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Ecriture romanesque post-apartheid chez J.M. Coetzee et Nadine Gordimer

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par Ives SANGOUING LOUKSON
Université de Yaoundé I - Master2 0000
  

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SIGNIFICATION DE GET A LIFE ET

D'ELIZABETH COSTELLO À LA LUMIÈRE DE THE OTHER SIDE OF SILENCE ET WAYS OF DYING

Lorsqu'Émile Benveniste fait observer « qu'il y a en fait beaucoup de manières de considérer (...) une oeuvre et qu'il n'y a pas qu'une manière de comprendre un auteur »161(*), il suggère comme critère de compétence chez le critique sa capacité à convoquer diverses approches d'analyse de l'écriture, à condition qu'elles soient pertinentes pour le texte à étudier. Aussi, m'appuierai-je, pour analyser The other side of silence et Ways of Dying, sur la conception de l'écriture d'après Gérard Genette dans Figures II :

Ce qui, écrit-il, définit pour nous l'écrivain, par opposition au scripteur ordinaire, celui que Barthes a nommé l'écrivan, c'est que l'écriture n'est pas pour lui un moyen d'expression, un véhicule, un instrument, mais le lieu même de sa pensée. Comme on l'a déjà dit bien souvent, l'écrivain est celui qui ne sait et ne peut penser que dans le silence et le secret de l'écriture, celui qui sait et éprouve à chaque instant que lorsqu'il écrit, ce n'est pas lui qui pense son langage, mais son langage qui le pense, et pense hors de lui162(*).

En d'autres termes l'écriture est le cadre d'inscription de la pensée de l'écrivain, la pensée de l'écrivain s'y insère de façon consciente ou inconsciente. Peu importe le mode d'insertion du sens, l'essentiel est que ce sens ou cette pensée y transparaisse. Jaap Lintvelt et Marcel Proust n'en disent d'ailleurs pas autre chose lorsqu'ils affirment que « le moi de l'écrivain ne se montre que dans ses livres »163(*).

Pour analyser The Other side of silence et Ways of Dying de façon à ne pas négliger autant l'aspect conscient qu'inconscient de l'insertion du sens dans ces romans, je m'inspire des deux modalités de sens selon Émile Benveniste que sont la sémiologie et la sémantique164(*). Il s'agit, comme l'aurait dit Nadine Gordimer de rendre définitive par une méthode appropriée l'appréhension par Zakes Mda et André Brink des forces existentielles165(*) de la période post-apartheid, question non seulement d'éclairer Get a life et Elizabeth Costello, mais surtout de mettre en évidence la compatibilité des préoccupations idéologiques et politiques de Get a life avec celles d'Elizabeth Costello. Pour cela, j'étudierai séparément The other side of silence et Ways of Dying. Le but est de démontrer pourquoi ces deux romans autorisent de les envisager comme romans de deux écrivains sud-africains à la redécouverte de l'ordinaire pour emprunter ce concept à Njabulo Ndebele166(*). En d'autres termes, il s'agit de démontrer en quoi Get a life et Elizabeth Costello sont en conflit avec le roman d'André Brink et de Zakes Mda. Alors que pour l'étude de The other side of silence l'examen du langage indirect semble pertinent, le vouloir du personnage et la perspective narrative paraissent plutôt appropriés dans le cas de Ways of Dying.

III-1- Le langage indirect dans The other side of silence

Chez Gérard Genette, le langage indirect est un outil de lecture du roman qui confirme ou démontre la justesse de la thèse d'Henri Mitterrand. Ce dernier en effet, s'inspirant à son tour d'Erich Auerbach167(*) fait savoir que :

sous le mouvement superficiel des intrigues, de l'histoire avec petit h, l'histoire vécue par des personnages, un autre mouvement a lieu, celui de l'histoire avec un grand H, un mouvement presque insensible, mais universel et incessant, de sorte que la substructure politique, économique et sociale apparaît à la fois comme stable et chargée d'intolérables tensions168(*).

Genette justifie la raison d'être du langage indirect tout en soulignant l'importance dans l'analyse littéraire par l'incapacité de toute autre forme de langage à restituer parfaitement la vérité. « Si le langage premier, écrit-il, était véridique, le langage second n'aurait pas lieu d'être. C'est le conflit du langage et de la vérité qui produit (...) le langage indirect ; et le langage indirect, par excellence, c'est l'écriture, c'est l'oeuvre »169(*).

En d'autres termes, c'est le langage indirect qui assure au roman son réalisme au sens de Bertold Brecht170(*). S'intéresser au langage indirect dans le roman, c'est tenter de déterminer la vérité insérée dans ce roman dans une perspective paradoxale, c'est-à-dire en sachant que la vérité y « a pour condition (...) pour lieu, le mensonge : habitant l'oeuvre, (...) non en tant qu'elle s'y montre, mais en tant qu'elle s'y cache »171(*).

Voilà qui nous situe de nouveau dans des orientations méthodologiques similaires à celles explorées dans le chapitre précédent où il s'est agi, de démontrer que les catégories théoriques retenues étaient « des agents de transmission de l'information » 172(*) comme l'aurait dit Philippe Hamon. Aussi, importe-t-il de préciser que pour des raisons de convenance, je m'appuie plus particulièrement sur le concept de non-narré développé par Gerald Prince dans Narrative as theme, pour examiner le langage indirect d'André Brink dans The other side of silence. Le non-narré, « the disnarrated » est une appellation plus pratique du langage indirect. Il a l'avantage, comme l'écrit Gérald Prince de guider le lecteur « by constituting a model that allows texts better to define themselves, to specify and emphasize the meanings they wish to communicate and to designate the values they develop and aspire to »173(*).

Par non-narré proprement dit, il faut entendre tous les événements qui n'ont pas lieu bien qu'ils auraient pu se produire, mais auxquels le récit fait hypothétiquement, négativement voire indirectement allusion174(*). Le détour par le non-narré est pertinent pour l'analyse de The other side of silence d'André Brink parce qu'il me permet d'examiner les traces de l'Afrique du Sud dans ce roman qui, de prime abord, semble entretenir un rapport de solidarité avec Elizabeth Costello de John Coetzee. Seulement, contrairement à Elizabeth Costello où l'Afrique du Sud est explicitement prise en charge par le récit, dans The other side of silence, ce pays à la particularité de sembler être exclu de l'objectif d'André Brink alors qu'au fond il représente, sinon la raison d'être du roman, du moins une préoccupation majeure de The other side of silence. L'examen des traces de l'Afrique du Sud dans The other side of silence175(*) me permettra de démontrer pourquoi et en quoi André Brink dans ce roman traite plus que jamais d'une Afrique du Sud où il souhaite continuer de vivre au contraire de J.M.Coetzee qui s'est exilé en Australie.

* 161 Emile Benveniste, Problèmes de linguistique générale II, Paris, Gallimard, 1974, p. 39.

* 162 Gérard Genette, Figures II, Paris, Seuil, 1969, p. 22

* 163 Jaap Lintvelt et Marcel Proust, Contre sainte- Beuve, cité par J.M. Adam, Le texte narratif. Traité d'analyse textuelle des récits, Paris, Fernand Nathan, 1985, p. 174.

* 164 Emile Benveniste, Problèmes de linguistique générale II, op. cit., p. 21.

* 165 C'est ainsi que Nadine Gordimer définit la finalité de toutes les études littéraires. Voir à cet effet, Nadine Gordimer, Vivre dans l'espoir et dans l'histoire, Notes sur notre siècle, Paris, Plon, 2000, p. 158.

* 166 La redécouverte de l'ordinaire est un concept forgé par Njabulo S. Ndebele dans son ouvrage intitulé Rediscovery of the Ordinary, Essays on South African literature and culture. Ce concept souligne la rupture esthétique d'avec des modèles que l'Apartheid avait imposés aux artistes sud-africains. Ces modèles furent entre autre l'exhibitionnisme, le manichéisme, les absolus et rien d'intermédiaire. Redécouvrir l'ordinaire consiste autant à dénoncer les absolus ou les généralisations absurdes que l'Apartheid a contribuées à institutionnaliser dans la littérature sud-africaine ou dans la société tout court qu'à explorer ou traiter des thèmes intermédiaires entre les races, les classes, les sexes ou les rôles sociaux. Entre autres thèmes intermédiaires on compte l'humour, la mort, l'amour, la relativité de la vérité ou la véritable diversité. Voir à ce sujet l'interview que Njabulo Debele a accordé à Denise Coussy dans Notre Librairie, Littérature d'Afrique du Sud1, N°122 Avril-juin 1995, pp. 62-67.

* 167 Erich Auerbach, Mimesis. La Représentation de la réalité dans la littérature occidentale. (Trad. Française), Paris, Gallimard, 1968, pp.478 et ss.

* 168 Henri Mitterrand, Le discours du roman, Paris, Puf, 1980, p. 7.

* 169 Gérard Genette, Figures II, Paris, Seuil, 1969, p. 294.

* 170 Pour Brecht, un roman est dit réaliste lorsqu'il dévoile la causalité complexe des rapports sociaux, B. Brecht, Sur le réalisme, cité par Philippe Hamon, « Un discours contraint », in Gérard Genette. Tzvetan Todorov (s/d), Littérature et réalité, Paris, Seuil, 1982, p. 159.

* 171 Gérard Genette, Figures II, op.cit., p. 192.

* 172 Philippe Hamon, Le Personnel du roman, op.cit., p. 106.

* 173 Gerard Prince, Narrative as theme, London, University of Nebraska press, 1992, p. 38.

* 174 Voir Gérald Prince, Narrative as Theme, op.cit., p. 30.

* 175 Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle OS suivi de la page et placées entre parenthèses dans le corps du texte.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand