3.3.1- De la négritude
à la mondialisation
Mouvement d'essence culturelle, la négritude affirme sa
foi dans les ressources de l'homme noir en vue de la valorisation de la culture
nègre. Dépassant le cadre strict de la production
littéraire et artistique,  le mouvement a un versant de revendication 
politique et sociale par rapport à l'indépendance de l'homme noir
 vis-à-vis de l'Occident. Elle s'est beaucoup plus limitée
à l'affirmation des valeurs nègres en général, et
la revalorisation de la couleur de la peau en particulier.  En ce sens son
combat est demeuré narcissique.  Les refus que les créateurs du
mouvement apportaient  à l'Occident étaient au départ des
refus occidentaux.  Ils triaient les valeurs occidentales,  refusant certaines
pour accepter d'autres, et finissent par  adopter une spécificité
africaine.  Comme on peut le noter sous la plume de ses initiateurs, 
Léon Damas crie sa révolte contre l'Europe, 
dénonçant l'assimilation forcée qu'elle impose aux peuples
qu'elle domine .  Aimé Césaire crie sa révolte contre les
clichés  racistes de l'époque où il voit les Antilles
malheureuses et sinistres rongées par la faim et la peur. 
Léopold S. Senghor dit l'exil et l'amertume de l'exil , le
désarroi  de l'africain transporté en Europe  au milieu des
choses étrangères et d'hommes auxquels on s'accorde mal. A ces
niveaux du combat,  la négritude est  restée une idéologie
romantique dont le noeud est l'affirmation de la peau noire comme aussi belle
que la peau blanche.  Or dans son enjeu de départ, elle aurait pu
dépasser ce cadre pour  s'étendre vers une maîtrise de
l'espace économique ou technologique porteur d'espoir,   un espace
politique démocratique formée d'institutions stables  et fortes.
Dans cette perspective elle reste  un mouvement où même les
Européens sont inclus et peut être  authentiquement un mouvement
nègre qui intègre le nègre comme autre, un homme dont
l'attachement aux  valeurs culturelles  reste une référence. Car,
le combat , le vrai était dans la capacité qu'a tout être
humain à créer , à dominer ou à libérer
l'espace dans lequel il vit.  Et c'est à ce niveau que Heidegger nous
intéresse dans ce débat. Avec lui s'ouvre le cadre de
réflexion où l'être-là  africain se
débarrasserait de l'option communautaire  de sa négritude  au
profit d'une «option  mondiale» de son être.  Il y a là
une vision du monde qui devra changer notre conception du destin et  nous faire
appréhender une nouvelle destination.  L'Afrique devra savoir comment
éclairer l'idée de destin , recharger le destin,  à partir
de la situation herméneutique des peuples  africains noirs, des
sous-développés qui luttent pour plus d'égalité et
de justice dans un monde en course à devenir un village
planétaire. La vision sartrienne de la négritude selon laquelle,
hors de la négritude point de salut ne saurait  trop nous aider dans ce
cheminement.  Dans son incapacité à aller au-delà de son
essence initiale la négritude n'a pas su dépasser le cadre
poétique et reste pour ce une idéologie qui a fait faillite parce
que trop ancrée dans la différence raciale et culturelle.
Incapable donc de se défaire du passé,  elle n'a pu être
actuelle c'est-à-dire incapable de répondre aux urgences
actuelles du continent. Le monde traverse aujourd'hui une ère nouvelle.
Et la réalité qu'est la mondialisation malgré toutes les
limites qu'on y trouvera,  embrasse l'économie comme une reformulation
logique du capitalisme. Le politique dans la reconquête de l'autonomie 
eu égard à l'influence prépondérante des
marchés  est l'impérieuse nécessité  pour un
équilibre socio-économique et politique du pays.  Dans une telle
ambiance,  la négritude loin d'être ignorée pourrait 
s'insérer  plus positive,  plus créatrice. 
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