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L'etre-là  africain et inculturation: essai d'une relecture théologique de Martin Heidegger pour l'Afrique

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par Roland TECHOU
Grand Séminaire Mgr Louis Parisot Tchanvedji Bénin - Baccalaureat en théologie 2010
  

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1.2.4- La philosophie herméneutique

Le cheminement que nous avons entrepris jusque-là n'a été qu'une reprise herméneutique de la question de l'être dans sa vérité. Cela pour percevoir à partir de Heidegger le véritable visage de l'être-là qui se pose comme un universel particulier dont l'Afrique a été privé. Ce manque a rendu impossible toute rencontre fructueuse avec le Sacré. S'insurgeant contre toute la tradition philosophique sur la question de l'être, Heidegger opère un retour aux sources qui devra lui permettre de considérer l'homme non plus comme pure pensée, mais comme un être au monde. Pour que l'être advienne en vérité, il faut une émergence de la pensée; pensée méditante qui est un «faire» capable d'accomplir la relation entre l'être lui-même et l'essence de l'homme. A cette herméneutique s'accordent aussi des philosophes africains ; il s'agit notamment de penseurs africains qui dans le souci d'élaborer une pensée qui répond aux préoccupations de l'Afrique actuelle, ne sauraient se passer de la sagesse africaine. Les philosophes herméneutes africains ont donc pour rôle d'interpréter la tradition à la lumière du présent. La sagesse africaine reste donc un patrimoine non négligeable dans l'élaboration de toute philosophie africaine. La philosophie africaine étant à élaborer selon le voeu de Nkombe, les herméneutes africains devront faire appel à une herméneutique où le sujet s'auto-implique. Car il s'agit là d'une relecture personnelle de la tradition non pour reconstituer la pensée des anciens, mais pour la réactualiser dans la systématisation actuelle en vue de la rendre efficiente au présent. On distingue un bon nombre d'herméneutes africains mais tous n'ont pas été fidèles à la pensée de Heidegger. Celui-ci s'inspirant du romantisme allemand a trouvé un écho retentissant dans les recherches de Okolo Okonda33(*). Dans ses problématiques accentuées sur le dialogue avec Heidegger, il cherche donc à rattacher le mouvement herméneutique au romantisme allemand formé par, Schleimarcher, Dilthey, Gadamer, Heidegger. Ce mouvement dont la préoccupation est de prendre en charge les faits de la culture et de la tradition selon leurs interprétations, de montrer que malgré la divergence de leurs crises, ces herméneutes européens s'accordent pour sauver, spiritualiser l'Europe. Sa finalité est d'amener l'être-là africain à interroger sa vision du monde, son idée de destin, l'encourager à faire éclater l'idée d'un destin, et la recharger à nouveau en partant de la situation herméneutique de l'être-là africain. Pour Okolo Okonda34(*) , le sens de la reprise herméneutique pour Heidegger est de sauver l'Europe de la destruction spirituelle et avec elle le monde entier. L'Afrique s'inscrit aussi dans cette même destruction spirituelle et devra pour ce, considérer la tradition sous les deux aspects heideggériens : la tradition comme transmission et la tradition comme création. La tradition transmission est ce qui ne correspond pas à l'Afrique en proie au sous-développement et à diverses crises. La tradition création ayant mis l'accent sur le progrès, est celui qui lui correspond le mieux. Okolo pense la tradition en thème d'un englobant de l'être-là de l'homme. Ce dernier ne s'enracine que dans une tradition. Celle-ci l'accompagne. Heidegger, laisse-t- il entendre, enracine la notion de tradition dans l'histoire de l'homme. La tradition authentique suppose un effort de «reprise» portant sur le passé et orienté vers le futur. D'où comprendre sa tradition ce n'est rien d'une répétition, mais une reprise des formes et des contenus afin de les intégrer dans un nouveau jeu de formes et contenus offert et par la tradition et par la modernité. Les réflexions du théologien WALTER Kasper sur la tradition nous paraissent ici judicieuses. La vie humaine note-il n'existe par principe que comme quelque chose qui est transmis au sein de la succession des générations. La tradition devient donc ce qui relie entre elles les générations qui se suivent. Une telle compréhension de la tradition implique le concept de vérité. Car, la vie humaine inclut la question du sens et de la vérité. C'est pourquoi la transmission de la vie comporte également la transmission de certaines manières de comprendre et d'assumer la vie.35(*) Bien souvent, la tradition est ciblée d'irrationnel Okolo pense donc qu'il faut avec l'appui de Heidegger réhabiliter la tradition en distinguant la tradition inauthentique de la tradition authentique. La tradition inauthentique, c'est l'idée bien fixe, sclérosée qu'une génération a de la tradition; une telle idée bloque tout apparaître de l'être. La vraie tradition est une transmission; elle est ce qui relie fondamentalement le passé, le présent, le futur. La tradition devient ainsi la manifestation et la représentation dans le temps et dans l'histoire de ce qui est éternel et qui demeure36(*). D'où la tradition est la volonté présente d'avenir ancrée sur le passé. C'est un enchaînement d'interprétation dont les oeuvres d'esprit constituent les noeuds. La tradition est l'écoute parlante et progressive de chaque être - là humain. En Afrique, note Okolo, l'ennemi de la tradition n'est pas l'autre tradition, ou la tradition elle-même, mais le phénomène de domination interne ou externe dont tout herméneute africain doit libérer la philosophie. Cette belle page sur la question éclaire mieux notre enjeu : « La tradition doit donc être comprise comme une unité d'acte et d'être, et de ce fait comme un processus dans lequel la tradition et l'interprétation sont liées. Nous ne possédons les traditions particulières que dans l'acte de l'appropriation, de la traduction et du renouvellement vivants.37(*) »

La référence à Heidegger en philosophie africaine si elle est radicale, n'est toutefois pas un dialogue. Il ne s'agit que d'un monologue du côté des africains, puisque Heidegger n'a dans sa pensée pour l'Afrique qu'une vision méprisante. C'est dans un souci de prouver que l'ontologie heideggérienne peut s'ouvrir à d'autres cultures que Antoine Dover a cherché à récuser les propos ethnocentristes des ethnologues occidentaux. Affirmant ainsi l'appartenance de l'Afrique à une mondialisation à visage humain qui respecte les spécificités culturelles de chacun, il s'insurge contre ces idéologies de la différence qui aliènent l'humanité. C'est pourquoi il faut procéder dès lors à la réconciliation de l'africain avec son essence créatrice d'avant colonisation. C'est là toute l'entreprise à laquelle nous nous attelons dans un effort de restituer la figure de l'être africain en mesure de créer par soi-même son dire théologique.

* 33 _ B. Okolo Okonda, « L'herméneutique chez Paul Ricoeur : instances et méthodes », in cahiers Philosophiques Africains, Lubumbashi, P.U.Z, n° 6, juil.-déc. 1974, pp 33-60.

* 34 _ B. Okolo Okonda «  Pour une philosophie de la culture et de développement. Recherches d'herméneutique et de praxis africaines, Kinshasa, P.U.Z 1986, P 33-46

* 35 _ Walter Kasper, La théologie et l'Eglise, Cerf, Paris 1990 ; p143

* 36 _ Walter Kasper, Op. Ci t, p. 146

* 37 _ Walter Kasper, Op. Ci t, p. 154

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand