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Ecriture romanesque post-apartheid chez J.M. Coetzee et Nadine Gordimer

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par Ives SANGOUING LOUKSON
Université de Yaoundé I - Master2 0000
  

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CONCLUSION GÉNÉRALE

L'étude de l'écriture romanesque post-apartheid chez J. M. Coetzee et Nadine Gordimer se donnait pour objectif de vérifier l'hypothèse que Get a life et Elizabeth Costello réarticulent l'indifférence de leurs auteurs vis-à-vis des infortunes des Non-blancs en général, des indigents sud-africains en particulier. L'ambition implicite était de voir si l'on ne pouvait pas néanmoins partir de cet hermétisme de deux prix Nobel de littérature face aux indigents, pour mesurer les défis à relever pour en finir avec le racisme en Afrique du Sud. C'est ainsi un travail qui s'inscrit dans le cadre des études-bilans et surtout prospectives des possibles pour court-circuiter le racisme dans une Afrique du Sud où il est plus que jamais d'actualité bien que sous un nouveau jour.

Le culturalisme au centre des cultural studies a permis de situer J.M. Coetzee et Nadine Gordimer dans le groupe dominant. La localisation de J.M. Coetzee et de Nadine Gordimer dans le groupe dominant a déjà constitué l'objet de plusieurs recherches dont la plus récente que nous ayons pu consulter reste celle de Rita Barnard intitulée Apartheid and beyond. South African writers and the politics of place. Pour un examen efficace de l'écriture romanesque des textes constitutifs de mon corpus, la narratologie de Gérard Genette et de bien d'autres théoriciens a souvent été convoquée.

Par sa focalisation sur des romans d'écrivains sud-africains appartenant au groupe dominant, la démarche empruntée et l'ambition visée suggèrent que la critique littéraire ne saurait se confondre à l'opinion de J.M. Coetzee et de Nadine Gordimer. Le contraire a malheureusement eu tendance à s'imposer dans la critique littéraire en Afrique ainsi que le redoute fort opportunément Romuald Blaise Fonkoua. « Le danger qui guette, écrit-il, la critique africaine c'est qu'elle soit considérée comme le double de l'écrivain, le relais de son discours auprès d'un public »235(*).

C'est dire qu'Écriture post-apartheid chez J.M. Coetzee et Nadine Gordimer est une illustration de l'autonomie du critique littéraire par rapport aux écrivains. Nadine Gordimer soutient d'ailleurs la nécessité de cette autonomie bénéfique pour un plus large partage de la littérature. Elle fait en effet observer que  « décomposer un texte est d'une certaine façon une contradiction, car c'est en fait le recomposer à partir de ses morceaux, comme l'avoue Roland Barthes [...] Ainsi le critique littéraire finit-il par devenir lui aussi une espèce de conteur »236(*).

Ma recherche s'est détournée de la perspective de Jean Sévry et de Masizi Kunene. Ces deux chercheurs ont eu le tort de n'avoir pas envisagé le racisme en rapport avec le capitalisme occidental hégémonique. Le monde étant dangereux à vivre non pas à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire, comme l'aurait dit Albert Einstein237(*), il a fallu se risquer au défi. C'est pour cette raison qu'il ne s'est pas agi de regarder et de laisser seuls Jean Sévry et Masizi Kunene « comprendre et faire comprendre, aimer et faire aimer »238(*) la littérature sud-africaine. Il s'est plutôt agi de s'essayer à la critique littéraire avec pour toile de fond une Afrique du Sud où « imperialism consolided the mixture of cultures and identities on a global scale »239(*). Ce contexte post-apartheid a rendu la question de la race (couleur de la peau) autant désuette qu'ardue. Dans un tel contexte, le discours écologique au centre de Get a life et d'Elizabeth Costello constitue un mérite chez J.M. Coetzee et Nadine Gordimer qu'il serait injuste de ne pas reconnaître. En réalité, Noir ou Blanc, riche ou indigent, homme ou femme, adulte ou enfant chacun aujourd'hui, en Afrique du Sud comme partout dans le monde, a le devoir de s'accommoder au discours écologique. La vie de tous et de chacun en dépend d'une façon ou d'une autre.

Par ailleurs, la recherche soutient que la meilleure démarche, si l'on veut réellement combattre le racisme en Afrique du Sud, consiste à le concevoir comme une version du capitalisme eurocentriste et hégémonique. Car le racisme dans l'Afrique du Sud d'aujourd'hui défie toute configuration sur la base de la couleur de la peau. Il se déploie plutôt en des termes matérialistes ; ce qu'on pourrait appeler la discrimination qui laisse porte ouverte à l'exclusion sociale. Le racisme se traduit par exemple au-delà du hiatus entre une minorité noire qui a part au pouvoir d'achat à l'instar de Nefolovhodwe et une majorité abandonnée à elle-même comme le sont les amis d'Hanna X, Toloki et Noria dans les romans d'André Brink et de Zakes Mda. L'Afrique postcoloniale en général gagnerait sans doute si elle adopte une démarche critique similaire dans son combat du colonialisme. Sinon, toute l'énergie qu'elle dépense jusqu'ici à travers des organismes tels l'Union Africaine ou le NEPAD ne pourrait s'apparenter qu'à de pures spéculations.

En vérité, le racisme, le colonialisme, l'impérialisme et aujourd'hui le modernisme sont des versions aménagées conjoncturellement par le capitalisme mondial, encore appelé libéralisme. Ces idéologies s'adaptent avec le capitalisme selon des trajectoires variées, mais qui présentent de profondes convergences. Achille Mbembe parle d'une « concaténation et [d'] un enchevêtrement de configurations »240(*).

Que l'écriture romanesque post-apartheid de J.M.Coetzee et de Nadine Gordimer s'ouvre exclusivement à la classe bourgeoise, suggère que la domination en Afrique du sud et dans le monde en général est plus que jamais une question du présent. Dans le cas de l'Afrique du Sud, la domination blanche connue sous le nom de l'Apartheid s'est métamorphosée avec le passage de ce pays à l'ère post-apartheid, complexifiant davantage les choses. Contexte de l'Apartheid et contexte post-apartheid, « il s'agit du même théâtre, des mêmes jeux mimétiques, avec des acteurs et des spectateurs différents certes, mais avec les mêmes convulsions et la même injure » 241(*).

La partie que j'ai consacrée à cette métamorphose à travers la question de la dépersonnalisation du Noir, évoque les mécanismes mis sur pied pour biaiser le Noir et lui imposer des conduites semblables à celles de l'ancien colon Blanc en Afrique du sud. C'est un contexte qui dissout, recrée des barrières raciales et culturelles plus subtiles, multiplie à grande échelle et diversifie des agents de l'aventure spirituelle de l'Occident ; des esclaves des temps modernes pour emprunter cette formule à Albert Memmi242(*).

Le traitement réservé au Noir devenu maître de céans en Afrique du Sud, de même qu'il permet d'envisager les Noirs aux commandes comme des héritiers de l'Ancien maître, aide aussi à se rendre compte qu'il vaut mieux ne pas justifier toute violence chez le Noir par des contacts de l'Afrique avec l'Occident. La violence du frère à l'égard du frère mérite également d'être prise en compte dans le contexte actuel de l'Afrique du Sud. Il y va de la réalisation d'un projet commun, à savoir, l'Homme dans toute sa diversité c'est-à-dire sa richesse culturelle. Il s'agit alors de promouvoir un humanisme de la différence, celui qui passe non plus par la diabolisation du prochain, mais par une éthique du prochain. The other side of silence d'André Brink et Ways of dying de Zakes Mda ont eu l'avantage d'ouvrir ce débat et d'autoriser l'espoir d'une Afrique du Sud adaptée à son présent. Ceci suppose :

La seule bataille ; celle pour la réussite d'un projet global de société de la transformation de celle-ci sur tous les fronts. Appuyée sur une deuxième articulation : un type d'homme nouveau, désaliéné, qui fonderait de nouveaux rapports sociaux, une nouvelle culture. Ceci suppose un nouveau projet de société243(*).

Il s'agit là des défis à relever pour la restitution de l'Afrique du sud à ses véritables enfants que le Nobel ou le Booker Prize continuent d'ignorer. Ma recherche pourrait ainsi servir de point de départ pour une réflexion en Afrique du Sud post-apartheid, en Afrique post-coloniale en général sur la neutralité des prix littéraires étrangers. Dans cette optique, elle pourrait se décliner comme une espèce de plaidoyer pour l'institution littéraire authentiquement africaine, endogène et autonome. Dans une telle réflexion, on pourrait s'inspirer de l'extension et de la variation des catégories d'analyse formelle du roman que ma recherche fait valoir dans le traitement de mon corpus. Ainsi, s'apercevrait-on de la densité sémantique et sémiologique de la notion d'écriture romanesque que je ne prétends d'ailleurs pas avoir épuisée.

Au demeurant, une analyse systématique et complète des divers aspects du féminisme dans The other side of silence d'André Brink et de l'humour dans Ways of dying de Zakes Mda aurait sans doute permis de mesurer l'épaisseur thématique, idéologique et esthétique des romans d'auteurs sud-africains ne bénéficiant pas d'autant de renommée internationale que Nadine Gordimer et J.M. Coetzee. Telle est en effet une insuffisance de la présente réflexion, dont une tentative de prise en charge pourrait constituer des bases d'une réflexion future sur l'impopularité de l'écrivain sud-africain.

* 235 Romuald Blaise Fonkoua, « Naissance d'une critique littéraire en Afrique noire », in Notre Librairie n° 160 décembre 2005-février 2006, p. 11.

* 236 Nadine Gordimer, Vivre dans l'espoir et dans l'histoire. Notes sur notre siècle, Paris, Plon, 2000, p. 158.

* 237 Albert Einstein, cité par Lilian Thuram, Mes étoiles noires. De Lucy à Barack Obama, Paris, Éditions Philippe Rey, 2010, p. 280.

* 238 C'est de cette manière que Pierre Brunel présente la finalité de la critique littéraire, finalité que je partage. Voir à ce propos Pierre Brunnel, La critique littéraire,Paris, Puf, Coll. "Que sais-je ?", 2001, p.100.

* 239 Edward Said, Culture and Imperialism, New York, Vintage Books, 1994, p. 336.

* 240 Achille Mbembe, « Essai sur le politique en tant que forme de la dépense », in Cahiers d'Etudes Africaines », tome XLIV (1-2), 2004, p. 183.

* 241 Achille Mbembe traite précisément de la colonie et de la postcolonie. Voir Achille Mbembe, « La République et l'impensé de la race », in Pascal Blanchard, Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire, (s/d), La fracture coloniale. La société française au prisme de l'héritage colonial, Paris, La découverte, 2005, p 146.

* 242 Albert Memmi, L'homme dominé, Paris, Gallimard, 1968, p.140.

* 243 Georges Ngal, L'errance, Yaoundé, Clé, 1979, p.80.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery