'il évolue au cours des années 1970, attribue donc une place centrale à l'image mais attribue également une nouvelle place au discours, moins importante. Les années 1970-1980, finissent de faire de personnalisation un modèle de communication. L'image tout comme la production du politique se simplifie et se banalise. Il y a donc une mutation simultanée de l'image et du discours, mutation qui fixe le schéma actuel de la communication politique.

Concrètement, on bascule dans une société où les personnalités politiques utilisent davantage le «  Je » pour exprimer des idées, plutôt que le « Nous ».82(*) Pour illustrer ce propos, on peut prendre en exemple un très grand nombre d'émissions auxquelles Valéry Giscard d'Estaing participe à partir de 1977, au cours desquelles sa parole devient de plus en plus personnelle. Par exemple, dans le magazine « L'Evénement » de la chaîne TF1, datant du mois de Janvier 1977, on le voit commenter personnellement des séquences liées à la condition féminine. Il participe également en Janvier 1977 à une émission spéciale « Des Dossiers de l'écran » où il répond à un panel de 60 Français. Lors de cette émission, les 60 Français sont répartis en 12 tables, Valéry Giscard d'Estaing se rend vers eux, l'un après l'autre, leur répondant directement en face à face83(*). Cette dernière émission illustre parfaitement à quel point le jeu de l'image et du discours sont liés et comment on à partir des années 1970, la structure audiovisuelle fait de la politique, une sorte de « politique-spectacle ». Une nouvelle façon de faire de la politique, naît entre autres, de l'influence du marketing sur les formes de la médiation.

Prenons un autre exemple. Regardons un extrait de l'émission de la campagne électorale du premier tour de l'élection présidentielle de 1974, Valéry Giscard-d'Estaing participe le 22 Avril à la traditionnelle émission télévisuelle dans laquelle, regard face caméra, seul et sans journaliste il s'adresse directement aux Français84(*). Au cours de sa prestation, le candidat s'exprime exclusivement en ayant recours à l'emploi du « je ». Le candidat présente aux téléspectateurs sa vie personnelle, l'endroit où il a grandit, son parcours, s'épanche même sur son éducation, sa formation et son activité gouvernementale. Pendant cette émission, Valéry Giscard-d'Estaing parle de lui, comme il le ferait face à des amis et présente l'image d'un homme simple, travailleur et volontaire. Ce type d'émissions est très intéressant à analyser dans la mesure où on voit que Valéry Giscard-d'Estaing s'inscrit dans une tradition médiatique normée et théâtralisée mais qu'il impose dans le même temps un style personnel85(*). On voit également, à travers cette émission théâtralisée, que la maîtrise de l'image et du discours est au centre du dispositif et que, les évolutions provoquées par le marketing politique sur l'image et la personnalisation du discours, sont très visibles au cours de cette prestation télévisuelle.

Enfin, utilisons un dernier exemple, plus récent cette fois-ci, pour montrer l'évolution de l'importance du marketing politique en France au cours des années 1960-1990. Regardons la campagne électorale de 1995, qui constitue à cet égard un bel exemple dans la mesure où le schéma traditionnel de la communication politique est déjà bien ancré. Au cours du premier tour de cette campagne électorale, comme lors de précédentes élections de la Ve République, le candidat J. Chirac n'hésite pas à se déplacer très régulièrement sur le terrain, accompagné des caméras de télévisions. Il multiplie les meetings où il se met en scène, il use d'un discours volontaire et très médiatique, dans lequel le sens de la formule a son importance. Cette démarche, très médiatique dans l'esprit, fonctionne puisque les médias se focalisent sur sa personne et en résulte une montée croissante de sa popularité dans les baromètres d'opinions86(*). On le voit à travers cet exemple, l'importance du marketing dans la sphère politique en France est devenue un enjeu considérable. Ainsi, le poids qu'il occupe pose aussi un certain nombre de problèmes, tout autant que les sondages.

On a vu que le schéma traditionnel de la communication politique s'est très largement construit au cours de la seconde moitié du XXème siècle et autour de l'outil audiovisuel, a permis un certain nombre de mutations importantes. En effet, le poids grandissant qu'occupe la télévision dans la vie politique française additionné au fait, qu'à partir de 1958, on assiste à un basculement dans d'un nouveau régime politique, pousse les hommes politiques à modifier les façons d'interagir avec l'opinion. La prise de conscience de l'existence d'une opinion publique qui compte, conditionne aussi d'une certaine façon cette nouvelle façon de communiquer. Il faut donc désormais s'appuyer sur de nouveaux outils, dont le sondage ou le marketing politique, fait de cette opinion publique, un acteur central du processus. L'émergence du sondage et l'importance qu'il occupe dans la société souligne l'idée d'une réelle préoccupation de la perception de cette opinion.

Le marketing politique, qui émerge parallèlement à la télévision, joue également un rôle important dans toutes ces évolutions. Le marketing politique s'installe puis s'institutionnalise progressivement puis contribue à l'organisation du schéma, qui se construit autour de l'appareil audiovisuel au cours des décennies 1960-1900.

Bien avant l'arrivée du web à la fin du XXème siècle, la sphère politique réfléchi à changer sa façon de communiquer avec l'opinion, l'arrivée de l'Internet, d'abord comme un nouvel instrument d'information puis de communication entre les hommes marque une étape importante et ne fait que confirmer cette tendance.

*

* 71 Sur le sujet voir l'ouvrage et l'article de : ALBOUY SERGE, Marketing et communication politique, Paris, Ed. L'Harmattan, Logiques sociales, 1994, 340pp ; BOBIN J-P, Le marketing politique : vendre l'homme et l'idée, Milan, 104 pp. ; Source : Définition empruntée au site web, www.terrepolitique.com.

* 72 Le marketing traditionnel (comprendre ici, commercial en terme de vente de produits) s'appuie sur des études de marché afin de déterminer au mieux les attentes des consommateurs. Le marketing politique s'appuie sur les sondages pour déterminer au mieux les attentes des électeurs.

* 73 Un « plan-média » : C'est une stratégie qui met au centre la télévision, dans une moindre mesure la radio, où le ton adopté est plutôt léger et où on aborde la vie privée d'une personnalité politique dans le but de l'humaniser afin de créer une forme de proximité avec l'électorat.

* 74 Les publicitaires les plus connus des années 1960-1980 sont J.Séguéla, M. Bongrand, A. Laurent, G.Defferre, M. Bleustein-Blanchet et G.Houriez.

* 75 Comme le précise ALBOUY SERGE dans son ouvrage, les mutations des années 1950-1970, qui consacrent l'arrivée d'une nouvelle société où les médias, notamment la télévision, occupe une place centrale, poussent les politiques à s'adapter aux modalités du nouveau média et à se soucier du regard de l'opinion publique sur l'image que renvoient les personnalités politiques. Consulter sur la question, ALBOUY SERGE, Marketing et communication politique, Paris, Ed. L'Harmattan, Logiques sociales, 1994, 340pp.

* 76 Au cours des années 1970, le débat politique télévisuel s'installe définitivement comme mode de médiation.

* 77 Sur cela consulter l'ouvrage de GINGRAS ANNE-MARIE, La Communication politique : Etats des savoirs, enjeux et perspectives, Québec, Presses Universitaires du Québec, Le Delta, 2005, 275 pp.

* 78 On estime qu'au cours de la décennie 1970-1980, le taux d'équipement passe de 70% à 90%. Par ailleurs, selon un sondage IFOP datant du 2 Février 1974, 2 Français sur 3 déclarent que la télévision est leur première source d'informations sur la vie politique française.

* 79 Précisons, que VGE a depuis bien longtemps le rôle des médias sur l'image, ainsi On l'a ainsi vu successivement filmé en pull-over (5 février 1964), regagner son bureau de la rue de Rivoli en métro ou à pied, jouer à l'accordéon Je cherche fortune ou participer à un match de football à Chamalières.

* 80 Phrase prononcée par VGE lors du débat de l'entre-deux-tour, qui l'opposa à François Mitterrand, sur l'ORTF le 10 Mai 1974. Source : http://www.ina.fr/media/petites-phrases/video/I00017840/valery-giscard-d-estaing-vous-n-avez-pas-le-monopole-du-coeur.fr.html. Archive INA.

* 81 Un sondage de l'époque donne Giscard vainqueur à 47% contre 38% pour Mitterrand. Voir également DELPORTE CHRISTIAN, « Le face-à-face télévisuel », colloque Parole et médiation, École française de Rome, décembre 1999 (à paraître) ; Jean Pierre Esquénazi, Télévision et démocratie, Paris, PUF, 1999.

* 82 L'emploie du « Je » en politique permet davantage une implication et provoque une forme de proximité. En revanche, le « Nous » est beaucoup plus impersonnel. Sur cette question voir : JERECZEK-LIPINSKA JOANNA, «  De la personnalisation dans la communication politique : L'effet du « je », Synergie, N°4, 2007, 147-155pp.

* 83 Voir l'émission à cette adresse http://www.ina.fr/video/I10026960/vge-a-propos-des-difficultes-des-francais-et-des-immigres.fr.html. Source : Archive de l'INA.

* 84 Voir l'émission à cette adresse : http://www.ina.fr/media/petites-phrases/video/CAF94054946/valery-giscard-d-estaing.fr.html. Source : INA Archives.

* 85 Depuis 1965, la campagne électorale officielle attribue à un candidat, à chaque tour de l'élection, un temps d'antenne déterminé pour se présenter aux Français.

* 86 Un sondage de la SOFRES montre qu'après la multiplication des meetings et des interventions télévisées du candidat J.Chirac, en a découlé une montée spectaculaire dans les sondages. Source : http://www.france-politique.fr/sondages-presidentielle-1995.htm.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon