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Les étudiants guinéens dans les universités de Montpellier entre intégration et repli

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par Mamadou Oury SOW
Université Paul-Valéry Montpellier 3 - Master 2 Recherche de sociologie 2013
  

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CHAPITRE II : CADRE NOTIONNEL ET THEORIQUE 

Section 1 : Cadre notionnel 

Raymond Arondans son ouvrage,les étapes de la pensée sociologique, citant Max Weber, écrit que :« En d'autres termes, la première règle de la méthodologie causale, en matière historique et sociologique, est de définir avec précision les caractéristiques de l'individu historique que l'on veut expliquer (...) Encore une fois, c'est parce que la réalité est confuse qu'il faut l'aborder avec des idées claires, parce que les types se mêlent dans la réalité qu'il faut définir rigoureusement chacun d'eux24(*)

Durkheim dans les règles de la méthode sociologique (1895), p.34 écrit : « Toute investigation scientifique porte sur un groupe déterminé de phénomènes qui répondent à une même définition. La première démarche du sociologue doit donc être de définir les choses dont il traite, afin que l'on sache et qu'il sache bien de quoi il est question25(*)

Le concept d'une recherche est une aide pour percevoir, mais aussi une façon de concevoir. Ce concept organise la réalité en retenant les caractères distinctifs et significatifs des phénomènes. Il doit ensuite guider la recherche, en lui procurant un point de vue de départ. Le plus souvent, la réalité d'un phénomène ne s'expose pas au chercheur dans son intégralité. Il doit préciser, pour certains éléments, concevoir, imaginer une hypothèse pour ce qu'il ne voit pas. « Le concept en tant qu'outil, fourni, non seulement un point de départ, mais également un moyen de désigner par abstraction, d'imaginer ce qui n'est pas directement perceptible26(*)

Le cadre notionnel ou conceptuel dans une recherche définit et analyse les notions ou les concepts opératoires du sujet à l'étude. Ainsi dans le cadre de cette étude, nous définirons et analyserons les notions suivantes qui sont en rapport avec notre sujet. Ce sont : le concept d'intégration, le concept de mobilité étudiante, le concept d'étudiant étranger, le concept de repli communautaire. Ces concepts seront analysés sous l'angle sociologique pour saisir les significations qu'ils ont pris dans le temps et selon les sociétés.

1-1. La notion d'intégration 

Le concept d'intégration est utilisé dans divers champs : politique, économique, sociale et relayé par les médias dans des thématiques aussi diverses que variées. Différentes autres notions sont associés à ce concepts pour rendre compte d'une pluralité de significations : dispositifs d'intégration, mesures d'intégration, politiquesd'intégration, modèles d'intégration, haut conseil à l'intégration en sont quelques-unes. Quelles sont les origines de ce concept ? Jean-Luc Richard écrit que:

Les vicissitudes de l'Histoire et les usages idéologiques passés de certains mots expliquent souvent la fortune et les infortunes des concepts utilisés par le grand public, ou dans des milieux plus restreints tel le champ académique. Dans les sciences de l'Homme, cela est particulièrement vrai pour le mot intégration et pour les concepts qui ont pu lui être substitués à différentes périodes. L'introduction significative de l'idée d'intégration sociale dans les sciences de l'Homme remonte à la fin du XIXe siècle, lorsque qu'Herbert Spencer y eut recours dans son ouvrage Principes de  sociologie ([1891] 1910). L'approche n'était pas dénuée d'un certain darwinisme social. Pouvant être appliquée soit à un système social, soit au rapport qu'entretiennent réciproquement un individu et un système social, l'intégration désigne un état de forte interdépendance ou cohérence entre des éléments ou bien des processus sociaux. Chacun à leur manière, les sociologues du XIXe siècle ont tenté de répondre à la question des formes modernes d'intégration, ou, a contrario, d'exclusion (une bonne synthèse des différents apports est fournie dans Thériault, 2003). En France, l'intégration est un concept qui fut d'abord utilisé, à la fin du XIXe siècle, dans la  sociologied'Émile Durkheim. Ce dernier a montré, dans ses différents ouvrages, et notamment dans Le Suicide ([1897] 2004), qu'un lien négatif existait entre fréquence de l'anomie sociale (et fréquence du suicide) et la force de l'intégration des individus dans la  société par l'intermédiaire de leur appartenance à des groupes sociaux dont certaines institutions favorisent la structuration (Églises, mouvements organisés, familles)27(*).

L'intégration sociale est le processus par lequel un individu devient membre d'un groupe social, ou un groupe social membre d'une société. L'intégration sociale suppose (d'une part) que l'individu soit accepté et reconnu comme membre par le groupe et (d'autre part) que l'individu développe un sentiment subjectif d'appartenance au groupe.

Il faut donc à la fois que la société intègre, et que les individus aient la volonté de s'intégrer. Les études sur l'intégration des immigrés révèlent toutefois que les opportunités offertes par la société d'accueil sont déterminantes. E. Todd parle même de "toute puissance de la société d'accueil". Pour Jean Pierre Malrieu,

L'intégration sociale n'est réelle que lorsque l'individu se voit doté de ressources matérielles et culturelles lui assurant les moyens d'une participation à la vie sociale. Par exemple, la possession de moyens financiers d'existence est aujourd'hui une condition de la sociabilité. La possession d'un certain niveau culturel est requise pour pouvoir exercer pleinement son rôle de citoyen. Il n'y a donc pas d'intégration sociale possible sans un minimum d'égalité. L'intégration sociale s'oppose à la marginalisation, ou à l'exclusion sociale, mais aussi à la stigmatisation, aux discriminations28(*).

La cohésion sociale, la force d'intégration d'une société se mesurent à sa capacité à intégrer les étrangers.« Même si le mot est tabou (on lui préfère le mot d'intégration), le modèle français est un modèle d'assimilation (adoption de la culture française par les immigrants). Ce modèle se distingue du modèle multi culturaliste (Angleterre, Pays-Bas), qui vise au maintien des spécificités culturelles, et à la permanence des communautés.L'assimilation se mesure par l'adoption de la langue, par l'abandon des pratiques religieuses et des coutumes d'origine, et par les mariages mixtes29(*) ».

Quelques définitions de l'intégration.

Etymologiquement, du latin integrare, renouveler, rendre entier, l'intégration désigne le fait d'entrer dans un tout, dans un groupe, dans un pays, etc. (dictionnaire le Robert, 2010)

En sociologie, l'intégration est le processus ethnologique qui permet à une personne ou à un groupe de personnes de se rapprocher et de devenir membre d'un groupe plus vaste par l'adoption de ses valeurs et des normes de son système social. L'intégration nécessite deux conditions : une volonté et une démarche individuelle de s'insérer et de s'adapter, c'est-à-dire l'intégrabilité de la personne, et aussi la capacité intégratrice de la société par le respect des différences et des particularités de l'individu.

Le haut Comité à l'intégration, qui traite notamment des questions de l'immigration et de la présence de populations étrangères sur le territoire national français, définit l'intégration en ces termes  « l'intégration consiste à susciter la participation active à la société tout entière de l'ensemble des femmes et des hommes appelés à vivre durablement sur notre sol en acceptant sans arrière-pensée que subsistent des spécificités notamment culturelles, mais en mettant l'accent sur les ressemblances et les convergences dans l'égalité des droits et des devoirs, afin d'assurer la cohésion de notre tissu social30(*)».

Dans le contexte de notre étude, l'intégration des étudiants Guinéens au sein de l'université est conçue comme le processus par lequel et à travers lequel, ces étudiants réussissent à participer pleinement aux activités culturelles et scientifiques de l'université en se sentant comme membres effectifs de ce milieu. Pour cela nous supposons qu'il faut deux conditions essentielles : leur volonté d'abord de participer, ensuite les opportunités qui leur sont offertes par l'institution elle-même (leurs condisciples français, le corps professoral, le personnel d'encadrement et les responsables des services techniques tels que ceux du CROUS). En tant qu'étrangers, ces étudiants arrivent à l'université avec des valeurs, des habitudes qui généralement demandent des réajustements pour s'adapter. Il leur faut pour cela une volonté de les réajuster d'une part mais aussi une acceptation des différences et un rapprochement par les membres de l'institution et des collègues.

Ces étudiants seront victimes de marginalisation, d'exclusion ou de rejet au sein de l'institution, quand les différences ne sont pas acceptées. Ainsi, l'université peut créer des conditions qui facilitent l'intégration par la mise en place de structures d'accueil, d'écoute et d'orientation pour comprendre les problèmes auxquels ils sont confrontés et favoriser leur implication dans les activités culturelles et scientifiques. Un traitement égalitaire par exemple entre étudiants Français et étudiants étrangers par les professeurs ou l'encadrement pédagogique permettrait une hausse du niveau d'intégration des étudiants étrangers. Et un faible niveau d'intégration de ces étudiants peut les conduire au repli communautaire.

1-2. La notion de repli communautaire 

Le premier sens du mot `'repli'' ramène à un mouvement de retour en arrière, une régression. Ainsi dans le domaine économique, on parle de repli des marchés financiers, des exportations etc. Dans le langage sociologique le concept est généralement accompagné d'un autre substantif qui est celui d'identitaire ou communautaire. La nécessité se pose alors de comprendre les notions d'identité et de communauté, pour analyser et comprendre notre concept opératoire de repli communautaire. Pour André AKOUN et al,

La notion d'identité occupe une place importante qui n'est pas de pure théorie, dans les questions d'immigration, d'intégration, de résistance culturelle, etc. dans la mesure où l'appartenance à un groupe, à une culture, à une société est une façon de construire sa propre image de soi, on comprend que des problèmes se posent à un groupe qui se trouve immergé dans une société où il ne se reconnait pas. Des logiques et des conflits surgissent alors, qui vont de la volonté d'intégration à la société nouvelle à la volonté contraire de résistance et de maintien de l'identité originaire.La mode est aujourd'hui de parler de crise d'identité dans nos sociétés, et en réaction à cette crise, d'une exacerbation identitaire qui substitue, à une identité collective jusqu'alors profondément vécue, le repli sur des familles idéologiques, des bandes, des sectes, des tribus etc. il s'agit là d'interrogation sur des formes spécifiques d'anomie - laquelle est toujours une maladie de l'identité par un affaiblissement des solidarités qui pourraient naître31(*).

Le repli identitaire serait alors un retour pour un individu ou un groupe social à des valeurs culturelles propre à son groupe social d'appartenance. Il intervient généralement pendant des moments de crise ou de conflit de quelque nature que ce soit. Il peut s'agir de conflit entre sectes différentes au sein d'une même société, où certains groupes tentent d'imposer à d'autres leurs valeurs. Dans ces conditions-là, ce repli est semblable à un mécanisme de défense pour se protéger contre un envahissement ou une domination par d'autres groupes.

Il peut tout aussi être dû à un défaut d'intégration. Dans ce cas quand un individu ou un groupe social se trouve mêlé à d'autres individus ou groupes, sans pour autant être accepté et reconnu dans ses valeurs par le groupe ou la société d'accueil, s'ensuit alors un repli de type identitaire ou communautaire.

La communauté se distingue de la société en ce sens que, selon Durkheim, dans la communauté, le lien social est fondé sur la ressemblance, il parle dans ce cas de solidarité mécanique. Tandis que dans la société, le lien social est fondé sur l'interdépendance ou la complémentarité entre individus. La solidarité est de type organique. On peut comprendre qu'à l'intérieurd'une société peuvent exister plusieurs communautés. Et c'est là qu'il arrive des situations qui conduisent à des replis de type communautaire. Dans la société Française par exemple, coexistent des communautés plus ou moins différentes selon les cultures (on parle de la communauté Malienne de France, de la Communauté Sénégalaise ou Guinéenne de France etc.). Et c'est dans les universités que l'existence de ces communautés est plus visible et identifiable. C'est dans cette optique qu'on entend parler des Associations telles que : l'Association des Guinéens de Montpellier, l'association des Mauritaniens etc.)

Dans le cadre de notre étude, le repli communautaire s'explique par le fait que les étudiants étrangers et notamment les étudiants guinéens à Montpellier se tournent vers leur association où ils se sentent plus à l'aise et comme membre à part entière. Ce repli ne doit pas être vu sous le seul angle de volonté de se rapprocher de sa communauté, mais il doit être vu aussi sous l'angle d'une faiblesse d'intégration au sein de leur université ou en générale, dans la société française. L'association devient par là un lieu de refuge voir même de protection. Cela se justifie par la faiblesse de leur participation aux activités culturelles et scientifique de l'université, par ce qu'ils n'y sont pas invités, où ils n'en ont pas entendu parler, donc non informés de ces événements. Sachant d'autant plus que même s'ils sont informés et qu'ils participent, leur relation avec les autres ne sont pas aussi évidentes. C'est pourquoi d'ailleurs, même dans les activités culturelles et scientifiques de leur université, il est fréquent de les voir dans la plus part des cas ensemble. Entrer, sortir, danser et repartir ensemble.

Par contre, ces étudiants sont pleinement engagés et participent activement aux activités de leur association, dans la mesure où, à l`intérieur de cette association, ils se sentent concernés, impliqués et donc il n'y a de place que pour le plaisir à y participer.

Ce repli de type communautaire se manifeste aussi dans les restaurants universitaires, dans les cités universitaires, dans les bibliothèques que de simples observations permettent de justifier.

1-3. La notion de mobilité étudiante 

La mobilité en général traduit le fait pour les individus de se mouvoir dans l'espace géographique ou social. Les spécialistes parlent de mobilité physique, de mobilité sociale et même de mobilité virtuelle. C'est dans ce cadre que John Urry écrit que :

Le générique « Mobilités » couvre un large spectre de mouvements physiques s'exprimant à travers des temporalités diverses. L'on peut être debout, affalé, en train de marcher ou de se livrer à l'escalade, en train de danser ; le mouvement peut aussi s'effectuer au moyen de la technologie : bicyclette, bus, voiture, train, bateau, avion, fauteuil roulant, béquilles. L'étude des mouvements s'effectue en utilisant comme cadre de référence une journée, une semaine, une année, une vie. S'y ajoutent les mouvements d'images et d'informations sur support média multiple, de même que le mouvement virtuel lors de communications entre deux personnes, une personne vers plusieurs autres, ou plusieurs personnes entre elles au moyen d'ordinateurs sur réseau, à la technologie très avancée32(*).

La mobilité étudiante traduit au prime abord l'ensemble des mouvements dans l'espace géographique de cette catégorie particulière de personnes que sont les étudiants. On comprend dès lors, que ce phénomène ne concerne que ceux qui pour une raison ou une autre se déplacent de leur milieu géographique d'origine vers un autre en vue de satisfaire un besoin de formation intellectuelle. Cette forme de mobilité exclue ceux qui se déplacent pour des raisons de travail, de commerce ou pour des raisons politiques. Elle recouvre des mouvements à des échelles très variées. Il peut s'agir des mouvements à l'échelle locale, à l'échelle régionale, à l'échelle nationale ou à l'échelle internationale. Ces types de mouvement ont été observés à toutes les époques et dans toutes les sociétés.Dans le temps, la mobilité étudiante s'est fait remarquer surtout à partir du moyen âge.Verger Jacques en témoigne :

« Il est vrai que, d'une manière ou d'une autre, beaucoup de maîtres et d'étudiants du Moyen Âge ont dû se déplacer pour aller« aux études » au point que, même sans être universelle, la mobilité géographique a bien été un des éléments constitutifs dans la définition même de l'université médiévale. En fait, elle lui est même antérieure et a été précisément un des facteurs qui ont provoqué le passage des écoles de type ancien à l'université33(*).» et il ajoute aussi que :

La mobilité des hommes est en effet une réalité déjà bien attestée dans les écoles pré-universitaires du XIIe siècle. À partir du moment où certaines d'entre elles, les plus importantes étant évidemment celles de Paris et de Bologne, ont acquis une réputation qui s'étendait au-delà du cadre diocésain traditionnellement assigné par l'Église à l'activité des écoles cathédrales, des étudiants d'origine plus ou moins lointaine y ont afflué. Dans sa célèbre autobiographie, Histoire de mes malheurs, le breton Abélard, né au diocèse de La mobilité étudiante Nantes, retrace ainsi son errance scolaire, qui doit se situer autour de l'année 1100 : «Parcourant diverses provinces, toujours prêt à disputer, j'allai partout où j'avais appris que l'art de la dialectique était en honneur ... J'arrivai enfin à Paris. [Quelques années plus tard],voulant m'initier à la science des choses divines [la théologie] et comme dans cet enseignement, c'était Anselme de Laon qui faisaitautorité depuis longtemps, je me rendis auprès de ce vieillard ». Plus on avance dans le siècle, plus les exemples se multiplient, bien qu'on ne puisse, évidemment, dresser de statistiques précises. De nombreux clercs anglais, allemands ou italiens sont cités comme ayant fréquenté les écoles de philosophie et de théologie de Laon, Chartres et Paris. Dans les mêmes années, la réputation grandissante des écoles de droit de Bologne attirait non seulement des étudiants de toute l'Italie mais aussi de jeunes « ultramontains » ambitieux et fascinés par l'«attrait des leges ». À la mobilité des étudiants, fit bientôt pendant celle des professeurs ; quelques maîtres connus de Bologne, forts d'une réputation déjà internationale, allèrent ouvrir des écoles au-delà des Alpes : Placentin est attesté à Montpellier entre 1 166 et 1 192 et Vaccarius en Angleterre de 1 145 à la fin du siècle (6). Ces phénomènes migratoires ont vite pris une ampleur suffisante pour créer des difficultés pratiques et des problèmes juridiques. Des chroniques mentionnent que l'afflux des étudiants dans les principaux centres scolaires soulevait des questions de logement, de ravitaillement, d'ordre public. Les populations locales s'en irritaient mais ne se privaient pas, à l'occasion, d'exploiter les écoliers. Le droit urbain en effet, essentiellement coutumier, ne protégeait que les membres de la communauté urbaine ; les étrangers, ce qui était le cas de la plupart des étudiants, se trouvaient exposés sans vraie défense aux exactions des habitants et à l'arbitraire34(*).

De nos jours la mobilité internationale des étudiants est un phénomène visible. Il consiste pour un étudiant à quitter son pays d'origine pour aller poursuivre ses études dans un autre pays. Ce phénomène concerne tous les continents et presque tous les pays. Eugénie Terrier et al, nous donnent quelques chiffres pour illustrer la densité de ces mouvements en ce début du XXIème siècle. 

En 2004, 2,5 millions d'étudiants sont dans un pays autre que celui dont ils ont la nationalité, alors qu'ils n'étaient que 1,75 million cinq ans auparavant, ce qui représente une augmentation de 41 % depuis 1999 (OCDE, 2003 ; UNESCO, 2003). Le début du XXIe siècle est donc marqué par une importante augmentation du nombre d'étudiants étrangers dans le monde. Avec 10 % des effectifs mondiaux d'étudiants étrangers, la France est une des destinations préférentielles de ces migrations. Elle se trouve à la quatrième place après les États-Unis (23 %), le Royaume-Uni (12 %) et l'Allemagne (11 %). En 2004-2005, 255 591 étudiants étrangers poursuivent leurs études dans l'enseignement supérieur français (DEP, 2005), soit environ 95 000 de plus qu'en 1990 et 11,3 % de l'ensemble des étudiants du pays. Cet afflux d'étudiants étrangers pose des questions politiques, économiques, sociales et culturelles et bouscule les discours sur la tradition d'accueil de la France35(*).

Quand on parle tout court de mobilité étudiante, on pourrait réduirepar-là sa dimension internationale pour ne voir que les déplacements de type intra-Etat, donc des mouvements à l'échelle locale. C'est pourquoi, certains utilisent la notion de mobilité étudiante à l'internationale.Cette dernière semble recouvrir le phénomène dans toutes ses dimensions. Harald Schomburg et al, nous donne ici la signification de cette notion dans toute son acceptation.

Par mobilité étudiante à l'international, on entend plus particulièrement la mobilité géographique des étudiants vers des pays étrangers. On distingue au moins deux groupes d'étudiants mobiles à l'international : a) les étudiants étrangers (au sens de leur nationalité ou par le fait qu'ils sont nés dans un pays étranger) participant à un programme d'études dans le but d'obtenir un diplôme ; b) les étudiants temporairement mobiles, qui se rendent à l'étranger pendant leurs études uniquement pour une courte période (comme le programme Socrates/Erasmus). [...] En 2006, l'Academic Cooperation Association (Kelo, Teichler and Wächter 2006, pp. 15-16) a démontré que pour 32 pays européens :

· parmi les 19,4 millions d'étudiants en 2003 (année universitaire 2002/2003), environ 1,1 million étaient de nationalité étrangère, soit 5,8 % ;

· la nationalité de près de la moitié des étudiants étrangers, soit 2,9 % de l'ensemble des étudiants, était celle d'un autre pays européen ;

· environ 575 000 étudiants ont étudié à l'étranger, soit 3,1 % des étudiants ayant étudié dans leur pays d'origine ;

· environ 82 % des étudiants européens qui étudient à l'étranger (soit 2,5 % de l'ensemble des étudiants européens) sont allés dans un autre pays européen36(*).

Dans le contexte de notre étude, le concept de mobilité étudiante est utilisé pour désigner les mouvements dans l'espace géographique que les étudiants font dans nos sociétés actuelles. Il implique leur déplacement transfrontalier(d'un pays à un autre) pour une durée plus ou moins longue, en vue de suivre un programme de formation et d'obtenir un diplôme. Selon la distance, nous faisons allusion d'une part à ceux qui sortent de leurs continents pour d'autres. Ainsi, nous concevons la mobilité internationale des étudiants comme le fait par exemple pour un étudiant Africain, de se retrouver dans un pays soit en Europe, en Amérique ou en Asie pour poursuivre des études. Il en va de même pour un étudiant d'origine Asiatique qu'on retrouve dans un pays Européen, Africain ou Américain. Mais aussi pour un étudiant d'un pays Européen poursuivant ses études aux Etats Unis ou en Asie.

D'autre part, nous concevons ici le concept de mobilité internationale des étudiants, dans le sens du déplacement des étudiants d'un pays à un autre dans le même continent. Un étudiant d'origine allemande ou espagnole qu'on rencontre dans une université Française s'inscrit dans ce cadre, il s'agit là tout aussi de mobilité internationale d'étudiants.

Il est pris en compte ici pour traduire le fait que les étudiants africains et plus particulièrement ceux d'origine Guinéenne poursuivent leurs études aujourd'hui dans les différentes universités de Montpellier, donc loin de leur pays. Ils sont considérés pour cela comme étudiants étrangers.

1-4. La notion d'étudiant étranger 

Qu'appelle-t-on dans le contexte actuel « étudiant étranger » ?Ce vocable composé de deux mots pourrait mieux être compris si nous traitons ces mots séparémentd'abord pour ensuite les combiner afin de saisir toute sa signification. Ainsi, dans le langage habituel, le mot `' étudiant'' désigne toute personne inscrite dans un programme de formation universitaire. Il se distingue de l'élève en ce sens que ce dernier est considéré comme un apprenant, alors que l'étudiant est appelé à faire des recherches au-delà de ce qu'on l'apprend et ce, dans un domaine lié à sa filière d'enseignement. C'est pourquoi, il est courant d'entendre parler d'étudiant chercheur. Que disent les auteurs sur ce concept ? Anne-Françoise Dequire donne une définition large qui prend en compte l'essentiel des aspects qu'il recouvre.

Le terme « étudiant » est dérivé du latin studere signifiant « s'appliquer à apprendre quelque chose ». On le réserve généralement aux personnes intégrées dans un cursus scolaire. Dans de nombreux pays, notamment francophones, ce terme est traditionnellement réservé aux personnes engagées dans un cursus d'enseignement supérieur. Les nombreuses recherches effectuées sur les étudiants opèrent une distinction dans le monde de l'enseignement entre l'élève qui fréquente l'enseignement primaire ou secondaire, et l'étudiant qui fréquente un établissement d'enseignement supérieur. Selon F. Dubet[12] « quand se croisent la diversité du monde étudiant et la diversité de l'offre universitaire, il se forme un univers d'autant plus complexe que l'un et l'autre de ces ensembles ne se recouvrent pas nécessairement pour former des types d'étudiants nettement identifiables ». En effet, pour F. Dubet, il est très difficile de donner une définition de l'étudiant puisqu'aucun type idéal nouveau n'est venu bousculer l'héritier. Ce qui fait dire à O. Galland[13] « qu'en dehors de sa définition strictement scolaire, la condition étudiante est d'abord une manière de prolonger la jeunesse. Mais c'est bien, malgré tout, la poursuite d'études en commun qui donne son unité à ce groupe, même si celui-ci se fragmente en fonction des disciplines37(*)

Le concept a pris une signification plus étendue, surtout à partir du moment où des règlementations sont entrées en vigueur pour accorder à cette catégorie de personnes, un certains statut particulier. Ainsi dans chaque pays les étudiants représentent une catégorie de la population dont l'Etat assure un certain nombre de droits ou d'avantages et à partir de laquelle, on fait des mesures sur l'insertion socioprofessionnelle. Des organisations spécifiques existent dans chaque pays et qui défendentles conditions particulières de cette catégorie de la population, qui dans certains cas d'ailleurs, joue une grande influence sur les décisions politiques de leur pays.

En 1946, en France, des organisations étudiantes ont établi la charte de Grenoble créée par l'UNEF[14] fixant un statut d'étudiant avec des droits et des devoirs. Comme s'accordent à dire plusieurs auteurs, le statut d'étudiant ne serait que temporaire. C'est le cas d'A. Coulon[15] pour qui « le statut d'étudiant n'est qu'un statut provisoire qui à la différence d'un métier ne dure que quelques années. L'entrée dans la vie universitaire est comme un passage. Il faut passer du statut d'élève au statut d'étudiant. » Pour P. Bourdieu et J.-C. Passeron[16], les étudiants ne peuvent être comparés à un groupe social professionnel : « les étudiants peuvent avoir en commun des pratiques, sans que l'on puisse en conclure qu'ils ont une expérience identique mais surtout collective ». Et R. Boyer[17] d'ajouter que « l'entrée dans la vie étudiante procède certes d'une rencontre avec une nouvelle culture, la culture universitaire, mais aussi d'une rencontre avec un nouveau statut social, un nouvel environnement relationnel, un nouveau mode de vie qui, ensemble, contribuent à bousculer et redéfinir l'identité sociale et personnelle de l'étudiant38(*).

Quant au mot « étranger », il désigne au prime abord toute personne qui réside ou qui vit dans un pays autre que celui où il a la nationalité. Il prend plusieurs significations et son acceptation dépend du contexte dans lequel il est employé. On peut être étranger à un groupe, ou à une famille, quand on n'appartient pas à ce groupe ou à cette famille. Dans notre contexte nous utilisons ce concept en référence aux rapports entre pays différents, à la règlementation que chaque pays définit vis-à-vis de ceux qui n'ont pas la nationalité.

Nous pourrons à présent revenir sur notre concept d'étudiant étranger, pour le définir en premier lieu comme toute personne inscrite dans un programme de formation universitaire dans un pays autre que son pays d'origine. Mais, il est important de se rendre compte que l'origine ou la nationalité seraient insuffisantes à elles seules, pour rendre compte de ce concept vue les règlementations en vigueur dans chaque pays ou selon les conceptions des institutions internationales. Eugénie Terrier et al,écrivent ceci:

Que cela soit dans la conversation courante ou dans les rapports officiels, l'expression « étudiant étranger » est communément utilisée pour désigner les étudiants en mobilité internationale. Certains chercheurs (Slama, 1999 ; Aubert et al., 1996) ont mis en avant le caractère ambivalent de cette expression ainsi que le flou statistique et les difficultés logistiques qu'une mauvaise catégorisation statistique pouvait engendrer. L'exemple des étudiants étrangers illustre bien le recul dont le chercheur doit faire preuve par rapport à l'arbitraire des catégories statistiques, celles-ci étant parfois extrêmement éloignées des réalités sociales39(*).

La définition adoptée par l'UNESCO en 1999 considère qu'« un étudiant étranger est une personne inscrite dans un établissement supérieur d'un pays ou d'un territoire où elle n'a pas sa résidence permanente ».

Mais pour mieux le saisir, il serait important de connaître la règlementation en vigueur dans chaque pays, qui définit à sa manière l'étudiant étranger. Ainsi en France, la DEP (Direction de l'évaluation et de la prospective devenue Direction de la programmation et du développement DPD40(*)) (2005), service statistique du Ministère de l'Éducation nationale, définit l'étudiant étranger de la manière suivante « sont pris en compte dans les différentes enquêtes de recensement des étudiants inscrits en France ceux se déclarant de nationalité étrangère, ce qui inclut ceux ayant effectué leur scolarité du secondaire dans le système scolaire français. » Cette définition rassemble sous une seule appellation tous les étudiants n'ayant pas la nationalité française, soit deux groupes aux parcours de vie bien différents : les étudiants qui sont en mobilité internationale, c'est-à-dire ceux qui se rendent en France exclusivement pour leurs études, et les étudiants issus de l'immigration, n'ayant pas la nationalité française et dont les parents résident en France41(*) »

Dans le cadre de cette étude, nous utilisons cette notion pour désigner tous ceux qui sont inscrits dans les différentes universités de Montpellier et qui n'ont pas la nationalité Française. Il s'agit plus particulièrement des étudiants qui viennent de la Guinée et qui poursuivent leurs études à Montpellier. Ils sont étrangers en ce sens qu'ils sont obligés de se procurer du titre de séjour, pour étudier légalement à l'université.

* 24Raymond Aron, parlant de `' histoire et sociologie'' chez Marx WEBER, dans les étapes de la pensée sociologique, Gallimard, Paris, 1967, p. 512-522.

* 25Ibid. p 366.

* 26M. Grawitz, méthodes des sciences sociales, Dalloz, paris 1984, p.173 cité par Matichescu.

* 27 Jean-Luc Richardin le dictionnaire des sciences humainesde Sylvie Mesure, Patrick Savidan et Collectif , 4 octobre 2006.

* 28Jean Pierre Malrieu,« Immigration, citoyenneté et intégration nationale »vendredi 11 avril 2008. http://jp.malrieu.free.fr/SES702/article.php3?id_article=65 (décembre 2012)

* 29Ibid.

* 30 L'intégration à la Française, Rapport du Haut Comité à l'intégration, 1993.

* 31André Akoun et Pierre Ansart, Dictionnaire de sociologie, le Robert, Seuil, 1999.

* 32John Urry « les systèmes de mobilité », cahiers internationaux de sociologie1/2005 (n°118), pp. 23-35. URL : www. Cairn.info/revue-cahier-internationaux-de-sociologie-2005

1 - page-23.htm,consulté en novembre 2012.

* 33Verger Jacques. « La mobilité étudiante au Moyen Âge »,Histoire de l'éducation, N. 50, 1991. Éducations médiévales. L'Enfance, l'École, l'Église en Occident, Ve-XVe siècles, p. 65-90. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hedu_02216280_1991_num_50_1_2494, consulté en décembre 2012.

* 34Ibid.

* 35Eugénie Terrier et Raymonde Sechet, « Les étudiants étrangers : entre difficultés de la mesure et mesures restrictives. Une application à la Bretagne », Norois [En ligne], 203 | 2007/2, mis en ligne le 01 juin 2009, p.68. URL : http://norois.revues.org/1556,consulté le 30 décembre 2012.

* 36Harald Schomburg et Ulrich Teichler, « Mobilité internationale des étudiants et débuts de vie active », Formation emploi [En ligne], 103 | juillet-septembre 2008, mis en ligne le 01 septembre 2010, URL: http://formationemploi.revues.org/2411, consulté le 30 décembre 2012.

* 37Anne-Françoise Dequire « Le monde des étudiants : entre précarité et souffrance », pensée plurielle 1/2007 (n° 14), p.95-110, URL : www.cairn.info/revue-pensee-plurielle-2007-1-page-95.htm, consulté le 1er janvier 2013.

* 38Ibid.

* 39Eugène Terrier et Raymonde Sechet « les étudiants étrangers : entre difficultés de la mesure et mesures restrictives. Une application à la bretagne », Norois [En ligne], 203|2007/2, mis en ligne le 01 juin 2009, p 68. URL : http://norois.revues.org/1556, consulté en janvier 2013.

* 40Marie Duru-Bellat, les inégalités sociales à l'école. Genèse et Mythes, Paris, PUF, 2002, p. 5.

* 41Eugène Terrier et Raymonde Sechet, op. cit., p.60.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld