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Ecriture romanesque post-apartheid chez J.M. Coetzee et Nadine Gordimer

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par Ives SANGOUING LOUKSON
Université de Yaoundé I - Master2 0000
  

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II-1-1- L'organisation des personnages dans Elizabeth Costello et Get a life 

Philippe Hamon propose un modèle d'étude de l'organisation des personnages composé de deux catégories : les personnages principaux et les personnages secondaires. Les premiers sont des personnages de premier plan. Ils assurent fonctionnellement la cohérence du récit. Les personnages secondaires se singularisent quant à eux de plusieurs manières :

ou bien il apparaît fugitivement, entièrement absorbé par un rôle ponctuel, épisodique et secondaire, à remplir ( par exemple assister à un enterrement d'un autre membre de la famille) ; ou bien il est simplement cité dans la parole d'un personnage ; (...) il est mis à une certaine « distance » du reste du personnel romanesque, il n'a aucune fonctionnalité narrative, il n'oriente ni ne fait avancer l'action, il ne modifie pas la trajectoire du personnage de premier plan qu'il contribue cependant, par sa seule présence, à mettre en relief107(*).

Étant donné que je m'appuie sur deux romans distincts, j'exclue d'emblée l'idée de procéder à un repérage exhaustif des personnages fussent-ils secondaires ou principaux. Je m'intéresse cependant à ceux qui, d'une manière ou d'une autre ont des points de ressemblances ou de divergences entre eux dans Elizabeth Costello et Get a life. L'idée c'est de montrer comment de l'organisation des personnages, il se dégage déjà quelques caractéristiques propres à chacune des écritures des deux romans. Je me sers de deux tableaux pour rendre compte de l'organisation des personnages dans chacun des deux romans :

Tableau I : Organisation des personnages dans Get a life108(*)  

Personnages principaux

Personnages secondaires

1-Paul Bannerman : Ecologiste blanc sud-africain, diplômé des universités et institutions américaines, anglaises avec une expérience professionnelle reçue dans des déserts, savanes et forêts de l'Afrique occidentale et de l'Amérique du Sud. Il est le mari de Berenice aussi appelée Beni. C'est par ailleurs le père de Nickie. Avant et après son cancer de la thyroïde, il se dévoue à la lutte pour préserver l'environnement en Afrique du Sud avec ses amis noirs Derek et Thapelo.

2-Lyndsay : Blanche sud-africaine âgée de 59 ans. Aussi appelée Lynd, elle est diplômée en droit public et Avocate des droits civils. Elle est la mère de Paul Bannerman. Elle décide, rejoignant à sa manière la lutte de Paul pour l'Afrique du Sud, d'adopter Klara, jeune fille adolescente contaminée par le VIH, recueillie par un hospice en Afrique du Sud.

3-Thapelo : Ancien détenu du régime raciste institué en 1948 en Afrique du Sud, ancien membre de la faction armée de l'ANC fondée par Nelson Mandela l'Umkhonto we Sizwe. Employé dans le récit de la même compagnie qui emploie Paul, Thapelo est l'un des meilleurs et efficaces compagnons de lutte de Paul Bannerman. Il rend visite à Paul chaque fois qu'il en a la possibilité pendant la quarantaine de ce dernier, lui procurant informations, presses ou journaux question que la quarantaine ne freine point leur lutte commune contre la destruction environnementale par le gouvernement Sud-Africain.

4-Derek : Avec Thapelo et Paul ils forment les bushmates. C'est un autre ami et collègue noir de Paul Bannerman qui est d'un apport important au groupe.

1-Adrian : Blanc sud-africain âgé de 65 ans. Il a longtemps été Directeur du matériel et des équipements d'agriculture dans le ministère y affairant en Afrique du Sud. C'est le père de Paul Bannerman et époux de Lyndsay. Paléontologiste, anthropologiste et archéologiste à ses heures, il quitte l'Afrique du Sud pour s'établir en Norvège avec Hilde, une compagne mexicaine de fortune qui apprendra à Lyndsay le décès d'Adrian à la fin du récit.

2-Benni : Diplômée en Management, agent publicitaire dans une firme internationale établie en Afrique du Sud. Elle est l'épouse de Paul Bannerman. Pendant la quarantaine de Paul, elle admet que Paul séjourne dans la maison parentale, celle de Lyndsay et d'Adrian, se contentant, elle, en l'occasion de lui rendre visite ou de l'appeler par téléphone.

3-Primerose : Servante noire, femme de ménage d'Adrian et de Lynd. Elle est chargée d'apprêter le repas à Paul. Elle apprend à Nicholas (Nickie) quelques bribes de la langue Zouloue et du Setswana.

4-Charlene Damons : Travailleuse Sociale noire. Elle est employée par le ministre de la sécurité sociale. C'est grâce à elle que Lynd fait la connaissance de Klara puisqu'elle accompagne Lynd pour la première fois dans l'hospice pour enfants abandonnés où Klara a été recueillie.

5-Stockhausen (compositeur allemand né à Mödrath en 1928 et considéré comme chef de l'école sérielle allemande) et Penderecki (compositeur Polonais, né à Debica en 1933. L'un des principaux représentants du mouvement « tachiste » en musique): Adrian est fan de ces deux artistes européens dont il souhaite imposer le goût à Paul et à Lynd.

Dans ce tableau qui permet de visualiser l'organisation des personnages dans Get a life, on peut observer la centralité du roman sur le combat pour l'amélioration des conditions de vie (écologiques, sociales...) en Afrique du Sud. Les personnages mis à une certaine distance par rapport aux personnages centraux, lorsqu'ils ne mettent pas en relief les traits caractéristiques fondamentaux des personnages centraux, aident à mieux comprendre pourquoi ils sont secondaires. Le départ physique d'Adrian et plus tard son décès en Norvège n'est peut-être que l'achèvement d'un processus commencé depuis longtemps avec son admiration des classiques occidentaux de la musique. Et qu'il soit le seul personnage à être frappé de mort symbolique n'est pas sans informer sur sa fonction de figurant parmi les autres personnages.

Elizabeth Costello, comparé à Get a life où les noms des personnages qui assurent « l'effet de réel »109(*) ne sont pas légion, semble avoir été conçu conformément à l'observation de Pierre Larousse à propos des noms employés en littérature.

Les noms, écrit Pierre Larousse, employés en littérature, sur la scène ou dans le roman, ont par eux-mêmes une physionomie, au point que la date d'une oeuvre littéraire est souvent visible dans les noms seuls des personnages (...) ; les auteurs contemporains, des plus grands aux moindres, se sont appliqués à donner à leurs personnages de ces noms qui constituent déjà, par eux-mêmes, une sorte d'individualité110(*).

Autrement dit, l'organisation des personnages dans Elizabeth Costello, permet au lecteur de constater de multiples correspondances entre les noms des personnages de la diégèse et des personnages ayant effectivement existés. Peut-être faut-il d'abord rendre compte de comment les personnages y sont organisés avant de décider de la signification de ces correspondances ou coïncidences.

Tableau II : Organisation des personnages dans Elizabeth Costello111(*)

Personnages principaux

Personnages secondaires

1-Elizabeth Costello : Ecrivaine australienne très célèbre et célébrée tant aux USA qu'en Europe. Elle est née en 1928 à Melbourne et est âgée de 66 ans au début du récit, laissant s'apercevoir que le récit commence en 1994, date de la tenue des premières élections multiraciales à l'issue desquelles Nelson Mandela devient le premier Président Noir en Afrique du Sud. Costello est l'auteur de 9 romans dont le plus célèbre est le quatrième The house on Eccles Street (1969). Costello, comparée à l'Europe ou aux USA où elle va répétitivement, va en Afrique du Sud deux fois seulement. La première fois lors d'une croisière ex cursive à bord du SS Northern Lights. Ici elle ne foule pas véritablement le sol sud-africain (Cape Town) car cette destination est donnée à titre indicatif par le narrateur. La deuxième fois c'est à Marianhill où travaille sa soeur aînée Sister Briget (Blanche). Elle y va pour prendre part à la cérémonie de remise des diplômes de Docteur es litterae humaniores à Briget par l'université de Johannesburg. S'inspirant régulièrement de Franz Kafka, Costello expose une vision végétarienne et écologique du monde et condamne les massacres des animaux par les humains, massacres que les derniers justifient par des besoins biologiques de consommation. Elle parle aussi beaucoup de littérature dans ses diverses communications de par le monde, suggérant toujours qu'elle est influencée par des théoriciens et penseurs occidentaux.

1-John Bernard : fils d'Elizabeth Costello, professeur de physique et d'astronomie à Apelton College à Massachusetts. Il est aux côtés de sa mère lors de ses séjours aux USA.

2-Norma : Épouse de John, diplômée (PhD) en philosophie mais sans emploi.

3-Francis Bacon : À la fin du récit, Elizabeth Costello lui affirme par courrier son estime et sa volonté de le servir, ses idéaux avec.

4-Franz Kafka, Machiavel, Swift, Galilée, Homère, Aristote, St Augustin, Descartes, Immanuel Kant, Platon, St Thomas, James Joyce, Montaigne, Wolfgang Köhler, Plutarque, Gandhi, Jeremy, Bentham, Camus, Hitler, Erasme, Martin Luther, Lorenzo Valla, Shakespeare, Dostoïevski, Marcel Proust et bien d'autres sont des auteurs, humanistes, religieux, philosophes, penseurs, chercheurs ou psychologues ayant influencé Elizabeth Costello lors de sa formation ou de ses recherches en tant qu'écrivaine. L'origine de la grande majorité de ces penseurs laisse entrevoir la vision du monde occidentale que la personnalité d'Elizabeth Costello traduit.

Un fait est remarquable avec les noms des personnages convoqués dans Elizabeth Costello. La quasi-totalité, en commençant par le personnage central, de par leur dénomination fait prévaloir des coïncidences avec la réalité qui ne s'auraient être négligées pour la compréhension du roman. C'est dans cette perspective qu'Elizabeth Costello se révèle être une construction personnelle de Coetzee partant des personnages réels que furent John Aloysius Costello et Elizabeth II.

Le premier, né en 1891 et mort en 1976 fut un homme politique irlandais. Il fit par exemple abroger la loi sur les relations extérieures, rompant les derniers liens avec le Commonwealth. La deuxième, elle, est née en 1926 et a été reine du Royaume Uni de Grande Bretagne et d'Irlande et chef du Commonwealth. Elle est considérée comme symbole de l'unité monarchique.

Francis Bacon et les penseurs ayant inspiré Elizabeth Costello sont autant de dénominations suggestives de l'angle sous lequel Coetzee place d'emblée son roman. Non seulement la nationalité de Costello lorsqu'on sait qu'elle est une création d'un Sud-Africain, mais surtout l'origine de ceux qu'elle considère comme ses devanciers ou ses inspirateurs induisent à constater une extraversion caractéristique du roman de J.M. Coetzee. Qu'à cela ne tienne, le moment semble propice pour souligner quelques lieux communs à Get a life et Elizabeth Costello à l'issue de l'organisation des personnages.

Get a life et Elizabeth Costello attestent explicitement de leur postériorité par rapport à l'époque de l'Apartheid. Le début d'Elizabeth Costello en 1994, année de la tenue des premières élections multiraciales en Afrique du Sud, et la situation d'ancien détenu de Thapelo pour avoir été membre de l'Umkhonto we Sizwe, en sont quelques repères chronologiques suggestifs de l'époque post-apartheid dont traitent ces deux romans.

Seulement, comme pendant l'Apartheid, on remarque chez Coetzee comme chez Gordimer, une incapacité à envisager un personnage central qui ne soit pas blanc. Sur ce sujet, il n'est pas exagéré de dire que malgré l'ère post-apartheid en cours en Afrique du Sud, Coetzee et Gordimer continuent de produire leurs romans comme si la métamorphose sociale n'avait point eu d'influence sur eux.

Aussi juste ou cohérente que puisse être cette conclusion, il n'en demeure pas moins qu'elle est susceptible d'être considérée à juste titre de hâtive et précoce, au regard de sa position par rapport à l'ensemble de ma réflexion. Peut-être que l'étude des modalités des personnages permettrait aisément de se rendre compte néanmoins de cette particularité commune à Get a life et à Elizabeth Costello qu'on ne saurait ne pas relever même précocement.

* 107 Philippe Hamon, Le personnel du Roman, op.cit., pp. .55-56.

* 108 Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle GL suivi de la page et placées entre parenthèses dans le corps du texte.

* 109 Roland Barthes signifie par ce concept la particularité qu'a le récit de prendre en charge le réel par truchement des descriptions, d'une certaine catégorie de noms ou de référents temporels, pourvu que le lecteur soit attentif et cultivé. Voir Roland Barthes, « L'effet de réel », in Gérard Genette, Tzvetan Todorov (s/d), Littérature et réalité, Paris, Seuil, 1982, pp. 81-89.

* 110 Pierre Larousse, cité par P. Hamon, Le personnel du roman, op. cit., p.109.

* 111 Désormais les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle EC suivi de la page et placées entre parenthèses dans le corps du texte.

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